M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. La tempête Klaus a ravagé les Landes, une grande partie de l’Aquitaine et certaines zones des régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon le 24 janvier dernier.
Les dégâts sont considérables. Il en résulte un désastre écologique, économique, paysager et humain. Déjà, les communes, les conseils généraux, le conseil régional d’Aquitaine ont manifesté leur totale solidarité. Les moyens mis en œuvre sont et seront adaptés à la gravité du désastre.
Toutefois, les mesures annoncées par le Gouvernement jeudi dernier à Sabres, dans les Landes, afin de soutenir les secteurs de l’agriculture et de la forêt, nous semblent très insuffisantes.
La réponse apportée pour le secteur de l’agriculture – 25 millions d’euros débloqués pour les trois régions Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon – paraît satisfaire les responsables professionnels, même si sa mise en œuvre doit être précisée concrètement. En revanche, s’agissant de la filière bois, le compte n’y est pas.
En effet, ont été prévus : 600 millions d’euros de prêts bonifiés, et non pas de subventions, pour l’exploitation, le stockage et la vente des bois, prêts aujourd’hui non garantis par l’État, 300 millions d’euros seulement pour le nettoyage et le reboisement et 60 millions d’euros pour les aires de stockage.
Ainsi, tant les montants des aides annoncées que leur nature démontrent que le Gouvernement n’a pas pris la juste mesure du désastre économique et écologique qui vient de frapper, pour la deuxième fois, notre région.
M. Didier Boulaud. Ce pauvre gouvernement est dépassé !
M. Jean-Louis Carrère. Par ailleurs, le calcul des aides de l’État a été réalisé sur la base d’une surface de 137 000 hectares, alors que l’inventaire forestier national, indique que 550 000 hectares de forêt du massif landais ont été touchés au total, dont 300 000 hectares l’ont été à plus de 20 %.
Les sylviculteurs n’y trouvent pas leur compte et ils l’ont dit au Gouvernement. Ils sont très meurtris par l’absence de réponse de l’État à leur demande d’indemnisation.
La filière forêt-bois, dans son ensemble, attend des aides plus importantes et des modalités beaucoup plus précises et plus sécurisées de la part de l’État pour que puisse véritablement être mis en œuvre un plan ambitieux de reconstitution de la forêt et de redynamisation de la filière.
De plus, il est également indispensable de prendre les mesures attendues par les communes ayant subi très sévèrement la tempête et dont les capacités budgétaires sont gravement affectées.
M. le président. Mon cher collègue, veuillez poser votre question.
M. Jean-Louis Carrère. À quel moment le Gouvernement répondra-t-il concrètement aux attentes d’une population qui se tourne vers lui et demande que soit vraiment mise en œuvre la solidarité nationale ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, la tempête Klaus, que vous venez de décrire, a été aussi terrible que celle de 1999. Heureusement, elle a été moins meurtrière parce que les dispositifs d’alerte et de prévention ont fonctionné. (Manifestations de doute sur les travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Elle a été de moindre étendue !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Si, vous le savez bien, la prévention a été améliorée. Les réactions ont été bien meilleures qu’en 1999.
M. Jean-Luc Mélenchon. L’évolution des services publics n’a rien arrangé !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Monsieur Carrère, à partir du moment où tout le monde s’est mobilisé, il faut aller jusqu’au bout.
Le Président de la République s’est rendu sur place.
M. Jean-Louis Carrère. En Gironde !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Le Premier ministre a réuni les élus.
Nous avons eu recours aux mêmes dispositifs que M. Jospin en 1999. Nous ne les avions alors pas contestés, car ils étaient adaptés.
Pour l’agriculture, ont été débloqués 7 millions d’euros pour l’allégement des charges, 3 millions d’euros pour leur report, 6 millions d’euros pour l’indemnisation des pertes de production des éleveurs, 9 millions d’euros pour les élevages, 3 millions d’euros pour les abris.
