Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Bariza Khiari, rapporteur. Cet amendement tend à modifier le dispositif des ORIL, autrement dit des opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisir.
Il est indiscutable que ce dispositif, institué par la loi SRU, n’est pas un franc succès : il visait à favoriser des plans de rénovation d’ensemble dans les stations vieillissantes, mais il n’a pas atteint son but. La complexité de la procédure est en effet extrême et les collectivités concernées n’ont pas toujours les moyens de la mettre en œuvre.
Il n’est donc pas certain que substituer à cette procédure extrêmement complexe une procédure plus complexe encore permette de relancer la rénovation des infrastructures touristiques, qui constitue pourtant un véritable enjeu.
Par ailleurs, la question de l’efficacité énergétique aura toute sa place dans le futur projet de loi portant engagement national pour l’environnement.
Sur proposition de la commission, le projet de loi prévoit en outre que le Gouvernement dépose sur le bureau de chacune des assemblées, six mois après la promulgation de la loi, un rapport portant sur la situation des résidences de tourisme. Ce rapport analysera notamment les caractéristiques économiques, juridiques et fiscales, ainsi que les conditions d’exploitation de ces hébergements. Il formulera, le cas échéant, des propositions de modernisation du cadre juridique et fiscal qui leur est applicable, afin notamment de permettre la réhabilitation du parc d’hébergement existant. Il s’agit en effet d’une question complexe qui ne saurait être traitée au détour d’un amendement.
Telles sont les raisons pour lesquelles votre commission a souhaité le retrait de ces deux amendements ; à défaut, elle ne pourra qu’y être défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. La question de la réhabilitation de l’immobilier de loisir est importante. La problématique bien connue des « lits froids » ou des « volets clos » est un enjeu pour beaucoup de régions françaises : je pense notamment aux cités balnéaires et aux stations de montagne dont les résidences, souvent fermées, se dégradent peu à peu.
La structure de l’hébergement des stations françaises, qu’elles soient balnéaires ou de montagne, est fondée sur le système des meublés. C’est du reste un particularisme français. Il n’est qu’à la comparer à la structure d’accueil des stations autrichiennes, par exemple. Or nos dispositifs de réhabilitation sont largement inopérants, il faut avoir la lucidité de le reconnaître.
Les résidences secondaires dans les stations ne sont que rarement mises en marché locatif pour diverses causes liées à la situation personnelle, patrimoniale des propriétaires, mais aussi en raison de leur réticence à engager des frais de rénovation pour satisfaire les attentes de la clientèle.
Le problème que vous posez est réel, mesdames, messieurs les sénateurs, mais il est très complexe. Dans un contexte économique difficile, il me paraît opportun, préalablement à toute disposition législative en la matière, de réaliser un état des lieux.
C’est la raison pour laquelle j’ai diligenté une mission, conformément aux souhaits de la commission. Il s’agit d’une inspection conjointe menée par le contrôle économique, général et financier, c’est-à-dire Bercy, et par le Conseil général de l’environnement et du développement durable, lié au MEEDAT, qui rendra ses premières conclusions au début du mois de juin.
Fort des propositions qui lui seront remises, le Gouvernement sera disposé à agir sur cette problématique de la réhabilitation de l’immobilier de loisir qui n’a pas trouvé de solution depuis maintenant plusieurs années. Il sera alors temps, pour le Gouvernement comme pour le Parlement, de prendre ses responsabilités.
Sous le bénéfice de ces observations, le Gouvernement demande le retrait de ces deux amendements, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bécot, pour explication de vote.
M. Michel Bécot. Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à souligner l’intérêt de cet amendement n° 33 rectifié bis, car notre pays connaît un réel problème en matière de réhabilitation des résidences de tourisme. Pourquoi ne pas proposer un crédit d’impôts pour encourager et aider les propriétaires à rénover leurs résidences secondaires et à les mettre aux normes sur le plan énergétique, comme c’est demandé pour les résidences principales ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. Nous avons bien entendu votre argumentaire, monsieur le secrétaire d’État, ainsi que celui de notre rapporteur. Comme les amendements suivants sont de même nature que l’amendement n° 33 rectifié bis, vraisemblablement, ils donneront lieu au même argumentaire et auront la même destinée. Par souci d’efficacité, je me propose donc de retirer non seulement ce dernier, comme vous le suggérez, monsieur le secrétaire d’État, mais aussi l’amendement n° 34 rectifié bis et l'amendement n° 35 rectifié bis.
