M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’organisation territoriale de notre pays – nous l’avons dit tout au long de ce débat – est complexe ; au demeurant, elle est démocratique et décentralisée, la décentralisation étant désormais inscrite dans la Constitution !
Comme Pierre Mauroy, j’estime que le bilan qui a été dressé est sévère et, surtout, injuste. Les résultats sont meilleurs que les jugements qui ont pu être portés par nos collègues : les collectivités locales réalisent 73 % des investissements publics, tout en limitant leur endettement à 10 % de l’endettement public ; c’est tout de même intéressant !
Il se trouve que j’ai l’expérience d’un département rural : je peux donc en parler et même le défendre. Il est d’ailleurs plus facile qu’hier de parler du département et de l’espace rural ; il me paraît, en revanche, beaucoup plus difficile de parler aujourd’hui des métropoles, des régions, voire du « Grand Paris » !
L’espace rural, rappelons-le, rassemble les communes de moins de 2 000 habitants, soit 70 % du territoire, ce qui n’est pas rien. Monsieur Mercier, pour reprendre les termes employés dans votre intervention, on ne peut pas les considérer comme « le reste » ! (M. Daniel Dubois applaudit.) Ces communes regroupent 14,5 millions d’habitants, soit presque le quart de la population : ce n’est pas vide ! Pour des sénateurs, 51 % des communes françaises, ce n’est pas négligeable ! Enfin, ces communes accueillent 60 % de l’activité industrielle, soit deux tiers des emplois industriels. Qui le sait ? Qui le croit ? Vous pouvez le vérifier, c’est la réalité !
L’expérience de mon département, les Hautes-Pyrénées, m’a permis de mesurer la pertinence des dimensions de cet espace. La casse de l’outil industriel nous a amenés à perdre 10 000 emplois en dix ans : le GIAT, qui a représenté jusqu’à 3 200 emplois, a disparu ; Péchiney a fermé son usine : 1 500 emplois en moins ! Or, nous avons résisté et, en dix ans, nous avons recréé 10 000 emplois !
Mme Josette Durrieu. Les élus sont devenus des agents du développement local. Nous nous sommes emparés des outils que sont l’intercommunalité, la contractualisation, etc. Nous avons pris des initiatives, nous avons été créatifs : le département a joué son rôle et trouvé sa place ; c’est la raison pour laquelle, sur tous les territoires qui ont fait la même expérience, le département a été sauvé ! Je ne comprendrais donc pas que l’on refuse, aujourd’hui, de conserver sa clause générale de compétence.
Monsieur Retailleau, vous avez dit à juste titre que l’esprit de la décentralisation se poursuivait : ne perdons pas politiquement ce qui a fait la force, à un certain moment, de ces lois de décentralisation ! Elles évoluent, certes, mais restons dans la dynamique initiale !
Oui, les départements ont besoin d’une clause générale de compétence pour réaliser de nombreux projets : le haut débit, la gestion des déchets, etc. ; Surtout, cette clause offre de nombreuses possibilités d’ouverture : en permettant d’être collectivité « chef de file, en autorisant les délégations de compétences, la coopération, etc., toutes activités possibles, car elles relèvent de la gestion.
Le rapport d’étape entend faire du département le garant de la solidarité sociale et territoriale. Mais quelle mission assigner à la région ? J’ai beaucoup plus d’ambitions pour elle : son rôle ne peut se limiter à une action complémentaire. La préconisation n° 18 du rapport d’étape – « affirmation des départements dans leur rôle de garant des solidarités sociales et territoriales, et des régions dans leurs missions stratégiques et liées à la préparation de l’avenir » – est excellente, et j’en profite pour saluer le président et les rapporteurs de la mission temporaire. Quelle immense perspective ! Nous avons besoin de retrouver la cohérence et la force d’une région qui s’empare des missions stratégiques telles qu’elles ont été énumérées tout à l’heure par le rapporteur.
Quant à la réforme en cours, j’admets qu’elle devra toucher aux périmètres des cantons. En ce qui concerne les modes de scrutins, la page est blanche : Pierre Mauroy a eu raison de le dire, certaines bizarreries n’y ont sûrement pas leur place. En ce qui me concerne, en tant qu’élue d’un département rural, je pense qu’il faut conserver le lien le plus étroit entre l’élu, les citoyens et les territoires : la preuve de son utilité est faite !
