M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Il s’agit d’un point sur lequel nous avons débattu mille fois depuis le vote de la loi TEPA.
Je ne partage pas l’opinion défendue notamment par François Rebsamen. Les heures supplémentaires ne sont pas un ennemi de l’emploi, même en période de crise. (M. François Rebsamen hoche la tête.) Ce n’est pas ainsi que les choses se passent. Le dispositif fonctionne.
En 2007, quelque 4,3 millions de salariés – nous ne parlons pas de 150 000 personnes ! – ont bénéficié du système des heures supplémentaires, pour une somme de 150 euros par mois, soit un revenu supplémentaire de 1 800 euros. Ces chiffres sont considérables.
Par ailleurs, la réalisation d’heures supplémentaires se concentre sur les populations dont les revenus sont les plus bas : 12,7 % des foyers ne paient pas d’impôts ; 32,6 % des foyers ont un taux d’imposition de 5,5 % et 50,2 % des foyers un taux d’imposition de 14 %. Environ 95 % des salariés qui ont effectué des heures supplémentaires se situent, au maximum, dans la deuxième tranche du barème de l’impôt sur le revenu.
En 2008, alors que la crise était déjà là, l’attractivité des heures supplémentaires n’a pas manqué. D’après les derniers chiffres de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, on comptabilise sur cette période environ 720 millions d’heures supplémentaires, pour 5,5 millions de salariés qui disposent du même type de revenus.
Les heures supplémentaires vont donc dans le sens d’un pouvoir d’achat supplémentaire.
Risquent-elles, en période de sortie de crise, de jouer contre l’emploi ? Je ne le crois pas. En effet, en situation de reprise de l’activité, les chefs d’entreprise, notamment dans les petites entreprises, ne sont pas enclins à embaucher immédiatement car ils restent prudents. De ce fait, si des commandes supplémentaires sont enregistrées – avec la sortie de crise et l’amélioration du taux de croissance, les entreprises retrouvent forcément un portefeuille d’activités plus normal –, la réponse passe dans un premier temps non par l’embauche, mais par le recours aux heures supplémentaires. Sans un dispositif qui permette d’accompagner très lentement la reprise, il est impossible de déboucher sur une reprise du recrutement.
Par conséquent, non seulement les heures supplémentaires ne sont pas l’ennemi de l’emploi en temps de crise, mais en plus elles représentent, pour celui-ci, un véritable accélérateur au moment de la sortie de crise.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, je ne veux pas alourdir les débats, mais je tiens tout de même à faire la démonstration de la très grande faiblesse de votre argumentation.
Il y a environ un an, en février 2008, on comptabilisait 144 millions d’heures supplémentaires. En février 2009, on en dénombrait 185 millions, soit une progression de 28 %, alors même que l’activité générale du pays avait profondément diminué. Ce différentiel de quelque 40 millions d’heures supplémentaires correspond à environ 90 000 postes de travail à temps plein. Or, entre la fin de l’année 2007 et la fin de l’année 2008, les pertes d’emploi ont affecté 115 000 salariés. Le rappel de ces quelques chiffres permet aisément de constater que le mécanisme d’heures supplémentaires s’est mis en place au détriment de l’emploi. Cette démonstration est imparable !
Il s’agit donc de faire en sorte que le budget retrouve les 4 milliards d’euros qui sont versés par le contribuable, mais qui servent, en définitive, à supprimer des emplois. On a peut-être mieux à faire, sans compter que l’affirmation selon laquelle ces mesures priveraient les salariés d’une partie de leur travail n’est pas un bon argument !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est pourtant vrai ! Les rémunérations seront réduites !
Mme Nicole Bricq. Si les entreprises pratiquaient une politique salariale digne de ce nom, si le travail était respecté et mieux rémunéré, notamment par rapport au capital, thème que nous n’arrêtons pas d’évoquer au travers de nos amendements, il ne serait peut-être pas utile de recourir à des mécanismes contre-productifs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Marie-France Beaufils applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Mon intervention ira dans le sens des propos de Nicole Bricq. En effet, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, vous estimez que, pour augmenter le pouvoir d’achat des salariés, il suffit de leur faire effectuer des heures supplémentaires et que, de ce fait, notre amendement aboutirait à un résultat inverse de celui que nous recherchons. Ce n’est pas le cas !
Nous souhaitons effectivement une augmentation du pouvoir d’achat des salariés, mais cette évolution passe par une vraie rémunération des salariés et par une valorisation du travail qu’ils effectuent dans les entreprises.