Cela dit, si la mission d’enquête lancée par M. le secrétaire d’État faisait diligence, nous pourrions peut-être traiter ce sujet dans le cadre de l’examen du Grenelle II de l’environnement et prendre ainsi des dispositions visant les régions touristiques qui contribueraient au plan de relance.
Mme la présidente. L’amendement n° 33 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme Bernadette Bourzai, pour explication de vote.
Mme Bernadette Bourzai. Je constate que nous n’avons guère de chance lorsque nous défendons certains amendements, certes un peu spécifiques. Mais il faut bien traiter aussi le tourisme spécifique, comme le tourisme de montagne.
Cela dit, je vais retirer cet amendement n° 67 rectifié ainsi que les deux amendements suivants, cette décision allant de pair avec ce que je considère comme un engagement de la part du Gouvernement. À l’issue de la mission, à la fin du mois de juin, il faudra faire le point sur cette question et se donner les outils nécessaires pour répondre au besoin urgent de réhabilitation des stations de tourisme et traiter les problèmes spécifiques à ces stations.
Je retire donc, à regret, ces amendements « montagne ».
Mme la présidente. L’amendement n° 67 rectifié est retiré.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 34 rectifié bis est présenté par MM. Faure, Hérisson, J. Blanc, Carle, Pierre, Cazalet, B. Fournier, Amoudry, Jarlier, Vial et Bécot.
L'amendement n° 68 rectifié est présenté par M. Repentin, Mme Bourzai, MM. Raoult, Chastan et Guillaume, Mme Herviaux, MM. Courteau, Navarro, Teston, Raoul, Botrel, Rainaud, Lise, Patient et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le premier alinéa de l'article 199 decies EA du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ouvrent également droit à la réduction d'impôt dans les mêmes conditions les logements qui ne font pas partie d'un village résidentiel classé inclus dans le périmètre d'une opération de l'immobilier de loisir définie à l'article L. 318-5 du code de l'urbanisme. Le propriétaire doit s'engager à louer le logement pendant au moins 9 ans soit à un professionnel dans le cadre d'un mandat de gestion, soit à une personne physique. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Ces amendements ont été retirés.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 35 rectifié bis est présenté par MM. Faure, Hérisson, J. Blanc, Carle, Pierre, Cazalet, B. Fournier, Amoudry, Jarlier, Vial et Bécot.
L'amendement n° 69 rectifié est présenté par M. Repentin, Mme Bourzai, MM. Raoult, Chastan et Guillaume, Mme Herviaux, MM. Courteau, Navarro, Teston, Raoul, Botrel, Rainaud, Lise, Patient et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le b) du 1 de l'article 199 decies F du code général des impôts est complété par les mots : «, ainsi que dans les stations classées en application du premier alinéa de l'article L.133-11 du code du tourisme et dans les communes touristiques dont la liste est fixée par décret ».
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Ces amendements ont été retirés.
Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures quarante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
CHAPITRE III
Fourniture de boissons dans le cadre d'une prestation d'hébergement ou de restauration
Article 12
I. - Après l'article L. 3331-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3331- 1- 1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3331-1-1. - Par dérogation à l'article L. 3331-1, la licence de première catégorie n'est pas exigée lorsque la fourniture des boissons visées au premier groupe de l'article L. 3321-1 est l'accessoire d'une prestation d'hébergement. »
II. - À l'article L. 313-1 du code du tourisme, après les mots : « aux articles L. 3331-1, » sont insérés les mots : « L. 3331-1-1, ».
III - Après le deuxième alinéa de l'article L. 3332-1-1 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois lorsqu'en application des dispositions du présent article cette formation est dispensée aux personnes mentionnées à l'article L. 324-4 du code du tourisme, son contenu et sa durée sont adaptés aux droits et obligations propres à leur activité. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 28, présenté par M. César, est ainsi libellé :
Après le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le premier alinéa de l'article L. 3332-1-1 du code de la santé publique, après le mot : « discothèques » sont insérés les mots : « ou par les fédérations professionnelles nationales représentatives de l'hébergement chez l'habitant ».
