Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’amendement que j’ai présenté sur cet article vise à aménager la législation en vigueur concernant l’ouverture dominicale des commerces.
Entendons-nous bien, il ne s’agit nullement de généraliser cette dernière, et il ne s’agit pas d’un amendement téléguidé, madame Terrade !
Pour l’élu de Paris que je suis, cet amendement revêt une importance particulière. Paris a deux activités économiques principales, le tourisme et les banques, qui sont actuellement en difficulté. Le nombre de touristes a chuté de l00 000 au mois de novembre 2008 par rapport à la même période de 2007. Si les touristes étrangers sont attirés par Paris pour son patrimoine culturel exceptionnel, ils y pratiquent aussi, et de plus en plus, un tourisme de shopping, qui devient désormais la première activité touristique de la capitale.
Ainsi, 60 % des millions de touristes étrangers viennent à Paris pour le shopping. Voilà deux ans, une enquête de l’Office de tourisme sur les buts de la visite des touristes étrangers, effectuée à notre demande – je suis administrateur de la Tour Eiffel – a donné des résultats surprenants : les touristes venaient à Paris, premièrement, pour la Tour Eiffel, deuxièmement, pour le Louvre et, troisièmement, curieusement, non pas pour les grands magasins, mais pour les Galeries Lafayette !
La fermeture, le dimanche, des grands magasins du boulevard Haussmann et de nombreuses enseignes sur les Champs-Élysées constitue un frein considérable au développement de ce type de tourisme. Cela est d’autant plus dommageable que la fréquentation touristique de la capitale diminue depuis plusieurs mois, ainsi que je l’ai indiqué précédemment.
Les trois zones les plus touchées sont les Champs-Élysées, l’Opéra – principaux secteurs de shopping de la capitale – et la Tour Eiffel.
Il est donc indispensable de valoriser toutes les formes de tourisme.
Comme l’a souligné mon collègue Hervé Maurey, les touristes étrangers ont du mal à comprendre que les grands magasins du boulevard Haussmann puissent être fermés le dimanche, sans parler d’enseignes bien connues des Champs-Élysées
Ce qui peut sembler de prime abord anecdotique relève, en réalité, d’une problématique économique lourde.
Savez-vous que le shopping détaxé représente en France un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros, dont 80 % à Paris, avec 1 milliard d’euros enregistrés sur les Champs-Élysées ? Et les touristes chinois n’y achètent pas des produits chinois, mais des articles fabriqués dans nos provinces ! Ce point très important nous a conduits à nous interroger.
Confrontés à la crise actuelle, les différentes enseignes ont besoin de ce shopping touristique. À la clé, ce sont des emplois qui peuvent être maintenus ou créés ; c’est aussi la destination France – et plus particulièrement Paris – qui peut être valorisée par rapport aux autres capitales européennes, où les conditions d’ouverture dominicale des commerces sont souvent plus souples, notamment les destinations de shopping, comme Londres ou Milan, nos principales concurrentes.
Mon amendement permettrait, en outre, de mettre fin à des situations ubuesques : un magasin de lunettes de soleil peut ouvrir le dimanche, son activité étant considérée comme une activité de loisirs ; en revanche, s’il vend des lunettes de vue, ce même magasin ne peut pas ouvrir le dimanche, les magasins de mode n’étant pas assimilés à des activités culturelles, sauf s’ils proposent des créations. Faudra-t-il apprécier, boutique par boutique, s’il y a, ou non, création ?
Enfin, cet amendement facilite l’octroi de dérogations au repos dominical dans des périmètres spécifiques où existent des usages de consommation de fin de semaine. Ils sont très souvent localisés à proximité de secteurs touristiques dans les agglomérations de Paris, Lille et Marseille et drainent dans la clientèle une part de touristes. Ils participent à l’attractivité de ces agglomérations.
C’est donc là un sujet absolument fondamental, aussi bien d’un point de vue économique que sur le plan social. Un tel dispositif aurait tout à fait sa place dans le présent projet de loi.
Toutefois, je comprends votre position, monsieur Fischer : c’est un débat important, qui touche les équilibres de la vie familiale et de la société, et que l’on ne peut aborder au détour d’un « cavalier », comme vous qualifiez nos amendements. Il mérite, en effet, de faire l’objet d’une proposition de loi, voire d’un projet de loi.
