Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine, M. Philippe Nachbar.

1. Procès-verbal

2. Dépôt de rapports du gouvernement

3. Questions orales

cotisations retraite des fonctionnaires détachés de l'état

Question de M. Gérard Miquel. – MM. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Gérard Miquel.

avenir de la poste

Question de M. René-Pierre Signé. – MM. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; René-Pierre Signé.

avenir de l'association pour la formation professionnelle des adultes

Question de Mme Bernadette Bourzai. – M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Mme Bernadette Bourzai.

répartition des coûts de renforcement du réseau de distribution d'électricité publique

Question de M. Bernard Fournier. – Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; M. Bernard Fournier.

relations entre collectivités territoriales et associations de protection de l'environnement

Question de M. Jean Bizet. – Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; M. Jean Bizet.

Abandon du projet de création d’une 2 x 2 voies dans le Gard rhodanien

Question de M. Simon Sutour. – Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; M. Simon Sutour.

fonctionnement du service ferroviaire en normandie

Question de M. Hervé Maurey. – Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; M. Hervé Maurey.

Couverture hertzienne pour la télévision numérique terrestre (TNT)

Question de M. Alain Fouché. – Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie ; M. Bernard Fournier, en remplacement de M. Alain Fouché.

modification du mode de scrutin de l'élection des membres de l'assemblée de corse

Question de M. Nicolas Alfonsi. – MM. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales ; Nicolas Alfonsi.

syndicat mixte privé de subvention pour travaux consécutifs à une catastrophe naturelle

Question de M. Jean-Claude Frécon. – MM. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales ; Jean-Claude Frécon.

réforme du code de commerce en matière de rentes viagères

Question de M. Christian Cambon. – MM. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales ; Christian Cambon.

programme de logements destinés aux surveillants de la maison d'arrêt d'osny (val-d'oise)

Question de Mme Raymonde Le Texier. – M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales ; Mme Raymonde Le Texier.

avenir de l'élevage des chevaux de trait

Question de M. Jean-Luc Fichet. – MM. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Jean-Luc Fichet.

moyens alloués à l'université de nanterre

Question de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

situation financière de l'hôpital de cognac

Question de M. Michel Boutant. – MM. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports ; Michel Boutant.

l'accès aux soins menacé en dordogne

Question de M. Claude Bérit-Débat. – MM. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports ; Claude Bérit-Débat.

réforme des tribunaux des affaires de sécurité sociale

Question de M. René Teulade. – MM. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports ; René Teulade.

auxiliaires de vie scolaire en contrat d'accompagnement dans l'emploi

Question de Mme Bernadette Dupont. – M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports ; Mme Bernadette Dupont.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

4. Loi de finances rectificative pour 2009. – Discussion d’un projet de loi

Discussion générale : M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ; MM. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

M. Michel Thiollière, en remplacement de M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Philippe Marini, Henri de Raincourt, Yvon Collin, François Marc, Jean-Pierre Fourcade, Aymeri de Montesquiou, François Rebsamen, Philippe Leroy, Jean-Louis Carrère, Gérard César, Gérard Cornu, Michel Houel.

Clôture de la discussion générale.

MM. le ministre, Mme la ministre.

Suspension et reprise de la séance

Première partie – Conditions générales de l’équilibre financier

Articles additionnels avant l’article 1er

Amendements nos 21 rectifié de M. Thierry Foucaud et 54 à 59 de Mme Nicole Bricq. – Mmes Marie-France Beaufils, Nicole Bricq, MM. François Marc, Jean-Marc Todeschini, le rapporteur général, le ministre, Thierry Foucaud. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement no 21 rectifié ; rejet des amendements nos 54 à 59.

Amendement n° 51 de Mme Nicole Bricq. – Mme Nicole Bricq, M. le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

Amendements identiques nos 16 de M. Thierry Foucaud et 52 de Mme Nicole Bricq ; amendement n° 50 de Mme Nicole Bricq. – Mmes Marie-France Beaufils, Nicole Bricq, MM. le rapporteur général, le ministre. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 53 de Mme Nicole Bricq. – Mme Nicole Bricq, MM. le rapporteur général, le ministre. – Rejet.

Amendements nos 60 de M. François Marc et 71 de M. Thierry Foucaud. – MM. François Rebsamen, Thierry Foucaud, le rapporteur général, le ministre, Mmes Nicole Bricq, Annie David. – Rejet des deux amendements.

Amendements identiques nos 17 rectifié de M. Thierry Foucaud et 49 de Mme Nicole Bricq. – M. Thierry Foucaud, Mme Nicole Bricq, MM. le rapporteur général, le ministre. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 66 de M. Thierry Foucaud. – Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur général, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 67 de M. Thierry Foucaud. – MM. Bernard Vera, le rapporteur général, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 61 de M. François Rebsamen. – MM. François Rebsamen, le rapporteur général, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 62 de M. François Rebsamen. – MM. François Rebsamen, le rapporteur général, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 63 de M. François Marc. – MM. François Marc, le rapporteur général, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 64 de M. François Marc. – MM. François Marc, le rapporteur général, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 72 de M. Thierry Foucaud. – MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 73 de M. Thierry Foucaud. – Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur général, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 88 de Mme Nicole Bricq. – Mme Nicole Bricq, MM. le rapporteur général, le ministre, François Marc. – Rejet.

Article 1er

MM. Bernard Vera, Hervé Maurey, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; le ministre.

Amendement n° 69 de M. Thierry Foucaud. – MM. Bernard Vera, le rapporteur général, le ministre, Hervé Maurey. – Rejet.

Adoption de l’article.

Articles additionnels après l'article 1er

Amendement n° 92 rectifié de la commission. – MM. le rapporteur général, le ministre, Mme Marie-France Beaufils. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 87 rectifié de M. Gérard Cornu. – MM. Gérard César, le rapporteur général, le ministre. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 18 de M. Thierry Foucaud. – MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 7 rectifié bis de M. Hervé Maurey. – Retrait.

Amendement n° 27 de M. Philippe Leroy. – MM. Gérard César, le rapporteur général, le ministre. – Retrait.

Article 2. – Adoption.

Article additionnel après l'article 2

Amendement n° 40 de Mme Nicole Bricq. – MM. Jean-Marc Todeschini, le rapporteur général, le ministre. – Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion.

5. Dépôt de propositions de loi

6. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

7. Dépôt d'un rapport

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

M. Philippe Nachbar.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt de rapports du gouvernement

M. le président. Monsieur le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 67 de la loi no 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, les deux rapports sur la mise en application de la loi no 2008-649 du 3 juillet 2008 portant diverses dispositions d’adaptation du droit des sociétés au droit communautaire et de la loi no 2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement.

Acte est donné du dépôt de ces deux rapports.

Ils seront transmis respectivement à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale et à la commission des affaires économiques et seront disponibles au bureau de la distribution.

3

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

cotisations retraite des fonctionnaires détachés de l'état

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, auteur de la question no 467, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

M. Gérard Miquel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 46 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État prévoit que les collectivités auprès desquelles un fonctionnaire de l’État est détaché sont redevables, envers le Trésor public, d’une contribution pour la constitution des droits à pension de l’intéressé.

Le taux de cette contribution employeur est fixé par décret en Conseil d’État. Au 1er janvier 1992, il était de 33 % du traitement brut de l’agent. Il est passé à 39,5 % au 15 mars 2007, puis à 50 % au 1er janvier 2008, pour atteindre 60,14 % au 1er janvier 2009.

Le quasi-doublement, en moins de trois ans, du taux de la contribution pour pension civile réclamée par l’État pour ses agents détachés aux collectivités locales est difficilement justifiable.

On relève par ailleurs que la même contribution retraite pour les fonctionnaires territoriaux, versée à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL, s’élève à 27,30 %. Ainsi, un fonctionnaire de l’État détaché vers une collectivité locale induira une charge de retraite deux fois plus élevée que celle qui est due pour un fonctionnaire territorial.

Pour un agent en milieu de carrière, le surcoût annuel est évalué à 4 800 euros pour un agent de catégorie C, à 6 000 euros pour un agent de catégorie B et à 7 200 euros pour un agent de catégorie A.

À la suite des transferts de personnels de l’État vers les départements et les régions prévus par la loi no 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, près du quart des agents de l’État a opté pour un détachement sans limitation de durée vers une collectivité locale. Ce sont donc plusieurs dizaines de milliers de fonctionnaires de l’État qui sont concernés par la présente question.

Pour le conseil général du Lot, petit département de 176 000 habitants, qui accueille 102 agents en détachement, le surcoût annuel est évalué à 580 000 euros.

Monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les justifications de ces fortes revalorisations et quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour corriger le taux de cette contribution ? En effet, cette contribution alourdit les difficultés budgétaires des collectivités locales et entrave la mobilité entre les trois fonctions publiques alors que le Gouvernement affiche sa volonté de promouvoir cette mobilité. Un projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique a, je le rappelle, été adopté en première lecture au Sénat, le 29 avril 2008.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le sénateur, votre question, très importante, sera sans doute évoquée dans d’autres instances. J’y apporterai donc une réponse assez longue.

Cette question s’articule en deux volets distincts : d’une part, l’évolution des taux de cotisation employeur des fonctionnaires pour chacun des régimes de retraite de la fonction publique et, d’autre part, le financement des cotisations employeurs pour les agents détachés.

En premier lieu, le niveau et l’évolution différenciée des taux de cotisation à la charge des employeurs selon le statut des fonctionnaires qu’ils emploient sont liés à leur régime de rattachement et s’expliquent par les niveaux de maturité différents de ces régimes.

Les trois fonctions publiques françaises en matière de retraite sont, vous le savez, couvertes par deux régimes : le régime des fonctionnaires de l’État, régi par le code des pensions civiles et militaires de retraite, et le régime des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers qui sont affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.

Ces deux régimes de retraite offrent à leurs assurés les mêmes prestations. Cependant, la relative jeunesse du régime de la CNRACL explique un rapport démographique particulièrement favorable. Les chiffres communiqués par le Conseil d’orientation des retraites, le COR, indiquent un rapport de 2,5 actifs pour un retraité en 2006, à comparer à 1,4 actif pour un retraité pour les fonctionnaires et pour le régime général de la sécurité sociale.

Au fur et à mesure que le régime de retraite des agents des collectivités locales parviendra à maturité, son rapport démographique se dégradera, ce qui ne sera pas sans conséquence sur le taux de cotisation nécessaire à son équilibre.

Toutefois, la CNRACL bénéficie encore d’un niveau de taux de cotisation très favorable. Ainsi, pour le même taux de retenue pour pension à la charge des fonctionnaires et pour les mêmes garanties, le taux de cotisation de l’État employeur atteint 60,14 % en 2009 pour les fonctionnaires civils, à comparer avec le taux de cotisation employeur à la CNRACL, qui est de 27,3 % depuis le 1er janvier 2005.

Le régime des fonctionnaires de l’État, parvenu à maturité, est confronté à des flux de départs à la retraite très importants, qui représentent une charge supplémentaire considérable, de l’ordre de plus de 2 milliards d’euros par an. Il s’ensuit que le taux de cotisation employeur qui équilibre le compte d’affectation spéciale « Pensions », chargé de financer les pensions des fonctionnaires de l’État, doit progresser d’année en année pour faire face à cette hausse importante.

Il est ainsi tout à fait logique que les revalorisations des taux entre régimes diffèrent et que le taux du régime des fonctionnaires d’État connaisse une forte augmentation.

En second lieu, vous mentionnez le cas des fonctionnaires de l’État transférés aux collectivités locales, ayant opté pour un détachement de la fonction publique d’État sans limitation de durée.

Le taux de la contribution pour pensions employeur versée par les organismes dotés de l’autonomie financière employant des fonctionnaires civils ou des militaires, que ce soit en propre ou en détachement, n’avait pas évolué entre 1992 et 2007.

Or, la contribution versée par l’État pour assurer l’équilibre du régime de retraite du code des pensions civiles et militaires de retraite n’a cessé, et ne cesse, d’augmenter. Aussi, il a été décidé de mettre fin de façon progressive à ce décalage. Depuis 2009, la contribution employeur est acquittée selon un taux unique pour l’acquisition de droits à pension au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite pour l’ensemble des fonctionnaires civils de l’État, quel que soit leur employeur.

La mutualisation des charges est donc désormais assurée à l’identique pour chacun des employeurs, comme c’est la règle dans tous les régimes de retraite.

Monsieur le sénateur, vous soulignez la contrainte que fait peser cette différence de taux sur la mobilité des fonctionnaires. Cette différence est inhérente à l’existence de deux régimes distincts. De ce fait, un taux de cotisation unique pour l’ensemble des trois fonctions publiques ne peut être envisageable que sur le très long terme, lorsque les rapports démographiques des deux régimes se seront rapprochés.

Monsieur Miquel, j’ai conscience d’avoir été un peu long, mais je tenais à répondre à votre question de manière exhaustive.

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel.

M. Gérard Miquel. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse longue et détaillée, mais qui ne me rassure pas.

Le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, que le Sénat a adopté, est très intéressant.

M. André Santini, secrétaire d'État. L’avez-vous voté ?

M. Gérard Miquel. J’ai recruté de nombreux fonctionnaires de l’État dans mon département et je m’en félicite, car ce sont des personnels de qualité. Désormais, je ne peux plus le faire, car le surcoût est devenu insupportable.

Passer en trois ans de 33 % à 60 %, vous en conviendrez avec moi, monsieur le secrétaire d’État, n’est pas acceptable et ne facilite pas l’instauration d’un climat de confiance entre l’État et les collectivités.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Santini, secrétaire d'État. Monsieur Miquel, ce projet de loi, qui a été adopté en première lecture au Sénat l’an dernier, à la fin du mois d’avril, est en cours d’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, son examen ayant été retardé en raison de la discussion de textes urgents.

Monsieur le sénateur, je retiendrai votre argument car, si nous voulons une vraie mobilité, y compris entre les fonctions publiques, nous devons apporter une solution à ce genre de problème.

avenir de la poste

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 439, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le secrétaire d’État, cette question a déjà été posée, et je vous prie de m’en excuser. Mais il existe un temps de latence très long entre le dépôt d’une question et son inscription à l’ordre du jour, si bien que, entre-temps, elle a déjà reçu une réponse. Cela dit, nous, élus, sommes harcelés par les employés des postes, qui se préoccupent de leur avenir et des précisions de votre part seront bien utiles.

Monsieur le secrétaire d’État, La Poste fait, depuis plusieurs mois, l’objet d’un vaste débat sur l’évolution de son statut et des moyens nécessaires à son développement, en particulier en zone rurale et en zone urbaine sensible. On compte 17 000 points de contact, dont 9 700 situés en zone rurale dans des communes de moins de 2 000 habitants. Sur ces 9 700 points de contact, la moitié est gérée par La Poste, l’autre partie étant constituée d’agences communales ou de « points poste » chez des commerçants.

Les élus locaux, qui excluent tout transfert de compétences aux collectivités territoriales, manifestent des inquiétudes. Ils souhaitent, au contraire, que les missions de La Poste soient élargies à la prestation de services d’intérêt général de proximité, aujourd’hui inexistants, alors qu’ils répondent aux besoins fondamentaux des citoyens.

Le Président Sarkozy a annoncé, au mois de décembre, le changement de statut de l’entreprise publique. La Poste abandonnerait le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial pour celui de société anonyme. L’entreprise ne serait pas privatisée pour autant, puisqu’elle ne serait ouverte qu’à des capitaux publics, notamment ceux de la Caisse des dépôts et consignations. Le Président de la République a « promis » que rien ne serait modifié et que « l’intégralité des grandes missions de service public de La Poste » serait préservée. Cependant, on peut craindre qu’une porte ne s’entrouvre vers une possible privatisation.

Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, que vous puissiez apporter quelques précisions sur ces divers points et sur l’avenir de La Poste, en particulier en zone rurale.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le sénateur, La Poste doit faire face à deux défis historiques sur son marché : d’abord, la concurrence des médias électroniques, qui affectent les volumes de courrier –  moins 3,5 % en tendance 2008 –, ensuite, l’ouverture totale des marchés postaux prévue le 1er janvier 2011.

La question est finalement simple : le groupe pourra-t-il à la fois être performant sur le marché concurrentiel et maintenir ses missions de service public, qui sont réputées pour leur qualité ? À question simple, réponse simple. La Poste pourra le faire à condition de s’en donner les moyens, à condition qu’on lui en donne les moyens.

La commission de réflexion, présidée par M. François Ailleret, chargée d’examiner les différentes options envisageables pour le développement de l’entreprise, a remis son rapport au Gouvernement à la mi-décembre 2008.

Mon collègue Luc Chatel a reçu le 19 décembre 2008 le président de La Poste, les organisations syndicales de La Poste, les représentants des maires et des maires ruraux de France, ainsi que les parlementaires qui ont participé aux travaux de la commission.

Le Président de la République, vous l’avez rappelé, a pris la décision de modifier la forme juridique de La Poste pour en faire une société anonyme à capitaux 100 % publics et lui permettre d’assurer son développement via une augmentation de capital souscrite par l’État et par la Caisse des dépôts et consignations.

Le Gouvernement a affirmé avec force le principe du maintien intégral des missions de service public, à savoir le tarif unique du timbre, la mission de service universel, la distribution des envois postaux tous les jours ouvrables, la mission d’aménagement du territoire, l’accessibilité bancaire ainsi que la distribution de la presse. Les droits et statuts des postiers seront, quant à eux, intégralement préservés.

S’agissant en particulier de la mission d’aménagement du territoire, la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales fixe des règles précises pour permettre à La Poste d’assurer la couverture du territoire en services postaux de proximité. Aux termes de ces dispositions, « sauf circonstances exceptionnelles, plus de 10 % de la population du département ne peut se trouver éloignée de plus de cinq kilomètres et de plus de vingt minutes de trajet automobile des plus proches points de contact de La Poste ». Cette règle d’accessibilité est aujourd’hui vérifiée dans la quasi-totalité des départements.

Ces dispositions font l’objet de précisions complémentaires, d’une part, dans le contrat pluriannuel de la présence postale territoriale, d’autre part, dans le contrat de service public signé en juillet 2008.

La Poste répond ainsi aux exigences du service public en adaptant ses points de contact à l’évolution des modes de vie des clients, sur la base de conventions de partenariat avec les collectivités locales sous la forme d’agences postales communales, les APC, ou bien en partenariat avec les commerçants sous la forme de relais poste commerçants, les RPC.

Ces partenariats représentent des formes de présence postale qui sont particulièrement adaptées aux besoins et aux attentes des habitants, notamment en termes d’amplitude horaire et d’offre de services. Ils concourent ainsi au maintien de la présence postale en milieu rural. Une enquête effectuée par La Poste montre que 90 % des clients et 87 % des élus bénéficiant d’un point de contact en partenariat s’en déclarent satisfaits.

Le projet de loi transposant la directive européenne d’ouverture à la concurrence du marché postal et portant changement de statut de La Poste devrait être présenté avant l’été 2009.

Ce changement de statut est nécessaire pour que puissent être apportés à La Poste les moyens financiers de son ambition, et parce que cela donnera à La Poste la capacité de saisir les opportunités stratégiques qui se présenteront.

J’espère, monsieur le sénateur, avoir répondu à votre question.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse qui m’a semblé complète et détaillée, même si je n’ai pas les mêmes statistiques que vous sur le partenariat.

L’installation de « points poste » chez les commerçants, me semble contestable notamment sur le plan de la confidentialité et ne satisfait pas du tout les usagers.

Je remarque que le Gouvernement a reculé, puisque, à l’origine, M. Sarkozy voulait ouvrir le capital aux entreprises privées ; aujourd’hui, on veut faire de La Poste une société anonyme aux capitaux 100 % publics.

Cela implique, vous l’avez rappelé et je vous en remercie, que l’unité du groupe – courrier, colis, banque, présence postale, prix unique du timbre, droits et statuts des postiers – doit être maintenue.

Malgré tout, monsieur le secrétaire d’État, les ambiguïtés ne sont pas dissipées pour autant. Une fois levé le verrou du statut d’établissement public, tout devient possible. On a vu, avec GDF, comment on passe de l’ouverture du capital à l’entrée de capitaux privés, puis à la privatisation. Des interrogations sur les missions et les moyens de La Poste demeurent aussi.

Monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas levé les craintes que peuvent nourrir les employés et les élus de zones rurales sur l’avenir de La Poste.

avenir de l'association pour la formation professionnelle des adultes

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, auteur de la question n° 442, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, ma question s’adressait à M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi, mais je remercie M. le secrétaire d’État chargé de la fonction publique d’être présent pour y répondre.

L’importance du rôle et de l’action de l’AFPA en matière d’orientation et de formation professionnelles est reconnue depuis 1949. Sa vocation était alors de former des chômeurs non qualifiés ou peu qualifiés. Aujourd’hui, alors que les ruptures dans les parcours professionnels sont fréquentes, les 11 000 salariés de l’AFPA savent répondre aux besoins de formation tout au long de la vie que nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à attendre.

Dans leur esprit, l’AFPA remplit des missions de service public. Son statut est aujourd’hui remis en cause et les inquiétudes sont nombreuses concernant son avenir, aussi bien chez les personnes qui y travaillent qu’auprès du public.

La loi de décentralisation de 2004 a prévu le transfert du financement de l’AFPA aux régions et, depuis le 1er janvier 2009, les régions doivent passer un appel d’offres pour désigner un prestataire de formations. Autrement dit, dans chaque région, l’AFPA sera soumise à la concurrence. Il s’agit d’un choix du Gouvernement.

À une question écrite de ma collègue Jacqueline Alquier, le secrétaire d’État à l’emploi répondait le 19 mars dernier : « L’État a clairement rappelé que la formation professionnelle est une activité économique pour laquelle la passation de marchés publics doit être le mode principal d’intervention, complété à titre subsidiaire, par l’octroi limité de subventions. »

Le Gouvernement dit s’appuyer sur des arguments juridiques pour soumettre l’AFPA à la logique du marché et a découpé l’AFPA, pour rattacher les personnels de son pôle d’orientation au « Pôle emploi », issu de la fusion ANPE-ASSEDIC, privant ainsi l’AFPA d’une de ses spécificités essentielles.

De fait, la concurrence menace tout ce qu’apportait l’AFPA à nos concitoyens et ce pour quoi elle était reconnue. En effet, l’AFPA est un tout qui constitue un réseau cohérent aussi bien par le lien qui existe entre l’orientation proposée et la réponse en termes de formation que par la diversité des formations proposées bien réparties sur tout le territoire national. C’est ce qui me préoccupe.

Le Gouvernement dit être attaché au caractère national de l’AFPA. Comment celui-ci sera-t-il maintenu concrètement si l’AFPA est écartée dans telle ou telle région ? Et comment l’AFPA ne serait-elle pas écartée dans telle ou telle région où elle propose des formations qui excèdent les besoins propres de la région qui devra les financer ?

Ainsi, dans le Limousin, 380 personnels de l’AFPA, dont je puis attester la qualité professionnelle, travaillent au service de 8 000 stagiaires par an. Tous ces stagiaires ne viennent pas du Limousin.

Dans mon département, la Corrèze, deux centres sur trois ont un recrutement interrégional, voire national : celui d’Égletons, surtout dans les domaines des transports, des travaux publics avec option cabinet de géomètres, et celui de Brive dans les domaines du tourisme et des services. Le centre voisin de Guéret, en Creuse, est très généraliste, mais 40 % de ses stagiaires viennent d’autres régions, car il a une capacité de réponse rapide. Ces centres, implantés pendant les années où l’aménagement du territoire national avait encore un sens, répondent à des besoins nationaux.

Or le financement de l’État, qui ne tient plus qu’à un fil et qui devrait disparaître définitivement à la fin de l’année, est indispensable à ces centres. Ce financement jouait un rôle péréquateur qui méritait d’être maintenu. Je crains que l’aménagement du territoire ne souffre beaucoup du changement de statut de l’AFPA et que les compensations qui seront demandées par les régions ne donnent naissance à des « usines à gaz » coûteuses avant même de pouvoir être utiles.

Ma question est simple : alors que nos concitoyens sont victimes de la crise qui affecte lourdement l’emploi et que des territoires ont besoin de développer des activités, ou au moins de les maintenir, comment l’État compte-t-il utiliser le formidable outil que constitue l’AFPA grâce à son expérience de service public construite et accumulée en matière d’orientation professionnelle et d’accès à la formation depuis soixante ans, s’il ne lui assure pas les financements indispensables ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Madame le sénateur, je vous remercie de votre question très précise sur le rôle que l’AFPA est amenée à jouer, au moment où le Président de la République et le Gouvernement engagent une réforme importante de la formation professionnelle. Je sais que vous partagez notre attachement à un service public de qualité.

L’AFPA est un acteur essentiel de la formation professionnelle en France du fait de son rayonnement national. C’est pourquoi le Gouvernement entend préserver une AFPA nationale quand certains présidents de région veulent créer vingt-deux AFPA régionales. C’est un point structurant pour les salariés de l’AFPA de préserver leurs missions au sein d’une association gérée nationalement par l’État, les régions et les partenaires sociaux. C’est également un gage de pérennité dans le temps.

Le Gouvernement est évidemment sensible aux inquiétudes des salariés de l’AFPA, mais aussi des parlementaires, sur son devenir, en cette période où de nombreuses évolutions juridiques et institutionnelles la concernent.

Dans un contexte tendu pour les finances publiques, Laurent Wauquiez s’est battu afin que les moyens financiers alloués par l’État à l’AFPA en 2009 soient identiques à ceux alloués en 2008 à champ d’intervention comparable, et ils le sont effectivement. Le Gouvernement a par ailleurs été très attentif à ce que les régions reçoivent de l’État la compensation financière appropriée pour assurer, y compris en termes de fonctionnement des hébergements, l’organisation et le financement des stages de l’AFPA au profit des demandeurs d’emploi, quelle que soit leur origine géographique. D’ailleurs, aucun président de région n’a fait part de remarques particulières sur le niveau de la compensation financière attribuée aux régions dans le cadre de la décentralisation.

Le Gouvernement a conscience que l’avenir de l’AFPA suscite des interrogations du fait de la décentralisation complète de la formation des demandeurs d’emploi, effective depuis le 1er janvier 2009, et d’une soumission plus directe aux règles de la concurrence, comme l’a rappelé le Conseil de la concurrence dans un avis en date du 18 juin 2008. C’est pourquoi Laurent Wauquiez a apporté le 14 janvier dernier des réponses précises aux questions que la gouvernance de l’AFPA s’est posées sur les orientations stratégiques de l’institution et son positionnement.

En parallèle, le Gouvernement a eu des échanges réguliers avec l’Association des régions de France et les partenaires sociaux afin de préciser le cadre juridique et financier dans lequel doit se construire le plan stratégique de l’AFPA pour les cinq prochaines années. Comme Christine Lagarde vous l’avait indiqué au début de l’année 2008, la formation professionnelle est une activité économique pour laquelle la passation de marchés publics doit être le mode principal d’intervention. L’État a fait sien cet état de droit en organisant dès 2009 un marché de formation au profit des publics fragiles relevant de sa responsabilité : les détenus, les militaires en reconversion professionnelle, les travailleurs handicapés, les résidents d’outre-mer, les Français de l’étranger. L’État met sur la table 92 millions d’euros par an, dont près de 18 millions d’euros au titre du Fonds social européen. Compte tenu de son savoir-faire, l’AFPA dispose de nombreux atouts pour être en mesure de répondre à cet appel d’offres.

L’AFPA de demain doit reposer sur des bases économiques, financières et juridiques solides, ce qui suppose de réfléchir de manière approfondie à un schéma d’ensemble incluant les problématiques d’amélioration de la productivité, d’utilisation du patrimoine et de repositionnement des services d’orientation professionnelle. Le Gouvernement accompagnera l’AFPA dans le cadre d’une convention d’objectifs, de moyens et de performance pour les années 2009-2013, que Laurent Wauquiez signera prochainement avec son président et son directeur général. Ce nouveau contrat permettra à l’AFPA de conduire les nécessaires évolutions imposées par les règles communautaires et nationales.

Le Gouvernement appelle les personnels de l’AFPA à faire de ce bel outil, qui fêtera ses soixante ans cette année, un opérateur national de référence en matière de formation professionnelle, alors qu’il viendra bientôt devant vous engager la réforme de la formation professionnelle.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Je remercie M. Santini de sa réponse, mais je doute qu’elle dissipe les craintes qui s’expriment sur le terrain, tout particulièrement dans la ville où je réside. Soumettre le marché de la formation professionnelle aux règles de la concurrence me paraît en complète contradiction avec le maintien de situations, comme celles que je vous ai citées, dans lesquelles les régions concernées ont manifestement un appareil de formation surdimensionné par rapport à leurs besoins réels, mais veulent malgré tout conserver ces centres, puisqu’il s’agit là de lieux très importants pour l’emploi, notamment l’emploi qualifié.

Je m’interroge aussi sur l’avenir du patrimoine de l’AFPA. Je sais que des négociations se sont tenues avec les régions en vue de son éventuelle reprise. Pour l’avoir constaté dans ma ville, je sais qu’il peut se caractériser par un certain vieillissement, pour ne pas dire une certaine vétusté.

Si ce patrimoine était transféré directement à l’AFPA elle-même, il constituerait, à mon avis, une charge lourde pour le fonctionnement de ses centres. Je m’interroge dès lors sur leur capacité à être compétitifs sur un marché de la formation professionnelle que nous savons très concurrentiel. Comme je le constate au centre d’Égletons, les formations proposées nécessitent non pas seulement du papier et un crayon mais, souvent, des engins qu’il faut renouveler et un outillage performant. Il s’agit de former convenablement à des métiers de plus en plus exigeants. J’espère donc que nous saurons trouver un juste équilibre, notamment dans la loi relative à la formation professionnelle, entre la qualité de la formation professionnelle et notre souci de l’aménagement du territoire. (M. le secrétaire d’État opine.)

répartition des coûts de renforcement du réseau de distribution d'électricité publique

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, auteur de la question n° 459, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

M. Bernard Fournier. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention et celle du Gouvernement sur l’absence de bien-fondé de la prise en charge par les collectivités des coûts de renforcement du réseau de distribution d’électricité publique.

En effet, à compter du 1er janvier 2009, un nouveau système de financement des raccordements au réseau de distribution électrique est appliqué, pour toute opération d’urbanisme autorisée. Cela résulte de la mise en cohérence de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée, relative à la modernisation et au développement du service public d’électricité, avec la loi SRU n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 et la loi urbanisme et habitat n° 2003-590 du 2 juillet 2003, ainsi qu’avec les mesures réglementaires d’application nécessaires.

Le système forfaitaire du « ticket » est abandonné. Il est remplacé par une facturation qui met à la charge des collectivités des frais intégrés auparavant dans ce forfait.

Un raccordement comprend au moins deux éléments : le branchement privé, à la charge du pétitionnaire, et l’extension du réseau public, à la charge de la collectivité. Un troisième élément peut intervenir : le renforcement, c’est-à-dire la mise en place ou l’adaptation d’ouvrages pour faire face à une augmentation de la puissance demandée.

Un renforcement coûte plusieurs dizaines de milliers d’euros. Aujourd’hui, dans le nouveau système de financement des raccordements, le coût des renforcements est mis à la charge des collectivités, en application du décret n° 2007-1280 du 28 août 2007. C’est cette disposition qui pose problème, car il ressort des articles 4, 18 et 23-1 de la loi du 10 février 2000 que le législateur a nettement distingué, pour les raccordements électriques, le coût de l’extension du coût des renforcements. Le coût des renforcements est normalement intégré dans le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le TURPE, payé par chaque abonné à travers sa facture.

Concrètement, cela aboutit à faire supporter des dépenses considérables aux collectivités, en facturant une deuxième fois ce qui est déjà intégré dans le TURPE. Non seulement cette situation suscite un très important contentieux, le pétitionnaire-contribuable payant deux fois une seule prestation, mais en outre elle conduit à transférer une charge supplémentaire, et non fondée, sur des budgets de collectivités locales déjà soumis à rude épreuve, certaines d’entre elles étant réellement dans l’impossibilité d’intégrer et de supporter ces coûts.

En conséquence, je souhaite, madame la secrétaire d’État, connaître les mesures que vous envisagez de prendre pour modifier le décret n° 2007-1280 du 28 août 2007 et le rendre conforme à la loi.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, les modalités de raccordement des consommateurs aux réseaux électriques et, plus particulièrement, leur mode de financement ont récemment été mis en conformité avec les dispositions du code de l’urbanisme.

Ces nouvelles dispositions, qui doivent s’appliquer aux autorisations d’urbanisme déposées après le 1er janvier 2009, prévoient la prise en charge financière de 60 % des travaux d’extension par la collectivité qui délivre l’autorisation d’urbanisme, les 40 % restants devant donc être pris en charge par les tarifs d’utilisation des réseaux et, ainsi, mutualisés entre les consommateurs au niveau national.

Compte tenu des conséquences financières, potentiellement lourdes, pour les collectivités, il avait été souhaité de définir précisément la consistance d’une opération d’extension du réseau électrique. Tel est l’objet du décret du 28 août 2007, dont vous demandez la modification.

Vous signalez une divergence d’appréciation, de la part des collectivités, sur la qualification des travaux d’extension dont certains pourraient plutôt être considérés comme des travaux de renforcement, et donc pris en charge par les tarifs d’utilisation des réseaux. La frontière séparant travaux d’extension et travaux de renforcement doit être clarifiée entre tous les acteurs : les collectivités, les gestionnaires de réseaux, les services du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, la commission de régulation de l’énergie, gardienne des tarifs de transport et de distribution.

Cette question a été soulevée lors du dernier Conseil supérieur de l’énergie le 20 janvier dernier. Le ministre d’État Jean-Louis Borloo a demandé à son président, le député Jean-Claude Lenoir, de constituer un groupe de travail précisément dédié à ce sujet. Sa première réunion a eu lieu le 11 mars dernier.

Nous attendons les conclusions de ce groupe de travail pour prendre une décision.

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de l’attention que vous avez accordée aux inquiétudes dont je vous ai fait part.

Les renforcements représentent plusieurs dizaines de milliers d’euros par permis de construire pouvant être accordé par une mairie. Les petites communes rurales n’auront plus les moyens d’avoir des terrains constructibles et donc ne se développeront plus. C’est pourquoi je me suis permis de vous poser cette question aux conséquences importantes.

J’attends beaucoup du groupe de travail mis en place. J’espère qu’il pourra très rapidement vous faire des propositions acceptables par les communes rurales.

relations entre collectivités territoriales et associations de protection de l'environnement

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, auteur de la question n° 462, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

M. Jean Bizet. J’aimerais attirer votre attention, madame la secrétaire d’État, sur les relations qu’entretiennent les collectivités territoriales avec les associations de protection de l’environnement.

Le deuxième alinéa de l’article 43 du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement prévoit un régime nouveau de droits et obligations pour les associations et fondations œuvrant pour l’environnement, à condition qu’elles remplissent des critères, notamment, de représentativité, de gouvernance, de transparence financière, ainsi que de compétence et d’expertise dans leur domaine d’activité.

La reconnaissance, au travers de la définition de ce nouveau régime, du rôle des associations de protection de l’environnement est importante. Bien entendu, il n’est pas question d’une remise en cause.

Il convient toutefois de constater que beaucoup d’élus locaux en charge de l’urbanisme sont fréquemment confrontés à des situations conflictuelles avec ces associations. Cela est particulièrement vrai dans le département de la Manche, où l’application de la loi littoral donne lieu à un contentieux important, parfois amplifié par des recours abusifs. Cette insécurité juridique préjudiciable au développement a d’ailleurs été clairement mentionnée dans le rapport d’information n° 421 relatif à l’application de la loi littoral, fait au nom de la commission des affaires économiques et de la commission des lois du Sénat.

C’est d’autant plus vrai que l’usage de la procédure pour requête abusive est très rare. Le juge considère bien souvent que le bénéficiaire d’une autorisation de construire peut la mettre en œuvre, puisque les recours en annulation n’ont pas de caractère suspensif.

Par conséquent, pour éviter un tel contentieux, les élus finissent par s’appuyer sur l’expertise technique de ces associations, moyennant, fréquemment, des frais importants. Aussi conviendrait-il de mieux encadrer les prestations fournies par ces associations ainsi que les montants financiers demandés.

Je souhaite donc, madame la secrétaire d’État, connaître les dispositions que vous entendez prendre pour apaiser les relations entre les collectivités territoriales et les associations de protection de l’environnement.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur, vous soulignez une question effectivement importante : la reconnaissance du rôle des associations qui ont œuvré dans le domaine du Grenelle de l’environnement. Un préalable incontournable a été posé aux nouvelles missions que nous souhaitons leur confier, à savoir les critères de représentativité, d’autant plus importants que les acteurs concernés seront amenés à siéger au sein des instances disposant d’une compétence consultative dans le domaine du développement durable.

Le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, vous l’avez rappelé, prévoit de préciser la définition des critères de représentativité des acteurs environnementaux et d’intégrer à ce titre les conclusions de la mission parlementaire confiée au député Bertrand Pancher dans le cadre du comité opérationnel no 24.

Néanmoins, il est certain que la redéfinition des critères de représentativité ne remet pas en cause, a priori, le droit de recours dont disposent ces associations, notamment les associations agréées.

Par ailleurs, vous avez évoqué les difficultés rencontrées par les communes du département de la Manche dans l’application de la loi littoral. Ce constat doit nous inciter, pour les procédures d’information et de consultation, à travailler le plus en amont possible avec les associations et avec le public, comme d’ailleurs vous le faites.

J’en viens à la question des prestations sollicitées. Les règles de la commande publique et le régime juridique des subventions doivent permettre d’encadrer d’un point de vue financier et comptable les relations entre les collectivités et les associations. J’ajoute que l’expertise juridique et technique des services de l’État peut être apportée aux collectivités dans ces domaines.

C’est ainsi que nous souhaitons améliorer la sécurité juridique de vos interventions, sécurité dont nous comprenons bien la nécessité, et c’est ainsi que nous voulons œuvrer à l’avenir, dans le cadre du projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Madame la secrétaire d’État, j’ai pris bonne note de votre réponse, que, vous n’en serez pas surprise, je trouve encore trop timide.

Il est assez logique que, dans le département de la Manche, qui compte 375 kilomètres de côtes, nous nous sentions très concernés par la loi littoral. Or, croyez-moi, certaines associations – que je ne nommerai pas – se livrent à un véritable travail d’intimidation à l’égard des élus locaux et font indéniablement de ces recours abusifs leur fonds de commerce. C’est absolument inacceptable. Je suis tout à fait conscient de leur expertise, mais je ne peux pas non plus accepter que, dans certains grands quotidiens du grand ouest de la France, elles avouent que leurs « actions mettent en lumière les carences des services de l’État ». Là aussi, c’est littéralement inadmissible.

Je connais la pertinence et la qualité des actions des services de l’État, et je suis résolument choqué par ce type de propos. Ces associations, si je reconnais leurs droits, ne doivent pas, de leur côté, méconnaître les obligations qui sont les leurs. Je souhaite que l’on aille plus loin dans l’encadrement des prestations qu’elles exigent des collectivités locales.

Abandon du projet de création d’une 2 x 2 voies dans le Gard rhodanien

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour, auteur de la question no 468, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Simon Sutour. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, et je note avec intérêt que c’est vous, madame la secrétaire d’État chargée de l’écologie, qui allez me faire part de la réponse du Gouvernement.

Depuis de nombreuses années, le projet de 2 x 2 voies dans le Gard rhodanien reste un enjeu majeur du développement économique du département du Gard et de la région Languedoc-Roussillon. La mobilisation de l’ensemble des élus et des partenaires institutionnels et économiques a permis de lancer le 13 avril 1999 la déclaration d’utilité publique, ou DUP.

Au-delà du projet lui-même, la DUP doit permettre l’acquisition des terrains nécessaires à la réalisation des infrastructures routières. Or l’État a semblé ne pas retenir ce projet comme prioritaire, et le retrait du projet du contrat de plan État-région 2008-2013 a malheureusement confirmé ces craintes. Pourtant, ce territoire connaît une augmentation démographique régulière depuis plus de quarante ans, et l’ensemble des acteurs locaux a réalisé des efforts très importants pour les reconversions industrielles.

Aujourd’hui, les acquisitions foncières ne sont pas terminées alors que la déclaration d’utilité publique expire dans treize jours exactement. Il aura fallu que le département du Gard et la région Languedoc-Roussillon annoncent leur participation financière – 6,3 millions d’euros chacun ! – à l’achat des derniers terrains, qui n’est pourtant pas de leur compétence, pour que l’État apporte enfin sa contribution. Je souhaiterais, madame la secrétaire d’État, que vous confirmiez cette information, et plus particulièrement l’envoi des arrêtés de cessibilité.

Pour autant, après l’acquisition des derniers terrains, la phase de travaux doit être lancée rapidement. Là encore, l’État doit assumer ses obligations et donner des garanties sur le financement intégral des travaux, qui s’élèverait à près de 200 millions d’euros.

En effet, il ne serait pas acceptable que le poumon industriel de cette région continue d’être asphyxié par des infrastructures routières obsolètes. D’ailleurs, tous les élus, toutes tendances confondues, se sont mobilisés pour faire part de leur stupéfaction devant la position de l’État sur ce dossier.

C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, je vous demande de bien vouloir préciser clairement les engagements de l’État sur la réalisation rapide des dernières acquisitions foncières et la garantie du financement des travaux qui suivront.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur, vous portez un grand intérêt à l’aménagement de la Rhodanienne. Il est en effet important d’accompagner le développement du Gard rhodanien, qui constitue le poumon industriel de la région Languedoc-Roussillon. Cependant, les fonctions remplies par les routes nationales 86 et 580 ne correspondent pas à celles qui sont assignées principalement au réseau routier national ; ne supportant qu’une part très faible de trafic de transit à l’échelle nationale, ces routes ont une vocation essentiellement locale.

Les contraintes budgétaires actuelles ne permettent malheureusement pas d’investir massivement sur cet itinéraire dans les cinq années à venir. Néanmoins, afin de ne pas freiner le développement économique, l’État a décidé de profiter de la déclaration d’utilité publique – qui, vous l’avez rappelé, arrive à échéance le 13 avril 2009 – pour mener à leur terme les acquisitions de terrains nécessaires.

Le Gouvernement confirme donc que les financements nécessaires à l’acquisition de la totalité des terrains seront bien inscrits au programme de développement et de modernisation des itinéraires Languedoc-Roussillon et que la contribution de l’État sera portée à un tiers des crédits, le solde devant être apporté par le département du Gard et la région Languedoc-Roussillon, conformément aux engagements pris.

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Madame la secrétaire d’État, votre réponse était sinon laconique, du moins plutôt brève !

Vous l’avez souligné, la déclaration d’utilité publique arrive à échéance le 13 avril prochain, puisqu’elle a été prise le 13 avril 1999. Sous la pression du département du Gard et de la région Languedoc-Roussillon – qui ont accepté, alors que ce n’est pas de leur compétence, de mettre chacun 6,3 millions d’euros dans la balance –, l’État consent à son tour à accorder 6,3 millions d’euros pour que ces acquisitions se réalisent et que le bénéfice de la DUP ne soit pas perdu.

J’aurais aimé, madame la secrétaire d’État, que vous vous montriez plus précise sur les arrêtés de cessibilité, étant entendu qu’ils doivent partir d’ici au 13 avril.

Vous avez indiqué que les crédits seraient inscrits ; c’est une confirmation importante.

En revanche, je suis quelque peu déçu que l’on ne modifie pas, par exemple par un avenant, le contrat de plan État-région 2008-2013 pour mettre enfin les travaux en route – c’est le cas de le dire, s’agissant d’une 2 x 2 voies ! (Sourires.) Je trouve d’un intérêt limité d’acquérir des terrains pour ensuite ne pas lancer les travaux qui correspondent à la route envisagée.

L’ensemble des élus gardois, toutes tendances confondues, parlementaires comme élus locaux, va poursuivre son action. En cette période de plan de relance – un député de la circonscription a même été nommé en mission auprès du ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance ! –, nous allons, tous ensemble, coordonner nos efforts pour que le Gouvernement inscrive les crédits nécessaires et qu’après l’acquisition des terrains commencent enfin les travaux, qui sont particulièrement indispensables.

fonctionnement du service ferroviaire en normandie

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question no 461, adressée à M. le secrétaire d’État chargé des transports.

M. Hervé Maurey. Ma question s’adressait à M. le secrétaire d’État chargé des transports, mais je suis très heureux que Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie me réponde, d’autant qu’elle connaît bien notre département !

Ma question concerne les problèmes ferroviaires en Normandie, plus particulièrement sur les lignes Paris-Cherbourg et Paris-Le Havre.

Les retards de plus en plus fréquents – quand ce ne sont pas des annulations pures et simples – posent de graves problèmes aux familles, dans leur vie personnelle comme dans leur vie professionnelle, de même qu’aux employeurs. Ma collègue Catherine Morin-Desailly me racontait que le train Rouen-Paris qu’elle avait pris la semaine dernière avait eu une heure de retard et qu’un chef d’entreprise voyageant dans le même train n’avait pu prendre son avion à Roissy. On voit bien les conséquences de tels retards !

Les causes sont connues : elles tiennent à la fois à l’engorgement des lignes à l’arrivée en Île-de-France et aux travaux de rénovation qui ont enfin lieu, mais qui sont programmés sur dix ans, ce qui est excessivement long.

La durée de ces travaux doit être raccourcie et le projet EOLE à l’ouest, qui comporte la création d’une nouvelle gare en Île-de-France destinée à désengorger le trafic, doit être mis en place. Ces points importants ont été évoqués lors de la rencontre qui a eu lieu entre les parlementaires du département et M. Pepy, le président de la SNCF.

Par ailleurs ont été mis en place depuis le mois de décembre de nouveaux horaires qui ne sont pas conciliables avec les contraintes qui peuvent peser sur certains usagers. Ainsi, à Vernon, les heures des trains pour Paris ne sont plus compatibles avec l’heure d’ouverture des crèches !

Le dernier sujet extrêmement important est celui des tarifs. Dès que l’on quitte l’Île-de-France, on se heurte à un « mur tarifaire ». Lorsque l’on prend le train à Bueil, à Évreux ou à Vernon, le prix de l’abonnement est supérieur de plus de 200 % à celui qui se serait appliqué au départ de la plus proche gare d’Île-de-France. J’ai eu l’occasion d’évoquer ce sujet lors de la discussion ici même du projet de loi relatif à la régulation des transports ferroviaires, au cours de laquelle la Haute Assemblée a adopté à l’unanimité, contre l’avis du Gouvernement d’ailleurs, un amendement que j’avais cosigné et qui visait à fixer le principe selon lequel la nouvelle autorité de régulation ferroviaire pourrait émettre un avis sur l’équité des politiques tarifaires. Il me paraît effectivement nécessaire qu’à l’avenir ce mur tarifaire disparaisse.

Enfin, toujours à propos des tarifs, il semblerait que la SNCF ait décidé à partir du 1er avril, c’est-à-dire très prochainement, de supprimer la dégressivité sur les abonnements ; celle-ci consistait en un abattement de 30 % à partir de la deuxième année et de 50 % à partir de la troisième année. Si tel était le cas, ce serait tout à fait préoccupant puisque, vous le savez, madame la secrétaire d’État, le coût des transports pèse de plus en plus dans le budget des familles.

Ma question est donc très simple : quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour que les usagers normands soient normalement traités ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie. Monsieur le sénateur, vous souhaitez que les opérations de rénovation de la ligne Paris-Le Havre soient accélérées. Je connais effectivement bien cette ligne.

Ce programme de rénovation doit être précédé sur certaines sections, notamment entre Mantes et Rouen, de la mise en place « d’installations permanentes de contresens » destinées à éviter les perturbations du trafic durant les travaux. Ces travaux d’installations permanentes doivent démarrer en avril, si le calendrier est bien respecté.

Par ailleurs, l’amélioration de ces dessertes fait actuellement l’objet de réflexions dans le cadre du plan global d’amélioration de la desserte de la Basse-Normandie. Dominique Bussereau le présentera aux élus de cette région dans les tout prochains jours.

Les points de blocage qui obèrent le bon fonctionnement des dessertes se situent principalement sur le tronc commun, entre Mantes et Paris-Saint-Lazare. Pour y remédier, des aménagements à moyen terme, en Île-de-France, sont actuellement à l’étude afin d’apporter plus de robustesse à la ligne. À plus long terme, la fiabilisation des dessertes supposera une séparation entre les circulations rapides et les circulations lentes.

Le projet EOLE, que vous avez cité, est mentionné explicitement à l’article 13 du projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l’environnement. Son prolongement à la Défense, puis vers le Mantois, permettrait de libérer des capacités en gare de Paris-Saint-Lazare au bénéfice des liaisons normandes. C’est une question que nous étudions très sérieusement.

S’agissant du problème des horaires, la régularité s’améliore progressivement depuis la fin du mouvement de décembre dernier.

Dans le cadre du service de 2009, l’offre de trains circulant sur l’axe Paris-Vernon-Rouen connaît un accroissement significatif avec dix-neuf trains supplémentaires par semaine, soit 14 % d’augmentation.

Concernant la fréquence des trains aux heures de pointe entre la gare de Paris-Saint-Lazare et les deux principales gares du département de l’Eure – Vernon et Évreux –, les voyageurs bénéficient aujourd'hui aux heures de pointe d’un train toutes les dix-huit minutes sur la ligne Vernon-Paris, d’un train toutes les vingt-cinq minutes pour le retour Paris-Vernon et d’un train toutes les trente-six minutes pour le retour jusqu’à Évreux.

Quant aux tarifs des abonnements, les écarts entre l’Île-de-France et les régions limitrophes, qui sont non négligeables, résultent de la coexistence de deux systèmes tarifaires différents. Dans certaines régions, les conseils régionaux ont mis en place des tarifications spécifiques pour limiter ces effets de seuil. Il appartient aux autorités organisatrices des services régionaux de voyageurs de décider de l’opportunité ou non d’une telle mesure tarifaire visant à faciliter les déplacements interrégionaux vers l’Île-de-France.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. J’aurais bien sûr préféré quelques annonces plus fortes concernant notamment le projet EOLE vers l’ouest. Si l’étude du projet est une bonne chose, la réalisation de ce dernier en serait une meilleure encore !

Je formulerai les mêmes observations sur les délais de modernisation de la ligne. Le président de la SNCF nous avait indiqué que la modernisation s’étalerait sur dix ans, mais qu’il était techniquement possible de raccourcir les délais. Il s’agit là aussi, me semble-t-il, d’un problème de crédits ; ces investissements lourds, outre les améliorations qu’ils permettraient d’apporter aux usagers, contribueraient utilement à la relance souhaitée par le Gouvernement.

Enfin, s’agissant des tarifs, il est vrai que la Haute-Normandie, contrairement à d’autres régions, n’a pas souhaité que ce « mur tarifaire » soit adouci par un barème plus progressif. J’espère qu’il en ira différemment à l’avenir.

La base juridique de ce système relève, selon M. le secrétaire d’État aux transports, d’une loi qui date de plusieurs dizaines d’années. Il est donc nécessaire que le législateur se saisisse de cette question, car le périmètre tarifaire actuel ne correspond plus ni au bassin de vie ni au bassin d’emploi ; mais cela n’exonère en rien – vous avez raison de le souligner, madame la secrétaire d’État – la responsabilité de la région, qui a compétence en la matière.

Couverture hertzienne pour la télévision numérique terrestre (TNT)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, en remplacement de M. Alain Fouché, auteur de la question n° 460, adressée à Mme la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique.

M. Bernard Fournier. Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remplace au pied levé notre collègue Alain Fouché, retenu dans la Vienne à l’occasion de la visite du Président de la République dans ce département.

Le problème en matière de télévision numérique terrestre, ou TNT, auquel est confronté le département de la Vienne se pose également dans de nombreux autres départements français, notamment dans des communes rurales ou montagnardes.

M. Paul Blanc. Tout à fait !

M. Bernard Fournier. La couverture hertzienne pour la télévision numérique terrestre se met progressivement en place dans le département de la Vienne. Avec les émetteurs de la Vienne et ceux des départements limitrophes, la couverture théorique atteint pour l’instant 80 % de la population. En 2009, quatre émetteurs supplémentaires seront mis en service dans ce département et, par décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 16 décembre 2008, six émetteurs supplémentaires ont été intégrés au plan de diffusion de la TNT.

Le taux de couverture théorique de la Vienne atteindrait maintenant 97 %. Aujourd’hui, ce sont près de 98 % des habitants de la Vienne qui reçoivent la télévision. Or, en l’état des projections effectuées par Télédiffusion de France, il apparaît que de nombreux habitants pourraient ne plus rien recevoir dès le troisième trimestre 2010. À cette échéance, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, prévoit en effet le basculement de la Vienne vers la TNT et l’extinction de la télévision analogique.

Parallèlement, l’article 80 de la récente loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision dispose que les collectivités territoriales et leurs groupements qui en font la demande peuvent se voir assigner, par le CSA, la ressource radioélectrique nécessaire à la diffusion de la TNT. Cette disposition conduirait les collectivités candidates, dont ce n’est pas la compétence, à se substituer aux distributeurs, notamment France Télévisions, pour apporter ce service aux citoyens des zones rurales les moins bien desservies.

À défaut, nos concitoyens des zones rurales seraient exposés à des coûts d’équipement importants sans avoir nécessairement les moyens financiers d’y faire face.

Dans le programme d’actions du groupement d’intérêt public France Télé numérique, le secrétaire d’État à l’économie numérique a prévu certaines aides en faveur des personnes sensibles et des ménages à faibles revenus, aides qui semblent toutefois essentiellement destinées aux foyers déjà couverts par la TNT hertzienne.

Madame le secrétaire d’État, je vous remercie donc de bien vouloir nous préciser les dispositions prévues pour soutenir nos concitoyens des zones rurales qui n’auraient pas accès à la TNT hertzienne et qui devraient avoir recours au satellite.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, la télévision numérique terrestre, lancée en France voilà quatre ans, rencontre un très vif succès, puisque désormais deux foyers sur trois la reçoivent quel que soit le support.

Le déploiement de la TNT se poursuit à un rythme extrêmement soutenu. Selon le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la TNT couvrait près de 87 % de la population à la fin de l’année 2008, et une quarantaine de nouveaux émetteurs ont déjà été mis en place depuis le début de cette année.

La loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a introduit plusieurs dispositions visant à accompagner l’extension de la couverture du territoire par la TNT. La loi impose ainsi une couverture numérique de 95 % de la population aux chaînes historiques gratuites. Elle a introduit en outre un dispositif incitatif pour les nouveaux services de la TNT. Ce dispositif a pleinement porté ses fruits : l’ensemble des chaînes de la TNT se sont en effet engagées à couvrir également au minimum 95 % de la population, en contrepartie d’une prorogation de cinq ans de leurs autorisations.

Soyez assuré, monsieur le sénateur, que l’extension de la couverture de la TNT dans tous les départements est un objectif majeur du Gouvernement, objectif qui a guidé l’élaboration du schéma national d’arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique, lequel, approuvé par le Premier ministre le 22 décembre dernier, fixe le cadre du passage à la télévision tout numérique.

Ainsi, le CSA a publié le 23 décembre 2008 la liste des zones qui seront couvertes par la TNT avant l’extinction de la diffusion analogique. Dans ce cadre, le CSA a notamment retenu dix émetteurs à convertir au numérique dans la Vienne, dont quatre prévus pour le mois de juillet 2009 en plus des trois déjà en service.

Pour les zones qui ne seront pas couvertes par la TNT au terme du processus, il existe plusieurs solutions alternatives ; en particulier, une offre gratuite par satellite disponible sur tout le territoire permettra de recevoir l’ensemble des chaînes nationales en clair, sans aucun abonnement ni frais de location.

Enfin, un fonds prévu par la loi du 5 mars 2007 viendra en aide aux foyers les plus démunis pour leur permettre de s’équiper afin de recevoir les chaînes de la TNT : équipement en adaptateur TNT dans les zones couvertes, équipement de réception par satellite dans les zones non couvertes par la TNT. Le montant des aides sera bien sûr adapté à la dépense à consentir ; l’aide accordée aux foyers résidant dans des zones non couvertes par la TNT tiendra compte du surcoût représenté par l’achat d’un équipement de réception de la télévision par satellite par rapport à l’acquisition d’un simple adaptateur TNT.

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Madame le secrétaire d’État, je vous remercie de votre qualité d’écoute et des bonnes nouvelles que vous nous apportez, notamment en ce qui concerne les zones rurales ou montagnardes. Nous sommes très sensibles à cette démarche et à cette attitude du Gouvernement.

modification du mode de scrutin de l'élection des membres de l'assemblée de corse

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, auteur de la question n° 494, adressée à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le secrétaire d’État, ma question concerne le mode de scrutin de l’élection des membres de l’Assemblée de Corse.