La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. Cet amendement tend à mentionner explicitement les fédérations professionnelles représentatives de l’accueil chez l’habitant à l’article L. 3332-1-1 du code de la santé publique afin que celles-ci puissent délivrer aux acteurs du secteur la formation nécessaire à l’obtention du permis d’exploitation.
Dans un souci d’équité, on ne comprendrait pas que les propriétaires de chambres d’hôte soient formés par les centres de formation des syndicats professionnels concurrents, comme le prévoit le texte actuel du code de la santé publique.
M. Charles Revet. C’est le bon sens !
Mme la présidente. L'amendement n° 23 rectifié ter, présenté par MM. Bécot, César, Bailly, Hérisson, Houel, Revet, Lefèvre et Alduy, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du III de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Cette formation peut être mise en place par les fédérations nationales concernées.
La parole est à M. Michel Bécot.
M. Michel Bécot. Les fédérations nationales dont il est question ici sont les mêmes que les fédérations mentionnées par Gérard César. Cet amendement a pour objet de les autoriser à former leurs adhérents en vue de l’obtention du permis d’exploitation, compte tenu de leur grande expérience en matière de formation, ainsi que de leur rôle essentiel dans le développement économique de nos territoires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Bariza Khiari, rapporteur. Ces deux amendements apportent une précision très utile, qui permettra aux fédérations professionnelles des chambres d’hôte de mettre en place la formation adaptée qui a été instituée par la commission.
Nous soutenons ces deux amendements sur le fond, mais, sous réserve de l’avis du Gouvernement, nous demanderons le retrait de l’amendement n° 28 de Gérard César au bénéfice de l’amendement n° 23 rectifié ter de Michel Bécot, dont la rédaction est meilleure.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission. Il est favorable à l’amendement n° 23 rectifié ter, présenté par M. Michel Bécot, et souhaiterait le retrait de l’amendement n° 28, présenté par M. Gérard César.
À ce jour, seuls les organismes mis en place par les syndicats professionnels nationaux représentatifs du secteur de l’hôtellerie sont autorisés à dispenser la formation obligatoire pour l’exploitation d’un débit de boissons prévue à l’article L. 3332-1-1 du code de la santé publique. Or ces organismes ne sont pas toujours très bien positionnés pour assurer la formation des exploitants de tables d’hôtes, en raison notamment de la spécificité des formations très professionnelles délivrées, qui sont inadaptées au secteur de la table d’hôtes, un secteur caractérisé par la dimension familiale et la limitation de la prestation.
Il paraît donc tout à fait utile d’offrir aux réseaux professionnels du secteur des chambres d’hôtes la possibilité de dispenser une telle formation.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 23 rectifié ter.
Mme la présidente. Monsieur César, l'amendement n° 28 est-il maintenu ?
M. Gérard César. Dans la mesure où je suis cosignataire, avec mon ami Michel Bécot, de l’amendement n° 23 rectifié ter, je retire bien volontiers l’amendement n° 28 au profit d’une meilleure rédaction.
Mme la présidente. L'amendement n° 28 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 23 rectifié ter.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Rappel au règlement
M. Guy Fischer. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l'article 13, nous allons être saisis par nos collègues Hervé Maurey, Yves Pozzo di Borgo et Philippe Dominati de deux amendements et deux sous-amendements qui, en raison de leur contenu et de leur importance, mériteraient que notre assemblée prenne le temps d’un débat de qualité.
La question du travail le dimanche est au carrefour de nombreux enjeux ; elle soulève de multiples questions quant au choix de société que nous voulons. Aussi, dans un souci de clarté, un véritable débat s’impose.
Mais un tel débat, comme ceux qui font la richesse de nos travaux parlementaires, notamment dans notre Haute Assemblée, ne peut pas avoir lieu ainsi, de manière subreptice, par le biais de la discussion d’amendements et sous-amendements « cavaliers législatifs » sur un texte relatif aux problèmes du tourisme.
C’est pourquoi, à l’occasion de ce rappel au règlement, je voudrais demander à nos collègues de bien vouloir retirer leurs amendements et sous-amendements, quitte à déposer ensuite une proposition de loi sur le sujet pour relancer le débat.