Mais je souhaite alors que la gauche, notamment les membres du groupe CRC-SPG et ceux du groupe socialiste, n’en fasse pas un débat théologique, et je vais illustrer mon propos.
Lors d’une réunion du Conseil de Paris, lundi dernier (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), j’ai voté un vœu du groupe communiste – suivi par les socialistes et l’UMP – en faveur de la défense des emplois de la FNAC Bastille ; à l’évidence, il faut défendre les salariés menacés de chômage. Mais ce vœu, auquel nous avons participé, manifeste notre impuissance.
Or, si la disposition visée par cet amendement avait été en vigueur, le quartier de l’Opéra Bastille aurait pu être considéré comme zone touristique. Et, si la FNAC Bastille, seule structure de vente de livres touchant un million de personnes dans l’est parisien, avait été ouverte le dimanche, elle aurait peut-être pu augmenter son chiffre d’affaires de 15% ou 20 % et disposer des 50 millions d’euros par an qui lui manquent pour éviter de supprimer le magasin et, partant, de nombreux emplois.
Voilà pourquoi ce débat doit être non pas théologique, comme vous l’imposez, mais pragmatique. (Protestations sur les mêmes travées.) Nous sommes dans une situation économique difficile, le dos au mur.
Monsieur Fischer, je vais retirer cet amendement,…
M. Michel Mercier. Très bien !
M. Yves Pozzo di Borgo. … parce que je considère que le Sénat doit s’impliquer davantage dans cette réflexion sociale importante, mais vous, mes chers collègues de gauche, je vous le demande, ne mêlez pas la théologie à ce débat ; soyez un peu plus pragmatiques ! (Applaudissements sur de nombreuses travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je prends acte du fait que notre collègue Pozzo di Borgo accepte de retirer son amendement, ce qui devrait nous permettre de discuter sérieusement de ce problème à un autre moment.
Mme Isabelle Debré. Sereinement !
M. Guy Fischer. Tout à fait !
Mais, monsieur Maurey, vous avez décidé de maintenir le vôtre, ce qui est votre droit le plus complet (Ah ! sur les travées de l’UMP), …
M. Hervé Maurey. Merci !
M. Guy Fischer. … et ce d’autant plus que vous être soutenu par le Gouvernement, représenté ici par M. Novelli, pour qui, il ne doit pas y avoir de sujets tabous. (Sourires.)
M. Jean-Patrick Courtois. Il a raison !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je suis rassurée !
M. Guy Fischer. Ainsi entendez-vous étendre les dérogations à la règle fondamentale du repos dominical. Cette question, très importante, n’est pas seulement économique, nous sommes d’accord, elle est aussi éthique – comme l’ont souligné, en décembre dernier, les soixante députés de l’UMP opposés à la proposition de loi déposée par le député Richard Mallié –, ou plutôt sociétale, ainsi que nous la qualifions au sein du groupe CRC-SPG.
II n’est pas anodin que notre société ait fait collectivement le choix de disposer d’une journée – huit heures – pendant laquelle, pour une fois, le temps est hors rapport marchand. À l’exception de ce jour, le même pour tous nos concitoyens, c’est la règle économique, le marché qui dicte son rythme.
La question de la place du dimanche dans nos vies personnelles – et nous sommes bien placés pour en parler –, mais également dans notre vie collective nous conduit à nous poser celle-ci : est-ce au marché de prédominer et aux hommes et aux femmes de se plier à la règle imposée, ou bien est-ce à la règle de s’adapter à un choix de société ? Nous avons choisi.
Vous l’aurez compris, pour les sénatrices et sénateurs de mon groupe, il est urgent de maintenir la situation actuelle et de sortir de la logique du toujours plus d’argent, toujours plus de marché, parce que nous savons que ce sont les grands groupes multinationaux capitalistes qui sont demandeurs.
Disant cela, je vous entends déjà crier au dogmatisme – vous l’avez déjà fait d’ailleurs – et je devine les objections de « bon sens » que vous ne manquerez pas de m’opposer, en comparant, par exemple, notre système aux autres, notamment aux systèmes européens.
Mme Isabelle Debré. Oui !
M. Guy Fischer. Mais il s’agit là d’une technique de contournement pour refuser le vrai débat, celui de fond, sur la place du travail dans la société, du temps libre, de la marchandisation de notre société et, allais-je dire, de nos vies.