Je ferai un bref rappel. En février 2007, le Sénat a adopté une proposition de loi tendant à modifier le mode de scrutin pour l’élection des membres de l’Assemblée de Corse par un rehaussement des seuils. En décembre 2008, Mme Alliot-Marie a indiqué qu’elle attendait bien entendu l’avis de l’Assemblée de Corse. En effet, la loi du 22 janvier 2002, dite « loi Jospin », a étendu aux propositions de loi la nécessité de consulter l’Assemblée de Corse, disposition qui s’appliquait auparavant aux seuls projets de loi.

Je rappelle que si nous connaissons les modalités de consultation pour les projets de loi, il n’en va pas de même s’agissant des propositions de loi, faute de jurisprudence.

Par ailleurs, la proposition n° 19 du rapport du comité Balladur préconise de rehausser les seuils valables pour l’élection à l’Assemblée de Corse, s’inspirant au demeurant de la proposition de loi votée par le Sénat.

Cette proposition, qui a été adoptée à l’unanimité, est d’application immédiate, puisque le rapport du comité Balladur précise que tant que le mode de scrutin de l’Assemblée de Corse reste distinct des autres modes de scrutin, il faut passer immédiatement à l’action, c’est-à-dire le modifier. Il ajoute – c’est la phrase essentielle, et j’y insiste, monsieur le secrétaire d’État – qu’aucun motif d’intérêt général, selon la formule du Conseil constitutionnel, ne justifie que le mode de scrutin ne permette pas de donner une majorité à l’Assemblée de Corse comme dans toutes les autres régions françaises.

Voilà où nous en sommes aujourd’hui. S’inspirant de ces éléments, l’Assemblée de Corse a voté, voilà quinze jours, une proposition de résolution tendant à modifier le mode de scrutin.

Quel est maintenant le débat ?

Il s’agit de savoir si l’Assemblée de Corse a été saisie juridiquement, dans les conditions requises, puisqu’elle n’a pas été consultée ; c’est en quelque sorte proprio motu qu’elle s’est emparée de ce problème.

La loi du 22 janvier 2002 prévoit deux hypothèses : ou bien l’Assemblée de Corse donne un avis parce qu’elle est consultée – cela n’a pas été formellement le cas –, ou bien elle peut toujours, en vertu de ce même texte, donner un avis parce qu’elle a toujours la possibilité de formuler des propositions de modification de nature législative s’agissant de son mode d’organisation. Voilà où nous en sommes aujourd'hui !

Ma question est simple, monsieur le secrétaire d'État : que compte faire le Gouvernement ? Faudra-t-il attendre encore longtemps un minimum de lucidité de la part des services ministériels pour les décider à nous sortir enfin de la situation absurde dans laquelle nous nous trouvons depuis quinze ou vingt ans ? L’Assemblée de Corse ne va tout de même pas ressembler à la Knesset – un parti peut y obtenir un siège avec 2 % des suffrages exprimés ! –, avec les difficultés que cette situation entraîne ! Je le répète, l’Assemblée de Corse doit enfin avoir un mode de scrutin lui permettant de gouverner dans des conditions normales ; des modifications ont déjà eu lieu dans les années quatre-vingt-dix pour régler toute une série de problèmes liés à l’absence de majorité dans d’autres régions !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser l’absence de Mme Alliot-Marie, auditionnée en ce moment même par la commission des lois du Sénat.

Vous avez interrogé le Gouvernement sur la modification du mode de scrutin de l’élection des membres de l’Assemblée de Corse. Comme Mme le ministre vous l’a déjà indiqué à l’occasion d’une question d’actualité au Gouvernement posée sur le même sujet le 11 décembre dernier, deux conditions nous semblaient nécessaires pour donner suite à votre proposition de loi visant à assurer une majorité stable à l’Assemblée de Corse, tout en garantissant la représentation des oppositions.

D’une part, il s’agit de connaître les conclusions du comité pour la réforme des collectivités locales. Ainsi que vous l’avez souligné, celles-ci rejoignent votre argumentaire sur ce point.

D’autre part, il s’agit de parvenir à un consensus au sein de l’Assemblée de Corse. Or une motion relative à cette proposition a été adoptée le 16 mars dernier par vingt-neuf voix contre deux, vingt élus n’ayant cependant pas pris part au vote puisqu’ils ont quitté l’assemblée pour manifester leur opposition.

Tout en notant l’existence d’une majorité, il me semble difficile, dans ces conditions, de conclure à un véritable consensus.

En tout état de cause, et conformément au code général des collectivités territoriales, cet avis doit désormais être transmis au président de l’Assemblée nationale, cette dernière ne s’étant pas encore prononcée sur votre proposition de loi.

Par ailleurs, il convient de signaler que toute modification du régime électoral de l’assemblée de Corse – la sixième depuis 1982 – ne peut intervenir moins d’un an avant le renouvellement de cette dernière, conformément à la tradition républicaine.

Il appartiendra donc au Parlement, en coordination avec le Gouvernement, d’estimer si cette réforme présente un caractère d’urgence ou si elle doit plutôt s’inscrire dans le cadre des évolutions plus profondes de l’organisation territoriale nationale qui sont aujourd’hui envisagées dans le cadre des conclusions du comité Balladur.

Je serai très clair, monsieur le sénateur. Compte tenu des difficultés récurrentes de fonctionnement que l’Assemblée de Corse a connues dans le passé, le Gouvernement estime qu’une modification des modalités de fonctionnement paraît urgente – et j’emploie cet adjectif à dessein. Il se mobilisera donc pour faire inscrire votre proposition de loi à l’ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale selon les nouvelles règles en vigueur et sera très attentif à ce qu’il en adviendra.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.

M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le secrétaire d'État, je prends acte de vos propos.

Je reconnais que la gestion d’un tel dossier est difficile pour le Gouvernement. Toutefois, si ce n’est pas lui qui prend une initiative très forte, nous ne sortirons pas de cette situation.

Si le mode de scrutin de l’élection des membres de l’Assemblée de Corse ne devait pas être modifié, le désordre règnerait de nouveau. Au passage, j’oublie la déontologie républicaine, car on ne va pas tenir une comptabilité notariale pour savoir si l’on dépasse de quinze jours le délai d’un an !

Monsieur le secrétaire d'État, comme le sait très bien l’expert de ces questions que vous êtes, plus une assiette électorale est étroite, plus il faut relever les seuils. En effet, avec une assiette de 150 000 électeurs, il suffit de 3 000 voix pour obtenir 2 % des suffrages exprimées ! Il va de soi que la situation n’est pas comparable à celle des régions PACA, Aquitaine ou d’Île-de-France.

Je vous supplie donc de prendre cette affaire en mains, afin de faire disparaître les désordres actuels.

syndicat mixte privé de subvention pour travaux consécutifs à une catastrophe naturelle

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, auteur de la question n° 466, transmise à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Jean-Claude Frécon. Monsieur le président, ma question concerne le financement des travaux réalisés dans le Massif central – une région que M. le secrétaire d’État connaît bien – à la suite des dégâts causés par les crues du début du mois de novembre 2008.

La situation est différente selon la nature du maître d’ouvrage. L’État apporte en effet une participation financière si c’est une commune ou une communauté de communes qui est maître d’ouvrage, mais non si c’est un syndicat mixte. Pour quelles raisons ?

En tant que représentant du ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, vous connaissez la réponse d’ordre général, monsieur le secrétaire d'État : un syndicat mixte n’a pas la qualité de collectivité locale.

Toutefois, les rivières, qui sont la cause principale de ces crues, ne recoupent pas forcément les limites d’une commune – même jamais ! –, ni celles d’une communauté de communes – pas souvent ! –, car le bassin versant de la rivière se trouve fréquemment sur plusieurs communautés de communes. Or, lorsque celles-ci veulent s’associer entre elles, elles ne peuvent le faire que sous la forme d’un syndicat mixte, la forme du syndicat intercommunal leur étant interdite pour une question de droit, ce que nous comprenons fort bien.

L’État a donc demandé, par l’intermédiaire des préfectures, aux communautés de communes existantes, qui avaient auparavant compétence pour engager les travaux consécutifs aux dégâts des crues, de se constituer en syndicat mixte ; dans le même temps, il argue du fait qu’un syndicat mixte ne peut bénéficier de subventions ! Les élus locaux considèrent donc – et moi aussi – qu’ils sont floués !

Une double question se pose à mon avis : une question de procédure et une question de fond.

Concernant la procédure, que faire pour ces collectivités locales regroupées en syndicat de rivière, souvent sous forme de syndicat mixte, afin de mieux gérer toutes les questions relatives à la rivière ? On comprend bien la procédure légale les contraignant à se transformer en syndicat mixte. Elles pourraient certes adhérer à une communauté de communes ou à une communauté d’agglomération dont le périmètre est beaucoup plus large, mais cela poserait alors de sérieux problèmes.

Vous le savez bien, autant en zone de montagne l’entité d’une vallée se défend tout à fait comme contexte économique et environnemental, autant en zone de moyenne montagne, comme la nôtre, avec une partie montagne, une partie basse montagne et une partie plaine associées dans un même syndicat mixte, on a l’obligation de respecter les collectivités qui existent d’ores et déjà.

Concernant la question de fond, je tiens à dire que les crues font surtout des dégâts dans les communes de plaine, lesquelles sont toutes associées au sein d’un syndicat mixte.

Le texte de ma question mentionne le syndicat mixte du bassin versant du Lignon, de l’Anzon et du Vizézy, mais j’ai aussi reçu dernièrement une lettre du président du syndicat interdépartemental mixte à la carte pour l’aménagement de la Coise et du Furan, qui regroupe de surcroît des communes de deux départements voisins, la Loire et le Rhône. À ce niveau, il serait difficile de résoudre le problème en créant une même entité, communauté de communes ou communauté d’agglomération. Pourtant la question se pose. Le président de ce syndicat mixte m’écrit ceci : « N’est-il pas urgent que l’État révise sa position sur l’éligibilité des structures porteuses des travaux postérieurs aux crues en prenant plus en compte la structure porteuse de la compétence rivière que le type de son statut ? »

Monsieur le secrétaire d'État, il faudrait faire évoluer la position de l’État pour prendre en compte à la fois la compétence du syndicat mixte en matière de gestion de la rivière et les conséquences des débordements éventuels de ces rivières, qui doivent être traités de la même façon sur tout le territoire, et ce quelle que soit la structure porteuse.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous avez interrogé M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui vous prie d’excuser son absence, sur le refus par l’État de la prise en considération de travaux consécutifs à la crue de novembre 2008 effectués par un syndicat mixte dans votre département. Comme vous l’avez souligné, de nombreux autres départements, notamment en montagne ou en moyenne montagne, sont aussi concernés. La réponse que je vous ferai vous donnera, je l’espère, satisfaction.

Je le rappelle, de violentes intempéries ont touché le département de la Loire, ainsi que plusieurs autres départements limitrophes, les 1er et 2 novembre 2008, causant d’importants dégâts aux biens des collectivités territoriales notamment.

Compte tenu de l’ampleur des dégâts subis par les collectivités territoriales, je vous confirme aujourd'hui qu’il est envisagé de mettre en œuvre la procédure de solidarité nationale. Des crédits exceptionnels seront ainsi ouverts, afin de soutenir financièrement la remise en état du patrimoine non assurable.

Une circulaire du 20 février 2004 précise effectivement que la maîtrise d’ouvrage pour les travaux doit être assurée par une collectivité locale ou un EPCI, un établissement public de coopération intercommunale. Cette règle exclut par voie de conséquence une maîtrise d’ouvrage assurée par un syndicat mixte, dont l’importance n’est plus à prouver dans la gestion de ces sites.

Je partage tout à fait votre analyse sur le fait que cette restriction n’est pas pleinement justifiée, car, s’agissant de la restauration des abords d’un cours d’eau, c’est la plupart du temps un syndicat mixte qui est maître d’ouvrage.

À la lumière des conclusions de la mission interministérielle en cours sur la dernière tempête de janvier 2009, il vous sera proposé dans les meilleurs délais, c'est-à-dire dans les semaines à venir, une modification de la circulaire, afin de permettre la maîtrise d’ouvrage par un syndicat mixte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon.

M. Jean-Claude Frécon. Je tiens tout d’abord à vous remercier, monsieur le secrétaire d'État, de cette bonne nouvelle, ou plutôt de ce début de bonne nouvelle. En effet, votre réponse appelle de ma part une autre question : la nouvelle circulaire aura-t-elle un effet rétroactif sur les dégâts causés par la crue des 1er et 2 novembre 2008 ? Les syndicats mixtes concernés par ces dégâts pourront-ils bénéficier de cette nouvelle solidarité ?

réforme du code de commerce en matière de rentes viagères

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, auteur de la question n° 379, adressée à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Christian Cambon. Je souhaite appeler l’attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés induites par l’application de l’article L. 620-1 et suivants du code de commerce en matière de rentes viagères.

En effet, il est fréquent que des personnes âgées vendent leur bien en viager afin de bénéficier des arrérages de rente et de subvenir ainsi à leurs besoins ou de compléter leurs revenus.

Malheureusement, des difficultés apparaissent lorsque les crédirentiers vendent à des commerçants qui tombent en faillite.

En cas de faillite du commerçant, l’article L. 620-1 du code de commerce a en effet pour conséquence de priver le crédirentier de ses arrérages et de tout espoir de paiement ultérieur, puisque l’arrêt des poursuites individuelles interdit la mise en recouvrement de l’arriéré et que la force résolutoire ne peut s’exercer. Cette situation est catastrophique pour ces crédirentiers impayés qui attendaient bien souvent de cette vente un complément de ressources indispensable à leur revenu.

Plusieurs parlementaires ont eu l’occasion d’interpeller le Gouvernement, accompagnant en cela l’Association nationale pour la défense des intérêts des rentiers viagers, l’ANDIRV, qui souhaite la révision de cet article pour que des dispositions particulières règlent ce type de situation.

Afin de protéger les personnes âgées, l’ANDIRV propose notamment de compléter l’article L. 622-23 du code de commerce en introduisant un privilège spécial au profit de ces crédirentiers, tout comme il existe déjà d’autres privilèges spéciaux. Il est donc indispensable que les clauses de garantie de l’acte, le privilège du vendeur et la clause résolutoire ne jouissent d’aucune exception.

Cette question se pose depuis longtemps. En 2002, interpellé sur ce sujet, M. Dominique Perben, alors garde des sceaux, avait confirmé qu’en application de l’article L. 621-40 du code de commerce les recours du vendeur d’un bien immobilier contre l’acquéreur qui ne paie plus la rente viagère stipulée lors de la vente sont suspendus lorsque ce dernier est placé en redressement ou en liquidation judiciaires.

Il reconnaissait que, si cette règle concernait tous les créanciers sans exception, les conséquences de son application étaient particulièrement graves lorsque la rente viagère revêtait un caractère alimentaire pour le créancier.

Aussi le ministre de la justice de l’époque affirmait-il porter un grand intérêt à ce sujet et entendait-il mettre à l’étude les axes de réforme permettant de pallier les inconvénients de cette situation.

Monsieur le secrétaire d’État, l’avenir des retraites est aujourd’hui un sujet de préoccupation particulièrement sensible pour nombre de nos concitoyens, notamment les personnes âgées, et le viager est considéré par beaucoup comme un mode de revenus complémentaires. Il est donc urgent d’agir pour rendre sûr à 100 % le paiement ponctuel des arrérages.

De plus, la crise économique fait malheureusement craindre de nombreuses faillites et, par voie de conséquence, les risques très importants du viager.

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite connaître la position du Gouvernement sur ce dossier et savoir si une telle réforme pourrait être envisagée dans les meilleurs délais.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, actuellement en déplacement en province, vous prie de bien vouloir excuser son absence.

Vous l’avez interrogée sur les difficultés rencontrées par le bénéficiaire d’une rente viagère lorsque la personne qui doit verser cette rente fait l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Vous rappelez notamment que l’ouverture de cette procédure interrompt le versement de la rente et prive ainsi la personne d’un revenu qui peut lui être nécessaire pour assurer sa subsistance.

Le Gouvernement attache la plus grande importance à ce sujet. Le ministère de la justice partage votre préoccupation de voir améliorer la protection des personnes qui ont de faibles ressources et sont totalement dépendantes des revenus apportés par le viager.

Pour autant, les mesures à prendre pour atteindre cet objectif ne sont pas évidentes. Il est en effet difficile de renforcer l’efficacité du privilège de celui qui a vendu un immeuble sous forme de viager.

Si l’on met de côté la priorité accordée au paiement de certaines charges de copropriété, ce privilège est déjà au premier rang des privilèges immobiliers spéciaux. De plus, il ne produit ses effets que lorsque les opérations de vente et de répartition ont été réalisées, ce qui, vous en conviendrez, prend souvent un certain temps.

Monsieur le sénateur, l’annulation de la vente pose également des problèmes. Elle oblige en principe le bénéficiaire de la rente à rembourser les sommes qu’il a déjà perçues, ce qu’il ne peut généralement pas assumer. C’est pourquoi il paraît nécessaire au ministère de la justice d’explorer parallèlement un certain nombre d’autres pistes.

Ainsi, il pourrait être envisagé de rendre obligatoire la souscription d’une garantie financière par l’acquéreur du bien en viager, si ce dernier agit dans le cadre de l’exercice de son activité professionnelle.

Une autre solution possible consisterait à prévoir que la personne qui acquiert le bien au cours d’une procédure collective se voit en même temps transférer l’obligation de verser la rente viagère.

Monsieur le sénateur, les services de la Chancellerie s’engagent à étudier ces diverses possibilités dans les meilleurs délais, de façon à assurer une meilleure protection des personnes qui dépendent du versement d’une rente viagère.

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Monsieur le secrétaire d’État je vous remercie de cette réponse très complète.

Nous ne méconnaissons pas les difficultés techniques et juridiques qu’il faut surmonter pour régler ce problème. Néanmoins, l’ouverture faite par le Gouvernement, avec notamment la possibilité de souscrire une garantie financière, devrait, si les textes suivent et permettent de fonder cette solution, rassurer les nombreuses personnes âgées qui, dans nos communes, sont très inquiètes.

En effet, le problème des retraites se pose de manière accrue, et la rente viagère est un mode de revenu qui, hélas ! se multiplie, puisque c’est une possibilité pour les personnes âgées de se procurer de nouvelles ressources. Mais encore faut-il que ces personnes soient assurées que la cession de leur bien leur permettra effectivement de bénéficier de la rente viagère !

programme de logements destinés aux surveillants de la maison d'arrêt d'osny (val-d'oise)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, auteur de la question n° 465, adressée à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaitais attirer l’attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur un ancien dossier concernant la construction de logements destinés aux surveillants de la maison d’arrêt d’Osny, dans le Val-d’Oise.

En 1999, le ministère de la justice s’est engagé sur un projet de construction de logements destinés aux surveillants de cette maison d’arrêt. Ces logements auraient dû être livrés dans les deux ans. Or non seulement rien n’est sorti de terre, mais ce dossier semble avoir disparu des préoccupations de l’administration, tant celle-ci reste muette sur le sujet.

Il est vrai que, à la suite d’une gestion plus qu’approximative du projet, le ministère de la justice s’est rendu compte, dès 2000, qu’il ne pouvait assumer lui-même la construction de ces logements. Oubliant de prévenir les principaux intéressés de cette impossibilité de financer en direct un tel projet, il a attendu 2005 pour avancer une solution en vue de sortir de l’impasse ! À cette date, le ministère de la justice a en effet annoncé la mise à disposition du terrain situé à l’entrée de la maison d’arrêt et le versement d’une subvention destinée à l’office d’HLM concerné. L’administration pénitentiaire a alors également confirmé que l’étude de faisabilité avait été achevée. Ses conclusions étant positives, il ne restait plus qu’à saisir l’office d’HLM de logements des fonctionnaires pour lancer l’appel d’offres et pour superviser la construction.

À la suite d’une question orale posée le 20 décembre 2005 par un député du Val-d’Oise, M. Axel Poniatowski, l’État a réaffirmé sa volonté de voir ce dossier se concrétiser, a précisé qu’il avait bien l’intention de verser la part de subvention lui incombant et a annoncé que le montage du projet serait définitivement arrêté début 2006.

Or il semblerait que ce dossier soit bloqué parce que RLF, Résidences Le logement des fonctionnaires, est en attente d’une avance de 26 000 euros par logement réservé pour le ministère de la justice.

Nous sommes aujourd’hui en 2009 et, de tous ces engagements, il ne semble plus rien rester.

Pourtant, la question du logement des surveillants de prison de la maison d’arrêt du Val-d’Oise reste cruciale. En effet, ces fonctionnaires, souvent débutants et originaires de province, n’ont pas les moyens de trouver un logement décent en région parisienne. Ils ne peuvent pas plus être logés dans le parc social, étant donné les difficultés quotidiennes que représente le fait d’habiter dans les mêmes quartiers que les familles des détenus qu’ils encadrent.

Toutefois, les surveillants de prison pourraient accéder à des logements locatifs intermédiaires, mais le ministère de la justice n’a fait aucune réservation sur les programmes PLI dans le Val-d’Oise.

Au vu de ces difficultés, monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous expliquer où en sont les engagements que l’État a solennellement pris devant les parlementaires en 2005 ? Quelles sont les raisons d’un tel manquement et, surtout, quand les dispositions nécessaires seront-elles prises pour que la réalisation de ces logements puisse commencer ?

Ai-je besoin de vous rappeler que les surveillants de prison exercent un métier extrêmement difficile sur tous les plans ? De plus, dans le cas d’Osny, il s’agit de fonctionnaires très jeunes, dont c’est souvent le premier poste. Voilà autant de raisons justifiant vraiment que ce dossier avance maintenant au plus vite.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Madame la sénatrice, vous avez interrogé Mme le garde des sceaux sur les difficultés rencontrées pour se loger par les personnels de la maison d’arrêt d’Osny, située dans votre département, et plus précisément sur le projet de construction de logements envisagé à leur intention. Mme Rachida Dati, actuellement en déplacement en province, vous prie de bien vouloir excuser son absence.

Ainsi que vous le rappelez, le ministère a retenu en 2005, pour ce dossier, le dispositif dans lequel il s’est engagé depuis plusieurs années et qui consiste à confier à des bailleurs sociaux la construction et la gestion de logements sociaux sur des emprises foncières non utilisées dont il est propriétaire.

En contrepartie de la gratuité du terrain, ces bailleurs se sont engagés, par bail emphytéotique d’une durée maximale de cinquante ans, à réserver l’essentiel des logements ainsi construits à des agents de l’administration du ministère de la justice, le terrain et l’immeuble revenant de plein droit, à l’échéance du bail, au ministère de la justice.

Or, en demandant le versement d’une subvention – vous avez parlé d’ « avance », mais, pour ma part, je préfère le mot « subvention » – de 26 000 euros par logement construit en plus de la mise à disposition à titre gratuit du terrain, l’opérateur avec lequel les négociations sont en cours, à savoir la Résidence Le logement des fonctionnaires, met à la charge du ministère un surcoût rendant le projet trop onéreux.

Compte tenu de l’urgence, il va cependant sans dire qu’il serait préférable de ne pas avoir à relancer une procédure complète auprès d’un nouvel opérateur. Par conséquent, Mme le garde des sceaux a demandé à ses services de vérifier très rapidement si la position de l’opérateur était négociable ou s’il était nécessaire de s’orienter vers un autre partenaire.

L’objectif est que le lancement de la construction de ces logements puisse, quel que soit le dispositif retenu, être engagé dans l’année.

Bien entendu, et afin de permettre aux agents intéressés d’attendre que les logements dont la construction est projetée soient enfin disponibles, des démarches sont en cours pour procéder, en fonction des besoins, à des réservations auprès de bailleurs sociaux de votre département.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.

On peut comprendre que RLF qualifie d’« avance » la somme de 26 000 euros, puisque cette société doit construire, payer les entreprises, etc. Les réservataires versent donc une avance qui est loin de couvrir le coût total des logements, ce qui n’est pas extraordinaire.

Cependant, j’entends parler pour la première fois du fait que la mise à disposition du terrain n’était apparemment pas compatible avec le versement d’une subvention destinée à la construction de ces logements. Le personnel concerné, qui suit ce dossier de très près, de même que la direction, n’a pas connaissance de cela. Au demeurant, je ne comprends pas bien pour quelles raisons il a été décidé de ne pas verser un centime en plus de la mise à disposition du terrain !

Monsieur le secrétaire d’État, si je suis sensible à votre réponse et à votre double engagement – vous efforcer de démarrer tout de même ce projet de construction et négocier, pour l’immédiat, avec d’autres offices d’HLM des réservations de logements sur le secteur géographique concerné du Val-d’Oise –, je crains qu’aucune solution concrète ne soit proposée aux personnels, ce qui serait, selon moi, tout à fait regrettable.

Monsieur le secrétaire d’État, si vous alliez visiter cette prison et vous entretenir avec l’ensemble des personnels, de la direction aux surveillants, vous verriez à quel point ils méritent qu’on soit plus sensible aux conditions de vie qui sont les leurs le soir, lorsqu’ils quittent la prison dans laquelle ils sont eux-mêmes enfermés durant leur temps de travail.

avenir de l'élevage des chevaux de trait

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, auteur de la question n° 464, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question traite des difficultés rencontrées par les éleveurs de chevaux de trait.

En effet, dans le cœur des Bretons et, plus généralement, des Français, le cheval de trait garde une place toute particulière. Comme le postier, il fait partie de notre patrimoine régional. À ce titre, on le valorise à travers des concours pour la préservation de la race.

Nous devons en effet au cheval de trait une partie de notre prospérité économique au cours du siècle précédent, particulièrement dans le domaine agricole, avant que l’avènement du tracteur et la révolution technique et technologique des mécanismes agricoles ne le relèguent, dans nos campagnes, au second rang des moyens de traction. Le cheval de trait est aujourd’hui essentiellement utilisé dans le domaine du tourisme, du sport et du loisir.

Nos éleveurs nous présentent pourtant de magnifiques spécimens, qu’ils soignent avec passion. Dans nos régions, des hommes et des femmes continuent d’agir et de travailler non par simple souci de rentabilité, mais parce qu’ils aiment ce qu’ils font. Grâce à eux, nous portons aujourd’hui un autre regard sur l’espèce chevaline et nous redécouvrons que cet animal est indispensable aux travaux, puisqu’il permet l’entretien et l’exploitation du bocage, des zones humides et des zones sensibles, inaccessibles aux engins motorisés sous peine de destruction d’un milieu à préserver. Le cheval respecte les sols fragiles et humides : il ne les tasse pas ; il est silencieux et respecte la faune.

C’est au moment où l’État se désengage massivement de ses responsabilités dans l’ensemble de la filière équine, abandonnant ses haras, pourtant lieux d’excellence pour les différentes races sur le plan génétique et la connaissance de cet animal, que le cheval se révèle l’un des éléments forts, si ce n’est central, de la mise en œuvre de politiques soucieuses de la nature et conformes au Grenelle de l’environnement.

Le cheval retrouve son heure de gloire, mais les éleveurs sont désespérés. Ils n’ont plus les moyens de poursuivre un élevage qui coûte cher, qui n’est pas soutenu et qui ne bénéficie que d’une faible reconnaissance. Les éleveurs français, particulièrement bretons, ont réussi à transmettre leur passion au-delà de nos frontières. Ils ont pu développer des marchés vers l’Espagne, l’Allemagne, le Brésil et le Japon, transformant leur savoir-faire en atout économique, mais leur manque de moyens les empêche de répondre à la demande. À terme, cette situation risque d’entraîner la disparition de nombreux élevages et, de fait, d’une partie de notre patrimoine vivant, à l’échelle régionale et nationale.

Aussi la filière du cheval de trait demande-t-elle son intégration dans le paysage de la politique agricole commune. Reconnue comme une filière agricole en juillet 2004 par la France, cette production ne peut cependant prétendre à aucun soutien européen. Son intégration dans la PAC lui permettrait d’accéder à un soutien de l’Europe dans les domaines où elle intervient fortement, à savoir l’environnement, l’aménagement du territoire et le maintien d’un véritable tissu rural. Il convient d’encourager la démarche de mixité du pâturage dans un souci de gestion économique et écologique des espaces, pour la protection de la biodiversité et des ressources en eau. Le cheval constitue un élément dynamique de la politique de protection des espaces. Sa reconnaissance dans le cadre de la PAC permettrait d’obtenir un statut agricole, et donc d’aider réellement les éleveurs. Ce serait par conséquent un véritable atout pour le développement durable des territoires ruraux. Je souhaiterais donc connaître, monsieur le ministre, les dispositions que vous comptez prendre au niveau européen pour que l’apport du cheval de trait, particulièrement du cheval breton, soit reconnu dans toutes ses dimensions.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, la situation du cheval de trait, notamment du cheval breton, est un sujet auquel je m’intéresse particulièrement depuis maintenant deux ans. Les productions animales à l’herbe, notamment le cheval de trait, sont l’une de mes priorités.

Tout d’abord, je tiens à vous confirmer que je partage votre analyse sur la contribution du cheval de trait, avec d’autres productions animales, au maintien de la biodiversité, à l’entretien de l’espace rural et, d’une manière générale, à la dynamique de nos territoires.

Au-delà des intentions affichées, j’ai annoncé le 23 février dernier, au nom du Gouvernement, une réorientation significative des aides, dans le cadre du budget européen pour l’économie agricole, à hauteur de 1,4 milliard d’euros, soit 18 % de ce que reçoit la ferme France au titre des aides directes payables à la fin de l’année 2010. Chacun en conviendra, il s’agit d’une réforme difficile.

Le Président de la République, pour accompagner cette réforme, a confirmé hier l’ensemble des décisions que nous avons prises, notamment le soutien des productions animales à l’herbe ou le sauvetage d’une filière qui était en voie de disparition, à savoir l’élevage ovin. Il m’a demandé de mobiliser un montant de 170 millions d’euros, qui sont disponibles sur le budget communautaire, augmenté d’un supplément provenant du budget national, pour accompagner les exploitations spécialisées en céréales, notamment dans les zones intermédiaires. L’effort de solidarité qui est demandé aux uns et aux autres pour une politique agricole plus juste, plus équitable et plus durable est, me semble-t-il, acceptable.

Nous avons décidé que cette réorientation serait au service de quatre objectifs : l’emploi, l’agriculture durable, l’élevage à l’herbe et la gestion des risques.

L’instauration d’un nouveau mode de soutien à l’élevage à l’herbe constitue une orientation forte que le Président de la République a annoncée dès septembre 2007. Les surfaces herbagères, qui couvrent plus de 45 % de notre territoire, sont un véritable atout pour notre pays.

La création d’un tel soutien répond à une logique économique de maintien de notre potentiel de productions animales à partir de systèmes à l’herbe : 700 millions d’euros seront ainsi mobilisés au sein du premier pilier, auxquels s’ajoutent les crédits de la PHAE, la prime herbagère agroenvironnementale, issus du deuxième pilier. Au total, le soutien des productions animales à l’herbe atteindra presque un milliard d’euros.

Cette décision engage une prise en compte économique, dans la durée, de ce mode de production herbager. Elle permet de combler ce que certains avaient appelé le « trou de l’herbe ».

Ce soutien économique sera ouvert à toutes les surfaces ayant un seuil de chargement supérieur à 0,5 unité de gros bétail, par hectare. L’aide sera au taux maximum pour un seuil de chargement de 0,8 unité de gros bétail par hectare et pour les cinquante premiers hectares. Les montants unitaires, ainsi que les critères, seront définis dans les prochaines semaines par un groupe de travail que j’ai mis en place. Monsieur Fichet, je peux d’ores et déjà vous affirmer que les surfaces valorisées par les chevaux seront prises en compte. Il s’agit donc d’une orientation nouvelle et significative, qui s’inscrit dans la durée.

Par ailleurs, mes services, en lien avec les organisations professionnelles, et en particulier France Trait, poursuivent un travail important concernant la rénovation des encouragements à la filière. Vous avez d’ailleurs légitimement évoqué la « reconnaissance » de cette filière.

L’objectif est, dans un contexte budgétaire contraint, d’aller vers une plus grande pertinence et efficacité. Cet exercice, d’ailleurs conduit dans la plus grande concertation, doit donner aux associations nationales de race et à leurs fédérations les moyens d’une plus grande autonomie, ce qui leur permettra d’assumer pleinement leurs responsabilités.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je connais effectivement votre attachement à la production animale du cheval de trait.

Je tenais à souligner le désespoir des éleveurs bretons et, plus généralement, français, qui sont aujourd’hui peu reconnus. J’espère que des éléments de réponse pourront leur être apportés par le biais du soutien à l’élevage à l’herbe. Cependant, leur demande me semble dépasser ce cadre. En effet, ces productions coûtent cher et rapportent peu, sinon rien. Elles dépendent donc uniquement de l’implication de personnes passionnées.

Monsieur le ministre, je compte bien évidemment sur vous pour défendre au niveau européen les revendications des éleveurs de chevaux de trait, afin que ces derniers acquièrent un véritable statut dans l’espace agricole européen.

moyens alloués à l'université de nanterre

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question n° 455, adressée à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le ministre, je tiens tout d’abord à exprimer mon vif regret quant à l’absence de Mme Pécresse, tant ce sujet requiert, à mon sens, toute son attention.

Je souhaite en effet l’alerter sur le manque de moyens alloués à l’université Paris X-Nanterre, lequel, de surcroît, fait peser une incertitude sur l’ouverture de l’institut universitaire de technologie de Gennevilliers, prévue pour la rentrée prochaine.

Pour 2009, la dotation globale de fonctionnement de cette université est certes en augmentation de 7,5 % par rapport à 2008. Cette hausse atteint 11,3 % si on y inclut les moyens alloués à la mise en sécurité et à l’accessibilité des locaux aux personnes handicapées, rendue obligatoire par la loi du 11 février 2005. Le décret du 18 mai 2006 fixe d’ailleurs au 31 décembre 2010 le délai limite pour rendre accessibles au public des parties ouvertes des établissements d’enseignement supérieur appartenant à l’État.

Ces chiffres nous placent cependant en deçà des 15 % de hausse annoncés en décembre dernier par Mme la ministre. De plus, sur les 7,5 % d’augmentation de la dotation globale de fonctionnement, 6,2 % – soit, tout de même, la quasi-totalité – avaient déjà été annoncés au titre du plan 2008-2012 « Réussir en licence », censé permettre aux universités de mettre en place des mesures nouvelles pour favoriser la réussite des étudiants.

Cerise sur le gâteau, l’augmentation restante de 1,3 % est conditionnée à la suppression définitive de huit postes en 2009. Ces suppressions de poste devront se poursuivre en 2010 et en 2011, selon un calendrier fixé par le ministère. Ces éléments permettent donc de tempérer fortement l’optimisme ministériel !

Une telle situation inquiète très fortement non seulement les personnels de l’université, mais aussi les élus locaux, qui se demandent comment l’université pourra maintenir ses activités actuelles, développer de nouveaux projets, comme l’y incite la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, et, enfin, assurer aux élèves les moyens garantissant leur réussite, notamment en licence.

Comment l’université pourra-t-elle en effet mener à bien toutes ces missions si plus de 80 % des moyens alloués sont destinés au seul plan « Réussir en licence » ?

Cette situation fait également naître une grande inquiétude sur l’ouverture de l’IUT de Gennevilliers, qui sera rattaché à l’université Paris X-Nanterre. En effet, à ce jour, l’université ne bénéficie pas de dotations spécifiques, en crédits ou en personnels, pour cet IUT, alors qu’elle sera cependant chargée de financer les personnels non enseignants de cette structure.

Ma question est donc simple : l’État compte-t-il prendre ses responsabilités et garantir un financement permettant à ce pôle universitaire d’ouvrir ses portes dans de bonnes conditions à la rentrée prochaine ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame la sénatrice, en l’absence de Mme Pécresse, retenue ce matin par un autre engagement et dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence, c’est le ministre de l’agriculture qui aura l’honneur de répondre à votre question. Sachez que, à titre personnel, je m’intéresse tout particulièrement à l’avenir des universités françaises et de la recherche.

Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche aurait souhaité vous rappeler elle-même tout l’engagement de l’État en faveur de l’université Paris X et, par là même, actualiser ou préciser, pour la bonne information de la Haute Assemblée, les chiffres ou les données dont vous disposez.

En effet, à l’instar de toutes les universités françaises, l’université de Nanterre dispose en 2009 de moyens inédits. Ses crédits de fonctionnement augmentent de 2 millions d’euros, soit, comme vous l’avez vous-même rappelé, madame la sénatrice, de 7,5 %. Cette hausse, égale à dix-neuf fois l’inflation, est trois fois supérieure à celle de 2008 et seize fois supérieure à celle de 2007. Dans le contexte actuel, peu de secteurs peuvent se prévaloir de telles augmentations.

Il faut y ajouter 2 millions d’euros pour la mise en sécurité de la bibliothèque universitaire et des amphithéâtres de cet établissement, au lieu de 300 000 euros l’année dernière.

Au total, l’ensemble de ses moyens s’accroîtront de 14 %, ce qui représente une augmentation inédite pour cette université qui, par ailleurs, disposera encore de moyens supplémentaires aux termes du contrat qu’elle négocie cette année.

Vous avez également évoqué les emplois de cette université, madame la sénatrice : cet établissement a effectivement restitué huit postes cette année, ce qui représente le non-renouvellement de 0,5 % de ses effectifs. Ces emplois vont, pour six d’entre eux, être redéployés vers des universités ayant vu leurs effectifs d’étudiants augmenter fortement ces dernières années, ce qui n’est pas le cas de Paris X. Ces non-renouvellements sont par ailleurs accompagnés financièrement, le ministère de l’enseignement supérieur ayant donné à l’université les moyens de requalifier certains de ses emplois.

Pour l’avenir, plusieurs éléments devraient vous rassurer.

Tout d’abord, le Premier ministre a annoncé qu’en 2010 et en 2011 les universités verront les suppressions d’emplois gelées.

Par ailleurs, et c’est un point auquel vous serez sensible, l’institut universitaire de Gennevilliers ouvrira en septembre 2010. Je sais que vous portez la plus grande attention aux conditions d’ouverture de cet IUT. Naturellement, dès la prochaine rentrée, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche mettra à disposition de cette nouvelle structure les moyens humains et financiers nécessaires à son bon fonctionnement.

Soyez donc assurée, madame la sénatrice, que l’université de Nanterre bénéficie, comme l’ensemble des universités, des moyens destinés à faire émerger des universités autonomes et puissantes, à renforcer l’attractivité des carrières, à mettre la réussite des étudiants au premier plan et, enfin, à créer les campus de demain.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je vous ai écouté avec attention, monsieur le ministre, mais le Gouvernement est coutumier des effets d’annonce. Ma question portait principalement sur les personnels non enseignants de l’université pour lesquels, à ma connaissance, les crédits alloués sont insuffisants.

J’insiste sur l’importance de la création de l’IUT de Gennevilliers pour l’offre universitaire globale dans le nord des Hauts-de-Seine. Cet institut répond à un véritable besoin de formation, notamment dans les domaines de la gestion administrative et commerciale et des carrières sociales. C’est peu de dire que les candidatures se bousculent aux portes de cet établissement qui, à terme, pourrait accueillir 900 étudiants. La commune de Gennevilliers a déjà investi 5 millions d’euros, et le conseil général des Hauts-de-Seine pas moins de 38 millions d’euros ; nous serons donc particulièrement vigilants sur les conditions d’ouverture de ce site.

situation financière de l'hôpital de cognac

M. le président. La parole est à M. Michel Boutant, auteur de la question n° 470, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.

M. Michel Boutant. Je souhaite attirer votre attention, monsieur le secrétaire d’État, ainsi que celle de votre ministre de tutelle, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, sur les difficultés financières que rencontre depuis plusieurs mois l’hôpital de Cognac.

Ma collègue député Marie-Line Reynaud a déjà alerté Mme Bachelot-Narquin à ce sujet voilà quelques semaines, mais la situation ne s’est guère arrangée depuis, ce qui m’amène à poser à mon tour une question.

C’est tout d’abord la réalisation des nouveaux locaux de l’hôpital, pourtant prévue de longue date, qui est menacée. Ceux-ci devaient voir le jour à côté de la clinique privée dès 2005, afin de constituer un grand pôle de santé, mais les études géologiques ont mis en évidence dans le sous-sol la présence de failles extrêmement importantes, qui renchérissent le montant des travaux de plus de 2 millions d’euros. Le directeur de l’hôpital a dû interrompre les travaux dans l’attente de nouvelles sources de financement. Le chantier est stoppé depuis six mois, ce qui place les entreprises attributaires du marché de construction dans une grande difficulté, à un moment où la situation générale de notre pays est préoccupante, notamment pour les entreprises du secteur du BTP.

Devant l’incapacité de l’État à mobiliser les ressources nécessaires au financement de ces travaux, les collectivités locales vont devoir se mobiliser, et la communauté de communes de Cognac, accompagnée le cas échéant des communautés de communes de Jarnac, de Grande-Champagne et du Rouillacais, devrait apporter une participation au financement des travaux. Ce sera un signal très fort envoyé à l’État, qui aurait dû apporter les financements nécessaires depuis déjà quatre ans ! Malheureusement, ce geste ne suffira ni à combler le surcoût de la construction dû aux failles ni à résorber le déficit chronique de l’hôpital de Cognac.

Je me permets de vous rappeler brièvement les faits, monsieur le secrétaire d’État : le 27 juillet 2001, le conseil d’administration du centre hospitalier de Cognac, présidé par l’ancien maire de la ville, a décidé la fermeture du service de chirurgie et la cession de cette activité à une clinique privée, sur proposition de l’Agence régionale de l’hospitalisation de Poitou-Charentes. Cette décision, à laquelle s’ajoutent les nouvelles règles de financement des hôpitaux, en particulier la tarification à l’acte, a abouti à un déficit considérable des comptes de l’hôpital, soit 1,2 million d’euros en 2008.

L’aide exceptionnelle de 545 000 euros attribuée par l’Agence régionale de l’hospitalisation de Poitou-Charentes n’a permis que de diminuer le déficit, et non de le résorber. Surtout, elle ne résout pas le problème d’un déficit devenu chronique, lequel fait peser des menaces sérieuses sur le maintien de plusieurs services, dont la maternité, pourtant labellisée « amie des bébés », et le service de réanimation.

Chacun redoute aujourd’hui que les 80 000 usagers potentiels de l’ouest de la Charente et de l’est de la Charente-Maritime qui souhaitent avoir recours à l’hôpital public n’aient bientôt d’autre choix que d’aller se faire soigner dans les hôpitaux d’Angoulême, de Bordeaux ou de Poitiers, situés à plusieurs dizaines de kilomètres.

Devant l’évidente nécessité d’une intervention financière de l’État, tant pour trouver une solution au déficit chronique que pour permettre le redémarrage des travaux de construction du nouvel hôpital, je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, si le Gouvernement entend effectivement mettre en œuvre cette double intervention et, si oui, dans quels délais.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu interroger Roselyne Bachelot-Narquin sur la situation de l’hôpital de Cognac. Cet établissement rencontre en effet des difficultés de deux ordres : d’une part un déséquilibre financier, d’autre part des incertitudes liées à la construction du nouvel hôpital.

Le centre hospitalier de Cognac fait l’objet de toute l’attention de Mme Bachelot-Narquin, qui s’est appliquée à permettre l’achèvement des travaux pour rendre possible la constitution du grand pôle de santé, améliorer la situation financière et, ainsi, garantir la proximité des activités de l’hôpital.

L’exercice 2008 fait apparaître un déficit de 1 million d’euros. Eu égard à ces difficultés, l’Agence régionale de l’hospitalisation de Poitou-Charentes a attribué une aide exceptionnelle de 545 000 euros, laquelle a permis de réduire de moitié le déficit de l’établissement.

Afin de rétablir durablement la situation, la direction du centre hospitalier de Cognac a travaillé à des mesures de réorganisation dont l’ambition est de garantir la pérennité des activités actuelles.

Les orientations suivantes ont été arrêtées : une économie sur le coût des travaux de 2,4 millions d’euros, rendue possible par la suppression d’un demi-étage et l’abandon de la construction de l’unité de restauration, sans incidence sur le projet médical de l’établissement ; une réorganisation plus pertinente des locaux ; la concession de la restauration à la commune, qui a la capacité d’absorber ce surcoût ; enfin, un engagement de la communauté de communes à apporter un fonds de concours de 240 000 euros.

Parallèlement, une renégociation du contrat de retour à l’équilibre est en cours, qui vise à intégrer une organisation du bloc opératoire sur trois jours au lieu de cinq, avec maintien d’une astreinte pour les césariennes. Cette nouvelle organisation, cohérente avec le niveau d’activité du bloc opératoire, permettra de dégager une économie de 250 000 euros par an.

Par ailleurs, un audit sur l’organisation et le temps de travail vient d’être lancé. Il permettra, grâce à un examen analytique des charges, d’identifier les voies d’optimisation et d’efficience.

Au total, l’objectif est un retour à l’équilibre en 2010, avec un déficit prévisionnel ramené en 2009 à environ 400 000 euros.

L’ensemble de ces mesures permettront de réduire le niveau d’endettement de l’hôpital sans remettre en cause le projet médical de l’établissement. En particulier, le maintien de la maternité fait pleinement partie de ce projet.

Vous le voyez, Roselyne Bachelot-Narquin a engagé les mesures nécessaires pour mener les travaux à leur terme, réduire le déficit du centre hospitalier de Cognac et assurer la pérennité de l’offre de soins pour la population.

M. le président. La parole est à M. Michel Boutant.

M. Michel Boutant. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Cette dernière manque toutefois de précision s’agissant des 2 millions d’euros de surcoût liés à la configuration du sous-sol au-dessus duquel l’hôpital doit être édifié. Si, localement, les communautés de communes sont en train de s’engager financièrement, la question de la contribution de l’État reste posée.

Pour ce qui est du fonctionnement futur de l’hôpital, j’ai pris bonne note, monsieur le secrétaire d’État, des décisions que vous avez annoncées quant à la restauration et à la maternité. Il subsiste néanmoins un point d’interrogation sur la réanimation.

l'accès aux soins menacé en dordogne

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, auteur de la question n° 463, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le secrétaire d’État, la problématique de l’accès aux soins pour les patients préoccupe les élus, les professionnels de la santé et les citoyens de la Dordogne, département essentiellement rural – le troisième par sa superficie sur le territoire hexagonal – qui ne compte que quarante-trois habitants au kilomètre carré.

Or, comme vous le savez, les médecins généralistes, qui constituent un rouage essentiel de notre système de santé en milieu rural, éprouvent aujourd’hui un malaise grandissant.

C’est dans ce contexte que l’État a décidé de procéder à une coupe claire dans les secteurs de garde : alors que la Dordogne en compte aujourd’hui quarante-six, il n’en resterait que dix-huit à partir du mois d’avril 2009 !

Cela obligera les patients à recourir de manière croissante aux secours d’urgence, avec tous les inconvénients que cela implique dans les zones éloignées des centres urbains. Cela aura aussi pour conséquence de rendre le fonctionnement de ces secours encore plus difficile qu’il ne l’est déjà.

On ajoute ainsi un problème au problème : en réduisant le nombre de secteurs de garde, on rend l’accès aux soins plus difficile pour les patients et on complique le fonctionnement des secours d’urgence, alors même que l’on constate d’ores et déjà des cas de démission de médecins généralistes dans les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS.

Aujourd’hui, 408 généralistes sur 426 participent aux permanences de soins. Réduire le nombre de secteurs de garde diminuerait donc, c’est vrai, le nombre de gardes à effectuer pour les médecins. Mais, contrairement à ce qui peut se passer en milieu urbain, cette réduction mettrait ces derniers, en milieu rural, dans des situations très compliquées en cas d’urgences simultanées sur le même secteur.

De surcroît, 12 % de ces généralistes ont soixante ans, voire davantage. Il faut donc encourager les vocations : si cela passe effectivement par l’amélioration des conditions de travail des médecins, cela ne doit pas se faire au détriment des patients périgourdins. Nos citoyens ne doivent en aucun cas être la variable d’ajustement des politiques de santé inadaptées qui sont menées en France !

Le projet de réforme n’apporte malheureusement pas de réponses satisfaisantes à cette situation. Au contraire, il privilégie encore une fois la rentabilité plutôt que la solidarité.

Lorsque la présence d’un service public important comme celui de la santé est menacée, cela a des conséquences graves pour les territoires en termes d’attractivité et de maintien de la population.

Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures comptez-vous prendre pour inciter réellement les médecins généralistes à continuer à travailler dans des zones rurales, autrement qu’en leur promettant moins d’heures de garde ?

Comptez-vous développer véritablement les maisons de santé dans lesquelles des médecins généralistes, ainsi que d’autres professionnels de la santé, pourraient s’installer ? Surtout, de quels moyens dispose l’État pour les mettre en place, sans chercher une nouvelle fois à se décharger sur le dos des collectivités territoriales ?

En Dordogne, vous le savez, les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans représentent 25 % de la population totale et plus du tiers dans les communes les plus rurales, soit quinze points de plus que la moyenne nationale. Notre département a donc besoin de tous ses médecins. J’espère par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, que votre volonté de rationaliser l’accès aux soins ne transformera pas la Dordogne en un désert médical.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. Monsieur le sénateur, la situation de la démographie médicale en Dordogne vous préoccupe et vous souhaitez savoir quelles mesures seront mises en œuvre pour améliorer l’accès aux soins dans ce département.

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, a parfaitement conscience du fait que la plupart des départements, notamment celui de la Dordogne, seront prochainement confrontés à une baisse du nombre de médecins installés. C’est pourquoi, dès aujourd’hui, elle agit pour améliorer sur l’ensemble du territoire l’organisation de l’offre de soins de premier recours, notamment la permanence des soins.

Ainsi, à l’avenant 27 de la convention médicale, il est proposé aux préfets et aux comités départementaux de l’aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires d’améliorer l’organisation de la permanence des soins en généralisant la régulation médicale, en créant des maisons médicales de garde et en limitant le nombre de secteurs de permanence sur l’ensemble du territoire.

Pour accompagner les acteurs départementaux dans cet exercice, Roselyne Bachelot-Narquin a créé une mission nationale d’appui à cette réorganisation. La Dordogne a été entendue, et la mission d’appui a formulé un avis afin d’optimiser le dispositif de permanence des soins et de garantir un égal accès aux soins à la population.

Sur les 426 généralistes en activité que compte la Dordogne, 408 d’entre eux participent à la permanence des soins, dont 12 % ont plus de soixante ans. Il est donc indispensable que ce département réduise rapidement le nombre de ses secteurs de garde, comme le font la plupart des autres départements, afin d’améliorer la garantie d’accès aux soins de nos concitoyens.

La mission d’appui a aussi encouragé ce département à mettre en œuvre rapidement les projets de maison médicale de garde afin de rassembler les différents acteurs de la permanence des soins.

Je tiens à rappeler l’ambition première du projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires », qui consiste justement, comme vous le souhaitez, monsieur le sénateur, à garantir à tous nos concitoyens, où qu’ils se trouvent sur le territoire, un égal accès aux soins, tout en consolidant le modèle libéral sur lequel est fondé notre système de santé.

Ce projet de loi comporte une série de mesures opérationnelles telles que le développement rapide de la filière universitaire de médecine générale, la définition du nombre de médecins à former dans chaque région pour chacune des spécialités, la création des bourses garantissant la présence de médecins dans les zones les plus en difficulté, la généralisation des coopérations entre professionnels de santé, le développement des maisons et des pôles de santé, la définition de schéma régional d’organisation sanitaire pour le secteur ambulatoire, et, enfin, l’assouplissement des modalités d’organisation et de financement de la permanence des soins.

L’organisation et le financement de la permanence des soins étaient placés auparavant sous la responsabilité de multiples acteurs : le préfet de département, l’assurance maladie, le conseil départemental de l’ordre des médecins, la mission régionale de santé.

Désormais, la permanence des soins sera entièrement confiée à l’agence régionale de santé. Cette dernière disposera d’une marge de manœuvre lui permettant d’adapter la rémunération des professionnels de santé en fonction de l’organisation retenue et de la charge de travail que la garde représente. Une complémentarité pourra être recherchée avec les établissements de santé, notamment en nuit profonde.

Par ailleurs, l’activité du médecin libéral assurant la régulation des appels en lien avec les centres « 15 » entrera dans le champ couvert par le régime de responsabilité administrative s’appliquant aux agents de l’établissement.

Je suis certain, monsieur le sénateur, que ces mesures seront encore enrichies des réflexions de la Haute Assemblée et que le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » fournira un cadre modernisé pour les professionnels de santé en améliorant l’accès de nos concitoyens à des soins de qualité.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, mais, si vous me permettez cette remarque aux connotations sportives, je trouve que vous bottez quelque peu en touche ! (Sourires.)

La Dordogne, qui compte actuellement 48 points de garde, verra ce chiffre passer à 18. Cela ne soulèvera pas trop de difficultés en milieu urbain, notamment dans les trois villes-centres que compte le département ; il n’en sera en revanche pas de même en milieu rural ! Ainsi, dans le nord du département, on ne comptera plus qu’un seul secteur de garde, contre 8 ou 9 actuellement. Ma collègue députée Colette Langlade a déjà interrogé le Gouvernement à ce sujet. Concrètement, il faudra désormais, pour rejoindre un secteur de garde, parcourir de trente à quarante kilomètres sur des routes certes agréables d’un point de vue touristique, mais difficiles, ce qui n’ira pas sans soulever des problèmes, surtout en nuit profonde.

Je souhaiterais donc que Mme la préfète révise sa copie et fasse passer le nombre de points de garde de 18 à 30, par exemple, afin que le milieu rural soit mieux pris en compte.

Par ailleurs, vous décrivez le dispositif médical. Mais quel est l’engagement de l’État en la matière ? Aujourd’hui, nous n’avons pas véritablement de réponse.

Enfin, je peux vous assurer que les membres de la Haute Assemblée, sur quelque travée qu’ils siègent, s’attacheront à améliorer le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires », que nous examinerons au cours du mois de mai et qui revêt une grande importance non seulement pour les patients, mais également pour l’attractivité des territoires. La disparition des cabinets médicaux et des écoles conduirait en effet à une désertification totale de nos territoires et à la fin de l’attractivité de ces derniers. Or les 400 000 habitants de la Dordogne tiennent à vivre et à travailler au pays.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. Tandis que la France rurale voit ses médecins disparaître, un numerus clausus est imposé à Grasse et à Marseille aux étudiants en médecine, compte tenu du nombre important de médecins en provenance d’autres régions… Nous ne doutons pas que Mme Bachelot-Narquin saura réparer au plus vite cette injustice.

J’en profite d’ailleurs pour saluer le conseil municipal de Grasse et son sénateur-maire, présents dans les tribunes.

réforme des tribunaux des affaires de sécurité sociale

M. le président. La parole est à M. René Teulade, auteur de la question n° 469, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

M. René Teulade. Dans la continuité de la question précédente, je souhaite attirer l’attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur un projet qui nous concerne tous, celui de la suppression de 44 tribunaux des affaires de sécurité sociale, qui fait d’ailleurs suite à d’autres suppressions. Cette mesure touche des populations particulièrement fragiles, celles et ceux que nous appelons « les accidentés de la vie », et je ne doute pas, monsieur le secrétaire d'État, que vous serez très sensible à cette question.

Dans une circulaire datée du 9 janvier dernier, M. le ministre des affaires sociales et Mme le garde des sceaux préconisent le regroupement des tribunaux des affaires de sécurité sociale qui traitent moins de 550 dossiers par an. Autant nous admettons que des adaptations sont nécessaires, autant nous considérons, à l’instar de nombreuses associations, que la réforme des tribunaux des affaires de sécurité sociale ne peut être engagée sur le fondement de ce seul critère.

Après la réforme de la carte judiciaire, qui a entraîné la fermeture, sans aucune concertation, de certains tribunaux d’instance et de grande instance, voilà que les tribunaux des affaires de sécurité sociale sont victimes de la révision générale des politiques publiques.

Pour le département de la Corrèze, par exemple, le Gouvernement préconise la suppression du tribunal de Tulle pour transférer son activité à Limoges, chef-lieu de région. En se fondant sur le seul nombre des affaires traitées, le Gouvernement fait preuve d’une absence totale de vision en matière d’aménagement du territoire.

De plus, pour rendre une justice de qualité, les magistrats n’ont pas besoin de traiter des affaires en nombre.

Monsieur le secrétaire d'État, vous n’ignorez pas que les justiciables ayant recours aux tribunaux des affaires de sécurité sociale sont souvent des victimes d’un accident du travail ou des personnes handicapées en conflit avec les organismes sociaux. Le regroupement des tribunaux éloignera encore une fois la justice des justiciables. Si votre projet est mené à terme, un requérant pourra mettre plus de deux heures trente pour se rendre devant la juridiction !

Déjà, les délais de traitement de certains dossiers peuvent atteindre parfois deux ans, voire plus. Qu’en sera-t-il lorsque les tribunaux seront regroupés ? De plus, que vont devenir les personnels des tribunaux actuels, dans une période ô combien difficile ! où nous devons tous nous montrer solidaires ?