M. Jean-Louis Carrère. Et la forêt ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Pour ce qui concerne la forêt, vous avez raison, 590 000 hectares ont été affectés dans le massif des Landes de Gascogne. En Midi-Pyrénées et en Languedoc-Roussillon, environ 150 000 hectares sont concernés.
Le Plan chablis, mis en œuvre avec les collectivités, les régions, les départements, bref, avec l’ensemble des acteurs, s’élève à 600 millions d’euros de prêts bonifiés, dont 500 millions d’euros bénéficient d’une garantie publique permettant de mobiliser les prêts bonifiés. L’État assure aux collectivités une garantie, de façon transitoire, pour une durée d’un an. Michel Barnier me demande de vous indiquer que l’État tiendra ses engagements.
Il affecte 60 millions d’euros aux plateformes de stockage, afin de sortir les bois et d’éviter le bleuissement, 300 millions d’euros à la reconstitution des boisements. Les ratios sont les mêmes qu’en 1999.
Enfin, Mme la ministre de l’intérieur a rappelé récemment à l’Assemblée nationale que les communes disposant d’une ressource forestière recevraient une compensation. L’État prendra en charge le chômage partiel. Les mesures fiscales d’aides ou de déductions sont les mêmes que celles qu’avait retenues le gouvernement en 1999.
Monsieur Carrère, l’État sera donc solidaire face à cette catastrophe, en partenariat avec les collectivités.
Permettez-moi de vous dire, en raison de mon expérience d’élu d’un département très sinistré en 1999, qu’à chaque fois que des guichets communs État-collectivités peuvent être mis en place – Jean-Pierre Raffarin l’avait fait dans sa région – on pourra gagner du temps et faciliter le règlement des problèmes.
En votre qualité de vice-président du conseil régional d’Aquitaine, vous savez qu’une réunion se tient aujourd’hui à Bordeaux avec l’ensemble de la filière, afin d’étudier la mise au point pratique des mesures retenues. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
mesures du sommet social en faveur de la famille
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille.
Le Président de la République a présenté à l’Élysée, le 13 février dernier, les grandes lignes de la politique du Gouvernement en matière familiale.
À cette occasion, il a annoncé devant les associations représentatives une adaptation de notre droit aux nouvelles réalités de la famille et réaffirmé que la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale constituait un objectif essentiel de son quinquennat.
Il a également proposé d’améliorer le congé parental pour permettre une meilleure insertion des femmes dans la vie professionnelle.
Il a, en outre, invité les partenaires sociaux à être plus actifs en matière familiale.
Hier, à l’occasion du sommet social, cette orientation voulue par le Président de la République s’est rapidement concrétisée, les partenaires sociaux ayant placé l’amélioration de la vie quotidienne des familles, qui se trouvent confrontées à la crise économique, au cœur des négociations.
Madame la secrétaire d'État, vous est-il possible de nous préciser les propositions concrètes formulées par le Gouvernement, à la suite de ce sommet, pour soutenir les familles, dont le développement harmonieux est garant de l’avenir de la nation ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille.
Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Monsieur Lefebvre, comme nombre de vos collègues, vous faites de la famille votre préoccupation première et lui accordez une attention constante. C’est d'ailleurs dans le département dont vous êtes l’élu que Brice Hortefeux est venu inaugurer, vendredi dernier, une halte-garderie,… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. En voilà une preuve !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. … ce qui montre, une fois encore, votre souci de faire de la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle une réalité sur le terrain.
M. Jean-Pierre Sueur. Cette visite a dû bouleverser les populations ! (Sourires sur les mêmes travées.)
M. René-Pierre Signé. C’est que, en matière de halte-garderie, Brice Hortefeux s’y connaît !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Monsieur Lefèvre, vous avez rappelé les engagements du Président de la République dans ce domaine.
Toutefois, ce qui me semble essentiel, c’est que, depuis le début de la crise économique que traverse notre pays, les familles ont été placées au cœur de toutes les politiques menées par le Gouvernement.
Qu’il s’agisse du plan de sauvetage des banques, qui permet de préserver leur épargne, ou du plan de relance de l’économie, qui garantit leur emploi, les familles sont au centre de nos préoccupations ! (Marques de scepticisme sur les travées du groupe socialiste.)