D’ailleurs, le fait que cette discussion survienne à l’occasion de quelques amendements déposés furtivement sur ce projet de loi, est la preuve de ce que j’avance. Vous refusez de porter vos convictions au grand jour, car vous vous savez battus.
En réalité, l’amendement sous-amendé par M. Dominati constitue un pas certain vers un changement radical de société, tournant le dos à la législation de 1906, qui comporte déjà de très nombreuses dérogations.
Vous voulez imposer la civilisation du supermarché, de l’hypermarché, alors que, toutes les études le montrent, nos concitoyens veulent une société qui leur reconnaisse le droit précieux aux loisirs, le droit à la vie familiale, à la vie associative.
Votre volonté de supprimer le droit à disposer d’une journée de repos, la même pour tous, est par ailleurs symptomatique de la société que vous voulez. Vous entendez supprimer un droit collectif pour imposer des obligations qui sont individuelles, et j’aurai l’occasion d’y revenir lors de la discussion de nos amendements.
Comme toujours depuis l’arrivée de votre gouvernement, c’est la prédominance du chacun pour soi sur le tous ensemble. C’est bien l’idée que fait souvent passer le Président de la République en préconisant de tout déréguler, de tout déréglementer.
D’ailleurs, la disposition proposée est profondément inégalitaire, car ceux qui, à l’avenir, travailleront le dimanche, seront, et vous le savez, les plus pauvres de nos concitoyens.
Mme Isabelle Debré. Mais non !
M. Guy Fischer. Ainsi, par vos amendements, vous entendez revenir sur l’une des rares règles égalitaires qui prévoyait que riches et pauvres, salariés, cadres et patrons, disposaient d’un jour, le même pour tous, pour vivre du temps pour soi et pour les siens.
Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous sommes opposés aux deux amendements et aux sous-amendements. Mais nous entrerons un peu plus dans le détail au cours du débat que vous nous imposez. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Gautier, sur l'article.
M. Charles Gautier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme nous le constatons tous, ces amendements posent de très importants problèmes aussi bien sur la forme que sur le fond.
Sur la forme, l’initiative de nos deux collègues me paraît inopportune et intempestive.
En effet, s’agissant d’un texte concernant le tourisme, premier secteur économique de la France, on aurait apprécié que le débat, important et attendu par les professionnels du secteur, ne soit pas parasité par un amendement idéologique. Je n’emploie pas le qualificatif de théologique à dessein, même s’il s’agit du travail du dimanche (Sourires.), car il nous faut rester au plus proche de la réalité.
De nombreux intervenants l’ont dit sur toutes les travées, on ne saurait faire l’économie d’un réel débat et l’on ne peut accepter en l’état qu’une telle mesure soit votée à la sauvette, au détour d’un texte.
Sur le fond, l’extension du travail dominical est une véritable tromperie économique et une grave erreur sociétale.
C’est une tromperie économique, en premier lieu, car l’ensemble des études concernant le sujet prouvent que non seulement le travail le dimanche ne crée pas de richesses supplémentaires, mais qu’il en détruit par distorsion de concurrence.
De plus, il convient de souligner que cette mesure n’occasionne guère de dépenses supplémentaires de la part des ménages.
En effet, le plus souvent, on assiste à des transferts de dépenses – ce qu’on aurait acheté un samedi ou un vendredi, on l’achète le dimanche – et non à une hausse de celles-ci. D’ailleurs, comment consommer plus alors que le pouvoir d’achat va s’amenuisant ?
M. Jean-Pierre Sueur. Et voilà !
M. Charles Gautier. On tente donc de biaiser les chiffres.
Pire, non seulement l’économie ne sera pas relancée par cette mesure, mais l’emploi sera davantage menacé.
Diverses études montrent qu’un emploi créé dans la grande distribution aboutit à la destruction de trois emplois dans le commerce de proximité. Or le vote de cette disposition contre-productive à l’échelon national serait un privilège de plus accordé aux seuls intérêts de la grande distribution, au détriment des commerces de centres-villes qui auront bien du mal à s’aligner.
D’un point de vue social, cette mesure représente aussi, et surtout, après les heures supplémentaires, une nouvelle dérégulation du marché du travail préjudiciable à la vie familiale et sociale, qui reviendrait, in fine, à faire de l’exception la règle.
Si, par exemple, des parents se trouvent contraints à travailler le dimanche, il faudra également que des crèches et des centres aérés puissent être ouverts.