Dans la circulaire précitée, il est demandé aux préfets de région et aux présidents de cour d’appel de faire connaître leurs observations avant le 28 février. Ce délai a été prorogé jusqu’au 3 avril. Dans beaucoup de régions, les associations de justiciables devraient participer aux concertations. C’est une bonne chose.

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous préciser quelles sont les intentions du Gouvernement en matière de refonte de l’organisation des tribunaux des affaires de sécurité sociale ? Nous souhaitons que celui-ci prenne en compte l’intérêt des justiciables et qu’il écoute avec la plus grande attention l’avis des associations qui les représentent. Ces dernières nous ont fait part de leur inquiétude, qui est également la nôtre et celle de tous ceux qui connaissent la vulnérabilité de ces personnes envers lesquelles la solidarité nationale doit plus particulièrement s’exercer.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. Monsieur le sénateur, les tribunaux des affaires de sécurité sociale, ou TASS, actuellement au nombre de 115, sont chargés de régler les litiges d’application de la législation de la sécurité sociale. Chacun de ces TASS est présidé par un magistrat de l’ordre judiciaire, assisté de deux assesseurs élus et d’un secrétariat composé d’agents administratifs. Les TASS constituent à ce titre une juridiction sociale.

Afin d’obtenir une meilleure affectation des moyens de la justice et d’améliorer la qualité du service public rendu aux justiciables, un avant-projet de réforme, élaboré conjointement par les ministères de la justice, du travail et de l’agriculture à partir du mois d’octobre 2008, envisage de rassembler, au sein de TASS de taille plus importante, ceux qui sont saisis de moins de 550 requêtes nouvelles en moyenne annuelle. L’activité de ces TASS, dont le nombre est actuellement estimé à 44, représente 12 % de l’activité globale de cette juridiction.

Ce regroupement ne serait envisagé qu’au moment où, grâce à la récente simplification des procédures administratives, la diminution du nombre de requêtes émanant d’institutions publiques réduirait sensiblement la charge de travail des TASS, avec un effet positif sur les délais de jugement.

Concernant les personnels, l’avant-projet prévoit que les agents des administrations sociales qui assurent en partie le secrétariat des TASS et qui pourraient être concernés par cette réorganisation seraient affectés aux directions régionales ou départementales du secteur social, sans mobilité géographique obligatoire.

Afin de vérifier l’adéquation des propositions envisagées au regard des réalités locales, notamment en matière d’accessibilité pour les justiciables, cet avant-projet fait actuellement l’objet d’une large consultation locale, menée par les premiers présidents de cours d’appel et les procureurs généraux près les cours d’appel, d’une part, et par les préfets de région, d’autre part.

Dans le même esprit, la fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés a été reçue le 27 février dernier par les directions des ministères concernés.

Afin que la consultation soit la plus large et la plus complète possible, il a été décidé de prolonger la période de concertation jusqu’au 3 avril prochain. À cette fin, il a notamment été demandé aux préfets de région de porter une attention spécifique à la consultation des parlementaires et des élus locaux.

Rien n’a donc été décidé, car le Gouvernement souhaite que la concertation soit approfondie. C’est en fonction des résultats de cette dernière que la décision sera prise de conduire la réforme envisagée ou d’échafauder de nouvelles hypothèses.

M. le président. La parole est à M. René Teulade.

M. René Teulade. Monsieur le secrétaire d'État, je vous sais gré de m’avoir confirmé que les organisations représentant en particulier les accidentés de la vie, personnes particulièrement vulnérables, seront consultées. Vous nous dites que le débat aura lieu. Je n’ai aucune raison d’en douter, mais je demande simplement qu’il se poursuive. Je souhaite surtout que le critère de l’accès aux tribunaux soit davantage pris en considération, et que l’on ne se limite pas à apprécier uniquement le nombre d’affaires traitées, même s’il ne peut être totalement ignoré.

Il conviendrait aussi que des précisions soient apportées sur la réforme de la carte judiciaire.

En particulier, on annonce la création de cités judiciaires : quand et comment ces cités fonctionneront-elles ? Quelles juridictions regrouperont-elles ?

J’insiste à nouveau sur le fait que, pour les personnes à mobilité réduite de mon département, notamment celles qui doivent utiliser des véhicules spécialisés pour se déplacer, l’aller-retour à Limoges peut prendre jusqu’à cinq heures et donc relever de la quasi-impossibilité. Or, dans ces affaires de sécurité sociale, la procédure est orale et il est indispensable que le requérant puisse se faire entendre.

Nous sommes donc très attachés à ce que la consultation se poursuive.

auxiliaires de vie scolaire en contrat d'accompagnement dans l'emploi

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont, auteur de la question n° 445, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.

Mme Bernadette Dupont. Monsieur le secrétaire d’État, ma question a également trait aux personnes vulnérables, et cela au premier degré puisqu’elle porte sur le respect des engagements de l’État quant à l’intégration dans la vie scolaire des enfants ayant besoin d’un accompagnement.

Je souhaite ainsi attirer l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale sur la situation des nombreux AVS, les auxiliaires de vie scolaire, recrutés en contrat d’accompagnement dans l’emploi.

Du fait des rigidités de ce type de contrat, il est en effet impossible de prolonger l’activité des AVS auprès des enfants qu’ils accompagnent, même lorsque ces professionnels ont donné satisfaction et que le terme de leur contrat intervient au cours de l’année scolaire.

Or les équipes pédagogiques constatent que l’accompagnement par une même personne tout au long de l’année favorise, au-delà des rapports affectifs qui se nouent, l’insertion et la participation dans la classe de l’élève. Aussi, tous plaident, dans l’intérêt des enfants, en faveur de la continuité de l’accompagnement.

La loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, dont j’ai été le rapporteur, prévoit la mise en place au 1er janvier 2010 d’un contrat unique d’insertion, en remplacement des différents contrats aidés. Le régime juridique sera plus souple, en particulier s’agissant de la durée, de la prolongation ou du renouvellement.

Les difficultés rencontrées par les établissements scolaires pour recruter des AVS et les inconvénients qui en résultent pour les enfants concernés justifieraient, me semble-t-il, que, par exception, cette disposition s’applique dès la rentrée de 2009 aux AVS embauchés en contrat d’accompagnement dans l’emploi.

Je remercie le ministre de l’éducation nationale de l’intérêt qu’il voudra bien porter à cette question dont le but est tant de permettre à des enfants déjà très éprouvés par la maladie ou le handicap de continuer à apprendre et à évoluer dans un environnement stable que d’apporter aux personnels la reconnaissance de leur travail.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. Madame la sénatrice, le Gouvernement partage avec vous l’ambition de la qualité du service rendu aux élèves et aux familles par les auxiliaires de vie scolaire.

C’est pourquoi le recrutement, l’accompagnement et la formation de ces personnels ont fait l’objet d’instructions précises prévoyant notamment la signature de conventions régionales tripartites avec le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et l’Agence nationale pour l’emploi.

Dans toute la mesure du possible, la durée de référence fixée des contrats doit couvrir l’année scolaire.

Le ministère de l’éducation nationale ne verrait pas d’obstacle à utiliser de manière plus précoce, ainsi que vous le suggérez, madame la sénatrice, le contrat unique d’insertion, pour autant que la loi le permette.

Le ministère de l’emploi et le haut-commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse seront saisis pour examiner les différentes solutions envisageables à cette fin.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont.

Mme Bernadette Dupont. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de cette réponse qui me paraît tout à fait adaptée à la question que j’ai posée.

J’espère donc que les conventions tripartites seront rapidement signées et que les différents ministères concernés pourront s’entendre afin que, dès la rentrée de 2009, les enfants puissent avoir l’assurance d’être accompagnés tout au long de leur année scolaire. Je crois d’ailleurs savoir que M. Hirsch est favorable à cette solution.

M. le président. Il s’agit là, monsieur le secrétaire d’État, de questions qui intéressent bien entendu tous les élus locaux, à Versailles comme à Marseille ! (Sourires.)

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

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Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
Discussion générale (suite)

Loi de finances rectificative pour 2009

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009 (nos 297 et 306).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
Articles additionnels avant l’article 1er

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, l’actualité et les débats –  tout à fait légitimes – sur les rémunérations des chefs d’entreprise ne doivent pas nous faire oublier la réalité du collectif budgétaire que nous vous présentons aujourd’hui, Christine Lagarde et moi-même.

Ce projet de loi est un texte de justice : il soutient les classes moyennes et modestes, il favorise l’emploi, il est crucial pour notre secteur automobile et traduit, très concrètement et très rapidement, les mesures annoncées à l’issue du sommet social convoqué par le Président de la République, le 18 février dernier.

Je voudrais profiter de cette occasion pour faire un bref point d’étape sur les mesures de relance. En effet, nous vous avons proposé de nombreuses mesures et vous avez voté plusieurs projets de loi pour que la France puisse résister au mieux à la crise. On peut donc légitimement se demander si ces mesures sont appliquées et fonctionnent convenablement. C’est bien le moindre avant d’examiner les mesures complémentaires que nous présentons aujourd’hui.

Oui, le plan de relance est en marche ! Patrick Devedjian a déjà transféré 3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 1,4 milliard d’euros de crédits de paiement aux ministères concernés. Par ailleurs, il a débloqué 1,8 milliard d’euros d’autorisations d’engagement et 1,1 milliard d’euros de crédits de paiements en faveur d’opérateurs comme l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, ou le Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA. D’autres versements devraient intervenir très prochainement. Des chantiers sont d’ores et déjà engagés : une cinquantaine de projets dans une quinzaine de régions ont commencé ou commenceront dans les tout prochains jours.

Le dispositif d’anticipation des attributions au titre du Fonds de compensation de la TVA, le FCTVA, a démarré sous les meilleurs auspices : au 20 mars 2009, 1 311 conventions avaient déjà été signées. Ces conventions correspondent à environ 3 milliards d’euros d’investissements prévisionnels.

S’agissant des aides fiscales, les entreprises ont déjà demandé 9,5 milliards d’euros de remboursements, et 5,8 milliards d’euros ont déjà été versés, dont 2,1 milliards d’euros à des petites et moyennes entreprises. Ces aides représentent soit des créances d’impôt sur les sociétés, remboursées pour près de 5,5 milliards d’euros – quatorze fois plus que sur la même période de 2008 –, soit des crédits de TVA à hauteur de 370 millions d’euros ; depuis février, les crédits de TVA sont désormais remboursés chaque mois et non plus chaque trimestre, si les entreprises le souhaitent.

Nous aidons aussi nos fournisseurs en réduisant tous les délais de paiement à moins de trente jours et en versant des avances de 20 %, au lieu de 5 %, à la conclusion du marché : ainsi, les avances versées en février ont doublé par rapport au même mois de 2008. Je vais par ailleurs déléguer 500 millions d’euros de crédits aux ministères pour accélérer, dès maintenant, le versement de ces avances.

Sur mon instruction enfin, les services fiscaux et les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, les URSSAF, accordent des délais de règlement aux entreprises qui éprouvent des difficultés à faire face à leurs obligations de paiement. Les demandes d’échelonnement peuvent même être formulées sans attendre la date de mise en recouvrement, précision que j’ai communiquée très récemment aux URSSAF notamment. En février 2009, les services fiscaux ont accordé plus de 5 500 plans de règlement, représentant plus de 75 millions d’euros. Les URSSAF, quant à elles, ont accordé plus de 12 300 délais de paiement. Dans les deux cas, le volume des facilités accordées par ces services a doublé par rapport à leurs pratiques antérieures. J’ai encore renforcé ces instructions la semaine dernière, à l’issue d’une table ronde avec les représentants des entreprises : ainsi, les pénalités seront systématiquement remises lorsque le plan de règlement sera respecté ; par ailleurs, une seule demande de délais pourra être adressée pour tous les services de recouvrement sociaux.

Comme Yves Jégo l’a rappelé en présentant le plan Corail, j’ai pris des mesures particulières pour octroyer des délais de paiement aux entreprises et aux particuliers de Guadeloupe et de Martinique, notamment en matière de contributions sociales et de droits de douanes.

Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le bilan très concret de la mise en œuvre, à ce jour, du plan de relance. Vous le voyez, nous n’avons pas perdu de temps pour, avec votre aide, adopter ces mesures ; nous n’en perdons pas non plus pour les appliquer.

Ce dernier point ne doit en effet pas être oublié dans les comparaisons entre les plans de relance des différents pays. Quand des chiffres sont avancés, il faut s’interroger sur le calendrier de mise en œuvre. Dans les plans allemands ou américains par exemple, les baisses d’impôt devraient s’étaler jusqu’en 2010. L’office budgétaire du Congrès américain estime qu’à peine 10 % des investissements annoncés par le président Obama seront réalisés dans l’année. Au Japon, les versements d’aide semblent prendre du retard. Nous nous attachons, quant à nous, à ce que les mesures de relance soient d’effet rapide, concentré en 2009, et temporaire, comme le recommande la Commission européenne.

Notre action doit aussi être replacée dans le contexte de notre système social. En France, ce système est très développé et joue à plein son rôle d’amortisseur. En septembre 2008, les pensions de quinze millions de retraités ont été revalorisées de manière anticipée de 0,8 % ; elles le seront à nouveaux de 1 % dès demain. En novembre 2008, la prime exceptionnelle de fin d’année a été portée de 152 à 220 euros pour 1,5 million de titulaires du revenu minimum d’insertion ou de l’allocation de solidarité spécifique. En janvier 2009, six millions de familles ont bénéficié d’une hausse de 3 % des prestations familiales, versées en février – il s’agit d’une progression sans précédent depuis longtemps ! – et 5,7 millions de locataires ont vu leurs aides au logement progresser de 2,95 %. En avril 2009, 3,8 millions de ménages modestes recevront une prime de solidarité active de 200 euros, dans l’attente de la mise en place du revenu de solidarité active en juillet 2009. En avril également, une hausse de 2,2 % de l’allocation aux adultes handicapés profitera à 820 000 personnes et une hausse similaire est prévue en septembre. Le minimum vieillesse augmentera aussi, cette année, de 6,9 %, pour 400 000 personnes isolées.

Que ce soient des mesures de relance ou de transferts sociaux, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit d’actions concrètes et rapides, qui soutiennent le revenu et l’investissement, l’emploi et l’activité.

Après ce bref rappel des mesures précédentes, j’aborderai, d’un point de vue plus global, l’équilibre du collectif budgétaire et les prévisions concernant l’évolution des finances publiques.

Je ferai un très bref retour sur 2008, puisque l’INSEE a publié ce matin même sa première estimation du déficit public pour 2008. Cette estimation concorde avec notre dernière prévision à 3,4 points de PIB. La dégradation de la conjoncture a déjà pesé sur les recettes de 2008, mais nous avons pu éviter un dérapage des dépenses : nous avons respecté la norme de progression des dépenses de l’État – c’est-à-dire zéro volume – et nous avons maîtrisé la progression des dépenses d’assurance maladie. En euros constants, la progression de la dépense a été d’à peine 1 % : elle est donc deux fois moins élevée que lors des dix dernières années, où elle s’élevait, en moyenne, à environ 2 %. Ces estimations étant globalement conformes aux prévisions de déficit pour 2008 que nous vous avions communiquées, elles ne remettent pas en cause nos prévisions pour 2009.

J’en reviens plus précisément au collectif budgétaire pour 2009. Nous proposons tout d’abord 2,6 milliards d’euros de dépenses supplémentaires en faveur des classes moyennes et modestes, et en faveur de l’emploi. Ce montant atteint même 2,9 milliards d’euros, si l’on y ajoute les crédits en faveur de l’outre-mer que nous avons ouverts par amendement à l’Assemblée nationale, concernant notamment le revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA.

Ces 2,6 milliards d’euros sont la traduction directe des décisions du sommet social : ils aideront directement environ dix millions de ménages modestes, car tel est l’objectif prioritaire de ce collectif budgétaire. S’y ajoutent près de 7 milliards d’euros de prêts pour soutenir notre secteur automobile.

Mais ce collectif intègre aussi une profonde révision des hypothèses macroéconomiques. Par rapport au collectif de janvier, les recettes fiscales sont ainsi revues fortement à la baisse, d’environ 6,3 milliards d’euros, pour mieux respecter la réalité.

La correction principale porte sur la TVA. La consommation en valeur a en effet été révisée de 2,9 % en loi de finances initiale à 0,8 % aujourd’hui, en raison notamment de la forte révision du niveau de l’inflation. D’autres éléments constituant l’assiette de la TVA sont aussi en net repli, comme l’investissement des ménages ou des entreprises.

Les recettes non fiscales sont également revues à la baisse de 1,1 milliard d’euros, sous l’effet de la diminution des recettes attendues des participations de l’État, et ce en dépit des recettes nouvelles issues des garanties que l’État fait payer aux banques.

L’évolution du déficit budgétaire par rapport aux prévisions établies en janvier s’explique donc par la baisse des recettes, d’une part, et par les mesures prises lors du sommet social en faveur de nos compatriotes les plus exposés ainsi que du secteur automobile, d’autre part. Par rapport au collectif de janvier, le déficit budgétaire prévu pour 2009 se dégrade de 17 milliards d’euros, pour atteindre 104,1 milliards d’euros.

Compte tenu du ralentissement de la progression de la masse salariale, le déficit de la sécurité sociale atteindrait, quant à lui, 17 milliards à 18 milliards d’euros en 2009. Au total, le déficit public s’établirait donc globalement à 5,6 points de PIB.

Ces chiffres résument par leur niveau la gravité des difficultés économiques que nous affrontons.

Mais ce déficit budgétaire d’un peu plus de 100 milliards d'euros masque en réalité deux déficits : un déficit structurel et, surtout, ce que l’on pourrait appeler « un déficit de crise ».

Ce déficit de crise s’élève à un peu plus de 60 milliards d'euros. Il s’explique, pour une moitié, par les moins-values de recettes dues à la crise - notamment en termes d’impôt – et, pour l’autre moitié, par l’ensemble des mesures prises pour faire face à la crise, c'est-à-dire des dépenses publiques.

Ce déficit de crise est réversible : les dépenses engagées pour le plan de relance ont précisément été conçues pour ne pas être pérennes et s’éteindre à la fin de 2010 au plus tard.

Les prêts seront remboursés ; dans l’intervalle, ils produisent des intérêts. Les participations sont des actifs qui seront réalisés ; dans l’intervalle, elles rapportent des dividendes.

Enfin, on sait que, pendant une année de croissance forte, les recettes fiscales, notamment l’impôt sur les sociétés, peuvent tout à fait faire apparaître des plus-values annuelles d’une dizaine de milliards d’euros par an. C’est ce que nous avons connu dans un passé récent.

Soyons clairs : même s’il doit se résorber à moyen terme, ce déficit de crise n’est ni anodin ni bénin pour autant – nul ne le dit, et certainement pas moi -, car il alourdit la dette. Chaque dépense doit donc être ciblée sur la croissance et l’emploi, et non entraîner de la dépense courante supplémentaire.

Le déficit structurel se monte, quant à lui, à environ 40 milliards d'euros. Il provient de la stratification de dépenses publiques que vous connaissez bien et qui ne sont, malheureusement, que peu remises en cause. Il n’est pas né de la crise et ne disparaîtra pas si nous ne poursuivons pas nos efforts pour maîtriser les dépenses récurrentes.

C’est pourquoi nous poursuivons la RGPP et l’ensemble des réformes structurelles. Philippe Marini, qui suit de près – il y participait encore hier soir – les travaux du comité de suivi de la RGPP peut en témoigner.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Absolument !

M. Éric Woerth, ministre. Nous avons en effet de fréquentes réunions sur ce sujet de la RGPP, qui représente un travail considérable, mené pour moderniser notre administration et limiter la dépense.

C’est pourquoi, avec l’aide des parlementaires, notamment le président et le rapporteur général de votre commission des finances, nous avons réalisé des avancées majeures sur le contrôle des niches fiscales et sociales lors des dernières lois de finances et dans la loi de programmation des finances publiques.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C’est vrai !

M. Éric Woerth, ministre. Les députés ont lancé les « états généraux de la dépense publique » ; si vous le vouliez - je sais que le rapporteur général en sera friand - des « états généraux de la dépense fiscale » pourraient être lancés, et vous pouvez compter sur mon soutien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre. C’est aussi pourquoi nous avons inscrit une croissance des dépenses dans la loi de programmation des finances publiques deux fois plus faible que celle que notre pays a connue en moyenne par le passé.

Le Premier ministre a confirmé cette orientation, en adressant le 20 février dernier à l’ensemble des ministres une lettre de cadrage pour la préparation du budget pour 2010. Ce cadrage est fondé sur le respect du budget triennal qui est inscrit dans la loi de programmation. Cela justifie bien qu’en dépit des incertitudes économiques nous ayons tenu à ce que soient menés à leur terme la discussion et le vote de cette loi pluriannuelle, qui est véritablement un point de repère dans cet environnement actuel très incertain.

Réduire le déficit structurel est indispensable pour préserver la soutenabilité de nos finances publiques et donc la qualité de la signature de la France, qui lui permet de s’endetter aujourd'hui encore à des taux bas. La crise ne doit en aucun cas être une excuse ou un prétexte pour relâcher la maîtrise de la dépense courante.

Je voudrais pour terminer revenir plus précisément sur certains aspects du collectif.

J’aborderai tout d’abord la mesure concernant l’impôt sur le revenu, sur laquelle Christine Lagarde reviendra.

Je souhaite avant tout dissiper tout malentendu. Sur les six millions de foyers concernés, deux millions sont imposés dans la première tranche - celle à 5,5 % -, deux millions sont imposés au début de la deuxième tranche - celle à 14 % - et deux millions de foyers, en raison de réductions ou de crédits d’impôt, reçoivent un chèque du Trésor public en fin d’année.

Il n’est évidemment pas envisagé de traiter ces personnes différemment des autres ; ce sont principalement des bénéficiaires de la prime pour l’emploi, la PPE, et nous ne lèverons pas l’impôt les concernant. Il serait d'ailleurs assez aberrant que la PPE finance l’exonération d’impôt. Ces personnes seront donc également concernées par la mesure de l’impôt sur le revenu.

Par ailleurs, le processus est géré intégralement par l’administration fiscale, ce qui simplifie la vie des contribuables. Ils déclareront leurs revenus de 2008 dans le calendrier habituel, en mai ou en juin prochain. L’administration, sur la base des revenus déclarés l’an dernier, suspendra le deuxième acompte ou les mensualités à partir de mai des contribuables qui étaient taxés l’an dernier dans la tranche à 5,5 %.

Enfin, en fin d’année, l’administration calculera l’impôt dû par les personnes qui sont effectivement dans le champ de la mesure sur la base de leurs revenus de 2008.

Dans certains cas, malgré la suppression des acomptes et des mensualités, des contribuables auront payé en début d’année des sommes supérieures à leur impôt calculé en septembre. Dans ce cas, il leur sera reversé le trop-payé. Inversement, certains seront sortis du périmètre de la mesure, car leurs revenus auront augmenté en 2008 par rapport à 2007 : dans ce cas, ils auront au moins bénéficié d’un avantage de trésorerie.

Ce que nous proposons, c’est donc de réduire l’impôt des contribuables les plus modestes.

Certains, au nom de la justice, souhaitent augmenter l’impôt des plus riches. Le débat doit avoir lieu en responsabilité, avec le souci, en cette période de crise, de ne pas dresser les Français les uns contre les autres.

Je tiens à dire qu’augmenter les impôts n’est pas une solution. Lorsque l’on commence à augmenter les impôts des plus aisés, le temps n’est pas très loin où l’on augmentera les impôts des classes moyennes, et finalement l’impôt de tous ! Qui peut également croire qu’une augmentation d’impôt serait provisoire ? En cette période, la justice et l’efficacité me semblent mieux servies par une baisse des prélèvements sur les plus modestes que par une sanction sur les plus riches.

De manière générale, cette crise appelle à plus de justice sociale. Nombre de nos compatriotes sont victimes de la crise, alors qu’ils n’en sont absolument pas responsables. Il est normal de les soutenir plus qu’en période de croissance. La crise, cela doit être plus et non pas moins de cohésion sociale, C’est ce que s’applique à faire le Gouvernement.

Pour cela nous agissons de plusieurs façons et, tout d’abord, par un soutien direct des plus modestes.

J’ai rappelé toutes les augmentations de transferts sociaux qui ont déjà eu lieu ou qui sont prévues cette année. Il faut naturellement y ajouter le revenu de solidarité active, le RSA, et, si vous votez ce collectif, la baisse de l’impôt sur le revenu et les aides aux plus fragiles de nos concitoyens.

Mais plus de justice, cela veut aussi dire lutter contre les excès. Nous l’avons fait récemment en mettant fin à deux aberrations de notre système fiscal. Avant, en France, on pouvait, si on savait s’entourer de bons conseillers, n’acquitter aucun impôt en étant riche, grâce aux niches fiscales. Au contraire, si l’on était moins bien conseillé, on pouvait payer un montant d’impôt supérieur à son revenu.

M. Jean-Louis Carrère. Maintenant, le fisc le rembourse !

M. Éric Woerth, ministre. Nous avons mis un terme à ces situations incompréhensibles, …

M. François Marc. Qui les a créées ?

M. Éric Woerth, ministre. … avec le plafonnement global des niches et le bouclier fiscal. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Personne n’avait réussi à le faire. Nous y sommes, avec votre aide, parvenus. Et le vrai scandale, ce n’est pas d’avoir mis en place le bouclier fiscal, c’est que ceux qui nous donnent des leçons n’aient jamais plafonné les niches fiscales.

M. Jean-Louis Carrère. Vous avez du mal à vous justifier !

Mme Marie-France Beaufils. Vous en avez tellement rajouté !

M. Éric Woerth, ministre. Les excès, c’est aussi l’évasion fiscale, quand on profite des « trous noirs » de la finance pour ne pas contribuer justement à l’effort commun. Là aussi, les avancées sont sans précédent.

Il ne se passe pas un jour sans qu’un pays accepte – Christine Lagarde et moi-même pouvons en témoigner - de réviser ses positions. Nous signerons rapidement des accords bilatéraux avec tous les pays qui ont accepté de faire évoluer leurs politiques bancaire et financière.

Les progrès dans ce domaine sont spectaculaires. Nous avons, en un an, progressé plus rapidement que sur les dix dernières années. Je souhaitais le dire devant la représentation nationale.

M. Jean-Louis Carrère. C’est la rupture avec l’ère Chirac !

M. Éric Woerth, ministre. Les excès, ce sont bien sûr aussi les rémunérations de certains patrons, qui dépassent l’entendement. Mais l’immense majorité des patrons sont également des victimes de la crise. Le patron de PME qui doit mettre la clé sous la porte est tout aussi perdant et inquiet que ses salariés. Nous avons voulu, en prenant ce matin un décret sur les rémunérations des dirigeants d’entreprise, porter une politique très claire permettant de mettre fin à l’ensemble de ces excès.

M. Jean-Marc Todeschini. Il est bien timoré !

M. Éric Woerth, ministre. Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, on ne crée pas de cohésion en dressant nos concitoyens les uns contre les autres.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre. On maintient la cohésion sociale en s’assurant que l’État protège les plus exposés et en veillant à ce que nul ne puisse indument s’exonérer des efforts nécessaires pour que l’ensemble du pays traverse au mieux cette crise.

C’est ce que nous faisons en menant une politique cohérente à la fois sur le plan économique et sur le plan social.

En conclusion, permettez-moi de réaffirmer les deux combats dans lequel le Gouvernement est engagé.

Le premier, évidemment, est le combat contre la crise, à travers la mise en place rapide du plan de relance. La seule réponse possible, c’est de tout faire pour sortir de la crise. C’est ce que fait le Gouvernement.

Le second point clé, c’est bien sûr de poursuivre les réformes structurelles, d’investir dans l’avenir et de maîtriser la dépense courante. C’est aussi la seule façon de sortir de la crise plus forts que nous n’y sommes entrés. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, l’usage voudrait que je vous rappelle un certain nombre de chiffres concernant notre économie et la manière dont, sur un certain nombre de points, tels la consommation des ménages, l’inflation, l’immobilier et le secteur bancaire - il faut en effet noter la stabilité de ce dernier -, la France fait un peu mieux que d’autres pays.

Dans un environnement international extraordinairement perturbé par une crise financière d’abord, économique ensuite, avec les conséquences sociales qu’elle emporte, où l’ensemble des économies mondiales sont affectées, notre pays résiste mieux que beaucoup de ses voisins.

Plutôt que de vous rappeler des chiffres que vous connaissez déjà et qui varient en fonction des prévisions – nombreuses et elles-mêmes environnées d’un halo d’incertitude, comme le soulignent l’ensemble des prévisionnistes, qu’il s’agisse des nôtres, de ceux de l’OCDE, du FMI, ou de la commission -, je soulignerai que l’action que vous engagez en examinant ce collectif budgétaire s’inscrit très précisément dans une mission à laquelle l’ensemble des gouvernements se sont attelés.

Cette mission consiste à tenter de juguler la crise internationale, de réorganiser l’ensemble du système financier, de nettoyer les bilans de l’ensemble des banques pour leur permettre de fonctionner à nouveau, de mettre en place des moyens financiers pour l’ensemble des pays en développement et des pays émergents, qui sont les premières victimes de la crise et les plus gravement touchés.

Tous ces sujets seront abordés à partir de demain soir et, plus généralement, pendant la journée de jeudi, lors du sommet du G20.

Ce sont des sujets cruciaux, que devront traiter tous les parlements, dans l’ensemble des pays du monde. Votre action s’inscrit dans ce cadre.

Permettez-moi de vous présenter rapidement la position de la France dans la perspective du G20.

Tout d’abord, notre pays, en accord avec l’ensemble de ses partenaires, s’attache à présenter une plate-forme de propositions qui visent à la relance coordonnée, selon des critères qui ont été énoncés par la Commission européenne et qui respectent la règle des trois T – « timely, targeted, temporary » -, c’est-à-dire des mesures temporaires, adéquates dans leur cible et appropriées dans leur montant.

Par ailleurs, nous voulons obtenir, vaille que vaille et coûte que coûte, une modification en profondeur du système de régulation, de manière que la réglementation et la supervision s’appliquent à l’ensemble des acteurs, des produits et des territoires.

Mon collègue Éric Woerth vous a rappelé tout à l’heure les modifications en profondeur qui ont affecté la scène internationale au cours des dernières semaines en ce qui concerne les centres non coopératifs et les paradis fiscaux, qui ont accepté de communiquer des informations en matière fiscale mais également d’adopter un certain nombre de principes dans le domaine prudentiel.

Dans le domaine de la régulation, nous serons extrêmement fermes en ce qui concerne les mécanismes de compensation des opérateurs de marché au niveau international. Si ces dispositions ne sont pas convenues sur un plan international, nous aurons beau prendre toutes les mesures que nous voudrons au niveau national, cela mettra tout simplement notre pays en situation de compétitivité défavorable pour nos opérateurs et nos institutions. Nous savons que, dans ce domaine, c’est évidemment à l’échelon international que doivent se prendre les décisions.

Dans le domaine de la régulation encore, nous prônerons une modification d’un certain nombre de principes comptables afin de tenir compte de la défaillance du marché qui empêche de déterminer la valeur d’un certain nombre d’actifs actuellement inscrits au bilan des banques.

D’autre part, dans le domaine des règles prudentielles applicables aux établissements bancaires, nous soutiendrons des mécanismes contra-cycliques, qui permettent de tempérer les effets extrêmement négatifs de la crise, et non de les accentuer, comme nous avons pu en avoir la démonstration ces derniers mois. Nous avons mené ces combats au niveau de l’Union européenne dans le cadre de la présidence française ; nous maintiendrons de tels efforts au niveau international.

Ce projet de loi de finances rectificative pour 2009 s’inscrit véritablement dans ce contexte : la France fera valoir à la fois ses exigences de relance coordonnée, selon les trois critères que j’évoquais tout à l’heure, de régulation et de gouvernance internationales.

Il s’agit de permettre au FMI, en liaison avec le Forum de stabilité financière, de financer les pays émergents avec des instruments beaucoup plus flexibles et mieux dotés financièrement. Dans le même temps, celui-ci devra se réformer pour assurer une meilleure représentation de l’ensemble des grands acteurs économiques et financiers mondiaux, quel que soit leur stade de développement. Je pense notamment à des pays comme la Chine, dont la représentation devra être modifiée au cours des mois à venir. Nous soutenons, pour notre part, une accélération du processus de réforme du FMI.

Par ailleurs, nous serons évidemment favorables aux mesures permettant l’amélioration du financement des échanges, afin d’éviter la diminution importante du commerce mondial qui est aujourd'hui annoncée par les instituts de prévision.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce nouveau projet de loi de finances rectificative pour 2009 s’inscrit dans le cadre d’une politique de relance dans laquelle la France s’est engagée plus tôt que d’autres pays : en effet, le Parlement français a été parmi les premiers parlements à voter des mesures de relance. Ce texte est donc construit, vous le savez, sur l’hypothèse d’une évolution du PIB de moins 1,5 % pour 2009, hypothèse qui nous a paru raisonnable mais qui, comme l’indique l’ensemble des prévisionnistes, est auréolée d’une grande incertitude, dans la mesure où les paramètres qui permettent de l’établir sont régulièrement révisés.

Cette prévision est assortie d’un risque majeur de destructions d’emplois qui pourraient atteindre 350 000 en 2009. Toutefois, ce chiffre pourrait être ramené à 300 000 avec le développement des emplois aidés dans les secteurs marchand et non marchand, auxquels il pourra être recouru dans des conditions plus favorables qu’aux conditions actuelles, qui, je le sais pertinemment, posent des difficultés aux collectivités locales.

En revanche, dans cette hypothèse, nous attendons en 2010 une reprise de l’activité qui conduirait à une hausse du PIB de 1 %. Nous espérons en effet que la coordination des plans de relance permettra d’avoir des effets sur la croissance dès l’année prochaine. Par ailleurs, nous aurons inévitablement un mouvement de restockage, qui sera consécutif au déstockage de l’année 2009, dans une proportion de l’ordre d’un tiers de la prévision

Sur le plan international, l’action du Gouvernement face à la crise pourrait être comparée à celle d’un architecte associé qui participe à la reconstruction du système financier internationale et à la stimulation de la relance.

Parallèlement, l’État français est obligé d’assumer un rôle de pompier. En effet, nous avons engagé plus de 50 milliards d’euros pour assurer le fonctionnement des circuits bancaires – garantir les dépôts et l’épargne – et les maintenir en état de financer la vie économique. Je le répète, ce plan, que nous exécutons régulièrement au fur et à mesure de nos émissions, n’est évidemment pas destiné à faire des cadeaux aux banquiers, mais tout simplement à maintenir le circuit financier en état de fonctionner et lui permettre d’aider nos entreprises.

Nous avons également mis en place un plan de soutien, que vous avez voté, de 22 milliards d’euros pour venir en aide aux PME, qui sont les premières à rencontrer des difficultés de financement. D’Oséo à la Caisse des dépôts et consignations, tous les acteurs publics du financement ont été mobilisés. Quant au travail du médiateur du crédit, relayé par les médiateurs départementaux que sont les directeurs départementaux de la Banque de France, il a permis de trouver des solutions de financement pour plus de 2 600 entreprises, et, partant, a permis le maintien de l’emploi de 63 000 personnes.

Dans le même esprit, comme l’a annoncé le Président de la République, des « commissaires à la réindustrialisation » seront nommés dans chaque bassin d’emploi en difficulté. M. le rapporteur général le sait, c’est déjà le cas dans la région de Compiègne, dont certains secteurs d’activité sont particulièrement touchés, notamment ceux de l’automobile et du caoutchouc. Ces commissaires auront les pleins pouvoirs pour mobiliser l’ensemble des agences et des guichets – ils sont multiples aux niveaux national et européen – et pour agir par des moyens d’intervention financiers destinés à soutenir l’activité ou à pallier les difficultés rencontrées par les entreprises.

Le plan de relance voté le 4 décembre dernier est largement axé sur l’investissement sur tout le territoire. Plus de 1 000 projets ont été identifiés. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance, est allé au-delà et a recensé d’autres projets qui sont prêts et qui pourront être activés soit dans le cadre du redéploiement des moyens non utilisés soit tout simplement parce qu’ils sont éligibles. Comme Éric Woerth l’a indiqué, plus d’une centaine de projets ont déjà été lancés, qui permettront, tout au long de l’année 2009, d’irriguer l’activité économique de l’ensemble des territoires.

C’est au niveau international que la France doit jouer un rôle d’architecte. Si nous n’arrivons pas à résoudre les problèmes du système bancaire et du système financier dans son ensemble, notamment la question de la coordination et de la supervision, nous n’arriverons pas à remettre sur pied nos économies, tant elles dépendent manifestement des circuits financiers et de la manière dont les risques sont pris au sein de ces établissements.

Comme l’a dit le Président de la République à Saint-Quentin, « cette crise et les souffrances qu’elle engendre nous concernent tous ». Nous devons tous nous engager dans un effort d’unité et de mobilisation non seulement au niveau international, mais également au niveau national. D’ici à la reprise, que nous attendons pour 2010, l’État va venir en aide à ceux de nos concitoyens qui sont le plus touchés par la crise. Tel était l’objet du sommet social du 18 février voulu par le Président de la République.

Les principales victimes de la crise qui se développe actuellement et affecte des pans entiers de notre économie, en particulier de notre industrie, sont les classes modestes et moyennes. C’est à cette France-là que le Chef de l’État, en concertation avec les partenaires sociaux, a décidé de consacrer 2,6 milliards d’euros, qui font l’objet de ce collectif budgétaire.

L’État, dans un souci de justice, va renforcer son aide aux plus vulnérables par des mesures ciblées, temporaires et à effets quasi immédiats. J’insiste sur l’importance de ces trois critères définis par l’Union européenne, qui sont indispensables pour garantir à la fois la durabilité et la solidité de nos finances publiques dans le long terme, sur lesquelles Éric Woerth a insisté tout à l’heure. Si les mesures respectent ces trois critères, cela signifie que, lorsque la crise sera passée, le ciblage ne sera plus nécessaire et la réversibilité sera assurée, puisque les effets quasi immédiats, nous l’espérons, se seront fait sentir.

C’est bien à l’aune de ces trois critères qu’il convient donc d’analyser et de mesurer les propositions qui figurent dans ce projet de loi ou dans les amendements.

Quand je parle d’unité et de mobilisation, c’est au plan interne que je pense en même temps qu’au plan international.

Actuellement, l’annonce quotidienne de bonus ou de stock-options exceptionnels, qui arrivent au plus mauvais moment pour les uns et au meilleur pour les autres, vient brouiller la ligne très claire que le Gouvernement s’est fixée depuis deux ans, particulièrement lorsqu’ils sont présentés de manière agrégée pour affoler tout le monde. Le Gouvernement souhaite que la valeur travail soit véritablement instaurée comme la clé de voûte, l’impératif absolu, du fonctionnement de notre économie, afin de la rendre plus compétitive, plus attractive et plus satisfaisante pour ceux qui y participent ; que le mérite soit reconnu ; que l’incompétence soit sanctionnée. Il n’est pas tolérable que ces trois principes, sur lesquels nous devons nous appuyer, soient bafoués, car il y va de l’intérêt des entreprises, mais également de l’intérêt général.

C’est d’ailleurs dans le même esprit que le Gouvernement souhaite établir un partenariat véritable entre le contribuable et l’État en instaurant le « principe du 50-50 », parfaitement incarné par le bouclier fiscal.

Hier, le Premier ministre a ainsi, sur ma proposition, signé un décret qui interdit aux dirigeants des entreprises soutenues par l’État de bénéficier des outils que j’évoquais tout à l’heure, en particulier les stock-options ou les attributions gratuites d’actions. Cette démarche va dans le sens des amendements que certains d’entre vous ont évoqués ou déposés.

Le Premier ministre a expliqué, lors de son point de presse, pourquoi nous avons eu recours au règlement : dans la mesure où un décret est effectif dès sa publication, il permet une action rapide, ce que ne peut nous garantir la meilleure des lois, compte tenu du processus législatif.

Interdire les stock-options, les attributions gratuites et certains dispositifs de rémunération lorsque les établissements envisagent des licenciements d’ampleur, c’est évidemment le sens de l’action que nous entendons mener dans le cadre de la valorisation du travail et du mérite, de la juste reconnaissance de ces valeurs et de la sanction des incompétences.

J’aimerais à présent détailler les mesures que nous prenons pour les classes modestes et moyennes, qui sont consécutives aux annonces du sommet social. Elles concernent ceux qui ont du mal à vivre avec un revenu modeste ou moyen, ceux qui travaillent dans des secteurs particulièrement menacés – je pense à l’automobile –, enfin ceux qui sont les plus fragilisés par la crise, les victimes de baisses d’activité ou du chômage.

L’Assemblée nationale a déjà apporté sa contribution à ce texte, et je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de nous aider à l’améliorer encore. À cet égard, je salue particulièrement le travail et les propositions du président de la commission des finances, Jean Arthuis, et du rapporteur général, Philippe Marini.

Pour les classes modestes et moyennes, une mesure phare de ce collectif est mise en œuvre, celle qui consiste à diminuer leurs impôts. Nous voulons réduire des deux derniers tiers l’impôt des contribuables de la première tranche à 5,5 %, et étendre cette diminution à ceux qui sont situés dans le bas de l’échelle de la tranche à 14 %. Éric Woerth l’a évoqué tout à l’heure, plus de 6 millions de foyers verront ainsi leur impôt diminuer significativement. Le gain de pouvoir d’achat qui en résultera pour les classes modestes et moyennes représentera 1,1 milliard d’euros.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, notre objectif n’est pas d’augmenter les impôts – nous n’avons pas été élus pour cela, et le Président de la République ne l’a pas prévu dans son programme – mais, bien au contraire, de les diminuer chaque fois que cela est possible ou justifié, y compris par des mesures ciblées comme celle que je viens d’évoquer.

Vous le voyez, un calendrier précis a été mis en place. D’autres mesures ont été prévues dans le cadre du sommet du 18 février, dont l’aboutissement législatif se trouve dans ce collectif budgétaire. Je songe par exemple à la prime exceptionnelle de 150 euros pour les familles ayant des enfants scolarisés de plus de 6 ans, qui sera délivrée au mois de juin et concernera 3 millions de familles. Je songe aussi aux 230 000 salariés précaires sans droit à l’allocation chômage, à qui sera versée la somme de 500 euros dès le mois d’avril.

L’Assemblée nationale a adopté un amendement, présenté par MM. Censi, Bouvard et de Courson, qui aligne le régime de réduction d’impôt pour l’investissement locatif dans les résidences avec services sur le régime dit « Scellier ». De l’aveu même des spécialistes, ce dispositif, allié au doublement du prêt à taux zéro, a permis d’engager un léger mouvement d’amélioration dans le secteur immobilier français. Il s’agit donc d’un amendement particulièrement bienvenu dans la mesure où il élargit le champ d’application du dispositif « Scellier ».

Nos mesures de soutien portent également sur les salariés qui travaillent dans des secteurs particulièrement frappés par la crise. Je pense au premier chef au secteur automobile, qui emploie environ 10 % de la population active. C’est pourquoi mon ministère, avec l’aide très active de Luc Chatel, s’est mobilisé pour conclure le pacte automobile, le 9 février dernier, à la suite des états généraux de l’automobile, qui a rassemblé tous les représentants de la filière, y compris les distributeurs et l’ensemble des sous-traitants.

L’État va donc octroyer à l’ensemble de la filière – vous savez qu’elle est touchée dans le monde entier et pas seulement en France – un soutien ciblé sous forme de prêt, à hauteur de 6,5 milliards d’euros sur une durée de cinq ans, et augmenter de 1 milliard d’euros la garantie de prêts aux sous-traitants des entreprises automobiles.

Ce plan a bien entendu été présenté à la Commission européenne, en particulier aux responsables chargés de la concurrence. En l’état actuel, il est parfaitement compatible avec les règles relatives aux aides d’État et au principe de non-discrimination. En effet, il ne profitera pas uniquement aux constructeurs automobiles français. Ainsi, une partie de ce concours financier bénéficiera notamment à Renault Trucks, qui est une société détenue en réalité par Volvo, et nous sommes actuellement en négociation avec Iveco, société appartenant à Fiat. En contrepartie, les constructeurs bénéficiaires s’engagent à accélérer les programmes de véhicules décarbonés.

Dans le même souci d’allier relance économique et développement durable, l’État veut octroyer 150 millions d’euros de prêts bonifiés pour les nouveaux véhicules innovants en matière écologique, ces « véhicules verts » en quelque sorte que nous appelons de nos vœux.

Je précise que le Fonds stratégique d’investissement est également mobilisé pour un certain nombre d’acteurs de la filière, dont certains méritent évidemment toute notre attention non seulement sur le plan économique et technologique, mais également sur le plan social.

De plus, pour les toutes petites entreprises qui peinent à trouver des capitaux, l’Assemblée nationale a proposé, grâce au député Nicolas Forissier, une modification judicieuse du dispositif ISF-PME, qui permet en quelque sorte aux redevables de l’impôt sur la fortune de payer l’entrepreneur plutôt que le percepteur, en autorisant les « holdings ISF » à compter de plus de cinquante associés, à condition que les investissements qu’elles réalisent soient ciblés sur les petites entreprises de moins de dix ans. Ce dispositif, dont le champ d’application est restreint, aura un effet de levier important pour les petites entreprises jeunes et innovantes, auxquelles nous pensons tous.

Il faut enfin répondre aux difficultés du crédit interentreprises, qui est l’un des mécanismes de financement de nos entreprises.

En cette période de risques parfois difficiles à assumer, mais en tout cas mesurés de manière beaucoup plus rigoureuse, un certain nombre de nos entreprises subissent les effets de la réduction du crédit interentreprises. En effet, les assureurs-crédit réduisent, voire retirent leurs couvertures aux entreprises.

Face à cette situation, le Gouvernement a très vite mis en place le complément d’assurance-crédit public, le CAP, afin de prendre le relais des assureurs-crédit qui ne couvrent pas la totalité du risque. Les encours garantis au titre du CAP sont ainsi passés de 18 millions d’euros début février à plus de 100 millions d’euros début mars. Toutefois, nous savons que ce mécanisme n’est pas suffisant, car il a été conçu pour répondre aux cas de réductions de garantie et non aux cas de coupure pure et simple de garantie.

Conformément à ce qu’a annoncé le Premier ministre, le Gouvernement propose donc que l’État garantisse jusqu’à 5 milliards d’euros de crédits interentreprises au bénéfice des entreprises qui perdent la totalité de leur couverture d’assurance-crédit. Nous aurons l’occasion de discuter de la mise en place de ce nouveau dispositif, le CAP+, au cours de l’examen de ce projet de loi de finances rectificative. Je le répète, il ne s’agit pas d’un complément de l’assurance-crédit, mais d’un substitut à l’assureur-crédit qui retire purement et simplement sa couverture.

L’autre catégorie de Français que nous voulons aider, ce sont les salariés en activité partielle.

Au-delà de ce plan spécifique, certains secteurs tournent au ralenti. Nous espérons que cette situation sera provisoire. En attendant, nous devons soutenir le versement d’indemnités aux salariés concernés. Aussi, nous souhaitons prendre deux mesures.

La première mesure touche au relèvement des plafonds.

Le contingent d’heures de chômage partiel maximum par salarié et par an, aujourd’hui de 600 heures, sera porté à 800 heures et même à 1 000 heures pour certains secteurs comme l’automobile et le textile. De même, la durée maximale de chômage partiel consécutif sera portée de quatre semaines à six semaines. Le projet d’activité de longue durée permettra de conclure des conventions de six mois en contrepartie d’un engagement de la part de l’employeur à maintenir le salarié dans son emploi pendant le double de cette durée selon le principe « donnant-donnant ».

La seconde mesure, directement issue du sommet social, a trait à l’amélioration du pouvoir d’achat.Le taux d’indemnisation du chômage partiel pourra atteindre jusqu’à 90 % du salaire net, l’État augmentant sa participation au remboursement.

Enfin, nous envisageons des mesures pour ceux qui peinent à trouver ou à retrouver un emploi.

Nous sommes bien conscients que les mesures en faveur du chômage partiel ne sont pas suffisantes, en particulier lorsque des entreprises sont contraintes par la crise à mettre fin à une partie de leur activité et à procéder à des licenciements collectifs pour motif économique. Dès lors, le fonds d’investissement social sera mobilisé. L’État a décidé de l’abonder directement à hauteur de 800 millions d’euros pour agir sur trois volets : la formation et le reclassement à destination de ceux qui seront licenciés pour motif économique ; le soutien des bassins d’emploi en difficulté avec le CTP ; l’accompagnement des jeunes à travers des contrats de professionnalisation, des contrats aidés, des écoles de la deuxième chance, qui s’avèrent très efficaces.

S’agissant du reclassement, je rappelle que la convention de reclassement personnalisé, la CRP, a déjà été améliorée par un accord national interprofessionnel du 23 décembre. La durée pendant laquelle le salarié est pris en charge par la CRP est allongée de huit à douze mois et l’indemnisation est augmentée à hauteur de 80 % du salaire antérieur brut pendant les huit premiers mois, puis de 70 % pendant les quatre mois restants.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que nous vous proposons dans le cadre de ce collectif budgétaire. Je le répète, nous ciblons les ménages modestes et moyens, les salariés qui souffrent d’une diminution d’activité ou d’une perte d’emploi. Notre action s’inscrit dans le cadre des relances concertées à l’échelon international, qui feront l’objet de débats lors de la réunion du G20, réunion qui m’empêchera malheureusement de participer à l’intégralité de cette discussion, ce dont je vous prie de bien vouloir m’excuser. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour les parlementaires, l’une des mesures de la crise, c’est la fréquence des débats budgétaires. N’en abusons pas !

Ce projet de loi de finances rectificative pour 2009, le deuxième de l’année, est destiné à accompagner notre pays dans une phase économique, financière et sociale difficile. Il nous revient de le compléter, mais ne dispersons pas notre attention et ne faisons pas comme s’il s’agissait du miroir de notre exercice traditionnel de fin d’année où, en partant d’un prétexte et en tirant sur la ficelle, l’imagination de Bercy et celle des parlementaires conduisent à un inventaire à la Prévert. Sachons nous prémunir contre cette tentation. Telle est la première suggestion de la commission des finances.

Monsieur le président, je ne reviendrai pas sur ce qui figure dans mon rapport écrit, la salle des séances n’étant pas équipée d’un dispositif de projection permettant de visualiser l’évolution des courbes et des graphiques. Le commentaire des chiffres étant exagérément aride, je serai simplement allusif. En commission des finances, un équipement adéquat rend les considérations conjoncturelles et budgétaires plus aisées. On peut utiliser moins de mots et susciter une attention plus soutenue que dans l’hémicycle.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est vrai !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avions tenté une expérience, il y a quelque temps…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Grand souvenir !

M. Jean-Louis Carrère. Recommençons !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Les choses étant ce qu’elles sont, je me contenterai de rappeler que nous en sommes aujourd’hui à l’interaction de la crise financière et de la crise réelle. Le Gouvernement nous convie donc à accompagner son action, qui s’exerce à la fois sur les deux sphères de l’économie. Aux yeux de la commission des finances, le projet de loi complète opportunément le plan de relance et anticipe d’une certaine façon les mutations structurelles inévitables.

Mes chers collègues, comme vous le savez, en ce début d’année 2009, il convenait de se préoccuper des classes moyennes et des catégories de population dont les revenus restaient trop élevés pour leur permettre de bénéficier pleinement des divers mécanismes sociaux qui jouent le rôle d’amortisseurs de la crise. Tel est le sens de l’article 1er, disposition essentielle, qui tend à effacer temporairement les deux derniers tiers de l’impôt sur le revenu pour les foyers fiscaux imposés à la première tranche et au tout début de la deuxième tranche.

La seconde disposition essentielle est le régime d’aide au secteur automobile. Il s’agit là d’une action à la fois financière et industrielle. Nous pouvons en effet tous observer dans nos départements l’importance de l’implantation de l’industrie automobile, qu’il s’agisse des constructeurs eux-mêmes, des équipementiers ou des sous-traitants. Rares sont les bassins d’emploi, quelle que soit leur taille, qui ne sont pas sensibles à la conjoncture de ce marché et aux baisses de perspective de la filière.

Avec ces deux dispositions majeures, le présent projet de loi nous conduit à tirer pour la seconde fois de l’exercice les conséquences de la crise sur les comptes de l’État. Le pacte automobile, le sommet social, les mesures sectorielles prises dans le domaine de la politique agricole ou dans le secteur de la presse et l’action sociale outre-mer forment ainsi l’essentiel du dispositif que nous soumet le Gouvernement.

À titre accessoire, mais néanmoins très significatif pour les départements qui ont eu la malchance d’être touchés par ce phénomène, la tempête du 24 janvier dernier est à l’origine de mesures destinées au secteur sylvicole.

Je souhaiterais à présent me livrer en quelques mots, mes chers collègues, à une double mise en perspective.

En premier lieu, je voudrais évoquer le dimensionnement de ce plan de relance par rapport aux différents pays qui, dans le monde, ont des politiques analogues. En d’autres termes, faisons-nous trop peu ? Notre plan de relance et ses mesures connexes sont-ils bien adaptés à la situation ?

En second lieu, je souhaiterais vous convier à une brève réflexion sur la soutenabilité de nos finances publiques dans un contexte caractérisé par l’expansion considérable des dettes souveraines de toute la planète.

La conviction de la commission des finances, mes chers collègues, étayée méthodiquement, chiffres à l’appui, par le rapport écrit que j’ai déposé, est que la réponse du Gouvernement à la crise est adaptée. La stratégie de riposte graduée que nous mettons en œuvre est en phase avec une situation mouvante qui, à ce stade, fait apparaître une détérioration rapide de la conjoncture économique et de la situation de l’emploi. Le « creux », c'est-à-dire le point le plus bas, n’est peut-être pas encore atteint.

Notre plan de relance est d’une ampleur analogue à celle de la plupart des autres grands pays industrialisés. Il importe, à cet égard, de considérer à la fois l’impulsion budgétaire et la dimension temporelle du plan. De quoi s’agit-il ?

Ce qui compte pour réagir à la crise et pour faire fonctionner le multiplicateur keynésien, le multiplicateur d’investissement, ce sont les fonds supplémentaires injectés par l’État ou le secteur public dans l’économie.

Lorsque l’on compare le plan américain et le plan français, on peut avoir le sentiment que le premier est beaucoup plus important et d’une échelle sensiblement plus élevée que le second. Des commentateurs ont un peu rapidement souligné cette disproportion. Or cela, me semble-t-il, est faux.

Dès 2008, les États-Unis ont mis en œuvre des actions de relance représentant 1,1 point de produit intérieur brut. Par conséquent, le fait de répéter le même effort en 2009 ne crée aucune impulsion supplémentaire. Par ailleurs, les États-Unis ont présenté un plan très global dont les effets vont se faire sentir jusqu’en 2015.

Si l’on raisonne en termes d’impulsion budgétaire et sur la seule année 2009, nous pouvons dire que nos efforts sont analogues. L’impulsion budgétaire supplémentaire mise en œuvre aux États-Unis en 2009 correspond à 0,9 point de son produit intérieur brut.

En ce qui concerne la France, nous disposons de deux évaluations. Le Gouvernement considère que l’effort supplémentaire se concentrera sur la seule année 2009, soit un effort global de 1,4 point de PIB. Le Fonds monétaire international, dont l’excellent directeur général était en France la semaine dernière, estime que la moitié seulement de l’impulsion sera efficiente au cours de l’année 2009, soit 0,7 point de PIB.

À supposer que l’excellent directeur général ait raison et que Mme la ministre, non moins excellente (sourires), soit légèrement optimiste, les efforts, de 0,7 % ou de 0,9 % du PIB, sont du même ordre de grandeur. Si nous supposons que le Gouvernement dispose d’éléments tangibles pour montrer que l’essentiel de l’effort va bien se produire en 2009, on dépasse 1 % du PIB,…

M. Roland du Luart. Ce serait une bonne nouvelle !

M. Philippe Marini, rapporteur général. … soit un peu plus que l’effort public, considéré en impulsion budgétaire, qu’annoncent les États-Unis.

Par conséquent, mes chers collègues, nous n’avons pas à avoir de complexes à ce sujet.

Notons qu’un effort de soutien de l’activité sera probablement encore nécessaire en 2010. C’est un sujet que je me permets d’évoquer en posant un jalon pour l’avenir, car en période de crise quinze jours paraissent bien lointains, un mois devient le long terme, et l’on ne sait plus rien lire à trois mois… Quoi qu’il en soit, il n’est pas absurde de penser qu’une nouvelle impulsion sera probablement nécessaire en 2010.

Je voudrais dès à présent revenir sur les déficits publics. N’oublions pas que les déficits ne sont pas sans limite. J’appelle en particulier votre attention sur deux points.

En premier lieu, les déficits ont un impact négatif sur les anticipations de certains agents économiques. Ils peuvent créer de l’anxiété, et en particulier alimenter le sentiment selon lequel on ne pourra les résorber qu’en augmentant les prélèvements obligatoires, ce qui conduit lesdits agents économiques à épargner davantage. N’oublions pas le caractère anxiogène du déficit qui, pesant sur certaines catégories d’anticipations, peut avoir un effet difficile à maîtriser sur l’arbitrage consommation-épargne, et donc sur le rythme de l’économie réelle au cours des prochains mois.