Lors du sommet social qui s’est tenu hier, le Président de la République a choisi, dans un souci de justice, de s’occuper d'abord des familles les plus fragilisées par la crise économique. (Mêmes mouvements.)
Pour parler clairement, nous devons penser à ceux qui sont victimes du chômage partiel et mieux les indemniser.
M. Charles Gautier. Le chômage, ce n’est pas la famille !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. C'est pourquoi l’activité partielle sera indemnisée à hauteur de 75 %, contre 60 % jusqu’à présent. (Exclamations continues sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Charles Gautier. C’est ridicule !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est une mesure ponctuelle !
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas une disposition nouvelle !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. En ce qui concerne l’accompagnement des jeunes, nous savons bien que, lorsque ceux-ci ont occupé des emplois en CDD, c'est-à-dire en contrat à durée déterminée, ils n’ont pas cotisé assez longtemps pour prétendre à une indemnisation chômage.
Nous avons donc décidé que, dès lors qu’ils prouveraient avoir travaillé plus de deux mois au cours des vingt-huit derniers mois, les jeunes toucheraient une prime de cinq cents euros, ce qui permettra, notamment, de répondre aux préoccupations des familles.
Nous envisageons également de supprimer le deuxième tiers provisionnel de l’impôt sur le revenu des plus modestes.
M. Charles Gautier. Tout est dans tout et réciproquement !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Cette mesure touchera plus de quatre millions de foyers, pour lesquels elle représentera un gain de pouvoir d’achat de 200 euros en moyenne.
M. Yannick Bodin. C’est insuffisant !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Toutefois, nous avons souhaité aller plus loin et répondre plus particulièrement aux besoins des familles par le biais d’aides ponctuelles au pouvoir d’achat.
Dès le mois de juin prochain, les familles qui respectent les seuils de ressources nécessaires pour bénéficier de l’allocation de rentrée scolaire toucheront une prime exceptionnelle de 150 euros.
M. Bernard Frimat. Vous avez bien lu le journal !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. En outre, comme il est important que les familles puissent accéder aux services à la personne, nous avons décidé qu’elles recevraient des bons d’achat d’une valeur de 200 euros destinés à de telles prestations. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Quelle générosité !
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas sérieux !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce sont des bons de charité !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. J’associe naturellement à cette mesure ma collègue Valérie Létard, puisque plus de 140 000 foyers comptant un enfant handicapé pourront bénéficier de ces bons de services.
Cette mesure permettra aussi à certains de retrouver un emploi, car ces bons de services seront mis à la disposition des pôles emploi. En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, il faut bien proposer des solutions aux personnes qui cherchent un travail et qui ont besoin de faire garder leur enfant !
M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d'État.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. En outre, 660 000 familles recevant l’allocation personnalisée d’autonomie pourront bénéficier de ces bons de services à la personne.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, toutes ces mesures d’aides, qui sont à la fois sociales et économiques, sont centrées sur les familles de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Organisation et régulation des transports ferroviaires et guidés
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, déclaré d’urgence, relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis le début des années quatre-vingt-dix, l’Union européenne, pour tenter d’enrayer le déclin du mode de transport ferroviaire par rapport au mode de transport routier, a adopté un texte de base, la directive 91/440, et, successivement, plusieurs directives constituant trois paquets ferroviaires relatifs, respectivement, aux infrastructures, à l’ouverture à la concurrence du fret, puis à celle du transport international de voyageurs.
La transcription en droit français d’une partie de ces directives est déjà intervenue. Ainsi, pour la séparation de la gestion de l’infrastructure ferroviaire et de celle de l’exploitation des services de transport, la France, en créant RFF, Réseau ferré de France, est même allée plus loin que la seule séparation comptable exigée par l’Union européenne.
Un établissement public de sécurité ferroviaire a été mis en place.