J’évoquerai rapidement la question des moyens : le principe de libre administration des collectivités locales n’a de sens que si ces dernières disposent véritablement de moyens propres. Chaque niveau de collectivités doit disposer d’un « panier » d’impôts correspondant à ses compétences : pour le département, il s’agit sûrement de la fiscalité sur les ménages, en retenant l’assiette de la CSG, mais d’autres taxes devraient y être ajoutées. La péréquation est aussi inscrite dans la Constitution : verticale et horizontale, elle doit alimenter un fonds national.
Quant à l’État, je regrette de répéter un lieu commun : il doit cesser d’étrangler les collectivités territoriales ! Il doit cesser de leur faire financer des politiques décidées par lui, comme le revenu de solidarité active. Il doit également arrêter de les faire participer à des dépenses relevant de son strict champ de compétences.
M. Dominique Braye. Comme l’allocation personnalisée d’autonomie !
Mme Josette Durrieu. Disant cela, je pense notamment aux lignes à grande vitesse !
M. le président. Ma chère collègue, veuillez conclure !
Mme Josette Durrieu. Soyons donc vigilants sur ce point : les mécanismes de financement introduits par l’État sont susceptibles de réduire dangereusement la capacité d’autonomie des collectivités locales !
Pour conclure, monsieur le président, la décentralisation a libéré beaucoup d’énergies ; elle a placé l’élu au plus près des citoyens et des territoires, donnant ainsi tout son sens à la notion de proximité. La dynamique est engagée : elle emporte réellement et fortement une adhésion chaque jour plus large. Nous allons réformer – soit ! –, mais faisons attention ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. François Fortassin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je souhaite vous délivrer un message bref, mais exigeant.
Tout d’abord, madame le ministre, je souhaite que cette réforme en soit vraiment une – que l’on ne nous resserve pas de l’eau tiède ! – et qu’elle aborde les questions fondamentales, comme nous y invite le Président de la République : les différents rapports qui ont été rendus – j’en profite pour saluer le président, les rapporteurs et les membres de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales – devraient nous permettre d’y parvenir.
Nous devons enfin nous affranchir des réponses uniques aux problèmes d’organisation rencontrés par notre pays. Quelques-uns d’entre nous ont abordé cette question : une réelle diversité de besoins est apparue, s’agissant de l’organisation du Grand Paris, des métropoles, des collectivités d’outre-mer et de la prise en compte de l’espace rural.
L’élu de la Lozère et le président du groupe d’études du Sénat sur le développement économique de la montagne que je suis se doit de vous demander, mes chers collègues, au moment où vous réfléchissez avant d’aller plus loin – vous présentez en effet un rapport d’étape –, d’intégrer dans votre approche les besoins de l’aménagement du territoire résultant de l’apparition de nouvelles organisations.
Le principal mérite du rapport Balladur, avec sa proposition de créer un mandat de conseiller territorial, est de sortir du faux débat entre le département et la région. J’ai été président de région, je suis conseiller régional et maire d’une petite commune : il est fondamental que notre organisation future « colle » aux nouvelles réalités. Parmi elles, figure l’intercommunalité : les communautés de communes vont couvrir tout le territoire.
Je tiens à signaler, au passage, qu’il faudra permettre aux communautés de communes de mener plus d’actions en commun, sans qu’il y ait nécessairement fusion, notamment pour l’exercice de différentes compétences, comme le transport de l’électricité : les syndicats départementaux d’électrification ont fait leur temps, cette activité devrait peut-être être reprise par les intercommunalités.
J’approuve la création de ce nouveau mandat de conseiller territorial, mais je m’oppose à une élection au scrutin de liste à la proportionnelle, sauf peut-être dans les zones urbaines. Il faut en effet conserver le lien fondamental entre l’élu et son territoire ! Il faudra sans doute accepter de revoir la carte des cantons…
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Jacques Blanc. … en fonction de la carte des intercommunalités.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Jacques Blanc. Il sera également souhaitable – mais la question n’est pas encore tranchée dans votre rapport, mes chers collègues – que tous les conseillers territoriaux soient membres du conseil départemental et du conseil régional : n’allons pas créer des catégories différentes de conseillers ! Si l’on veut que la région porte réellement des ambitions fortes qui ne résultent pas de l’addition de volontés éparses mais qui correspondent aux réalités du territoire, si l’on veut qu’elle puisse être le véritable moteur de l’aménagement du territoire, comme le département est le moteur de l’aménagement rural, il faut avoir le courage d’accepter une refonte des territoires sur la base de l’intercommunalité et de l’élection au scrutin uninominal en zone rurale – on peut encore discuter du mode de scrutin dans les villes.