En second lieu, notre rapporteur spécial Jean-Pierre Fourcade le sait fort bien, il nous faut tenir compte de la limite des marchés de capitaux. L’effet d’éviction de la dette privée par la dette publique est une réalité et nous ne connaissons pas à l’avance les conditions dans lesquelles les marchés vont pouvoir absorber des volumes aussi considérables d’émissions publiques.

Nous pouvons noter que la dette souveraine française demeure, à ce jour, la deuxième meilleure dette, si j’ose ainsi m’exprimer, de l’Union européenne…

M. Jean-Marc Todeschini. Il y aurait de bonnes et de mauvaises dettes ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. … mais nous devons être très attentifs, mes chers collègues, à l’image que nous donnons à l’extérieur, et cela n’est pas sans lien avec la façon dont nous traitons les questions d’économie d’entreprise. Les marchés évaluent en effet les finances publiques et les comptes publics, mais également le modèle économique, la dynamique de l’économie.

Par exemple, si les marchés sanctionnent actuellement l’Espagne, dont les finances publiques sont dans l’absolu meilleures que les nôtres, c’est parce qu’ils mettent en doute le modèle économique espagnol, sa capacité à se refonder et à redémarrer.

J’attire votre attention sur ce jugement. Ce ne sont plus « les gnomes de Zürich », ce sont les données immatérielles du marché qui absorbent nos titres de dette souveraine. Il faut savoir convaincre ce marché que le chemin de la politique économique que nous conduisons est raisonné.

Je me permets de soumettre quatre principes à vos diverses sagacités. (Sourires.)

Premier principe : il convient de ne pas céder à la tyrannie de l’urgence et d’éviter de se lancer dans des opérations d’une efficacité limitée qui pourraient ébranler la confiance extérieure en la soutenabilité de notre modèle économique. En d’autres termes, nous devons faire attention à l’hyperréactivité – c’est toute la difficulté de l’art politique en cette période – par rapport aux demandes de l’opinion publique.

Deuxième principe : nous devons nous en tenir à des mesures réversibles – c’est notamment au regard de ce principe que nous approuvons l’article 1er du projet de loi de finances rectificative – s’inscrivant dans une perspective à moyen et à long terme de maîtrise de la dépense publique.

Troisième principe –  et j’espère que la politique menée par le ministre du budget s’y conforme : il faut respecter la norme de dépense.

Si nous en sommes inévitablement réduits à observer l’évolution des recettes en fonction de l’activité économique, à l’inverse, la maîtrise de la dépense de l’État et de la sécurité sociale demeure une urgente nécessité, plus encore peut-être qu’en période normale. C’est la seule grandeur macroéconomique que l’État peut, dans une large mesure, librement contrôler.

Quatrième principe : l’appel aux marchés financiers ne doit jamais être réalisé sans perdre de vue que l’argent y est rare, les mécanismes complexes et non automatiques.

En conclusion, je voudrais souligner la nécessaire prudence en matière de système de prélèvements obligatoires et de fiscalité. Au sein de la commission des finances, nous estimons aujourd'hui qu’il faudrait appliquer un moratoire de la politique fiscale, car ce n’est pas en période de crise que les initiatives de politique fiscale sont audibles,…

Mme Nicole Bricq. Pour vous, ce n’est jamais le bon moment !

M. Philippe Marini, rapporteur général. … sauf peut-être s’agissant de certains points très particuliers.

En période de crise, toute initiative est déformée,…

M. Philippe Marini, rapporteur général. … sort de sa logique et peut complètement échapper à la maîtrise de son auteur.

Mme Nicole Bricq. Et l’amendement Scellier ? Ce n’est pas une initiative fiscale ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Enfin, au moment où le G20 se réunit à Londres, je veux souligner que nous avons été capables de travailler ensemble, la délégation de la commission des finances du Sénat présidée par Jean Arthuis, la délégation de la commission des finances de l’Assemblée nationale présidée par Didier Migaud, avec des collègues de toutes sensibilités politiques. Nous avons remis hier à M. le Président de la République un document unique, consensuel – je n’ai plus le temps de vous le détailler, mes chers collègues, mais il a été largement diffusé – qui n’est pas « de l’eau tiède », qui n’est pas du genre d’une motion « nègre-blanc » d’un congrès politique…

M. Philippe Marini, rapporteur général. … de la IIIe République.

M. Aymeri de Montesquiou. Vous parlez du radicalisme ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. J’ai parlé de la IIIe République.

Ce document est un appel à la volonté, à l’initiative et au sens du long terme. Nous pouvons espérer que de réels progrès seront accomplis cette semaine grâce au Président de la République, Nicolas Sarkozy, afin de remettre l’économie de marché sur de bons rails et de préparer l’avenir. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste. – M. de Montesquiou applaudit également.)

(M. Roland du Luart remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La parole est à M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis.

M. Michel Thiollière, en remplacement de M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens en remplacement de notre collègue Jacques Legendre, empêché cet après-midi.

La commission des affaires culturelles a souhaité se saisir pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2009, dans la mesure où celui-ci procède à l’ouverture de crédits exceptionnels en faveur de la presse afin de donner une application immédiate aux mesures annoncées par le Président de la République, à la suite des états généraux de la presse écrite.

En effet, le 23 janvier 2009, le Président de la République a annoncé diverses mesures d’urgence, ainsi qu’un plan d’investissement massif en faveur de la presse, d’un montant de 600 millions d’euros, sur trois ans, pour permettre aux entreprises concernées de surmonter les turbulences exceptionnelles de 2009 et de mettre en œuvre les réformes structurelles qui s’imposent. Ces aides d’urgence ont été conditionnées à des engagements fermes de la part des professionnels de mettre en œuvre les réformes structurelles dégagées par les états généraux.

D’un montant total de 150,75 millions d’euros, les ouvertures de crédits sur le programme « Presse » de la mission « Médias », proposées dans le présent projet de loi, visent tout d’abord à financer deux mesures d’urgence issues des états généraux de la presse écrite et validées par le Chef de l’État.

D’une part, il est prévu de financer le moratoire d’un an sur l’application des accords entre l’État, la presse et La Poste, qui prévoyaient une revalorisation progressive des tarifs de la distribution postale de la presse. Le manque à gagner pour La Poste sera compensé par l’État à hauteur de 25,4 millions d’euros. La compensation ainsi budgétée permettra à la presse de ne supporter aucune augmentation de ses tarifs postaux en 2009, ni au titre de la revalorisation prévue dans les accords, ni au titre de l’inflation. Les éditeurs devraient se voir appliquer en 2010 les augmentations tarifaires prévues dans les accords au titre de 2009, majorées de l’inflation pour 2009, et ainsi de suite. Mais rien n’est définitif pour le moment ; un état des lieux concernant le moratoire devrait intervenir à la fin de l’année.

D’autre part, le collectif budgétaire prévoit une aide exceptionnelle en faveur des diffuseurs de presse d’un montant de 27,6 millions d’euros. Cette aide participe à la revalorisation de la rémunération des diffuseurs de presse voulue par le Chef de l’État et passe par une exonération temporaire de leurs cotisations sociales personnelles à hauteur de 30 %.

À ces deux mesures d’urgence s’ajoutera, en parallèle, le doublement des investissements publicitaires de l’État à destination de la presse, prévu par une circulaire du 24 février 2009 du service d’information du Gouvernement adressée à tous les ministères.

Au total, les trois mesures d’urgence recommandées par les états généraux seront mises en application dès le début de cette année.

De plus, le Gouvernement a annoncé très récemment, à l’occasion de notre débat de contrôle sur l’avenir de la presse, le doublement de l’aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires, qui devrait être portée de 7 millions à 14 millions d’euros cette année.

L’ensemble de telles aides exceptionnelles permettra de sécuriser l’environnement financier des entreprises de presse en ces temps de crise. C’est à cette condition qu’elles pourront entreprendre, dans un contexte plus serein, les réformes structurelles qui s’imposent.

À ce titre, le collectif budgétaire ouvre également plusieurs enveloppes budgétaires destinées à accompagner le secteur de la presse dans la voie de sa modernisation structurelle.

En matière de distribution, l’effort est significatif. Le portage, considéré comme la clé de la rénovation de notre circuit de distribution, voit son aide passer de 8 millions à 70 millions d’euros. Ce plan massif d’aide au portage reposera principalement sur un dispositif incitatif, ciblé sur la presse quotidienne d’information politique et générale pour aider prioritairement les nouveaux exemplaires portés.

Afin d’aller encore plus loin dans le soutien au portage de la presse, Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a déposé, au nom de notre groupe, un amendement tendant à la création d’une exonération des charges sociales patronales pour tous les porteurs et vendeurs colporteurs de presse au niveau du SMIC. D’un montant total évalué à 12,6 millions d’euros, cette mesure s’inspire directement d’une préconisation défendue par le Président de la République à la suite des états généraux.

Le métier de diffuseur de presse fait également l’objet d’un soutien financier important. Le Président de la République a souhaité replacer le diffuseur de presse au cœur du circuit de distribution pour en faire un « vendeur », et non plus un « manutentionnaire des invendus ».

En conséquence, l’aide à la modernisation de la diffusion et à l’informatisation du réseau des diffuseurs de presse sera augmentée de 11,3 millions d’euros.

En outre, afin de permettre à la presse d’aborder dans les meilleures conditions le virage d’internet, le projet de loi de finances rectificative prévoit une enveloppe exceptionnelle en faveur du développement des services en ligne des entreprises de presse d’un montant de 19,7 millions d’euros, ce qui porte cette aide à un total de 20 millions d’euros en 2009. Il s’agit là d’une mesure longtemps réclamée par notre commission. Je me réjouis qu’une telle aide soit enfin ouverte aux titres de presse exclusivement disponibles en ligne.

Cette aide financière devrait également s’accompagner de l’inscription dans la loi d’un statut de l’éditeur de presse en ligne, ce qui permettra à la presse numérique de bénéficier des avantages fiscaux jusqu’ici réservés à la seule presse imprimée.

Enfin, afin de combattre la désaffection du lectorat et de conquérir les jeunes publics, le collectif budgétaire prévoit la participation de l’État, à hauteur de 5 millions d’euros, à la mesure permettant à tout jeune de dix-huit ans de bénéficier d’un abonnement gratuit d’un an à un quotidien dans des conditions à définir par les éditeurs. Ainsi, le journal sera payé par l’éditeur et le transport par l’État.

Face à une génération de plus en plus acquise au numérique, l’expérience a démontré que ce type de mesures conduisent les titres concernés à des efforts éditoriaux, en proposant des offres novatrices établissant une continuité entre internet et le papier.

Les crédits ouverts dans le collectif budgétaire couvriront la plupart des mesures ayant des conséquences sur l’exercice 2009, à l’exception de la participation de l’État à l’accompagnement de la modernisation des imprimeries de presse, dont les modalités ne sont pas encore définies et dépendent de l’avancée des négociations entre les partenaires sociaux qui ont débuté au mois de février 2009.

La commission des affaires culturelles se réjouit de ce dispositif, qui répond à ses attentes.

Par ailleurs, et sur un sujet qui est maintenant récurrent, notre commission a adopté à l’unanimité un amendement visant à exclure le groupement d’intérêt public, ou GIP, France Télé numérique des bénéficiaires de la redevance.

En effet, nous avions adopté une telle disposition à l’article 30 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. La commission mixte paritaire avait suivi le Sénat sur ce point. Or le Conseil constitutionnel a annulé cet article, considérant qu’une telle disposition ne pouvait figurer que dans une loi de finances.

L’occasion nous est ainsi offerte de reprendre cette mesure, qui a été votée par le Parlement le 4 février dernier et que le Gouvernement n’a pas remise en cause lors de l’adoption définitive du texte.

Sous réserve de l’adoption de cet amendement, la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable sur l’adoption du projet de loi de finances rectificative pour 2009. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Le collectif, la crise, la relance, la fiscalité et… les autres.

D’abord, la crise.

À l’occasion du collectif, le quatrième en six mois sur deux exercices budgétaires, le Gouvernement actualise son hypothèse macroéconomique. Il acte la récession à un niveau toutefois contestable et contesté, la limitant à 1,5 %, alors que M. le rapporteur général l’estime à 3 % dans son rapport. Pis encore, monsieur le rapporteur général vous n’excluez pas a priori un scénario avec une chute à 4 % en 2009 et une croissance légèrement négative pour 2010. Autant dire que l’époque où le Gouvernement convoquait la sortie de crise à date fixe, évoquant d’abord le 1er juillet 2009, puis le 31 décembre 2009, paraît bien lointaine… En la matière, il vaut mieux être modeste. D’ailleurs, le 4 mars dernier, le Premier ministre lui-même déclarait : « Personne aujourd’hui ne peut savoir quand on sortira de cette crise. »

Avons-nous atteint le creux de la crise ? Rien n’est moins sûr. Alors que le scenario d’une crise en V a été défendu avec une certaine pugnacité, je note que l’hypothèse la plus probable est aujourd'hui celle du W. Mme la ministre a même utilisé l’expression fort appropriée de « tôle ondulée », ce qui nous renvoie à la crise japonaise des années quatre-vingt-dix, où une telle image était pertinente.

Ensuite, la relance.

Face à la montée explosive du chômage – d’après les prévisions, le taux devrait atteindre 10 % en 2009 –, qui affectera encore le pouvoir d'achat, à la chute de la consommation et à la paralysie de l’investissement, les mesures du Gouvernement sont-elles à la hauteur ? Les nouvelles dispositions annoncées après le sommet social du 18 février, telles qu’elles sont traduites dans le présent collectif, sont-elles à la mesure de la crise ? Vous connaissez notre réponse.

M. le rapporteur général nous propose la « riposte graduée ». Je pense que cela ne correspond pas au bon tempo d’une crise cumulative. En effet, la crise est à la fois financière et économique, économique et sociale. Alors qu’on nous avait dit que ce serait la finance d’abord, l’économie ensuite et peut-être le social après, nous avons tout concentré en même temps.

De notre point de vue, notre pays a besoin d’une riposte massive et immédiate. Il faut prioritairement et fortement cibler les bas revenus, ceux qui consomment toute injection d’argent. À cet égard, monsieur le rapporteur général, vous avez utilisé un terme que nous n’avons pas l’habitude d’entendre dans votre bouche – c’est la preuve que la crise bouleverse les modes de pensée –, en faisant référence au multiplicateur keynésien. Eh bien, pour de telles populations, qui consomment l’ensemble de leurs revenus, le multiplicateur joue à plein !

Or, en Europe, en additionnant les plans nationaux pour 2009, on ne dépasse pas 1,4 point de PIB. Je vous mets au défi de me démontrer le contraire. En réalité, nous sommes arrivés au bout des mesures de court terme, ponctuelles, comme celles qui figurent dans le collectif budgétaire.

Vous connaissez nos propositions. Nous craignons que le refus de les entendre ne retarde la sortie de crise de notre pays et que la France ne souffre plus longtemps que ses partenaires.

Enfin, la fiscalité.

Le Gouvernement a choisi d’agir fiscalement sur la première tranche de l’impôt sur le revenu. Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale a heureusement rectifié celui du Gouvernement pour éviter qu’une telle mesure ne bénéficie, comme c’était le cas au départ, aux contribuables riches se situant dans cette tranche en raison de la minoration de leur revenu par le jeu des niches fiscales.

Pour autant, la mesure « loupe » tout de même la cible des bas revenus que j’évoquais tout à l’heure, c'est-à-dire tous ceux – cela représente tout de même près de 50 % des foyers – qui ne paient pas l’impôt sur le revenu.

En outre, cette disposition ne peut occulter le débat fiscal qui nous oppose, gauche et droite. Nous avons développé nos arguments à l’occasion de l’examen de toutes les lois de finances depuis 2002. Je pense que mes collègues inscrits dans la discussion générale y reviendront mesure par mesure. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’exprimer nos positions tout récemment, jeudi dernier, lors de l’examen de la proposition de loi tendant à abroger le bouclier fiscal et à encadrer les rémunérations des dirigeants de grandes entreprises, déposée par le groupe CRC-SPG.

Sur ce dernier point en particulier, nous considérons que le débat n’est pas tranché, et surtout pas par le décret annoncé, et signé ce matin même.

En effet, comment peut-on justifier que ceux qui s’inscrivent dans la fourchette supérieure des revenus ne contribuent pas au soulagement des plus modestes et des plus pauvres ? Il n’y a aucune justification possible !

Aussi, ne vous étonnez pas que, une fois encore, nous défendions un amendement de suppression du bouclier fiscal.

Du reste, je reprends à notre compte la recommandation adressée par Jacques Delors au Gouvernement et à sa majorité lors d’un récent entretien où il a utilisé une formule particulièrement adaptée : « Laissez tomber l’orgueil ». Il n’y aurait aucune honte, en effet, à renoncer aux mesures prônées en 2007, alors que vous n’aviez pas intégré la dureté de la crise.

En le faisant, vous rehausserez la crédibilité de l’action publique et de votre politique. Ne tergiversez pas plus longtemps, ne vous amusez pas avec la trilogie ! Ici et maintenant, entendez la sourde colère des Français. Il n’est pas un jour sans que l’on assiste à un acte de contestation, voire un acte violent. Cette colère ne fera que s’amplifier au fur et à mesure de l’annonce quotidienne de plans sociaux, de défaillances d’entreprises.

Suivez au moins la recommandation du Conseil des prélèvements obligatoires selon laquelle il faut veiller à maintenir un certain équilibre entre l’imposition progressive sur les revenus et les prélèvements sociaux. Tout est dit !

De toute façon, le débat sur l’impôt s’ouvrira une nouvelle fois, vous le savez bien, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010 et même avant, car il est fort à parier que, d’ici là, nous serons saisis d’un nouveau collectif.

S’agissant de l’encadrement des rémunérations, vous n’avez pas voulu nous entendre.

Ainsi, lorsque le groupe socialiste – que j’ai eu l’honneur de représenter – a défendu, le 4 novembre, son cadre général d’intervention après avoir constaté, dès le 8 octobre, que les contreparties demandées aux banques, soit en termes de garanties soit en fonds propres, pour avoir accès à l’aide publique étaient trop peu contraignantes, vous nous avez renvoyés au code de bonne conduite du MEDEF.

Vous ne nous avez pas davantage entendus, le 26 mars dernier, lors de la discussion de la proposition de loi du groupe CRC-SPG, à l’occasion de laquelle nous avons également rappelé nos propositions.

Pendant que le Sénat débattait de ce texte, le secrétaire général de l’Élysée annonçait un décret imminent, jugeant la voie – je reprends ses termes – plus facile et plus rapide. Aujourd’hui, il la déclare non pas « plus facile », mais « plus efficace ». Nous considérons que le recours à cette méthode est un déni du Parlement, alors que nous avons sous la main un véhicule législatif approprié.

Monsieur Arthuis, vous avez déposé en commission des finances, à titre personnel, un amendement que nous vous encourageons fortement à maintenir en séance publique, car – je l’ai dit ce matin en commission des finances – il sauve l’honneur du Parlement.

Cet amendement tend à élargir quelque peu le périmètre du décret et il n’en borne pas la durée. Même s’il ne répond pas à toutes nos attentes, puisque nous voulons que le cadre des rémunérations variables soit appliqué à l’ensemble des entreprises cotées, nous souhaitons en débattre à l’occasion de la discussion de l’article 11.

En effet, dans la mesure où le décret ne concerne que huit entreprises et n’apporte qu’une réponse partielle au problème des rémunérations variables, il valide le code de bonne conduite du MEDEF, dont la présidente, Mme Parisot, avait toujours dit qu’elle ne voulait pas d’une loi. De fait, il n’y aura pas de loi.

Faisons un bref retour sur le passé récent : à la suite de la déclaration du Président de la République, qui a fustigé les bonus lors de son discours prononcé à Toulon au mois de septembre dernier – ce n’est pas si ancien, même si cela paraît dater d’un siècle ! –, les dirigeants des entreprises concernées ont renoncé officiellement à ces bonus. Mais ils se sont reportés sur les stock-options. Comme ces dernières ont été fustigées à leur tour, elles se transforment en « retraites chapeaux » ! On n’en finira jamais !

Il nous faut donc définir un cadre général d’intervention, et ce dès maintenant ; c’est sur ce point que je suis en total désaccord avec M. le rapporteur général.

Nous avons bien une structure, le groupe de travail des vingt-quatre auquel vous avez fait allusion, qui travaille en toute sérénité et aboutit à de bons compromis.

M. Bernard Vera. C’est vrai !

Mme Nicole Bricq. Dans le diagnostic que nous avions formulé préalablement au G20 de Washington, nous avions bien indiqué que l’une des causes de la crise financière était le mode de rémunération pousse-au-crime…

M. Philippe Marini, rapporteur général. La tyrannie du court terme !

Mme Nicole Bricq. En effet, monsieur le rapporteur général !

… qui faisait prendre des risques au nom de l’entreprise, et ce finalement grâce l’aide publique,…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Avec l’argent des contribuables !

Mme Nicole Bricq. … et aux dépens du contribuable !

Si l’on veut qu’une régulation financière intervienne également pour les modes de rémunérations, nous devons la mettre en place dès à présent. Nous avons bien compris que vous n’y tenez pas, mais nous sommes en droit de la demander à l’occasion de la discussion d’un projet de loi de finances rectificative.

Si vous vous y opposez aujourd’hui, monsieur le rapporteur général, nous reviendrons à la charge et nous ne vous lâcherons pas, car nous ne voulons pas, si le pays revient à meilleure fortune, que tout recommence comme avant et que l’on passe purement et simplement l’éponge !

M. Bernard Vera. Exactement !

Mme Nicole Bricq. Nous allons donc représenter nos amendements, notamment le premier d’entre eux, qui vise à plafonner les rémunérations, car nous sommes le seul pays en Europe où les rémunérations les plus élevées atteignent 400 fois le SMIC. L’un de nos amendements prévoit un plafonnement égal à vingt fois le montant du SMIC. N’est-ce pas là une limite raisonnable ?

M. Bernard Vera. C’est bien !

Mme Nicole Bricq. Cette fois, nous aurons le temps de les défendre, et vous le temps de vous y opposer.

Les inégalités de revenus, qui ne sont plus à démontrer, sont à l’origine de la crise que nous vivons. Faisons en sorte que, à la sortie de cette crise terrible, tout ne recommence pas comme avant. C’est un élément des nouvelles régulations financières que nous appelons tous de nos vœux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui le deuxième collectif budgétaire de l’année 2009 et la quatrième loi de finances en quatre mois, last but not least, comme disent nos amis d’outre-manche. (Exclamations amusées.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Attention à l’influence anglo-saxonne !

M. Jean-Jacques Jégou. C’était pour vous réveiller un peu, mes chers collègues, mais je constate que tout le monde suivait ! (Sourires.)

Ainsi, après un premier collectif instaurant un plan de soutien au système bancaire, un deuxième, consacré aux aides aux entreprises, et un troisième, voté en janvier dernier, faisant de l’investissement public une priorité, ce projet de loi de finances rectificative vise une série de mesures centrées principalement sur l’emploi et le pouvoir d’achat.

Il comprend trois types de mesures : l’abondement du fonds d’investissement social en faveur des chômeurs, le plan en faveur du secteur automobile et la suppression du versement des deux premiers tiers de l’impôt sur le revenu pour les contribuables de la première tranche et une partie de ceux de la deuxième tranche.

C’est aussi l’occasion pour le Gouvernement de réviser ses hypothèses macro-économiques et ses prévisions de croissance, prenant en compte la forte dégradation de la situation économique française. Je profite de l’occasion pour vous remercier, madame la ministre, monsieur le ministre, de l’effort de transparence et de sincérité devant la représentation nationale et les Français sur l’état très dégradé de nos comptes publics.

C’est aussi un moyen, j’en suis sûr, pour l’ensemble de nos concitoyens de mesurer la gravité de la situation financière du pays et d’amener l’ensemble des acteurs à se montrer plus vertueux dans la gestion de l’argent public.

La révision des prévisions de croissance nous fait prendre conscience chaque jour davantage de la profondeur de la crise que nous vivons. L’année 2009 sera, pour l’économie de notre pays, celle de la plus grave récession depuis 1945 et nul ne peut dire aujourd’hui à quelle échéance nous en sortirons.

Avec l’annonce, chaque jour, de nouveaux plans sociaux, de fermetures d’entreprises, d’augmentation rapide du chômage, le climat social est extrêmement tendu.

Les mesures en faveur du pouvoir d’achat et de soutien à l’activité économique contenues dans ce deuxième volet du plan de relance sont nécessaires. Personne ne saurait le contester.

Il ne faut pas oublier non plus que nous débattons de ce collectif budgétaire à la veille de la tenue du G20. Les opinions publiques attendent beaucoup de ce sommet, qui doit refonder le système économique et financier international et apporter des réponses à la crise mondiale.

Tout le monde a désormais conscience qu’il faut revoir un certain nombre de règles de fonctionnement du système capitaliste financier qui s’est écroulé sous nos yeux. Les grandes puissances économiques doivent donner des signes tangibles dans le domaine de la relance et de la croissance économique pour reconstruire la confiance entre les acteurs.

La coopération internationale doit primer pour trouver un accord sur de nouvelles règles, pour instaurer une nouvelle gouvernance de notre système financier en l’assainissant, notamment en traitant l’ensemble des actifs toxiques des banques et en luttant contre les paradis fiscaux qui empêchent toute régulation efficace, pour revoir le fonctionnement des agences de notation, enfin, pour faire évoluer les nouvelles normes comptables IFRS – International Financial Reporting Standards – qui ont été responsables, à mon avis, d’une bonne partie de la crise.

Nous espérons que les décisions seront à la hauteur des enjeux. Les mesures devront être, comme l’a dit le président Obama, « audacieuses, ambitieuses et coordonnées » afin d’enrayer la crise économique mondiale.

Le présent projet de loi de finances rectificative enregistre l’aggravation de nos déficits et de la dette. Je salue les efforts réalisés par Éric Woerth, qui fait partie de ceux qui ont pleinement conscience de la nécessité et de l’urgence pour notre pays d’assainir durablement la situation des comptes publics de l’État.

Je tiens à le rappeler, même en période de crise économique, où la tendance naturelle des pouvoirs publics peut être de laisser filer les déficits, maîtriser notre niveau de dépense et d’endettement public est une obligation.

Cependant, alors que nous affirmons inlassablement, année après année et auprès de tous les gouvernements, la nécessité d’équilibrer nos comptes publics et de réduire la dette et les déficits, nous mesurons – nous payons, devrais-je dire –toutes les conséquences de nos faiblesses collectives.

Lors de la précédente loi de finances rectificative, qui a été adoptée voilà un peu moins de deux mois, j’estimais qu’une situation moins dégradée de nos finances publiques nous aurait garanti des marges d’intervention plus grandes, donc plus efficaces, en matière d’investissements publics et de relance de l’économie.

En effet, le plan de relance français, bien qu’allant dans le bon sens en accordant la priorité à l’investissement, est modeste au regard de ceux de nos partenaires européens et américains.

Nous ne pouvons que le regretter compte tenu de la dégradation de nos comptes publics : avec une croissance de moins 3 % en 2009, voire pire, la France, contrairement à plusieurs de ses partenaires européens qui ont équilibré leurs comptes, ne dispose plus de marges de manœuvre budgétaires.

Le déficit public atteindra, selon le Gouvernement, près de 104 milliards d’euros, soit 5,6 % du PIB, voire 6,6 % si l’on suit les estimations faites par M. le rapporteur général.

Conséquence de la baisse de la masse salariale, monsieur le ministre, le déficit de la sécurité sociale atteindra, quant à lui, 18 milliards d’euros en 2009. La dette publique grimpera à plus de 75 points de PIB en 2009.

Les estimations de notre commission des finances ne sont pas « réjouissantes » : la perspective de voir nos déficits descendre en dessous de 3 % du PIB s’éloigne alors que la dette publique pourrait atteindre, en 2012, plus de 90 points de PIB, selon le scénario central.

Cette situation handicape notre pays et l’empêche de préparer l’avenir en investissant dans la recherche et l’innovation, pourtant indispensables pour créer des richesses, ce dont nous ne sommes plus capables aujourd’hui, et c’est là tout le problème.

Le développement, ou plutôt le « redéveloppement », du système productif français est primordial si nous voulons assurer un avenir quelconque à l’économie de notre pays.

Certes, nous espérons tous que la croissance repartira le plus vite possible, mais nous n’avons aujourd’hui aucune certitude à ce sujet.

Certains parlent, imprudemment selon moi, d’une reprise de l’activité en 2010. Ayons le courage d’avouer que personne n’en sait rien. Aucun économiste ne peut prétendre aujourd’hui que la croissance redémarrera l’année prochaine.

Il sera donc extrêmement difficile de réduire nos déficits d’ici à 2012, contrairement aux engagements qui avaient été pris par le Gouvernement.

Nous devons donc tous, encore plus aujourd’hui qu’hier, demeurer attentifs à la maîtrise des dépenses publiques. Ainsi, toutes les dépenses nouvelles doivent être gagées et il n’est pas possible de financer par le déficit la dette et les réductions d’impôt.

Je le dis, madame la ministre, monsieur le ministre, car l’annonce récente de la réduction du taux de TVA de 19,6 % à 5,5 % sur la restauration est, pour nos finances publiques, inquiétante.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances et M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Jégou. Nous ne sommes pas assez nombreux à le dénoncer. Tout le monde le pense, mais personne ne veut le dire.

Je souhaitais m’exprimer sur ce point aujourd'hui, car cette promesse multi-présidentielle, puisqu’elle date du Président Chirac, coûterait près de 3 milliards d’euros au budget de l’État, et encore, à condition de revenir sur les mesures transitoires, dont personne ne parle plus, d’aide à la création d’emplois et des exonérations de charges sociales dans l’hôtellerie et la restauration !

Surtout, cette mesure, si elle est concrétisée, devra se faire en obtenant des contreparties, notamment en matière d’embauches et de baisse des prix pour les consommateurs. Autant vous le dire, madame la ministre, monsieur le ministre, je n’y crois pas !

Dans le même ordre d’idées, j’aurais pu évoquer les mesures en faveur de l’outre-mer ; faute de temps, je ne le ferai pas.

Madame la ministre, monsieur le ministre, avec les plans de relance, vous avez trouvé une distinction astucieuse, qui se veut rassurante car elle atténue l’ampleur de notre déficit.

Vous nous expliquez, avec beaucoup de pédagogie, que le déficit de crise, à hauteur d’environ 60 milliards d’euros, est lié aux effets de la crise sur les rentrées fiscales et aux mesures de soutien à l’économie comprises dans les plans de relance, et qu’il se résorbera par nature à la fin de l’année 2010.

Le déficit structurel, quant à lui, qui s’élève à environ 40 milliards d’euros, subsistera puisque, malheureusement, les différents gouvernements ne réussissent pas à le réduire depuis de trop nombreuses années.

Cette distinction est habile et j’aimerais bien vous suivre. Mais je ne suis pas sûr qu’elle corresponde totalement à la réalité, notamment parce qu’il est difficile de croire à l’étanchéité parfaite entre les dépenses de crise et les dépenses courantes.

En outre, ces dépenses, bien que liées à la crise, viennent alourdir le déficit et la dette. D’ailleurs, sommes-nous sûrs que, parmi les mesures prévues dans ce projet de loi, certaines dépenses de crise ne basculeront pas dans le déficit « courant » ?

Je voudrais, à ce moment de mon intervention, aborder deux questions qui sont au centre du débat public ces dernières semaines : le bouclier fiscal et les rémunérations des dirigeants d’entreprise. Ces deux questions monopolisent l’attention de l’opinion publique : je veux en dire deux mots.

Le bouclier fiscal, puisqu’il a dominé le débat à l’Assemblée nationale et que nous risquons d’en discuter ici, qu’on le veuille ou non est devenu aujourd'hui le symbole de l’injustice sociale.

Là encore, au regard de cette polémique, je pense que le Gouvernement aurait été bien inspiré de suivre la commission des finances, en novembre dernier, …

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est bien vrai !

M. Jean-Jacques Jégou. … lorsque son président, Jean Arthuis, appuyé par plusieurs de ses membres, proposait de supprimer le bouclier fiscal en adoptant ce qu’il est désormais convenu d’appeler le «triptyque ».

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Jean-Jacques Jégou. La vraie question lorsqu’on traite du bouclier fiscal est de savoir si l’impôt est équitable et économiquement efficace.

Le bouclier fiscal a été créé pour respecter le principe juste d’après lequel nul ne doit payer plus de 50 % de ses revenus en impôts. Il avait d’ailleurs été mis en place par Dominique de Villepin pour limiter les effets contre-productifs de l’impôt sur la fortune.

Pour plusieurs raisons, notamment parce que c’est le revenu net qui est pris en compte, ce dispositif est devenu, pour paraphraser le président de la commission des finances, une « offense à la justice fiscale », tant son application produit des injustices choquantes, comme l’ont révélé certains exemples récents.

Du fait de la complexité de notre système fiscal, que le bouclier n’a fait qu’accroître, ce dernier est devenu un amplificateur des défiscalisations et des opérations d’optimisation fiscale.

C’est pourquoi nous pensons que la solution proposée par la commission des finances de supprimer le bouclier fiscal, tout en abrogeant l’impôt sur la fortune, dont chacun connaît les effets contre-productifs sur notre économie, et d’instituer un nouveau taux marginal de 45 % de l’impôt sur le revenu est la plus à même de répondre aux impératifs de justice sociale et d’attractivité pour nos entreprises.

Nous avons déjà commencé sur cette voie lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009 en plafonnant les niches fiscales. Monsieur le ministre, aujourd'hui, avec la crise, c’est nettement insuffisant. Vous devrez nécessairement traiter cette question à l’occasion du projet de loi de finances pour 2010, notamment dans le cadre de la réflexion sur notre système fiscal, en ayant à l’esprit plusieurs principes : attractivité du territoire, équité et efficacité fiscales, proportionnalité et progressivité de l’impôt.

Nous ne pouvons que déplorer la faiblesse de nos recettes fiscales, cause directe de notre déficit. Or cette situation n’est pas étrangère au fait que le produit de l’impôt sur le revenu – 50 milliards d’euros – est très faible par rapport à l’ensemble de nos ressources, voire ridicule si on le rapproche de celui de grands pays comparables à la France.

Il est vrai que les gouvernements n’ont cessé de multiplier les niches et les incitations fiscales, réduisant de fait le produit de l’impôt sur le revenu. Il faut profiter de cette crise pour mettre à plat notre fiscalité, car, on le sait, de toute façon, ce n’est jamais le moment !

Je veux dire un mot, enfin, sur les rémunérations excessives des dirigeants d’entreprise. Personne ne peut ignorer l’émotion suscitée par les annonces en cascade de dirigeants d’entreprise qui partent avec des bonus, actions, stock-options ou golden parachutes de plusieurs millions d’euros, alors qu’au même moment sont annoncés des fermetures d’entreprises, des licenciements ou du chômage partiel, que ces entreprises ont été aidées financièrement par l’État et que quelques dirigeants ont failli dans la gestion de leur entreprise.

Nous ne pouvons qu’être favorables à tout type de dispositif qui aurait pour objet la moralisation des pratiques de rémunération variable dans un contexte de crise. Comme l’écrivait un des pères du libéralisme, Adam Smith, pour que le marché fonctionne, l’entrepreneur doit modérer « ses pulsions d’avidité et d’accaparement ».

Il faut aller plus loin et véritablement moraliser le capitalisme, car les évolutions récentes du système l’ont dénaturé.

La question des rémunérations excessives peut être rattachée à une évolution du capitalisme, devenu un système où, finalement, ceux qui prennent les décisions ne sont pas ceux qui en supportent les risques.

Les actionnaires, les managers ou les administrateurs s’investissent dans l’entreprise pour faire carrière et, en général, pour faire fortune le plus rapidement possible, justement en s’attribuant des rémunérations excessives, sans tenir compte de l’intérêt de l’entreprise. Ils restent quelques années dans une entreprise, puis vont dans une autre.

Ces personnes ne sont pas attachées à l’entreprise et leur intérêt ne coïncide donc pas avec celui de cette dernière. Le pire, c’est qu’ils ne sont même pas responsables des décisions stratégiques.

La deuxième évolution, qui a dénaturé le système capitaliste, et qui est d’ailleurs une des raisons de la crise actuelle, est la préférence pour le présent et le court terme.

Cette préférence pour le présent ou l’instant a rendu quasiment impossible les investissements à long terme, alors qu’il ne devrait pas être possible de diriger une entreprise sans avoir en perspective l’avenir.

C’est, à mon avis, en réfléchissant à ces deux questions que nous pourrons refonder le système capitaliste.

Si j’ai émis quelques réserves sur certains aspects de ce collectif budgétaire au regard de leurs conséquences sur nos finances publiques, nous ne pouvons nous opposer aux différentes mesures en faveur du pouvoir d’achat et de soutien à l’activité économique qui nous sont proposées ici. C’est la raison pour laquelle une large majorité de notre groupe approuvera ce collectif budgétaire.

Nous sommes convaincus que, en cette période de crise, il faut surtout redonner confiance à notre pays si l’on veut éviter que 2009 ne soit l’année d’une crise sociale majeure. Pour cela, il faut cesser de dresser les Français les uns contre les autres.

Mais, au moment où notre pays s’enfonce dans la crise, il me semble aussi essentiel de préparer la sortie de crise. C’est pourquoi le groupe centriste est attaché à ce que le Gouvernement tienne la dépense en cette période difficile, gage toutes les dépenses nouvelles et refuse la facilité de la dérive budgétaire dans les années qui viennent. Nous y serons particulièrement vigilants. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 22 janvier dernier, ici même, j’indiquais au nom de mon groupe : « Nous nous sommes déjà largement exprimés sur ce texte, rappelant la fonction de rattrapage, d’habillage et de maquillage de ce plan. Malgré tout, comme nous sommes respectueux du dialogue républicain, nous ne rappellerons pas trop longuement, au terme de la discussion de ce projet de loi de finances rectificative pour 2009, sous quels auspices les discours du début de législature avaient placé le devenir des comptes publics !

« Tout au plus pourrions-nous nous demander, en ce 22 janvier 2009, ce que devient le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, dont la commission mixte paritaire ne s’est toujours pas réunie.

« Au terme de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2009, du collectif de décembre 2008 et, bien sûr, du présent texte, le déficit budgétaire pour 2009 est passé, par le biais de quelques amendements de dernière minute du Gouvernement, de 49,2 milliards d’euros à 86,3 milliards d’euros ! Comment ne pas être sidérés de constater que le soutien à la consommation populaire n’explique qu’à hauteur des 200 misérables millions d’euros de la prime qui sera versée le 1er avril aux allocataires du RSA cette explosion en plusieurs temps du déficit ?

« Il faut donc croire, mes chers collègues, que le creusement du déficit a d’autres raisons.

« La première, c’est l’insuffisance des recettes fiscales nettes, qui s’explique par diverses mesures fiscales incitatives n’ayant aucune incidence sur la croissance. En effet, rien ne permet aujourd’hui d’affirmer que nous échapperons à la récession.

« La seconde, c’est le recours abusif à la dépense fiscale pour permettre que les fameuses réformes du Gouvernement atteignent leur objectif, c’est-à-dire alléger l’impôt des plus riches et des plus grandes entreprises. »

Vous ne m’en voudrez pas, mes chers collègues, d’avoir procédé, à l’occasion de la discussion générale de ce collectif de printemps, à une longue citation de ce que j’avais dit lors de la conclusion des débats, il y a un peu plus de deux mois, sur le collectif d’hiver.

Une semaine plus tard, mon collège Bernard Vera, au nom du groupe CRC-SPG, indiquait, en présentation des conclusions de la commission mixte paritaire, que le collectif qui venait d’être adopté en appellerait sans doute d’autres. Pour reprendre une expression du langage populaire, ça n’a pas loupé !

Il a, en effet, suffi d’une nouvelle poussée de fièvre sociale – le collectif de janvier a été débattu avant les deux grandes journées d’action interprofessionnelle du 29 janvier et du 19 mars derniers –, de la révélation du scandale permanent de la rémunération des principaux chefs d’entreprise de notre pays et de leurs stock-options et autres, et surtout d’une nouvelle détérioration de la situation économique pour que nous soyons en présence de ce collectif.

Permettez-moi, à ce propos, de pointer dès maintenant un fait.

Face à l’impatience et à la réprobation manifestées par l’opinion publique devant le scandale de la rémunération des chefs d’entreprise, le Gouvernement vient de publier un décret encadrant la pratique des bonus et autres stock-options, décret qui ne fait que changer les choses au minimum et dont l’encre n’aurait sans doute pas coulé sans la mobilisation de l’opinion publique et l’initiative de parlementaires comme ceux de mon groupe, ainsi que nous l’avons vu la semaine dernière !

Pour l’heure, le Gouvernement vient de renoncer, avec ce collectif, à la prévision de croissance qui était encore affichée fort timidement dans le collectif de janvier dernier.

Nous en sommes désormais à un cadrage macroéconomique, serti d’une récession à hauteur de 1,5 % du PIB, soit le pire ralentissement connu par notre pays depuis l’après-guerre ! D’autant que, selon les hypothèses retenues tant par les économistes que par l’INSEE, la récession risque fort d’être encore plus importante et de friser les 3 points de PIB !

Les services de « Pôle emploi », malgré l’usage de l’ensemble des mesures dilatoires permettant de réduire le nombre des chômeurs inscrits, ont tout de même enregistré en février 79 900 inscriptions de plus, c’est-à-dire, tout de même, près de 3 000 chômeurs supplémentaires tous les jours !

Encore heureux qu’existe dans notre pays un code du travail, qui protège un minimum les salariés, et que le recours au chômage partiel est une réponse d’attente devant le ralentissement de l’activité. À défaut, nous connaîtrions probablement une hémorragie d’emplois encore plus spectaculaire !

Le Président « du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat » est devenu, et son Gouvernement avec lui, celui du chômage partiel, du chômage total pour un nombre toujours croissant d’exclus, et de la stagnation du revenu pour le plus grand nombre !

Je comprends que, dans vos interventions, vous ne cessiez de dire qu’il ne faut pas opposer les uns et les autres : à la lumière de ce qui s’est passé dans la rue le 29 janvier et le 19 mars derniers, il est clair que vous craignez une plus grande mobilisation !

Le bilan de la loi TEPA, cette loi trompeusement destinée au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat, est sans équivoque !

Le nombre d’heures supplémentaires n’a pas connu de progression spectaculaire et les gains de pouvoir d’achat des salariés ont été faibles, se limitant, la plupart du temps, aux deux euros de cotisations sociales « gagnés » sur les heures payées au SMIC, mais peu au-delà.

Les seules mesures qui ont connu un certain succès, et cela ne nous étonne pas, sont celles qui ont amputé le produit de l’ISF, qu’il s’agisse de l’abattement sur l’habitation principale ou de l’incitation à investir dans le capital des PME !

C’est aussi le bouclier fiscal qui va, bientôt, devenir la marque infâme d’un Gouvernement qui s’entête à conserver un dispositif ne profitant véritablement qu’à une poignée de contribuables, bien loin de l’intérêt général, qui pourtant devrait être, dans notre pays, la source unique de la loi, y compris de la loi fiscale !

C’est enfin l’ensemble du dispositif destiné à alléger les droits de mutation sur successions et, surtout, sur donations qui a favorisé l’exemption fiscale de patrimoines particulièrement importants et une optimisation qui a contribué au creusement des déficits !

Les résultats pervers de la loi TEPA sont connus : effet d’aubaine pour les entreprises en matière d’heures supplémentaires, liquidation d’emplois intérimaires ou en CDD par arbitrage en faveur de ces heures supplémentaires.

Ceux qui, voilà plus d’un an, ont fait des heures défiscalisées Sarkozy sont, aujourd’hui, soit au chômage partiel, soit licenciés et je rappellerai à l’intention de M. le rapporteur général que les salariés de l’usine Continental, qui avaient accepté – il le fallait ! – de travailler quarante heures par semaine se sont vu ramenés à 35 heures avant d’être finalement licenciés.

Si je cite cet exemple, monsieur le rapporteur général, c’est parce que certains parlementaires votent, « en haut », des textes contraires aux discours qu’ils tiennent, « en bas » !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Puis-je vous interrompre, monsieur Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Je vous en prie, monsieur le rapporteur général.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, avec l’autorisation de l’orateur.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous remercie, monsieur Foucaud.

Le cas de l’usine Continental, sur lequel j’ai, hélas ! souvent l’occasion de m’exprimer ces temps-ci, est très spécifique. Il est lié au mode de management de l’entreprise et à l’OPA hostile dont elle a fait l’objet. Il est irrationnel de vouloir tirer des leçons générales de cette situation particulière, notamment en ce qui concerne le régime des heures supplémentaires.

Dois-je rappeler qu’en 2007, lorsqu’a été organisé un référendum d’entreprise, on a mis en balance, dans la même formule, les quarante heures et la pérennité du site jusqu’en 2012 ? On peut comprendre dès lors que des amalgames soient faits.

Il n’en demeure pas moins que la situation de l’entreprise Continental est très particulière. Et, comme l’a dit très justement le secrétaire d’État, M. Luc Chatel, s’il y a eu trahison, c’est bien dans ce cas très particulier.

Mon cher collègue, il n’y a aucune contradiction entre les principes et les valeurs que je défends ici, en qualité de parlementaire, et les principes et les valeurs qui inspirent mon action comme maire et président d’agglomération. Je vous prie de bien vouloir en prendre acte.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Foucaud.

M. Thierry Foucaud Sur le terrain, M. le rapporteur général a sans doute fait un certain nombre de choses. Je tiens seulement à préciser, sans malice, que les parlementaires doivent légiférer sur des sujets tels que le bouclier fiscal et les stock-options, qui dérèglent tout le système et qui absorbent des recettes pouvant contribuer au redressement de notre industrie. Et, lorsque je dis que certains parlementaires tiennent, en bas, des propos contraires à ce qu’ils font ici, c’est par rapport à ce qu’on entend ou ce qu’on lit de part et d’autre.

Monsieur le rapporteur général, votre secteur est dans une situation difficile, et croyez bien que je compatis, mais il n’en demeure pas moins qu’on a presque obligé les salariés à accepter de travailler quarante heures : c’était les quarante heures ou la porte.

M. Philippe Marini, rapporteur général. On a fait pression sur eux !

M. Thierry Foucaud. Absolument ! Lorsque nous, élus communistes, avons dénoncé cette situation, on nous a pris, une fois encore, pour des ringards dépassés. J’aurai souhaité avoir tort mais, malheureusement, l’histoire nous donne aujourd’hui raison. Les salariés sont repassés à trente-cinq heures et sont aujourd’hui sous le coup d’un licenciement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous n’aviez pas prédit la crise !

M. Thierry Foucaud. Je ne fais que répéter ce que vous disent les salariés, monsieur le rapporteur général.

Au nombre des effets pervers de la loi TEPA, outre les heures supplémentaires et les liquidations d’emplois intérimaires ou en CDD par arbitrage en faveur de ces heures supplémentaires, s’ajoutent les majorations scandaleuses du remboursement au titre du bouclier fiscal pour moins de 900 contribuables ou encore la hausse artificielle des prix de l’immobilier liée, vous le savez, à l’allégement des droits de succession. Et la liste n’est pas exhaustive !

Le coût de la loi TEPA est évalué à 7,7 milliards d’euros, mais en réalité il est bien plus élevé à cause de ses effets pervers ! Nous l’avons déjà démontré ici. En effet, 725 millions d’heures supplémentaires, cela représente 450 000 emplois à temps plein qui ne sont pas mis sur le marché du travail !

À dire vrai, d’une certaine façon, la crise a bon dos ! Non, madame la ministre, le déficit budgétaire de l’État n’est pas constitué pour sa plus grande part d’un déficit de crise de quelque 60 milliards d’euros ! C’est aussi le déficit généré par des années et des années de choix politiques et budgétaires qui ont conduit à faire jouer au budget de la nation le rôle de roue de secours des profits des entreprises et des revenus des plus aisés !

Les choix du Gouvernement auquel vous appartenez et que soutient l’actuelle majorité parlementaire en ont ajouté et en ajoutent encore, avec la loi TEPA et les autres textes votés depuis le printemps 2007 !

Le candidat du travail est devenu le Président des déficits, de déficits sans cesse croissants, alimentés et s’alimentant des injustices fiscales qui ont été dénoncées tout à l’heure, des injustices économiques sans cesse plus criantes qui brisent le pacte républicain !

Le présent texte n’échappe d’ailleurs aucunement à ce processus. Ainsi, on annonce 2,6 milliards d’euros pour les ménages, au travers de mesures affectant le produit de l’impôt sur le revenu ou conduisant à l’attribution quasi surréaliste de bons d’achat pour services à la personne et, dans le même temps, on prévoit d’ajouter 6,5 milliards d’euros en soutien au secteur automobile, à la demande expresse des entreprises !

Or, tout laisse à penser que ces sommes, qui sont prises sur les fonds publics, seront utilisées pour préparer les plans sociaux qui s’annoncent ou qui ont déjà été annoncés, ou les départs volontaires que les grands groupes du secteur, les équipementiers et leurs sous-traitants, vont mettre en œuvre dans les mois à venir !

L’argent public au secours de l’amélioration du profit d’entreprises confrontées à la crise : il fallait y penser ! Mais cela ne m’étonne pas, d’autant que ce n’est pas la première fois !

Un véritable changement de politique s’impose. Sauf à décider de creuser encore plus les déficits et d’éloigner plus encore la sortie de crise.

Un tel changement nécessite de sortir aussi de la méthode Coué qui consiste à dire, par monts et par vaux, devant le public choisi de réunions publiques largement encadrées par un déploiement policier sans équivalent, qu’on a fait les bons choix et qu’il faut attendre pour mesurer leur efficacité !

Les Français et les Françaises ne veulent plus attendre. Et le voudraient-ils qu’ils ne le peuvent plus ! C’est fort de ces aspirations, de cette exaspération et de cette exigence d’autres choix que nous participerons à la discussion de ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt.

M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la période troublée que nous traversons se caractérise par une perte de repères financiers, économiques, budgétaires mais aussi politiques et parfois même, hélas ! moraux.

Des piliers de la finance internationale se sont effondrés ou affaissés. Des mythes, comme celui de l’argent facile, se sont écrasés contre le mur de la réalité économique et les gourous d’hier sont aujourd’hui brûlés sur le bûcher des vanités.

M. Jean-Louis Carrère. Le Fouquet’s !

M. Henri de Raincourt. Le monde vit au rythme des scandales et des dépréciations d’actifs, au point que les établissements de crédit ont perdu confiance dans les entreprises et en eux-mêmes.

Maastricht paraît bien loin et chaque collectif budgétaire constate une aggravation des déficits publics. Des secteurs économiques entiers sont fragilisés et des dizaines de milliers d’emplois supprimés ou menacés, parfois dans des conditions humaines indignes.

Pendant ce temps, certains continuent à s’attribuer des avantages qu’ils n’ont pas toujours mérités, sans prendre la mesure de la crise économique et sociale que nous traversons.

D’autres perdent leur temps, et le nôtre, dans des débats périphériques et idéologiques, bien loin des enjeux d’aujourd’hui et des préoccupations des Français. Il est vrai qu’il est plus facile de désigner des boucs émissaires que de regarder la réalité en face et de trouver des remèdes.

M. Jean-Louis Carrère. Et que faites-vous ?

M. Henri de Raincourt. Devant cette perte de repères, je veux, au nom du groupe UMP du Sénat, rappeler nos valeurs, nos priorités et notre stratégie.

Notre première valeur est le travail ; notre première priorité est l’emploi ; notre stratégie est le soutien à l’investissement et à l’activité, car ce sont les entreprises qui créent des emplois et qui distribuent des salaires, donc du pouvoir d’achat.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Henri de Raincourt. C’est tout le sens de la politique que nous avons engagée depuis le début de cette législature et qui a été renforcée avec le plan de relance.

En octobre, le plan de soutien aux banques a permis de préserver l’épargne des Français et d’assurer la stabilité de notre système financier, parallèlement aux initiatives lancées par la France sur le plan international, initiatives que nous espérons voir aboutir lors du prochain G20, cette semaine.

La garantie exceptionnelle de 360 milliards d’euros apportée par l’État a permis de rétablir la confiance pour que les banques puissent continuer à financer l’économie et à prêter aux entreprises, aux collectivités et aux particuliers.

La création du Fonds stratégique d’investissement permettra de stabiliser les entreprises vulnérables et d’investir dans l’avenir tout en défendant les intérêts stratégiques de notre nation.

Ce dispositif a été complété, sur le plan fiscal, par l’exonération de taxe professionnelle sur les nouveaux investissements réalisés entre le 23 octobre 2008 et le 31 décembre 2009, en attendant la suppression complète de la part de cette taxe pesant sur les investissements productifs.

Notre groupe a pris bonne note de l’engagement du Gouvernement de trouver des recettes équivalentes pour les collectivités territoriales et il sera très attentif aux modalités qui seront proposées.

Le soutien de l’investissement et de l’activité est aussi au cœur du plan de relance de l’économie de 26 milliards d’euros annoncé le 4 décembre dernier par le Président de la République et voté par le Parlement en janvier.

Il traduit également, sur le plan législatif, le Pacte automobile conclu le 9 février pour assurer l’avenir de notre outil industriel et préserver un secteur stratégique pour notre économie et nos emplois.

Mais ce collectif budgétaire concrétise surtout les engagements du Gouvernement pour garantir la justice sociale et la solidarité à l’égard de nos compatriotes les plus fragiles. Car la solidarité est aussi l’une de nos valeurs cardinales. Oui, nous avons le devoir de protéger les plus vulnérables, en particulier les chômeurs et les jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi, sans oublier les classes moyennes modestes, qui subissent également la crise.

Ce collectif budgétaire traduit donc dans la loi les mesures qui ont été décidées lors du sommet social du 18 février dernier : il dote le Fonds d’investissement social de 800 millions d’euros supplémentaires.

Pour soutenir le pouvoir d’achat, ce texte prévoit une réduction des deux tiers de l’impôt sur le revenu des ménages modestes, ce qui revient, pour les 4 millions de ménages dont les revenus se situent dans la première tranche d’imposition, à un gain moyen par foyer de plus de 200 euros. En outre, près de 2 millions de foyers dont les revenus atteignent la deuxième tranche verront également leur impôt diminuer. Ce sont ainsi 6 millions de ménages qui bénéficieront d’une réduction significative de leur imposition en 2009, pour un coût global de 1,1 milliard d’euros. C’est bien de la distribution de pouvoir d’achat !

Ce volet social est complété par le versement d’une prime de 150 euros à 3 millions de familles aux faibles revenus ayant des enfants scolarisés et de bons d’achats de services à la personne de 200 euros pour des personnes en perte d’autonomie et des parents d’enfants handicapés.

Il s’agit donc, mes chers collègues, de mesures concrètes que je me plais à rappeler parce qu’on les oublie parfois dans le débat qui agite en ce moment l’opinion et les médias et qu’elles sonnent, de notre point de vue, comme autant de démentis aux allégations de ceux qui caricaturent en permanence la politique que nous menons depuis presque deux ans.

Ce collectif budgétaire est à la fois économique et social. Il convient de ne pas détourner pas le débat en abordant des sujets fiscaux qui, selon nous, n’y ont pas leur place et relèvent d’un débat de loi de finances sur la structure de nos prélèvements obligatoires.

C’est pourquoi, je tiens à l’indiquer dès à présent, nous ne soutiendrons aucune des propositions de nos collègues qui visent à remettre en cause la politique fiscale du Gouvernement.

De la même manière, nous pensons que la question de la sur-rémunération des dirigeants n’a certainement pas sa place dans la discussion de ce texte.

La majorité, autour du Président de la République, je veux le rappeler, a collectivement et unanimement considéré il y a peu que procéder par voie réglementaire serait plus rapide, et donc plus efficace. Un décret a été publié aujourd’hui au Journal officiel pour mettre fin à ces pratiques qui ont toujours cours dans certaines entreprises soutenues par l’État.

La crise nous commande d’être réactifs. Alors qu’il nous faudra peut-être, dans les prochains mois, examiner de nouvelles mesures pour y faire face, nous avons le devoir d’être cohérents et responsables.

Il faut trouver l’équilibre entre l’activité et la solidarité : ces notions sont pour nous indissociables de celle de responsabilité. Nous assumons totalement notre refus de compenser les pertes de recettes fiscales par de nouvelles hausses d’impôts, de manière à ne pas pénaliser l’activité ni décourager les contribuables qui font tourner la « maison France ».

Nous assumons aussi le choix de maintenir le cap de la maîtrise des dépenses courantes de l’État et du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique.

En privilégiant la relance par l’investissement, nous n’entendons pas sacrifier l’avenir, bien au contraire. Soutenir l’investissement aujourd’hui, c’est renforcer la compétitivité de notre économie, c’est préparer les emplois de demain, c’est nous doter des meilleurs atouts lorsque la croissance reviendra.

