M. Thierry Foucaud. Il a été défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Même avis que précédemment, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
Par dérogation aux dispositions fiscales en vigueur, pour les dirigeants d'entreprises qui ont une rémunération annuelle excédant 250 000 euros après prélèvement des cotisations sociales, le montant des indemnités de départ qui excède ce montant est imposé à un taux de 100 %.
Par dérogation aux dispositions fiscales en vigueur, la société qui octroie une rémunération de départ supérieure, calculée conformément au premier alinéa, en vertu d'un contrat de travail, d'un contrat d'entreprise ou d'un mandat est soumise à une taxe supplémentaire de 15 % sur son bénéfice imposable.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.
M. Thierry Foucaud. S’il fallait trouver une bonne raison pour justifier l’adoption de cet article, ce serait sans doute dans l’examen de la situation, pour le moins étonnante, qui découle de ce qu’il faut bien appeler « l’affaire Valéo ». Le sujet étant d’importance, je m’y attarderai quelques instants.
Sur ce point, comme nous avons eu l’occasion de le rappeler, le rapport de M. Marini semble avoir été écrit un peu trop rapidement, pour tout dire trop schématiquement, dans la plus parfaite ignorance de l’actualité et de la réalité des pratiques.
En effet, avec l’affaire du départ en retraite du P-DG de Valéo, M. Thierry Morin, sont précisément atteintes les limites que la loi a prétendu fixer aux pratiques, décriées dans l’opinion publique, ayant cours en matière de rémunération des dirigeants des entreprises.
Comme cela fait plusieurs fois que la loi déploie ses effets dans le domaine des rémunérations patronales, je me permettrai de souligner uniquement le cas spécifique soulevé par l’affaire Valéo.
Aux termes du rapport de la commission, « hors plan social, est exonérée d’impôt sur le revenu et de cotisations de sécurité sociale la fraction des indemnités de licenciement qui n’excède pas le plus élevé des trois montants suivants :
« - le montant prévu par la convention collective de branche, par l’accord professionnel et interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ;
« - ou la moitié du montant des indemnités de licenciement ;
« - ou deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail. »
Pour que chacun comprenne, je vais me livrer à un exercice de traduction : M. Thierry Morin, en compensation du préjudice qu’il va subir en raison de la perte de ses activités de P-DG de Valéo, va pouvoir éviter de payer des cotisations sociales sur les 3,2 millions d’euros qu’il percevra et, grâce au dispositif adopté dans la loi de financement de la sécurité sociale, n’acquittera pas plus d’impôt sur le revenu.
Cette somme de 3,2 millions d’euros équivaut, pour lui, à deux ans de salaire, attendu que les actionnaires de Valéo ont jugé bienvenu de lui attribuer une rémunération annuelle égale à 130 années de SMIC !
Petit calcul rapide : le bonus fiscal de M. Morin est de 352 000 euros au titre de la CSG et de la CRDS ; il peut raisonnablement atteindre 1 083 596 euros pour ce qui est de l’impôt sur le revenu... Et nous ne parlons pas des autres éléments de prélèvement social, au-delà de la CSG et de la CRDS...
M. Morin a au moins gagné une chose : il n’a pas besoin de solliciter le bouclier fiscal ! Quand on ne paie pas, au titre des cotisations sociales et de l’impôt sur le revenu, l’équivalent de 120 années de SMIC, pourquoi se compliquer la vie à solliciter un bouclier fiscal, dont l’instruction demande d’ailleurs de jouer cartes sur table ?
D’où vient ce remarquable montage figurant aujourd’hui dans le code général des impôts ? De deux articles votés l’un en 2005 et l’autre en 2006 lors de l’adoption des lois de financement de 2006 et 2007.
Dans les deux cas, le dispositif était inscrit dans le texte original du projet de loi de financement ; l’objectif était clairement de créer une incroyable zone franche fiscale et sociale autour des indemnités de rupture du contrat de travail des grands patrons.