M. Jean-Pierre Sueur. Eh oui !
M. Charles Gautier. Ainsi, par capillarité, une grande partie des secteurs économiques et sociaux seraient concernés, et non plus les seuls secteurs initialement visés.
Le dimanche est traditionnellement le moment où se retrouve la famille pour échanger, discuter de la semaine. C’est le moment où les parents peuvent enfin s’occuper plus facilement de leurs enfants. Si l’on obère cette possibilité en banalisant le travail le dimanche, on contribue à fragiliser encore davantage la sphère familiale, ce qui aura d’importantes conséquences sociétales.
On reproche déjà ici ou là aux parents d’être absents ou démissionnaires. Qu’en sera-t-il quand ils auront perdu le dernier jour où ils peuvent encore s’occuper directement de leurs enfants ?
Il est vrai que cette mesure touchera avant tout des femmes travaillant à temps partiel subi, et dont les horaires de travail sont déjà chaotiques. Il s’agira, par exemple, des caissières.
On constate même que, dans bien des cas, il s’agira de familles monoparentales. En d’autres termes, comprenons-le bien, on fragilise davantage des gens déjà fragilisés. C’est socialement condamnable !
À l’évidence, des dérogations existent déjà pour permettre dans les zones touristiques des aménagements à la règle. À mon sens, mais mon avis est partagé par beaucoup, essayer de banaliser le travail dominical est une mesure qui coûtera plus socialement, économiquement et sociétalement qu’elle ne rapportera ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, sur l'article.
M. Daniel Raoul. Je souhaite intervenir à la fois sur la forme et sur le fond.
En ce qui concerne la forme, je considère que les auteurs de ces deux amendements, même si l’un d’entre eux a retiré le sien, bafouent le véritable travail parlementaire qui a été entamé à l’Assemblée nationale.
Vous savez ce qu’il est advenu au mois de décembre. Le chantier est ouvert et il faudra trouver une solution. Des problèmes ont été posés, et nous devrons ouvrir un véritable débat sociétal afin de cerner les conséquences de telles dispositions dans le droit du travail et pour notre société.
Depuis un certain temps, et je le regrette, le code du travail est détricoté au fil des lois.
En fait, comme l’a souligné un de nos collègues, c’est un véritable cheval de Troie qui est introduit dans ce débat, après l’amendement de Mme Debré à la loi de modernisation de l’économie.
M. Jean-Pierre Godefroy. Triste mesure !
M. Daniel Raoul. Je rends à César ce qui lui appartient !
Mme Isabelle Debré. Merci !
M. Daniel Raoul. Bref, il s’agit ici d’une récidive : si cet amendement – il ne va plus en rester qu’un – était adopté, cela aurait pour conséquence de banaliser le travail le dimanche.
Le repos dominical est le temps privilégié pour l’équilibre des personnes, des familles. Il favorise la vie familiale, associative, culturelle et, ne vous en déplaise, mon cher collègue Pozzo di Borgo, cultuelle !
M. Yves Pozzo di Borgo. Je n’ai rien contre !
M. Daniel Raoul. Le conseil économique et social lui-même y avait ajouté les activités touristiques, la disponibilité sociale au service d’autrui, qui sont un des supports de la cohésion de la société. C’est pourquoi il considérait que le dimanche était un point fixe structurant de la cohésion de notre société.
S’agissant de l’impact de cet amendement, comment ne pas évoquer l’étude de Renaud Dutreil, secrétaire d'État au commerce, qui concluait à la perte de 200 000 emplois dans les commerces de proximité en cas de généralisation de l’ouverture le dimanche ?
La position de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME, est tout aussi claire. Il ressort de la consultation interne que 90 % sont favorables au maintien du repos donné le dimanche, voire 94 % pour les magasins d’équipements sportifs et 96 % pour l’équipement de la personne.
Quant à l’amendement de notre collègue Maurey, s’il était adopté, il supprimerait de facto et de jure deux éléments limitatifs importants à l’ouverture dominicale figurant à l’article L. 3132-25 du code du travail.
Tout d’abord, il supprimerait la référence à une ou à des périodes d’activité touristique, ce qui conduirait à une dérogation permanente.
Ensuite, il aurait pour conséquence de supprimer la qualification des établissements concernés en fonction des biens vendus. Je connais l’épisode des lunettes de soleil et des lunettes de vue, monsieur Pozzo di Borgo, vous n’allez pas nous le rejouer !