Nous sommes persuadés que notre pays surmontera d’autant plus rapidement cette crise qu’il aura confiance dans l’avenir.

Mes chers collègues, notre responsabilité politique est de dire la vérité aux Français, d’être à leur écoute, d’aider les plus fragiles, mais aussi de mettre en œuvre une stratégie cohérente et de tenir, coûte que coûte, le cap des réformes.

M. Gérard Cornu. Très bien !

M. Henri de Raincourt. C’est cet ensemble qui fera le succès de la France lorsque la croissance sera de retour.

C’est dans cet état d’esprit constructif que le groupe UMP aborde l’examen de ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, chaque jour apporte son lot de mauvaises nouvelles : défaillances d’entreprises en cascade, multiplication des plans sociaux dans les usines et cortèges de licenciements.

Le chômage connaît une remontée fulgurante, plongeant ainsi une grande partie de nos concitoyens dans l’angoisse du lendemain et tout notre pays dans la spirale de la récession.

Dans le contexte d’une crise mondiale, la France ne fait pas exception si l’on s’en tient aux indicateurs traditionnels. Fort recul du PIB, dégradation du déficit public, dette publique explosive : les indicateurs sont au rouge et le tableau économique est sombre, si sombre qu’on le compare à celui qui a été déclenché par le fameux « jeudi noir » de 1929.

Dans cet enfer, certains arrivent tout de même à trouver des coins de paradis… Car, comme si cela ne suffisait pas, l’indécence s’ajoute à la difficulté par l’existence de paradis fiscaux et de rémunérations excessives de dirigeants d’entreprises aidées par l’État.

Un pays comme le nôtre, pour lequel les valeurs de solidarité et de justice ont un sens, ne peut pas, ne doit pas se satisfaire d’un tel décalage entre ceux qui subissent la crise et ceux qui en profitent. On ne saurait rester inerte lorsque nombre de nos concitoyens ne savent pas comment ils vont boucler leur fin de mois tandis que d’autres s’interrogent sur le meilleur moyen de faire fructifier, si possible à l’abri, leur argent de poche !

Certains d’entre vous trouveront peut-être ces propos caricaturaux. Il reste que, sur le terrain, la réalité rattrape les élus de proximité : nous sommes nombreux sur ces travées à faire le constat amer d’une demande toujours plus forte d’aide sociale.

Dans cette chronique de l’insoutenable, mes chers collègues, se pose encore une fois l’inévitable question du bouclier fiscal. De loi de finances rectificative en loi de finances rectificative, malgré l’effet de ciseaux qui hypothèque de plus en plus l’avenir des finances publiques, le Gouvernement semble persister dans sa surdité.

Pourtant, des voix s’élèvent, même dans les rangs de la majorité, pour dénoncer un dispositif qui pose des problèmes d’équité fiscale mais également d’efficacité économique. Je l’ai dit la semaine dernière à l’occasion de l’examen de la proposition de loi de nos collègues du groupe CRC-SPG, la crise économique justifie aujourd’hui la suppression du bouclier fiscal.

Plus généralement, il serait temps de revenir enfin au principe d’égalité devant l’impôt, inscrit dans la Constitution, ainsi qu’au principe de progressivité, si cher au radical Joseph Caillaux.

Ces deux principes, qui n’existent plus dans les faits à force d’exonérations, de niches et de parapluies divers et variés, doivent être rétablis parce qu’ils sont au fondement de l’esprit républicain.

Certes, pour calmer les esprits, le présent projet de loi de finances rectificative prévoit la réduction des deux tiers de l’impôt sur le revenu. Cette mesure, évidemment insuffisante, a au moins le mérite de corriger un peu le déséquilibre entre les soutiens à l’investissement, massifs, et ceux qui sont destinés à la consommation, jugés par moi trop faibles depuis la mise en œuvre du plan de relance.

Cependant, sur la forme, je constate que, si l’idéologie a guidé la mise en place du bouclier fiscal, ce sont plutôt les circonstances qui ont suscité ce nouveau dispositif à l’article 1er. Cela m’amène à constater que ce sont les plus fragiles qui servent, une fois de plus, de variable d’ajustement. C’est très regrettable, notamment au regard des principes de justice sociale que j’évoquais à l’instant.

Je voudrais conclure mon intervention en esquissant la voie qu’il serait nécessaire d’emprunter pour répondre aux défis posés par cette crise. Car, au-delà des indispensables plans de relance qui valent pour l’immédiat, nous devons réfléchir à la manière de dépasser un système capitaliste exclusivement dopé au libéralisme économique et financier, pour aller vers des modèles de développement humain mettant en avant des critères sociaux, écologiques, sanitaires ou même civiques.

Bien entendu, cette vision suppose un minimum de convergences au niveau mondial. À la veille du G20, la réticence des Américains sur la mise en place d’une réforme du capitalisme financier laisse, hélas ! présager un immobilisme en la matière, à moins que les Européens fassent preuve de fermeté. Il le faudrait, car nous savons que la crise a démarré chez ceux qui veulent aujourd’hui déterminer ce qui est prioritaire, mais aussi ce qui ne l’est pas. C’est un comble !

Du reste, il n’est pas étonnant que les États-Unis continuent de se comporter en leader quand l’Europe démontre sa faiblesse politique. Solidaire dans les discours, l’Union européenne subit dans les faits les différents plans de relance nationaux. Au final, c’est plus une addition de « stratégies hexagonales » qu’un véritable effort de coordination qui caractérise aujourd’hui l’Europe économique.

À l’approche des élections européennes, j’espère que tous ceux qui partagent l’idée d’une nécessaire harmonisation des politiques économiques et budgétaires des États membres se mobiliseront.

Mes chers collègues, faisons en sorte que les Français voient en l’Europe une éclaircie plutôt que le réceptacle de leur désarroi. En attendant, les sénateurs radicaux de gauche et la majorité des membres du RDSE ne pourront pas voter en faveur de ce nouveau projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui prévoit un déficit des finances publiques de la France de 104 milliards d’euros, chiffre jamais atteint !

Ce chiffre est inquiétant en lui-même parce qu’il atteste le délabrement de nos finances publiques mais aussi en ce qu’il nous indique à quel point les marges de manœuvre sont aujourd’hui limitées pour faire face à la crise.

Cette situation préoccupante s’explique en grande partie, me semble-t-il, par la politique fiscale conduite par la droite depuis 2002 en France, et c’est ce que j’entends maintenant démontrer.

Pour introduire mon propos, j’évoquerai la situation actuelle aux États-Unis, première économie mondiale et pays, comme vous le savez, où est née cette crise majeure que nous traversons aujourd’hui.

Le Président Sarkozy s’est longtemps flatté qu’on le surnomme « Sarkozy l’Américain » ; il prétendait introduire en Europe « ce qui marche », c’est-à-dire, à ses yeux, la politique économique qui était mise en œuvre aux États-Unis par Georges Bush. Il fallait rompre, disait-il, avec la vision européenne de l’État-providence, cette vieille lune sociale-démocrate, dispendieuse et ringarde.

L’un des exemples les plus cocasses de ce discours fut, vous vous en souvenez, la proposition formulée durant la campagne présidentielle d’introduire les prêts immobiliers hypothécaires destinés à faire de la France une « société de propriétaires ».

Hélas, cette politique américaine s’est révélée être un échec. Elle a conduit à inverser le sens de la redistribution puisque, sous la présidence Bush, les États-Unis ont vu s’exercer un transfert annuel de quelque 150 milliards de dollars des couches populaires vers la fraction de 1 % des plus riches. Il en est résulté le déclassement des couches moyennes, entrées dans une spirale de pauvreté.

Les instruments fiscaux qui ont conduit à ce désastre ressemblent beaucoup aux vôtres et sont à peine plus caricaturaux : baisse de la fiscalité sur le patrimoine, réduction des impôts progressifs à la portion minimale au profit d’une fiscalité proportionnelle, ainsi que d’une fiscalité d’entreprise qui encourage la rente et pénalise l’investissement productif.

Heureusement, Barack Obama, comme jadis Roosevelt lors du New Deal, revient aux fondamentaux de l’économie réelle. Le nouveau président américain, tout en baissant de 250 milliards de dollars les impôts des plus modestes, s’apprête à relever l’impôt des grandes fortunes américaines, en même temps qu’il prévoit de limiter réellement les scandaleuses rémunérations des patrons des sociétés maintenues en vie grâce aux perfusions du Trésor.

Pour une fois, nous aimerions, madame la ministre, monsieur le ministre, que votre gouvernement s’inspire de ce qui se fait outre-Atlantique. Le président Sarkozy pourrait ainsi méditer ce propos de Roosevelt : « Gouverner, c’est maintenir égales pour tous les balances de la justice. »

Cela étant, attribuer toute la responsabilité au seul président Sarkozy serait malhonnête. Il dispose de solides complicités au sein de la majorité, car ses malencontreuses options ne datent pas d’hier. Dès le retour de la droite au pouvoir, en 2002, nous avons été obligés de constater une forte régression de la justice fiscale en France.

Dès 2002, en effet, votre politique prétendait renforcer la croissance, consolider l’emploi et le pouvoir d’achat. Pour y parvenir, il fallait, nous disait-on, diminuer les prélèvements obligatoires tout en réduisant la dette du pays et les déficits, afin de se redonner des marges de manœuvre.

Ici même, en 2003, on entendit qualifier de « cocktail gagnant » l’ensemble de mesures destiné à faire baisser l’impôt sur le revenu, les charges patronales, la fiscalité du patrimoine et l’impôt de solidarité sur la fortune. Rétrospectivement, ce cocktail nous apparaît plutôt être une potion empoisonnée !

En effet, de 2002 à 2007, si votre politique de baisse d’impôts a coûté au bas mot plus de 23 milliards d’euros à la collectivité publique, le taux de prélèvements obligatoires est resté quasiment inchangé. Comment expliquer cette stabilité alors que vous prétendiez diminuer les impôts ? Il suffit d’observer que, contrairement à vos promesses, vous n’avez pas réellement réduit le niveau d’imposition. Vous avez simplement concentré les prélèvements sur les classes moyennes pour mieux décharger vos clientèles électorales de leur devoir de solidarité nationale.

De 2002 à 2007, les foyers dont les revenus étaient compris entre 15 et 20 fois le SMIC ont profité, en moyenne, d’une baisse d’imposition comprise entre 3 000 et 12 000 euros par an ! En taillant en pièces le principe de progressivité de l’impôt, vous avez réussi la gageure d’inventer la redistribution à rebours : prendre aux pauvres pour donner aux riches !

C’est dans le même esprit que vous avez menti aux Français lorsque vous promettiez que le bouclier fiscal devait profiter aux classes moyennes et modestes. Nous avons entendu plusieurs fois de tels propos dans cet hémicycle. De fait, en 2008, ce sont 834 contribuables disposant d’un patrimoine moyen de 15,5 millions d’euros qui ont reçu de l’État un chèque d’un montant moyen atteignant 368 000 euros.

Au total, ce dispositif nous coûte la bagatelle de 307 millions d’euros. Même Dominique de Villepin, qui en est l’instigateur, s’en est inquiété il y a quelques jours dans les colonnes du journal Le Monde !

Un sénateur de l’UMP. Ce n’est pas une référence !

M. François Marc. Dès 2002, vous prétendiez également améliorer l’attractivité fiscale du pays et permettre l’épanouissement des entreprises. Il fallait, disait-on, « libérer les énergies », selon un slogan alors à la mode. Vous avez donc abaissé l’impôt sur les sociétés, créé un dégrèvement de taxe professionnelle, réduit l’imposition des plus-values, pour ne rien dire de l’exonération d’ISF, à hauteur de 75 %, sur les actions et les parts sociales. Vous avez multiplié les mesures dérogatoires, qui portent aujourd’hui le nombre de « niches fiscales » à plus de cinq cents ! En 2003, elles coûtaient déjà plus de 50 milliards d’euros à l’État. Je n’ose imaginer à combien s’élèvera leur montant en 2009…

Cette stratégie fiscale désastreuse a encore été accentuée depuis 2007.

Loin de revenir sur les choix fiscaux antérieurs, le gouvernement Fillon a aggravé l’injustice fiscale. Dans la lettre de mission qu’il vous a adressée en 2007, madame la ministre, et conformément à la promesse faite au MEDEF lors de son université d’été, le Président exigeait une baisse des impôts de quatre points sur les dix prochaines années.

La loi dite « TEPA », votée dès juillet 2007, a ainsi permis aux grandes fortunes d’échapper à l’ISF en autorisant la déduction des sommes investies dans les PME jusqu’à 50 000 euros. Si l’on y ajoute le bouclier fiscal et les autres niches, on se demande bien ce qu’il leur reste à payer !

Au prétexte que vous diminuez les recettes, vous vous êtes attaqués aux fondements du service public à la française en prétendant le moderniser.

Qu’on ne se méprenne pas sur le sens de mes propos : nous sommes d’accord sur la nécessité de moderniser l’État. Oui, il faut que le service rendu à nos concitoyens soit le meilleur possible. Oui, dans un contexte de raréfaction des ressources, il faut des réformes. Mais les choix budgétaires que vous avez effectués se cantonnent trop souvent à une vision purement financière, sans réelle prise en compte des besoins des usagers, comme nous le constatons en matière d’hôpitaux ou d’écoles.

Outre les restrictions imposées, vous opérez un tour de passe-passe qui consiste à transférer le coût de fonctionnement des services publics du contribuable vers l’usager. Ce que vous enlevez de la feuille d’impôt, les Français le retrouvent à la facturation. Cette stratégie pénalise évidemment les plus modestes, qui ont du mal à s’acquitter des augmentations de tarifs des services publics.

L’État fait aussi porter cet abandon de recettes par les collectivités. L’acte II de la décentralisation, qui devait être une nouvelle ère pour les politiques locales, s’avère n’être qu’un corset de fer. Le transfert massif de charges n’a pas été compensé comme il aurait dû l’être, ce qui contraint les élus locaux à pallier les carences du Gouvernement. Les dégrèvements de taxe professionnelle et, bientôt, la suppression pure et simple de celle-ci conduiront à ce que le principe d’autonomie fiscale, pourtant inscrit dans la Constitution, reste lettre morte.

Grâce à la décentralisation, l’État détricote l’impôt progressif pour mieux en reporter le coût sur les impôts locaux qui sont, eux, des impôts proportionnels : les collectivités ont bon dos ! Le Gouvernement peut ensuite leur faire la leçon, sur l’air des dépensiers qui ne jurent que par les taxes. Il est pourtant bien heureux de s’appuyer sur l’investissement des collectivités, sans lequel son plan de relance est voué à l’échec. N’oublions pas que ce sont les collectivités qui assurent jusqu’à 73 % de l’investissement public !

Admettez, madame la ministre, que, compte tenu de la dette endémique qui grève nos finances, l’État peut difficilement s’ériger en donneur de leçons.

Depuis l’arrivée de la droite au pouvoir, la dette liée aux déficits n’a cessé de croître. Elle sera au mieux de 73,9 % du PIB en 2009, pour un déficit de 5,6 %, très loin du seuil autorisé par nos engagements européens.

La politique menée depuis 2002 ne mérite d’être associée qu’à deux vocables : électoralisme et « court-termisme ».

Dans son rapport annuel pour 2008, la Cour des comptes estime que, si la dette publique continuait d’évoluer au même rythme, elle atteindrait 85 % du PIB en 2012 ; et encore n’est-ce là qu’une hypothèse optimiste !

Madame la ministre, il est urgent de dire la vérité aux Français et de comprendre que les privilèges fiscaux d’aujourd’hui sont les hausses d’impôts de nos enfants !

À l’heure où l’État injecte des milliards dans l’économie, notamment dans les banques qui continuent de verser des rémunérations faramineuses aux responsables de la crise, il est du devoir du Gouvernement de rétablir l’équité en sollicitant davantage les hauts revenus.

Rappelons que l’une des premières mesures prises par Roosevelt, qui n’était pas vraiment un gauchiste, après la crise de 1929 a été d’augmenter le taux marginal d’imposition, pour le porter à 63 % en 1932 et à 91 % en 1941. Votre gouvernement, qui prétend lutter contre les inégalités, devrait s’en inspirer !

Il faut cesser de justifier votre laxisme fiscal par l’efficacité économique, car cela ne marche pas. Il faut d’urgence changer votre politique fiscale, inefficace et injuste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. Après les excellentes interventions des rapporteurs et des orateurs qui m’ont précédé, je souhaite m’affranchir des rites habituels de la discussion budgétaire et me concentrer sur deux séries de questions, que j’adresse au Gouvernement.

La première série comprend trois questions et concerne le découpage du déficit de 104 milliards d’euros en un déficit structurel et un déficit de crise.

Premièrement, le déficit de crise est-il vraiment réversible et quelle sera la durée de cette réversibilité ? Deux ans ? Cinq ans ? Dix ans ?

Deuxièmement, les allégements de charges sociales, que nous traînons depuis dix ans, font-ils partie du déficit structurel ou du déficit de crise ? Envisagez-vous de les réduire progressivement dès que la conjoncture s’améliorera ?

Troisièmement, la suppression, compensée par l’État, de la part investissements de la taxe professionnelle dès 2010 sera-t-elle imputée au déficit de crise ou au déficit structurel ?

Mme Nicole Bricq. Bonne question !

M. Jean-Pierre Fourcade. Cela ne risque-t-il pas d’aggraver le déficit structurel ?

Ma deuxième série de questions concerne l’augmentation, nécessaire, de la dette publique. En effet, de nombreuses autorités l’ont dit avant moi, face à la gravité de la crise, on ne se demande plus comment réagir : on est obligé d’augmenter la dette.

Cela étant, puisque cette augmentation est nécessaire et que la dette représentera, dès cette année, près de 75 % du produit intérieur brut, nous devons améliorer nos méthodes. À cet égard, je vous poserai encore, madame la ministre, monsieur le ministre, trois questions.

S’agissant tout d’abord des mécanismes d’emprunt sur le marché international, avec lequel nos amis anglais ont eu quelques difficultés la semaine dernière, des précautions sont-elles prises pour plafonner l’augmentation des taux d’intérêt qui risque de se produire ?

Certes, actuellement, les taux d’intérêt baissent ; nous le constatons avec les bons du Trésor. Ils risquent cependant de remonter. Par conséquent, recourt-on à ces systèmes fort compliqués qui consistent à se garantir pour éviter de se trouver confrontés à une augmentation des taux d’intérêt ?

Ensuite, peut-on trouver de nouvelles formules d’emprunt ? Aujourd’hui, vous recourez très largement, madame la ministre, aux bons du Trésor, dont l’encours a atteint ce mois-ci 45 milliards d’euros. Je reconnais que les taux baissent, les dernières adjudications s’étant faites à 0,82 %, ce qui est satisfaisant pour des bons du Trésor à un an et prouve que l’évaluation des charges de la dette associée au budget sera respectée. Ne peut-on pour autant envisager de nouvelles formes d’emprunt ? Je songe par exemple à des bons du Trésor dont l’échéance pourrait aller jusqu’à dix ans et qui nous permettraient d’être moins tributaires du marché international.

Sur ce marché international, l’écart de taux avec les Allemands est aujourd’hui de 50 points de base. Avec la Grèce et l’Irlande, cet écart est de 250 points de base. Ne risque-t-on pas de voir se creuser les écarts de taux, au fur et à mesure que tous les États vont emprunter, ce qui entraînera sans doute des difficultés ?

Enfin, j’ai constaté que la société de prises de participation de l’État n’empruntait pas par l’intermédiaire de l’Agence France Trésor. Par conséquent, son écart de taux avec nos voisins allemands est non pas de 50, mais de 70 ou 75 points de base. Pour faire des économies et compte tenu de l’importance des emprunts que nous lançons et allons lancer, ne pourrait-on pratiquer des méthodes plus économiques ? Certes, l’Agence France Trésor se réserve un droit de veto pour les appels de fonds, mais ne pourrait-on préférer le système de collecte qui nous coûte le moins cher au principe de cloisonnement des activités si prisé par tous les Français ?

Ces quelques questions techniques ne m’empêchent pas, madame la ministre, monsieur le ministre, d’apporter mon appui et mon soutien au projet de loi de finances rectificative que vous nous présentez. Il me paraît cependant nécessaire de prendre du recul et de faire preuve de lucidité pour l’avenir, et de mettre en chantier, dès maintenant, les instruments monétaires et fiscaux qui devront impérativement baliser, demain ou après-demain, la sortie de crise. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, pour la quatrième fois en quatre mois, le Sénat est amené à examiner un projet de loi de finances rectificative dont l’objet premier est d’atténuer les effets de la crise financière et de juguler une récession économique dans laquelle notre pays s’enfonce chaque jour davantage.

Avec, cette année, une « croissance négative » d’au moins 1,5 %, la tâche sera difficile.

M. Gérard Longuet. En français, cela s’appelle une décroissance !

M. Aymeri de Montesquiou. L’environnement international est mauvais, voire catastrophique pour les pays les plus atteints par la crise.

Les États-Unis, première puissance économique, voient leur production industrielle tomber au plus bas depuis sept ans. Selon la Réserve fédérale, 48 % des entreprises industrielles estiment que leurs conditions d’activité ne cessent d’empirer, avec un indice de commandes plongeant de 14 points, pour s’établir au niveau record de moins 44,8 points !

En France aussi, l’environnement économique demeure très difficile. Les chiffres sont tous, ou presque, convergents. La révision des hypothèses économiques conduit à des moins-values de recettes fiscales de 6,3 milliards d’euros, dont 3,5 milliards d’euros pour la TVA. Les recettes non fiscales sont également revues à la baisse de 1,1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale, sous l’effet de la diminution des recettes attendues des participations de l’État et malgré les recettes nouvelles issues de la garantie apportée par l’État en faveur de la Société de financement de l’économie française.

Le solde budgétaire associé à ce collectif est de moins 103,8 milliards d’euros ; il se creuse de 17 milliards d’euros par rapport à la dernière loi de finances rectificative ! À ce propos, madame le ministre, vous avez le courage de ne pas dissimuler que le problème est grave et que la dégradation de nos finances publiques conduira à un déficit de 5,6 %, voire de 6 % du PIB.

Ce contexte de récession économique mondiale ne nous impose que davantage de maîtriser notre niveau de dépense et d’endettement publics : plus nous maîtriserons notre déficit, plus vite nous pourrons rétablir nos finances.

Le débat d’aujourd’hui nous offre l’occasion de dresser un premier bilan des mesures mises en œuvre ces derniers mois et de convaincre du bien-fondé de celles qui sont proposées aujourd’hui.

Le Gouvernement, qui s’est montré très réactif, s’est fixé deux objectifs majeurs : d’une part, mobiliser l’ensemble de nos partenaires européens pour parler d’une même voix et fixer de nouvelles règles de politique économique ; d’autre part, mettre en place une fiscalité incitative, afin d’encourager l’investissement de nos entreprises tout en prenant les mesures indispensables d’aide aux ménages les plus fragiles.

Dans une telle situation de crise, l’opportunité du bouclier fiscal peut, une fois de plus, être contestée. En effet, à un moment où le chômage augmente, avec des risques certains d’aggravation d’ici à la fin de l’année, il est impossible à ceux qui ont perdu ou qui craignent de perdre leur travail de ne pas éprouver un profond sentiment d’injustice lorsque l’État signe des chèques en faveur des plus hauts revenus, même s’ils comprennent l’idée selon laquelle on ne peut pas faire payer des impôts supérieurs à 50 % des revenus. Ce sentiment d’injustice va nuire à la stabilité de la France, ce qui pourrait avoir un effet très négatif sur les investissements étrangers et donc susciter une aggravation du chômage.

Donnons tort à Michel Colucci, dit Coluche, qui, sous le premier septennat de François Mitterrand, observait : « Il paraît que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Je ne vois pas en quoi c’est une crise : depuis que je suis petit, c’est comme ça ! »

Au vu des circonstances économiques exceptionnelles, il serait opportun de suspendre ce système afin de réconcilier équité fiscale et justice sociale. Il s’agit non pas de s’engager sur la voie stérilisante d’une hausse des impôts, mais plutôt d’adapter le système du bouclier fiscal aux impératifs de la crise. Ici aussi, ce serait faire preuve de réactivité !

Dans cet état d’esprit, je souligne l’initiative prise par le Sénat et la commission des finances en décembre 2008 afin que nos marges de manœuvre budgétaire ne soient pas réduites par nos moins-values fiscales. En premier lieu, je demeure persuadé que la réorganisation des niches fiscales, voire la suppression de certaines d’entre elles doivent être engagées au plus vite. En second lieu, il me semble indispensable que tout avantage fiscal ou social accordé aux entreprises soit compensé par des engagements fermes en termes de créations d’emplois, de relocalisation sur notre territoire et de politique salariale.

Face à la crise, notre capacité de proposition est essentielle, et ce collectif budgétaire concrétise de nouveaux engagements du Gouvernement pour accompagner notre pays sur le chemin de la relance économique et de la justice sociale. Si M. le rapporteur général laisse espérer que le creux de la crise n’est pas loin, je conclurai avec Khalil Gibran : « Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit. »

Mme Nicole Bricq et M. Thierry Foucaud. Après la pluie, le beau temps !

M. Aymeri de Montesquiou. Je voterai donc ce collectif budgétaire exceptionnel. À situation de crise exceptionnelle, collectif exceptionnel ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.

M. François Rebsamen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à ce moment du débat, je crois pouvoir dire que nous partageons tous un constat : l’ampleur de cette crise mondiale et de ses conséquences pour notre pays. Un chiffre, qui frappe les esprits et touche au plus profond de notre société, peut sans doute le résumer : depuis le début de l’année, nous comptons environ 80 000 chômeurs de plus chaque mois.

Révision après révision, le Gouvernement constate donc les dégâts. Il est loin le temps des prévisions du début de l’été 2008, et je sens tout de même moins d’arrogance dans les propos.

Aujourd’hui, cela peut se comprendre, le Gouvernement ajuste ou tente d’ajuster ses prévisions en gardant une bonne dose d’optimisme, cependant que le Président de la République, quelquefois, affiche un certain pessimisme et noircit la situation. Il est difficile de naviguer entre les deux !

Il en est de même des prévisions gouvernementales. Elles tablent désormais, pour 2009, sur un taux de « croissance » de moins 1,5 % ; mais un consensus semble se dégager sur l’hypothèse d’un taux sûrement plus proche – mais je ne voudrais pas donner à mon tour l’impression de chercher à noircir le tableau – de moins 2,5 % et d’un déficit public qui dépasserait alors 6 % du PIB.

Compte tenu de la situation économique, personne ne peut faire reproche au Gouvernement de nous soumettre un deuxième projet de loi de finances rectificative depuis le début de l’année. Il est malheureusement à craindre que nous n’ayons à en examiner un troisième avant l’été !

Je m’inscrirai dans la suite des propos de notre collègue François Marc en soulignant que, après s’être en quelque sorte « accroché » à sa position, le Gouvernement a bougé. Je me rappelle l’époque où il affirmait qu’il faisait déjà tellement pour le pouvoir d’achat des ménages et la consommation qu’il devait désormais privilégier l’investissement.

Nous n’avons rien contre les investissements qui pourraient être réalisés ou contre les prêts consentis au secteur de l’automobile – à condition bien sûr, comme le rappelait récemment notre collègue Martial Bourquin, que l’on en vérifie la destination et l’efficacité ! Mais voilà que, devant les journées de mobilisation sociale qu’a connues notre pays, le Président de la République a décidé qu’il fallait soutenir, sous la forme d’un crédit d’impôt, le pouvoir d’achat des contribuables dont le revenu imposable était inférieur à 12 475 euros. Ce qui était impossible, voire moqué quand nous le proposions devient soudainement intéressant, car telle est la volonté du Président de la République !

M. François Rebsamen. Je rappellerai tout de même que, aujourd'hui comme hier, selon la logique du « multiplicateur keynésien » – et quel plaisir n’éprouve-ton pas à entendre de grands défenseurs du libéralisme ou du néolibéralisme y faire référence ! –,…

M. François Rebsamen. … 1 euro d’investissement public ou de transfert aux personnes à faible revenu crée 1 euro de PIB, tandis que 1 euro d’allégement fiscal n’augmente le PIB que de 0,5 euro.

M. François Rebsamen. Il est tout de même curieux, madame la ministre, de constater que les tenants de l’orthodoxie budgétaire, qui ne manquent jamais de se manifester lorsque nous proposons de nous préoccuper du pouvoir d’achat, des capacités de consommation des milieux modestes et des classes moyennes, ne font aujourd’hui aucune difficulté quand le Gouvernement nous propose de financer ces baisses d’impôt par le déficit budgétaire !

M. François Rebsamen. Et il était encore plus curieux d’entendre M. le ministre chargé du budget parler, comme il l’a fait tout à l’heure, de maîtrise de la dépense courante alors même que le déficit des comptes sociaux était de 10 milliards d’euros en période de croissance et qu’il avoisinera cette année, je le crains, les 20 milliards d’euros !

M. Woerth a affirmé qu’augmenter les impôts des plus aisés conduisait toujours à augmenter les impôts de tous.

M. François Marc. Ha ! ha !

M. François Rebsamen. Or c’est exactement le contraire qu’a fait le Gouvernement puisqu’il a diminué les impôts des plus aisés et augmenté les impôts indirects – la « taxe poisson », la taxe sur les assurances vie, etc. –, qui frappent proportionnellement davantage les moins aisés

Les conséquences sont malheureusement très visibles : se développe actuellement en France, et il faut y prendre garde, un sentiment d’injustice fiscale qui accroît la radicalité des mouvements sociaux ; nous le constatons tous sur le terrain. C’est la cohésion sociale même du pays qui est aujourd’hui atteinte ! Comment, en effet, mobiliser l’ensemble d’un pays face à la crise quand l’injustice fiscale est érigée en dogme ?

Pour les Français, cette injustice fiscale est symbolisée par plusieurs exemples. Je vais les citer de nouveau, mais nous n’aurons de cesse de les répéter.

C’est d’abord le bouclier fiscal : 834 VIP-contribuables qui possèdent un patrimoine de plus de 15 millions d’euros reçoivent un chèque de trop-perçu de 368 000 euros. Je vous le dis, c’est incompréhensible pour n’importe quel Français !

Ce sont ensuite les stock-options et autres rémunérations qui atteignent des sommes représentant des dizaines d’années de travail au SMIC, car c’est ainsi que les voient les salariés modestes.

Ce sont enfin des salaires de dirigeants qui rompent le consensus social et créent entre les revenus des inégalités dignes des pays en voie de développement.

Il ne peut y avoir, je le crois, de loi pour le secteur public et d’autodiscipline pour le secteur privé : ce qu’il faut, c’est de la justice pour tous !

J’ai envie, pour conclure mon propos, de dire à la majorité et au Gouvernement : abandonnez votre dogmatisme économique ! Faites fi de l’idéologie libérale ou néolibérale portée par le Président de la République pendant la campagne présidentielle ! Prenez exemple, puisque vous les aimez tant, sur les Anglo-Saxons : soyez pragmatiques ! Madame la ministre, vous savez ce que cela signifie : vous avez travaillé dans ces pays.

Convenons ensemble que des mesures qui peuvent se justifier en période de surchauffe économique, de pénurie de main-d’œuvre – je pense aux exonérations fiscales pour les heures supplémentaires – sont terriblement contre-productives en période de récession et de montée extraordinaire du chômage.

Pour retrouver des recettes fiscales, mais qui soient, cette fois, plus justes – je crois que c’est un souci que nous partageons –, n’hésitez pas à moduler les taux de l’impôt sur les sociétés en fonction de l’affectation du bénéfice réalisé : bonus quand les entreprises investissent, malus quand elles ne pensent qu’à servir les actionnaires ! Créez des contributions exceptionnelles pour celles qui réalisent des superprofits grâce à une politique des prix qui est finalement payée par les contribuables ; vous voyez certainement à quoi je fais allusion !

Madame la ministre, mes chers collègues, encore une fois, soyez pragmatiques. Vos dogmes sont dépassés. Pensez que justice sociale et justice fiscale vont de pair ! C’est en réalisant la cohésion sociale de notre pays que nous pourrons ensemble le mieux faire face à cette crise. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy.

M. Philippe Leroy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’aborderai un point particulier de ce projet de loi de finances rectificative : la forêt, dont la tempête Klaus a détruit, les 24 et 25 janvier dernier, des centaines de milliers d’hectares dans les trois régions du Sud-Ouest.

Je tiens tout d’abord à dire notre solidarité aux amis de la forêt, aux sylviculteurs et à tous les professionnels de la filière bois qui ont subi les ravages de cette tempête. Il aura fallu à peine six heures, quelquefois, pour détruire l’œuvre d’une vie. Je veux donc adresser un message d’amitié à tous ceux qui ont été victimes de cette tempête et à nos collègues du Sud-Ouest qui s’exprimeront tout à l’heure, notamment Gérard César, en les assurant de notre soutien face à une catastrophe dont les blessures ne seront effacées qu’au terme de plusieurs années.

M. Jean-Louis Carrère. M. César ne sait pas que les Landes existent !

M. Philippe Leroy. Les Landes ont, bien sûr, subi cette tempête, mais il faut aussi parler des Pyrénées, avec les pins maritimes et les peupliers, mon cher collègue.

Mme Nicole Bricq. Il va en parler !

M. Jean-Louis Carrère. Il n’y en a pas dans les Pyrénées, mais il y en a dans le Lot-et-Garonne !

M. Philippe Leroy. Je voulais parler de la région Midi-Pyrénées.

Mes chers collègues, il faudrait éviter les particularismes régionaux trop étroits. Le sort de la forêt des Landes intéresse tout le pays, car un déséquilibre dans les Landes peut avoir des conséquences économiques en France et même en Europe.

M. Jean-Louis Carrère. Nous sommes d’accord !

M. Philippe Leroy. L’évaluation des dégâts fait déjà apparaître que cette catastrophe est probablement plus importante que celle de 1999. L’estimation porte sur près d’un million d’hectares en Midi-Pyrénées, Aquitaine et Languedoc-Roussillon.

Près de cinq années de récolte, soit 40 millions à 50 millions de mètres cubes de bois ont été abattus par le vent, laissant l’épouvantable désordre des chablis. Ont été en particulier frappés le pin maritime et le peuplier, deux essences dont l’économie du bois en France a éminemment besoin.

Avant d’évoquer les crédits mobilisés au titre du projet de loi de finances rectificative, je voudrais, madame la ministre, vous féliciter, ainsi que le Gouvernement, pour la rigueur avec laquelle vous avez réagi et vous rappeler à tous, mes chers collègues, que cette tempête touche, comme tout ce qui a trait à la forêt, les propriétaires, les usagers de la forêt, la filière industrielle du bois et, plus généralement, toute la société.

Elle touche, en premier lieu, les propriétaires, qu’ils soient privés ou communaux, ou même l’État, qui possède, sur le littoral, de forêts de protection d’une grande beauté. Les propriétaires vont se trouver privés des rémunérations normales qu’ils attendaient pour gérer leurs forêts. Il y aura là, à l’évidence, un manque à gagner tout à fait préjudiciable.

Cette tempête touche ensuite la filière industrielle, qui valorise le bois sorti des forêts et qui apporte aux propriétaires les revenus nécessaires.

À cet égard, mes chers collègues, je rappelle que la forêt française, qui couvre environ 30 % du territoire national, autofinance presque l’ensemble de son entretien. La forêt, en dépit des idées reçues, ne coûte pas cher en deniers publics. (M. Jean-Louis Carrère approuve.) Je rappelle aussi qu’elle emploie quelque 240 000 personnes, ce qui est loin d’être négligeable.

La filière industrielle du bois va subir dans le Sud-Ouest et au-delà des effets redoutables, notamment dans le domaine des produits transformés utilisés pour la construction, l’emballage, la pâte à papier ou l’ameublement.

Enfin, cette tempête touche la société, qui tire parti des services gratuits apportés par la forêt, et cela en tout point de l’Hexagone : la biodiversité, les paysages, le ressourcement en air et en eau ou encore, dimension dont l’importance est désormais reconnue comme majeure, le stockage du carbone.

Je voudrais d’abord insister sur les conséquences économiques immédiates de cette tempête, conséquences qui risquent d’être accentuées en 2009 par la crise économique frappant de plein fouet l’ensemble de l’économie : elle tirera vers le bas le prix des bois et entraînera une mévente des produits issus de la tempête. Par conséquent, les conséquences négatives sont doubles et extrêmement lourdes. Il en résultera une crise dans les Landes et dans tout le Sud-Ouest, qui se propagera aux régions voisines, à l’ensemble du marché national et probablement à l’Espagne, puisque celle-ci vit sur le même marché que nous.

La crise sera donc terriblement grave, touchant aussi des secteurs très importants auxquels on ne pense pas immédiatement, par exemple les pépinières forestières, qui préparent les plants nécessaires au reboisement. Elles ne les vendront pas cette année, car les terrains nécessaires aux plantations ne seront pas prêts. Les effets collatéraux de la tempête sont par conséquent très amples.

C’est dans ce contexte, mes chers collègues, qu’il convient d’envisager les crédits supplémentaires ouverts dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative.

Ces crédits, qui visent à financer les mesures d’urgence et à apporter les premières réponses cohérentes, en adéquation avec la réalité du terrain, ont été, à mon avis, bien calibrés, car nous avons l’expérience de 1999, qui nous a, hélas, appris comment faire face à ce type d’événement.

Ils permettront d’aider les trois cercles d’acteurs que j’ai évoqués tout à l’heure.

Au total, 68,9 millions d'euros en autorisations d’engagement et 70 millions d'euros en crédits de paiement sont ainsi prévus pour financer les mesures gouvernementales.

Tout d’abord, 3,95 millions d'euros en autorisations d’engagement et 5 millions d'euros en crédits de paiement sont destinés à financer le déblaiement d’urgence, car il s’agit d’abord de pouvoir de nouveau accéder à ces forêts, de façon à sortir le bois et à prendre les mesures de sécurité indispensables pour aborder l’été de façon optimale.

Par ailleurs, 50 millions d'euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sont mobilisés pour la construction d’aires de stockage et le transport du bois. Il faudra en effet en stocker des centaines de milliers de mètres cubes, les scieries ne pouvant actuellement absorber tous les bois abattus aujourd'hui ; ainsi pourra-t-il être valorisé au mieux dans les années qui viennent. Il faudra ensuite le transporter, en essayant de l’envoyer loin, si possible vers l’Europe entière, pour trouver des débouchés. Telle est la raison pour laquelle des aides au transport au-delà de 150 kilomètres sont indispensables.

Enfin, 15 millions d'euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sont prévus pour mettre en place les premières mesures de reconstitution des forêts sinistrées. Cet investissement est à l’évidence nécessaire pour que ces massifs forestiers restent utiles dans l’avenir.

Madame la ministre, au-delà de ces crédits, il est prévu à l’article 8 du présent projet de loi que l’État apportera sa garantie pour des prêts destinés aux opérateurs de la filière bois, dans la limite de 600 millions d'euros. C’est indispensable. Il faut fournir aux entreprises et aux opérateurs les financements nécessaires au transport, à la mise en place des stocks et à l’ensemble des mesures que l’ensemble des opérateurs publics et privés de la filière – collectivités territoriales, papeteries, scieries, coopératives – devront prendre pour mobiliser tout ce bois.

Nos collègues de l’Assemblée nationale ont en outre opéré l’ouverture de 40 millions d'euros d’autorisations d’engagement supplémentaires au titre de la reconstitution des forêts.

En définitive, je voudrais souligner, en tant que président du groupe d’études du Sénat « Forêt et filière bois », que nous avons ici, à travers ce projet de loi de finances rectificative, les moyens de prendre, cette année, les mesures d’urgence qu’appelle la situation. Toutefois, je tiens à attirer l’attention du Gouvernement sur un point : il ne faudrait pas, madame la ministre, que ces crédits déployés pour compenser les effets de la tempête se substituent dans le temps aux crédits normalement destinés à la filière bois.

En conclusion, mes chers collègues, je dirai que, en France, la forêt et la filière bois sont souvent décriées. Depuis trente ans, il est de bon ton de prétendre que, en France, la forêt est mal gérée et que l’industrie du bois ne fonctionne pas bien, qu’il est nécessaire d’importer parce que les industriels du bois ne satisfont pas la demande du marché.

Or la forêt française est, de l’avis général, l’une des plus belles du monde par sa diversité. Et c’est une forêt en bon état. J’ajoute l’industrie du bois en France n’a pas perdu d’emplois au cours des trente dernières années : le nombre de salariés y est constant. Rares sont les secteurs industriels qui affichent une telle stabilité. Il convient de préciser également que les industries du bois se sont totalement renouvelées : si le nombre de 240 000 emplois n’a pas varié, le contenu de ces emplois n’est pas du tout le même qu’il y a trente ans. La filière s’est considérablement modernisée ; elle a changé d’allure !

Je suis un ardent avocat de cette forêt. N’était la tempête, on pourrait dire qu’elle se porte bien, de même que les industries qui l’entourent également.

Cela étant, les réflexions menées à l’occasion du Grenelle de l’environnement, ont montré que la forêt française était perfectible. Du reste, madame la ministre, vous le savez bien, lorsque les effets de la tempête, qui seront malgré tout passagers – c’est pourquoi il faut d’urgence consentir des aides pour réparer les dégâts –, la forêt française peut, au cours des dix prochaines années, augmenter sa production de 15 millions à 20 millions de mètres cubes, qui alimenteront les industries du bois et qui nous permettront d’atteindre, comme nous en avons l’obligation, nos objectifs en matière d’énergies renouvelables.

J’y insiste : sans les récoltes de bois supplémentaires, nous ne parviendrons jamais – c’est un constat du Grenelle – à atteindre l’objectif de 20 % d’énergies renouvelables sur notre territoire.

C’est pour cette raison, madame la ministre, que la tempête Klaus et les déboires de nos amis du Sud-Ouest devraient nous donner l’occasion d’engager une réflexion plus large sur cette question.

Cette réflexion devrait d’abord porter sur un thème que mon collègue Gérard César va certainement aborder, à savoir la mise en place d’un système de garantie pour s’assurer contre des fléaux tels ceux que nous avons connus en 1999 et récemment.

Mme Nathalie Goulet. On l’attend depuis longtemps !

M. Philippe Leroy. Par ailleurs, nous devons apporter une réponse à cette question : comment produire 20 millions de mètres cubes de bois supplémentaires au cours des dix ou quinze prochaines années, un objectif noble, afin que la France et l’Europe tout entière disposent d’une ressource économique nouvelle ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Madame la ministre, hier, en tant que sénateur des Landes, j’assistais à une réunion avec l’ensemble de la filière forestière à Rion-des-Landes, une commune qui s’est retrouvée au cœur même de la tempête.

Vendredi dernier, j’accueillais, à Morcenx, Mme Chantal Jouanno, avec plus de quarante acteurs de la filière bois ; nous sommes allés visiter les différents sites sur lesquels commencent les travaux.

Je tiens tout d’abord à vous dire que les Landais, les Aquitains en général sont effondrés. En effet, contrairement à une idée reçue, les forêts n’appartiennent pas à de gros possédants vivant tranquillement des rentes que leur procurent leurs immenses propriétés. Il s’agit de propriétés cultivées, dont la superficie moyenne est de 29 hectares, et je rappelle qu’il faut attendre plus de quarante ans pour qu’un pin arrive à « maturité ».

Jusqu’à présent, on parlait d’une tempête par siècle. Or nous en avons connue une en 1999 et une autre en 2009. Voilà qui crée, je vous l’assure, un sentiment de désespérance !

Dans cet hémicycle, sur différentes travées, il y a des hommes et des femmes qui ont de la famille ou des amis dans le département des Landes et tous me disent : « Faites très attention aux mesure que vous allez prendre dans le cadre du collectif budgétaire, car la majorité des propriétaires forestiers et des sylviculteurs baissent les bras. » Or, chers amis, s’ils renoncent, qu’adviendra-t-il ?

Cette forêt des Landes est, bien sûr, une richesse économique. Mais c’est, plus fondamentalement, une forêt de vie.

En outre, elle est totalement écologique, car c’est le plus fantastique piège à carbone qui existe. Savez-vous, mes chers collègues, qu’un hectare de forêt piège un mètre cube de carbone ? Les 320 000 hectares dévastés constituent, également de ce point de vue, un manque à gagner considérable pour l’Aquitaine. En effet, 8 000 camions circulent tous les jours sur la N 10. L’accroissement de ce transit quasiment ininterrompu posera donc d’importants problèmes écologiques si l’on ne parvient pas à reboiser. Or, chers amis, nous le pourrons le faire que si nous envoyons un signal fort aux propriétaires forestiers et aux sylviculteurs.

Comme M. Leroy, je suis très favorable à la valorisation de la forêt de manière qu’elle produise 20 millions de mètres cubes supplémentaires. Après lui, je tiens à souligner que la forêt est économiquement quasiment « autosuffisante » et que c’est un point qu’il convient de prendre en considération. Toutefois, je veux étayer ses propos en indiquant quelques chiffres.

Gérard César le sait bien, en Aquitaine, ce sont 35 000 salariés qui vivent de la filière forestière. (M. Gérard César approuve.) Elle constitue donc le deuxième secteur économique de cette région. Dès lors, nous ne pouvons pas passer ces emplois par pertes et profits, surtout au moment où la crise ajoute à la crise.

Au total, ce sont 37,5 millions de mètres cubes de pins maritimes qui sont « au tapis ».

Certes, monsieur Leroy, dans le Lot-et-Garonne et la région Midi-Pyrénées, les peupliers ont été touchés, mais, pour cette essence, un débouché intéressant a fort heureusement été trouvé, en Italie : le peuplier se vend à un prix qui correspond au prix normal du marché. Hélas, il n’en est pas de même pour le pin. Avant la tempête, le prix du mètre cube de pin s’établissait aux alentours de 45 euros ; il se situe actuellement entre 2 et 3 euros ! Et encore les acquéreurs veulent-ils parfois, à ce prix-là, que le bois soit débardé ! Or un propriétaire qui devrait payer le débardage perdrait de 1 500 à 2 000 euros par hectare, ce qui est absolument inconcevable. Telle est la situation actuelle !

De plus, madame la ministre, ce ne sont pas 150 000 hectares qui sont à reboiser, comme cela a été annoncé au début par le ministère de l’agriculture. Nous avons fait les comptes : 320 000 hectares sont touchés, et ce sont bien 220 000 hectares qui doivent être reboisés. En effet, quand plus de 40 % de la forêt est détruit, on ne peut préserver les pins qui ont été touchés même s’ils ne sont pas à terre.

Je voudrais revenir sur la question désespérante des chablis, à laquelle M. Leroy a fait très rapidement allusion.

Si nous n’aidons pas les sylviculteurs à débarrasser les chablis, nous allons vivre un été catastrophique. La forêt des Landes est cultivée, et la défense de la forêt contre les incendies, la DFCI, y est très performante. Or, si l’on ne peut plus y accéder, les risques d’incendie seront considérablement accrus. Même si le Gouvernement a consenti, je le reconnais, un effort significatif, ce ne sont pas les deux Canadairs arrivés au sud de la Gironde, à proximité des plans d’eau de ravitaillement, qui suffiront à protéger ce qui reste de cette forêt ! De plus, les risques phytosanitaires, qui vont de pair avec les risques d’incendie, sont très importants.

Sans vouloir alimenter une polémique, je tiens à dire que j’ai très mal vécu le fait que certains membres du Gouvernement se soient targués d’avoir fait mieux qu’en 1999 et d’avoir réagi plus vite. Pour ma part, je n’entre pas dans ce genre de compétition. Même si l’on peut considérer que d’autres font mieux, c’est, pour ce qui me concerne, l’intérêt général qui m’anime. De plus, chers amis, en 1999, les conditions économiques n’étaient pas les mêmes : Gérard César le sait, quand des millions de mètres cubes de bois étaient par terre, le marché espagnol achetait tout, et à bon prix. (M. Gérard César approuve.) Le problème auquel nous étions alors confrontés était de trouver des transporteurs, qu’il s’agisse de camions ou de wagons, pour débarrasser les chablis. Nous nous étions d’ailleurs aperçus à cette occasion que ceux-ci ne disposaient plus du matériel nécessaire pour transporter les grumes, et c’est un problème qui se pose encore à nous aujourd'hui.

Certes, l’aide du Gouvernement est significative, monsieur Leroy, mais elle ne me paraît pas aussi bien calibrée que vous le dites.

Il est nécessaire d’indemniser au préalable les forestiers sinistrés, pour les inciter à exploiter les chablis et à s’engager dans le reboisement. Si nous ne leur envoyons pas un signe fort, nombre d’entre eux ne feront rien, ce qui serait un désastre supplémentaire pour l’Aquitaine.

Au demeurant, il faut stocker 10 millions de mètres cubes de bois pour nous prémunir contre la baisse des prix et essayer de réguler autant que faire se peut les cours. Certes, des aires de stockage existent déjà, à Mimizan, à Labouheyre ou ailleurs, mais elles doivent être arrosées en permanence pour que le bois ne bleuisse pas. D’ailleurs, les professionnels nous ont même expliqué hier que, si le bois d’œuvre est bien arrosé pendant cinq ans, il est de meilleure qualité.

Enfin, je tiens à attirer votre attention, madame la ministre, sur le fait que les aides consenties, toutes confondues, ne permettront de reboiser que 150 000 hectares, et non pas 220 000 hectares. Ce sont les chiffres avancés par les professionnels, car je n’ai aucunement intérêt à les majorer. Un amendement adopté à l'Assemblée nationale prévoit d’augmenter les autorisations d’engagement de 40 millions d’euros ; j’estime, pour ce qui me concerne, qu’il faudrait aller jusqu’aux 78 millions d’euros initialement prévus. Voilà qui constituerait, selon les professionnels que j’ai rencontrés, un signe vraiment encourageant.

Ces professionnels demandent également qu’on aille vite…

M. le président. Cela pourrait valoir également pour vous, monsieur Carrère ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Carrère. Je vais m’y employer, monsieur le président.

… et aussi de porter la durée des prêts bonifiés de cinq à huit ans. Gérard César vous dira pourquoi aussi bien que moi.

Mme Nicole Bricq. Pas aussi bien ! (Sourires.)

Mme Christine Lagarde, ministre. Mais si ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Louis Carrère. Peut-être pas à propos de la forêt, mais s’il s’était agi du vignoble, il l’aurait indiscutablement dit encore mieux que moi ! (Nouveaux sourires.)

Il faudra grosso modo trois ans pour débarrasser les chablis et cinq ans pour exploiter et vendre le bois. Une durée de cinq ans des prêts bonifiés ne correspond donc pas à la réalité.

J’y insiste, madame la ministre, il faut aller très vite pour débloquer les crédits, afin de commencer à déblayer les chablis. Les pins commencent à bleuir, les aiguilles à roussir, les risques d’incendie vont augmenter. Je compte sur vous. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Michel Bécot applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Gérard César, dernier orateur de cette trinité des forestiers ! (Sourires.)

M. Gérard César. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera en effet sur les crédits mobilisés en faveur de la filière bois, en particulier sur l’article 8, qui vise à instituer un régime de garantie des prêts consentis à certains opérateurs de cette filière.

Cette garantie trouve son origine dans la tempête Klaus, qui a frappé les régions Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon le 24 janvier dernier.

Pour la deuxième fois en dix ans, l’Aquitaine a été durement touchée et, au-delà des drames humains qu’elle a provoqués, cette tempête a porté un coup terrible à la sylviculture.

Le Président de la République est venu, accompagné de membres du Gouvernement, témoigner de la solidarité de l’État à l’égard de tous les sinistrés des deux départements les plus touchés, la Gironde et les Landes, auquel il faut ajouter le Lot-et-Garonne.

M. Philippe Madrelle. Il n’est pas resté longtemps !

M. Gérard César. Comme l’a rappelé fort justement notre collègue Philippe Leroy, président du groupe d'études « Forêt et filière bois », chacun sait que le bilan est lourd, avec près de 593 000 hectares du massif forestier affectés, dont 223 000 hectares détruits à plus de 40 %.

Au total, ce sont plus de 40 millions de mètres cubes de bois qui ont été abattus, dont plus de 37 millions de mètres cubes de pin maritime. Certaines communes forestières sont touchées à 60 %, voire davantage.

La majorité des dégâts est concentrée dans une région forestière encore convalescente, car elle n’avait pas totalement effacé les effets de la tempête particulièrement violente de 1999.

À cela s’ajoute un contexte économique morose pour le marché du bois. Nombre d’entreprises ont été contraintes de mettre leurs équipes en chômage partiel ces derniers mois, en raison notamment du ralentissement du marché de la construction.

Le marché espagnol et la Chine, qui avaient permis en 1999 de limiter la baisse des cours, n’offrent plus aujourd’hui de débouchés. Face à cette absence d’acheteurs, les sylviculteurs font de l’indemnisation des dégâts un impératif.

Cet ouragan a une nouvelle fois révélé la singularité juridique des propriétaires forestiers. Le système d’assurance en forêt est totalement inadapté, à la fois par les garanties proposées dans les contrats et par son coût prohibitif.

M. Gérard César. Les tempêtes précédentes avaient déjà montré les limites de l’assurance, d’autant que la forêt est juridiquement exclue du régime des catastrophes naturelles.

En 2005, un rapport de l’État concluait que « si les forêts sont juridiquement assurables, elles sont économiquement inassurables » !

Toutefois, la loi rend le reboisement obligatoire et pose le principe de l’interdiction de défricher.

Après chaque catastrophe, le sylviculteur est une victime non indemnisable et l’État est sollicité pour couvrir tout ou partie des dégâts. Cette situation ne saurait durer.

La profession a montré sa capacité d’organisation dans le domaine de la défense des forêts contre l’incendie, et le Gouvernement a d’ailleurs apporté son concours financier avec la défiscalisation concernant les cotisations.

Aujourd’hui, il convient donc de trouver un système qui garantisse l’investissement sylvicole, investissement durable par définition.

Madame le ministre, vous connaissez la proposition de la profession tendant à créer un fonds commun de garantie des calamités forestières pour l’avenir, afin d’apporter à ceux qui sont sinistrés les moyens de réinvestir, c’est-à-dire de reboiser. C’est à cette condition que la dynamique de la forêt cultivée pourra être relancée.

La forêt cultivée reste la meilleure garantie de la mobilisation du bois et de la gestion durable. Elle constitue un modèle économique, social et environnemental essentiel pour les régions, pour la France et pour l’Europe.

En Aquitaine, les enjeux sont importants. La filière bois-forêt-papier représente 2,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires – c’est plus que les vins de Bordeaux, mais je ne vous parlerai pas aujourd'hui de la décision de la Commission européenne relative aux vins rosés ! – et 1,5 milliard d’euros à l’export. De plus, il s’agit du deuxième employeur de la région Aquitaine.

Je vous invite donc, madame le ministre, monsieur le ministre, en collaboration très étroite avec le ministre de l’agriculture et de la pêche, à ouvrir rapidement un chantier sur ces questions d’indemnisation et d’assurance forestière.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture, a annoncé une aide de 1 milliard d’euros, dont 600 millions d’euros de prêts garantis par l’État, pour l’achat, la mobilisation et le stockage des chablis, c’est-à-dire les bois qui sont aujourd’hui abîmés. La garantie portera sur le principal de ces prêts, dans la limite de 80 %.

Cette mesure innovante par rapport à celles qui ont été prises à la suite des tempêtes précédentes doit être saluée. L’article 8, tel qu’il a été voté à l’Assemblée nationale, ainsi que l’ouverture de 40 millions d’euros d’autorisations d’engagement supplémentaires au titre du programme 149 « Forêt » doivent être adoptés en l’état, car il y a urgence pour la sylviculture. Chaque jour qui passe, c’est davantage de chablis disqualifiés, donc invendables – Jean-Louis Carrère et Philippe Leroy le rappelaient à l’instant –, surtout avec la montée des températures.

D’autres mesures complètent ce dispositif. Certaines d’entre elles n’ont pas, pour l’instant, fait l’objet d’un accord entre l’État et la profession. Il en est ainsi de l’enveloppe destinée à financer, sur huit ans, le nettoyage et le reboisement, d’un montant de 300 millions d’euros sur la base de 150 000 hectares de surface à reboiser.

Les derniers chiffres de l’inventaire forestier national font état de 223 000 hectares sinistrés à plus de 40 %, obligatoirement à reboiser. Le montant de 2 750 euros proposé par hectare et par an est donc insuffisant : il manque 1 000 euros à l’hectare.

Les propositions des professionnels portent sur la base de 200 000 hectares à reboiser pour 630 millions d’euros, soit 63 millions d’euros par an pendant dix ans. Je note que c’est moins de la moitié du versement compensateur annuel de l’Office national des forêts. Un plan sur dix ans à partir de 2010 serait beaucoup plus adapté aux réalités.

Selon moi, les marges de discussion ne sont pas épuisées et il faut tout faire pour aider non seulement la filière, mais aussi les communes forestières sinistrées, privées de leurs ressources et de leurs revenus.

