Article 1er
Après l'article L. 223-8 du code de la route, il est inséré un article L. 223-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 223-9. - Toute contravention résultant d'un dépassement de la vitesse maximale autorisée de moins de 5 km par heure ne peut pas donner lieu à une réduction du nombre de points du permis de conduire.
« L'application de l'alinéa précédent entraîne la restitution immédiate des points retirés sur le permis de conduire des automobilistes, qui ont fait l'objet d'une telle sanction, sous réserve qu'ils se soient acquittés au préalable de l'amende forfaitaire correspondante, fixée par décret pris en Conseil d'État, en application de l'article L. 529 du code de procédure pénale. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 5, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Je me suis déjà longuement exprimé sur ce sujet lors de la discussion générale.
L’article 1er vise à supprimer la réduction d'un point du permis de conduire lorsque l'excès de vitesse ne dépasse pas la vitesse maximale autorisée de cinq kilomètres par heure, mais il maintient l'amende forfaitaire de 45 euros.
Une différence de cinq kilomètres ajoutée à la marge technique de cinq kilomètres ferait que le dépassement des limitations de vitesse ne serait sanctionné qu'à partir de 10 kilomètres au-dessus de la vitesse autorisée.
La suppression du retrait de points créerait une inégalité entre les conducteurs ayant les moyens financiers d'acquitter de nombreuses amendes et les autres.
En outre, l'expérience démontre qu'en matière de répression des contraventions routières l'amende est beaucoup moins dissuasive que le retrait de points.
Une telle proposition ne diffuse pas un bon message, surtout au moment des grands week-ends de printemps et peut entraîner une hausse du nombre des accidents. En effet, des études indiquent qu'une élévation, même minime, de la vitesse induit une augmentation du nombre de morts et que les très petits excès de vitesse sont une cause importante d'accidents.
Telles sont les raisons qui motivent notre volonté de supprimer l’article 1er, lequel ouvrirait une brèche dans une politique qui porte peu à peu ses fruits.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. About, est ainsi libellé :
Supprimer le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 223-9 du code de la route.
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Cet amendement vise à supprimer le dispositif de rétroactivité prévu à l’article 1er, parce que j’ai bien conscience que cette rétroactivité pourrait constituer un motif de rejet de l’ensemble de l’article.
Dans ces conditions, me direz-vous, pourquoi avoir prévu une telle mesure ? En fait, je m’étais appuyé sur les jugements rendus par plusieurs tribunaux.
Le tribunal de Saint-Dié a considéré qu’il était illégal que les radars soient fabriqués et contrôlés par une seule entreprise, en l’occurrence la Sagem.
Le tribunal de Vesoul a estimé que la grande légèreté – restons corrects – avec laquelle les forces de l’ordre installent certains radars mobiles aboutit à des erreurs considérables, qui peuvent aller de 4 % à 30 %, voire plus, sur le kilométrage constaté.
Ces tribunaux ont donc supprimé les amendes de ceux qui, pardonnez-moi, mon cher collègue, avaient assez d’argent pour aller devant les tribunaux.
C’est là l’iniquité ! Les riches peuvent se permettre d’engager un recours, de supporter la consignation d’une somme plus importante que celle de l’amende, de prendre un avocat afin d’éviter la condamnation. Et, lorsqu’ils gagnent, ils récupèrent des points anciens, parce que la procédure laisse courir les délais.
Mais, mes chers collègues, lorsqu’ils obtiennent satisfaction du tribunal, cela ne vaut que pour eux.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !
M. Nicolas About. Le tribunal n’annule pas, pour les autres contrevenants, les retraits de points et amendes qui ont été prononcés dans l’illégalité la plus totale.
Lorsque l’on constate que des forces de l’ordre n’ont pas opéré correctement ou qu’elles ont eu recours à des dispositifs illégaux, pourquoi n’annule-t-on pas toutes les contraventions ? C’est tout à fait scandaleux !
C’est ce que l’on appelle la justice à deux vitesses : les riches peuvent s’en sortir, mais les pauvres, qui n’étaient pas des contrevenants et qui ont été flashés à tort, sont tenus de payer leurs amendes et se voient en outre retirer des points.