M. André Dulait. Très bien !
M. Guy Fischer. La réforme de la Constitution, que les groupes parlementaires respectifs de MM. Pozzo di Borgo, Maurey et Dominati ont soutenue, permet précisément de laisser aux parlementaires la maîtrise d’une partie de l’ordre du jour des assemblées.
À mon sens, par respect pour nos travaux et, plus encore, pour la démocratie sociale de notre pays, la remise en cause du repos dominical, qui n’est pas une mince affaire, devrait non pas être abordée à l’occasion de l’examen d’amendements à la limite du cavalier législatif, mais faire l’objet d’un véritable débat.
Mes chers collègues, j’en appelle à votre sens des responsabilités. Les organisations syndicales, qui ont été informées tardivement du contenu de ces amendements et sous-amendements, réagissent déjà. Elles en demandent toutes le retrait.
La démocratie demande du temps. Elle exige également de nous que nous respections l’ensemble de nos partenaires. (Applaudissements.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
CHAPITRE IV
Classement des communes touristiques
Article 13
I. - Le code du tourisme est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa de l'article L. 133-17, la date : « 1er janvier 2010 » est remplacée par la date : « 1er avril 2012 » ;
2° Aux articles L. 131-4, L. 132-3 et L. 163-5, après les mots : « Les communes touristiques ou leurs groupements » sont ajoutés les mots : « et les stations classées de tourisme ».
II. - À l'article L. 412-49-1 du code des communes, après les mots : « communes touristiques » sont insérés les mots : « et stations classées relevant de la section 2 du chapitre III du titre III du livre Ier du code du tourisme ».
III. - Au dernier alinéa de l'article L. 3335-4 du code de la santé publique, après les mots : « communes touristiques » sont ajoutés les mots : « relevant de la section 2 du chapitre III du titre III du livre Ier du code du tourisme ».
IV. - Au premier alinéa de l'article 199 decies EA du code général des impôts, les mots : « en application du premier alinéa de l'article L. 133-11 » sont remplacés par les mots : « relevant de la section 2 du chapitre III du titre III du livre Ier ».
V. - L'article L. 3132-25 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « dans les communes touristiques ou thermales » sont remplacés par les mots : « dans les communes touristiques et les stations classées de tourisme relevant de la section 2 du chapitre III du titre III du livre Ier du code du tourisme, » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « communes touristiques et thermales » sont remplacés par les mots : « communes touristiques et des stations classées de tourisme ».
VI. – À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2333-26 du code général des collectivités territoriales, les mots : « Dans les stations classées, dans les communes qui bénéficient de la dotation supplémentaire aux communes et groupements touristiques ou thermaux et la dotation particulière aux communes touristiques, dans les conditions fixées au deuxième alinéa de l'article L. 2333-27 » sont remplacés par les mots : « Dans les stations classées et dans les communes touristiques relevant de la section 2 du chapitre III du titre III du livre Ier du code du tourisme ».
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes totalement opposés aux amendements qui nous sont proposés à l’article 13, et ce sur un projet de loi largement consensuel jusqu'à présent.
Permettez-moi d’abord de noter la formidable concordance entre ces amendements et les récentes déclarations du secrétaire général de l’UMP, M. Xavier Bertrand, qui annonçait en fin de semaine dernière l’entrée en vigueur de dispositions permettant l’ouverture dominicale de certaines zones commerciales, comme celle de Plan-de-Campagne, où il se trouvait vendredi, « au plus tard avant la rentrée ». Mais quelle rentrée ?
Il se disait même prêt à aller « jusqu’au bout », soit dans le cadre d’une proposition de loi déposée par le député UMP Richard Mallié, soit par le biais d’un amendement sur un autre texte. Aussitôt dit, aussitôt exaucé ! Le cheval de Troie est dans la place. Nos collègues ont déposé des amendements.
Sur le fond, et malgré toutes les précautions prises par leurs auteurs, ces amendements ne visent ni plus ni moins qu’à généraliser le travail dominical. Pour nous, cela est tout à fait inacceptable.
Les deux principaux arguments soulevés par les promoteurs du travail dominical sont « Les Français le souhaitent » et « C’est bon pour l’économie ». Mes chers collègues, ces deux affirmations sont fausses !
Mme Isabelle Debré. Non ! Elles sont vraies !