M. Gérard César. Je ne prendrai qu’un seul exemple en Gironde, celui de Cazalis, une commune comptant 190 habitants, dotée d’un budget de 250 000 euros et sinistrée à 60 %, ce qui signifie qu’elle a perdu toutes ses recettes. Si l’on indemnise les sylviculteurs, il faut aussi penser aux communes forestières, qui représentent quand même dans nos régions un important potentiel.

Le conseil régional d’Aquitaine, dont notre collègue Jean-Louis Carrère est vice-président, s’est engagé à débloquer 20 millions d’euros. De son côté, le ministre de l’agriculture et de la pêche a évoqué la possibilité de faire appel au Fonds de solidarité de l’Union européenne. Il a également indiqué que « cette crise doit être utilisée pour valoriser la forêt et le bois », mais aussi « pour encourager les Français à utiliser le bois en énergie et dans la construction ».

La commande publique peut être aussi une réponse, avec des appels d’offres pour des constructions utilisant le bois comme matériau principal.

Le moment est également venu de prendre des mesures fiscales fidèles à l’esprit du Grenelle de l’environnement, par exemple celles qui consistent à encourager l’utilisation de la biomasse et surtout la construction à partir du bois.

Nous devons mettre à profit cette période pour préparer au mieux l’avenir de nos forêts, éviter le découragement des sylviculteurs qui viennent, rappelons-le, de subir deux sinistres en dix ans. Je demande que le décret concernant la garantie d’appoint soit pris en urgence, dès le vote de la loi de finances rectificative. La commission des finances s’est déclarée favorable à cette proposition, ce dont je vous remercie, monsieur le rapporteur général.

Il faut se rappeler qu’un appel d’offres doit être lancé auprès des banques pour que le financement du prêt garanti par l’État soit mis en place rapidement.

Madame le ministre, monsieur le ministre, les sylviculteurs attendent impatiemment les mesures indispensables pour le devenir de la forêt. Je vous remercie de votre concours précieux. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu.

M. Gérard Cornu. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, après qu’il a été beaucoup question de la forêt, je vais, pour ma part, aborder le sujet de l’automobile.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Gérard Cornu. J’interviens en effet dans cette discussion générale en tant que président du groupe d’études sur l’automobile.

Le projet de loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui comprend trois mesures annoncées dans le cadre du « Pacte automobile » présenté par le Président de la République le 9 février dernier : tout d’abord 6,5 milliards d’euros de crédits, qui correspondent aux prêts octroyés aux constructeurs automobiles ; ensuite, 150 millions d’euros de crédits pour le financement de prêts bonifiés en faveur de l’innovation en matière de véhicules « décarbonés » ; enfin, 240 millions d’euros versés à Oséo, afin de garantir des prêts jusqu’à 90 % aux équipementiers et sous-traitants de la filière automobile.

Le présent projet de loi est donc la traduction budgétaire du Pacte automobile, qui comprend également d’autres mesures : les prêts accordés par la Société de financement de l’économie française, la SFEF, aux banques internes des constructeurs français, le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles, le FMEA, ou encore la mise en place d’une convention nationale de chômage partiel pour le secteur automobile.

Les différentes mesures de ce collectif et, plus généralement, du Pacte étaient attendues par les professionnels de la filière, mais également par nos concitoyens, qui sont nombreux à dépendre, directement ou indirectement, de l’industrie automobile. La filière automobile emploie en effet près de 10 % de la population active française.

La situation de l’ensemble de la filière est aujourd’hui précaire : le marché automobile a chuté de près de 15 % entre février 2008 et février 2009. Les mesures mises en place par le Gouvernement, comme le bonus/malus et la prime à la casse, ont pourtant atténué la crise par rapport à ce que l’on observe chez certains de nos voisins ; ainsi, en Espagne, le marché s’est effondré de 50 % en un an.

Madame la ministre, monsieur le ministre, il serait judicieux, me semble-t-il, d’étendre la prime à la casse à l’achat de véhicules d’occasion de moins de six mois, une mesure dont l’intérêt serait double. Outre qu’elle renforcerait le bonus/malus, elle permettrait de favoriser l’achat non plus seulement de petits véhicules, qui ne sont pas forcément tous construits en France, mais aussi des véhicules moyens, également susceptibles d’intéresser les consommateurs et plus souvent fabriqués en France.

Tous les acteurs de la filière sont touchés par la crise. Les ventes des deux constructeurs français ont chuté de plus de 4 % en 2008. Malgré les avancées de la loi de modernisation de l’économie en matière de réduction des délais de paiement, les équipementiers subissent, eux aussi, la crise de plein fouet, comme nous l’avons tous souligné la semaine dernière à l’occasion d’une question orale avec débat.

Mme Nathalie Goulet. Pas assez !

M. Gérard Cornu. Dans les derniers mois, près de 7 000 emplois ont disparu dans ce secteur.

Face à cette situation, le Pacte automobile constitue la réponse adaptée, et cela pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, on ne peut que saluer le fait que le pacte a été élaboré avec l’ensemble des acteurs de la filière. Certaines mesures du pacte visent d’ailleurs spécifiquement les équipementiers, ce qui est justifié par leur rôle économique essentiel, notamment en ce qu’ils irriguent l’ensemble du territoire national.

Ensuite, le pacte repose sur une logique de donnant-donnant. Ainsi, les constructeurs ont pris un certain nombre d’engagements en contrepartie des prêts accordés par l’État, notamment en termes d’emploi, d’investissement et d’amélioration des relations partenariales avec les fournisseurs. C’est un élément clé du pacte.

Enfin, je me réjouis que le pacte prenne en compte les deux dimensions de la crise actuelle : une dimension conjoncturelle, mais aussi une dimension plus structurelle, la transformation profonde du comportement des consommateurs qui, selon les professionnels de la filière, devrait être durable. C’est pourquoi la priorité donnée à la recherche et développement en matière de « véhicule décarboné » me semble essentielle. Il convient en effet de préparer dès aujourd’hui la filière aux défis de demain.

En conclusion, je souhaite indiquer que les mesures du Pacte automobile doivent permettre à notre industrie automobile de rebondir. Je pense que nous pouvons être confiants quant à son avenir. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Houel.

M. Michel Houel. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l’examen, par notre Haute Assemblée, de ce second projet de loi de finances rectificative pour 2009, je tiens, tout d’abord, à dire combien je soutiens la politique de relance engagée par le Gouvernement dans un contexte de crise économique et financière mondiale sans précédent.

À cet égard, je reste tout particulièrement attentif aux mesures engagées en faveur de nos TPE et PME, convaincu que ce sont bien elles qui fondent aujourd’hui et qui fonderont demain notre espoir d’une économie relancée, dynamique et créatrice de richesses et d’emplois.

Madame le ministre, monsieur le ministre, votre plan d’urgence de 22 milliards d’euros pour l’accès au crédit des TPE et PME a été vital, en fin d’année dernière, pour pallier les carences et dysfonctionnements bancaires. La disposition élaborée par nos collègues députés Nicolas Forissier et Michel Bouvard, et adoptée par l’Assemblée nationale avec votre soutien, fruit d’un consensus politique, est essentielle pour aider ces entreprises à assurer leur pérennité et leur développement.

Je soutiens cette mesure d’autant plus vivement que je l’avais moi-même proposée, sous une autre forme, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009.

De quoi s’agit-il ?

La réduction d’impôt de solidarité sur la fortune instituée dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat du 21 août 2007, afin d’encourager l’investissement dans le capital de petites et moyennes entreprises bénéficie, par transparence, sous certaines conditions, aux versements effectués au titre de la souscription au capital de sociétés holdings dédiées à ce type d’investissements.

Afin de mettre un terme à certains abus constatés dans l’utilisation de ce dispositif, l’article 106 de la loi de finances pour 2009 a institué trois conditions supplémentaires à la charge des « holdings ISF », applicables aux versements effectués dans ces sociétés à compter du 15 juin 2009, et susceptibles d’ouvrir droit à une réduction d’ISF au titre de l’année 2010.

Les trois conditions en question sont : les « holdings ISF » ne devront pas compter plus de cinquante associés ou actionnaires ; elles devront être dirigées exclusivement par des personnes physiques ; aucune garantie en capital ni garantie de sortie automatique ne sera accordée au terme du délai de cinq ans de conservation des titres.

Dans un contexte de resserrement du crédit qui oblige à tout mettre en œuvre pour aider les TPE et les PME à accéder à de nouvelles sources de financement, la première de ces conditions supplémentaires constitue un véritable obstacle à un financement plus large de ces dernières. En effet, elle restreint le champ d’action de l’ensemble des « holdings ISF » au seul motif du constat de certains abus, lesquels pourraient être combattus plus simplement par la mise en place de contrôles, y compris des contrôles fiscaux.

La limitation du nombre des investisseurs à cinquante est un obstacle dès lors que, dans les petites entreprises, ceux-ci ont besoin de mutualiser davantage le risque, leur investissement étant justement plus audacieux, ce qui justifie sans aucun doute l’avantage fiscal maximum.

En outre, le vecteur d’investissement intermédié doit détenir une certaine puissance financière pour répondre aux besoins renouvelés engendrés par leurs participations, c’est-à-dire le deuxième ou troisième tour d’investissement dans les entreprises qui ont été soutenues.

Il convient donc de laisser les sociétés « holdings ISF » définir librement le nombre de leurs investisseurs. Sur ce sujet, je le sais, je suis en désaccord avec la commission des finances, mais il reviendra à notre assemblée, dans sa sagesse, de trancher. Ainsi, la disposition figurant à l’article 8 D du présent projet de loi permet aux sociétés holdings de lever des fonds auprès de plus de cinquante souscripteurs, sous réserve d’investir leur actif, en tout ou partie, en titres de TPE et PME cibles. Ces entreprises cibles correspondent à la définition européenne de la « petite entreprise communautaire ». Elles peuvent être définies sur le plan juridique comme employant moins de cinquante salariés, réalisant un bilan total inférieur à 10 millions d’euros et ayant débuté leur activité depuis moins de dix ans.

Mes chers collègues, madame le ministre, monsieur le ministre, si nous n’encourageons pas, dans la crise économique que nous traversons actuellement, les structures professionnelles dédiées au capital démarrage, il est plus que probable que nombre d’entre elles disparaîtront, faute de relais financiers suffisants dans les mois prochains.

Je souhaite également revenir sur le contenu du plan de relance de l’économie axé sur l’investissement et, plus particulièrement, sur l’avance de trésorerie aux collectivités locales via le FCTVA, qui est évaluée à 2,5 milliards d’euros. Cette mesure permettra de verser, en 2009, deux attributions du FCTVA aux collectivités qui s’engageront, avant le 15 avril prochain, par une convention conclue avec le préfet, après délibération de leur assemblée délibérante, à augmenter en 2009 leurs dépenses réelles d’équipement.

Dans nos départements, nous avons tous constaté que la date du 15 avril était, pour de nombreuses collectivités, trop rapprochée : elles n’ont pas eu le temps de réviser leurs projets d’investissements ou de convoquer leurs assemblées. Selon moi, maintenir cette date pénaliserait nombre d’entre elles et ne permettrait pas, de surcroît, d’enregistrer les effets positifs d’un soutien à l’investissement. Il me paraît donc légitime et essentiel de reporter cette date au 15 mai prochain.

Je suis convaincu, madame le ministre, monsieur le ministre, que votre bon sens vous conduira à accorder ce remboursement anticipé de TVA avec souplesse.

Je souhaite enfin appeler votre attention sur la mise en œuvre de la délivrance du passeport biométrique. En effet, 2040 communes ont été choisies pour délivrer ce nouveau passeport biométrique à compter du 28 juin 2009. Dans ce cadre, le matériel mis à leur disposition permet de réaliser les photographies d’identité du demandeur.

Un arrêté du 5 février 2009, publié au Journal officiel du 13 février 2009, fixe d’ailleurs les conditions de production de photographies d’identité dans le cadre de la délivrance de ce passeport. Ce texte précise notamment que les photographies d’identité produites à l’appui d’une demande de passeport doivent répondre à certaines caractéristiques précises qui, à mon sens, relèvent de vrais professionnels.

Parallèlement, je souhaite vous alerter sur la situation des professionnels de ce secteur qui réalisent 10 % à 30 % de leur chiffre d’affaires avec les photographies d’identité.

M. Alain Gournac. C’est tout à fait exact !

M. Michel Houel. Or l’article 104 de la loi de finances rectificative pour 2008 précise que « le maire peut décider de ne pas procéder au recueil de l’image numérisée du visage du demandeur ».

Dès lors, madame le ministre, monsieur le ministre, ne serait-il pas plus raisonnable et loyal de recommander aux communes de se rapprocher des professionnels les plus susceptibles de produire des photos d’identité conformes à la réglementation, en évitant, dans la mesure du possible, qu’il revienne aux mairies de le faire ? Il y va de la sauvegarde d’une profession déjà bien mise à mal depuis l’arrivée du numérique, et que nous avons de plus en plus de mal à défendre dans nos communes. (M. Alain Gournac applaudit.)

Telles sont, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques réflexions que je souhaitais vous soumettre et qui, me semble-t-il, vont dans le sens des objectifs du plan de relance de l’économie, dont nous attendons tous des effets rapides. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai bref, car vous êtes nombreux à avoir simplement porté une appréciation sur le texte : j’en prends acte, car c’est toujours intéressant, mais cela n’appelle pas nécessairement une réponse.

Monsieur le rapporteur général, vos propos sur les quatre principes qui doivent guider notre action sont totalement conformes à la position du Gouvernement.

Premièrement, vous avez raison, il faut garder la tête froide et ne pas céder à la tyrannie de l’urgence. Nous nous efforçons d’agir avec beaucoup de sang-froid, tout en demeurant néanmoins extrêmement réactifs.

Deuxièmement, Christine Lagarde l’a dit tout à l’heure, il convient de s’en tenir à des mesures réversibles. M. Fourcade a d’ailleurs énoncé la même idée.

Troisièmement, vous avez mis en avant le respect des normes de dépenses. C’est déjà le cas aujourd’hui ! C’est pour nous un garde-fou extraordinairement fort dans ce monde d’incertitude. On le voit dans les chiffres les plus récents de l’INSEE, nous avons réussi à limiter à 1 % en 2008 la progression des dépenses publiques en volume, ce qui, globalement, assurance maladie et régime de sécurité sociale compris, est plutôt une performance.

Quatrièmement, pour ce qui concerne l’appel aux marchés financiers, c’est évidemment la signature de la France qui est en jeu. Christine Lagarde et moi-même examinons donc tout cela de très près.

M. Thiollière a évoqué le plan en faveur de la presse. Nous sommes favorables à l’amendement déposé par M. Legendre, qui vise à mettre en place une exonération pour les porteurs et vendeurs colporteurs de presse, dans la droite ligne des préconisations des états généraux de la presse écrite.

Madame Bricq, vous proposez, si j’ai bien compris, de substituer des mesures pérennes aux mesures temporaires qui sont prises. Je vous remercie d’animer avec talent, comme toujours, ce débat fort intéressant, mais je crois que nous ne pourrons pas tomber d’accord, car nous nous opposons sur des questions majeures, notamment celle du bouclier fiscal. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir au cours du débat.

Je remercie M. Jégou d’avoir salué la transparence avec laquelle nous communiquons les données concernant nos finances. Nous avons décidé d’adopter cette méthode de travail, qui n’est pas la plus simple ! Nous allons la conserver, car nous souhaitons que les Français soient parfaitement informés de la situation financière de notre pays, qui peut évoluer dans un sens défavorable, comme – sait-on jamais ! – dans un sens favorable. En tout état de cause, nous devons continuer sans faillir à maîtriser la dépense courante.

Monsieur Foucaud, j’ai bien compris que vous évoquiez la loi de programmation des finances publiques pour la période 2009-2012. Repère très important, elle reste plus que jamais d’actualité. Il convient ainsi de conserver les plafonds de dépenses qui y sont fixés. Le Premier ministre s’y est d’ailleurs référé pour l’organisation des conférences budgétaires que je mènerai, comme chaque année, pour préparer le budget pour 2010.

Le président de Raincourt a très brillamment décrit la stratégie mise en place, en insistant particulièrement sur la valeur travail. Comme nos concitoyens, nous donnons la priorité à l’emploi, et je le remercie d’avoir rappelé les principes qui guident l’action du Gouvernement.

M. François Marc en a appelé à plus de justice. Or j’ai le sentiment que toutes les actions que nous menons, notamment pour ce qui concerne l’impôt sur le revenu, sont précisément placées sous ce signe. Je ne reviendrai pas sur le plafonnement global des niches, mais, je le répète, la révision des politiques publiques est un élément structurel de notre politique.

Monsieur Fourcade, je souhaite apporter des réponses – Christine Lagarde les complétera sans doute tout à l'heure – à plusieurs des questions que vous avez posées.

Nous nous sommes efforcés de faire les choses correctement : ni les allégements de charge, qui entraînent un déficit structurel, ni la suppression de la taxe professionnelle ne seront pris en compte dans le calcul du déficit lié à la crise.

Pour ce qui concerne la taxe professionnelle, il est clair que nous devrons en financer la suppression, qui sera débattue lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010. Par ailleurs, si cette décision entraîne un déficit, celui-ci sera d’ordre structurel puisqu’il s’agit de la fin d’une imposition.

Je remercie Aymeri de Montesquiou de son soutien. Il a souligné la nécessité d’une vraie cohésion sociale : celle-ci est en effet indispensable et constitue le véritable objectif de ce collectif budgétaire.

M. Rebsamen prétend que le déficit s’accroît et que la dépense n’est pas tenue. C’est faux ! Aujourd’hui, c’est la diminution des recettes, et non pas l’augmentation des dépenses, qui aggrave le déficit. Ce n’est pas tout à fait la même chose, car les deux situations n’impliquent pas le recours aux mêmes armes. D’ailleurs, les dépenses sont tenues, même en ce qui concerne l’ONDAM, ce qui n’était pas arrivé depuis bien des années !

Messieurs César, Leroy et Carrère, vous avez évoqué les problèmes de la forêt. Je comprends votre émotion, qui est partagée par la nation tout entière. L’État a mis en place un certain nombre de dispositifs importants. Peut-être faudra-t-il aller plus loin en cours d’année, car nous ne sommes qu’à la fin du mois de mars. Nous examinerons en avril le niveau de consommation des crédits.

Nous ne sommes pas obsédés par une comparaison comptable avec ce qui a été fait à la suite de la tempête de 1999.

M. Éric Woerth, ministre. Il s’agit simplement de répondre à la situation qui se présente aujourd’hui. Dans le contexte financier actuel, il s’agit de prendre garde à ne pas se montrer excessivement large dans l’ouverture des crédits. Il reste que l’État sera là, le Président de la République l’a dit à plusieurs reprises et nous vous le confirmons.

Monsieur César, vous nous demandez de travailler sur la question de l’indemnisation et de l’assurance financière. Pour ma part, je suis tout à fait favorable à une telle réflexion, sachant qu’il faut tout de même la mettre en parallèle avec les décisions que nous prenons plus généralement dans le domaine agricole, qui ne plaident pas nécessairement en faveur d’un fonds spécifiquement dédié.

M. Gérard César. C’est vrai !

M. Éric Woerth, ministre. Notre position, dont nous aurons l’occasion de discuter, s’inscrit plutôt dans le cadre d’un dispositif assurantiel.

M. Jean-Louis Carrère. Il faut en discuter avec l’Europe !

M. Éric Woerth, ministre. Oui, nous devons discuter dans le cadre européen et en collaboration avec le ministre de l’agriculture !

Monsieur Houel, nous sommes favorables à un report au 15 mai prochain de la date limite avant laquelle les collectivités territoriales doivent s’engager par convention pour bénéficier du FCTVA. Nous y sommes même tellement favorables que cette mesure a été, si mes souvenirs sont bons, adoptée par l’Assemblée nationale. J’espère que le Sénat votera également cette disposition.

Les problèmes posés par les passeports biométriques sont compliqués, je vous en parle en connaissance de cause ! Il s’agit cependant d’un avantage offert à nos concitoyens. Dans ce domaine, nous avons encore du pain sur la planche ! Il nous faut travailler en liaison avec le ministère de l’intérieur et les associations d’élus, notamment l’Association des maires de France. Pour ma part, je remarque que nos concitoyens sont contents, ce qui est déjà une bonne chose. Quant aux attentes des élus, nous essaierons d’y répondre en liaison avec le ministère de l’intérieur. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, mon collègue Éric Woerth ayant déjà largement répondu aux questions que vous avez soulevées, je me contenterai d’apporter brièvement quelques précisions.

Je vous remercie tout d’abord, monsieur le rapporteur général, d’avoir souligné, chiffres à l’appui, que notre plan de relance était d’une ampleur comparable à celui des États-Unis. Certains bons esprits ne cessent en effet de comparer l’un et l’autre, dans des termes défavorables au plan français, bien entendu.

Selon le Fonds monétaire international, le plan américain s’élève pour 2009 à 2 % du produit intérieur brut quand l’ensemble des mesures arrêtées à ce jour dans le cadre du plan français représente 2,4 % du PIB, dont 1,8 % sera décaissé en 2009.

Le plan de relance proprement dit se chiffre à 1,3 % du PIB, à quoi il faut ajouter 0,2% du PIB au titre des mesures sociales et 0,9 % du PIB au titre des autres mesures, à savoir le Fonds stratégique d’investissement, le revenu de solidarité active, les effets de la loi TEPA pour 2009 et la baisse de la TVA dans la restauration.

Mme Nicole Bricq. On ne peut pas inclure les mesures sociales dans le plan de relance !

Mme Christine Lagarde, ministre. Ces mesures n’ont certes pas été prises dans le cadre du plan de relance stricto sensu, mais elles produisent toutes des effets de relance – ne serait-ce que par la stimulation de la demande qu’elles induisent – qui se prolongeront d’ailleurs en 2010, comme vous l’avez souligné à juste titre, monsieur le rapporteur général.

Nous avons des raisons de nous satisfaire de la manière dont notre plan de relance a été conçu. En premier lieu, 80 % des crédits seront décaissés en 2009, contre 24 % seulement pour le plan américain. En second lieu, notre plan est plus ciblé sur les populations à effet multiplicateur que le plan américain qui, pour sa partie fiscale – celle-ci s’élève à 168 milliards de dollars –, concerne tous les contribuables, sans viser spécifiquement les familles aux revenus modestes, à telle enseigne que le prix Nobel Joseph Stiglitz a déclaré qu’il allait alimenter l’épargne plus que la consommation.

Il faut également voir que la manière dont le Fonds monétaire international évalue les effets des plans de relance est manifestement défavorable à la France. D’un côté, aux États-Unis, les mesures du plan Paulson sont intégrées au plan de relance alors qu’elles ont été engagées en 2008 et ne produiront pas d’effets en 2009. De l’autre côté, en France, les mesures de la loi TEPA et les investissements supplémentaires décidés par les entreprises publiques, d’un montant de 5 milliards d’euros environ, ne sont pas pris en compte par le FMI.

En ce qui concerne les niches fiscales, j’ai entendu différents commentaires, mais je vous rappelle que c’est bien notre majorité qui les a plafonnées.

Quant au régime fiscal particulièrement favorable des stock-options, on le doit à mes prédécesseurs Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius.

Mme Nicole Bricq. C’est faux ! Cela date de 1970 !

Mme Christine Lagarde, ministre. Les stock-options ont effectivement été inventées en 1970, mais leur fiscalité actuelle a été conçue sous l’impulsion de M. Strauss-Kahn, puis de M. Fabius.

M. Alain Gournac. C’est vrai !

Mme Nicole Bricq. C’est faux !

Mme Christine Lagarde, ministre. Je vous recommande de vérifier vos informations, madame la sénatrice.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, vérifiez avant d’être aussi affirmative !

Mme Nicole Bricq. Je suis bien placée pour le savoir : j’y étais !

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Fourcade, je veux répondre à trois questions précises que vous avez posées.

Vous m’avez tout d’abord demandé si nous nous prémunissions contre une hausse des taux d’intérêt à l’aide d’un outil de gestion de la dette tels que les produits dérivés. Nous ne le faisons pas, de manière délibérée, afin que la gestion de notre dette conserve sa simplicité et sa transparence. Vous avez vous-même, et fort justement, monsieur le sénateur, souligné la complexité de ces outils.

Nous nous prémunissons également contre la hausse des taux d’intérêt en émettant essentiellement à taux fixe. Compte tenu de la durée moyenne de notre dette – six ans –, les cinq sixièmes de celle-ci sont chaque année immunisés contre les hausses de taux, au fur et à mesure des amortissements.

Vous m’avez ensuite interrogée sur l’émission de bons du Trésor par l’Agence France Trésor, l’AFT. Celle-ci émet des bons du Trésor à taux fixe, les BTF, pour des durées inférieures à un an et, compte tenu de la durée de ces titres, leurs intérêts sont précomptés. Les titres dont la durée est supérieure à un an offrent traditionnellement un coupon annuel pour répondre à la demande des investisseurs. D’un point de vue financier, l’émission de BTF à dix ans ne produirait pas d’avantages et elle conduirait en outre à inscrire au bilan financier de l’État la charge des intérêts pour la totalité de la durée de vie du titre, ce qui ne serait pas particulièrement favorable du point de vue de notre comptabilité.

Vous m’avez enfin questionnée sur le plan de financement des banques. Pourquoi avoir choisi la Société de financement de l’économie française, la SFEF, plutôt que l’AFT ? Cette voie nous a semblé plus sûre que l’octroi de garanties directes, la SFEF sécurisant les prêts par la prise d’actifs en collatéral. En outre, cette construction permet de mieux identifier le plan de financement des banques, de garantir son caractère transitoire et d’offrir une nouvelle signature aux investisseurs.

Je reconnais qu’il existe un petit écart entre les taux, mais l’émission de la dette par l’AFT aurait conduit à augmenter d’environ 100 milliards d’euros le programme de financement de l’État, ce qui aurait eu un impact sur le coût global de ce financement. Nous avons donc privilégié un spread de crédit légèrement supérieur plutôt que d’inscrire en dette de l’État les 100 milliards d’euros correspondant aux émissions de la SFEF consenties sur l’année 2009, et qui viendront s’ajouter aux 13 milliards d’euros émis en 2008.

Je voudrais enfin remercier les trois sénateurs qui ont décrit de manière très précise la situation de la filière bois. Outre les avantages qu’elle offre en termes d’énergie renouvelable, cette filière me paraît présenter un atout considérable au regard du commerce extérieur. Il est aberrant que, disposant d’un domaine forestier aussi vaste, nous soyons aujourd’hui importateurs nets de bois.

J’ai mobilisé les assureurs pour qu’ils interviennent le plus en amont possible et je pense que cette action a porté ses fruits.

Par ailleurs, mon ministère travaille actuellement sur la filière papier et carton. Nous avons délibérément exclu pour l’instant la filière bois, dont le sort est examiné par le ministère de l’agriculture. À terme, nous souhaitons rassembler l’ensemble des travaux – portant sur le bois, d’une part, sur le papier et le carton, d’autre part – pour pouvoir réunir des états généraux sur l’intégralité de la filière, afin de trouver de meilleurs débouchés pour notre forêt.

M. Gérard César. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. En ce qui concerne les efforts financiers, nous avons été à l’écoute de vos demandes et des éléments de réponse ont déjà été apportés par Éric Woerth. Nous nous ferons évidemment vos porte-parole auprès des ministères de l’écologie et de l’agriculture, afin de sauver une forêt à laquelle nous sommes tous attachés. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – M. Jean-Louis Carrère salue également l’intervention de Mme la ministre.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion des articles.

PREMIÈRE PARTIE - CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE IER - DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
Article 1er

Articles additionnels avant l’article 1er

M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 21 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts sont abrogés.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. La situation des comptes publics est telle qu’il convient désormais de s’interroger sur la réalité de notre droit fiscal.

La semaine dernière, nous avons eu dans cet hémicycle un échange particulièrement vif et intéressant sur la question du bouclier fiscal, au cours duquel on nous a dit que la discussion des projets de lois de finances était propice à ce genre de débats. C’est pourquoi, logiquement, nous représentons cet amendement aujourd’hui.

Comme vous le savez, nous sommes depuis le premier jour opposés, sans la moindre ambiguïté, à l’existence du bouclier fiscal.

Présenté comme une mesure de justice sociale qui devait profiter, entre autres, aux contribuables les plus modestes, notamment à ceux qui ont vu leur impôt foncier augmenter, le bouclier fiscal ne vise en réalité qu’à alléger le plus possible l’impôt de solidarité sur la fortune.

Le bilan de sa mise en œuvre confirme cette réalité : alors que le projet de loi estimait à 100 000 le nombre de bénéficiaires, on dénombrait 20 000 demandes de remboursement en 2007, et de 17 500 à 18 000 requêtes seulement en 2008, alors même que le plafond a été abaissé de 60 % à 50 % du revenu !

En fait, comme l’affirme le père du bouclier fiscal, M. de Villepin, compte tenu de l’intégration de la CSG et de la CRDS, c’est un bouclier fiscal à hauteur de 39 % qui est en fait appliqué.

Autre aspect du bilan : lorsque, d’un côté, 8 500 contribuables aux revenus modestes touchent un peu plus de 500 euros de remboursement en moyenne, ce qui correspond probablement au montant de leurs impôts locaux, de l’autre, 834 ménages très aisés, dont le patrimoine est supérieur à 15,5 millions d’euros, reçoivent un chèque de 368 000 euros en moyenne, soit l’équivalent de trente années de SMIC !

J’ajouterai qu’une vingtaine de contribuables ont perçu un remboursement d’au moins 2,5 millions d’euros !

C’est donc bien l’accumulation de la fortune et du patrimoine personnel sous toutes ses formes qui est encouragée et protégée par le bouclier fiscal.

Monsieur le ministre, tout à l’heure, dans votre propos introductif, vous avez souligné l’importance de la justice sociale en cette période de crise. Face à des chiffres tels que ceux que je viens de citer, il est bien difficile de parler de justice à propos du bouclier fiscal.

Cette injustice sociale et fiscale est devenue insupportable aux yeux des salariés qui produisent la richesse de notre pays, et dont les efforts ne sont pas reconnus.

Les classes moyennes, dont la situation vous préoccupait, monsieur le ministre, ont vraiment l’impression de vivre dans une société à deux vitesses : rappelons qu’en huit ans, le revenu médian a progressé de 14 % et les hauts revenus de 27 % !

L’argument fréquemment utilisé pour la création du bouclier fiscal est qu’il faciliterait le retour des immigrés fiscaux, ceux qui se plaignent de payer trop d’impôts. De l’aveu même de M. le rapporteur général, pourtant défenseur du bouclier fiscal, il semble que rien ne permette de l’affirmer !

À vrai dire, l’expatriation des Français n’est pas nécessairement provoqué par la fiscalité ; ce ne sont que quelques centaines de contribuables potentiels à l’impôt de solidarité sur la fortune qui vont et viennent ainsi tous les ans entre la France et l’étranger.

Le premier motif de départ des Français pour l’étranger, ne l’oublions jamais, c’est le travail. Des milliers de jeunes diplômés de nos grandes écoles, de nos universités, franchissent la Manche, l’Atlantique ou les frontières des pays de l’Union européenne pour aller travailler à l’étranger, faute d’avoir été embauchés en France où d’être rémunérés à leur juste valeur. Ce départ, souvent, n’est que temporaire.

Quant aux redevables de l’ISF qui quittent notre pays, n’oublions pas qu’ils sont souvent guidés par des motifs d’ordre professionnel, avant toute autre considération. C’est d’ailleurs pour les mêmes raisons qu’ils reviennent parfois dans notre pays !

Enfin, la progression du nombre de redevables de l’ISF ces dernières années semble prouver qu’il reste encore quelques foyers plutôt riches dans notre pays ! Ainsi, on compte désormais 568 000 contribuables à l’ISF, chiffre qu’il n’est pas inutile de comparer aux 719 expatriations enregistrées en 2008.

Aucun lien n’étant établi entre le bouclier fiscal et le comportement des contribuables, rien ne justifie donc le maintien de cette disposition coûteuse pour les finances publiques et inefficace sur le plan économique.

Compte tenu de la révision à la baisse des prévisions de recettes de l’État, l’adoption de notre amendement ne pourrait être que salutaire pour son budget et l’aiderait à garantir le fonctionnement des services publics dont notre population a le plus grand besoin, tout en assurant une plus grande justice fiscale.

M. le président. L'amendement n° 54, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 1er du code général des impôts est abrogé.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Nous avons à maintes reprises défendu la suppression du bouclier fiscal, pour la raison essentielle qu’il « étouffe » la progressivité de l’impôt sur le revenu. Or, nous l’avons dit et redit, nous sommes très attachés au seul impôt à vocation redistributive et à la progressivité.

La question ne relève plus tant de la justice fiscale que de la nécessité de faire preuve d’un bon sens élémentaire, particulièrement dans cette période de crise. Aucune raison ne justifie qu’une catégorie de la population, aussi numériquement peu importante soit-elle, mais dotée d’une forte capacité contributive, soit exonérée de tout effort.

M. le président. L'amendement n° 57, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le b) du 2 de l'article 1649-0 A du code général des impôts est abrogé.

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Cet amendement vise à exclure l'impôt de solidarité sur la fortune des impositions à prendre en compte pour la détermination du droit à restitution dû au titre du bouclier fiscal.

Il serait en effet normal de conférer à cette imposition un statut particulier, de la considérer comme une imposition à part. Dans la mesure où elle ne pèse pas sur les revenus du travail, on ne peut pas la qualifier de confiscatoire par rapport aux revenus du travail ou exagérée par rapport au temps passé à travailler.

Même s’ils sont opposés à l’impôt de solidarité sur la fortune et partisans du bouclier fiscal, nos collègues de la majorité devraient pouvoir voter cet amendement.

M. le président. Les amendements nos 6 rectifié bis et 56 sont identiques.

L'amendement n° 6 rectifié bis est présenté par M. Détraigne, Mmes Morin-Desailly et Férat, MM. Maurey, J.L. Dupont, Zocchetto, Merceron, Dubois et Soulage, Mme Payet, MM. Deneux et Amoudry et Mme Gourault.

L'amendement n° 56 est présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les e et f du 2 de l’article 1649-0 A du code général des impôts sont abrogés.

L’amendement n° 6 rectifié bis n'est pas soutenu.

La parole est à M. François Marc, pour présenter l'amendement n° 56.

M. François Marc. Cet amendement vise également à exclure du montant des impositions à prendre en compte pour la détermination du droit à restitution dû au titre du bouclier fiscal les prélèvements sociaux tels que la CSG et la CRDS, ainsi que la taxe de financement du revenu de solidarité active. Son adoption permettrait de relever le plafond de 50 % des revenus.

Je précise qu’un amendement identique, présenté par notre collègue député Charles de Courson, a fait l’objet d’un long débat à l’Assemblée nationale et a recueilli l’assentiment de nombreux députés, au-delà des sensibilités partisanes.

Cet ajustement du bouclier fiscal nous paraît tout à fait légitime.

M. le président. L'amendement n° 55, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 1649-0 A du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après le 4, il est inséré un 4 bis ainsi rédigé :

« 4 bis. Le revenu mentionné au 4 s'entend de celui réalisé par le contribuable avant prise en compte des effets de l'application de dispositifs fiscaux dérogatoires. Il est majoré :

« a. des amortissements déduits au titre des logements visés au h) du 1° du I de l'article 31 ;

« b. du déficit provenant de dépenses effectuées sur des monuments historiques ou immeubles assimilés ;

« c. du déficit provenant des dépenses visées au b ter) du 1° du I de l'article 31 ;

« d. des déficits fonciers autres que visés au a), b) et c) du présent 4 bis pour la fraction supérieure à la limite mentionnée au sixième alinéa du 3° du I de l'article 156 ;

« e. du déficit provenant de la location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés » ;

2° Le c) du 5 et le 7 sont abrogés.

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Cet amendement vise à ajuster le dispositif du bouclier fiscal, lequel s'applique en fonction de revenus minorés qui ne correspondent pas aux revenus effectivement perçus par les contribuables.

Actuellement, le revenu pris en compte pour la détermination du droit à restitution est diminué des réductions d’assiette obtenues au titre du dispositif « Robien », du dispositif relatif aux monuments historiques, du dispositif « Malraux », ainsi que de l’ensemble des dispositifs fiscaux dérogatoires permettant une imputation des déficits fonciers au-delà de la limite de droit commun de 10 700 euros.

Ne sont pas non plus prises en compte les sommes qui correspondent aux déficits des loueurs meublés professionnels – la définition des loueurs meublés professionnels ne doit être revue de manière plus stricte qu’à compter de l’imposition sur les revenus de 2009 –, non plus que les sommes que les contribuables affectent à la constitution d’une retraite par capitalisation, ni celles qui correspondent à une part des plus-values réalisées sur les cessions de valeurs mobilières jusqu’à 25 000 euros.

En conséquence, le bouclier fiscal s’applique en fonction de revenus minorés qui ne correspondent pas aux revenus effectivement perçus par les contribuables.

Il est donc impératif de remédier à cette situation anormale, injuste et d’autant plus choquante par les temps qui courent.

M. le président. L'amendement n° 58, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 1649-0 A du code général des impôts, il est inséré un article 1649-0 B ainsi rédigé :

« Art. 1649-0 B. - L'application du droit à restitution défini à l'article 1649-0 A du code général des impôts ne peut conduire à rendre la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune calculée en application de l'article 885 U du même code inférieure à :

« - 1 230 euros pour les redevables dont le patrimoine est supérieur à 760 000 euros et inférieur ou égal à 1 220 000 euros ;

« - 4 346 euros pour les redevables dont le patrimoine est supérieur à 1 220 000 euros et inférieur ou égal à 2 420 000 euros ;

« - 6 610 euros pour les redevables dont le patrimoine est supérieur à 2 420 000 euros et inférieur ou égal à 3 800 000 euros ;

« - 21 814 euros pour les redevables dont le patrimoine est supérieur à 3 800 000 euros et inférieur ou égal à 7 270 000 euros ;

« - 67 963 euros pour les redevables dont le patrimoine est supérieur à 7 270 000 euros et inférieur ou égal à 15 810 000 euros ;

« - 100 000 euros pour les redevables dont le patrimoine est supérieur à 15 810 000 euros. ».

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Cet amendement vise également à ajuster les revenus pris en compte pour la détermination du bouclier fiscal.

En effet, il n’est pas acceptable que la mise en place de ce bouclier conduise à créer une nouvelle niche fiscale, parmi les plus importantes, au bénéfice des redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune. Le bouclier fiscal représente, en réalité, une remise en cause insidieuse de cet impôt. Aussi, nous proposons que son application ne puisse réduire l’imposition au titre de l’ISF due par le contribuable en-dessous d’une cotisation minimale, calculée pour chaque tranche d’imposition du patrimoine.

L’adoption de cet amendement serait une élémentaire mesure de justice fiscale.

M. le président. L'amendement n° 59, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'ensemble des impositions au titre de l'impôt sur le revenu due par un contribuable au titre de la levée d'une option attribuée conformément à l'article L. 225-177 du code de commerce, de la revente des titres acquis dans ce cadre, au titre des rémunérations différées visées aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce, n'est pas pris en compte pour l'application du plafonnement prévu à l'article 1649-0 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Cet amendement vise, lui aussi, à apporter quelques correctifs au bouclier fiscal.

La majorité actuelle ne peut sérieusement prétendre à la moralisation des pratiques en matière de stock-options si elle permet aux attributaires de ces produits de bénéficier, au surplus, du bouclier fiscal mis en place par la loi de finances pour 2006 et renforcé par la loi du 21 août 2007 dite « loi TEPA ».

Pour corriger cette situation déséquilibrée, notre amendement vise à exclure du calcul du droit à restitution dû au titre du bouclier fiscal les impositions portant sur les revenus issus des stock-options, des parachutes dorés et des retraites dites « chapeau ».

Il s’agit d’un élément essentiel de justice fiscale, eu égard à la nature et au montant de ce type de rémunérations. Qui plus est, la mesure que nous vous proposons aurait l’avantage de permettre a minima de limiter le coût du dispositif, encore élargi en 2008.

Chers collègues de la majorité, soucieux que vous êtes tous du dynamisme des rentrées fiscales, je ne doute pas que vous vous montriez favorables au dispositif que nous présentons. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

Mme Nicole Bricq. N’est-ce pas un peu optimiste ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Jeudi dernier, l’examen d’une proposition de loi tendant à abroger le bouclier fiscal nous a permis de débattre très largement de cette question. Aussi, mes chers collègues, vous ne m’en voudrez pas, je l’espère, de ne pas détailler mes explications.

La commission est évidemment majoritairement défavorable aux amendements nos 21 et 54. Celle-ci a en effet adopté, en accord avec président le Jean Arthuis et moi-même, une position de fond : elle considère que le bouclier fiscal n’a d’autre fonction que de corriger les effets pervers de l’impôt de solidarité sur la fortune, et ce dans un contexte de stabilisation ou de diminution de la fiscalité directe.

À partir du moment où des besoins doivent être couverts par la solidarité et par appel aux capacités contributives de tous – et le financement du RSA l’a montré –, la question du bouclier fiscal se pose. Toutefois, conformément à notre position constante, nous estimons qu’il vaudrait mieux simplifier notre système fiscal en supprimant à la fois le bouclier fiscal – car nous reconnaissons qu’il comporte des défauts – et l’impôt de solidarité sur la fortune. Les pertes de recettes liées à la disparition de l’ISF seraient alors compensées par la création d’une tranche marginale supplémentaire de l’impôt sur le revenu.

Nous ne pensons pas que cette position de fond soit susceptible de prospérer dans l’immédiat. Néanmoins, nous croyons vraiment qu’une telle décision contribuerait à simplifier notre fiscalité, à la rendre non seulement plus attractive, mais aussi plus juste.

M. Jean-Louis Carrère. Prenons rendez-vous !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Pourquoi pas, mon cher collègue ?

Cela étant dit, et conformément à l’analyse que nous faisons déjà depuis déjà un certain temps, vous comprendrez, mes chers collègues, que la commission soit défavorable aux amendements nos 56 et 55.

À ce propos, je ferai remarquer que le plafonnement de la quasi-totalité des niches fiscales par la dernière loi de finances atténue les difficultés qui sont évoquées par les auteurs de ce dernier amendement.

Mme Nicole Bricq. Elles n’ont pas toutes été résolues !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien sûr, je me réfère à notre problématique générale et à l’analyse de principe que nous avons rappelée la semaine dernière.

Pareillement, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 58. Je rappelle d’ailleurs que, à partir du moment où l’autoliquidation par le contribuable de ses propres droits à se prévaloir du bouclier fiscal sera entré en application, à savoir dès cette année, les effets pervers que l’on souligne aujourd’hui seront, là encore, assez sensiblement atténués.

La commission n’est pas davantage favorable à l’amendement n° 59, car elle estime que traiter de manière aussi sévère les catégories variables de rémunération risquerait d’entraîner une augmentation de la part des rémunérations fixes et d’entraver la politique de rémunération des entreprises en fonction de leurs résultats et de leur performance économique.

Nous aurons certainement l’occasion de revenir sur cette considération d’ordre général au cours du débat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Cela ne vous étonnera pas, le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements.

L’amendement n° 21 rectifié vise à remettre en cause le bouclier fiscal. Comme l’a rappelé M. le rapporteur général, nous avons eu dix fois ce débat et le Sénat lui-même, la semaine dernière, a examiné et rejeté une proposition de loi visant à supprimer ce dispositif. Par conséquent, je ne développerai pas plus avant nos arguments. Nous estimons que, par principe, nul ne doit être redevable, au titre de l’impôt, de plus de la moitié de ses revenus.

Dès lors qu’il existe un impôt sur le patrimoine et un impôt sur le revenu élevés, le bouclier fiscal a pour fonction de rétablir un certain équilibre, pour une plus grande justice fiscale. D’une manière générale, l’impôt doit être non pas confiscatoire, mais équilibré. Chacun doit contribuer à la charge publique en fonction de ses revenus, dans une certaine limite.

L’amendement n° 54 tend à supprimer le plafonnement des impositions directes sur les revenus. Une telle mesure reviendrait également à supprimer le bouclier fiscal : elle appelle donc de ma part la même réponse et le même avis défavorable.

L’amendement n° 57 a pour objet d’exclure du bouclier fiscal l’impôt de solidarité sur la fortune. Or, si le bouclier fiscal n’intégrait plus l’ensemble des impositions, il ne mériterait plus de s’appeler bouclier : à quoi bon poser un principe si on y prévoit trente exceptions ? Au lieu de défendre la suppression pure et simple du bouclier fiscal, il est évidemment plus facile de proposer des ajouts ou des retraits ponctuels du dispositif.

M. François Marc. Il fallait créer un bouclier pour les revenus du travail !

M. Éric Woerth, ministre. Le Sénat, qui a adopté récemment la contribution additionnelle destinée à financer le revenu de solidarité active, ou RSA, l’a bien intégrée dans le bouclier fiscal : il existe donc une cohérence, qu’il convient de respecter. L’impôt de solidarité sur la fortune est un impôt sur le patrimoine : l’existence du bouclier fiscal permet d’éviter que cet impôt ne devienne confiscatoire.

L’amendement n° 56 vise à exclure du champ du bouclier fiscal les prélèvements sociaux. Le débat sur ce point a eu lieu à de nombreuses reprises : je rappelle simplement que la contribution sociale généralisée, ou CSG, et la contribution pour le remboursement de la dette sociale, ou CRDS, sont des impôts directs au sens juridique du terme. Or le bouclier fiscal englobe l’ensemble des impôts directs. On considère parfois que les taux d’impositions sur le revenu sont un peu moins élevés en France que dans d’autres pays mais, en réalité, il faut également prendre en compte le poids de la CSG et de la CRDS. Puisque ces contributions participent à la pression fiscale sur les revenus, il est bien naturel qu’elles soient intégrées au bouclier fiscal, qui perdrait sinon sa raison d’être. Nous assumons pleinement ce choix de société, en accord total avec le Président de la République.

L’amendement n° 55 tend à réintégrer dans l’assiette des impositions prises en compte par le bouclier fiscal un certain nombre de revenus minorés. Il vise en fait à remettre en cause des dispositifs comme la loi Malraux ou le statut de loueur en meublé professionnel. Ce débat date un peu, puisque la loi de finances pour 2009 a modifié un certain nombre de ces dispositifs, en transformant des minorations de revenus en réductions d’impôt. La question ne se pose donc plus pour la plupart des éléments que vous mentionnez.

L’amendement n° 58 a pour objet de fixer une cotisation minimale pour les contribuables assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune. Il s’agit à nouveau de contourner le plafonnement des impositions à 50 % des revenus introduit par le bouclier fiscal. Je répéterai mon argument précédent : à quoi bon instaurer un principe si on y prévoit une foule d’exceptions ? Il importe aussi que notre droit français soit clair dans ses principes, le droit fiscal tout particulièrement, si nous voulons permettre à nos compatriotes d’ajuster leur comportement économique en fonction de règles du jeu fixées au moins sur le moyen terme.

Enfin, l’amendement n° 59 vise à exclure des impositions prises en compte dans le bouclier celles qui portent sur les stock-options. Ses auteurs tendent ainsi à détourner le débat vers ce type de produits. Nous en avons déjà débattu à mille reprises : il s’agit d’impositions, elles ont donc vocation à être incluses dans le dispositif du bouclier fiscal. Tel est le principe auquel notre majorité demeure attachée.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l’amendement n° 21 rectifié.

Mme Nicole Bricq. Si j’essayais de résumer les avis défavorables du rapporteur général et du Gouvernement, je dirais que la majorité choisit délibérément de conserver ce boulet fiscal qui, me semble-t-il, l’entrave dans sa marche entamée en juillet 2007.

M. le rapporteur général argumente en se fondant sur sa fameuse trilogie. Il nous demande d’attendre l’examen du projet de loi de finances pour 2010, à l’occasion duquel sera présenté – peut-être – le dispositif qu’il envisage, consistant à supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune et le bouclier fiscal, tout en introduisant une nouvelle tranche dans le barème de l’impôt sur le revenu. Ce n’est pas la première fois que ce sujet est évoqué et je note que je n’ai jamais entendu la réponse du Gouvernement à cette proposition.

M. Éric Woerth, ministre. C’est vrai !

Mme Nicole Bricq. On nous promet qu’un dispositif complet sera mis au point, car le rapporteur général veut « tout », mais, en attendant, nous n’avons rien, même pas une déclaration du Gouvernement qui prendrait acte de cette revendication du rapporteur général et du président de la commission des finances du Sénat, reconnaissant que le sujet mérite réflexion.

Vous admettrez donc que nous voulions, tout de suite, supprimer la plus odieuse des injustices fiscales, dont tout le monde aura compris qu’elle était devenue le totem de la majorité issue des élections de 2007. Veillez à ce que ce totem ne vous tombe pas sur la tête !

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Nous avons apprécié la semaine dernière l’acte de contrition du président de notre assemblée mettant en cause le bouclier fiscal. Cela étant, la commission des finances nous propose aujourd’hui sa fameuse trilogie : abrogation du bouclier fiscal, suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et relèvement de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu.

À notre avis, une telle démarche fait du bouclier fiscal un leurre permettant de tordre le cou à l’impôt de solidarité sur la fortune. Comme l’a déjà fait notre collègue Nicole Bricq, je serais tenté de vous conseiller de réfléchir, car le mécontentement de l’opinion va croissant sur ce sujet.

Cette trilogie appelle également quelques observations de notre part, car il convient de mettre divers éléments en perspective. L’abrogation du bouclier fiscal représenterait une économie de 458 millions d’euros pour le budget de l’État ; en revanche, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune entraînerait une perte de recettes de 3,9 milliards d’euros – cette perte de recettes serait d’ailleurs illogique au moment où nous devons faire face à des déficits aggravés. Au total, le manque à gagner résultant de la mise en œuvre de ces deux mesures s’élèverait à 3,442 milliards d’euros pour le budget de l’État : il faudrait donc rétablir l’équilibre en majorant d’autant le produit de l’impôt sur le revenu.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Exact !

M. Thierry Foucaud. Pour que l’opération soit neutre, il conviendrait sans doute d’instaurer une tranche d’imposition taxée à 45 %...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Plus !

M. Thierry Foucaud. … ou plus, compte tenu des éléments disponibles en termes de recettes fiscales. Dans notre pays, environ 500 000 contribuables disposent d’un revenu global de référence légèrement supérieur à 100 milliards d’euros : ils semblent donc tout désignés pour se voir appliquer ce nouveau barème. Un prélèvement plus important sur ces contribuables permettrait de rétablir les recettes précédemment perdues.

Mais quelque chose cloche dans votre schéma : l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune est constituée par du capital, du patrimoine, alors que l’assiette de l’impôt sur le revenu, comme son nom l’indique, est constituée, d’abord et avant tout, de revenus d’activité. La suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune allégerait donc singulièrement une fiscalité du patrimoine et du capital déjà largement dérogatoire aux règles s’appliquant aux revenus du travail.

L’impôt de solidarité sur la fortune, même s’il est loin d’être parfait, demeure malgré tout l’un des rares impôts sur le capital des personnes physiques existant dans notre législation. La mise en œuvre de l’équation préconisée par le président et par le rapporteur général de la commission des finances reviendrait à accorder une prime aux petits malins qui imputent pertes, investissements divers et déficits sur leurs revenus imposables pour échapper à l’impôt sur le revenu et qui joueront, demain, de la disparition de l’impôt de solidarité sur la fortune sans avoir à payer plus d’impôt sur le revenu.

À vrai dire, avant même de se demander s’il faut relever le taux marginal d’imposition sur le revenu – ce qui pourrait se comprendre dans le contexte actuel de détérioration des comptes publics –, il faudrait commencer par faire la chasse aux diverses mesures dérogatoires, souvent injustifiées, qui permettent à quelques-uns de ne pas verser ce que leurs capacités contributives leur permettraient pourtant de payer. On peut donc augmenter le produit de l’impôt sur le revenu sans accroître le taux de la dernière tranche : pourquoi ne pas traiter, par exemple, les stock-options comme ce qu’elles sont, c’est-à-dire des éléments de rémunération. Faisons dès aujourd’hui un premier pas dans cette direction en supprimant le bouclier fiscal ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 21 rectifié.

Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 137 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 326
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l’adoption 139
Contre 187

Le Sénat n’a pas adopté.

M. Jean-Marc Todeschini. On recommencera !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'amendement n° 56.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement de nos collègues du groupe socialiste pose la question de la consistance du bouclier fiscal. Il vise à exclure du périmètre de ce bouclier la contribution sociale généralisée et la contribution pour le remboursement de la dette sociale. Le groupe de l’Union centriste avait d'ailleurs déposé un amendement identique, qui n’a pas été défendu.

À dire vrai, s’il s’agissait de défendre réellement les intérêts des contribuables les plus modestes, en plafonnant les impôts à 50 % des revenus de leurs activités professionnelles, il conviendrait probablement de retirer du bouclier fiscal tant l’impôt de solidarité sur la fortune – qui, permettez-moi de le rappeler, n’a qu’un très lointain rapport avec le fruit du travail personnel de chacun – que les contributions sociales dont il est ici question.

En tout état de cause, nous ne pouvons, au moins dans un premier temps, qu’être favorables à cette exclusion de la CSG et de la CRDS du bouclier fiscal pour une raison très simple : le bouclier fiscal rend de fait déductible pour 14 000 contribuables ce qui ne l’est pas pour les 36 millions d’autres.

Pour nous, il s’agit d’une rupture d’égalité devant l’impôt, et c’est en ce sens que nous voterons en faveur de cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 58.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 51, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 5 bis de l'article 39 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces rémunérations ne peuvent être supérieures à une année de salaires de base. »

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Par cet amendement, il s’agit, toujours dans le même souci de justice, de plafonner les primes de départ des dirigeants d’entreprise de manière que les rémunérations de ce type ne puissent pas être supérieures à une année de salaires de base, ce qui nous paraît être quand même un montant très raisonnable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je me suis demandé à la lecture de cet amendement s’il avait un rapport direct avec les lois de finances.

Au-delà de cette remarque, je crois qu’en introduisant un plafonnement général on entre dans une sorte d’économie administrée, et l’on prive les entreprises de la souplesse nécessaire à la gestion de leur masse salariale et à la recherche des meilleurs profils de compétence.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission ne peut pas être favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Exactement pour les mêmes raisons, le Gouvernement ne peut pas être favorable, madame Bricq, à votre proposition de plafonner le montant des rémunérations.

Je rappelle au passage que le paragraphe 5 bis de l’article 39 du code général des impôts, récemment instauré dans le cadre de la loi de finances pour 2009, permet déjà d’atteindre partiellement cette mesure en plafonnant la déduction des rémunérations différées versées aux dirigeants des sociétés cotées à six fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit environ 200 000 euros.

Donc, une mesure a été prise en 2009, et elle nous paraît largement suffisante.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2009.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune et tendant à insérer un article additionnel avant l’article 1er.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 16 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 52 est présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 80 duodecies du code général des impôts est ainsi modifié :

1° La seconde phrase du 2 est ainsi rédigée : « Il en est de même pour leurs indemnités de départ de l'entreprise, lorsqu'elles sont composées de primes et/ou d'actions gratuites. » ;

2° Le 2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les rémunérations variables et les indemnités de départ sont taxées à hauteur de 100 % pour les dirigeants dont la société a bénéficié de l'aide de l'État au sens de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie, de l'article 5 de la loi n° 2009-122 du 4 février 2009 de finances rectificative pour 2009 et de l'article ... de la loi n°     du     de finances rectificative pour 2009.

3° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 3. Les sociétés qui envisagent d'augmenter le salaire de leurs dirigeants dans un délai inférieur à six mois avant leur départ de l'entreprise seront soumises à une taxe supplémentaire de 15 % sur leur bénéfice imposable. »

La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° 16.

Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement porte sur la question de l’attribution d’éléments accessoires de rémunération – l’accessoire tend malheureusement souvent à devenir le principal ! – des principaux chefs d’entreprise de notre pays.

À nos yeux, rien ne justifie qu’un dirigeant, quels que soient son talent ou ses compétences, puisse percevoir 300 ou 400 fois la rémunération d’un salarié de sa propre entreprise.

Les mesures arrêtées par le Gouvernement en la matière sont loin de ce qu’il conviendrait de faire. Selon nous, le décret qui a été publié ne répond pas à la situation puisqu’il ne concerne que les entreprises aidées par l’État, alors que le problème se pose aujourd'hui pour tous les secteurs d’activité. En tant que législateur, il est de notre devoir d’encadrer par la loi ces rémunérations, pour faire en sorte qu’elles soient plus en rapport avec la réalité de l’activité économique.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l'amendement n° 52.

Mme Nicole Bricq. Nous l’avons constaté, et nous ne sommes pas les seuls, il arrive souvent que les entreprises accroissent le salaire de leurs dirigeants peu de temps avant qu’ils les quittent et sans que cela soit justifié par leurs performances.

L'amendement prévoit de taxer les augmentations de salaires qui sont attribuées à la fin de la période d'activité des dirigeants de sociétés. Si ces augmentations interviennent dans un délai inférieur à six mois avant le départ, les entreprises seront soumises à une taxe supplémentaire de 15 % sur leur bénéfice imposable.