Comme je l’ai indiqué à la tribune tout à l’heure, il n’y a plus que les conducteurs honnêtes, les grands naïfs ou ceux qui sont trop pauvres pour pouvoir se défendre qui, aujourd’hui, tombent sous le coup de la loi que nous avons mise en place.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous transmettrai, si vous le souhaitez, l’ensemble des instructions écrites délivrées par les commissaires de police. Elles donnent exactement, pour 2009, le nombre d’interpellations auxquelles il faut procéder, le nombre de contraventions qui doivent être délivrées pour infractions au code de la route, le nombre de délits pour défaut de permis de conduire, de refus d’obtempérer qu’il faut constater ; il faut donc se débrouiller pour que la personne refuse d’obtempérer ! Pour le secteur considéré, le nombre de refus d’obtempérer devait être de quarante-cinq en 2003 et le nombre de timbres-amendes pour infractions au code de la route, hors stationnement, devait être de deux cent trente. À qui veut-on faire croire que les forces de l’ordre ne reçoivent pas de directives ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les arguments que vient d’évoquer M. About m’inspirent quelques observations.
D’abord, il n’y a pas de jurisprudence définitive tant que la Cour de cassation ne s’est pas prononcée. Vous savez mieux que quiconque, monsieur About, qu’une décision de justice ne constitue pas un précédent.
M. Nicolas About. Je le sais !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous semblez le contester !
M. Nicolas About. Je ne le conteste pas, je constate !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est notre état de droit ! La décision d’un tribunal ne vaut que pour l’affaire qui a été jugée.
M. Nicolas About. Et tous les autres condamnés ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On dit beaucoup de choses qui ne sont pas vérifiées.
M. Nicolas About. Comment ?...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Certains tribunaux ont estimé qu’il y avait une incertitude et ils ont donc décidé de ne pas prononcer de condamnation. Ainsi en est-il pour les radars, car c’est la même entreprise qui fabrique et qui contrôle.
M. Nicolas About. C’est illégal !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais cela ne veut pas dire que les mesures des radars soient fausses !
M. Nicolas About. C’est illégal, c’est tout !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est illégal du point de vue du tribunal de Vesoul et de celui de Saint-Dié !
M. Nicolas About. Le jugement du tribunal de Vesoul concerne la légèreté des forces de l’ordre !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur About, vous affirmez vouloir rétablir l’égalité ! En fait, avec votre dispositif, vous établissez une inégalité nouvelle selon que le contrevenant peut, ou non, payer des amendes.
L’égalité vaut pour tous les citoyens ! Cet argument s’appliquait également à l’amendement de M. Alain Foucher. La meilleure façon d’éviter amendes et retraits de points, c’est de respecter parfaitement le code de la route.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendle, rapporteur. La commission n’ayant pas adopté l’article 1er, elle ne peut qu’être favorable à l’amendement de suppression no 5.
L’amendement no 1 tend à supprimer la rétroactivité en matière d’annulation des retraits de points pour les excès de vitesse de moins de cinq kilomètres à l’heure. La rétroactivité est en pratique quasi impossible à mettre en œuvre et fragiliserait tout le dispositif du permis à points.
La commission n’ayant pas adopté cette mesure pour des raisons de fond qui ont été précédemment développées, elle est défavorable à cet amendement, qui ne modifie pas fondamentalement la portée du présent article.
Comme l’a indiqué M. le président de la commission des lois, si l’article 1er était adopté, il en résulterait une nouvelle injustice ; je tiens à le redire en cet instant, car il faut que ce soit clair pour tout le monde.
Pour les conducteurs qui disposent de moyens financiers, l’amende ne sera pas dissuasive : pour eux, la vitesse maximale autorisée sera donc systématiquement de cinq kilomètres supérieure à la limitation réelle. Les autres, les plus défavorisés, ceux qui n’ont pas les moyens de payer des amendes, seront pénalisés dès le départ. Il y aura donc deux statuts de conducteurs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Comme nous l’avons tous appris à l’école primaire, cinq plus cinq égalent dix. Il existe déjà une marge de cinq kilomètres. Si l’on supprime le retrait de points pour les dépassements de moins de cinq kilomètres de la vitesse maximale autorisée, on arrive, en fait, à une tolérance de dix kilomètres. Or, je le rappelle, un kilomètre de plus, ce sont plusieurs centaines de vies en moins.
Par voie de conséquence, je suis favorable à l’amendement no 5 de suppression de l’article 1er et défavorable à l’amendement no 1.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 143 :
Nombre de votants | 310 |
Nombre de suffrages exprimés | 304 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 153 |
Pour l’adoption | 255 |
Contre | 49 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 1er est supprimé et l’amendement no 1 n’a plus d’objet.
Article 2
Après l'article L. 412-2 du même code, il est inséré un article L. 412-3 ainsi rédigé :
« Le fait, pour tout conducteur, de ne pas porter la ceinture de sécurité, ne peut être sanctionné que par une amende dont le montant est défini par décret pris en conseil d'État. »
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Cet article supprime la réduction de points du permis de conduire en cas de non-port de la ceinture de sécurité par le conducteur. Il maintient l'amende seule de 135 euros au motif qu'il y a des abus de verbalisation et que, à grande vitesse, la ceinture de sécurité ne constitue pas une garantie efficace en cas d'accident.