Surtout, abandonnons l’idée, peut-être bonne au niveau du Parlement mais inapplicable pour la représentation des territoires, selon laquelle le nombre de mandats doit être proportionnel au nombre d’habitants ! Il faut que les territoires correspondent à des bassins de vie, et peu importe qu’ils abritent des populations égales ou non ! Les territoires, départements ou régions, doivent être représentés par des élus territoriaux, élus directement, pour la plupart, et sans rapport de proportionnalité avec la population, car il est impossible d’aménager le territoire en s’enfermant dans une telle règle ! Tel est le message que je voulais vous transmettre.
J’ajouterai simplement que les régions, comme les communautés de communes, doivent pouvoir mener des actions de concert, par exemple dans les comités de massifs pour les zones de montagne ou, au niveau européen, dans des associations transfrontalières qui apportent une dimension nouvelle, sans pour autant négliger le rôle des États.
Pour me résumer, madame le ministre, je souhaite que la réforme en préparation soit une vraie réforme, que la représentation des territoires soit fondée non pas sur le nombre d’habitants mais sur les réalités vécues, et que départements et régions soient représentés par des conseillers territoriaux tous égaux ! (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Madame le ministre, lors de la première séance de questions d’actualité au Gouvernement dans cet hémicycle, au mois d’octobre dernier, je vous avais demandé si le débat sur la décentralisation serait un vrai débat, avec des enjeux et des réformes, ou si le scénario était déjà écrit. Au vu des conclusions du rapport Balladur, j’ai le sentiment que c’est bien la seconde hypothèse qui a prévalu. Le scénario est déjà écrit : la création des conseillers territoriaux et la modification des modes de scrutin constituent l’ultime message que le Gouvernement ait souhaité faire passer.
Ce rendez-vous avec les collectivités locales préfigure-t-il vraiment la préparation de l’acte III de la décentralisation ou sera-t-il un nouveau rendez-vous manqué ? Préfigure-t-il la nécessaire mue territoriale dont la France a besoin ou s’agit-il d’un simple toilettage de notre spécificité française ? Sentirons-nous encore le souffle décentralisateur que j’ai connu dans les années quatre-vingt et que d’autres orateurs ont évoqué ?
La décentralisation est un gage d’efficacité et de responsabilité : un gage d’efficacité, car elle rapproche la décision des acteurs de terrain ; un gage de responsabilité, car elle consacre l’engagement des élus face aux citoyens.
Nous affirmons d’autant plus notre attachement à la décentralisation que nous observons aujourd’hui deux tendances inquiétantes : la première correspond à la tentation récurrente de « recentraliser » certaines compétences, et nous en avons eu un aperçu ce matin s’agissant de la formation professionnelle ; la seconde résulte de la situation d’asphyxie financière à laquelle l’État réduit aujourd’hui les collectivités territoriales.
Notre débat – nos rapporteurs l’ont très bien dit – ne doit pas porter sur la remise en cause des collectivités locales, de leur rôle et de leur efficience. L’important est non pas ce qui est bon pour les élus mais ce qui est bon pour les Français : j’adhère donc aux propositions de nos rapporteurs, dans leur totalité.
Étant le seul à m’exprimer au nom des régions – je représente une espèce rare au sein de cette assemblée –, même si les rapporteurs et Pierre Mauroy les ont évoquées, ce dont je les remercie, je voudrais insister sur deux points essentiels.
Premièrement, le comité Balladur estime que nous devrions nous inspirer de la loi PLM pour mener la réforme des collectivités territoriales.
Or, malgré la clause générale de compétence, les départements et les régions mettent essentiellement en œuvre des politiques relevant de champs de compétences qui leur ont été attribués dans le cadre des lois de décentralisation.
On ne peut donc comparer l’organisation et la répartition des compétences entre les départements et les régions avec celles qui prévalent entre les maires et les maires d’arrondissement. La loi PLM ne peut être transposée localement. Les mandats électifs correspondent en effet à deux missions radicalement distinctes dans le cadre des régions et des départements.
Deuxièmement – et sur ce point, je vais m’écarter de mon collègue Jacques Blanc –, les propositions du comité Balladur reposent sur l’analyse selon laquelle il y aurait, d’une part, le couple formé par le département et la région et, d’autre part, le couple composé de la commune et de l’intercommunalité.