Mes chers collègues, telles sont les précisions que je voulais apporter. Pour que les positions de chacun soient bien claires, les membres du groupe CRC-SPG demandent un vote par scrutin public sur l’article 2.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, je souhaite faire connaître au Sénat la position de la commission des finances sur l’article 2.
Mes chers collègues, ne transformons pas le Parlement en tribunal traitant des cas individuels ! La question soulevée suscite, à n’en point douter, une réelle émotion dans l’opinion publique. Comme je vous l’ai dit tout à l’heure – cela a été rappelé à plusieurs reprises et M. le secrétaire d’État y a fait référence –, le Gouvernement entend prendre les dispositions appropriées.
Mme Annie David. Par décret ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien que faisant confiance au Gouvernement, nous n’excluons pas de proposer au Sénat des dispositions d’ordre législatif, de telle sorte qu’un encadrement soit fixé.
Mme Annie David. C’est tout de suite qu’il faut le faire !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Quoi qu’il en soit, j’espère que celles et ceux qui dirigent les entreprises sont imprégnés de considérations déontologiques suffisantes…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela se voit…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … pour se tenir à l’écart d’excès qui suscitent l’indignation et, quelquefois, scandalisent nombre de nos concitoyens.
Cela dit, la commission des finances demande au Sénat de rejeter l’article 2.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 132 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 182 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Articles additionnels avant l'article 3
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 3312-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune option ouvrant droit à la souscription d'actions au profit des mandataires sociaux ne peut être mise en place dans une entreprise lorsque cette entreprise aura été créée depuis plus de cinq ans. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement vise à revenir à l’esprit originel des stock-options, c'est-à-dire à les réserver aux seules entreprises de croissance, celles qui ont été créées il y a moins de cinq ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Naturellement, l’idée qui sous-tend cet amendement est intéressante et justifierait un débat.
Toutefois, nous vivons dans une économie globale, ou à tout le moins européenne : toute disposition restrictive prise en France peut avoir des conséquences préjudiciables à notre économie et donc à l’emploi.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Je comprends l’esprit de cet amendement. Cela dit, mes collègues du groupe CRC-SPG et moi-même ne le voterons pas, parce que nous estimons qu’il tend, même si tel n’est pas, j’en suis sûr, l’objectif visé par le groupe socialiste, à accepter le principe de l’existence des stock-options.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 225-185 du code de commerce, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Il ne peut être consenti au président du conseil d'administration et au directeur général des options donnant droit à la souscription ou à l'achat d'actions représentant, au jour de leur attribution, un montant supérieur à la rémunération fixe du président du conseil d'administration et du directeur général. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 8, 9, 10 et 11.
M. le président. Je vous en prie, ma chère collègue.
J’appelle donc en discussion ces amendements.
L'amendement n° 8, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 225-177 du code de commerce est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :
« Les actions acquises au titre de la levée de l'option, ainsi que les actions gratuites, ne pourront être cédées par les dirigeants de sociétés cotées que sur une période de douze mois, soit un douzième chaque mois ou 50 % par semestre. » ;
2° Après la première phrase du quatrième alinéa, sont insérées trois phrases ainsi rédigées :
« Le prix minimum et le prix maximum auxquels peut être effectuée la levée d'options, ou ceux des actions gratuites, sont fixés à chaque début d'exercice. À chaque exercice, le conseil d'administration prend connaissance du nombre d'actions déclarées par les dirigeants, et de leur choix quant au calendrier de leur réalisation pour l'exercice suivant. Le nombre d'options et d'actions détenues, ainsi que le calendrier de leur réalisation ou de leur vente, sont portés à la connaissance des actionnaires et des salariés de l'entreprise. » ;
3° Après le deuxième alinéa est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil d'administration détermine les droits des mandataires sociaux attachés aux options et actions gratuites, en proportion du temps passé au sein de la société par lesdits mandataires, ainsi que les conditions de perte de ces droits dans le cas de départ de l'entreprise. En tout état de cause, la durée pendant laquelle peut être exercé le droit de levée d'options, ou de réalisation d'actions, ne peut dépasser quatre ans. Chaque levée d'option, ou cession d'actions, doit être préalablement annoncée au conseil d'administration lors de l'exercice précédent. »
L'amendement n° 9, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 137-14 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 137-14. - Il est institué, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie dont relèvent les bénéficiaires, une contribution salariale de 11 % assise sur le montant des avantages définis aux 6 et 6 bis de l'article 200 A du code général des impôts.