M. Jean-Pierre Godefroy. D’ailleurs, nombre d’études le démontrent.
Les Français sont-ils favorables à l’ouverture des magasins le dimanche ? (Oui ! sur les travées de l’UMP. – Non ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Les études d’opinion sur le sujet ne manquent pas, mais vous ne retenez que celles qui abondent dans le sens de votre projet. Pourtant, lorsque les résultats des sondages ne sont pas diamétralement opposés, ils sont souvent paradoxaux. Il n’y a pas de quoi en tirer des conclusions absolues, comme vous le faites !
En réalité, mes chers collègues, la seule étude sérieuse et complète sur le sujet est celle qui a été réalisée à la fin de l’année 2008 par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CREDOC. Que montre-t-elle ? Que les réponses d’un même individu sont en fait très différentes selon qu’il se place en position de consommateur ou de travailleur potentiel !
Ainsi, 52,5 % des sondés se disent favorables à l’ouverture des commerces le dimanche, mais 79 % de ces mêmes sondés estiment qu’une telle autorisation aurait des conséquences négatives pour les salariés concernés, notamment du point de vue de leur vie familiale. Enfin, 75 % d’entre eux affirment que le temps d’ouverture des commerces est déjà suffisant pour qu’ils puissent opérer leurs achats.
Dans le même temps, seulement 39 % des Français actifs seraient prêts à travailler régulièrement le dimanche et 64 % des Français ayant un emploi s’y opposent, tout comme 49 % des étudiants. Il est intéressant de le noter, ce sont les chômeurs qui seraient les plus nombreux à accepter, à 61 %, de travailler le dimanche, preuve que la réalité de la paupérisation implique l’acceptation des dégradations des conditions d’emploi.
En revanche, les résultats de l’enquête du CREDOC sont sans ambiguïté sur la question des effets économiques du travail dominical. Les conséquences sur l’économie seraient globalement nulles et certaines filières seraient même déstabilisées. Ainsi, 43 % des Français déplaceraient leurs achats de la semaine le dimanche. Le CREDOC en déduit logiquement ceci : « On s’attend donc à ce que l’effet net de la libéralisation de l’ouverture des magasins le dimanche sur la demande globale adressée au commerce soit très limité, et que l’essentiel des ventes réalisées le dimanche corresponde au transfert de ventes initialement réalisées les autres jours de la semaine. »
C’est sur la structuration des dépenses que les effets négatifs se font sentir. Le CREDOC attend une « déformation de la structure des parts de marché des différents circuits de distribution ». Les grandes surfaces spécialisées seraient les grandes gagnantes, les surfaces alimentaires de centre-ville étant handicapées. Ce résultat laisse supposer qu’à consommation égale le coût pour la balance commerciale devrait ainsi être négatif.
En effet, les grandes surfaces spécialisées vendent d’abord des biens de loisirs, comme les téléviseurs, le matériel informatique, l’ameublement ou le textile, qui sont largement importés.
L’étude du CREDOC est également claire sur les créations d’emplois induites. Sur les quatre scénarios possibles, un seul serait créateur d’emploi. Et encore, de 8 000 emplois seulement…
A contrario, l’étude commandée en 2006 par M. Renaud Dutreil, alors ministre des PME, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales, montrait clairement que cela aboutirait à détruire jusqu’à 200 000 emplois dans les petits commerces. Est-ce bien le moment de prendre un tel risque ?
L’effet qu’il faut attendre sur la croissance et l’emploi est donc tout à fait nul, voire très négatif.
Dernier argument avancé par les promoteurs du travail dominical : seuls les salariés volontaires travailleront le dimanche. C’est une illusion ! Pire, une tromperie ! Contrairement à ce que certains prétendent, le libre consentement à une telle organisation du travail serait en pratique impossible à vérifier, en particulier en période de difficultés économiques, les éventuels chantages à l’emploi réduisant à néant toute liberté de choix des salariés, notamment au moment de l’embauche ou du renouvellement d’un contrat à durée déterminée ou d’un contrat d’intérim. Les salariés français savent très bien que le rapport de force dans les entreprises n’est pas en leur faveur. Cette évolution aurait donc inéluctablement pour conséquence de contraindre des dizaines de milliers de salariés, parmi les plus fragiles, à travailler le dimanche.