Je m’élève violemment contre cette analyse. Il y a un couple formé par l’État et les régions, notamment à travers les contrats de plan, les fonds européens régionaux et la délégation aux régions de ces fonds. La Bourgogne nous en fournit un exemple concret, puisque nous avons lancé la semaine dernière l’Espace régional de l’innovation.
À côté de ce couple, il y a un autre couple qui se conçoit très bien, formé par le département et la commune, caractérisé par la proximité et la complémentarité, qui interviennent tous deux dans le domaine social.
Si l’on suit la proposition du comité Balladur de former un couple département-région, on devrait en déduire la fusion de leurs exécutifs en une seule et même collectivité. En effet, si l’on prévoit un scrutin unique, il doit forcément en découler une seule collectivité. Or, le comité Balladur plaide au contraire pour une clarification des compétences des deux collectivités, chacune étant confortée dans son existence.
Les contraintes financières des collectivités locales entraînent, de fait, une spécialisation accrue des différents échelons.
La fusion des listes électorales pour deux collectivités qui ne partagent aucune compétence et peu de politiques communes privera nécessairement l’une des deux d’un vrai débat démocratique et mettra inéluctablement l’une sous la coupe de l’autre. J’imagine sans peine la position de mon collègue et ami Alain Rousset, président de l’ARF, sur cette question.
Si les présidents de départements qui siègent au conseil régional se mettent d’accord pour fixer une feuille de route et l’imposer au président de région, quelle sera la marge de manœuvre de ce dernier ? Cette situation aboutira forcément à la domination d’une collectivité sur l’autre.
Alors que l’objectif affiché est de parvenir à une meilleure clarification des compétences de chacune des collectivités, on voit mal comment une fusion des listes sans fusion des institutions pourrait aller dans ce sens !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. François Patriat. Cette fusion reviendrait à reléguer au second plan les politiques d’investissement et d’innovation portées par les régions. On en reviendrait à l’établissement public régional et on changerait la nature de l’institution régionale, alors que celle-ci produit de la décision publique et de la norme, ces politiques étant particulièrement importantes.
Les arbitrages se feraient au profit des projets ayant un impact local immédiat, au détriment des projets de longue haleine.
Le principal risque de cette réforme est donc d’en arriver à la fin des politiques portées par les régions et à la relégation au second plan des politiques d’innovation et d’investissement. Les régions gardant la possibilité d’intervenir dans tous les domaines, demain, la salle des fêtes l’emportera sur l’innovation ! (M. Daniel Dubois proteste.)
Monsieur le président, je conclurai en évoquant le mode de scrutin. La loi de 1833 qui a opéré le découpage des cantons est toujours en vigueur aujourd'hui ! Je ne suis pas favorable à un double mode de scrutin, qui conduirait à appliquer la proportionnelle aux zones urbaines et le scrutin majoritaire aux territoires ruraux, car j’en vois bien les arrière-pensées politiques. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Madame le ministre, mes chers collègues, la région a vingt ans, le département deux siècles !
M. le président. Mon cher collègue, cela me paraît être une bonne conclusion ! (Sourires.)
M. François Patriat. La région a changé trois fois de scrutin électoral. Elle a besoin de trouver une stabilité, car elle a atteint un équilibre et prouvé son efficacité, et d’être consolidée et non fragilisée. Pour cela, ses compétences doivent être maintenant clarifiées et ses moyens renforcés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord féliciter les représentants de la mission sénatoriale ici présents, tout particulièrement son président Claude Belot, ses vice-présidents Pierre-Yves Collombat et Rémy Pointereau, et ses deux rapporteurs, Yves Krattinger et Jacqueline Gourault. Pour ma part, j’ai essayé d’assister de la manière la plus assidue possible aux réunions de la mission, à laquelle j’ai eu beaucoup de plaisir à participer.
Madame Gourault, permettez-moi de vous reprocher d’avoir parlé de l’intercommunalité mieux que je n’aurais su le faire moi-même ! (Sourires.) Cela prouve que l’Association des maires de France et l’Assemblée des communautés de France ont maintenant une grande convergence de vues. Ce simple constat constitue déjà pour moi un véritable motif de satisfaction !
Madame le ministre, nous le savons, une très grande majorité des élus nationaux et locaux et de l’opinion publique est maintenant pleinement convaincue de l’impérieuse nécessité de simplifier et de rationaliser l’organisation de nos collectivités territoriales.