Les salaires, tout au moins le SMIC, sont bien insuffisants. Preuve en est que les dirigeants d’entreprise gagnent, en une année, ce qu’un salarié payé au SMIC obtiendrait en 150 ans. Ils bénéficient de dispositifs, primes de départ, stock-options, bonus, parachutes dorés, qui sont indécents, voire incompréhensibles tant les sommes sont élevées.
Cela démontre bien la faiblesse du SMIC. Dans le cas contraire, pourquoi ces dirigeants partiraient-ils avec autant d’argent ? Aujourd’hui, pour un salarié ayant une famille à charge, le SMIC permet tout juste de vivre.
Plutôt que d’encourager les salariés à effectuer des heures supplémentaires, il faut augmenter les salaires de base et donner du travail à tout le monde.
Thierry Foucaud vient de le rappeler : la mise en œuvre du dispositif relatif aux heures supplémentaires a eu pour effet immédiat la suppression de milliers de postes d’intérimaires et de salariés en contrat à durée déterminée. Des milliers de personnes se sont ainsi retrouvées inscrites au chômage.
L’augmentation des salaires constitue la seule véritable réponse que nous puissions apporter. Le Président de la République parle sans cesse de « la valeur travail ». Il estime qu’il faut valoriser le travail. Eh bien, faisons-le, et donnons aux salariés la possibilité d’être correctement rémunérés !
À ce moment du débat, je voudrais rappeler la situation de l’entreprise Caterpillar dans mon département.
Monsieur le ministre, vous êtes sans doute très informé de cette situation, qui est extrêmement difficile. Les salariés de cette entreprise méritent un peu plus de respect que celui qui leur est accordé aujourd’hui. Ils sont toujours en attente d’une réponse de la part de votre gouvernement et de la préfecture pour savoir, si je puis m’exprimer ainsi, à quelle sauce ils seront mangés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 17 rectifié est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 49 est présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1 du I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa est complété par les mots : « et inférieure ou égale à 380 000 euros ; »
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« - 50% pour la fraction supérieure à 380 000 euros ».
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l’amendement n° 17 rectifié.
M. Thierry Foucaud. C’est un amendement de justice fiscale. Je considère qu’il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l'amendement n° 49.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement tend à instaurer une cinquième tranche d’imposition sur le revenu, ce que nous considérons être une mesure de surtaxation de solidarité. Cette tranche vise les rémunérations fixes et variables qui, les deux parts confondues, dépassent 380 000 euros.
Le jeudi 26 mars dernier, à l’occasion du débat sur la proposition de loi du groupe CRC-SPG, j’ai eu l’occasion de m’expliquer sur ce seuil de 380 000 euros. Il s’agit de la traduction en euros du plafonnement de 500 000 dollars prévu par le président des États-Unis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Chers collègues, vous vous en doutez bien, la commission n’est pas favorable à ces amendements...
Mme Nicole Bricq. Nous sommes surpris !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... qui abordent le troisième terme de la trilogie que j’ai évoquée. Ce troisième terme serait acceptable seulement si les deux précédents étaient assumés. (M. François Rebsamen sourit.) Notre vision est bien globale. Vous la connaissez. Je n’exposerai donc pas de nouveau cette position de principe.
Par ailleurs, je n’ai pas le sentiment que le dispositif proposé soit optimal, compte tenu de l’écart très important entre la tranche d’imposition à 40 % et la tranche préconisée, au-delà de 380 000 euros, qui concernerait une cible très restreinte. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
Mais nous n’en sommes pas encore à calibrer comme il conviendrait le troisième terme de la trilogie. Il faut encore approfondir les travaux et, surtout, il faut attendre que les circonstances s’y prêtent.
Dans l’immédiat, ces amendements ne peuvent pas être votés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à une augmentation des impôts : à la suite du Président de la République, il l’a dit et répété.
Ce collectif budgétaire a pour objectif de permettre à ceux qui souffrent le plus de la crise de bénéficier de la solidarité nationale. C’est bien de cela qu’il s’agit, et non d’augmentation d’impôt. Ne recréons pas des tranches dans le barème de l’impôt sur le revenu.
L’impôt sur le revenu a été totalement revu et modifié il y a seulement deux ou trois ans, c’est-à-dire très récemment. Cette réactualisation a fait l’objet d’équilibres extrêmement réfléchis. Ne revenons pas sur ce point.