« Ces dispositions ne sont pas applicables aux entreprises éligibles au statut de petites et moyennes entreprises de croissance, telles que définies par l'article 220 decies du code général des impôts.
« Cette contribution est établie, recouvrée et contrôlée dans les conditions et selon les modalités prévues au III de l'article L. 136-6. »
L'amendement n° 10, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 137-13 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 137-13. I. - Il est institué, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie dont relèvent les bénéficiaires, une contribution due par les employeurs :
« - sur les options consenties dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce ;
« - sur les actions attribuées dans les conditions prévues aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-5 du même code.
« En cas d'options de souscription ou d'achat d'actions, cette contribution s'applique, au choix de l'employeur, sur une assiette égale soit à la juste valeur des options telle qu'elle est estimée pour l'établissement des comptes consolidés pour les sociétés appliquant les normes comptables internationales adoptées par le règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002 sur l'application des normes comptables internationales, soit à 50 % de la valeur des actions sur lesquelles portent ces options, à la date de décision d'attribution. Ce choix est exercé par l'employeur pour la durée de l'exercice, pour l'ensemble des options de souscription ou d'achat d'actions qu'il attribue ; il est irrévocable durant cette période.
« En cas d'attribution gratuite d'actions, cette contribution s'applique, au choix de l'employeur, sur une assiette égale soit à la juste valeur des actions telle qu'elle est estimée pour l'établissement des comptes consolidés pour les sociétés appliquant les normes comptables internationales adoptées par le règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002 précité, soit à la valeur des actions à la date de la décision d'attribution par le conseil d'administration ou par le directoire. Ce choix est exercé par l'employeur, pour la durée de l'exercice, pour l'ensemble des attributions gratuites d'actions ; il est irrévocable durant cette période.
« II. - Le taux de cette contribution est fixé à 28,2 % de 50 % de la valeur des actions sur lesquelles portent ces options à la décision d'attribution. Elle est exigible le mois suivant la date de la décision d'attribution des options ou des actions visées au I. Cette contribution de 28,2 % n'est pas applicable lorsque les options de souscription ou d'achat d'actions, une fois levées, et les actions gratuites sont affectées à un plan d'épargne entreprise. Les modalités de cette affectation seront définies par décret.
« III. - Ces dispositions sont également applicables lorsque l'option est consentie ou l'attribution est effectuée, dans les mêmes conditions, par une société dont le siège est situé à l'étranger et qui est mère ou filiale de l'entreprise dans laquelle le bénéficiaire exerce son activité.
« IV. - Ces dispositions ne sont pas applicables aux entreprises éligibles au statut de petites et moyennes entreprises de croissance, telles que définies par l'article 220 decies du code général des impôts.
« V. - Les articles L. 137-3 et L. 137-4 s'appliquent à la présente contribution. »
L'amendement n° 11, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 200 A du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa du 6, le montant : « 152 500 euros » est remplacé par le montant « 50 000 euros » ;
2° Le premier alinéa du 6 bis est complété par les mots : « lorsque son montant n'excède pas 50 000 euros et au taux de 40 % lorsque son montant excède 50 000 euros ».
Vous avez la parole, madame Bricq.
Mme Nicole Bricq. À travers l’amendement n° 7, nous proposons que, dans la rémunération d’un dirigeant de société, la part variable ne soit en aucun cas supérieure à la part fixe.