Faut-il rappeler que des branches professionnelles ne respectent toujours pas leurs obligations en matière salariale et ont des minima salariaux inférieurs au SMIC ?
Ainsi, le salaire moyen à temps complet dans la grande distribution est de 1 274 euros par mois, et 6 salariés sur 10 sont à temps partiel. Les primes qu’on leur fait miroiter pour travailler le dimanche ne constituent en fait qu’un rattrapage par rapport à ce que devraient être leurs salaires si la grille de la branche était conforme à la loi.
Par ailleurs, et j’insiste beaucoup sur ce point, ces amendements et sous-amendements constituent également une attaque contre les partenaires sociaux. En effet, il est proposé de supprimer l’effet suspensif des recours contre les autorisations d’ouverture, ce qui signifie de facto la fin des astreintes financières en cas d’ouverture sans autorisation.
En d’autres termes, nous en sommes convaincus, la généralisation du travail le dimanche constituerait une erreur économique et sociale.
Pensez-vous, mes chers collègues, que les 170 000 chômeurs supplémentaires en deux mois, qui viennent s’ajouter aux 2 millions de chômeurs, que les licenciés des plans économiques et les dizaines de milliers de salariés à temps partiel, dont le pouvoir d'achat a donc considérablement diminué, dépenseront l’argent qu’ils n’ont pas ou qu’ils n’ont plus parce que les commerces seront ouverts le dimanche ?
Je pourrais allonger mon propos en évoquant la destruction de la vie familiale, l’incohérence entre la semaine de quatre jours en milieu scolaire et l’absence des parents pour travailler le dimanche ou le démantèlement de ce qui reste de vie parentale.
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, il serait, me semble-t-il, judicieux que nos collègues retirent leurs amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.
Mme Odette Terrade. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, faut-il donc que le Gouvernement soit à court d’arguments pour utiliser de tels procédés, consistant à téléguider des amendements de libéralisation du travail du dimanche au détour d’un texte législatif au lieu d’affronter directement le débat de société suscité par la généralisation du travail le dimanche !
Avec ces amendements et sous-amendements, nous sommes confrontés à un nouveau ballon d’essai de la droite, qui tente de faire entrer par la lucarne ce que nous avons déjà chassé à maintes reprises par la porte dans différents textes. Je pense notamment aux lois du 4 août 2008 de modernisation de l’économie et du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.
Au-delà des arguments récurrents avancés de volontariat ou de majoration de salaire, la question majeure de ce débat n’est-elle pas de savoir quelle société nous voulons construire. Une société solidaire ou une société éclatée ? Mes chers collègues, la réglementation existe aujourd'hui pour répondre aux impératifs d’ouverture le dimanche, y compris dans les zones touristiques. N’ajoutons pas des occasions de « détricoter » encore un peu plus le code du travail et les acquis sociaux !
Que ces deux amendements soient faits pour tenter de légaliser l’ouverture le dimanche du centre commercial Plan-de-Campagne dans les Bouches-du-Rhône, ou du magasin Louis Vuitton sur les Champs-Élysées, n’oblige pas pour autant de généraliser à Paris l’ouverture des grands magasins, tels que Galeries Lafayette et Printemps, le dimanche, voire tous les dimanches !
La France qui travaille et se lève tôt a aussi besoin d’une journée de repos commune en famille, de temps partagé, de cohésion sociale, et les loisirs ne se limitent pas aux achats le dimanche dans les grands magasins.
Nous n’acceptons pas que la représentation nationale soit privée du débat de fond nécessaire. En tout état de cause, il convient que la négociation entre les partenaires sociaux ait lieu. La position intersyndicale, rappelée précédemment par mes collègues et diffusée à tous les sénateurs, nous prouve bien qu’il n’en est rien.
Avec ces deux amendements, vous nous imposez un retour de plus de cent ans en arrière, un retour à la semaine de sept jours de travail et au travail le dimanche.
Mes chers collègues, soyez cohérents : vous ne pouvez reprocher aux parents de ne pas s’occuper de leurs enfants, d’être responsables de l’augmentation de la délinquance des jeunes et leur imposer toujours plus fortement des conditions de vie éclatées au nom de votre sacro-saint principe de rentabilité financière.
C’est pourquoi, dans l’attente d’un débat de fond sur la question du travail dominical, nous nous opposerons vigoureusement à ces deux amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)