L’idée du Gouvernement de lancer un large débat national est donc particulièrement bienvenue, surtout à un moment où nous sommes tous contraints de maîtriser la dépense publique.
Certains points d’accord ont semble-t-il pu d’ores et déjà être dégagés au sein des multiples instances de réflexion mises en place : comité Balladur, mission sénatoriale ou groupes parlementaires. Le refus de la suppression autoritaire d’un échelon territorial en est un, comme, à mon avis, la spécialisation des compétences de certains échelons territoriaux.
En l’absence de suppression de niveau de collectivité, il est indispensable d’organiser une meilleure complémentarité et une plus grande synergie entre les différents échelons. C’est dans cet esprit qu’est née l’excellente idée de former des couples, d’une part, entre la commune et l’intercommunalité et, d’autre part, entre le département et la région.
En tant que responsable national de l’Assemblée des communautés de France, je tiens à souligner que celle-ci est en parfait accord non seulement avec toutes les associations nationales d’élus, mais aussi avec les principales formations politiques de notre pays pour que soit reconnu enfin dans la réforme le rôle essentiel joué par l’intercommunalité dans la vie de nos concitoyens, comme les rapports Balladur et Belot l’ont bien mis en évidence.
L’intercommunalité a maintenant largement fait la preuve de son efficacité. Elle ne constitue nullement une menace pour l’avenir de nos communes – il faut sans cesse le rappeler –, mais permettra bien au contraire aux plus petites d’entre elles de survivre.
Cette nécessité a été parfaitement comprise par tous les gouvernements qui ont tenté, avec plus ou moins de bonheur, de regrouper nos communes au sein de périmètres correspondant à des bassins de vie quotidienne. Ces regroupements, qualifiés de « pertinents », ont permis d’aboutir à une organisation plus efficace des services rendus aux administrés dans des domaines aussi essentiels que les transports, le logement ou l’environnement notamment.
Je ne vous rappellerai pas, madame le ministre, les nombreuses dispositions législatives et réglementaires qui, de l’ordonnance du 5 janvier 1959 portant création des districts à la loi Chevènement du 12 juillet 1999, ont participé à l’émergence du fait intercommunal.
Comme l’ont indiqué plusieurs intervenants, le bilan est manifestement positif du point de vue quantitatif, puisque 93 % des communes et près de 88 % des Français vivent sous le régime de l’intercommunalité à fiscalité propre.
En revanche, il est beaucoup plus nuancé du point de vue qualitatif. De nombreux périmètres d’intercommunalité ne permettent en effet pas d’optimiser la gestion des territoires, la rendant même quelquefois plus dispendieuse, comme l’ont montré un certain nombre de rapports, dont celui de la Cour des comptes en 2005. Certains voulaient alors en profiter pour jeter le bébé avec l’eau du bain, en supprimant l’intercommunalité en même temps que les travers engendrés par cette dernière.
Mes chers collègues, nous savons tous que la nature humaine, l’histoire et la politique sont ce qu’elles sont. Il ne me semble néanmoins pas acceptable que 7 % des communes françaises empêchent, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’intérêt général, toute organisation et gestion efficaces de notre territoire national !
Madame le ministre, achever et rationaliser la carte de l’intercommunalité est aujourd’hui une impérieuse nécessité si vous voulez que les élus puissent enfin rendre à leurs administrés les meilleurs services au meilleur coût.
Le Sénat, Grand conseil des communes de France, doit peser de tout son poids en faveur de cette nécessaire évolution. Rien ne serait pire pour la Haute Assemblée et pour l’image des responsables politiques que, à l’occasion de cette réforme tant attendue par nos concitoyens, nous ne sachions pas faire évoluer les structures pour répondre efficacement aux légitimes aspirations.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Dominique Braye. Nous avons aujourd’hui l’occasion de prouver à nos concitoyens qui souffrent que nous sommes capables de faire passer leur intérêt avant toute autre considération.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vraiment ce qu’ils attendent !
M. Dominique Braye. Cette démarche doit être appliquée à l’ensemble de notre pays, à l’exception peut-être des métropoles qui doivent avoir un statut particulier. En ce qui concerne la région d’Île-de-France, la seule exception pouvant être envisagée est celle de Paris, compte tenu de sa spécificité, et des trois départements de la petite couronne.
Vous l’avez compris, madame le ministre, nous sommes convaincus que l’achèvement et la rationalisation de l’intercommunalité doivent maintenant intervenir le plus rapidement possible.