Prenons des mesures temporaires, permettant de lutter contre la crise et fondées sur la solidarité ou sur l’aide à un certain nombre de secteurs d’activité, ou sur l’investissement ! Mais ne touchons pas au barème de l’impôt sur le revenu !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Le fait que le Gouvernement ne soit pas favorable à une augmentation des impôts nous préoccupe. Cela signifierait-il qu’il est plutôt favorable à l’augmentation des prélèvements sociaux, à la hausse de la CSG, qui frappe tout le monde de manière non progressive, ou encore aux franchises médicales, lesquelles concernent toute la population, y compris les plus pauvres ?
M. Jean-Claude Carle. Demandez aux présidents de région avec la TIPP !
Mme Nicole Bricq. Cela nous inquiète vraiment !
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Je m’associe aux propos de Mme Nicole Bricq.
Je souhaiterais faire un bref rappel. Lors de l’examen du projet de loi de finances, un amendement visant à taxer les indemnités des accidentés du travail avait été défendu ! Comme si certains faisaient exprès d’être victimes d’un accident du travail ! Et, aujourd'hui, vous nous dites qu’il ne faut pas opposer les uns aux autres !
M. Thierry Foucaud. Cet amendement que la commission mixte paritaire a « retoqué », la majorité sénatoriale l’avait voté !
C’est donc toujours la même chose entre ceux qui gagnent énormément – le groupe CRC-SPG et le groupe socialiste ont rappelé les chiffres, notamment en ce qui concerne les stock-options et les bénéfices – et ceux qui n’en peuvent mais, sur lesquels on continue de taper !
Pour en revenir à la trilogie évoquée par M. Marini, j’ai expliqué tout à l'heure que l’on ne pouvait pas comparer l’impôt de solidarité sur la fortune et l’impôt sur le revenu, notamment pour des questions d’assiette. D’ailleurs, personne ne m’a répondu et, pourtant, on nous reparle de cette trilogie ! J’aimerais que vous nous donniez des explications afin que nous puissions en débattre.
Les amendements nos 17 rectifié et 49, à savoir l’instauration d’un taux d’imposition de 50 % pour la fraction supérieure à 380 000 euros, s’inspirent de la proposition qui a été faite par le président des États-Unis, M. Obama, à la suite de l’affaire de la société d’assurance AIG, dont les pertes se sont élevées à plus de 100 milliards d'euros 2008 – soit plus que le PIB de 150 pays ! –, ce qui n’a pas empêché les dirigeants de cette société de s’attribuer bonus et compléments de salaire juteux !
En refusant obstinément de prendre en compte les amendements répondant à la demande de l’opinion et présentés par la gauche – nous avons également évoqué la question du SMIC –, la majorité sénatoriale et le Gouvernement acceptent que les pauvres deviennent encore plus pauvres et les riches encore plus riches. Le rapporteur général va sans doute dire : « caricature ! », comme il en a l’habitude, mais cela ne vaut même plus la peine de débattre si vous ne répondez pas véritablement à nos propositions. (M. le président de la commission des finances s’impatiente.) Je le sais, vous êtes pressé, monsieur le président de la commission !
Moi aussi, je peux vous citer quantité de chiffres : 800 000 repas supplémentaires servis par les Restos du cœur cette année, 3 000 chômeurs de plus chaque jour en France.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Hélas !
M. Thierry Foucaud. Dans le même temps, vous nous dites que vous êtes les meilleurs, que la crise sera résolue, dans notre pays, à partir de 2010. Et puis, en 2010, vous nous ferez de nouveau voter des collectifs budgétaires et vous nous annoncerez alors une sortie de crise dans six mois ou dans un an !
Je suis abasourdi par les propos que j’entends ! Soit vous êtes aveugles à la situation dans laquelle se trouve notre pays, soit, et je crois que tel est le cas, vous êtes inspirés par une politique de classes, par l’idéologie de droite, à savoir la défense du capital face à ceux qui sont exploités ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 rectifié et 49.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans le troisième alinéa du 6 de l'article 200 A du code général des impôts, les taux : « 18 % » et « 30 % » sont remplacés respectivement par les taux : « 22,5 % » et « 37,5 % ».
II. - Le premier alinéa de l'article L. 2242-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette négociation porte également sur les éléments de rémunérations versées aux dirigeants salariés de l'entreprise, sous quelque forme que ce soit, notamment dans le cadre des dispositions visées aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Le moment est venu de mettre en cause à la fois la fiscalité avantageuse qui accompagne l’attribution de stock-options, de bonus, de parachutes dorés et autres bizarreries du droit, et les conditions mêmes de définition de ces modes de rémunération.
Par cet amendement, nous proposons, d’abord, de relever le taux d’imposition relatif aux plus-values de cession des actions cédées au terme de la réalisation d’un plan d’options d’achat d’actions.