L’amendement n° 8 vise à obliger les dirigeants de sociétés à établir un calendrier régulier de cession ou de réalisation de leur rémunération en capital, afin de prévenir non seulement les délits d’initiés, qui consistent à prendre des options au cours le plus bas et à les exercer au prix le plus haut, mais aussi, tout simplement, les effets d’aubaine.
Si l’amendement n° 9 était adopté, les rémunérations annexes en capital des dirigeants de sociétés seraient soumises à une contribution salariale de 11 %, contre 2,5 % aujourd'hui.
Dans un souci de parallélisme des formes, l’amendement n° 10 vise à augmenter la cotisation patronale sur les attributions en capital.
Enfin, l’amendement n° 11 a pour objet d’abaisser à 50 000 euros le seuil en dessous duquel la plus-value d’acquisition est taxée à 30 % et d’appliquer un taux de 40 % à la taxe sur les attributions d’actions gratuites dès lors que le montant de la cession des valeurs mobilières excède 50 000 euros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Naturellement, les stock-options méritent une réflexion toute particulière. Il s'agit d’un instrument merveilleux mais qui peut, dans certains cas, contribuer à la tyrannie du court terme.
Mme Nicole Bricq. C’est précisément ce que je propose d’éviter !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il arrive un moment où l’on ne se préoccupe que du niveau des cotations, parce qu’il conditionne une plus-value.
Les entreprises, elles, trouvent les stock-options tout à fait intéressantes, puisque la rémunération ne figure pas dans leurs charges et, par conséquent, n’altère pas leur résultat. Mais il faut certainement promouvoir une déontologie en la matière, ce qui rend nécessaire un dispositif global, qui ne saurait être que national, car, je le répète, les pratiques des entreprises sont désormais largement mondialisées.
Ce sujet important, qui ne sera certainement pas abordé par le prochain G20, concerne la gouvernance globale et l’ensemble des entreprises.
Pour éviter des inconvénients que nous ne pourrions maîtriser, la commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 7, 8, 9, 10 et 11.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 3
Par dérogation aux dispositions fiscales en vigueur, toute rémunération ou partie de rémunération qui est liée à l'évolution de cours boursiers, octroyée ou calculée sous quelle que forme que ce soit, est soumise à une taxe de 100 %.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.
M. Thierry Foucaud. Mes chers collègues, je souhaite tout d'abord vous livrer une information contenue dans une dépêche AFP de cet après-midi : le P-DG de GDF-Suez, Gérard Mestrallet, et son vice-président, Jean-François Cirelli, ont décidé de renoncer à leurs stock-options, « dans un souci de responsabilité » a affirmé à l’AFP le porte-parole du groupe. (Marques d’ironie sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Bravo ! On va les applaudir…
M. Thierry Foucaud. Il faut préciser que les salariés de l’entreprise étaient en grève contre l’attribution de ces stock-options, ce qui explique peut-être une telle décision !
Si nous devons nous interroger sur les problèmes que pose la pratique des stock-options en termes de justice fiscale et sociale, il nous faut aussi, à l'occasion de l’examen de cet article, nous tourner, l’espace d’un instant, vers le rapport rédigé par M. le rapporteur général.
M. Marini affirme que l’article 3 de la présente proposition de loi constitue à ses yeux « le summum de l’horreur économique », puisqu’il vise à supprimer les stock-options comme mode de rémunération des dirigeants, ou d'ailleurs des autres salariés, dès lors que leur serait appliqué un taux de taxation de 100 %.
Mes chers collègues, nous pourrions relever les nombreux termes du rapport dont nous pouvons craindre qu’ils ne revêtent un caractère purement idéologique et ne soient déconnectés des réalités !
Cela dit, je ne citerai pas le rapport, car je crois que tout le monde l’a lu, et soulignerai simplement que l’objection constitutionnelle opposée à cet article nous semble pour le moins sujette à caution.