Contrairement à ces affirmations, les études montrent que 20 % des conducteurs non ceinturés impliqués dans un accident ont été tués, alors que moins de 2 % des conducteurs ceinturés ont péri. Il est vrai que je ne connais pas la distinction entre petite et grande vitesse ; je ne sais pas s’il y a des statistiques en la matière.
M. Nicolas About. Il y en a !
M. Jacques Mahéas. Par ailleurs, ces contrevenants prennent le risque de faire peser des frais de santé sur la société quand ils sont blessés.
Enfin, à la suite de la réduction de points du permis, le port de la ceinture de sécurité par le conducteur a beaucoup progressé : à la campagne, le taux est passé, entre 1997 et 2007, de 94 % à 98,6 % ; en ville, il est passé de 69 % à 96 %. À l'arrière du véhicule, le taux tourne entre 77 % et 85 %. Ces progrès doivent être encouragés et il ne faut pas casser cette dynamique.
Je suis d’accord avec M. About quand il dit qu’il est anormal de permettre à certaines catégories de personnes de ne pas porter la ceinture de sécurité. Il faudrait peut-être examiner de près les taux de blessés ou de tués observés dans ces professions.
M. Nicolas About. Ce serait effectivement intéressant ! Si les taux étaient identiques, cela signifierait que le port de la ceinture ne sert à rien !
M. Jacques Mahéas. Quoi qu’il en soit, nous souhaitons supprimer cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Cet amendement de suppression va tout à fait dans le sens de la position de la commission des lois, qui n’a pas adopté cet article.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement de suppression.
La troisième cause de mortalité, après l’alcool et la vitesse, c’est le défaut de port de ceinture de sécurité, et le risque d’être tué est doublé dans ce cas. Les jeunes enfants sont très vulnérables : un choc sans ceinture à une vitesse de 20 kilomètres par heure peut leur être fatal. Les statistiques montrent que, malgré tous nos efforts, un enfant sur dix n’est pas attaché, et sept sur dix le sont mal.
L’an dernier, quatre cents vies auraient pu être sauvées si tous les conducteurs et leurs passagers avaient mis la ceinture de sécurité. Toute mesure qui engendrerait un relâchement des comportements se traduirait par une augmentation du nombre de victimes. Nous ne le voulons pas !
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Je regrette infiniment que Mme le rapporteur n’ait pas déposé, comme c’était son intention initialement, un amendement visant à limiter la sanction, en cas de non-port de la ceinture, à la perte d’un seul point.
Mme Catherine Troendle, rapporteur. C’est d’ordre réglementaire !
M. Nicolas About. La loi a pourtant fixé à plusieurs reprises le nombre de points perdus ! Vous l’avez d’ailleurs fait en commission des lois voilà un an.
Il s’agit, comme l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’homme, d’une sanction pénale, qui relève donc du législateur. Il ne faut pas baisser la garde, même si, je le répète, la ceinture de sécurité n’assure aucune protection à grande vitesse et peut même être la cause de la mort.
La ceinture de sécurité est particulièrement utile dans les agglomérations et à une vitesse inférieure à 70 kilomètres par heure. Curieusement, M. le secrétaire d’État a pris un décret permettant de transgresser cette règle en ville pour tous ceux qui roulent beaucoup ; la majorité des Français ne font que cinquante minutes de voiture par jour.
Il y a donc là un paradoxe : les personnes qui roulent toute la journée sont dispensées du port de la ceinture de sécurité. Il serait très intéressant, effectivement, de savoir si, parmi ces conducteurs, le nombre de blessés graves ou de tués est plus important. Dans le cas contraire, cela démontrerait que le port de la ceinture de sécurité est inutile. Cette étude n’a pas dû être effectuée. Sinon, je suppose que M. le secrétaire d’État aurait immédiatement modifié son décret pour imposer à tous le port de la ceinture de sécurité. Car on ne peut pas imaginer qu’il veuille faire courir un risque de mort à ces professionnels qui passent leur temps sur la route ; je pense aux livreurs, aux coursiers qui portent des plis, aux ambulanciers, aux chauffeurs de taxi…
M. le secrétaire d’État a rappelé l’importance de la ceinture de sécurité pour les enfants. Or c’est aussi un décret ministériel qui permet aux enfants de ne pas satisfaire à cette obligation dans les taxis. Un siège adapté permettant de rehausser l’enfant et d’assurer sa sécurité pourrait pourtant être imposé dans les taxis. Manifestement, cela ne paraît pas utile. Je suis très étonné !