Fort de ces convictions, permettez-moi, monsieur le président, de poser deux questions précises.
M. le président. Concluez rapidement, monsieur Braye !
M. Dominique Braye. La première porte sur la date d’achèvement de la carte intercommunale, fixée par le rapport Balladur au 1er janvier 2014.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas encore fait !
M. Dominique Braye. Or, mes chers collègues, cette date semble beaucoup trop proche des renouvellements municipaux de mars 2014.
La mission sénatoriale et les associations d’élus préféreraient nettement l’échéance de 2011, de façon à permettre à tous les élus d’être totalement prêts et opérationnels pour le renouvellement de 2014.
La deuxième question, qui est peut-être plus importante que la précédente, est celle de la rationalisation de la carte intercommunale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout cela est très technocratique !
M. Dominique Braye. Madame le ministre, quelles dispositions entendez-vous proposer pour, d’une part, empêcher tout nouveau regroupement « contre nature » de communes et, d’autre part, pour remédier à ceux qui bloquent aujourd'hui toute optimisation de la gestion des territoires ?
En répondant précisément à ces deux questions, vous nous permettrez assurément de faire un immense pas en avant s’agissant de l’organisation et de la gestion de nos territoires. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, j’évoquerai la manière dont le comité Balladur a conduit sa réflexion sur la question de l’évolution des cartes régionales, et le traitement de cette dernière par les médias. Je vous l’avoue, l’élu de la région picarde que je suis n’a pas très bien vécu cet épisode. Cela illustre une fois de plus, si besoin était, le déficit de communication sur cette question. Les médias, en prêtant plus d’importance à des propos « collatéraux » qu’aux propositions du comité Balladur et de la mission, ont malheureusement pollué le débat sur ce sujet de fond, qui est pourtant extrêmement important.
Quel a été le fil conducteur du comité Balladur et de la mission pour aboutir aux conclusions qui nous ont été présentées ? Deux éléments importants ont été, me semble-t-il, pris en considération, ces deux éléments étant à mon avis, nécessaires pour réfléchir sur cette question et pour aboutir, le cas échéant, à des conclusions au terme de cet échange.
Le premier élément est le principe de subsidiarité. (Mme le ministre acquiesce.) Ce principe de base, appliqué à l’échelle de l’Europe et un peu au niveau de nos intercommunalités, est le fil conducteur de la réforme dans laquelle le Président de la République souhaite nous engager. Il en découle naturellement le couple commune-intercommunalité, le couple département-région et le couple État-Europe.
À l’instar de ce qui s’est fait lors de la création des intercommunalités, pourquoi ne pas envisager la nouvelle cartographie des régions à partir des départements ? C’est en effet à partir d’un cadre législatif défini par le Parlement et proposé par le Gouvernement que les intercommunalités sont apparues. Or on peut considérer que la plupart d’entre elles sont satisfaisantes et rationnelles, à quelques exceptions près qu’il faudra corriger. C’est d’ailleurs ce à quoi le comité Balladur s’est attaché.
Nous pourrions donc imaginer que les départements, en s’appuyant sur les bassins de vie dans lesquels vivent nos populations, en espérant qu’ils exercent leurs responsabilités dans le cadre des ententes interdépartementales, servent à définir les futures régions sur lesquelles l’État s’appuierait dans le cadre de ses relations avec l’Europe.
Le deuxième élément est celui des finances et des compétences.
La question qui me paraît fondamentale – vous vous l’êtes sans doute posée, madame le ministre – tient à la collectivité la plus pertinente pour exercer la compétence que la loi définit.
À partir du moment où nous créons un lien entre la compétence et la collectivité qui apparaît la mieux à même de l’exercer – la commune, le département ou la région –, tout le reste découle de ce choix. Dès lors, la clause générale de compétence dépend des ressources que l’on affectera à la collectivité en question. Le problème est donc bien celui des ressources financières. Nous devons par conséquent être en mesure de déboucher sur une réforme des finances locales permettant à chacune de nos collectivités d’exercer les compétences que nous voulons leur assigner ; à défaut, nous échouerons.
Pour conclure, je dirai que cette réforme n’aboutira que si elle est mise en œuvre le plus rapidement possible. La reporter à 2014, c’est déjà l’affaiblir. Je sais que se pose le problème des échéances électorales, mais c’est une affaire de volonté politique. Celle-ci doit se traduire par un texte qui s’appliquera dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –M. Michel Mercier applaudit également.)
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