Des spécifications techniques communes ont été mises en œuvre en matière de signalisation et pour la construction de matériels moteurs pouvant capter plusieurs types de courant électrique.
Enfin, le monopole de la SNCF sur le service intérieur de marchandises a été supprimé le 1er janvier 2006.
Il reste à ce jour à transcrire une série de dispositions du troisième paquet ferroviaire ainsi qu’une partie d’une directive relevant du premier paquet.
Tel est l’objet de ce projet de loi, dans lequel sont prévues, tout d’abord, l’ouverture à la concurrence des services internationaux de transport de voyageurs à compter du 13 décembre 2009, ainsi que la possibilité, sous certaines conditions, de prendre et de déposer des voyageurs dans les gares françaises situées sur le trajet d’un service international.
En revanche, il n’y est pas prévu l’ouverture à la concurrence des services régionaux de transport de voyageurs, aucune directive européenne ne l’imposant aux États membres, non plus, d’ailleurs, que le règlement relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, dit règlement OSP.
Ce texte vise aussi à créer les conditions de développement des opérateurs ferroviaires de proximité, ce qui se traduit, notamment, par la fin du monopole de la SNCF pour l’entretien des lignes à faible trafic, réservées aux transports de marchandises.
Il tend, en outre, à créer une autorité administrative indépendante chargée de la régulation, c’est-à-dire de garantir un accès équitable et non discriminatoire des opérateurs aux réseaux.
Les deux derniers titres du projet de loi contiennent des dispositions relatives à des concessions routières et aux conditions de travail des personnels navigants de l’aviation civile.
Les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés estiment que ce projet de loi doit être précisé sur certains points, qu’il comporte trois oublis majeurs et, plus encore, qu’à l’instar de la directive qu’il vise à transcrire, il est inspiré par la croyance absolue que seule l’ouverture à la concurrence est de nature à développer les services internationaux de transport de voyageurs, croyance qu’ils ne partagent absolument pas.
M. Francis Grignon, rapporteur de la commission des affaires économiques. Ah bon ?
M. Michel Teston. Quelles sont les principales dispositions à préciser ?
S’agissant des dessertes intérieures de cabotage, il nous paraît nécessaire de préciser les critères sur lesquels l’autorité administrative compétente pourra s’appuyer pour être certaine que l’entreprise ferroviaire concernée ne développe pas un service de transport de passagers transfrontalier aux seules fins de s’implanter, en réalité, sur les liaisons intérieures.
Il nous paraît également nécessaire de préciser, à l’article 1er, que RFF demeure l’unique gestionnaire du réseau ferré national, qui comprend l’ensemble du réseau, et que le qualificatif de « gestionnaire d’infrastructure » s’applique automatiquement à RFF, mais que les gestionnaires transitoires que sont les opérateurs de partenariat public-privé n’ont pas vocation à conserver cette qualité à l’issue du contrat de partenariat.
Le souci de préserver l’unité du réseau ferré national nous conduit aussi à proposer d’insérer dans la loi une disposition précisant qu’un opérateur de proximité ne peut en aucun cas devenir propriétaire d’une partie du réseau.
Enfin, il nous paraît logique que les concessionnaires d’infrastructures ferroviaires compensent financièrement, selon des modalités à définir, les préjudices socio-économiques que la réalisation de lignes à grande vitesse engendre pour les communes traversées. Ces demandes de précision feront l’objet d’amendements déposés par notre groupe.
J’en viens à la deuxième partie de mon intervention, relative à trois oublis majeurs de ce texte.
Alors que la loi du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs avait pour objectif l’organisation d’un véritable service public des transports, les mots « service public » ont disparu du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires. Étant attachés à l’intégrité du service public ferroviaire, nous proposerons donc de compléter, par ces termes, le 4° de l’article 1er.
En outre, le projet de loi ne contient aucune disposition visant à transposer la directive européenne 2007/59/CE, qui institue la certification des conducteurs assurant la conduite de train sur les réseaux de l’Union européenne.