En fait, retirer la qualification des établissements ouvre grand la porte à la banalisation du travail le dimanche.
L’amendement Maurey constitue une attaque frontale contre les partenaires sociaux et supprime l’effet suspensif des recours. Il signifierait la fin des condamnations par l’abrogation de l’article L. 3132-24 du code du travail.
Je l’ai dit en commission, les amendements nos 1 rectifié quater et 32 rectifié sont à la fois une provocation, mais aussi une insulte au dialogue social entamé lors de la préparation de la loi Mallié.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, je souhaite fermement que nous repoussions l’amendement n° 1 rectifié quater, seul des deux à être maintenu par son auteur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, sur l'article.
M. Didier Guillaume. Nombre de nos collègues se sont exprimés sur le fond du débat, sur la modification du code du travail qui nous est proposée et sur la nouvelle société que l’on voudrait créer en autorisant le travail le dimanche. Sur toutes les travées de la gauche, mais également sur certaines travées de la majorité, beaucoup pensent que ce n’est pas cette société que nous voulons.
Les jeunes qui sont présents aujourd'hui dans les tribunes et qui nous écoutent ne seraient pas d’accord si, au terme de nos débats, nous leur proposions une société où l’on travaille le dimanche, une société qui n’est plus une société de solidarité, de famille.
Mme Isabelle Debré. Les étudiants sont ravis ! Ils le demandent !
M. Didier Guillaume. Ce que je sais, pour ma part, c’est qu’une grande majorité des familles ne sont pas d’accord !
Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas vrai ! Les étudiants le veulent !
M. Didier Guillaume. En tout cas, sur toutes les travées a été réclamé un débat au fond sur le dossier du travail dominical, qui soit le plus serein possible ! Monsieur le secrétaire d'État, ce serait un très beau débat de société que nous mènerions ainsi.
Comme le fond a beaucoup été évoqué, permettez-moi de revenir sur les deux amendements et sur le projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques que nous examinons aujourd'hui.
M. le secrétaire d'État et la commission des affaires économiques ont voulu donner à ce texte de loi plusieurs objectifs : améliorer, organiser, encadrer l’offre touristique de notre pays ; faire en sorte que plus de touristes étrangers viennent en France pour se cultiver, pour se détendre, pour le loisir et, accessoirement, pour dépenser ; mettre au point des outils modernes et améliorer l’offre touristique de la France afin qu’elle soit plus forte.
Or ces amendements vont exactement dans le sens inverse de ce qui est souhaité. En dehors du débat sur le code du travail, ces amendements n’apporteront absolument rien.
Je m’adresse à notre collègue sénateur parisien. Certes, les touristes chinois qui atterrissent à Roissy le dimanche matin et redécollent le dimanche soir ne peuvent, de fait, se rendre aux Galeries Lafayette ; mais il ne semble pas que tous les touristes chinois viennent à Paris uniquement le dimanche pour faire leurs courses aux Galeries Lafayette !
Si nous ouvrons aujourd'hui les magasins le dimanche, nous savons tous que les achats réalisés ne seront pas des achats de tourisme. Il s’agira d’achats de droit commun, si je puis m’exprimer ainsi.
De plus, vous savez très bien, mes chers collègues, qu’en période touristique et dans toutes les stations touristiques, il existe d’ores et déjà des dérogations : les magasins peuvent ouvrir le dimanche durant certaines périodes.
Le texte qui nous est aujourd'hui présenté permet tout simplement, contrairement à ce que proposent les auteurs de ces amendements, de développer le tourisme et d’améliorer l’offre touristique de la France.
Aussi bien sur le fond du droit du travail, sur l’avenir de notre société, que sur le dossier du projet de loi sur le tourisme, ces amendements n’amèneront pas un « plus », bien au contraire : ils seront des amendements de division ! Leur adoption constituerait un hold-up démocratique.
C'est la raison pour laquelle tous les sénateurs de gauche, notamment ceux du groupe socialiste, sont prêts à accueillir le texte que vous nous présentez, mais ne sont pas disposés à ce qu’y figurent les mesures proposées par ces amendements.
Non seulement ces amendements dénaturent le texte, non seulement ils créent un fossé entre nous, mais en outre ils n’ont rien à voir avec ce dont nous discutons cet après-midi !