L’amendement prévoit en outre la fiscalisation des indemnités de départ attribuées aux dirigeants de sociétés sous la forme d'un capital, comme des primes ou des actions gratuites.

Enfin, pour le cas où une société a bénéficié de l’aide de l’État, telle que prévue par la loi du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l’économie, l’amendement vise à supprimer les rémunérations variables et les indemnités de départ, celles-ci étant taxées à hauteur de 100 % pour les dirigeants desdites sociétés.

Mes chers collègues, alors que le Gouvernement vient de brandir un décret qui ne répond pas à la question posée, car son périmètre et sa durée sont limités, je vous invite à aider le Président de la République à accorder réellement ses actes à ses paroles. Si vous votez cet amendement, vous serez dans le droit-fil des déclarations qu’il a faites à Toulon en septembre 2008 !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous nous prenez par les sentiments ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. C’est tout ce qu’il me reste !

M. le président. L'amendement n° 50, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 80 duodecies du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 3. Les sociétés dont le salaire des dirigeants est supérieur à vingt fois le salaire de base versé aux salariés de l'entreprise sont soumises à une taxe supplémentaire de 15 % sur leur bénéfice imposable. »

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Cet amendement relève de la même philosophie que le précédent : il nous permet de nous inscrire dans le droit-fil des déclarations du Président de la République, qui avait lancé un ultimatum aux dirigeants d’entreprise. Ils devaient lui répondre avant le 31 mars ; or le délai est échu, et de nombreux dirigeants ne sont pas revenus à la raison !

Aussi, nous vous proposons, mes chers collègues, un amendement qui vise à plafonner les salaires versés aux dirigeants des entreprises, d’une manière simple qui n’est pas forcément coercitive. Si les entreprises font le choix de donner à leurs dirigeants un salaire supérieur à vingt fois le salaire de base versé aux salariés, elles acquitteront une taxe supplémentaire de 15 % sur leur bénéfice imposable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. L’amendement n° 16 ne nous paraît pas utile. En effet, les indemnités de départ sont déjà soumises aux prélèvements fiscaux et sociaux, de même que les stock-options – entre 44,6 % et 54,6 % selon le montant et le moment de réalisation de la plus-value – et les actions gratuites – à hauteur de 44,6 % –, à la suite d’aménagements législatifs successifs.

Par ailleurs, plutôt que d’imposer à 100 % les indemnités de départ, actions gratuites et options de souscription d’actions, mieux vaut les interdire pour les dirigeants et les mandataires sociaux – ou tout du moins au minimum pour ces derniers – des entreprises aidées par l’État dans le cadre de la lutte contre la crise. Nous aurons l’occasion de reprendre ce débat dans la suite de la discussion de ce projet de loi de finances rectificative.

Enfin, cet amendement ne prévoit aucun terme à un dispositif qui, pour la commission, est lié à la lutte contre la crise.

Aussi, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 16.

Madame Bricq, en ce qui concerne votre amendement n° 52, nous n’avons peut-être pas la même lecture des déclarations très importantes du Président de la République sur le sujet.

Mme Nicole Bricq. Mais encore ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Le décret dont il a été souvent question et le sujet traité seront abordés dans la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative.

Sur les autres points que vous évoquez, il est souhaitable que les positions des professionnels évoluent et que notre législation ne « plaque » pas sur les entreprises un dispositif trop administratif, ce qui irait à l’encontre de la compétitivité de notre économie et de l’attractivité du site France. La commission est donc défavorable à l'amendement n° 52.

S’agissant de l'amendement n° 50, il vise à créer un nouveau dispositif d’imposition à l’égard des dirigeants d’entreprise, alors même que l’article 21 de la loi de finances pour 2009 – texte qui a été adopté très récemment ! – a déjà instauré un plafonnement de la déductibilité des indemnités de départ du bénéfice des entreprises pour la part supérieure à environ 200 000 euros, soit six fois le plafond annuel de la sécurité sociale.

De plus, nous retrouvons dans le dispositif proposé la tentation d’établir un système administré de rémunération au sein des entreprises, qui est à l’opposé des conceptions de la majorité de la commission. La commission ne peut donc qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements qui ont été présentés. Je souscris bien sûr aux explications apportées par M. le rapporteur général.

Au fond, la suppression de l’exonération d’impôt sur le revenu des indemnités de départ des dirigeants est une idée curieuse : il s’agit d’indemnités de départ, au même titre que les indemnités de départs des salariés. Elles sont imposées de la même manière.

Mme Annie David. Pour des montants totalement différents !

M. Éric Woerth, ministre. M. le rapporteur général l’a rappelé, les indemnités sont soumises au taux normal de l’impôt sur le revenu au-delà de six fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit 205 848 euros ; en dessous de ce plafond, elles en sont exonérées, au même titre que toutes les indemnités de licenciement en cas de départ forcé. La suppression de l’exonération reviendrait à modifier le régime des indemnités de licenciement pour les dirigeants comme pour les salariés puisque les deux catégories sont soumises exactement à la même règle. J’estime qu’une telle mesure n’est pas souhaitable.

En ce qui concerne les rémunérations variables, le décret publié ce matin répond à l’ensemble de cette question de manière très claire, en fixant des règles très précises, qui répondent bien, me semble-t-il, à vos préoccupations, que nous partageons tous. Même si les réponses apportées peuvent bien évidemment être différentes, nous poursuivons tous le même objectif : éviter le versement aux dirigeants d’indemnités ou d’avantages supplémentaires en termes de rémunération variable excessifs si leurs performances ne le justifient pas, en tenant compte de la nature de la société : société aidée, entreprise publique, entreprise qui bénéficie de l’aide du Fonds stratégique d’investissement ou entreprise purement privée ne bénéficiant d’aucun avantage public.

S’agissant des stock-options, je ne reviendrai pas sur ce point car le rapporteur général et moi-même avons déjà expliqué qu’elles sont soumises à la fois à l’impôt sur le revenu et aux cotisations sociales de la même manière que dans l’ensemble des pays européens, voire même plus. La fiscalité tant sur la levée de l’option que sur les plus-values de cession est modulée en fonction des délais de conservation. La participation de ces revenus au financement de la protection sociale a été décidée par la majorité.

Pour ces raisons, le Gouvernement ne peut être favorable à ces trois amendements.

M. François Rebsamen. Cela viendra !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 et 52.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 53, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 225-185 du code de commerce, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Il ne peut être consenti au président du conseil d'administration et au directeur général des options donnant droit à la souscription ou à l'achat d'actions représentant, au jour de leur attribution, un montant supérieur à la rémunération fixe du président du conseil d'administration et du directeur général. »

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Cet amendement prévoit que ne peuvent être consenties au président du conseil d'administration et au directeur général des options donnant droit à la souscription ou à l'achat d'actions représentant, au jour de leur attribution, un montant supérieur à la rémunération fixe du président du conseil d'administration et du directeur général. Autrement dit, la part variable de la rémunération d’un dirigeant de société ne doit pas excéder la part fixe.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ma chère collègue, votre amendement tend à uniformiser le modèle de rémunération de la performance. En contrepartie, les organes sociaux pourraient être incités à relever le montant de la part fixe de la rémunération des dirigeants visés.

De plus, le champ d’application de cette disposition se limite au président et au directeur général. Il n’inclut pas les autres mandataires sociaux ni les éventuels directeurs généraux délégués, ce qui est probablement contraire à votre objectif.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Les stock-options ne sont pas une mauvaise formule en soi. En revanche, un usage excédant toute raison peut poser problème. C’est ce contre quoi le Gouvernement veut lutter. Tel est le sens du décret qu’il vient de prendre.

En dehors d’une mauvaise utilisation, il n’y a pas de raison d’en limiter l’usage de façon artificielle. Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur général, sachez que nos amendements s’inscrivent dans une suite logique. Avec ceux que vous avez rejetés précédemment, les autres mandataires sociaux auraient été « servis », si je puis m’exprimer de manière un peu triviale. Il n’y a donc pas lieu d’en rajouter ! M. le ministre l’a bien compris : notre amendement vise à ce que la part variable de la rémunération n’excède pas la part fixe.

Cela étant, je voudrais faire une mise au point de nature historique, sur laquelle j’espère ne plus avoir à revenir.

Tout à l’heure, Mme la ministre, comme je le lui ai fait remarquer en aparté, a employé un argument, déjà utilisé par le Premier ministre au mois de novembre de l’année dernière et répété en boucle comme un leitmotiv par tous les ministres – je l’ai même lu aujourd’hui dans un journal économique pourtant sérieux sous la plume d’un éditorialiste auquel, je l’espère, on le répétera – selon lequel M. Dominique Strauss-Kahn, alors ministre de l’économie et des finances du gouvernement Jospin, aurait abaissé la fiscalité des stock-options. C’est faux !

En réalité, M. Strauss-Kahn, avec l’appui de M. Allègre, a créé un mécanisme dont nous connaissons tous le nom un peu barbare, je veux parler des BSPCE, à savoir les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise, afin de financer les entreprises innovantes. Pour notre part, nous avons toujours défendu le principe de la distribution d’options dans les jeunes entreprises innovantes, car elles n’ont pas de capital et c’est un moyen pour elles d’en acquérir et de garder leur indépendance.

Il a souhaité étendre ce mécanisme à l’ensemble des stock-options, qui, il faut bien le dire, étaient déjà dévoyées par rapport à l’esprit originel des années soixante-dix. C’est à ce moment-là, je ne sais pas si vous vous en souvenez, mes chers collègues, que se produit l’affaire Jaffré. Le groupe socialiste de l’Assemblée nationale a alors refusé toute extension du dispositif des BSPCE. Une réflexion s’est donc engagée. Elle a abouti à la loi relative aux nouvelles régulations économiques, qui a taxé les plus-values réalisées sur les stock-options, au-delà de 150 000 euros, avec un barème progressif. Pour la première fois dans notre législation, on assistait à un renchérissement fiscal des stock-options.

À l’époque, l’opposition de droite au Sénat a dénoncé, par la voix de M. Marini, une nouvelle législation visant à alourdir la fiscalité. À l’Assemblée nationale, M. Auberger a repris l’argument pour stigmatiser un alourdissement de la fiscalité constituant, après l’IRPP et l’ISF, un troisième impôt progressif, cette fois sur les stock-options.

J’espère que nous n’aurons plus cette discussion un peu absurde, puisqu’elle ne repose sur aucun fondement historique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 60, présenté par M. Marc, Mmes Bricq et M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 81 quater du code général des impôts est abrogé.

II. - Les articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale sont abrogés.

La parole est à M. François Rebsamen.

M. François Rebsamen. Cet amendement vise à supprimer le dispositif relatif aux heures supplémentaires instauré par la loi TEPA.

Alors que les destructions d’emplois se multiplient et que le chômage repart fortement à la hausse – c’est le moins que l’on puisse dire, puisqu’on bat des records historiques : après le mois de janvier, près de 80 000 chômeurs supplémentaires au mois de février ! –, notre pays est le seul au monde à avoir institué un système contribuant à la destruction d’emplois financé par des fonds publics.

M. Gérard César. Les 35 heures !

M. François Rebsamen. Comme nous ne cessons de le dénoncer, le dispositif relatif aux heures supplémentaires, instauré par la loi TEPA, conduit à rendre l’embauche plus chère pour l’entreprise que le recours aux heures supplémentaires. Si l’on peut comprendre l’intérêt d’un tel dispositif en période de forte activité, on s’aperçoit qu’il freine l’embauche en période de faible activité économique et qu’il s’agit d’une véritable arme à créer des chômeurs en période de récession. Vous devez entendre ces arguments ! En outre, il y a un effet pervers : les entreprises se sont souvent arrangées pour moins embaucher et faire davantage travailler leurs salariés, sous le régime des heures supplémentaires, privant ainsi le système de cotisations sociales substantielles.

D’une façon générale, ce dispositif a des effets contradictoires. C’est un frein à l’embauche, et il s’agit d’une évidence. Quel employeur, fut-il le plus vertueux et le mieux disposé à soutenir les efforts du Gouvernement, hésiterait une seconde à faire effectuer des heures supplémentaires défiscalisées, et sans cotisations sociales, permettant d’éviter des embauches ?

Pis, ce système ouvre la porte à des effets d’aubaine. Il est ainsi plus avantageux de ne pas payer de primes au salarié et de les convertir en heures supplémentaires. Pour les salariés à temps partiel, il est encore préférable de leur payer des heures complémentaires plutôt que d’augmenter la durée de leur temps de travail prévue au contrat. Il est même plus profitable de diminuer la durée du temps de travail prévue au contrat et de transformer une partie des heures en heures complémentaires.

Ce système, tout le monde l’aura compris, va à l’encontre du besoin des salariés à temps partiel de travailler de manière durable et sûre, et je ne parle même pas de travailler plus. Il accentue la précarité ! La fraude et le bricolage qui ont résulté de ce texte ont fait surgir du néant des quantités d’heures supplémentaires, dont certaines sont purement fictives. Mais il y a eu aussi les heures supplémentaires réalisées avant de manière clandestine, que les employeurs ont eu intérêt à déclarer, tout au moins pour les bas salaires.

La majorité a manifestement compté sur le cumul de ces effets pour annoncer une hausse spectaculaire, ce qui était attendu, du temps travaillé. Mais c’était une autre époque et cela est maintenant hors de saison !

De plus, ce système a démontré son inefficacité totale non seulement en termes d’emploi, mais également en matière d’augmentation du pouvoir d’achat. Dans la période de crise que nous traversons, ce sont d’abord les Français les plus modestes, parmi eux les intérimaires et les personnes en CDD, qui sont les premiers à en faire les frais : donc, les plus précaires !

Faut-il rappeler le coût considérable que représente ce système intenable et dangereux ? Près de 4 milliards d’euros par an ! Ces milliards sont autant de moyens qui pourraient être utilisés pour soutenir l’emploi et, comme nous le pensons, le pouvoir d’achat ou, comme vous le soutenez, l’investissement. En outre, cette ingérable usine à gaz a un coût terrible pour les finances publiques et représente un manque à gagner pour la trésorerie de la sécurité sociale.

En matière de pouvoir d’achat, l’employeur a intérêt à recourir aux heures supplémentaires pour les salariés mal payés plutôt que d’augmenter les salaires. Pour les salariés mieux payés, il a intérêt à maintenir la pression, dans le flou d’un temps de travail extensible et le plus possible forfaitisé.

Ce dispositif prend donc place dans la longue liste des mesures conçues, peut-être dans une bonne intention, pour exercer une pression à la baisse sur les salaires. L’employeur a tout intérêt à ce que des heures supplémentaires, réelles ou fictives, remplacent des augmentations de salaires. Et ce sont les salariés les plus faibles qui en sont les premières victimes ! Aujourd’hui, si l’on a un travail et qu’on fait des heures supplémentaires, c’est, contrairement à ce qui est dit, pour gagner moins !

L’amendement que nous présentons ici vise donc à supprimer ce dispositif inique et inefficace, qui, quand la croissance réapparaîtra, appauvrira même la croissance en nombre d’emplois. Écoutez-nous : en cette période de crise, vous ne pouvez pas faire autrement. Pourtant, bien que nous vous le disions tous les jours, vous ne nous entendez pas. Vous attendez sans doute que le Président de la République vous l’annonce. À ce moment-là, nous serons là pour vous le rappeler !

M. le président. L'amendement n° 71, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 1er de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat est abrogé.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Je partage les propos de M. Rebsamen et ceux qui ont été prononcés à l’Assemblée nationale en ce qui concerne les trois griefs que l’on peut faire aux heures supplémentaires.

Nous l’avons déjà indiqué, le nombre d’heures supplémentaires déclarées en 2008 est inférieur aux prévisions. Le nombre de 725 millions d’heures est notamment à rapprocher des 660 millions d’heures évaluées par la DARES, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, pour l’année 2006.

Pour autant, 725 millions d’heures supplémentaires déclarées, c’est l’équivalent de 450 000 emplois à temps plein sur la période concernée, notamment dans le champ des contrats à durée déterminée ou des missions d’intérim. Il n’est donc pas étonnant que, nous l’avions d’ailleurs dénoncé au moment de l’examen du projet de loi de finances et lors de la discussion du collectif budgétaire du mois de janvier, les décisions qui ont été prises dans la loi TEPA et par la suite aient abouti à comptabiliser 50 000 chômeurs de plus – d’ailleurs, essentiellement des travailleurs intérimaires – en novembre ou en décembre.

Il conviendrait donc de s’interroger sur les motifs d’inscription au chômage depuis l’adoption de la loi TEPA, pour vérifier la réalité de cet effet que l’on peut qualifier d’ « effet d’éviction ».

Nous pouvons penser qu’en sus des effets de la crise économique internationale, l’existence du dispositif des heures supplémentaires a conduit à supprimer plusieurs dizaines de milliers d’emplois. Il suffit de regarder les chiffres : notre pays crée actuellement 3 000 chômeurs supplémentaires par jour !

À dire vrai, et nous en sommes convaincus, les salariés qui effectuaient des heures supplémentaires en 2008 les échangeraient bien volontiers contre une revalorisation du SMIC ou de leur salaire direct, surtout en période de chômage technique. Ils l’ont d’ailleurs confirmé au cours des récentes manifestations, dont nous avons rappelé le nombre.

Il faut donc mettre un terme à ce dispositif qui, si l’on en croit l’état de l’économie française, n’a permis ni de créer des emplois ni d’éviter la récession.

Telles sont les observations que nous voulions formuler en présentant cet amendement n° 71.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement a déjà été examiné à plusieurs reprises au cours des récents débats budgétaires.

Il est clair que les exonérations de charges sociales compensées par le budget de l’État représentent une charge majeure pour celui-ci et que la question de la soutenabilité sur le long terme de l’ensemble du bloc d’exonérations se posera inévitablement dans l’avenir.

Cela étant dit, quelle serait concrètement la conséquence de l’adoption des dispositions que vous préconisez ? Je crois pouvoir dire qu’elles auraient mécaniquement pour effet de diminuer le pouvoir d’achat des salariés qui effectuent des heures supplémentaires (Mme Nicole Bricq s’exclame), puisque ces derniers réaliseraient moins d’heures supplémentaires. Je ne pense pas que c’est ce que vous vouliez (Mme Nicole Bricq s’exclame de nouveau), surtout à l’heure où le pouvoir d’achat des salariés modestes peut poser problème !

Mme Annie David. Alors augmentez les salaires !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il me semble donc que les effets des dispositions que vous préconisez se retourneraient très exactement contre les objectifs que vous défendez.

Comme nous le suggère très souvent notre excellent rapporteur spécial Serge Dassault, il faudra, pour l’avenir, réexaminer le volume total des sommes que l’État consacre dans son budget à la compensation des exonérations de charges sociales. Cette question devra nécessairement être traitée, si nous voulons retrouver un niveau de déficit public acceptable à la sortie de la crise. Mais, bien entendu, il n’est pas question de le faire dans le climat actuel et avec les mesures qui nous sont de nouveau proposées ici.

La commission est donc tout à fait défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Il s’agit d’un point sur lequel nous avons débattu mille fois depuis le vote de la loi TEPA.

Je ne partage pas l’opinion défendue notamment par François Rebsamen. Les heures supplémentaires ne sont pas un ennemi de l’emploi, même en période de crise. (M. François Rebsamen hoche la tête.) Ce n’est pas ainsi que les choses se passent. Le dispositif fonctionne.

En 2007, quelque 4,3 millions de salariés – nous ne parlons pas de 150 000 personnes ! – ont bénéficié du système des heures supplémentaires, pour une somme de 150 euros par mois, soit un revenu supplémentaire de 1 800 euros. Ces chiffres sont considérables.

Par ailleurs, la réalisation d’heures supplémentaires se concentre sur les populations dont les revenus sont les plus bas : 12,7 % des foyers ne paient pas d’impôts ; 32,6 % des foyers ont un taux d’imposition de 5,5 % et 50,2 % des foyers un taux d’imposition de 14 %. Environ 95 % des salariés qui ont effectué des heures supplémentaires se situent, au maximum, dans la deuxième tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

En 2008, alors que la crise était déjà là, l’attractivité des heures supplémentaires n’a pas manqué. D’après les derniers chiffres de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, on comptabilise sur cette période environ 720 millions d’heures supplémentaires, pour 5,5 millions de salariés qui disposent du même type de revenus.

Les heures supplémentaires vont donc dans le sens d’un pouvoir d’achat supplémentaire.

Risquent-elles, en période de sortie de crise, de jouer contre l’emploi ? Je ne le crois pas. En effet, en situation de reprise de l’activité, les chefs d’entreprise, notamment dans les petites entreprises, ne sont pas enclins à embaucher immédiatement car ils restent prudents. De ce fait, si des commandes supplémentaires sont enregistrées – avec la sortie de crise et l’amélioration du taux de croissance, les entreprises retrouvent forcément un portefeuille d’activités plus normal –, la réponse passe dans un premier temps non par l’embauche, mais par le recours aux heures supplémentaires. Sans un dispositif qui permette d’accompagner très lentement la reprise, il est impossible de déboucher sur une reprise du recrutement.

Par conséquent, non seulement les heures supplémentaires ne sont pas l’ennemi de l’emploi en temps de crise, mais en plus elles représentent, pour celui-ci, un véritable accélérateur au moment de la sortie de crise.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, je ne veux pas alourdir les débats, mais je tiens tout de même à faire la démonstration de la très grande faiblesse de votre argumentation.

Il y a environ un an, en février 2008, on comptabilisait 144 millions d’heures supplémentaires. En février 2009, on en dénombrait 185 millions, soit une progression de 28 %, alors même que l’activité générale du pays avait profondément diminué. Ce différentiel de quelque 40 millions d’heures supplémentaires correspond à environ 90 000 postes de travail à temps plein. Or, entre la fin de l’année 2007 et la fin de l’année 2008, les pertes d’emploi ont affecté 115 000 salariés. Le rappel de ces quelques chiffres permet aisément de constater que le mécanisme d’heures supplémentaires s’est mis en place au détriment de l’emploi. Cette démonstration est imparable !

Il s’agit donc de faire en sorte que le budget retrouve les 4 milliards d’euros qui sont versés par le contribuable, mais qui servent, en définitive, à supprimer des emplois. On a peut-être mieux à faire, sans compter que l’affirmation selon laquelle ces mesures priveraient les salariés d’une partie de leur travail n’est pas un bon argument !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est pourtant vrai ! Les rémunérations seront réduites !

Mme Nicole Bricq. Si les entreprises pratiquaient une politique salariale digne de ce nom, si le travail était respecté et mieux rémunéré, notamment par rapport au capital, thème que nous n’arrêtons pas d’évoquer au travers de nos amendements, il ne serait peut-être pas utile de recourir à des mécanismes contre-productifs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Marie-France Beaufils applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Mon intervention ira dans le sens des propos de Nicole Bricq. En effet, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, vous estimez que, pour augmenter le pouvoir d’achat des salariés, il suffit de leur faire effectuer des heures supplémentaires et que, de ce fait, notre amendement aboutirait à un résultat inverse de celui que nous recherchons. Ce n’est pas le cas !

Nous souhaitons effectivement une augmentation du pouvoir d’achat des salariés, mais cette évolution passe par une vraie rémunération des salariés et par une valorisation du travail qu’ils effectuent dans les entreprises.

Les salaires, tout au moins le SMIC, sont bien insuffisants. Preuve en est que les dirigeants d’entreprise gagnent, en une année, ce qu’un salarié payé au SMIC obtiendrait en 150 ans. Ils bénéficient de dispositifs, primes de départ, stock-options, bonus, parachutes dorés, qui sont indécents, voire incompréhensibles tant les sommes sont élevées.

Cela démontre bien la faiblesse du SMIC. Dans le cas contraire, pourquoi ces dirigeants partiraient-ils avec autant d’argent ? Aujourd’hui, pour un salarié ayant une famille à charge, le SMIC permet tout juste de vivre.

Plutôt que d’encourager les salariés à effectuer des heures supplémentaires, il faut augmenter les salaires de base et donner du travail à tout le monde.

Thierry Foucaud vient de le rappeler : la mise en œuvre du dispositif relatif aux heures supplémentaires a eu pour effet immédiat la suppression de milliers de postes d’intérimaires et de salariés en contrat à durée déterminée. Des milliers de personnes se sont ainsi retrouvées inscrites au chômage.

L’augmentation des salaires constitue la seule véritable réponse que nous puissions apporter. Le Président de la République parle sans cesse de « la valeur travail ». Il estime qu’il faut valoriser le travail. Eh bien, faisons-le, et donnons aux salariés la possibilité d’être correctement rémunérés !

À ce moment du débat, je voudrais rappeler la situation de l’entreprise Caterpillar dans mon département.

Monsieur le ministre, vous êtes sans doute très informé de cette situation, qui est extrêmement difficile. Les salariés de cette entreprise méritent un peu plus de respect que celui qui leur est accordé aujourd’hui. Ils sont toujours en attente d’une réponse de la part de votre gouvernement et de la préfecture pour savoir, si je puis m’exprimer ainsi, à quelle sauce ils seront mangés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 17 rectifié est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 49 est présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 1 du I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa est complété par les mots : « et inférieure ou égale à 380 000 euros ; »

2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« - 50% pour la fraction supérieure à 380 000 euros ».

La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l’amendement n° 17 rectifié.

M. Thierry Foucaud. C’est un amendement de justice fiscale. Je considère qu’il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l'amendement n° 49.

Mme Nicole Bricq. Cet amendement tend à instaurer une cinquième tranche d’imposition sur le revenu, ce que nous considérons être une mesure de surtaxation de solidarité. Cette tranche vise les rémunérations fixes et variables qui, les deux parts confondues, dépassent 380 000 euros.

Le jeudi 26 mars dernier, à l’occasion du débat sur la proposition de loi du groupe CRC-SPG, j’ai eu l’occasion de m’expliquer sur ce seuil de 380 000 euros. Il s’agit de la traduction en euros du plafonnement de 500 000 dollars prévu par le président des États-Unis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Chers collègues, vous vous en doutez bien, la commission n’est pas favorable à ces amendements...

Mme Nicole Bricq. Nous sommes surpris !

M. Philippe Marini, rapporteur général. ... qui abordent le troisième terme de la trilogie que j’ai évoquée. Ce troisième terme serait acceptable seulement si les deux précédents étaient assumés. (M. François Rebsamen sourit.) Notre vision est bien globale. Vous la connaissez. Je n’exposerai donc pas de nouveau cette position de principe.

Par ailleurs, je n’ai pas le sentiment que le dispositif proposé soit optimal, compte tenu de l’écart très important entre la tranche d’imposition à 40 % et la tranche préconisée, au-delà de 380 000 euros, qui concernerait une cible très restreinte. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)

Mais nous n’en sommes pas encore à calibrer comme il conviendrait le troisième terme de la trilogie. Il faut encore approfondir les travaux et, surtout, il faut attendre que les circonstances s’y prêtent.

Dans l’immédiat, ces amendements ne peuvent pas être votés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à une augmentation des impôts : à la suite du Président de la République, il l’a dit et répété.

Ce collectif budgétaire a pour objectif de permettre à ceux qui souffrent le plus de la crise de bénéficier de la solidarité nationale. C’est bien de cela qu’il s’agit, et non d’augmentation d’impôt. Ne recréons pas des tranches dans le barème de l’impôt sur le revenu.

L’impôt sur le revenu a été totalement revu et modifié il y a seulement deux ou trois ans, c’est-à-dire très récemment. Cette réactualisation a fait l’objet d’équilibres extrêmement réfléchis. Ne revenons pas sur ce point.

Prenons des mesures temporaires, permettant de lutter contre la crise et fondées sur la solidarité ou sur l’aide à un certain nombre de secteurs d’activité, ou sur l’investissement ! Mais ne touchons pas au barème de l’impôt sur le revenu !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Le fait que le Gouvernement ne soit pas favorable à une augmentation des impôts nous préoccupe. Cela signifierait-il qu’il est plutôt favorable à l’augmentation des prélèvements sociaux, à la hausse de la CSG, qui frappe tout le monde de manière non progressive, ou encore aux franchises médicales, lesquelles concernent toute la population, y compris les plus pauvres ?

M. Jean-Claude Carle. Demandez aux présidents de région avec la TIPP !

Mme Nicole Bricq. Cela nous inquiète vraiment !

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Je m’associe aux propos de Mme Nicole Bricq.

Je souhaiterais faire un bref rappel. Lors de l’examen du projet de loi de finances, un amendement visant à taxer les indemnités des accidentés du travail avait été défendu ! Comme si certains faisaient exprès d’être victimes d’un accident du travail ! Et, aujourd'hui, vous nous dites qu’il ne faut pas opposer les uns aux autres !

M. Éric Woerth, ministre. Cela n’a rien à voir !

M. Thierry Foucaud. Cet amendement que la commission mixte paritaire a « retoqué », la majorité sénatoriale l’avait voté !

C’est donc toujours la même chose entre ceux qui gagnent énormément – le groupe CRC-SPG et le groupe socialiste ont rappelé les chiffres, notamment en ce qui concerne les stock-options et les bénéfices – et ceux qui n’en peuvent mais, sur lesquels on continue de taper !

Pour en revenir à la trilogie évoquée par M. Marini, j’ai expliqué tout à l'heure que l’on ne pouvait pas comparer l’impôt de solidarité sur la fortune et l’impôt sur le revenu, notamment pour des questions d’assiette. D’ailleurs, personne ne m’a répondu et, pourtant, on nous reparle de cette trilogie ! J’aimerais que vous nous donniez des explications afin que nous puissions en débattre.

Les amendements nos 17 rectifié et 49, à savoir l’instauration d’un taux d’imposition de 50 % pour la fraction supérieure à 380 000 euros, s’inspirent de la proposition qui a été faite par le président des États-Unis, M. Obama, à la suite de l’affaire de la société d’assurance AIG, dont les pertes se sont élevées à plus de 100 milliards d'euros 2008 – soit plus que le PIB de 150 pays ! –, ce qui n’a pas empêché les dirigeants de cette société de s’attribuer bonus et compléments de salaire juteux !

En refusant obstinément de prendre en compte les amendements répondant à la demande de l’opinion et présentés par la gauche – nous avons également évoqué la question du SMIC –, la majorité sénatoriale et le Gouvernement acceptent que les pauvres deviennent encore plus pauvres et les riches encore plus riches. Le rapporteur général va sans doute dire : « caricature ! », comme il en a l’habitude, mais cela ne vaut même plus la peine de débattre si vous ne répondez pas véritablement à nos propositions. (M. le président de la commission des finances s’impatiente.) Je le sais, vous êtes pressé, monsieur le président de la commission !

Moi aussi, je peux vous citer quantité de chiffres : 800 000 repas supplémentaires servis par les Restos du cœur cette année, 3 000 chômeurs de plus chaque jour en France.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Hélas !

M. Thierry Foucaud. Dans le même temps, vous nous dites que vous êtes les meilleurs, que la crise sera résolue, dans notre pays, à partir de 2010. Et puis, en 2010, vous nous ferez de nouveau voter des collectifs budgétaires et vous nous annoncerez alors une sortie de crise dans six mois ou dans un an !

Je suis abasourdi par les propos que j’entends ! Soit vous êtes aveugles à la situation dans laquelle se trouve notre pays, soit, et je crois que tel est le cas, vous êtes inspirés par une politique de classes, par l’idéologie de droite, à savoir la défense du capital face à ceux qui sont exploités ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 rectifié et 49.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 66, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans le troisième alinéa du 6 de l'article 200 A du code général des impôts, les taux : « 18 % » et « 30 % » sont remplacés respectivement par les taux : « 22,5 % » et « 37,5 % ».

II. - Le premier alinéa de l'article L. 2242-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette négociation porte également sur les éléments de rémunérations versées aux dirigeants salariés de l'entreprise, sous quelque forme que ce soit, notamment dans le cadre des dispositions visées aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce. »

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Le moment est venu de mettre en cause à la fois la fiscalité avantageuse qui accompagne l’attribution de stock-options, de bonus, de parachutes dorés et autres bizarreries du droit, et les conditions mêmes de définition de ces modes de rémunération.

Par cet amendement, nous proposons, d’abord, de relever le taux d’imposition relatif aux plus-values de cession des actions cédées au terme de la réalisation d’un plan d’options d’achat d’actions.

Les stock-options ont en effet un double coût : un coût lié au faible taux d’imposition de l’avantage constitué par la remise accordée sur le prix normal de l’action, qui représente 100 à 150 millions d’euros pour les finances publiques ; puis un coût lié à la taxation séparée des plus-values, qui est estimé à un montant bien supérieur, même s’il est difficile à évaluer précisément, ne serait-ce que parce qu’il faudrait étudier la situation personnelle des 20 000 cadres supérieurs bénéficiant de stock-options et le gain réalisé au regard du taux moyen personnel d’imposition.

Nous proposons ensuite, et c’est le second volet de cet amendement, l’intégration de la question de la rémunération des dirigeants dans le cadre de la négociation annuelle sur les salaires.

Pour nous, il s’agit de permettre aux salariés des entreprises de connaître clairement la rémunération totale des mandataires sociaux qui les dirigent : il ne serait pas illégitime que les salariés, qui continuent à produire de la richesse, soient informés des conséquences financières de leur travail sur les rémunérations de leurs propres dirigeants.

En 1930, l’industriel américain Henry Ford ne disait-il pas que, pour être admissible, l’écart de salaire entre les salariés et les dirigeants devait être de 1 à 40 ? L’écart est aujourd’hui de 1 à 400 !

Cette différence considérable entre le salaire moyen et la rémunération de certains dirigeants d’entreprise n’est pas la cause de la bulle spéculative, elle en est la manifestation. Elle atteste à quel point la recherche de l’argent pour l’argent, la spéculation financière conduit à tous les abus.

Cet emballement spéculatif, qui profite aux actionnaires et à certains dirigeants, joue bien sûr contre les salariés, à qui l’on impose, au choix, des périodes forcées d’inactivité, des gels ou des réductions de salaires, la remise en cause d’acquis sociaux – par exemple le retour aux 40 heures, avec les conséquences que l’on connaît, notamment à Continental – ou bien des délocalisations et des licenciements.

C’est précisément parce que les salariés sont victimes de cette politique spéculative que nous entendons leur donner le droit d’intervenir en ce domaine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. De nouveau, nous retrouvons les options d’achat ou de souscription d’actions.

Permettez-moi de rappeler à mon tour que la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail a subordonné l’attribution de ces titres aux mandataires sociaux à la distribution de telles options ou d’actions gratuites à l’ensemble des salariés de l’entreprise, ou à la mise en œuvre d’un dispositif d’intéressement ou de participation volontaire ou dérogatoire.

Ainsi, on ne peut plus présenter les options comme un privilège puisqu’il s’agit d’un élément – certes hiérarchisé – qui doit entrer dans la conception globale du système d’intéressement, de participation ou d’association au capital de l’entreprise.

Mme Annie David. C’est un leurre !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, ce n’est pas un leurre ! Cette loi date du 3 décembre 2008 : laissez-lui le temps de produire ses effets !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Au demeurant, dans quelques mois, nous aurons sans doute à débattre du partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise. Notre excellent collègue et doyen Serge Dassault y prendra certainement toute sa part…

M. Gérard César. Nous l’espérons !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons en effet le souvenir de débats sans doute un peu annonciateurs que nous avons eus dans cet hémicycle. (Sourires.) Ce sera certainement un moment plus approprié pour reprendre le sujet de manière plus constructive et moins rituelle.

Donc, pour l’heure, mes chers collègues, la commission appelle au rejet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.

Les stock-options sont des éléments de rémunération qui, lorsqu’ils sont excessifs, sont parfaitement condamnables. C’est pourquoi nous avons pris un décret visant à les réguler. Lorsque les conditions de leur attribution sont raisonnables, elles ont leur utilité.

Les stock-options sont évidemment taxées. Elles sont soumises à l’impôt sur le revenu, selon les fractions entre 18 % et 40 %, et aux cotisations sociales, patronales et salariales. Les plus-values éventuelles sont également imposées. La somme de leurs taxations est donc plutôt supérieure à la moyenne de celle que l’on constate dans d’autres pays.

Le problème n’est pas tant la taxation de ces éléments de rémunération – ils sont taxés normalement – que leur distribution, qu’il convient de réguler. C’est bien l’objet du décret qui a été publié ce matin.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Notre amendement porte sur deux points. Le second, qui concerne l’intérêt pour les salariés de connaître les rémunérations au sein de l’entreprise, a été complètement occulté à la fois par le rapporteur général et par le ministre. C’est dommage ! C’est en effet aussi cela la transparence !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 67, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - À la fin du premier alinéa du 6 bis de l'article 200 A du code général des impôts, le taux : « 30 % » est remplacé par le taux : « 40 % ».

II. - Le code de commerce est ainsi modifié :

1° À la fin du premier alinéa de l'article L. 225-38, les mots : « du conseil d'administration » sont remplacés par les mots : « de l'assemblée générale » ;

2° Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette convention est soumise à l'accord du comité d'entreprise. » ;

3° À la fin de la première phrase du second alinéa de l'article L. 225-39, les mots : « au président du conseil d'administration » sont remplacés par les mots : « à l'assemblée générale des actionnaires » ;

4° Dans le premier alinéa de l'article L. 225-42, les mots : « du conseil d'administration » sont remplacés par les mots : « de l'assemblée générale des actionnaires ».

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Cet amendement porte sur la question de l’attribution de compléments de rémunération dans les entreprises.

Le premier volet de notre amendement a pour objet de faire en sorte que le taux de prélèvement appliqué aux stock-options soit sensiblement relevé. Il s’agit d’en décourager l’usage en réduisant la différence entre l’élément de rémunération lié à la distribution de compléments de revenu et le revenu de nature salariale.

Vous me permettrez de souligner la pratique récurrente, en termes de rémunération des dirigeants, qui consiste à rechercher systématiquement ce qui permet au bénéficiaire de payer le moins possible d’impôt sur le revenu, le cas échéant d’impôt de solidarité sur la fortune, enfin de cotisations sociales.

Cette course au moins-disant fiscal et social nous conduit à nous interroger sur le rôle et la fonction de dirigeant d’entreprise.

Le second volet de notre amendement porte sur la question de la fixation des règles du jeu.

La crise que nous traversons exige de nouvelles réponses. Les millions de manifestants qui sont descendus dans les rues à deux reprises exigent que les vieilles règles, celles sur lesquelles s’appuie le capitalisme, changent et que notre siècle soit celui du partage des pouvoirs.

Il y a peu encore, le Président de la République annonçait vouloir « moraliser le capitalisme ». Déjà, il faisait appel à la bonne volonté du patronat pour s’autoréguler. C’est sous cette « amicale invitation » que, le 6 octobre dernier, l’AFEP, ou Association française des entreprises privée, et le MEDEF rendaient public le « code de gouvernement d’entreprise », plus connu sous l’appellation de « code éthique ».

Six mois après, force est de constater que l’appel au bon vouloir du patronat n’a pas suffit, malgré ce code éthique.

Par conséquent, nous considérons que la loi doit fixer le champ d’intervention d’une démocratie sociale et d’entreprise renforcée et rénovée.

Voilà quelques mois, votre majorité a adopté la loi de modernisation du dialogue social. Cela aurait dû être l’occasion d’un renforcement des droits et compétences des représentants des salariés, mais tel n’a pas été le cas.

Aujourd’hui, nous formulons donc, une nouvelle fois, une proposition concrète et applicable rapidement, afin de permettre aux salariés d’être informés et d’exprimer leur opinion. Si vous la rejetez, vous devrez expliquer aux salariés de notre pays et aux 80 000 chômeurs supplémentaires votre refus de prendre une mesure permettant de limiter effectivement les revenus indécents perçus par certains dirigeants. Vous devrez assumer le choix d’avoir favorisé une minorité d’actionnaires face à la majorité des salariés de notre pays. Le décret pris ce matin est loin de régler le problème.

La situation exige que nous ayons un réel débat public sur le sens même de telles rémunérations, ainsi que sur le rapport entre le capital et le travail, et que le législateur joue pleinement son rôle au final.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission ne peut pas être favorable à une telle proposition.

Ce n’est pas parce que l’on met en évidence, parfois à juste titre, des comportements individuels abusifs, impudiques ou critiquables qu’il faut remettre en cause à chaud l’ensemble des dispositifs de rémunération incitatifs à la performance. En d’autres termes, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain.

Par conséquent, comme sur les précédents amendements, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 61, présenté par M. Rebsamen, Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Avant le a du I de l'article 219 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« aa. - Les taux fixés au présent article sont diminués d'un dixième lorsqu'une fraction du bénéfice imposable au moins égale à 60 % est mise en réserve ou incorporée au capital au sens de l'article 109, à l'exclusion des sommes visées au 6° de l'article 112. Ils sont majorés d'un dixième lorsqu'une fraction du bénéfice imposable inférieure à 40 % est ainsi affectée. »

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. François Rebsamen.

M. François Rebsamen. Cet amendement vise à moduler les taux de l’impôt sur les sociétés en fonction de l’affectation du bénéfice réalisé.

Une telle mesure serait, me semble-t-il, positive, car elle aurait une forme de vertu pédagogique ou incitative. D’ailleurs, il s’agit d’un principe bien connu, celui du bonus et du malus.

Nous proposons ainsi de minorer l’imposition d’un dixième si les bénéfices sont investis à hauteur d’au moins 60 %, afin d’encourager la production, plutôt que la distribution des dividendes aux actionnaires ou le rachat d’actions à des visées spéculatives, comme cela arrive parfois. À l’inverse, nous suggérons de majorer l’imposition lorsque le taux de bénéfices réinvestis est inférieur à 40 %. Et le taux d’imposition resterait inchangé entre les deux niveaux que je viens d’évoquer.

À mon sens, la référence à des notions qui sont bien ancrées dans le code général des impôts rend de telles dispositions aisément applicables.

Dans nos débats, nous faisons toujours la distinction entre bénéfices réinvestis et bénéfices distribués. À cet égard, le Président de la République a lui-même proposé la règle des trois tiers, que vous aviez refusée peu de temps auparavant. Selon nous, cette distinction, qui est d’ailleurs retenue par certains de nos voisins, constitue un outil de politique fiscale pertinent pour inciter les entreprises à investir plus fortement dans l’économie productive.

Nous pensons donc que vous auriez toutes les raisons de voter cet amendement, mes chers collègues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s’agit d’une proposition qui revient de temps à autre dans nos débats et qui a été évoquée à l’occasion de législations précédentes. (M. François Rebsamen acquiesce.)

Toutefois, faut-il véritablement interférer à ce point dans la gestion des sociétés et la répartition de leurs résultats ?

En matière fiscale, je crois aux vertus de la neutralité. Dès lors, et même si le dispositif que vous proposez est, j’en conviens, relativement modéré, proportionner le taux de l’impôt sur les sociétés en fonction de l’affectation du bénéfice réalisé créerait une complexité et les sociétés françaises seraient pénalisées par rapport à d’autres entreprises implantées sur des territoires ne fixant pas les mêmes contraintes.

En outre, au sein d’un groupe formé de sociétés localisées dans différents pays, ce serait une difficulté supplémentaire à gérer. Parfois, cela pourrait peut-être même contribuer à dissuader de choisir la France pour implanter le siège social de telle ou telle filiale ou de telle ou telle entité du groupe.

Par conséquent, la commission n’est pas convaincue par les arguments qui ont été développés. Elle appelle donc au retrait ou, à défaut, au rejet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Nous avons effectivement déjà eu un tel débat, qui mérite d’ailleurs d’être approfondi.

Pour ma part, j’ai pris des engagements. Nous sommes ainsi en train d’interroger à la fois le Trésor public et la Direction de la législation fiscale pour avoir leur expertise sur le sujet. Nous attendons de connaître leurs conclusions et, comme je l’avais déjà indiqué, nous aurons alors un rendez-vous, peut-être lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010.

Vous le savez, un tel dispositif a été supprimé au début des années deux mille. À l’époque, sous certaines conditions, le taux de l’impôt sur les sociétés pouvait être de 19 % lorsque des profits qui auraient pu être distribués aux actionnaires restaient dans le capital de l’entreprise. Ce mécanisme a dû être abandonné en raison de son insuccès et de ses difficultés de mise en œuvre.

Par conséquent, la question reste ouverte et nous pouvons évidemment la reposer. Je formulerai simplement une observation. Adopter un tel dispositif revient à considérer a priori la distribution des profits comme moins vertueuse que le fait de les garder dans le capital de l’entreprise. Ce serait en effet le message que l’État enverrait s’il appliquait des taux d’imposition différents. Or, d’une certaine manière, cela peut nuire à la liberté de l’entreprise.

Lorsque la liberté de l’entreprise est totale, la question de la position de l’État peut évidemment être posée. Mais lorsque tel n’est pas le cas, par exemple parce que l’entreprise est rachetée dans le cadre d’un leveraged buy-out, ou LBO – certes, cela se produit moins souvent ces temps-ci –, il ne paraît pas anormal que celle-ci redistribue ensuite ses dividendes afin de rembourser la dette.

Une telle disposition créerait donc une discrimination en défaveur des entreprises qui n’ont pas le choix entre distribuer les profits ou les préserver en partie dans le capital.

Quoi qu’il en soit, nous aurons évidemment ce débat de manière plus approfondie, et je ne veux pas préjuger de ses résultats. De même, le moment venu, nous aurons d’autres discussions sur le partage des profits.

Mais, pour l’instant, le Gouvernement ne peut pas être favorable à un tel amendement.

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, pour explication de vote.

M. François Rebsamen. Monsieur le ministre, la politique fiscale doit avoir des vertus incitatives en la matière. L’objectif est non pas de surtaxer ou de sous-taxer, mais de faire preuve de pédagogie, à l’instar de ce qui se pratique dans d’autres pays.

D’une manière plus générale, les dispositions qui ont été prises à une époque ou à une autre doivent, me semble-t-il, évoluer en fonction des situations économiques : elles ne sont pas gravées dans le marbre. C’était le sens de cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 62, présenté par M. Rebsamen, Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après l'article 235 ter ZA du code général des impôts, il est inséré un article 235 ter ZB ainsi rédigé :

« Art. 235 ter ZB. - Les personnes morales sont assujetties, dans les conditions prévues aux II à V de l'article 235 ter ZA, à une surtaxe temporaire de solidarité égale à une fraction de l'impôt sur les sociétés calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés au 1 de l'article 219. Cette fraction est égale à 10 % pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2011 inclus.

« Sont exonérées les personnes morales ayant réalisé un chiffre d'affaires de moins de 50 millions d'euros. Le chiffre d'affaires à prendre en compte s'entend du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise au cours de l'exercice ou la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant, et, pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe. Le capital des sociétés, entièrement libéré, doit être détenu de manière continue, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ou par une société répondant aux mêmes conditions dont le capital est détenu pour 75 % au moins, par des personnes physiques.

« Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des sociétés de capital-risque, des fonds communs de placements à risques, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d’innovation ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 1 bis de l'article 39 terdecies entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds. »

La parole est à M. François Rebsamen.

M. François Rebsamen. Cet amendement est sous-tendu par la même logique que les amendements défendus précédemment.

Aujourd'hui, les situations peuvent être totalement différentes selon les entreprises. Ainsi, et j’ai entendu des collègues de la majorité s’en féliciter, certaines sociétés ont réalisé l’an dernier, ou sont en situation de réaliser cette année, des profits extraordinaires, voire des surprofits. C’est notamment le cas dans le secteur de l’énergie. En l’occurrence, ces surprofits résultent, au moins pour partie, de ponctions effectuées sur les contribuables.

Dès lors, nous estimons que, dans une période particulièrement difficile, il faudrait instituer des surtaxes temporaires de solidarité égales à une fraction de l’impôt sur les sociétés. Ces recettes, qui ne seraient pas pérennes – j’ai bien précisé qu’elles seraient temporaires –, pourraient servir à abonder le Fonds stratégique d’investissements, puisque nous sommes, nous aussi, très attachés au développement de l’investissement. Chacun le sait, les investissements d’aujourd'hui sont les emplois non seulement d’aujourd'hui, mais également de demain.

Il nous semble donc nécessaire d’infléchir la fiscalité des entreprises. De telles mesures ont déjà été mises en place à d’autres époques et les changements que nous vivons actuellement appellent, je le crois, une grande réactivité. En effet, des entreprises qui réalisent des bénéfices importants et qui ne réinjectent pas suffisamment dans l’appareil productif ou qui ne font pas preuve d’un effort de solidarité annexe n’apportent pas leur contribution à la résolution de la crise que nous traversons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Le mécanisme qui nous est proposé est finalement similaire à celui de la contribution supplémentaire à l’impôt sur les sociétés instituées en 1995 : c’est la « surtaxe Rebsamen » à la place de la « surtaxe Juppé ». (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)

Au-delà de cette analogie, qui ne saurait naturellement être poussée bien loin, il ne semble pas indispensable d’alourdir la fiscalité directe des sociétés qui demeurent rentables malgré la crise. Cela reviendrait à les affaiblir et il s’agirait assurément d’un signal extrêmement négatif dans la présente période.

La commission est donc tout à fait défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, pour explication de vote.

M. François Rebsamen. Je remercie M. le rapporteur général de ses comparaisons extrêmement flatteuses. (Sourires.)

Mais j’ai trouvé encore plus flatteur : le dispositif que je propose est tout simplement celui qui avait permis la relance économique en 1997, lorsque Dominique Strauss-Kahn était ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. (M. le rapporteur général manifeste son scepticisme.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 63, présenté par M. Marc, Mmes Bricq et M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un établissement de crédit qui bénéficie de fonds au titre du dispositif de soutien institué par l'article 6 de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie ne peut verser des dividendes ou racheter ses actions, dès lors qu'il n'a pas remboursé l'intégralité du prêt consenti.

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Il s’agit de border un peu mieux les aides de l’État aux établissements de crédits.

La dimension essentiellement financière de la crise a suscité des réactions massives de tous les pays pour éviter une catastrophe bancaire. Il était urgent d’apporter une garantie de l’État aux prêts interbancaires et à certaines opérations de recapitalisation des banques.

Aujourd'hui, certains observateurs soulignent qu’il aurait été nécessaire d’exiger un juste retour de la part des établissements de crédits concernés. L’objet de cet amendement est de mettre en place une contrepartie au soutien de l'État.

Le sauvetage du système financier ne peut être effectué au profit de ceux qui portent une lourde responsabilité dans la survenue de la crise. En outre, les actionnaires privés ne peuvent être mis systématiquement à l’abri des défaillances en laissant les clients des banques, en majorité modestes, en payer seuls le prix.

En l’absence d’une telle contrepartie, les actionnaires des banques bénéficieront mécaniquement et directement de la recapitalisation, sans même avoir été associés à l’effort nécessaire, pendant que les contribuables en supporteront la charge.

Nous proposons que les établissements bancaires concernés ne puissent verser de dividendes ou racheter leurs actions dès lors qu’ils n’ont pas remboursé l’intégralité des prêts qui leur ont été consentis, ce qui est une exigence très légitime de la part de l’État, donc du contribuable.

Il nous paraît conforme à l’éthique d’exiger que les actionnaires privés des établissements bénéficiant du concours de l’État attendent quelque temps avant d’avoir accès à leurs dividendes ou d’interdire le rachat d’actions de nature à augmenter leurs dividendes.

Cet amendement s’inscrit bien dans l’actualité d’un problème que nous connaissons tous.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je rappelle tout d’abord que le rachat d’actions est d’ores et déjà prohibé par les conventions qui ont été souscrites.

Par ailleurs, faut-il vraiment interdire aux banques en question de distribuer des dividendes, notamment à l’État ? Il nous paraît légitime que ce dernier soit rémunéré dès lors qu’il participe au renforcement des fonds propres, et ce pour la trésorerie qu’il apporte non seulement dans le cadre des opérations de financement, mais aussi – espérons-le, monsieur le ministre – par le biais de la Société de prise de participation de l'État, la SPPE.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission n’est pas favorable à l’adoption de l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. M. le rapporteur général vient d’employer un excellent argument, s’agissant en particulier de la SPPE. Il n’y a aucune raison d’interdire aux entreprises dans lesquelles l'État investit de verser des dividendes à ce dernier.

En outre, les conventions passées entre l'État et les banques sont très précises.

Tout d’abord, les dispositions concernant les rémunérations des dirigeants devaient être améliorées ; c’est maintenant chose faite.

Ensuite, un certain nombre d’obligations s’imposent aux entreprises aidées par l'État : croissance de leur encours de crédits à l’économie, adhésion aux recommandations de l’Association française des entreprises privées, l’AFEP, et du MEDEF, engagement – à la suite d’un décret récent – de ne pas racheter d’actions pendant la période de détention des titres souscrits par l’État pour la SPPE.

Ces contraintes me paraissent parfaitement appropriées à la situation actuelle.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 64, présenté par M. Marc, Mmes Bricq et M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Aucun établissement distribuant des produits visés aux articles L. 313-14, L. 313-14-1 et L. 313-14-2 du code de la consommation ne peut bénéficier des dispositions visées à l'article 6 de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie.

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Cet amendement est sous-tendu par la même philosophie que le précédent.

Les propos que vient de tenir le ministre du budget confirment le bien-fondé de notre démarche en reconnaissant que les exigences formulées par le Gouvernement étaient insuffisantes, puisqu’il a fallu prendre en catastrophe un décret pour compenser l’absence de contrepartie, de sécurité ou de garantie. Cela prouve que nos propositions répondent bien à une légitime éthique.

Le présent amendement vise à interdire aux établissements financiers qui distribueraient des crédits reposant sur le mécanisme de l’hypothèque rechargeable de prétendre au bénéfice des mesures de soutien aux banques votées dans le cadre du collectif budgétaire pour 2008.

L’hypothèque rechargeable a été mise en place sur l’initiative du ministre des finances de l’époque, Nicolas Sarkozy. Cette volonté s’est traduite par une ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés.

Rappelons que l’hypothèque rechargeable devait permettre « à l’emprunteur, qui a déjà constitué une hypothèque pour l’achat d’un bien immobilier, d’affecter une partie de l’hypothèque, proportionnelle au montant du crédit déjà remboursé, à la garantie d’un autre crédit ».

Le dossier de présentation des projets du Gouvernement en matière d’hypothèque rechargeable était particulièrement éclairant, car il indiquait ceci : « L’hypothèque est dynamisée : elle prend en compte l’évolution de la vie, avec ses aléas et ses désirs. Ce n’est plus maison ou voiture, mais maison et voiture ».

Nicolas Sarkozy a souligné l’intérêt de ce type de produit lors de la convention de l’UMP de septembre 2006, en déclarant qu’il fallait encourager par ce moyen l’accès à la propriété : « Le premier moyen d’y parvenir, c’est d’utiliser le crédit hypothécaire. Cela paraît très compliqué, mais c’est en réalité très simple.

« C’est ce qui permet à près de 70 % des Britanniques et des Américains d’être propriétaires de leur logement, contre seulement 56 % en France. Dans ces deux pays, les crédits sont garantis par l’existence du bien. En France, nous privilégions la garantie sur les personnes, ce qui conduit les établissements bancaires à écarter du marché du crédit tous ceux dont la situation professionnelle n’est pas assez stable pour assurer des revenus durables.

« Cette tradition n’est pas une fatalité. Il suffit de changer les règles prudentielles imposées aux banques, de simplifier le recours à l’hypothèque et d’en réduire le coût. »

Tels sont les propos que tenait le ministre des finances en 2006, puis le candidat, Nicolas Sarkozy, qui comptait d’ailleurs explicitement réviser, dans un sens moins protecteur, les règles prudentielles imposées aux banques. C’est ce projet qu’il a porté lors de sa campagne présidentielle.

Nous l’avons échappé belle ! On ne peut que se féliciter de l’échec de la mise en œuvre de ce projet. Le fait que la consommation ne soit pas directement liée à la valeur du patrimoine immobilier est, en effet, un élément positif pour la situation de nombreux ménages français, et l’on peut s’en réjouir. En outre, nul n’ignore l’effet multiplicateur à la baisse que peuvent provoquer des difficultés majeures sur le marché immobilier.

Pour l’ensemble de ces raisons, cet amendement a tout son sens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La manière dont notre collègue s’en prend au mécanisme de l’hypothèque rechargeable me paraît tout à fait injustifiée. En effet, ce dispositif récent ne saurait être comparé au dévoiement des subprimes pour plusieurs raisons.

Premièrement, la convention dite de rechargement doit être passée devant notaire.

Deuxièmement, c’est la valeur d’acquisition du bien hypothéqué qui est retenu et non pas la valeur marchande au jour du rechargement de l’hypothèque.

Troisièmement, on ne peut pas augmenter le volume d’emprunt au fur et à mesure que le bien prend de la valeur.

Par conséquent, ce dispositif, qui est sécurisé, a été construit précisément dans l’intention de s’écarter des risques excessifs constatés sur les marchés anglo-saxons.

Compte tenu des explications que je viens de formuler, vous devriez, mon cher collègue, retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet le même avis que la commission.