En effet, la taxation des stock-options au taux de 100 % présenterait surtout le caractère d’une arme de dissuasion, qui conduirait, dans le parfait respect des normes d’égalité devant l’impôt, les organes dirigeants de nos grandes entreprises à choisir des formules de rémunération de leurs dirigeants salariés autres que l’attribution d’actions gratuites ou privilégiées !
Il existe un moyen normal de rémunérer des dirigeants salariés : leur accorder un salaire qui corresponde à leur compétence et à ce que l’on attend d’eux, au lieu de chercher des biais juridiques divers dont la seule raison d’être, comme nous l’avons vu, est de leur permettre d’échapper à l’impôt et aux cotisations sociales, et accessoirement de réaliser de juteuses plus-values, car telle est bien la finalité des stock-options, sans compter l’effet du versement des dividendes éventuels et des autres crédits d’impôt qui y sont attachés, ou encore l’imputation des dettes personnelles d’acquisition des titres, j’en passe et des meilleures !
Je relèverai un autre point du rapport, que je citerai cette fois, car il me paraît important :
« En effet, selon la théorie économique dite “théorie de l’agence”, ce type de rémunération est nécessaire afin que les dirigeants ou les mandataires sociaux adoptent des politiques conformes aux intérêts des actionnaires qui les ont mandatés. »
Dans l’esprit de M. le rapporteur général, qui est, comme chacun sait, un spécialiste reconnu du droit des affaires et de tout ce qui s’y rattache, les dirigeants et mandataires doivent adopter des politiques conformes aux intérêts des actionnaires.
Or c’est précisément là que le bât blesse : qu’est-ce donc qu’une politique conforme aux intérêts des actionnaires ? Une gestion d’entreprise qui capitalise les gains de productivité fondés sur l’amélioration des performances de chaque unité de production, transformés en dividendes sonnants et trébuchants. Bref, c’est un de ces modes de gestion qui font que la réduction des dividendes des entreprises du CAC 40 est bien moins rapide que celle des résultats cumulés des entreprises figurant dans cet indice.
C’est cette gestion, d’ailleurs remarquable, qui fait que Total a réalisé 14 milliards d’euros de bénéfices et consacre entre 750 millions et 1 milliard d’euros à des offres publiques de retrait de titres, ce qui valorise d’ailleurs les titres restants. Or la société s’apprête malgré tout, comme vous le savez, à supprimer 550 emplois dans ses implantations en France !
Il est donc grand temps – et je disais cela à l’intention de M. le rapporteur général – qu’il comprenne, ainsi que la majorité sénatoriale, une bonne fois pour toutes que les entreprises, dans notre pays, ont aussi devant l’opinion, mais, bien sûr, au premier chef, devant leurs salariés, une responsabilité sociale en termes d’emploi, d’investissement utile à la production, de développement durable et de respect de l’environnement.
Tels sont les arguments que nous voulions présenter à l’appui de l’article 3, dont nous demandons le vote par scrutin public.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission des finances demande le rejet de cet article, qui est totalement confiscatoire puisqu’il vise à établir la taxation à 100 %, ce qui est à la limite de la capacité contributive et contraire aux principes constitutionnels !
Vous vous êtes fait l’écho d’une dépêche laissant à penser que certains dirigeants, qui étaient éligibles à des stock-options, y auraient renoncé ce matin. Je crois qu’il faut saluer le souci déontologique dont ont fait preuve ces dirigeants.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est parce que ça commence à chauffer un peu !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La crise économique et financière est en partie la conséquence de manquements graves à l’éthique. Cette démarche prouve que les esprits évoluent et que l’on va dans la bonne direction !
Il n’est donc peut-être pas nécessaire de faire systématiquement des lois ; encore faut-il que les dirigeants soient pénétrés des règles d’éthique, ce qui doit être le cas chaque fois qu’il s’agit d’hommes et de femmes qui ont servi l’État et qui ont le sens de l’intérêt général.
La commission des finances demande donc le rejet de l’article 3.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 133 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.