Les stock-options ont en effet un double coût : un coût lié au faible taux d’imposition de l’avantage constitué par la remise accordée sur le prix normal de l’action, qui représente 100 à 150 millions d’euros pour les finances publiques ; puis un coût lié à la taxation séparée des plus-values, qui est estimé à un montant bien supérieur, même s’il est difficile à évaluer précisément, ne serait-ce que parce qu’il faudrait étudier la situation personnelle des 20 000 cadres supérieurs bénéficiant de stock-options et le gain réalisé au regard du taux moyen personnel d’imposition.
Nous proposons ensuite, et c’est le second volet de cet amendement, l’intégration de la question de la rémunération des dirigeants dans le cadre de la négociation annuelle sur les salaires.
Pour nous, il s’agit de permettre aux salariés des entreprises de connaître clairement la rémunération totale des mandataires sociaux qui les dirigent : il ne serait pas illégitime que les salariés, qui continuent à produire de la richesse, soient informés des conséquences financières de leur travail sur les rémunérations de leurs propres dirigeants.
En 1930, l’industriel américain Henry Ford ne disait-il pas que, pour être admissible, l’écart de salaire entre les salariés et les dirigeants devait être de 1 à 40 ? L’écart est aujourd’hui de 1 à 400 !
Cette différence considérable entre le salaire moyen et la rémunération de certains dirigeants d’entreprise n’est pas la cause de la bulle spéculative, elle en est la manifestation. Elle atteste à quel point la recherche de l’argent pour l’argent, la spéculation financière conduit à tous les abus.
Cet emballement spéculatif, qui profite aux actionnaires et à certains dirigeants, joue bien sûr contre les salariés, à qui l’on impose, au choix, des périodes forcées d’inactivité, des gels ou des réductions de salaires, la remise en cause d’acquis sociaux – par exemple le retour aux 40 heures, avec les conséquences que l’on connaît, notamment à Continental – ou bien des délocalisations et des licenciements.
C’est précisément parce que les salariés sont victimes de cette politique spéculative que nous entendons leur donner le droit d’intervenir en ce domaine.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. De nouveau, nous retrouvons les options d’achat ou de souscription d’actions.
Permettez-moi de rappeler à mon tour que la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail a subordonné l’attribution de ces titres aux mandataires sociaux à la distribution de telles options ou d’actions gratuites à l’ensemble des salariés de l’entreprise, ou à la mise en œuvre d’un dispositif d’intéressement ou de participation volontaire ou dérogatoire.
Ainsi, on ne peut plus présenter les options comme un privilège puisqu’il s’agit d’un élément – certes hiérarchisé – qui doit entrer dans la conception globale du système d’intéressement, de participation ou d’association au capital de l’entreprise.
Mme Annie David. C’est un leurre !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, ce n’est pas un leurre ! Cette loi date du 3 décembre 2008 : laissez-lui le temps de produire ses effets !
M. Gérard César. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Au demeurant, dans quelques mois, nous aurons sans doute à débattre du partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise. Notre excellent collègue et doyen Serge Dassault y prendra certainement toute sa part…
M. Gérard César. Nous l’espérons !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons en effet le souvenir de débats sans doute un peu annonciateurs que nous avons eus dans cet hémicycle. (Sourires.) Ce sera certainement un moment plus approprié pour reprendre le sujet de manière plus constructive et moins rituelle.
Donc, pour l’heure, mes chers collègues, la commission appelle au rejet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.
Les stock-options sont des éléments de rémunération qui, lorsqu’ils sont excessifs, sont parfaitement condamnables. C’est pourquoi nous avons pris un décret visant à les réguler. Lorsque les conditions de leur attribution sont raisonnables, elles ont leur utilité.
Les stock-options sont évidemment taxées. Elles sont soumises à l’impôt sur le revenu, selon les fractions entre 18 % et 40 %, et aux cotisations sociales, patronales et salariales. Les plus-values éventuelles sont également imposées. La somme de leurs taxations est donc plutôt supérieure à la moyenne de celle que l’on constate dans d’autres pays.
Le problème n’est pas tant la taxation de ces éléments de rémunération – ils sont taxés normalement – que leur distribution, qu’il convient de réguler. C’est bien l’objet du décret qui a été publié ce matin.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Notre amendement porte sur deux points. Le second, qui concerne l’intérêt pour les salariés de connaître les rémunérations au sein de l’entreprise, a été complètement occulté à la fois par le rapporteur général et par le ministre. C’est dommage ! C’est en effet aussi cela la transparence !