À ma connaissance, cette directive ne soulève pas d’objection, car le permis de conduire européen – c’est ainsi qu’on l’appelle ! – est un véritable outil d’harmonisation sociale, permettant notamment de garantir un haut niveau de sécurité sur le territoire national, quels que soient les opérateurs ferroviaires. Nous déposerons donc un amendement pour introduire cette disposition dans le projet de loi.
Enfin, alors que l’endettement de RFF est identifié comme étant la principale difficulté en matière d’investissement ferroviaire, le texte ne propose aucune solution permettant le remboursement progressif de cette dette.
Il convient pourtant de clarifier les relations entre RFF et la SNCF. Pourquoi ne pas profiter du projet de loi pour le faire et revenir sur ce que certains ont qualifié de « raté » de la loi du 13 février 1997 ?
En effet, principalement préoccupé par la question de la dette ferroviaire, qui risquait de léser la France dans la perspective du respect des critères de Maastricht, le législateur français avait alors négligé la logique élémentaire.
Il en est résulté une véritable « usine à gaz » dans la mesure où RFF se trouve contraint, par la loi, de déléguer l’essentiel de ses missions à la SNCF, qui est, par ailleurs, un opérateur ferroviaire théoriquement à égalité avec les autres. Dans les faits, l’indépendance est certes « bruxello-compatible », mais elle n’est pas réelle, puisque des relations commerciales contraintes lient les deux entités, relations commerciales qui interpellent.
Dans son rapport sur l’organisation ferroviaire, Hubert Haenel parle même d’un « constat de carence de l’État en matière de gouvernance et de financement du système ferroviaire ». D’autres rapports apportent leur pierre au diagnostic d’extraordinaire complexité du système français et, parfois, des pistes de solution. Ainsi, le rapport de la Cour des Comptes d’avril 2008, intitulé « Le réseau ferroviaire : une réforme inachevée, une stratégie incertaine », et le rapport d’information n° 875 d’Hervé Mariton, publié en mai 2008 et intitulé « Les péages ferroviaires, pour quoi faire ? », s’accordent sur les mêmes constats : l’urgence est à l’adoption de dispositions de simplification et au remboursement de la dette de RFF.
À l’instar de ce qui a été fait en Allemagne, en Autriche et en Italie, la meilleure solution consisterait à mettre en place une holding coiffant RFF et la SNCF.
Cette organisation, qui semble fonctionner correctement dans les états précités, suppose néanmoins que l’État reprenne la dette de RFF– au moins 27 milliards d’euros – faute de quoi, celle-ci apparaîtrait dans les comptes consolidés de la holding, avec de lourdes conséquences pour cette dernière comme pour les deux filiales, notamment la SNCF, et ce dans un contexte caractérisé par la concurrence.
Cela m’amène à la troisième partie de mon intervention, qui porte sur la principale critique de notre groupe à l’égard de ce texte.
Nous considérons que le projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires, tout comme la directive qu’il a pour objet de transposer, est inspiré par l’idée selon laquelle il n’y a pas de salut pour les services internationaux de transport de voyageurs en dehors de la concurrence. Comme si la qualité du service ou encore la productivité était systématiquement liée à l’ouverture à la concurrence !
Force est de constater que les arguments sont rares pour justifier l’ouverture à la concurrence des services de transport de voyageurs. Pourtant, cette marche forcée, amorcée au début des années 1990, n’a jamais été remise en question, et ce malgré les expériences peu concluantes de quelques pionniers, en particulier la Grande Bretagne.
En outre, comme l’illustrent les nouvelles lignes directrices communautaires sur les aides d’État aux entreprises ferroviaires du 22 juillet 2008, cette libéralisation s’accompagne de tant de dérogations et autres entorses au principe de libre concurrence inhérentes aux besoins du secteur – qui vont du financement des infrastructures ferroviaires à l’aide à l’achat et au renouvellement du matériel roulant en passant par l’annulation de dettes, la restructuration de branches fret ou encore les aides pour la correction d’externalités négatives, etc. – que sa justification originelle est devenue difficile à défendre.