Je ne demande pas la suppression totale de la réduction de points : je me serais contenté du retrait d’un point et d’une amende de 135 euros, ce qui est déjà beaucoup, sans parler de ceux qui n’ont pas les moyens d’engager un recours devant les tribunaux.
Mes chers collègues, faites bien attention à ne pas emmener vos enfants lorsque vous prenez un taxi, car M. le secrétaire d’État accepte que leur sécurité n’y soit pas assurée ! (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 144 :
Nombre de votants | 314 |
Nombre de suffrages exprimés | 307 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 154 |
Pour l’adoption | 280 |
Contre | 27 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 2 est supprimé.
Article 3
Après l'article L. 413-5 du même code, il est inséré un article L. 413-6 ainsi rédigé :
« La vitesse de nuit sur l'ensemble du réseau est réduite dans des conditions définies par décret pris en Conseil d'État. Elle ne peut être supérieure à la vitesse limitée par temps de pluie. »
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par M. Fouché, a été retiré.
L'amendement n° 7, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. J’ai l’impression de faire le travail de la majorité ! (Sourires.)
Cet article prévoit de réduire la vitesse pour le conducteur qui circule de nuit dans les mêmes conditions qu'en temps de pluie ou de brouillard au motif que, la nuit, les vitesses moyennes sont plus élevées que dans la journée et que les dépassements de vitesse sont supérieurs.
J’ai été sensible aux propos de M. About, je dois le reconnaître. Mais les études montrent que la surmortalité la nuit s'explique essentiellement par la surconsommation d’alcool ; nous ne sommes pas d’accord sur ce point. Je dis non pas que, globalement, ceux qui roulent de nuit conduisent plus vite, mais que les accidents sont plutôt liés à un problème d’alcoolémie.
M. Nicolas About. C’est la même chose le jour !
M. Jacques Mahéas. En effet !
Il est donc préférable de s'attaquer à la vraie source du risque, en multipliant les contrôles d'alcoolémie et de stupéfiants la nuit, lesquels sont rares. Ce dispositif serait plus approprié que l’instauration d'autres limitations de vitesse.
Telles sont notamment les raisons qui motivent cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Cet amendement de suppression va également dans le sens de la position de la commission des lois, qui n’a pas adopté cet article.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Je fais miens les propos de M. Mahéas.
Le Gouvernement ne souhaite pas passer son temps à modifier des règles qui sont connues des Français. Depuis 2002, les comportements, les réflexes sont en train de changer. Faisons appliquer strictement les normes en vigueur sans en ajouter de nouvelles.
C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à l’amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.
M. Nicolas About. Monsieur le secrétaire d’État, vous dites qu’il ne faut pas changer les règles. Or cela s’est déjà produit de nombreuses fois depuis plusieurs années, notamment voilà un an ! Mais lorsque nous proposons un changement, peut-être parce que nous sommes un groupe minoritaire, on nous oppose cet argument. Chacun en tirera les conclusions !
Dans ma Bible, le rapport de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, il est dit que les vitesses moyennes pratiquées de nuit sont toujours supérieures à celles de jour. Et si le trafic de nuit ne représente que 10 % du trafic, il est responsable de 45 % des tués sur la route, sans parler des blessés. Pourtant, on me répond : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Il n’y a surtout pas à légiférer.
J’ai le sentiment que cette question mérite une autre réponse. On parle de six kilomètres par heure de plus ; or on nous a dit tout à l’heure qu’un kilomètre par heure de plus augmentait de 4 % le nombre de tués. Mais tout le monde s’en moque parce qu’il faudrait modifier la réglementation en vigueur !
Nous ne cherchons pas à faciliter les excès de vitesse. Nous disons simplement qu’à la vitesse fixée il faudrait respecter l’épaisseur du trait, parce qu’aucune voiture n’est dotée d’équipement permettant au conducteur de contrôler la vitesse à laquelle il roule. Par conséquent, tolérer un dépassement d’un ou deux kilomètres par heure, ce serait introduire du bon sens dans la loi et arrêter d’être aveugle, comme le disait Yves Détraigne tout à l’heure.
S’il existe réellement un problème la nuit, comme l’affirment l’Observatoire et la sécurité routière, eh bien ! imposons une diminution des vitesses !