Au demeurant, j’espère que nous aurons un débat sur le travail dominical au Sénat comme à l’Assemblée nationale, car il faudra une bonne fois pour toutes que le Parlement français s’exprime sur ce sujet ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Beaucoup de choses ont été dites.
M. Bruno Sido. Ce n’est pas la peine de les répéter !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’ai noté que M. Yves Pozzo di Borgo avait décidé de retirer son amendement, mais je sais aussi que le lobby parisien, c'est-à-dire les grands groupes de la distribution, est très actif et qu’il remet sans cesse sur le métier et tous azimuts une extension du périmètre touristique à Paris !
Il faut savoir d’abord que le périmètre touristique est assez large. Il faut savoir ensuite que le Conseil de Paris, dans sa majorité, refuse de donner droit à une extension du périmètre touristique.
Messieurs, il faudrait respecter au moins la volonté de la majorité des élus parisiens. Ils représentent pour l’instant la population ! C’est ainsi…
M. Gérard Longuet. Pour l’instant !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il serait dommage que, par le biais d’ajouts à un projet de loi qui n’a rien à voir avec le sujet, on contredise la volonté de la majorité des élus parisiens.
Il est donc de bon ton que M. Pozzo di Borgo, qui siège au Conseil de Paris, renonce à son amendement. Il serait tout aussi judicieux que M. Dominati ne s’associe pas à l’amendement qui a été maintenu.
Par ailleurs, je signale que la grande distribution, à Paris, a étendu de plus en plus les horaires d’ouverture des magasins. Il ne s’agit pas uniquement des trois grands magasins du boulevard Haussmann, mais également de l’ensemble de la distribution et des grands groupes dont les actionnaires sont en général les mêmes ou en tout cas se croisent volontiers.
Or, des enseignes que je ne citerai pas, pour ne pas leur faire de publicité,…
M. Bruno Sido. Lesquelles ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … ont une amplitude d’ouverture de plus en plus large : les magasins ne ferment qu’à 20 heures, voire 22 heures pour certains, à Paris. Qui pense aux salariés de ces magasins ?
M. Bruno Sido. Vous, bien sûr !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui pense à la vie que mènent ces salariés à Paris ? La plupart d’entre eux ne peuvent pas se loger dans la capitale, compte tenu du prix des logements et du niveau des loyers ; ils sont donc astreints à des trajets d’une heure, voire plus ; ils finissent de travailler à 21 heures ou 22 heures. Mais qui se soucie de l’heure à laquelle ils arrivent chez eux ?
Il serait bon que la représentation nationale dans son ensemble, toutes tendances confondues, se préoccupe des conditions concrètes de vie de ces salariés, particulièrement à Paris ! Vous êtes sans doute plus nombreux, ici, à représenter la province,…
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Eh alors ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … mais cela ne vous empêche pas d’y réfléchir malgré tout !
M. Pierre Bernard-Reymond. Nous aussi, on travaille !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne fais que constater un fait ! Vous n’avez aucune raison de protester : les sénateurs présents dans cet hémicycle, dans leur majorité, ne sont pas parisiens. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Je puis donc vous dire que les salariés de la distribution, à Paris, mènent des vies de chien ! Telle est la réalité !
M. Bruno Sido. Venez en province, il y a de la place !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. N’allez donc pas me dire que les touristes étrangers ne viennent à Paris que pour consommer ! S’ils sont moins nombreux, à l’heure actuelle, c’est en raison de la baisse de leur pouvoir d’achat, conséquence de la récession qui sévit partout en Europe ! Et surtout, je voudrais bien savoir quels sont les touristes qui arrivent le dimanche matin pour repartir le dimanche soir !
Les salariés parisiens ont une vie suffisamment difficile, renoncez à les faire travailler, en plus, le dimanche ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Ce débat est trop important pour que nous le laissions tomber dans la caricature.
Par ailleurs, je ne voudrais pas que l’on puisse laisser penser que la gauche aurait le monopole de la défense du repos dominical. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’Union centriste.)
Il est sans doute très maladroit d’engager ce débat « subrepticement », pour reprendre l’adverbe employé par Guy Fischer, à la sauvette, alors qu’il est essentiel. Pour autant, nous sommes attachés, les uns et les autres, au caractère individuel et personnel du droit d’amendement. Nos deux collègues, même si je suis catégoriquement opposé à ce qu’ils proposent, ont parfaitement le droit de déposer un amendement (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.),…