En réalité, on pourrait bien assister, à compter du service d’hiver de 2010, à un écrémage des lignes considérées comme rentables, avec une forte concurrence sur ces quelques linéaires pour lesquels une baisse des prix entraînera probablement une baisse de la qualité des services, l’emploi pâtissant également d’une telle évolution.
Les opérateurs historiques risquent bien d’être en difficulté, alors même qu’ils devront continuer à assurer le transport international de voyageurs sur les autres lignes, c’est-à-dire celles qui sont peu ou pas rentables. L’ouverture à la concurrence n’est donc pas la solution à retenir pour développer les services internationaux de voyageurs.
Les membres de notre groupe considèrent qu’une autre voie existait. Cette voie, que l’Union européenne a sacrifiée sur l’autel du libéralisme, était et demeure l’incitation à la coopération entre les grands opérateurs ferroviaires.
Ces derniers l’ont d’ailleurs bien compris, ce qui explique les rapprochements qu’ils opèrent en vue d’offrir des services qui, dans l’ensemble, fonctionnent correctement.
Tout le monde connaît ces services ! Il suffit donc de les rappeler brièvement : Eurostar pour les liaisons entre Paris et Londres, d’une part, et entre Bruxelles et Londres, d’autre part ; Thalys pour les liaisons entre Paris, Bruxelles, Amsterdam et Cologne ; Lyria pour les liaisons entre Paris et Genève, Lausanne, Berne, Bâle et Zurich ; Alleo pour les liaisons entre Paris et Francfort, d’une part, et entre Paris, Stuttgart et Munich, d’autre part, ce service utilisant le tronc commun que constitue la première partie de la ligne à grande vitesse Est.
À partir de cette analyse, quel est notre état d’esprit au début de l’examen de ce projet de loi ?
Il est possible que nous parvenions, lors des débats, à un accord concernant la certification des conducteurs de train, gommant ainsi un des grands oublis du texte.
Par ailleurs, des avancées significatives sont-elles possibles quant à la clarification des relations entre RFF et la SNCF ? Le Gouvernement est-il prêt à mettre en place un échéancier crédible pour la reprise progressive de la dette de RFF ?
Même s’il en était ainsi, ce dont nous doutons, ces évolutions ne feraient pas disparaître la critique fondamentale que nous formulons sur la croyance absolue dans les vertus de la concurrence pour développer le transport international de voyageurs.
Nous sommes donc opposés à l’adoption de ce projet de loi.
Cette position ne nous empêchera pas de participer activement à la discussion des articles pour essayer d’éviter le vote de dispositions sur lesquelles il serait très difficile de revenir. Nous conservons effectivement l’espoir que l’Union européenne prendra un jour conscience du fait que le développement du transport ferroviaire de voyageurs sur notre continent passe par la coopération, et non par la concurrence, entre les opérateurs ferroviaires et qu’elle saura en tirer les conclusions nécessaires en changeant radicalement d’orientation. Ne dit-on pas souvent qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le président, je répondrai ultérieurement à tous les orateurs, dont M. Michel Teston, qui vient de s’exprimer à l’instant. Mais je voudrais tout de suite vous faire part de la proposition que je vous soumets à la suite de la discussion que j’ai eue, avant le début de séance, avec vous, ainsi qu’avec M. le président de la commission des affaires économiques et M. le rapporteur.
J’ai compris le souhait de la Haute Assemblée de poursuivre le débat en ma présence. Or, comme je l’ai indiqué ce matin au président du Luart, il m’est malheureusement impossible d’être parmi vous ce soir.
Par conséquent, avec l’accord de mon collègue le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, qui avait très amicalement accepté de me suppléer ce soir, je propose au Sénat de poursuivre ce débat aujourd’hui jusqu’à dix-neuf heures et de le reprendre, après les vacances parlementaires, le lundi 9 mars, l’après-midi et le soir.
Cela devrait nous permettre d’examiner tranquillement l’ensemble des amendements déposés, qui sont de qualité et qui devraient susciter un dialogue nourri entre le Gouvernement, la commission et les différents groupes.