Nous avons la possibilité de réduire de façon considérable le nombre de tués. J’avais cru, tout à l’heure, que c’était l’objectif premier, car on m’a dit ceci : avec l’article 1er, vous allez inciter les gens à rouler plus vite, vous allez donc augmenter le nombre de tués et vous en serez responsable ; avec l’article 2, vous voulez empêcher que l’on supprime des points en cas de non-port de la ceinture de sécurité, vous aurez également des morts sur la conscience. Et avec l’article 3, qui concerne la vitesse de nuit, il ne faudrait rien faire, bien que ce soit à ce moment-là que l’on roule trop vite, comme l’indique l’Observatoire !...
J’ai voulu aller jusqu’à l’article 3 pour que chacun comprenne qu’il ne s’agit pas d’un problème de sécurité publique. Il faut s’en tenir à la situation actuelle et ne rien changer. Cela donne satisfaction à tout le monde et, surtout, on ne sanctionne que les comportements humains et non l’absence d’action du Gouvernement ou, éventuellement, des collectivités territoriales : on punit uniquement les conducteurs qui se trouvent dans des situations un peu limites. C’est dommage, parce que, dans les départements ou les régions où l’on a accompli des efforts d’aménagement, par exemple en Bretagne, on a trois fois moins de risques de se tuer sur la route.
Souvenons-nous des carnages sur les routes nationales quand celles-ci relevaient de la responsabilité de l’État ! Depuis qu’elles ont été confiées aux départements, ces routes nationales ont été aménagées et il y a moins de morts. Mais on évite de le dire, car ce serait montrer du doigt tout ce qui n’était pas fait à l’époque et qui est réalisé aujourd’hui par les collectivités territoriales.
Il n’est pas bon d’avoir raison trop tôt, mais je suis certain que nous délibérerons de nouveau sur ces sujets, que cela plaise ou non, car 71 % des Français n’y comprennent plus rien, se sentent grugés, et ils ont raison.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Monsieur About, il se trouve que l’un des commissaires du Gouvernement présents est membre de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière. Par conséquent, il connaît bien les chiffres.
En 2007, la vitesse moyenne des véhicules relevée sur les autoroutes était de 120 kilomètres par heure le jour et de 115 kilomètres par heure la nuit. La vitesse moyenne des véhicules relevée sur les routes nationales était de 82 kilomètres par heure le jour et de 82 kilomètres par heure la nuit. Vous avez raison sur un point seulement : la vitesse moyenne des véhicules en agglomération est de 53 kilomètres par heure le jour et de 58 kilomètres par heure la nuit.
Par ailleurs, je voudrais vous donner lecture de la dernière circulaire de Mme le ministre de l’intérieur aux forces de l’ordre : « Je vous demande de concentrer les contrôles des forces de l’ordre sur les accès et horaires correspondant à la majeure partie des accidents dans lesquels les jeunes trouvent la mort, en particulier le week-end et la nuit. »
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Je vais vous donner lecture de la page 140 du rapport de l’Observatoire :
« Vitesses pratiquées de nuit par les voitures de tourisme : […]
« On constate également que mis à part les autoroutes de liaison où les vitesses moyennes sont inférieures de 5 km/h, les centres-villes d’agglomérations moyennes et les routes nationales où elles sont égales, les vitesses moyennes pratiquées de nuit sont toujours supérieures aux vitesses pratiquées de jour, l’écart le plus important en valeur absolue concernant les routes de dégagement (+6 km/h) puis les traversées des petites agglomérations par les routes nationales (+5 km/h) et enfin les voies d’entrée/sortie des agglomérations (+4 km/h). »
Pardonnez-moi, je ne suis que médecin, mais je sais encore lire le français ! Ou alors, il y a deux rapports : celui que l’on distribue aux parlementaires et celui que l’on remet au ministre. On n’a pas le droit de se moquer des parlementaires !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 145 :
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 157 |
Pour l’adoption | 285 |
Contre | 27 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 3 est supprimé.
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Après ces trois votes par scrutin public, il est clair que la demande du Gouvernement a été entendue par sa majorité (Exclamations.) ; pardonnez-moi, par une majorité. Je n’en ai pas l’habitude ! (Rires.)
M. Jacques Mahéas. Nous non plus !
M. Nicolas About. Mais il est vrai que l’on retrouve nombre de vos amis au Gouvernement !
Une majorité a décidé qu’il ne fallait rien changer et qu’il n’y avait donc pas lieu de légiférer. Pour ma part, je pensais qu’il fallait moins de tués la nuit sur les routes, que l’on pouvait introduire un peu de mesure, de bon sens et d’humanité. Ce n’est pas possible ! Par conséquent, je ne défendrai pas les articles suivants, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Dans ces conditions, nous renonçons à demander des scrutins publics sur les prochains articles, monsieur le président.