M. le président. L'amendement n° 67, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À la fin du premier alinéa du 6 bis de l'article 200 A du code général des impôts, le taux : « 30 % » est remplacé par le taux : « 40 % ».
II. - Le code de commerce est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa de l'article L. 225-38, les mots : « du conseil d'administration » sont remplacés par les mots : « de l'assemblée générale » ;
2° Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette convention est soumise à l'accord du comité d'entreprise. » ;
3° À la fin de la première phrase du second alinéa de l'article L. 225-39, les mots : « au président du conseil d'administration » sont remplacés par les mots : « à l'assemblée générale des actionnaires » ;
4° Dans le premier alinéa de l'article L. 225-42, les mots : « du conseil d'administration » sont remplacés par les mots : « de l'assemblée générale des actionnaires ».
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement porte sur la question de l’attribution de compléments de rémunération dans les entreprises.
Le premier volet de notre amendement a pour objet de faire en sorte que le taux de prélèvement appliqué aux stock-options soit sensiblement relevé. Il s’agit d’en décourager l’usage en réduisant la différence entre l’élément de rémunération lié à la distribution de compléments de revenu et le revenu de nature salariale.
Vous me permettrez de souligner la pratique récurrente, en termes de rémunération des dirigeants, qui consiste à rechercher systématiquement ce qui permet au bénéficiaire de payer le moins possible d’impôt sur le revenu, le cas échéant d’impôt de solidarité sur la fortune, enfin de cotisations sociales.
Cette course au moins-disant fiscal et social nous conduit à nous interroger sur le rôle et la fonction de dirigeant d’entreprise.
Le second volet de notre amendement porte sur la question de la fixation des règles du jeu.
La crise que nous traversons exige de nouvelles réponses. Les millions de manifestants qui sont descendus dans les rues à deux reprises exigent que les vieilles règles, celles sur lesquelles s’appuie le capitalisme, changent et que notre siècle soit celui du partage des pouvoirs.
Il y a peu encore, le Président de la République annonçait vouloir « moraliser le capitalisme ». Déjà, il faisait appel à la bonne volonté du patronat pour s’autoréguler. C’est sous cette « amicale invitation » que, le 6 octobre dernier, l’AFEP, ou Association française des entreprises privée, et le MEDEF rendaient public le « code de gouvernement d’entreprise », plus connu sous l’appellation de « code éthique ».
Six mois après, force est de constater que l’appel au bon vouloir du patronat n’a pas suffit, malgré ce code éthique.
Par conséquent, nous considérons que la loi doit fixer le champ d’intervention d’une démocratie sociale et d’entreprise renforcée et rénovée.
Voilà quelques mois, votre majorité a adopté la loi de modernisation du dialogue social. Cela aurait dû être l’occasion d’un renforcement des droits et compétences des représentants des salariés, mais tel n’a pas été le cas.
Aujourd’hui, nous formulons donc, une nouvelle fois, une proposition concrète et applicable rapidement, afin de permettre aux salariés d’être informés et d’exprimer leur opinion. Si vous la rejetez, vous devrez expliquer aux salariés de notre pays et aux 80 000 chômeurs supplémentaires votre refus de prendre une mesure permettant de limiter effectivement les revenus indécents perçus par certains dirigeants. Vous devrez assumer le choix d’avoir favorisé une minorité d’actionnaires face à la majorité des salariés de notre pays. Le décret pris ce matin est loin de régler le problème.
La situation exige que nous ayons un réel débat public sur le sens même de telles rémunérations, ainsi que sur le rapport entre le capital et le travail, et que le législateur joue pleinement son rôle au final.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission ne peut pas être favorable à une telle proposition.
Ce n’est pas parce que l’on met en évidence, parfois à juste titre, des comportements individuels abusifs, impudiques ou critiquables qu’il faut remettre en cause à chaud l’ensemble des dispositifs de rémunération incitatifs à la performance. En d’autres termes, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain.
Par conséquent, comme sur les précédents amendements, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 61, présenté par M. Rebsamen, Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Avant le a du I de l'article 219 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« aa. - Les taux fixés au présent article sont diminués d'un dixième lorsqu'une fraction du bénéfice imposable au moins égale à 60 % est mise en réserve ou incorporée au capital au sens de l'article 109, à l'exclusion des sommes visées au 6° de l'article 112. Ils sont majorés d'un dixième lorsqu'une fraction du bénéfice imposable inférieure à 40 % est ainsi affectée. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. François Rebsamen.