On ne peut établir de parallèle entre, d’une part, ce qui s’est passé aux États-Unis avec des hypothèques rechargées selon des valeurs qui n’avaient rien à voir avec la réalité du bien et qui poussaient à une consommation excessive de crédits – on a vu le résultat ! – et, d’autre part, la loi française qui est, comme souvent, d’une grande prudence et limitée en termes de rechargement. D’ailleurs, personne n’utilise ce produit, car il n’est pas très incitatif.

L’amendement présenté ne doit pas être retenu parce qu’il ne correspond pas à la réalité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 72, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles 8 à 10 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat sont abrogés.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement porte sur notre opposition à l’allégement des droits de mutation, qui constitue une perte de recettes importante pour l’État, évaluée à 2 milliards d’euros, et qui nous conduit à proposer de supprimer l’ensemble des dispositions ayant conduit à ce choix fiscal et politique.

Je prendrai l’exemple d’un couple avec quatre enfants, qui dispose d’un patrimoine de 2 millions d’euros, dont environ 300 000 euros en liquidités bancaires immédiatement disponibles. Avec la loi TEPA, il a pu bénéficier d’une marge de donation de 1,2 million d’euros en pleine propriété et de 240 000 euros en numéraire, le tout sans frais.

Outre l’économie de droit réalisée sur la donation, que je vous laisse imaginer, ce couple se retrouve sous le plancher d’imposition de l’impôt de solidarité sur la fortune, avec un actif net de 560 000 euros. Le résultat est perceptible dès l’année suivante : au lieu de 8 000 euros de droits au titre de l’ISF, il ne paiera bien sûr rien.

Bien entendu, la mesure est encore plus profitable pour celui qui figure dans la tranche la plus élevée de l’ISF. Si l’impôt ne disparaît pas, il peut, en effet, être réduit de 24 120 euros dans le cas que je viens d’exposer.

En quelque sorte, pour reprendre un slogan publicitaire connu, « une chance au grattage, une chance au tirage ».

Cette hypothèse d’école, qui a pu trouver une illustration dans la réalité, participe de la perte sèche de 2 milliards d’euros de recettes fiscales pour l’État, perte liée à la mise en œuvre des articles 8 à 10 ; ce sont les articles de la loi TEPA à avoir trouvé une large application.

Cela a-t-il résolu la crise du logement ? Non !

Cela a-t-il permis la relance de l’activité économique, notamment dans le bâtiment ? Guère plus ! Il suffit de considérer le niveau des mises en chantier.

Ces mesures de préservation des patrimoines acquis ont donc eu un impact macro-économique négatif et ont participé à la crise, notamment en tarissant l’offre de logements anciens remis sur le marché de la vente comme de la location.

Mes chers collègues, utiliser 2 milliards d’euros d’argent public pour obtenir un tel résultat conduit tout de même à s’interroger !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission ne peut évidemment s’associer à cette initiative.

Les mesures de réduction des droits de mutation à titre gratuit prévues dans la loi TEPA sont plafonnées à un certain niveau et sont destinées à la classe moyenne et, plus particulièrement, au conjoint survivant. Prendriez-vous aujourd’hui la responsabilité de rétablir des droits de succession pour les conjoints survivants appartenant à la classe moyenne ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mme Goulet a une réaction tout à fait naturelle, car on ne peut imaginer une pareille extrémité.

Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. S’il est une mesure admise par tous les Français, approuvée, voire applaudie – il suffit d’aller dans une réunion, quelle que soit la nature des participants, pour s’en convaincre –, c’est vraiment celle-là.

En 2008, 100 % des époux ou pacsés survivants ont été exonérés des droits de successions ; il n’y a pas de plafond. En ce qui concerne les ascendants, 84 % d’entre eux ont été exonérés. Les chiffres sont de 94 % pour les enfants, de 76 % pour les petits-enfants et de 71 % pour les frères et sœurs. Pour les liens de parenté relativement éloignés –  les neveux, les nièces ou autres –, les abattements n’ont pas été revus et le taux se situe entre 9 % et 14 %.

C’est une mesure très utile de la loi TEPA, qui instaure un véritable équilibre fiscal. Nous devons poursuivre dans cette voie, comme les Français nous le demandent.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Cette mesure utile coûte 2 milliards d’euros !

Vous employez les mêmes arguments que ceux que vous aviez avancés lorsque nous avions présenté des amendements sur cette partie de la loi TEPA.

De la même manière que les petites entreprises sont des chevaux légers que l’on envoie se faire tailler en pièces pour mieux protéger la cavalerie lourde des plus grandes entreprises, les petites successions, déjà largement exonérées avant la loi TEPA, sont instrumentalisées pour mieux masquer les allégements considérables dont bénéficient, par la grâce du texte d’août 2007, les plus grosses successions.

Les choses sont encore plus « juteuses » pour les donations que l’on réalise de son vivant.

Vous n’avez pas contesté les exemples que j’ai cités ! La réalité est simple : la moyenne nationale n’est dépassée que dans la région d’Île-de-France, singulièrement à Paris, dans les Hauts-de-Seine et les Yvelines. Ce qui signifie que la mesure votée en août 2007 visait un électorat choisi et des patrimoines dont il est évident qu’ils sont concentrés dans certains départements bien précis du territoire national.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 73, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 14 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat est abrogé.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement revient sur l’une des mesures phare de la loi TEPA conduisant à mettre en œuvre un abattement plus significatif sur l’habitation principale des contribuables à l’ISF. En portant ce taux d’abattement de 20 % à 30 % de la valeur du bien, l’État renonçait alors à environ 150 millions d’euros de recettes fiscales.

Si nous rapprochons ce chiffre du nombre des contribuables de l’ISF – 568 000 personnes –, le gain moyen, pour ces derniers, s’élève à 250 euros par contribuable.

Les salariés ayant effectué des heures supplémentaires défiscalisées ont obtenu, quant à eux, un gain par heure de travail, en termes d’impôt sur le revenu, d’environ 30 centimes d’euro.

Parallèlement, le gain en termes d’impôt sur le revenu a souvent été atténué pour ces salariés, sinon absorbé par la réduction symétrique de la prime pour l’emploi.

La réduction de la valeur de l’habitation principale a été présentée, en 2007, comme une mesure nécessaire. Mme Lagarde l’a justifié ainsi : « L’enrichissement de nombreux contribuables est donc en grande partie dû à l’augmentation significative de leur patrimoine au titre de la résidence principale. Le nombre des redevables à l’ISF est ainsi passé de 179 000 en 1997 à 457 000 en 2006. »

On s’étonne encore, aujourd’hui, d’une telle sollicitude pour une catégorie toute particulière de contribuables, en l’occurrence ceux qui sont redevables de l’ISF.

Comme c’est la hausse de l’immobilier qui a motivé l’accroissement du taux de l’abattement, nous pourrions en conclure tout de suite que la baisse en cours du prix des logements, dans le neuf comme dans l’ancien, pourrait conduire à reconsidérer la situation, notamment au regard de l’aggravation des déficits publics.

Vous nous avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, que ce n’était pas le moment d’augmenter les impôts. Pourtant, s’il est une période où chacun doit véritablement participer à l’alimentation du budget de l’État selon ses capacités, c’est bien celle que nous vivons.

C’est pourquoi je vous invite à approuver cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Le relèvement du taux d’abattement à 30 % ayant résulté d’une initiative de la commission des finances du Sénat, je suis évidemment défavorable au retour au taux de 20 %.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Défavorable.

Mme Marie-France Beaufils. C’est un peu court !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes constants sur nos positions, tout comme vous !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 88, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini, Botrel, Raoul, Repentin et Guillaume, Mme Herviaux, MM. Muller, Patriat, Teston, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 3312-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune option ouvrant droit à la souscription d'actions au profit des mandataires sociaux ne peut être mise en place dans une entreprise lorsque cette entreprise aura été créée depuis plus de cinq ans. ».

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Cet amendement clôt la série des amendements concernant les parts variables.

Il vise à rappeler que, pour nous, les dispositifs tels que les stock-options doivent être limités aux entreprises en croissance. Il s’agit de revenir à l’esprit originel de la législation des années soixante-dix, laquelle a été dévoyée d’année en année, jusqu’à en arriver aux excès que nous connaissons aujourd'hui.

Nous proposons que seules les entreprises de moins de cinq ans puissent bénéficier des stock-options.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mme Bricq a rappelé la constance de ses positions en la matière. Bien entendu, la majorité de commission des finances fera preuve de la même constance.

Nous souhaitons éviter de jeter le bébé avec l’eau du bain et que des mécanismes utiles d’incitation à la performance ne soient interdits sous le prétexte de quelques comportements regrettables.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Mme Bricq l’a indiqué, pour les jeunes entreprises ou les entreprises en croissance, il y a les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise, les BSPCE.

Sur le plan purement stratégique, l’idée est de moraliser la distribution des stock-options. Je ne le répéterai pas, car j’imagine que nous aurons encore à en discuter demain, mais notre intention est d’élargir le champ de la distribution des stock-options …

Mme Nicole Bricq. Non ! Il faut augmenter les salaires !

M. Éric Woerth, ministre. … et non de le réduire, c’est-à-dire, au fond, de démocratiser celle-ci à l’intérieur de l’entreprise.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. L’un des arguments utilisé ces dernières semaines pour essayer d’expliquer la crise dans laquelle nous sommes entrés, et surtout la dégradation des comportements des dirigeants d’entreprise dans le monde, c’est le constat du « court-termisme », c'est-à-dire la prise de décisions stratégiques uniquement en fonction d’intérêts de rentabilité à court terme, en particulier pour essayer d’obtenir un gonflement des cours boursiers, le jeu des stock-options conduisant un certain nombre de dirigeants à rechercher ces gonflements accélérés.

Bien entendu, si notre amendement était adopté et que l’on revenait à l’esprit d’origine des stock-options, nous aurions la certitude que toute stratégie d’optimisation boursière et de « court-termisme » n’aurait plus court : chacun sait que les entreprises créées depuis moins de cinq ans n’entrent pas dans ce type de stratégie d’optimisation à court terme.

Il s’agit de mettre fin aux déviances qui ont été constatées dans l’utilisation excessive du dispositif des stock-options.

Les auteurs de cet amendement visent un double objectif, et il serait tout à fait heureux que nous puissions donner un signal en prenant une décision de ce type.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l’article 1er
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
Articles additionnels après l'article 1er

Article 1er

I. - Il est institué au titre de l'imposition des revenus de l'année 2008 un crédit d'impôt pour les contribuables personnes physiques, fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts, dont le revenu imposable par part servant de base au calcul de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux 1 et 2 du I de l'article 197 du même code est inférieur à 12 475 €. Le bénéfice du crédit d'impôt n'est pas ouvert aux contribuables imputant sur leur revenu global au titre de l'année 2008 un déficit foncier d'un montant supérieur à la limite mentionnée au sixième alinéa du 3° du I de l'article 156 du même code, des charges mentionnées au 1° ter du II du même article ou un déficit provenant de la location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés. Il n'est pas non plus ouvert aux contribuables dont le revenu fiscal de référence, au sens du 1° du IV de l'article 1417 du même code, divisé par le nombre de parts servant au calcul de l'impôt excède 12 475 € au titre de l'année 2008.

II. - Ce crédit d'impôt est égal :

1° Pour les contribuables dont le revenu net imposable par part n'excède pas 11 673 €, aux deux tiers de l'impôt calculé conformément aux 1 à 4 du I de l'article 197 du même code et, le cas échéant, à son article 197 C ;

2° Pour les contribuables dont le revenu net imposable par part est supérieur à la limite mentionnée au 1°, à un montant décroissant linéairement en fonction du revenu par part, égal au montant calculé conformément au 1° lorsque ce revenu est égal à cette limite et égal à zéro lorsque ce revenu atteint la limite mentionnée au I.

III. - Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur le revenu après imputation des réductions d'impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200 bis, 200 octies et 200 decies A du même code, puis des crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué.

IV. - En 2009, le second acompte prévu au 1 de l'article 1664 du même code ainsi que les prélèvements mensuels effectués à compter du mois de mai prévus à l'article 1681 B du même code ne sont pas dus par les contribuables dont le revenu imposable servant de base au calcul de l'impôt sur le revenu de 2007 dans les conditions prévues aux 1 et 2 du I de l'article 197 du même code est inférieur à 11 344 € par part.

V. - Le montant des acomptes prévus au 1 de l'article 1664 du même code et des prélèvements mensuels prévus à son article 1681 B sont déterminés, pour l'année 2010, sur la base de l'imposition établie au titre de l'année 2009, augmentée du crédit d'impôt prévu au I du présent article. Pour la détermination de la somme figurant au 1 de l'article 1664 du même code, le montant inscrit au rôle est augmenté du crédit d'impôt prévu au I du présent article.

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, mon intervention vaudra également pour la défense de l’amendement n° 69.

L’article 1er du projet de loi constitue la mesure la plus significative, du point de vue des salariés, en matière de pouvoir d’achat. Il s’agit, en effet, de dispenser un certain nombre de contribuables du paiement des deux derniers tiers provisionnels ou d’alléger le montant de ces deux tiers dans certaines limites.

On va remettre à environ 6 millions de foyers un crédit d’impôt dont le coût total est estimé à 1,1 milliard d’euros, ce qui représente moins de 200 euros pour les neuf mois restants de l’année, donc moins de 25 euros de pouvoir d’achat par mois.

On apprécie rapidement la portée remarquable de la mesure qui nous est proposée, surtout alors que nombre de salariés perdent, pour cause de chômage technique, 200 euros, 300 euros ou 400 euros de revenus mensuels.

Nous sommes intimement convaincus que les salariés auraient largement échangé ce crédit d’impôt de faible montant contre une revalorisation significative des salaires, à commencer par le SMIC.

Mme Annie David. Exactement !

M. Bernard Vera. Surtout au moment où, en dépit de la crise, les dividendes versés par les entreprises inscrites à la cote officielle de la Bourse de Paris n’ont pas connu de réduction très sensible, malgré la baisse des résultats comptables,…

Mme Annie David. Eux n’ont pas connu la crise !

M. Bernard Vera. …résultats dont nous découvrirons sans doute un jour qu’ils ont aussi été impactés par des provisions constituées en perspective de plans sociaux et de plans de suppression d’emploi.

Le schéma choisi par le Gouvernement comporte d’ailleurs des écueils importants.

Tout d’abord, il ne s’adresse nullement aux salariés les plus modestes, d’ores et déjà non imposables.

M. Bernard Vera. Mes chers collègues, nous vivons dans un pays où les salaires sont si bas que plus de 8,7 millions de salariés sont non imposables et que le nombre de ceux qui sont visés par l’article 1er ne constitue même pas la moitié de ceux s’acquittant d’une cotisation au titre de l’impôt sur le revenu.

De fait, le cœur de cible choisi par le Gouvernement, ce sont non pas les classes moyennes, sauf à considérer que le fait de gagner le SMIC suffit à en faire partie, mais les salariés modestes sans être trop pauvres, et trop modestes pour être moyens.

Nous souhaitons donc que le bénéfice éventuel de cet article 1er soit recentré sur les ménages effectivement concernés. Tel est le sens de l’amendement n° 69.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l'article.

M. Hervé Maurey. Je veux profiter de cet article pour évoquer les prélèvements fiscaux. C’est une question qui fait débat au sein même de la majorité ; on l’a vu à l’Assemblée nationale il y a une quinzaine de jours ; on le voit aujourd'hui au Sénat. Le président de la commission des finances et le rapporteur général ont rappelé leur attachement au « triptyque » : suppression du bouclier fiscal, suppression de l’ISF et augmentation de la tranche marginale d’imposition sur les revenus.

Cet après-midi, Yves Détraigne a proposé un amendement visant à sortir du bouclier fiscal les contributions dues au titre de la CSG et du RDS.

J’ai moi-même repris un amendement déposé à l’Assemblée nationale par des députés UMP et Nouveau Centre, qui vise à instaurer un prélèvement exceptionnel sur les très hauts revenus. Cet amendement a d’ailleurs été signé par les deux tiers du groupe de l’Union centriste et il s’inspire des mesures qui ont été prises aux États-Unis par le Président Barack Obama.

Personnellement, je suis favorable, dans son principe, au bouclier fiscal. Je considère qu’il est tout à fait légitime que les prélèvements fiscaux et sociaux soient plafonnés à un moment donné. Cependant, à circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles : en ce moment, demander plus à ceux qui le peuvent me paraît relever de la solidarité la plus élémentaire.

Le Président de la République a clairement dit qu’il n’avait pas été élu pour augmenter les impôts. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’avais été réticent, voilà quelques mois, s’agissant de la création d’une taxe de 1,1 % pour financer le RSA. Mais le Président de la République souhaitait également la réduction des déficits et de la dette publique, et non pas leur augmentation.

Il est bien évident que l’accroissement des déficits est imputable non pas au Gouvernement, mais à la crise économique exceptionnelle que nous connaissons.

Les seules économies dégagées par la nécessaire RGPP ne suffiront pas à réduire des déficits qui ont considérablement augmenté, passant de 54 milliards d’euros dans la loi de finances initiale pour 2009 à quelque 108 milliards dans le présent projet de loi de finances rectificative.

Nous ne pourrons pas échapper à ce débat. La question sera moins de savoir s’il faut accroître les prélèvements que de déterminer les prélèvements qui devront être majorés.

Il se fait un peu tard, j’en conviens, mais le moment est peut-être venu d’ouvrir ce débat.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. M. Maurey, dans un regard extrêmement lucide, attire à juste titre notre attention sur le niveau du déficit budgétaire.

Lorsque nous aurons achevé la discussion du présent projet de loi de finances rectificative, le déficit budgétaire s’élèvera à environ 104 milliards d’euros. La maîtrise de ce déficit doit être une préoccupation commune et nous devons tout mettre en œuvre pour qu’il diminue.

M. Maurey et ses collègues, avec courage et responsabilité, nous proposent d’instituer un prélèvement supplémentaire applicable aux contribuables qui disposent de revenus significatifs. Cette mesure est en effet de nature à améliorer le niveau des recettes fiscales. Toutefois, monsieur Maurey, deux observations méritent d’être prises en considération.

Tout d’abord, il est difficile de revenir, en cours d’année, sur les dispositions que nous avons votées en loi de finances initiale. Adopter les mesures que vous proposez reviendrait à instaurer un dispositif à effet rétroactif, ce qui n’est pas une bonne manière de légiférer.

Ensuite, ces dispositions viendraient percuter le bouclier fiscal. Or il est nécessaire d’avoir une fiscalité lisible, compréhensible. À cette fin, il faut la libérer des scories qui se sont accumulées au fil des années, du ravaudage que nous avons effectué exercice après exercice, qui rendent le code général des impôts difficilement compréhensible.

Comme Philippe Marini l’a rappelé à plusieurs reprises, de nombreux membres de la commission des finances considèrent que pour aller dans le sens d’une meilleure lisibilité, d’une clarté accrue, et finalement de la justice fiscale, il faut élaborer un triptyque dont un élément est l’abrogation du bouclier fiscal.

Ce bouclier fiscal, je l’ai critiqué ici même à plusieurs reprises. Si le principe est assez plaisant, sa mise en œuvre est extrêmement délicate, car le revenu pris en considération est non pas le revenu de référence, mais le revenu après déduction de sommes résultant de niches fiscales, de défiscalisation.

Nous nous sommes efforcés de porter remède à cette situation. Mais nous ne sommes pas parvenus à aller jusqu’au bout et notre législation reste très complexe.

Lorsqu’il faut augmenter l’impôt, le bouclier fiscal nous revient comme un boomerang et le débat politique est difficile.

La disparition du bouclier fiscal est donc un objectif justifié. Ce bouclier est le fruit amer d’un impôt de solidarité sur la fortune qui ne tient plus, mais qui reste tout à la fois l’un des grands tabous et l’une des spécificités de la fiscalité française. Tout cela est contestable.

La suppression du bouclier fiscal doit emporter abrogation de l’ISF et institution – nous nous rejoignons sur ce point – d’une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu pour compenser, et au-delà, la perte du produit de l’ISF.

Compte tenu des tendances boursières et de la dépréciation qui affecte nombre de propriétés immobilières, je gage que le produit de l’ISF, en 2009, risque fort d’être décevant, inférieur à nos prévisions.

Monsieur Maurey, le vrai rendez-vous viendra au moment de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2010. Dans ces conditions, j’ose vous suggérer de retirer votre amendement portant article additionnel après l’article 1er. Mieux vaudrait ne pas l’exposer à un vote sanction et le garder en l’état pour des discussions à venir.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Eric Woerth, ministre. Les exonérations et crédits d’impôt que propose le Gouvernement sont sur la place publique depuis déjà quelque temps et ils ont donné lieu à de nombreux débats. Les partenaires sociaux en ont discuté – et pourquoi ne le feraient-ils pas dans la période que nous connaissons ? – le 18 février, lors de la réunion à laquelle les avait conviés le Président de la République afin de tirer les conclusions de la manifestation du 29 janvier.

Les mesures que nous prenons sont très fortes. Elles permettent non pas à deux millions, mais à six millions de contribuables de « s’exonérer » de deux tiers provisionnels de l’impôt sur les revenus de 2008. Les six millions de foyers concernés sont répartis ainsi : deux millions de contribuables de la première tranche, deux millions de contribuables situés à la frange de la deuxième tranche – il s’agit d’éviter l’effet de seuil – et deux millions de personnes qui, bien que non imposées en raison d’une restitution d’impôt, au titre de la prime pour l’emploi par exemple, obtiendront une restitution plus importante.

Ces mesures, très fortes, je le répète, sont au cœur de ce collectif et nous pouvons en être fiers.

M. Maurey souhaite un relèvement temporaire de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu. Cette disposition est légitime et mérite d’être discutée. Elle est cohérente avec le dispositif qu’il propose. Pour autant, le Gouvernement ne souscrit pas à cette idée. Décider maintenant une augmentation de l’impôt, notamment de l’impôt sur le revenu, c’est certes envoyer un signal aux contribuables de la tranche à 40 %, mais c’est aussi, dans le temps, s’exposer à devoir tirer l’ensemble des tranches vers le haut. Au bout du compte, une augmentation en appelant une autre, nous risquons de déroger à l’idée que nous sommes parvenus à un équilibre en matière d’impôt sur le revenu.

Mme Nicole Bricq. Cet impôt n’est pas équilibré !

M. Éric Woerth, ministre. En fait, une telle augmentation a peu de chances d’être temporaire. Nous avons à maintes occasions pu vérifier que, en France, ce qui devait être temporaire ne l’était pas souvent.

Monsieur Maurey, même si, dans un esprit de justice sociale, vous visez les personnes les plus aisées, au fond, c’est le barème de toutes les tranches de l’impôt qui risque d’être relevé alors que, dans le présent collectif, nous diminuons l’impôt dû par les contribuables de la première tranche et par une partie de ceux de la deuxième tranche.

La justice fiscale – et la justice tout court – est un objectif que nous cherchons tous à atteindre. Mais nous devons agir avec cohérence. C’est pourquoi nous intervenons par des mesures ponctuelles, en nous appuyant notamment sur notre système social, qui est très développé, afin d’aider les personnes les plus défavorisées ou les plus exposées à la crise.

Comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, nous avons déjà donné des coups de pouce multiples à notre système social. Aujourd’hui, nous vous proposons des mesures complémentaires extrêmement ciblées, afin de permettre à nos concitoyens de s’en sortir.

Nous avons tenu sur le bouclier fiscal, car nous considérons qu’il y a un niveau confiscatoire de l’impôt qui incite des contribuables à quitter notre pays. Tout le monde sait que des gens s’installent à l’étranger pour des raisons purement fiscales. Mieux vaut tenter de les retenir, de garder leur richesse en France. Cet équilibre, nous avons su le maintenir.

Ces questions sont très importantes. Il s’agit de discussions fiscales de fond qui ont leur place non pas dans un collectif budgétaire, mais dans un projet de loi de finances.

Le débat que le Président de la République appelle de ses vœux sur le partage de la richesse rejoint vos préoccupations, monsieur Maurey. C’est notamment le cas de la répartition des profits dans les entreprises entre les actionnaires et les salariés. En fait, tout tourne autour de cela : les rémunérations, la participation des plus aisés à la vie sociale, à la cohésion sociale de la nation.

Ce débat, que nous souhaitons tous, s’inscrit dans la droite ligne des opinions légitimes que vous avez exprimées.

M. le président. L'amendement n° 69, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du III de cet article, après la référence :

199 quater B

insérer les références :

à 199 septies, 199 quindecies

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Les craintes selon lesquelles des foyers à revenus élevés pourraient bénéficier du dispositif me semblent avoir été levées par deux amendements adoptés par l’Assemblée nationale.

Le premier exclut de l’imputation sur le revenu global de 2008 les déficits fonciers issus des régimes spécifiques dits « Malraux », « meublés professionnels » et « monuments historiques ».

Le second fixe le plafond de l’ouverture du droit au crédit d’impôt exceptionnel sur la base du revenu fiscal de référence, afin de prendre en compte les revenus soumis à prélèvement libératoire ou issus des plus-values mobilières.

Pour ces motifs et pour des raisons de faisabilité pratique, il ne paraît pas utile de distinguer les types de réduction d’impôt à imputer avant ou après le crédit d’impôt exceptionnel.

La commission souhaite donc le retrait de cet amendement qui lui semble, dans son intention, être largement satisfait par les deux amendements adoptés par l’Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. J’ai entendu les remarques de M. le président de la commission et de M. le ministre et je prends acte du fait que le débat que j’appelle de mes vœux aura lieu à l’automne.

Dans ces conditions, je retire mon amendement n° 7 rectifié bis, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 7 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
Article 2

Articles additionnels après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 92, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. -L'article 39 quaterdecies du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après le 1 quater il est inséré un 1 quinquies ainsi rédigé :

« 1 quinquies. Sous réserve des dispositions de l'article 216 A, le profit constaté à l'occasion du rachat d'une créance dont l'échéance intervient avant le 31 décembre 2012 par son débiteur auprès d'un établissement de crédit pour un prix inférieur à son montant nominal peut être réparti, lorsque le montant total des créances rachetées bénéficiant des présentes dispositions n'excède pas le résultat mentionné au b du 1 du II de l'article 212 et pour la partie du profit excédant celui lié à l'actualisation de la créance au taux mentionné au 3° du 1 de l'article 39, par fractions égales, sur huit exercices à compter du second exercice suivant celui au cours duquel intervient le rachat. La fraction du profit pris en compte dans le résultat imposable est majorée d'un montant égal au produit de cette fraction par le taux de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727.

« L'alinéa précédent ne s'applique pas aux rachats et abandons de créances dont le débiteur et le créancier ont la qualité d'entreprises liées au sens du 12 de l'article 39. Toutefois, dans ce cas, lorsque la créance a été acquise par le créancier auprès d'une personne à laquelle elle n'est pas liée au sens du 12 de l'article 39, le premier et le second alinéa restent applicables à concurrence de la fraction du profit constaté par le débiteur qui n'excède pas la différence entre la valeur nominale de la créance et son prix d'acquisition par le créancier. »

2° Dans le premier alinéa du 2, après les mots : « plus-values », sont insérés les mots : « ou les profits, majorés dans les conditions du 1 quinquies, », et le mot : « rapportées » est remplacé par le mot : « rapportés ».

II. - Les dispositions du I sont applicables aux rachats de créances intervenus entre l'entrée en vigueur de la présente loi et le 31 décembre 2010.

III. Les pertes de recettes résultant pour l'État du 1° du I sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement constitue une mesure supplémentaire d’assainissement financier et tend à permettre la relance. Il vise à instaurer un mécanisme temporaire favorable aux opérations de rachat de créances bancaires par des entreprises débitrices afin d’améliorer leur situation financière dans le contexte économique actuel.

Ce dispositif, applicable jusqu’au 31 décembre 2010, prévoit la possibilité d’étaler sur huit ans l’imposition du profit résultant du rachat à un prix décoté, par une entreprise débitrice auprès d’un établissement de crédit, de créances dont l’échéance interviendrait avant le 31 décembre 2012.

En pratique, ce rachat de gré à gré de créances déjà décotées, susceptible de concerner de nombreuses grandes entreprises, pourrait être réalisé par augmentation de capital. Afin de limiter la perte actuarielle liée au rachat de la créance avant échéance, la faculté d’étalement devrait porter intérêt : il est proposé d’appliquer le taux de l’intérêt légal de retard.

Le dispositif ne s’appliquerait naturellement pas lorsque créanciers et débiteurs seraient des entreprises liées.

À mon sens, ce système présenterait un double avantage : la banque créancière recevrait des liquidités et pourrait imputer une perte comptable sur son bénéfice imposable ; le rachat de créance permettrait au débiteur d’assainir son bilan.

Pour l’État, la mesure représente simplement un coût en trésorerie et, au terme de l’étalement, l’opération serait complètement neutre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le rapporteur général, le Gouvernement vous remercie de cette proposition. Nous l’approuvons, car elle s’inscrit dans le cadre des actions déjà engagées pour améliorer le financement des entreprises.

En revanche, s’agissant du taux d’intérêt, et puisque l’État refinance actuellement les entreprises françaises en appliquant un taux à hauteur de 9 %, il me paraîtrait plus pertinent de prévoir que le profit qui sera pris en compte dans les résultats imposables ultérieurement des entreprises qui rachètent aujourd’hui leurs créances sera majoré non pas d’un intérêt au taux légal de 4,8 %, mais d’un intérêt proche de 9%.

C’est la raison pour laquelle je vous propose de remplacer la dernière phrase du premier alinéa de l’article 1 quinquies par une phrase ainsi rédigée : « La fraction du profit pris en compte dans le résultat imposable est majorée d'un montant égal au produit de cette fraction par deux fois le taux de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 ».

Si vous acceptez de rectifier votre amendement dans ce sens, monsieur le rapporteur général, je lève le gage.

M. Philippe Marini, rapporteur général. J’accepte la rectification !

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 92 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :

Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. -L'article 39 quaterdecies du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après le 1 quater il est inséré un 1 quinquies ainsi rédigé :

« 1 quinquies. Sous réserve des dispositions de l'article 216 A, le profit constaté à l'occasion du rachat d'une créance dont l'échéance intervient avant le 31 décembre 2012 par son débiteur auprès d'un établissement de crédit pour un prix inférieur à son montant nominal peut être réparti, lorsque le montant total des créances rachetées bénéficiant des présentes dispositions n'excède pas le résultat mentionné au b du 1 du II de l'article 212 et pour la partie du profit excédant celui lié à l'actualisation de la créance au taux mentionné au 3° du 1 de l'article 39, par fractions égales, sur huit exercices à compter du second exercice suivant celui au cours duquel intervient le rachat. La fraction du profit pris en compte dans le résultat imposable est majorée d'un montant égal au produit de cette fraction par deux fois le taux de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727.

« L'alinéa précédent ne s'applique pas aux rachats et abandons de créances dont le débiteur et le créancier ont la qualité d'entreprises liées au sens du 12 de l'article 39. Toutefois, dans ce cas, lorsque la créance a été acquise par le créancier auprès d'une personne à laquelle elle n'est pas liée au sens du 12 de l'article 39, le premier et le second alinéa restent applicables à concurrence de la fraction du profit constaté par le débiteur qui n'excède pas la différence entre la valeur nominale de la créance et son prix d'acquisition par le créancier. »

2° Dans le premier alinéa du 2, après les mots : « plus-values », sont insérés les mots : « ou les profits, majorés dans les conditions du 1 quinquies, », et le mot : « rapportées » est remplacé par le mot : « rapportés ».

II. - Les dispositions du I sont applicables aux rachats de créances intervenus entre l'entrée en vigueur de la présente loi et le 31 décembre 2010.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement appelle quelques observations.

Nous voici une fois encore, comme souvent lorsqu’il s’agit d’un texte de nature budgétaire, face à un amendement pour le moins important, même si l’on nous dit qu’il n’aura aucune incidence sur le budget général et seulement un coût en trésorerie. D’ailleurs, le fait que M. le ministre lève le gage prouve bien que cette mesure n’est pas neutre…

Cet amendement, qui a été présenté en commission ce matin, aurait probablement mérité une plus longue expertise. Aussi, je me permettrai de soulever quelques questions.

Quelles créances vise-t-il ? Des créances immobilières de sociétés foncières, déjà largement secourues à la suite des multiples interventions mises en œuvre par d’autres amendements dits « techniques » ?

Quel est le montant de créances douteuses qui pourront ainsi, en quelque sorte, être portées par l’État au travers de ses frais de trésorerie ?

Il s’agit, nous semble-t-il, d’un amendement de circonstance, et nous pourrions nous interroger sur le secteur d’activité concerné.

Nous pouvons aussi nous demander s’il est bienvenu que l’État supporte le déficit imputable aux choix de gestion de sociétés privées dont on ne sait pas encore très bien, selon les éléments à notre disposition, qui elles sont précisément.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vais essayer de répondre aux questions de Mme Beaufils.

De quelles créances s’agit-il ? Ce sont des créances bancaires, c’est-à-dire un financement provenant d’établissements de crédit.

Quel est le montant de ces créances, qui seraient douteuses ? Ce ne sont pas des créances douteuses, puisqu’elles sont normalement remboursées par le débiteur et que celui-ci a la capacité financière de les racheter, même décotées.

Pourquoi les rachète-t-il ? Parce que, vous le savez, le marché des titres de créances bancaires étant aujourd’hui bloqué et ne fonctionnant plus, la valeur de ces créances est difficile à estimer. Par un accord de gré à gré entre le débiteur et le créancier, ce dernier, qui recherche des liquidités, est prêt à accepter une décote sur la valeur en capital de la créance.

Donc, la société débitrice rachètera la créance à hauteur de 80% ou de 90 % de sa valeur capitalisée nominale, et l’établissement bancaire bénéficiera non pas de 100 %, mais de 80 % ou 90 % du prix. Ce dernier sera constitutif d’une perte qui figurera dans ses écritures, mais la banque recevra des liquidités à un moment où elle en a sans doute particulièrement besoin, car elle n’est plus en mesure, du fait de la défaillance du marché, de céder ces créances à d’autres banques ou à d’autres opérateurs de marché.

Vous m’interrogez sur l’effort de l’État. Je vous l’ai dit, le coût en trésorerie, au terme de cette séquence d’opérations, c’est-à-dire après huit ans, est, au pire, neutre. Au départ, l’opération peut représenter un coût pour l’État, mais avec le taux d’intérêt qui vient d’être relevé à 9,6 % et qui s’appliquera pendant huit ans sur la fraction de la créance, ce n’est pas une si mauvaise affaire pour l’État… Avec un taux de 4,8 %, on pouvait parler d’opérations neutres. À 9,6 %, celles-ci pourraient se traduire, je l’espère, par un résultat positif cumulé pour le budget de l’État.

Quels secteurs d’activité veut-on aider ? Tous les secteurs ! Ce qui permettra de déclencher de telles opérations, c’est la relation entre le débiteur et le créancier. Mais il faudra que l’entreprise qui procède au rachat ait la capacité financière de le faire.

Tels sont, madame Beaufils, les quelques éléments que je peux porter à votre connaissance. J’espère vous avoir persuadée du caractère tout à fait utile et vertueux de ce dispositif.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 1er.

L'amendement n° 87, présenté par M. Cornu et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après l'article 39 octodecies du code général des impôts, il est inséré un article 39 novodecies ainsi rédigé :

« Art. 39 novodecies. - Lorsqu'une entreprise cède un immeuble à une société de crédit-bail dont elle retrouve immédiatement la jouissance en vertu d'un contrat de crédit-bail, le montant de la plus-value de cession de cet immeuble peut être réparti par parts égales sur les exercices clos pendant la durée du contrat de crédit-bail sans excéder quinze ans. Toutefois, lorsque l'immeuble est acquis par l'entreprise ou que le contrat de crédit-bail est résilié, le solde est imposé immédiatement. »

II. - Les dispositions du I s'appliquent aux cessions d'immeubles réalisées à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

III. - La perte de recettes résultant pour l'État des I et II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Cet amendement a pour objet de favoriser le refinancement des entreprises. Il est proposé d'étaler l'imposition de la plus-value dégagée lors d'une opération de cession-bail d'immeuble, sans excéder quinze ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce dispositif nous paraît tout à fait utile, car il incite des entreprises à céder des immeubles tout en en conservant la jouissance et tend donc à faciliter leur refinancement.

Cette mesure a un coût immédiat en trésorerie pour l’État, puisque la plus-value de cession de l’immeuble n’est pas intégralement imposée, mais le solde budgétaire paraît neutre sur la durée totale d’amortissement du bien. Le schéma est, mutatis mutandis, assez similaire à celui du cas de figure précédent.

L’étalement de l’imposition sur la durée d’amortissement est également un facteur de neutralité économique.

Il serait souhaitable de retenir la modification que nous avons évoquée ce matin en commission et de borner le dispositif dans le temps. Celui-ci a vocation, me semble-t-il, à s’appliquer dans des circonstances exceptionnelles ou de crise. Il conviendrait donc de limiter l’application du dispositif au 31 décembre 2010, ce qui serait cohérent avec ce que nous venons d’adopter dans l’article précédent.

Mon cher collègue, si vous étiez d’accord pour modifier votre amendement dans ce sens, la commission y serait tout à fait favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Nous sommes favorables à la proposition de M. Cornu. Mais nous sommes d’accord avec M. le rapporteur général pour borner dans le temps ce mécanisme dérogatoire au principe de la plus-value, qui devrait permettre aux entreprises détenant de l’immobilier de le céder et de le faire revenir par la procédure de lease-back, donc d’obtenir des fonds supplémentaires pour surmonter la crise. Elles n’auraient pas eu besoin de le faire en temps normal.

Cette mesure de trésorerie permettrait de bénéficier d’un étalement de la plus-value sur quinze ans au maximum. Mais nous souhaitons la limiter dans le temps.

À cette condition, le Gouvernement est favorable à l’amendement, et il lève le gage.

M. le président. Monsieur César, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le rapporteur général et M. le ministre ?

M. Gérard César. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 87 rectifié, présenté par M. Cornu et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, et ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après l'article 39 octodecies du code général des impôts, il est inséré un article 39 novodecies ainsi rédigé :

« Art. 39 novodecies. - Lorsqu'une entreprise cède un immeuble à une société de crédit-bail dont elle retrouve immédiatement la jouissance en vertu d'un contrat de crédit-bail, le montant de la plus-value de cession de cet immeuble peut être réparti par parts égales sur les exercices clos pendant la durée du contrat de crédit-bail sans excéder quinze ans. Toutefois, lorsque l'immeuble est acquis par l'entreprise ou que le contrat de crédit-bail est résilié, le solde est imposé immédiatement. »

II. - Les dispositions du I s'appliquent aux cessions d'immeubles réalisées à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi jusqu'au 31 décembre 2010.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 1er.

L'amendement no 18, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 2 de l'article 200 A du code général des impôts, le pourcentage : « 18 % » est remplacé par le pourcentage : « 20 % ».

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. L’amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Au demeurant, nous avons déjà débattu de cette disposition jeudi dernier dans le cadre de l’examen de la proposition de loi du groupe CRC-SPG. La commission n’y est pas favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement no 7 rectifié bis, présenté par MM. Maurey, Amoudry, Biwer, Deneux, Détraigne, Dubois et J.-L. Dupont, Mmes Férat, N. Goulet et Gourault, M. Merceron, Mme Morin-Desailly et MM. Soulage, Zocchetto, About, Fauchon, Kergueris et Vanlerenberghe, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L'article 204 bis du code général des impôts est ainsi rétabli :

« Art. 204 bis. – La fraction excédant 69 505 euros du revenu imposable par part servant de base au calcul de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues par le 1  du I de l'article 197 fait l'objet d'une contribution exceptionnelle au taux de 5 %.

« Cette contribution est établie, liquidée et recouvrée dans les mêmes conditions et sous les mêmes garanties et sanctions que l'impôt sur le revenu dû au titre des revenus de la même année. »

II. – Les dispositions du I sont applicables au titre de l'imposition des revenus de 2008 et 2009.

Cet amendement a été retiré.

L'amendement no 27, présenté par MM. Leroy et César, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Par dérogation aux dispositions de l'article 885 E du code général des impôts, les propriétés en nature de bois et forêts touchées par la tempête du 24 janvier 2009 et les parts de groupements forestiers, propriétaires de bois et forêts touchés par ladite tempête, sont évaluées, au titre de l'année 2009, d'après leur valeur vénale postérieure à cette tempête.

II. – La perte de recettes résultant pour l'État des dispositions prévues au I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Notre proposition s’inscrit dans la suite du débat que nous avons eu cet après-midi avec Mme le ministre de l'économie et M. le ministre du budget sur les conséquences de la tempête Klaus.

Exceptionnellement, pour l'année 2009, le présent amendement vise à retenir, pour les bois et forêts et parts de groupements forestiers propriétaires de bois et forêts touchés par la tempête du 24 janvier 2009, leur valeur vénale postérieure à cette tempête.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission s’en remet à l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Henri de Raincourt. Certainement favorable !

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le sénateur, le Gouvernement n’est pas vraiment favorable à votre proposition, et j’imagine votre déception.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Pas vraiment ou vraiment pas ?

M. Éric Woerth, ministre. « Pas vraiment », dans un langage plus direct, cela signifie « vraiment pas ». (Sourires.) Une telle mesure susciterait en effet de nombreuses demandes reconventionnelles qui seraient également dignes d’intérêt. Elle pourrait aussi concerner les transmissions à titre gratuit par décès lorsque l’actif perd de sa valeur entre le fait générateur et le jour de la liquidation des droits de succession. De très nombreuses raisons pourraient donc conduire à en étendre le champ d’application.

Admettre la prise en compte de cette dépréciation aboutirait à en faire supporter le coût par le Trésor. Vous m’accorderez que, si l’on considère que le Trésor doit supporter la dépréciation des actifs en cours lors de l’année d’imposition, il conviendrait, par symétrie, de l’associer aux éventuelles hausses de valeur.

M. Henri de Raincourt. Elles sont beaucoup plus rares !

M. Éric Woerth, ministre. De plus, il faudrait que cela soit vrai pour l’ensemble des biens.

Je rappelle que les propriétaires de bois et forêts bénéficient d’ores et déjà d’un régime favorable en matière d’impôt de solidarité sur la fortune, le régime dit « Monichon ». En effet, lorsque les bois et forêts ou les parts de groupements forestiers peuvent être considérés comme des biens professionnels par leur propriétaire, ils ne sont pas pris en compte dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune ; dans le cas contraire, ils peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’une exonération partielle, à hauteur de 75 % de leur valeur, en matière tant de droits de mutation à titre gratuit que d’ISF.

Il est bien évident, monsieur le sénateur, que votre département a été très fortement touché par la tempête Klaus, et l’État contribue à essayer de panser les plaies. Je précise que, pour prendre en compte les dégâts liés à cette tempête, mes services, en concertation avec ceux du ministère de l’agriculture, préparent une circulaire pour que les régimes d’exonération partielle d’ISF et de droits de mutation à titre gratuit ne soient pas remis en cause, sous certaines conditions, quand bien même l’engagement d’exploitation normale n’est pas respecté. En d’autres termes, ces régimes continuent de s’appliquer alors que, du fait de la tempête, l’exploitation forestière s’est arrêtée.

Nous ne pouvons décemment pas aller plus loin. C’est pourquoi nous ne sommes pas favorables à cet amendement, dont nous souhaitons le retrait.

M. le président. Je constate, monsieur le ministre, que vous devenez normand : « pas vraiment » signifie « vraiment pas »… (Sourires.)

Monsieur César, l'amendement no 27 est-il maintenu ?

M. Gérard César. J’ai bien noté que M. le rapporteur général s’en remettait à l’avis du Gouvernement.

Le Gouvernement a annoncé qu’une circulaire prendrait en compte le cas des propriétaires forestiers et des parts de groupements forestiers touchés par cette forte tempête, de façon que les biens concernés soient exonérés d’ISF : il ne serait pas normal d’acquitter l’ISF sur un bien qui, à cause d’une tempête, ne procure plus de revenu !

M. Philippe Marini, rapporteur général. On ne peut pas taxer les gens sur une forêt qui n’existe plus !

M. Gérard César. Aussi, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement no 27 est retiré.

Articles additionnels après l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
Article additionnel après l'article 2 (début)

Article 2

Est autorisée, au-delà de l'entrée en vigueur de la présente loi, la perception des rémunérations de services instituées par le décret no 2009-151 du 10 février 2009 relatif à la rémunération de certains services rendus par l'État consistant en une valorisation de son patrimoine immatériel. – (Adopté.)

Article 2
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
Article additionnel après l'article 2 (interruption de la discussion)

Article additionnel après l'article 2

M. le président. L'amendement no 40, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini, Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le c du 4° du 1 de l'article 207 du code général des impôts, il est inséré un d ainsi rédigé :

« d. les produits issus de la cession de certificats d'économie d'énergie visés à l'article 15 de la loi no 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique lorsqu'ils ont été obtenus suite à des actions permettant la réalisation d'économie d'énergie dans les ensembles d'habitation mentionnés à l'article L. 411-2 du même code. »

II. – Le I s'applique à compter de l'imposition des bénéfices de l'année 2008.

III. – La perte de recettes pour l'État résultant de l'exonération d'impôt sur les sociétés sur les produits issus de la cession, par les organismes d'habitation à loyer modéré, les sociétés d'économie mixte et les sociétés anonymes de coordination entre les organismes d'habitation à loyer modéré, de certificats d'économie d'énergie, est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Cet amendement vise à exonérer d'impôt sur les sociétés les organismes d'habitations à loyer modéré pour le produit de la cession des certificats d'économie d'énergie qu'ils ont pu obtenir à la suite de la réalisation de travaux d'économies d'énergie dans leurs logements.

La loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, dite « loi POPE », a mis en place le système des certificats d’économie d’énergie afin de favoriser les économies d’énergie par les fournisseurs d’énergie. Ces derniers sont donc soumis à des obligations d’économies d’énergie dont ils peuvent se libérer soit en réalisant directement ou indirectement des économies d’énergie, soit en achetant des certificats d’économie d’énergie.

La loi POPE a également permis à des personnes morales autres que les fournisseurs d’énergie d’acquérir de tels certificats lorsque leurs actions permettent la réalisation d’économies d’énergie. À ce titre, les organismes d’HLM ont mis en place une politique volontariste d’économies d’énergie en réalisant d’importants travaux de réhabilitation dans les logements dont ils ont la charge.

Le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, actuellement en navette, a fixé des objectifs ambitieux d’économies d’énergie dans le secteur du bâtiment. Son article 3 dispose : « Le secteur du bâtiment, qui consomme plus de 40 % de l'énergie finale et contribue pour près du quart aux émissions nationales de gaz à effet de serre, représente le principal gisement d'économies d'énergie exploitable immédiatement ».

L’État s’est fixé comme objectif la rénovation de l’ensemble du parc de logements sociaux, soit 800 000 logements, avant 2020. Par conséquent, il paraît indispensable d’encourager les organismes d’HLM à réaliser de telles économies d’énergie et à favoriser les énergies renouvelables. Ce sujet est d’autant plus important que les économies réalisées profitent directement aux locataires, qui voient ainsi leurs charges locatives diminuer.

Néanmoins, ces travaux de réhabilitation nécessitent la mobilisation, dans les années à venir, d’importants moyens financiers. Sur ce point, il n’est pas sûr que le Gouvernement ait totalement pris conscience de la question puisqu’il s’entête à réintégrer dans ce texte le prélèvement sur les ressources financières des organismes d’HLM. De quelle trésorerie ceux-ci disposeront-ils lorsqu’ils devront réaliser les travaux de rénovation ? Mais nous en reparlerons en temps voulu, lorsque nous examinerons l’article 9.

Je l’indiquais, tous les moyens financiers doivent être mobilisés. La vente des certificats d’économie d’énergie peut être une source d’apport financier et un juste retour des efforts fournis.

Nous ne sommes pas sans connaître la volonté du Gouvernement de supprimer dans le projet de loi Grenelle II, annoncé pour l’automne, la possibilité pour les organismes d’HLM de recourir à ces certificats d’économie d’énergie. Une telle suppression pourrait entraîner la soumission des organismes d’HLM aux fournisseurs d’énergie et ainsi les priver ou les décourager de toute initiative en faveur des économies d’énergies.

Puisque cet outil existe, il nous semble souhaitable de permettre son développement afin que les organismes d’HLM puissent pleinement s’en saisir.

Par conséquent, afin d’encourager les travaux et les économies d’énergie, notre amendement a pour objet d’exonérer d’impôt sur les sociétés le produit des cessions de ces certificats par les organismes d’HLM.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous abordons, à cette heure déjà assez tardive, un problème complexe mais réel.

J’ai le sentiment que la proposition de M. Todeschini s’oppose par avance à une disposition figurant dans le projet de loi Grenelle II, projet déposé sur le bureau du Sénat le 12 janvier dernier, plus exactement en son article 27, qui porte réforme du régime des certificats d’économie d’énergie.

Selon ce projet de texte, issu sans doute des concertations nécessaires – du moins allons-nous le supposer –, l’octroi de certificats d’économie d’énergie serait restreint aux seuls fournisseurs d’énergie et aux collectivités publiques pour les seules actions réalisées sur leur patrimoine propre.

Dès lors serait supprimée la possibilité ouverte aux bailleurs sociaux de se voir octroyer des certificats d’économie d’énergie. En contrepartie, ils seraient encouragés à conclure des partenariats avec les fournisseurs d’énergie.

Vous nous objectez, mon cher collègue, que cela aurait pour effet de placer les bailleurs sociaux sous la dépendance économique des fournisseurs d’énergie. Quelles seraient les contreparties susceptibles d’être négociées avec les fournisseurs d’énergie ? Quel est l’intéressement dont les bailleurs sociaux pourraient bénéficier pour poursuivre des politiques d’économies d’énergie et en répercuter les effets favorables sur leurs locataires ? Ce sont manifestement des questions auxquelles il faudra répondre, car il y a des arbitrages à faire et, comme c’est souvent le cas dans le domaine de l’économie et de l’environnement, il convient d’être extrêmement attentif aux priorités que l’on souhaite conjuguer.

D’après les informations issues du grand ministère de Jean-Louis Borloo, la restriction envisagée dans le projet d’article 27 aurait un double objet : d’une part, elle viserait à réduire le nombre de titulaires potentiels de certificats pour simplifier la gestion administrative du système et se prémunir contre les risques de double comptage des mêmes économies d’énergie ; d’autre part, elle tendrait à éviter que certains bailleurs sociaux, comme c’est le cas actuellement, n’accumulent des certificats sans parvenir à les revendre à des fournisseurs soumis à obligation.

Je vous confesse, mes chers collègues, que je ne dispose d’aucune compétence technique en la matière et qu’il m’est vraiment difficile de me forger une conviction sur la thèse que vous défendez ou sur celle qui figure dans le projet d’article 27.

Cela étant, il est probablement plus sage de ne pas voter aujourd’hui cet amendement et de renvoyer la mesure à un débat plus général et sans doute mieux documenté, dans le cadre de l’examen du projet de loi dit « Grenelle II ». C’est pour cette raison, mon cher collègue, que je vous suggère de retirer l’amendement.

Encore une fois, ce n’est pas un avis nécessairement défavorable sur le fond, c’est un manque d’expertise : nous ne sommes probablement pas dans le bon contexte pour connaître toutes les implications de cette disposition.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Après les explications très détaillées du rapporteur général, j’ajouterai peu de chose, ne serait-ce que parce que je n’ai pas sa connaissance du sujet.

J’observe néanmoins que les organismes d’HLM sont assujettis à l’impôt sur les sociétés pour tout ce qui ne relève pas du volet social. L’activité visée étant de nature commerciale, je ne vois pas pourquoi elle ne serait pas soumise à l’impôt sur les sociétés.

En conséquence, nous ne sommes pas favorables à cet amendement.

M. le président. Monsieur Todeschini, l'amendement no 40 est-il maintenu ?

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, je m’apprêtais à suivre le conseil du rapporteur général et à retirer l’amendement. Cependant, la réponse apportée par M. le ministre n’est pas du tout la même : alors que le rapporteur général proposait de remettre la discussion, ce à quoi nous étions tout à fait disposés, M. le ministre en fait une question de principe.

Aussi, je maintiens l’amendement, quitte à devoir le présenter une nouvelle fois par la suite.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 40.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article additionnel après l'article 2 (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
Discussion générale

5

Dépôt de propositions de loi

M. le président. J’ai reçu de M. Richard Yung, Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Claudine Lepage, Michèle André, MM. Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Mme Maryvonne Blondin, M. Yannick Bodin, Mmes Bernadette Bourzai, Nicole Bricq, Claire-Lise Campion, Jacqueline Chevé, MM. Pierre-Yves Collombat, Roland Courteau, Jean-Pierre Demerliat, Mme Christiane Demontès, M. Claude Domeizel, Mme Josette Durrieu, MM. Didier Guillaume, Claude Haut, Mme Odette Herviaux, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Roger Madec, François Marc, Jean-Marc Pastor, Bernard Piras, Mme Gisèle Printz, MM. Daniel Raoul, Daniel Reiner, Roland Ries, Mmes Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, MM. Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, M. Jean-Marc Todeschini et les membres groupe socialiste et apparentés, une proposition de loi tendant à élargir le collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 308, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J’ai reçu de Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Michèle André, MM. Alain Anziani, Jean Besson, Mme Maryvonne Blondin, MM. Yannick Bodin, Didier Boulaud, Mme Bernadette Bourzai, M. Michel Boutant, Mme Claire-Lise Campion, M. Yves Chastan, Mme Jacqueline Chevé, MM. Pierre-Yves Collombat, Roland Courteau, Yves Dauge, Mme Christiane Demontès, M. Claude Domeizel, Mme Josette Durrieu, MM. Jean-Luc Fichet, Charles Gautier, Didier Guillaume, Claude Jeannerot, Yves Krattinger, Serge Lagauche, Serge Larcher, Mme Claudine Lepage, MM. François Marc, Jean Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Jean-Pierre Michel, Jean-Jacques Mirassou, Bernard Piras, Mme Gisèle Printz, MM. Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Roland Ries, Mmes Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, MM. Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, Richard Tuheiava, Jean-Marc Todeschini, André Vantomme, Richard Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, une proposition de loi visant à accorder la nationalité française aux pupilles de la nation.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 309, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

6

Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre les textes suivants, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

– Projet de position commune modifiant la position commune 2006/276/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certains fonctionnaires de Biélorussie et abrogeant la position commune 2008/844/PESC ; ce texte sera imprimé et distribué sous le no E-4382 ;

– Proposition de règlement du Conseil clarifiant le champ d’application des droits antidumping définitifs institués par le règlement (CE) no 85/2006 du Conseil sur les importations de saumon d’élevage originaire de Norvège ; ce texte sera imprimé et distribué sous le no E-4383 ;

– Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté européenne, à l’application provisoire et à la conclusion de l’Accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse relatif à la facilitation des contrôles et des formalités lors du transport des marchandises ainsi qu’aux mesures douanières de sécurité ; ce texte sera imprimé et distribué sous le no E-4384 ;

– Proposition de décision du Conseil prorogeant la période d’application des mesures prévues par la décision 2002/148/CE portant conclusion des consultations engagées avec le Zimbabwe en application de l’article 96 de l’accord de partenariat ACP-CE ; ce texte sera imprimé et distribué sous le no E-4385 ;

– Recommandation de la Commission au Conseil visant à autoriser la Commission à ouvrir des négociations concernant un accord de coopération scientifique et technologique entre la Communauté européenne et les îles Féroé ; ce texte sera imprimé et distribué sous le no E-4386 ;

– Proposition de décision du Conseil définissant la position à adopter, au nom de la Communauté, au Conseil international des céréales en ce qui concerne la prorogation de la convention sur le commerce des céréales de 1995 ; ce texte sera imprimé et distribué sous le no E-4387 ;

– Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1321/2004 sur les structures de gestion des programmes européens de radionavigation par satellite ; ce texte sera imprimé et distribué sous le no E-4388.

– Décision du Conseil portant nomination d’un membre titulaire du Comité consultatif pour la libre circulation des travailleurs ; ce texte sera imprimé et distribué sous le no E-4389 ;

– Décision de la Commission du 23/01/2009 modifiant les décisions 2006/861/CE et 2006/920/CE relatives aux spécifications techniques d’interopérabilité concernant des sous-systèmes du système ferroviaire transeuropéen conventionnel ; ce texte sera imprimé et distribué sous le no E-4390 ;

– Décision du Conseil portant nomination et remplacement de membres du conseil de direction du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle ; ce texte sera imprimé et distribué sous le no E-4391.

7

Dépôt d'un rapport

M. le président. J’ai reçu un rapport déposé par M. Jean-Claude Etienne, Premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur « les lignes à haute et très haute tension : quels impacts sur la santé et l’environnement ? » (compte rendu de l’audition publique du 29 janvier 2009), établi par M. Daniel Raoul, sénateur, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Le rapport sera imprimé sous le no 307 et distribué.

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 1er avril 2009, à quinze heures et le soir :

– Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2009 (no 297, 2008-2009).

Rapport de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation (no 306, 2008-2009).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 1er avril 2009, à zéro heure trente.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD