Sommaire

Présidence de M. Bernard Frimat

Secrétaires :

Mmes Sylvie Desmarescaux, Anne-Marie Payet.

1. Procès-verbal

2. Diffusion et protection de la création sur Internet. – Adoption définitive d’un projet de loi en nouvelle lecture (Texte de la commission)

Discussion générale : Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication ; M. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

Mme Françoise Laborde, M. Serge Lagauche, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Jack Ralite, Mlle Sophie Joissains, Mme Marie-Christine Blandin.

Clôture de la discussion générale.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles.

Suspension et reprise de la séance

Article 1er A. – Adoption

Articles additionnels avant l'article 1er

Amendements nos 2 et 3 de M. Ivan Renar. – MM. Michel Billout, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Ivan Renar, Serge Lagauche, Mmes Catherine Morin-Desailly, Marie-Christine Blandin. – Rejet des deux amendements.

Articles 1er et 1er bis A. – Adoption

Article 2

Mme Samia Ghali.

Adoption de l'article.

Articles 3, 4 bis A, 4 bis, 6 à 7. – Adoption

Article 7 bis (supprimé)

Articles 8, 9 bis A, 9 bis, 9 ter. – Adoption

Article 9 quater (supprimé)

Articles 10 A et 10. – Adoption

Article 10 bis A

Amendement no 5 de M. Ivan Renar. – MM. Jean-François Voguet, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

Amendements identiques nos 1 de Mme Marie-Christine Blandin et 4 de M. Ivan Renar. – Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-François Voguet, le rapporteur, Mme la ministre, M. Serge Lagauche. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Articles 10 bis B, 10 bis C, 10 bis à 10 quater et 11 à 13. – Adoption

Article additionnel après l’article 13

Amendement no 6 de M. Ivan Renar. – MM. Jack Ralite, le rapporteur, Mme la ministre, M. Serge Lagauche. – Rejet.

Vote sur l'ensemble

MM. Jean-Pierre Plancade, Jean Louis Masson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. François Autain, Jack Ralite, le président de la commission.

Adoption définitive, par scrutin public, du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance

3. Réforme de l'hôpital. – Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (Texte de la commission)

Discussion générale (suite) : Mmes Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité ; Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Clôture de la discussion générale.

Exception d’irrecevabilité

Motion no 901 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme la ministre, MM. Michel Billout, Bernard Cazeau. – Rejet par scrutin public.

Question préalable

Motion no 281 de M. René Teulade. – MM. René Teulade, le rapporteur, Mme la ministre, MM. René-Pierre Signé, François Autain. – Rejet par scrutin public.

Demande de renvoi à la commission

Motion no 282 de M. Jean-Pierre Godefroy. – MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet par scrutin public.

Suspension et reprise de la séance

Article 1er A (supprimé par la commission)

Article 1er

Mmes Samia Ghali, Annie David, MM. Jacky Le Menn, Guy Fischer, Mme Isabelle Pasquet, M. Yves Daudigny, Mme Claire-Lise Campion, MM. Robert Hue, Michel Billout, Mmes Dominique Voynet, Marie-Thérèse Hermange, la ministre.

Amendement n° 371 de M. François Autain. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme la ministre, M. Bernard Cazeau. – Rejet par scrutin public.

Amendement n° 185 de M. René Beaumont. – MM. René Beaumont, le rapporteur, Mme la ministre, M. Jacques Blanc. – Adoption.

Amendement n° 309 de M. Jacky Le Menn. – MM. Jacky Le Menn, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

Amendement n° 310 de M. Jean Desessard. – Mme Dominique Voynet, M. le rapporteur, Mme la ministre, M. François Autain. – Rejet.

Amendements nos 586 rectifié bis de M. Gilbert Barbier et 311 de M. Jean Desessard. – M. Gilbert Barbier, Mme Dominique Voynet, M. le rapporteur, Mme la ministre, M. François Autain. – Adoption de l’amendement no 586 rectifié bis, l’amendement no 311 devenant sans objet.

Amendement n° 676 de Mme Marie-Thérèse Hermange et sous-amendement no 1222 du Gouvernement. – Mmes Marie-Thérèse Hermange, la ministre, M. le rapporteur. – Retrait du sous-amendement et de l’amendement.

Amendement n° 372 de M. François Autain. – MM. François Autain, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

Amendements nos 289 de M. Jacky Le Menn, 290, 291 de M. Jacky Le Menn, 639 rectifié de M. Yvon Collin, 574 de M. François Autain, 292 de M. Jean Desessard et 668 rectifié de Mme Marie-Thérèse Hermange ; amendements identiques nos 159 de M. Adrien Gouteyron et 374 de M. François Autain ; amendement n° 581 rectifié quater de M. Jean-Claude Etienne ; amendements identiques nos 293 de M. Jacky Le Menn et 587 rectifié de M. Gilbert Barbier ; amendement n° 375 rectifié de M. François Autain. – MM. Jacky Le Menn, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Pierre Chevènement, François Autain, Mmes Dominique Voynet, Marie-Thérèse Hermange, M. Adrien Gouteyron, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Janine Rozier, M. Gilbert Barbier, Mme Mireille Schurch, M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Paul Blanc. – Retrait des amendements nos 668 rectifié, 159 et 581 rectifié quater ; rejet de l’amendement no 289 et, par scrutin public, de l’amendement no 290 ; rejet des amendements nos 639 rectifié, 292, 291 et 374 ; adoption de l’amendement no 574.

Reprise de l’amendement no 581 rectifié quinquies par Mme Raymonde Le Texier. – Mme Raymonde Le Texier. – Rejet.

Rejet des amendements nos 293, 587 rectifié et 375 rectifié.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

4. Mise au point au sujet d’un vote

Mme Françoise Laborde, M. le président.

5. Réforme de l’hôpital. – Suite de la discussion d’un projet de loi déclaré d’urgence (Texte de la commission)

Article 1er (suite)

Amendements nos 376 de M. François Autain et 294 de M. Jacky Le Menn. – Mme Annie David, MM. Jacky Le Menn, Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. – Retrait de l’amendement n° 294 ; rejet de l’amendement n° 376.

Amendements identiques nos 295 de M. Jacky Le Menn et 588 rectifié bis de M. Yvon Collin. – M. Jacky Le Menn, Mme Françoise Laborde, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 296 de M. Jacky Le Menn. – MM. Jacky Le Menn, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

Amendement n° 108 rectifié de M. Bruno Gilles. – MM. Bruno Gilles, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.

Amendement n° 589 rectifié de M. Gilbert Barbier. – MM. Gilbert Barbier, le rapporteur, Mme la ministre. – Adoption.

Amendement n° 379 de M. François Autain. – MM. François Autain, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

Amendements identiques nos 297 de M. Jacky Le Menn et 590 rectifié bis de M. Yvon Collin. – M. Jacky Le Menn, Mme Françoise Laborde, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait des deux amendements.

Amendement n° 591 rectifié de M. Gilbert Barbier. – MM. Gilbert Barbier, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.

Amendement n° 206 rectifié de Mme Catherine Morin-Desailly. – Mme Anne-Marie Payet, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.

Amendements nos 380 de M. François Autain et 238 rectifié de M. Alain Vasselle. – Mme Isabelle Pasquet, MM. Paul Blanc, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait des deux amendements.

Amendement n° 637 de M. Gilbert Barbier. – MM. Gilbert Barbier, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

Amendement n° 1173 du Gouvernement. – Mme la ministre, M. le rapporteur. – Adoption.

Amendement n° 381 de M. François Autain. – M. Guy Fischer. – Retrait.

Amendements nos 659 et 660 de M. Alain Houpert. – MM. Alain Houpert, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 1172 du Gouvernement. – Mme la ministre, M. le rapporteur. – Adoption.

Amendement n° 640 rectifié de M. Gilbert Barbier. – MM. Gilbert Barbier, le rapporteur, Mme la ministre, MM. François Autain, Jean Desessard, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. – Adoption.

Amendement n° 90 rectifié de M. Jacques Blanc. – MM. Jacques Blanc, le rapporteur, Mme la ministre. – Adoption.

Amendement n° 573 de M. François Autain. – MM. François Autain, le rapporteur, Mme la ministre. – Adoption.

Amendement n° 382 de M. François Autain. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme la ministre, M. François Autain. – Rejet.

Amendements identiques nos 70 de M. André Lardeux et 1203 du Gouvernement ; amendements identiques nos  658 de M. Alain Houpert et 840 de M. Paul Blanc ; amendements identiques nos  541 de M. François Autain, 608 rectifié de M. Gilbert Barbier, 661 de M. Alain Houpert et 841 rectifié de M. Paul Blanc ; amendements nos 383, 384, 377 de M. François Autain, 298, 299 de M. Jacky Le Menn, 273 de M. Alain Houpert et 592 rectifié bis de M. Michel Charasse. – M. André Lardeux, Mme la ministre, MM. Alain Houpert, François Autain, Gilbert Barbier, Paul Blanc, Mme Isabelle Pasquet, M. Jean-Jacques Mirassou, Mme Annie David, MM. Jean-Pierre Godefroy, Jean-Pierre Chevènement, le rapporteur, le président de la commission, Yves Daudigny, Bernard Cazeau. – Retrait de l’amendement n° 1203 ; adoption, par scrutin public, de l’amendement n° 70, les autres amendements devenant sans objet.

Amendements nos 300 de M. Jacky Le Menn et 160 de M. Adrien Gouteyron ; amendements identiques nos 301 de M. Jacky Le Menn et 593 rectifié ter de M. Gilbert Barbier ; amendements nos 302 de M. Jacky Le Menn et 161 de M. Adrien Gouteyron ; amendements identiques nos 304 de M. Jacky Le Menn et 386 de M. François Autain ; amendement n° 162 de M. Adrien Gouteyron et sous-amendement n° 1219 rectifié du Gouvernement ; amendements nos 303 de M. Jacky Le Menn, 594 rectifié ter de M. Gilbert Barbier et 163 de M. Adrien Gouteyron. – MM. Jacky Le Menn, Adrien Gouteyron, Gilbert Barbier, Guy Fischer, Mme la ministre, MM. le rapporteur, François Autain. – Retrait de l’amendement n° 160 ; rejet des amendements nos 300, 301, 593 rectifié ter et 302 ; adoption de l’amendement n° 161, du sous-amendement n° 1219 rectifié, de l’amendement n° 162 modifié et de l’amendement n° 163, les autres amendements devenant sans objet.

Renvoi de la suite de la discussion.

6. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

7. Dépôt de rapports

8. Dépôt de textes de commissions

9. Dépôt d'un rapport d'information

10. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Bernard Frimat

vice-président

Secrétaires :

Mme Sylvie Desmarescaux,

Mme Anne-Marie Payet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

 
Dossier législatif : projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet
Discussion générale (suite)

Diffusion et protection de la création sur Internet

Adoption définitive d’un projet de loi en nouvelle lecture

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet (nos 395, 396, 397).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet
Article 1er A

M. Daniel Raoul. Allez, c’est la fin du supplice ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le 30 octobre 2008, vous approuviez en première lecture le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, après lui avoir apporté 84 amendements qui l’ont très sensiblement amélioré.

Le 9 avril dernier, vous adoptiez le texte de compromis particulièrement équilibré établi par la commission mixte paritaire. Je ne reviendrai pas sur les circonstances de son rejet par l’Assemblée nationale.

M. Gérard César. Il y avait trop de présents ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

Mme Christine Albanel, ministre. Chacun les connaît. Il faut maintenant dépasser l’anecdote et agir.

À la suite d’une nouvelle lecture devant l’Assemblée nationale, le texte qui vous est soumis est parfaitement fidèle au projet issu de la commission mixte paritaire.

Les seules modifications apportées ont consisté à rendre plus visibles les garanties de procédure dont disposeront les internautes.

Cette nouvelle lecture devant le Sénat est pour moi l’occasion de rendre hommage à l’esprit ouvert, non partisan, qui a constamment guidé vos travaux. Le Sénat a immédiatement apprécié les enjeux culturels et économiques du piratage : un milliard de fichiers piratés chaque année en France ; un chiffre d’affaires qui a chuté de 50 % pour la musique et de 35 % pour le DVD ; au total, un dommage économique annuel évalué à plus de un milliard d’euros ; enfin, une regrettable exception française, avec des ventes numériques qui ne prennent pas le relais des supports physiques, puisqu’elles représentent seulement 10 % des ventes, contre 30 % aux États-Unis et 20 % en moyenne dans les autres pays d’Europe.

Le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet apporte une réponse à la fois pragmatique, pédagogique, modérée et volontariste à cette situation.

Il prévoit aussi un vrai choix de société : quelle est la place que nous entendons réserver, en France, aux artistes et à tous les acteurs de la diversité culturelle ? La réponse que nous apportons à cette question, c’est que les créateurs ont le droit de vivre de leur travail et qu’ils ne doivent pas être expropriés, spoliés, en contrepartie d’une « licence globale » injuste et infaisable. Les artistes eux-mêmes n’en veulent pas : ils le disent et l’écrivent, toutes tendances politiques confondues.

Entre le droit de propriété des artistes et les habitudes de certains internautes, nous avons choisi le droit. Entre s’incliner devant le fait accompli et restaurer le sens, nous avons choisi le sens.

Internet est une chance pour la culture. C’est le vecteur de diffusion de l’avenir. Nous voulons développer cet instrument de partage. Mais ce développement appelle des règles.

L’environnement numérique n’abolit pas les principes élémentaires de la vie en société. Il n’existe pas de « monde virtuel » où règnerait impunément l’affirmation brutale de soi. Il n’y a qu’un seul et unique « monde », régi par les mêmes règles, et internet n’est pas une zone de non-droit. Nous voulons simplement assumer une régulation raisonnable.

Je regrette d’ailleurs que ceux-là même qui sont les plus ardents défenseurs de la régulation économique, et à juste titre, soient partisans, en ce qui concerne le numérique, du laisser-faire et même d’un ultralibéralisme pour le moins surprenant.

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas le sujet !

Mme Christine Albanel, ministre. C’est parce que nous portons cette volonté de régulation et ce souci de justice que la mobilisation pour soutenir ce projet de loi n’a cessé de s’amplifier depuis votre premier vote : en France, 10 000 artistes ou techniciens de la musique, 1 300 labels de musique indépendants, les cinéastes et les comédiens les plus renommés ; au plan international, 4 000 labels de musique indépendants, les fédérations de producteurs de films et d’éditeurs vidéos, la Guilde des réalisateurs américains conduite par Steven Soderbergh notamment.

La méthode que nous avons retenue pour mener les accords interprofessionnels de l’Élysée ainsi que leur approche pédagogique intéressent de nombreux pays, où a lieu une réflexion visant à déterminer le meilleur moyen de faire obstacle au piratage : processus gradués d’avertissements et de sanctions, judiciaires et non judiciaires, le plus souvent dans le cadre d’accords contractuels et, parfois, par le truchement de la loi.

J’en veux pour preuve les accords conclus entre les fournisseurs d’accès à internet, les FAI, et les industries culturelles en Grande-Bretagne, en Irlande et au Japon, la négociation de tels accords actuellement en cours aux Pays-Bas, en Australie et à Hong Kong et, enfin, les lois adoptées en Suède, en Corée du Sud, à Taïwan et bientôt en Norvège.

En termes de dissuasion, les premiers résultats observés sont significatifs.

Ainsi, la simple entrée en vigueur de la loi suédoise, voilà un mois, a occasionné du jour au lendemain, sans qu’aucune sanction ne soit prise, une chute de 37 % du trafic sur internet dans ce pays et une envolée du recours à l’offre légale.

Après six mois d’expérimentation en Grande-Bretagne, le taux de désincitation observé chez les pirates qui ont reçu deux avertissements est de l’ordre de 70 %, alors même qu’aucune sanction n’est encore prévue.

Il y a donc une vaste convergence internationale et nous avons eu raison d’être des pionniers en la matière.

Dans ce contexte, j’ai eu l’occasion de faire part de ma préoccupation au sujet du vote intervenu au Parlement européen sur le « paquet Télécom ». C’est l’amendement Bono qui a été présenté au vote du Parlement, au lieu de l’amendement de compromis prévu initialement. Je le regrette, car l’amendement Bono avait été refusé par tous les États membres représentés au sein du Conseil des ministres en charge de la culture et de l’audiovisuel, précisément parce qu’il n’entretenait aucun rapport avec le sujet. Le « paquet Télécom » n’est toujours pas adopté. Je considère que cette situation est dommageable, car l’un des objectifs de ce texte était de peser sur le débat du Parlement français.

Si je regrette l’adoption de cet amendement, je ne le crains en aucune façon, car, je le rappelle, le présent projet de loi ne porte atteinte à aucune liberté fondamentale.

Il est évident, en outre, que le droit et la liberté doivent pouvoir se concilier. La liberté d’utilisation d’internet, si estimable soit-elle, doit respecter le droit des auteurs et des créateurs, ainsi que le droit de propriété. La France mène ce combat depuis plusieurs siècles, au moins depuis Beaumarchais !

Nous avons également le droit, comme l’a reconnu le Conseil des ministres en charge de la culture et de l’audiovisuel, le 20 novembre dernier, de mener des expérimentations afin de trouver les meilleurs moyens de lutter contre le piratage. Le Conseil a ainsi approuvé la méthode que nous avons retenue, celle des accords interprofessionnels, et le principe de notre démarche.

Tel est l’esprit du projet de loi que je présente à nouveau devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, nous ne prétendons ni résoudre l’ensemble des problèmes qui peuvent se poser, ni éradiquer complètement le piratage des œuvres culturelles sur internet. Nous voulons provoquer une véritable prise de conscience et créer les conditions du développement de l’offre légale. De nombreux amendements adoptés par la Haute Assemblée vont d’ailleurs dans le même sens.

Avec ce texte, nous voulons que soient gagnants les internautes, qui pourront bénéficier du développement de l’offre légale, les maisons de production, qui auront tout intérêt à jouer pleinement cette carte, les créateurs et les auteurs, actuellement très inquiets, qui fondent de grands espoirs sur cet univers numérique mieux régulé.

Ce texte est un premier pas. Une fois l’univers numérique plus sécurisé, nous pourrons travailler tous ensemble, et je souhaite associer le Parlement à cette réflexion, à une meilleure reconnaissance des droits des auteurs, ainsi que de la place des indépendants, dans les domaines de la musique et du cinéma.

Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de toutes les améliorations que vous avez apportées à ce texte et de l’esprit qui a présidé à nos débats. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si notre hémicycle était un terrain de sport, nous pourrions parler de prolongations, car nous avons aujourd’hui le sentiment de rediscuter d’un texte dont nous avons déjà débattu.

La partie semblait jouée. Tout semblait avoir été dit, à de multiples reprises, sur un projet de loi présenté par vous-même, madame la ministre, il y a près d’un an.

Ce projet de loi a été adopté ici même, voilà plus de six mois, en première lecture, après des auditions nombreuses, des débats riches et des améliorations significatives. En effet, des amendements ont été présentés et discutés par tous les groupes de la Haute Assemblée. Puis est venu le temps de l’Assemblée nationale et de la commission mixte paritaire.

Enfin, le 9 avril dernier, le Sénat a adopté le projet de loi, là où l’Assemblée nationale a fait défaut. L’adoption semblait acquise, mais on avait oublié que l’on traitait d’auteurs et de création. Ce fut le coup de théâtre ! On avait oublié aussi que toutes les bonnes histoires recèlent un ultime rebondissement pour tenir en haleine le public.

Disons qu’en l’occurrence le ressort ultime tenait davantage du vaudeville et encore pas forcément du meilleur goût !

Constatons cependant que le temps démesuré de l’action publique n’est pas étranger à cette mascarade.

Quand on sait qu’internet compacte le temps et que les internautes surfent à la vitesse de l’éclair, que penser de ces dix-huit longs mois passés à étudier ce texte ? Il aurait fallu légiférer plus vite ! Sans doute faut-il, pour l’avenir, retenir la leçon ! Sans doute aussi faut-il accepter de légiférer vite quand, sur l’essentiel, tout le monde est d’accord. Et l’essentiel, qu’est-ce au juste ?

Notre société se concentre sur des sujets anodins quand elle glisse sur l’essentiel. Elle dérape en refusant d’aborder les fondements mêmes de notre civilisation quand elle s’arrête sur l’artifice le plus commun. Le bon sens populaire dirait qu’elle confond vitesse et précipitation : elle croit être moderne quand elle suit le courant, alors qu’il lui faut le canaliser pour lui donner du sens et de la vigueur. Nous voilà donc replongés dans une discussion que nous aurions pu éviter.

Pour autant, la création est un bien trop précieux pour que nous tournions la page d’une main désinvolte.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Michel Thiollière, rapporteur. Le monde des auteurs, des artistes et de la culture mérite mieux.

Au passage, avez-vous remarqué le glissement de l’intitulé de ce texte ? Le projet de loi « création et internet » est devenu le projet de loi HADOPI, par une dérive sémantique qui nous fait passer subrepticement du sens au sigle, d’un univers complexe à une marque.

Ainsi, nous confondons le sujet en débat et l’outil qui aide à accompagner l’internaute du piratage vers l’offre légale. Ce qui devrait faire sens devient épouvantail.

Ce sigle a été ridiculisé avant même d’avoir été mis en œuvre parce que l’on réduit la profondeur et l’étendue du sujet à une partie du dispositif.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Michel Thiollière, rapporteur. On nous répondra qu’on doit faire court !

S’il faut faire court, ouvrons tout de suite les vannes d’une mondialisation essentiellement marchande ! Cessons alors de nous rengorger en évoquant la diversité, l’identité et la litanie de tous nos droits : droit à la différence, droit à l’indépendance, droit à l’émergence, droit à la pluralité ...

Qu’est-ce que cela veut dire, si nous ne traitons pas le sujet au fond ?

Si nous laissons le rouleau compresseur de l’uniformisation du monde laminer l’artiste, nous aurons un monde plat, comme un écran sans profondeur, qui nie la hiérarchie des valeurs.

C’est à cela que ressemble internet si l’outil magique n’est pas « canalisé », pour reprendre le mot que j’utilisais il y a un instant, s’il n’est pas appréhendé en fonction des valeurs que nous portons et qui doivent mettre non la machine, mais l’homme au centre de tout.

Tout récemment, nos collègues députés européens ont adopté un amendement aux termes duquel l’usage d’internet serait un service qui ne pourrait pas être interrompu. Ont-ils voulu dire qu’internet est une chance, un service, un outil devenu aussi important dans notre vie quotidienne que le sont l’eau ou l’électricité ?

Si tel est le cas, nous pouvons les comprendre, tout en nuançant leur propos si nous convenons ensemble que les biens culturels sont d’une nature spécifique et que le talent créatif n’est pas forcément le fruit d’une activité productrice classique.

Il faut aussi qu’ils nous disent comment ils comptent protéger ce que l’Europe a aujourd’hui de plus précieux, ce qui lui confère une autorité morale de par le monde, ce qui lui assurera l’essentiel de ses revenus et de ses emplois, c’est-à-dire sa capacité à créer, à imaginer, à innover ou à inventer.

Se sont-ils demandé comment se poursuivra l’aventure des communications si les industriels et les scientifiques eux-mêmes voient leurs découvertes pillées ?

En cas d’accord pour protéger les innovations, demandons-leur à quoi cela servira de protéger la technologie qui permet d’alimenter le monde s’il n’y a plus d’eau à faire circuler dans les tuyaux !

Si derrière cet amendement se cache l’idée que la machine est autorisée à broyer le créateur, nous devons dénoncer cet amendement !

Si l’Europe emprunte la pente d’un populisme technologique et d’une fausse gratuité des biens culturels, alors, nous devrons nous y opposer !

Souhaitons que la future assemblée européenne, née des prochaines échéances de juin, ait à cœur, plutôt que de suivre aveuglément le monde des télécommunications, d’aider le monde des créateurs !

À ce moment du débat, je veux dénoncer un paradoxe pour moi insupportable. Aujourd’hui, le monde entier veut réguler le capitalisme débridé, outrancier, qui a oublié les règles les plus élémentaires du respect et du bon sens, alors que, dans le même temps, des esprits qui se disent éclairés veulent banaliser l’usage d’un outil symbole de la mondialisation la plus dérégulée, de la société qui s’avilit dans une négation de ses valeurs !

Si l’on veut redonner du sens au monde, il faut à la fois permettre l’accès à internet au plus grand nombre et défendre la création. Il ne faut sûrement pas établir un nouveau droit des hommes à piller la création au motif que la toile de l’internet est une nouvelle déesse au-dessus des lois des hommes. Nous devons nous garder de la fascination que nous éprouvons pour la machine que nous créons, de ce qui s’apparente à une forme d’addiction à la machine.

Nous n’en revenons pas d’avoir créé un si beau système. Sans doute la même fascination accompagnait-elle les premiers pas de l’imprimerie. Mais on peut vouloir la diffusion la plus large des livres sans pour autant détruire ce qui permet leur existence.

Aucune invention avant internet ne nous aura autant donné l’illusion que le temps et l’espace se retrouvent rétrécis, plus encore qu’au temps du chemin de fer, de l’automobile ou de l’aviation !

Rappelons-nous que l’intelligence des générations passées a permis le développement des machines, ainsi que la garantie et la protection de l’invention.

Viendrait-il à l’esprit d’un seul d’entre nous, en ces temps de crise et de compétition technologique, de brader les découvertes scientifiques et les inventions technologiques au motif que l’argent est rare et que chacun a bien le droit d’user de tous les objets de la création ?

Oserions-nous inciter nos étudiants, nos chercheurs, nos ingénieurs et nos techniciens à travailler dur, à nous offrir leurs découvertes pour que le monde aille mieux sans garantir la protection et la rémunération de leur travail ?

Alors que, partout dans le monde, les États protègent ce qu’ils ont de plus précieux, nous, Français, qui sommes l’un des peuples les plus créatifs dans le monde de la culture, nous conseillerions à nos artistes de partir plutôt que de voir leur travail pillé et non rémunéré !

On nous a dit : « Abandonnez l’idée de la suspension à internet, faites payer une amende ! » Autant dire tout de suite : « Pour piller, payez ! » Idée saugrenue qui consiste à dire qu’on peut tout voler du moment qu’on paie un forfait !

Loin du paradoxe, cela signifie que le jeu du piratage sera tarifé et que seuls ceux qui en auront les moyens pourront se le payer.

Alors que nous allons dans quelques instants passer au vote, il n’est pas utile de revenir sur tous les aspects du texte. Nous le connaissons bien ! Notre discussion ici même, puis la commission mixte paritaire, lui ont donné un tour adapté et à la hauteur des risques encourus.

Ainsi, il n’est pas besoin de rappeler que la Haute Autorité sera une autorité irréprochable et efficace.

J’avais, en son temps, évoqué la nécessaire réconciliation de l’internaute et du créateur. Cette thématique a été reprise, et je m’en réjouis.

Nous avons tout fait pour que la pédagogie soit renforcée. Nous avons travaillé pour concilier les droits des créateurs et des internautes. Nous avons aussi voulu une information plus approfondie des internautes et accentué le volet consacré à l’offre légale.

Bref, le texte est équilibré, et nous pouvons savoir gré – une fois n’est pas coutume ! (Sourires.) - à nos collègues députés d’avoir retenu hier, 12 mai, l’essentiel des avancées du Sénat et d’avoir quasiment repris le texte adopté par la commission mixte paritaire. Ils ont seulement apporté trois modifications mineures, mais qui ont le mérite de conforter le caractère contradictoire de la procédure.

C’est pourquoi la commission des affaires culturelles a adopté ce texte sans modification et vous demande d’adopter en nouvelle lecture le projet de loi tel qu’il a été modifié par l’Assemblée nationale.

Je vous rappelle que la commission mixte paritaire, réunie le 7 avril, avait trouvé un terrain d’entente sur les dispositions restant en discussion. Nous nous sommes félicités des principales avancées obtenues par le Sénat en vue d’assurer l’efficacité et le caractère pédagogique de ce texte, qui vise à encourager le développement de l’offre légale et à lutter contre le piratage des œuvres culturelles.

Quelles sont les principales avancées ? D’abord, la commission mixte paritaire a rétabli l’élection du président du collège de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la fameuse HADOPI, par ses membres, en remplacement de la nomination par décret, après avis des commissions parlementaires compétentes, prévue dans le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale. Le Sénat avait adopté ce mode de désignation sur l’initiative de notre collègue Catherine Morin-Desailly, afin de garantir l’impartialité de cette autorité publique indépendante.

Ensuite, en cas de suspension de l’accès à internet, l’internaute concerné continuera à payer la totalité de son abonnement à l’offre triple play, cela pour deux raisons : l’une pédagogique, l’autre juridique. En effet, en cas de suspension du paiement de l’abonnement à internet, les fournisseurs d’accès auraient été fondés à se retourner vers l’État pour lui demander de compenser financièrement le manque à gagner d’une décision administrative sanctionnant le comportement de l’internaute concerné, alors qu’ils n’en auraient pas été responsables.

Dans le cas contraire, on aurait abouti au paradoxe suivant lequel l’État, donc, les contribuables, auraient payé pour les internautes contrevenants ! Certains se demandent d’ailleurs si une telle disposition aurait été constitutionnelle.

Nous nous étions, par conséquent, étonnés de l’interprétation de cette mesure par les médias. Certains ont parlé, de façon inappropriée, de « double peine », alors qu’il s’agit simplement de respecter les relations contractuelles entre l’internaute et son fournisseur d’accès. Lorsqu’un abonné - que ce soit à internet ou à EDF - ne respecte pas ses obligations, il est normal qu’il continue à payer son abonnement. Pour les sénateurs que nous sommes, c’est tout simplement une question de bon sens et d’efficacité pédagogique

M. Didier Guillaume. C’est absurde !

M. Michel Thiollière, rapporteur. En outre, la commission mixte paritaire a exclu toute amnistie des contraventions dressées et condamnations prononcées à l’encontre des pirates sanctionnés en vertu du délit de contrefaçon de droits voisins. En effet, les personnes concernées sont, non de simples particuliers poursuivis pour téléchargement illégal, mais de vrais trafiquants. Il n’y avait donc pas lieu de revenir sur cette application de la loi sur les droits d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information du 1er août 2006, dite loi DADVSI, sauf à envoyer un message, là aussi paradoxal, aux « pirates » en laissant supposer que les « gros » échapperont aux mailles du filet.

Enfin, la commission mixte paritaire a confirmé les dispositions introduites par l’Assemblée nationale, sur l’initiative du Gouvernement et du député Christian Kert, en faveur du secteur de la presse

Le jeudi 9 avril dernier, alors que le Sénat avait adopté les conclusions de la commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale les a rejetées.

Cette situation, très rare dans l’histoire de notre Vè République, a entraîné la poursuite de la navette parlementaire. L’Assemblée nationale a, par conséquent, examiné le présent projet de loi à l’occasion d’une nouvelle lecture et adopté ce texte par un vote solennel hier.

À cette occasion, elle a adopté un texte quasiment identique à celui qui résultait des travaux de la commission mixte paritaire. Elle y a seulement apporté trois modifications mineures.

Parce que cette rédaction lui convient, la commission des affaires culturelles l’a adopté hier soir sans modification et vous demande de le voter aujourd’hui en nouvelle lecture.

Je formulerai cependant un regret : comme je pressentais bien voilà quelques mois que les plus permissifs et les plus libéraux ou libertaires reviendraient à la charge pour suivre la pente de la démagogie, j’avais fait adopter par notre assemblée la possibilité de limiter, le cas échéant, le débit de l’accès à internet. Je déplore que cette mesure n’ait pas reçu plus de soutien. Nous aurions maintenant une alternative crédible face aux critiques qu’encourage le vote du Parlement européen du mercredi 6 mai dernier.

Je rappelle que les députés européens ont voté un amendement de leur collègue socialiste Guy Bono sur ce qu’il est convenu d’appeler le « paquet Télécom », texte relatif à la réglementation des réseaux de communications électroniques. Cet amendement, identique à celui qui avait été adopté le 24 septembre 2008 par le Parlement européen, en première lecture, prévoit qu’aucune atteinte ne peut être imposée aux « libertés et droits fondamentaux » des « utilisateurs finaux » d’internet sans « décision préalable des autorités judiciaires », dans l’objectif d’empêcher la coupure d’un abonnement internet sans décision de justice préalable. On l’a bien compris, il veut ainsi peser dans le débat français sur le présent projet de loi.

Un certain nombre d’États membres de l’Union européenne, dont la France, y étaient très opposés. C’est pourquoi le Conseil de l’Union avait rejeté cet amendement en première lecture, à l’unanimité, et un amendement de compromis avait été élaboré, en liaison avec le Conseil, en vue de la deuxième lecture devant le Parlement européen, le 6 mai dernier.

Toutefois, cet amendement de compromis n’a pas été examiné par les députés européens, la version initiale de l’amendement Bono, redéposée entre-temps, ayant été appelée au vote avant lui et adoptée.

Il appartient donc à présent au Conseil d’examiner cet amendement en deuxième lecture, le 12 juin prochain. En cas de rejet par le Conseil et, donc, de confirmation de sa position, c’est l’ensemble de la directive en cause qui serait renvoyée devant le comité de conciliation, à l’automne 2009.

Les termes de cet amendement sont interprétés par son auteur et par les opposants français à la « réponse graduée » comme faisant obstacle au présent projet de loi, ce dernier ne prévoyant l’intervention du juge judiciaire qu’au stade des voies de recours à l’encontre des décisions prises par la HADOPI, autorité administrative indépendante.

Dans le rapport que j’avais présenté, en première lecture, au nom de notre commission des affaires culturelles, j’avais dénoncé les failles juridiques de l’interprétation ainsi donnée par les défenseurs de cet amendement.

J’en rappellerai rapidement ici les principaux arguments : l’accès à internet n’a le statut de « droit fondamental » ni en droit français ni en droit européen ; la Commission européenne, à laquelle le projet de loi avait été notifié le 24 juillet 2008, ne s’est pas opposée à la poursuite du processus législatif français avant le 24 octobre 2008, comme elle aurait pu le faire si elle avait considéré que le texte apparaissait en contradiction avec le droit communautaire existant ou en cours d’élaboration.

Néanmoins, si l’amendement Bono était adopté, outre le fait qu’il est sans rapport avec l’objet du « paquet Télécom » et s’apparente davantage à une manœuvre politique, on pourrait considérer, d’une part, qu’il se heurterait au principe de subsidiarité prévu par l’article 5 du traité instituant la Communauté européenne, d’autre part, qu’il remettrait en cause la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes relative à la nécessaire conciliation entre les différents droits et libertés.

Dans ce cas, on pourrait aussi considérer la HADOPI, compte tenu de sa composition et des nombreuses garanties procédurales prévues avant et après toute sanction, comme un « tribunal indépendant et impartial » au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, qui définit les règles dites du « procès équitable », la nature –  judiciaire ou administrative – de l’organe chargé de prendre les sanctions étant indifférente.

Toutefois, même si l’on peut penser que l’éventuelle adoption de cet amendement serait sans effet sur l’application de la loi française, elle poserait des problèmes au regard du droit communautaire puisque seuls les traités constitutifs de l’Union européenne peuvent édicter de nouveaux droits et libertés fondamentaux.

Compte tenu de toutes ces difficultés, notre commission souhaite, madame la ministre, que le Gouvernement français demande au Conseil européen de maintenir sa position initiale, c’est-à-dire de ne pas accepter cet amendement. Les auteurs, les artistes et l’ensemble des professionnels des filières de la culture méritent mieux que cela. Faisons confiance aux vertus pédagogiques de notre démarche, au-delà même des aléas liés aux évolutions technologiques.

Le Sénat ne prolongera pas davantage la période trop longue qui a séparé les accords de l’Élysée du vote final du projet de loi par le Parlement.

Votre commission estime que ce long et chaotique processus législatif aura néanmoins eu pour mérite d’améliorer considérablement le texte proposé par le Gouvernement, sans en dénaturer l’esprit. Il est maintenant urgent qu’il soit mis en application.

N’oublions pas, au-delà des débats passionnés qui ont animé cette période, nos objectifs communs : permettre l’accès à cet espace de liberté qu’est internet, tout en défendant la création culturelle ; permettre le respect des droits parfois antagonistes – liberté de communication et droit de propriété – au travers d’une légitime régulation.

Avant de conclure, je souhaite, enfin, évoquer deux pistes qui, selon moi, doivent être explorées le plus tôt possible. Sinon, nos efforts seront vains. Sinon, la puissance de la démagogie, du leurre de la gratuité, du tout technologique aura raison de la création et de son économie fragilisée.

Il est une première urgence : les partenaires de la musique, du cinéma, des séries télévisées, des médias, du logiciel ou des jeux doivent mettre en ligne des formules simples, économiques et respectueuses du droit d’auteur.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Michel Thiollière, rapporteur. Disons-le tout net : ce qui a été fait à ce jour n’est pas encore satisfaisant. Ce n’est pas suffisamment incitatif. Ce n’est donc pas une alternative assez crédible au piratage.

Il est une deuxième urgence : il faut inventer un nouveau modèle économique. Comme l’écrivait très justement un journaliste des Échos il y a quelques jours : « Les majors peinent à trouver la bonne réplique et restent encore trop dépendantes du modèle économique de l’âge d’or du disque. »

Cela signifie qu’il faut inventer un autre modèle associant opérateurs, fabricants, fournisseurs d’accès, acteurs de la création. Comme ils le font déjà dans tant d’autres activités, ils doivent mettre en place, ensemble, un modèle simple. Pour le coup, il faut aller vite ! Et cela ne dépend plus du législateur !

Tous ceux qui ont signé les accords de l’Élysée, il y a plus de dix-huit mois maintenant, nous ont demandé une loi et se sont engagés à faire, sur cette base, les efforts nécessaires. Nous y sommes. Nous attendons d’eux une réaction efficace et rapide.

Le Festival de Cannes ouvre ce soir, madame la ministre. Vous pourrez, j’en suis convaincu, porter la bonne nouvelle : la représentation nationale aura voté la loi « création et internet ».

Cependant, il faut aussi que le monde de la création considère cette étape non pas comme une fin en soi, mais comme le début d’une nouvelle complicité entre les internautes et les créateurs. La bataille n’est donc pas terminée.

Mes chers collègues, je vous remercie toutes et tous très sincèrement, plus particulièrement les membres de la commission des affaires culturelles et son président, Jacques Legendre, ainsi que Mme la ministre, dont j’ai apprécié l’écoute attentive. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis dans cet hémicycle pour débattre une troisième fois du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.

Les polémiques qui ont entouré l’examen de ce texte n’ont finalement fait que ralentir le processus législatif et retarder l’adoption de mesures attendues même si leur forme est très contestée.

L’émotion et la passion ont parfois pris dans les débats le dessus sur la réflexion et le discernement. Nous n’avons pourtant cessé de le rappeler : l’enjeu majeur est bel et bien de protéger la création culturelle.

Finalement, après toutes les péripéties de ces dernières semaines, la énième version du texte que nous examinons enfin ce matin n’est guère différente de la version issue de la commission mixte paritaire que nous avions examinée le 9 avril. Que de temps perdu pour en revenir presque au même point !

Je ne reviendrai donc évidemment pas aujourd’hui sur le fond de ce texte, car j’ai déjà eu l’occasion de le faire à maintes reprises ici même.

Deux éléments, sur lesquels je souhaite uniquement et brièvement insister, me semblent fondamentaux quant à la bonne utilisation des nouveaux dispositifs et résument à eux seuls la philosophie qui doit nous guider dans la lutte contre le piratage des œuvres culturelles sur internet.

Avant tout, je retiendrai l’aspect pédagogique du texte. Cette étape d’éducation, de responsabilisation, notamment des plus jeunes citoyens, qui sont aussi les principaux utilisateurs des nouveaux moyens de communication, est fondamentale. La sensibilisation des consommateurs à la notion de droits d’auteurs est essentielle. Elle sera à l’avenir une des clés de la réussite du sauvetage de la production artistique.

Ceux qui téléchargent illégalement des œuvres culturelles sur internet ne respectent pas la création artistique. Ils doivent être informés et responsabilisés avant d’être réprimandés. Ils le seront grâce à ce texte.

Le principe de riposte graduée, qui s’appliquera dans la sphère familiale et éducative, est un outil efficace et pédagogique à l’égard des utilisateurs d’internet qui mettent en danger la création par leur comportement irresponsable.

L’ère du numérique est une grande chance pour la culture. L’accès à de plus en plus d’informations par le plus grand nombre est un outil extraordinaire que nous devons apprivoiser et utiliser dans le respect des codes.

J’en arrive au deuxième volet de mon intervention, madame la ministre. Permettez-moi d’insister sur la responsabilité qui est la nôtre, à nous sénateurs du groupe du RDSE, celle d’exiger du Gouvernement qu’il consacre davantage de moyens financiers, qu’il donne une orientation nouvelle à la politique culturelle et numérique de la France et, surtout, qu’il anticipe enfin les progrès technologiques à venir.

Cela passera, par exemple, par le développement d’une offre légale alternative de qualité et par la mise en place de la licence globale, à l’instar de ce que les États-Unis s’apprêtent à faire.

Beaucoup pensent que la politique culturelle française s’essouffle et décline. La démocratisation et la diversité culturelle ne doivent plus être brandies comme des leitmotivs, mais votre ministère doit tout mettre en œuvre pour les faire vivre concrètement sur le terrain.

Madame la ministre, nous arrivons enfin au terme d’un travail de très longue haleine. Espérons que les polémiques auxquelles nous avons assisté, même si elles ont parfois embrouillé les discussions sur ce texte, auront permis une réelle prise de conscience quant à l’enjeu de la mise en place d’une politique culturelle de l’ère internet digne de son époque. Ne sommes-nous pas au xxie siècle ?

C’est pourquoi, madame la ministre, mes chers collègues, la grande majorité de notre groupe soutiendra l’adoption définitive de ce texte. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et de lUnion centriste, ainsi que sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la défense du droit des auteurs sur internet et l’adaptation du code de la propriété intellectuelle aux nouveaux supports de diffusion culturelle auront été marqués, avec l’échec de la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, dite loi DADVSI, par de nombreux rebondissements que nous ne pouvons que regretter.

Le rejet par l’Assemblée nationale du texte de compromis issu des travaux de la commission mixte paritaire est la marque de la maladresse et de la légèreté du Gouvernement sur un texte pourtant fondamental pour la défense des créateurs de notre pays.

Nous regrettons de devoir à nouveau nous exprimer aujourd’hui parce que, une fois de plus, le Gouvernement prend un retard coupable afin de mettre en œuvre les mesures qui s’imposent pour protéger les droits de nos auteurs, de nos créateurs et de nos artistes, toutes disciplines confondues.

Le texte qui nous est présenté en nouvelle lecture est pour ainsi dire le même que celui sur lequel nous nous étions exprimés le 9 avril dernier à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Dans cet intervalle, le Parlement européen a adopté un amendement au « paquet Télécom » qui semblerait pouvoir remettre en cause le dispositif de la riposte graduée.

Nous considérons, conformément au droit en vigueur, que l’accès à internet n’est pas assimilable à une liberté fondamentale. Il vous appartient cependant, madame la ministre, de trouver un dispositif conforme à la réglementation européenne, sans renoncer, bien entendu, à la défense du droit d’auteur.

Nous avons déjà eu l’occasion, à maintes reprises, d’évoquer les pertes de chiffre d’affaires des entreprises du secteur culturel. Un rappel me semble toutefois nécessaire : moins 50 % pour la musique enregistrée, moins 35 % pour la vidéo, un milliard de fichiers culturels volés via les échanges de pair à pair en 2008, 450 000 films téléchargés et mis à disposition illégalement tous les jours.

De tels chiffres vous commandaient d’agir rapidement. Depuis le 23 novembre 2007 et la signature des accords de l’Élysée, vous étiez en capacité de le faire. L’ensemble des acteurs associés à la diffusion culturelle sur internet s’étaient entendus autour d’un dispositif pédagogique et proportionné de riposte graduée, sur lequel je ne reviendrai pas. Or, il vous aura fallu près de deux ans depuis la signature des accords de l’Élysée pour faire voter ce texte par le Parlement.

Dans cet intervalle, le piratage des œuvres s’est amplifié et les offres légales de musique et de films peinent toujours à trouver leur public.

En effet, en 2007, si 1,4 milliard de titres musicaux ont été téléchargés en ligne de façon légale dans le monde, les chiffres de l’IFPI, l’International Federation of Phonographic Industry, nous enseignent qu’en 2008 95 % des titres musicaux téléchargés sur internet l’ont été de façon illégale.

Le piratage, c’est-à-dire le vol des œuvres, outre qu’il est bien souvent de piètre qualité, domine donc l’offre légale et l’empêche de se développer. C’est un fait reconnu par tous, les majors du disque comme les labels indépendants. On a voulu nous faire croire à un clivage entre les industriels et les artisans : ce texte serait le bras armé des industries culturelles contre les artisans de la contre-culture. C’est faux, et le soutien de la très grande majorité des ayants droit, artistes, auteurs, éditeurs, producteurs, petits et grands, le démontre.

Si votre texte, madame la ministre, a l’avantage de graver dans le marbre de la loi le principe selon lequel le piratage des œuvres culturelles est un vol vis-à-vis du droit d’auteur, auquel il convient de répondre en prévoyant une sanction graduée et proportionnée, il manque toutefois cruellement d’un volet pédagogique qu’il faut développer.

Il faut expliquer de manière forte et volontaire aux jeunes internautes et à leurs parents, les titulaires de l’abonnement à internet, les dangers pour la création artistique du piratage des œuvres. Il faut développer une grande campagne de sensibilisation et insister sur le fait que la gratuité n’existe pas, sur internet comme partout ailleurs. Tout se paie…

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Eh oui !

M. Serge Lagauche. … et cette rémunération, directe ou indirecte, est la source indispensable du financement du cinéma, de la musique et de l’ensemble de la création artistique.

Une telle campagne de sensibilisation permettra de mieux faire comprendre et d’accepter le dispositif de la riposte graduée.

La Ligue des droits de l’homme estime que ce texte vient rompre l’équilibre entre la protection des auteurs et le droit du public à accéder à la culture.

Nous partageons les positions prises par la Ligue des droits de l’homme pour veiller au respect des libertés fondamentales. Pourtant, nous considérons en l’espèce que c’est le développement de l’offre légale de musique et de film qui permettra de maintenir cet équilibre. Si le pillage des œuvres se poursuit, la source de financement des entreprises du secteur culturel se tarira et, au final, la diversité des œuvres disponibles et accessibles à tous sera remise en question.

Les accords Olivennes doivent, pour éviter cela et maintenir cet équilibre, être développés. La riposte graduée doit être adossée à des mesures permettant le développement d’une offre légale attractive pour le public internaute.

Certes, le texte prévoit une évolution de la chronologie des médias et les films seront désormais disponibles en DVD et en VOD quatre mois après leur sortie en salle. Pour autant, cet effort consenti par la filière cinématographique ne sera pas suffisant et la question fondamentale de la rémunération de la création à l’ère numérique reste entière.

Dans le contexte actuel d’érosion des recettes publicitaires sur tous les supports d’information et de communication, il ne nous semble pas suffisant d’encourager un modèle économique qui assoit une partie de la rémunération des auteurs sur le partage de recettes publicitaires de plus en plus incertaines.

Dans la foulée de l’introduction en bourse du plus célèbre moteur de recherche en 2004, quantité de sites se sont construits sur l’idée que leur totale gratuité d’usage pouvait être financée par toujours plus de publicité, les investissements des annonceurs étant répercutés, bien entendu, sur les consommateurs.

Or la crise actuelle modifie la donne et laisse clairement apparaître que le nombre de sites susceptibles de vivre de cette seule manne publicitaire est infiniment inférieur à ce que l’on avait pu imaginer.

N’oublions pas, madame la ministre, que le dispositif de la riposte graduée doit impérieusement être adossé à un mécanisme de régulation et de soutien de la création sur internet. Ce mécanisme reste à concevoir. Vous faites le pari que le succès supposé du système de la riposte graduée entraînera un report automatique des internautes sur les offres légales, payantes à l’acte, à l’abonnement ou faussement gratuites par le biais des recettes publicitaires. Très sincèrement, même si nous doutons que cela puisse être le cas, nous souhaitons que l’avenir vous donne raison.

Pour notre part, nous réitérons notre disponibilité pour participer, avec les auteurs et les internautes, à la recherche d’un système de régulation et de soutien à l’ensemble de la création sur internet permettant le respect du droit d’auteur tout en favorisant la diffusion culturelle pour le plus grand nombre.

Vous l’aurez compris, la position du groupe socialiste du Sénat n’a pas varié depuis le 9 avril dernier et, pour les raisons que je viens d’évoquer, nous pensons qu’il vous faut continuer à travailler pour développer la riposte graduée de manière à la rendre acceptable par tous, les artistes et leur public, tout en rendant les offres légales accessibles au plus grand nombre.

Afin de manifester son soutien indéfectible aux créateurs, le groupe socialiste du Sénat avait accepté de voter en faveur du projet de loi « création et internet » lors de son examen en première lecture.

Le retard pris par votre Gouvernement, madame la ministre, pour présenter ce projet de loi au Parlement, suivi de l’introduction d’un cavalier législatif prévoyant, de manière tout à fait contradictoire aux conclusions des États généraux de la presse, que la collaboration des journalistes dans une entreprise de presse est désormais multi-support, nous avait conduits à l’abstention sur le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.

Aujourd’hui, nous regrettons profondément que le Gouvernement n’ait pas réussi à rassembler sa majorité à l’Assemblée nationale le 9 avril dernier pour voter le projet de loi HADOPI et mettre en œuvre rapidement les mesures nécessaires pour la protection du droit des auteurs sur internet.

Tout en renouvelant son soutien aux créateurs et à leurs droits, mais ne voulant pas jouer le rôle de supplétif d’une majorité parlementaire défaillante, le groupe socialiste du Sénat refusera donc aujourd’hui de participer au vote…

Mme Catherine Morin-Desailly. Ce n’est pas bien !

M. Jean-Pierre Plancade. C’est inconséquent !

M. Serge Lagauche. …et il regrette que la défense du droit des auteurs n’ait pas suscité, de la part du Gouvernement et de sa majorité, l’intérêt premier qu’il convenait de lui accorder. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour mener à bien la dernière étape d’un parcours législatif pour le moins mouvementé.

Le projet de loi « création et internet » est examiné depuis près d’un an par le Parlement. Il a donné lieu à un événement particulier de la vie parlementaire dont on ne retrouve que trois précédents sous la ve République : le rejet par l’Assemblée nationale d’un texte issu d’une commission mixte paritaire.

Cet incident a conduit nos collègues députés à être saisis pour une nouvelle lecture au sein de leur assemblée. Avant d’être débattu en séance, le texte a été à nouveau examiné par la commission des lois, qui est revenue à un texte très proche de celui qui était issu de la commission mixte paritaire du 7 avril dernier.

Les débats à l’Assemblée nationale se sont donc déroulés sur le texte issu de la commission qui reprenait les aménagements et le consensus dégagés en commission mixte paritaire.

On peut regretter le retard qui a été pris alors qu’il est urgent de trouver la réponse la mieux adaptée à la question du téléchargement illégal.

D’une part, il faut apporter une réponse aux artistes et aux créateurs – ils sont plus de 10 000 à s’être manifestés – face au développement du téléchargement illégal. Ce phénomène d’atteinte massive aux droits de propriété intellectuelle et à la création met chaque jour un peu plus en péril les industries culturelles, musicales et cinématographiques de tout type. Il ne s’agit pas, contrairement à ce que certains véhiculent, de sauver exclusivement les grandes majors.

D’autre part, il faut proposer des mesures alternatives à une pénalisation systématique et inapplicable des internautes instituée par la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, ou loi DADVSI, contre laquelle d’ailleurs le groupe centriste avait voté.

Aujourd’hui le contournement sur internet des règles de la propriété intellectuelle demeure assimilé au délit de contrefaçon, passible dans notre arsenal juridique de trois ans de prison et de 300 000 euros d’amende.

Or notre groupe a toujours montré son attachement à la prévention et à un système mesuré de graduation des sanctions.

D’ailleurs, je le précise, certains membres de notre groupe émettent toujours des réserves sur ce qui est qualifié de double peine, à savoir la suspension de l’accès à internet, attachée à la poursuite du paiement de l’abonnement.

Pour autant, nous mesurons les difficultés que cela suscite pour les offres triple play. Le principe de la suspension partielle implique de déterminer le coût individualisé de l’accès à internet, ce qui est difficilement mesurable du fait de la mutualisation des coûts d’exploitation de la boucle locale et du service ADSL.

Autrement dit, dans la mesure où le projet de loi implique de dissocier des services qui ont toujours été proposés dans le cadre d’offres forfaitaires globales et où cette dissociation a un coût important, la vraie question est de savoir qui doit supporter ce coût.

Convenons-en, il apparaissait donc difficile de faire supporter aux fournisseurs d’accès à internet, les FAI, les conséquences engendrées par les téléchargements illégaux d’un de leurs abonnés. De la même manière, est-ce aux contribuables de s’acquitter des conséquences de cette faute, en supposant que l’État aurait été mis à contribution ?

Au-delà de ces questionnements, je tenais à revenir sur les avancées du projet de loi auxquelles le groupe centriste est particulièrement sensible.

En premier lieu, le texte tel qu’il nous est proposé aujourd’hui ne remet pas en cause les grands équilibres atteints à l’issue des accords interprofessionnels dits de l’Élysée, qui ont été à la base du travail et de l’élaboration du projet de loi. De même, il ne remet pas en cause les grands équilibres du texte tel que voté en première lecture au Sénat et sur lequel s’était dégagée une quasi-unanimité de notre assemblée.

En second lieu, s’agissant du procédé de désignation du président de la HADOPI, je m’en félicite, le travail réalisé au sein de la commission mixte paritaire, qui avait permis de restaurer le processus de désignation adopté au Sénat, n’a pas été remis en cause : le président de la HADOPI sera élu parmi les membres du collège.

J’avais été particulièrement sensible à la modification introduite par les députés sur ce point. C’est notre groupe qui avait été porteur, lors de son examen par la Haute Assemblée, de l’amendement prévoyant d’abandonner cette nomination par décret au profit d’une élection. Par ce système d’élection, sur le modèle de celui qui est retenu par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, c’est l’indépendance et l’impartialité de la Haute Autorité qui se trouvent ainsi garanties.

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui confirme également les dispositions en faveur d’une mise à disposition plus immédiate de l’offre légale, que ce soit dans le domaine de la musique – avec un amendement déposé par notre groupe qui a permis la suppression des Digital Rights Management, ou DRM, levant ainsi l’un des principaux freins au déploiement des nouvelles offres – ou des œuvres cinématographiques, pour lesquelles le délai entre la sortie en salles et l’exploitation sous forme de vidéogramme a été ramené à quatre mois.

Pourtant, nous en sommes conscients, cette loi ne règle pas définitivement la question du téléchargement illégal – qui se trouvera dès lors limité mais non éradiqué – ni, plus largement, celle du piratage numérique. Les technologies évolueront toujours plus vite que le droit. Il faudra s’adapter et le législateur devra, à la lumière des travaux de la HADOPI qui est chargée de veiller aussi bien à limiter les mauvaises pratiques qu’à susciter les bonnes, réfléchir à des améliorations, voire à des évolutions futures.

Mais cette loi, qui ne sera certainement que transitoire, doit être une étape importante dans une prise de conscience collective.

Tout d’abord, une prise de conscience de la part des internautes est nécessaire. Il est indispensable de faire passer un double message clair : la culture a un coût et les droits de propriété intellectuelle doivent être respectés. À quoi bon multiplier les canaux de diffusion si, à terme, la diversité des contenus disparaît, si les contenus étrangers deviennent prédominants et si la création française a été asséchée ?

Dans cet état d’esprit, nous avons veillé ensemble à ce que le texte favorise et accompagne les nouveaux usages, à la fois protecteurs des œuvres et ouverts au monde de la création, venant se substituer aux pratiques qui lui nuisent.

Les consommateurs peuvent aujourd’hui naviguer d’une plate-forme de téléchargement à une autre et d’un baladeur à l’autre en gardant la pleine jouissance d’œuvres légalement acquises. Le marché du disque vendu à l’unité a fait long feu et s’ouvre aujourd’hui une profusion de nouveaux modèles qu’il conviendra de développer : plates-formes légales mais aussi streaming ou catalogues, autant d’offres technologiques conviviales et à des prix attractifs.

Ensuite, une prise de conscience de la part des créateurs, des producteurs, des éditeurs, des réalisateurs et des artistes est également nécessaire. Ils doivent eux aussi se remettre en cause, penser à s’adapter et à trouver de nouveaux modèles économiques pour l’ère du net.

Ils doivent aussi se rendre compte des évolutions. Le phénomène « internet » n’est pas temporaire ; il constitue aujourd’hui une réalité durable qu’il faut transformer en atout et non chercher à combattre.

Comme l’a rapporté notre collègue Michel Thiollière, l’ensemble des acteurs concernés, les propriétaires et les fournisseurs de contenus, doivent se rapprocher encore davantage. L’expérience le montre, le monde de la création et le monde numérique ne peuvent plus continuer à s’ignorer. Ils doivent réfléchir ensemble au développement de moyens innovants qui permettront demain d’offrir aux internautes les possibilités d’un accès aux savoirs et aux œuvres de la création.

Enfin, concernant les sanctions, je m’en réjouis, le texte favorise la transaction qui est plus pédagogique et qui reste l’objectif premier de cette réforme. La suspension de l’accès à internet fixée à deux mois rétablit un différentiel, rendant la transaction plus attractive.

Certains ont vu dans ce retour à un minimum de deux mois un renforcement de la répression. En réalité, l’objectif est tout autre : il s’agit de renforcer l’attractivité de la transaction face à la sanction sèche. Or, j’en suis persuadée, une transaction entre la HADOPI et l’abonné pour l’établissement de la sanction garantira plus de souplesse, mais surtout renforcera le caractère pédagogique de la sanction.

La nouvelle lecture à l’Assemblée nationale a été l’occasion d’avancées réelles concernant la procédure de suspension de l’accès à internet. Des précisions importantes ont notamment été ajoutées au texte de l’article L 331-25 du code de la propriété intellectuelle. Cet article prévoit notamment que la HADOPI devra toujours informer l’abonné de « la possibilité de se faire assister d’un conseil, de consulter l’intégralité du dossier le concernant et de présenter des observations écrites et orales ».

Enfin, je terminerai en évoquant la prévention. Je l’ai déjà dit, l’objectif de la réponse graduée est de faire évoluer les mentalités et les comportements.

L’éducation et la pédagogie nous semblent essentielles pour que nos jeunes générations prennent conscience des conséquences du téléchargement illicite sur la création artistique. En 2006, lors des travaux sur la loi DADVSI, nous avions plaidé l’importance de l’éducation de nos jeunes concitoyens à la culture tant ces pratiques de téléchargement peuvent accréditer l’idée que tout est gratuit et que la culture ne coûte rien. Or c’est méconnaître l’investissement personnel, intellectuel et financier ainsi que le travail des artistes.

Sachant cela, comment peut-on dire que l’encadrement de l’utilisation des œuvres est une atteinte aux droits essentiels de l’homme revêtant un caractère liberticide ? Certains de nos collègues accréditent pourtant une telle idée, avec force démagogie, en contradiction le plus souvent avec leur prétendu soutien aux artistes et à la culture. C’est tout à fait consternant !

Je m’en félicite, le texte prévoit toujours une information des élèves dans le cadre de l’éducation nationale. Il est également bien venu que les fournisseurs d’accès à internet soient mis à contribution dans les actions de sensibilisation des internautes par des messages appropriés.

Ne l’oublions pas, l’enjeu de ce projet de loi est d’assurer l’avenir de la création culturelle. Il faut garantir un juste équilibre entre les droits légitimes des auteurs, sans lesquels il ne saurait y avoir de création artistique et culturelle, et les droits des citoyens à l’accès, au partage et à la diffusion de la culture, des savoirs et de l’information que permet ce formidable espace de liberté qu’est internet.

Tout en soulignant qu’il faut rester humble dans le traitement de ce sujet sensible et évolutif, une très large majorité du groupe de l’Union centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est proposé après des péripéties insupportables n’est pas la solution aux rapports du droit d’auteur avec les nouvelles technologies.

Sortons le débat de sa béatitude conflictuelle et cela à partir de notre tâche : élaborer des lois.

Rappelez-vous la loi relative au contrat première embauche, CPE, votée puis non appliquée, un certain ministre de l’intérieur n’ayant pas été étranger à la décision.

Quand nous avons voté la loi sur l’audiovisuel public, elle était déjà pour une part appliquée, son auteur étant un ancien ministre de l’intérieur.

Ce n’est pas encore public, mais le Président de la République, toujours le même homme, veut nommer un chargé de mission du même type que M. Olivennes, toujours un homme de l’entreprise, pour étudier comment l’appliquer.

Le travail législatif n’est plus bousculant pour construire, mais bousculé, voire humilié, au point qu’il en sort affaibli même s’il crée de la colère. Dans le contrat social dont le pays a besoin, il devient inefficace, voire destructeur. Oui, nous avons eu une loi votée mais pas appliquée, une loi appliquée avant d’être votée, et une loi envisagée mais pas applicable ! La loi est ainsi réduite à un simple outil de communication.

Le travail législatif est toujours difficile. Il s’agit de mettre le monde en lois, en mots, sans rien abandonner à la prison de l’inexprimé. La loi « création et internet » met en cage l’inexprimé.

Je me souviens d’un livre d’Elsa Triolet, La Mise en mots, et son devenir, qui est le lecteur. Elle le commentait ainsi : « J’appelle au téléphone, mais il n’y a pas d’abonné au numéro que je demande. » Aujourd’hui, ce n’est pas l’absence d’abonnés à laquelle notre mise en loi est confrontée.

En 1793, à la Convention, le représentant Le Chapelier déclarait le droit d’auteur « la plus inattaquable des propriétés ». Il poursuivait : « Cependant c’est une propriété d’un genre tout à fait différent des autres propriétés. Quand un auteur a livré son ouvrage au public, quand cet ouvrage est entre les mains de tout le monde […], il semble que, dès ce moment, l’écrivain ait associé le public à la propriété ou plutôt la lui ait transmise tout entière. »

Nous sommes au moment où l’impossible rêve d’hier peut devenir le possible d’aujourd’hui ou de demain.

Braque, questionné sur le sens d’une de ses natures mortes avec deux pommes, répondait : « Ce qui est important dans cette toile, ce ne sont pas les pommes, c’est l’entre-deux ». « L’entre-deux », le lien. Cette réflexion nous aide à penser les rapports entre auteurs et internautes en les libérant des vrais pilotes du texte « internet et création », les lobbies des industries culturelles qui veulent s’accaparer le droit d’auteur et verrouiller le développement d’internet !

La directive européenne du 22 mai 2001, considérant 7, dit : « Le cadre législatif communautaire relatif à la protection du droit d’auteur et des droits voisins doit donc aussi être adapté […] au bon fonctionnement du marché intérieur. »

Dans son considérant 19, on lit : « Le droit moral reste en dehors du champ d’application de la présente directive ». Ainsi, pour certains, le droit moral est un hochet dans le marché ; pour nous, c’est un fondement, sa spiritualité qui est son humanité dans la société. C’est le droit de celui ou de celle qui crée une œuvre et de l’humanité qui la reçoit.

Hugo pensait : « Comme livre, le livre appartient à l’auteur, mais comme pensée, il appartient […] au genre humain. » C’est cette équation extraordinairement complexe qu’il faut faire vivre, inventer, avec cette incontournable et immense présence de tous les réseaux téléinformatiques.

Or nous n’avons d’études médiatisées que celles des industries. Aucune commission sérieuse et vraiment pluraliste n’a été constituée pour explorer la réalité vraie et de réelles solutions !

Il faut provoquer la clarté sur les chiffres multiples et contradictoires publiés. Je propose, comme lors de la loi DADVSI, la création immédiate d’un conseil appelé « Beaumarchais–Internet–Responsabilité publique », comprenant, je les nomme, car c’est incontournable, auteurs, artistes, écrivains, juristes, bibliothécaires, parlementaires, universitaires, chercheurs, architectes, informaticiens, internautes, fournisseurs d’accès et industriels pour travailler à une alternative négociée à la pensée « vulgaire » d’aujourd’hui.

Dans toutes les commissions pour l’audiovisuel, ceux qui le font et ceux qui le reçoivent ont toujours été oubliés. Il en a été ainsi de la commission Copé. Le résultat est là : c’est l’approximatif, donc le mépris, le contradictoire transformé en impasse, la dissonance devenant cacophonie.

C’est un élément stratégique du pouvoir de vivre des clivages, de les provoquer et de déstabiliser la société sans jamais régler la question.

Ces clivages organisés se trouvent chez toutes les catégories d’auteurs et dans toutes les disciplines artistiques. Il n’est que de prendre l’exemple des artistes-interprètes avec qui j’entretiens des rapports profonds : Pierre Arditi, Michel Piccoli, Juliette Gréco, Maxime Le Forestier sont pour la loi ; Catherine Deneuve, Louis Garrel, Jeanne Balibar sont contre. Même sur un sujet capital et porteur d’avenir, le métier est divisé. Qui gagne ? Aucun des sept que je viens de nommer affectueusement.

Cette pratique du palais de l’Élysée ne fait ni société ni humanité. Pis, face aux « nouveaux Nouveaux Mondes », ainsi que les a magistralement qualifiés Georges Balandier, elle casse l’unité des acteurs de leur nécessaire civilisation.

La loi aujourd'hui déposée sur nos pupitres glorifie la concurrence « libre et non faussée », et administrée. Cette glorification, je ne l’entonne pas : je suis pour la remise sur le métier, afin d’aller vers un accord d’avenir que pourront signer ensemble, après y avoir participé, Piccoli et Gréco, Garrel et Balibar et, avec eux, des internautes.

Nous continuerons de dénoncer l’instrumentalisation de toutes les questions artistiques et technologiques, qui sont inséparables de la question sociale et qui cognent farouchement à la porte de la société France comme alentour. Ces questions concernent les auteurs, qui ont à faire avec les nouvelles technologies, et les trouvailles qu’elles leur permettent. Elles concernent la jeunesse, qui vient naturellement par internet au monde de la connaissance et de l’imaginaire.

Et nous les laisserions avoir soif près de la fontaine !

Aussi avons-nous mis en mots quelques amendements, qui s’appuient sur la formule d’Aragon : « se souvenir de l’avenir ». Voilà ce qui inspire ce énième débat, compliqué par une délibération du Parlement européen sur internet et la création.

L’approche du pouvoir crée un monde des issues fermées. Nous proposons un monde des issues ouvertes. Un auteur prophétisait « la fin de l’éternel ». « Nous nous contenterons de travailler à la fin de l’immobile », écrivait René Crevel.

Soyons décoincés et décoinçants ! Sur ce sujet, il n’existe pas d’incompatibilité véritable, sauf à adopter la solution démagogique qui est proposée. Car, dans la société internet telle qu’elle fonctionne aujourd'hui, on paie les appareils, mais on récuse le paiement de ce qui en fait fondamentalement la valeur, à savoir les contenus, les créations, et cela n’est pas acceptable.

Étant donné le nœud de contradictions que recèle ce projet de loi et les nombreux problèmes dont il sera source, le groupe auquel j’appartiens refusera catégoriquement de voter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mlle Sophie Joissains. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur le banc de la commission.)

Mlle Sophie Joissains. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour l’examen du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.

Le 9 avril dernier, nous avions adopté ce texte après que la commission mixte paritaire en eut pesé les termes et se fut mise d’accord sur un texte mesuré. Nous ne pouvons que regretter qu’un travail si bien accompli ait été remis en cause à l'Assemblée nationale à la suite d’un incident au moment du vote.

Des artistes ont déploré publiquement ce lamentable épisode, mais aussi l’attitude de la gauche. Ce ne sont pas simplement quelques voix qui se sont élevées : les professionnels de la musique, du cinéma, de l’audiovisuel et les fournisseurs d’accès qui ont conclu les accords de l’Élysée, ainsi que les 10 000 signataires d’une pétition, se sont indignés que le fruit de leur concertation soit remis en cause.

Je rappelle que les conséquences du « piratage de masse » sont désastreuses pour l’économie des industries culturelles et, par conséquent, pour la création et les artistes qui en vivent. Les industries culturelles ne sont pas constituées que de majors, et les artistes ne vivent pas d’amour et d’eau fraîche !

Les chiffres publiés la semaine dernière par le syndicat national de l’édition phonographique sont révélateurs : les ventes de CD et DVD ont connu une chute de 18,5 % au premier trimestre. Depuis le début de la crise du disque, voilà sept ans, ce marché a été divisé par trois. Cette baisse est loin d’être compensée par les ventes numériques légales – internet et téléphonie mobile –, qui ne représentent que 15 % du total des ventes de musique.

Si l’on veut que les offres légales progressent, il faut stopper le piratage. À cette fin, le projet de loi adopte une nouvelle approche, préventive, graduée et, surtout, pédagogique. C’est là l’un des axes majeurs du texte.

Un certain nombre de préjugés et d’idées reçues ont été énoncés à l’occasion de l’examen de ce projet de loi.

D’aucuns ont soutenu que la loi violerait la vie privée et que l’internaute serait mis sous surveillance. Or la HADOPI n’exercera aucune surveillance généralisée ou a priori.

La sanction encourue – la suspension de l’abonnement – serait trop lourde. Au contraire, les dispositions contenues dans ce projet de loi permettront d’éviter la voie pénale, qui représente pour le moment le seul recours des créateurs dont les œuvres sont piratées. La loi DADVSI autorise en effet ces derniers à invoquer devant le juge le délit de contrefaçon, qui peut entraîner des sanctions lourdes : jusqu’à trois ans de prison et 300 000 euros d’amende. Cette voie a été empruntée par certains de nos voisins.

Dorénavant, la qualification de délit de contrefaçon est réservée aux actes en série représentant un véritable commerce. Pour les autres téléchargements, à usage personnel et par conséquent moins graves, c'est-à-dire ceux qui constituent le piratage de masse, la sanction retenue est administrative : c’est la suspension de la connexion, qui, encore une fois, ne pose pas de problèmes dans d’autres pays européens, ni même outre-Atlantique.

Avec ce projet de loi, la lutte sera essentiellement préventive et pédagogique. Deux avertissements précéderont la sanction. Un sondage IPSOS réalisé en 2008 et une étude du même type au Royaume-Uni ont fait apparaître que 90 % des personnes interrogées cesseraient de pirater après deux avertissements.

La HADOPI présente toutes les garanties d’impartialité et d’indépendance. Elle sera seule à pouvoir se procurer les renseignements sur l’abonné qui sont nécessaires à l’envoi des messages d’avertissement. Cette Haute Autorité marque d’ailleurs l’originalité de l’approche française, plus protectrice de la vie privée ; dans d’autres pays, les internautes sont directement aux prises avec les ayants droit ou les fournisseurs d’accès.

Certains ont qualifié cette loi de liberticide. La suspension temporaire de l’accès à internet ne porte, en elle-même, atteinte à aucune liberté fondamentale.

Loin d’être liberticide, ce texte restaure l’équilibre actuellement rompu entre deux séries de droits fondamentaux : le droit au respect de la vie privée des internautes, d’une part, et le droit de propriété, le droit moral des créateurs sur leur œuvre, d’autre part. Selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la liberté ne consiste-t-elle pas à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ? La seule liberté à laquelle il est mis fin est celle de se servir dans le répertoire de nos artistes sans leur rendre des comptes.

D’autres ont également soutenu que, les techniques évoluant en permanence, des internautes pourraient passer entre les mailles du filet, en dissimulant leur adresse électronique. Cela sera sans doute possible. Est-ce néanmoins une raison pour ne pas légiférer ? Ne peut-on imaginer que les moyens d’identification progresseront également de leur côté ?

Aux partisans de la licence globale je rappellerai que celle-ci est aujourd'hui difficilement évaluable, tant sur le plan de son montant que sur celui de la répartition entre les ayants droit. De plus, il serait injuste de faire payer une contribution à l’ensemble des internautes quand seulement 30 % d’entre eux téléchargent.

Enfin, je souligne que le débat que nous avons eu au Sénat, dans un climat constructif, a amélioré et enrichi le texte. Il a notamment permis de consolider les attributions de la HADOPI et de veiller à son indépendance. La situation des internautes a en outre été sécurisée par une information renforcée.

Notre assemblée a également souhaité contribuer au développement de l’offre légale, notamment par la création d’un label. Nous continuerons dans ce sens ainsi que dans celui de la pédagogie.

Le texte issu de la nouvelle lecture par l'Assemblée nationale reprend la plupart des dispositions votées par le Sénat. Il est quasiment identique au texte issu de la commission mixte paritaire.

J’ajoute qu’il est chaque jour plus urgent de légiférer en la matière.

Au nom du groupe UMP, je souhaite exprimer notre gratitude au rapporteur (M. Jean-Claude Carle manifeste son approbation), Michel Thiollière, et au président de la commission des affaires culturelles, Jacques Legendre, qui se sont considérablement investis dans l’étude du projet de loi, son amélioration et la recherche permanente d’un juste équilibre.

Je remercie également Mme la ministre de la ténacité, de la disponibilité et du courage dont elle a fait preuve durant les péripéties qu’a connues le texte. (M. Jean-Pierre Plancade acquiesce.)

Le groupe UMP votera ce projet de loi, qui répond à une attente forte. N’oublions pas que l’enjeu essentiel qui nous rassemble tous aujourd'hui, quelles que soient nos convictions politiques, est avant tout la protection des artistes et des auteurs, par la préservation de la création culturelle à l’ère du numérique.

Mlle Sophie Joissains. Pour la première fois, la gauche cesse de protéger les artistes et est en train, par démagogie, de les mettre en danger de mort. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur le banc de la commission. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

M. Michel Billout. N’importe quoi !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis un mercredi matin pour marquer une nouvelle étape – car, au vu des arbitrages européens, ce ne sera qu’une étape – dans ce qui constitue l’incapacité de tous les gouvernements successifs à inventer des soutiens à la création et aux créateurs prenant en compte, sans les réprimer, l’évolution des pratiques culturelles de la société.

Aujourd’hui, ceux-là mêmes qui vantaient la DADVSI et ne l’ont jamais appliquée, qui célébraient des dispositifs de cryptage idéaux et n’ont jamais pu les mettre en pratique, ont repris leur bâton de pèlerin pour promouvoir un autre texte et des solutions techniques assez bancales, tant il est vrai que faire reposer la défense de l’internaute de bonne foi sur la maîtrise de logiciels anti-espion et pare-feu, alors que les plus grandes entreprises n’y parviennent pas, est un pari sur la société de connaissance dont même les plumes les plus ambitieuses du traité de Lisbonne n’auraient osé rêver !

C’est surtout faire peu de cas de ceux qui ne sont pas « Microsoft-dépendants » (Sourires), les usagers du logiciel libre, pour lesquels ce genre d’artifice est inutile et, de toute façon, impossible.

C’est ne pas entendre les opérateurs, qui rappellent le coût des coupures partielles, et les millions de clients dont les connexions ne permettent pas de séparer l’accès à internet, à leur messagerie électronique et au téléphone, voire à la télévision.

Ceux-là mêmes qui nous promettaient une création resplendissante avec la DAVSI – loi au demeurant très répressive et, rappelons-le, toujours en vigueur – en appelleraient presque aux valeurs de gauche pour défendre l’instruction du dossier par le privé, l’inversion de la charge de la preuve et la fin de la présomption d’innocence. Manque de dialogue entre générations ou survol superficiel du texte ?...

De toute manière, on mesure bien la force des intermédiaires dans le débat, ceux qui ne créent pas mais s’enrichissent de la création, tout comme on perçoit la proximité des décisions que l’on veut faire prendre et des aspirations des majors de l’audiovisuel.

Quand un citoyen accomplit son devoir dans sa sphère privée en interrogeant sa députée, il ne se doute pas qu’il sera puni de licenciement pour délit d’opinion et qu’il donnera ainsi une traçabilité publique à certaines proximités.

M. Jean Desessard. Très bien !

Mme Marie-Christine Blandin. Et ceux-là qui nous promettent la société numérique – avec la e-consommation, le télétravail, la e-administration, la e-justice… – regardent comme des délinquants ceux qui se sont adaptés bien plus vite que les adultes, mais qui ont été éduqués par la société marchande dans les leurres du gratuit, et qui ont considéré l’accès aux œuvres comme une opportunité, sans se sentir liés aux difficultés des secteurs de la musique ou du cinéma, suivant en cela les publicités des opérateurs de l’époque et nourris par le capitalisme qui veut à tout prix leur vendre des produits…(Exclamations sur les travées de lUMP.) Capitalisme de droite… (Sourires.)

Faute d’un travail important sur le sujet, sur la place de la culture dans la société en mutation, nous allons de replâtrage en replâtrage, de lecture en urgence en conclusions de commission mixte paritaire repoussées, pour terminer par une lecture au Sénat. Or nous savons tous que cette dernière est tellement verrouillée qu’aucune modification ne sera acceptée. Et si, par mégarde, une bonne idée passait les mailles du filet, elle ne serait finalement pas retenue, le dernier mot étant laissé à l’Assemblée nationale.

Mesdames, messieurs, vous êtes vraiment très courageux de siéger aujourd'hui sur ces travées…

M. Jean-Patrick Courtois. De vous écouter ! (Rires sur les travées de lUMP.)

Mme Marie-Christine Blandin. …pour pas grand-chose !

Vraiment, on perçoit bien, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, que le changement constitutionnel donne beaucoup d’autonomie aux parlementaires !

Puisque nous savons tous que ce texte sera, dans quelques instants, validé à l’issue de nos travaux, je souhaite simplement reprendre les slogans qui étaient destinés à en assurer la promotion : « sauver la création et les créateurs » – objectif que nous partageons tous dans cette enceinte –, « protéger les droits d’auteur » – que l’on approuve ou désapprouve les méthodes retenues, le souci de protection de ces droits nous rassemble tous, membres de la majorité, de l’opposition ou du Gouvernement.

Mlle Sophie Joissains. Merci de le reconnaître !

M. Michel Bécot. Alors, votez le texte !

Mme Marie-Christine Blandin. Alors, je ne doute pas que vous accueillerez avec soulagement et enthousiasme l’amendement déposé par les Verts et tendant à supprimer une mesure incohérente, introduite sous forme de cavalier par le député Christian Kert, mesure qui priverait les journalistes d’une partie significative de leurs droits d’auteur – que vous défendez tous, chers collègues – si elle était maintenue dans ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Henri de Raincourt. Il ne faut pas rêver !

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, président de la commission. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance d’une quinzaine de minutes, afin que la commission puisse examiner les amendements qui viennent d’être déposés.

M. le président. Nous allons donc interrompre nos travaux quelques instants pour permettre à la commission de se réunir.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures, est reprise à onze heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion des articles.

CHAPITRE IER

Dispositions modifiant le code de la propriété intellectuelle

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet
Articles additionnels avant l'article 1er

Article 1er A

L'article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les organisations représentatives des producteurs, les organisations professionnelles d'auteurs et les sociétés de perception et de répartition des droits mentionnées au titre II du livre III peuvent établir conjointement un recueil des usages de la profession. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A.

(L'article 1er A est adopté.)

Article 1er A
Dossier législatif : projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet
Article 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 2, présenté par MM. Renar, Ralite et Voguet, Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'accès à l'Internet est reconnu comme un droit fondamental qui doit être garanti à tous les citoyens de manière égalitaire sur l'ensemble du territoire.

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Il s’agit, par le présent amendement, de garantir solennellement l’accès de tous à internet dans les mêmes conditions et, par là même, de reconnaître le caractère essentiel qu’a pris l’accès au réseau dans notre société, que d’aucuns qualifient de « société de l’information ».

Une telle proposition a déjà été examinée et rejetée à la demande du Gouvernement lors de la première discussion du texte à l’Assemblée nationale. Or nous estimons, et nous ne sommes pas les seuls, que ce refus est un défi au bon sens : voilà seulement quelques jours, le Parlement européen a, pour la deuxième fois, affirmé la nature fondamentale de l’accès à internet en adoptant une résolution dans laquelle il était notamment indiqué que « garantir l’accès de tous les citoyens à internet équivaut à garantir l’accès de tous les citoyens à l’éducation ». Ce texte, qui porte plus globalement sur le « renforcement de la sécurité et des libertés fondamentales sur internet » a été voté à une très large majorité. Son adoption ne peut être ignorée dans une discussion législative relative à internet.

Pourquoi déclarer que l’accès à internet constitue un droit fondamental ?

Tout d'abord, l’usage administratif et juridique de cette technologie ainsi que son rôle de médiatrice des savoirs sont devenus incontournables, chacun le reconnaît. C’est là, sans doute, ce qui a poussé le député européen Stavros Lambrinidis à déclarer que « l’illettrisme informatique sera l’illettrisme du XXIe siècle ».

En outre, si, en ces temps de nouvelles technologies de l’information et de la communication, le citoyen a gagné le triste privilège d’être « fiché » de multiples manières, sans toujours pouvoir se défendre, il devrait au moins avoir le droit de connaître l’autre versant, positif, de ces nouvelles technologies. En particulier, il devrait pouvoir accéder aux informations numériques de son choix, à l’ensemble des services publics sur internet et à toutes les procédures administratives en ligne, dans le respect de la confidentialité et avec toutes les garanties d’authentification et d’intégrité des données transmises.

Chers collègues de l’UMP, ne vous en déplaise, l’accès à internet doit devenir un droit fondamental ! Si vous le refusez aujourd'hui, vous serez contraint de l’accepter demain : c’est le sens même de l’histoire !

Dans ces conditions, porter atteinte à ce droit comme vous souhaitez le faire à travers ce projet de loi est véritablement liberticide. Car il s’agit non pas seulement de garantir l’accès de tous à internet, mais aussi de protéger le citoyen dans sa vie privée. C’est précisément la force des droits fondamentaux que d’offrir un potentiel d’accomplissement à l’être humain.

Tel est le sens de notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. L’accès à internet est certes extrêmement important, nous le savons tous, mais il ne s’agit pas d’un droit fondamental ! À l’évidence, il n’est pas au même niveau que la liberté de croyance ou d’expression, par exemple. D'ailleurs, ceux qui ne paient pas leurs factures peuvent se voir couper l’accès à internet, ce qui arrive couramment.

Aujourd'hui, je le répète, il est essentiel de concilier les droits entre eux. La liberté d’utiliser internet doit se combiner avec le droit des auteurs et le droit de propriété en général.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par MM. Renar, Ralite et Voguet, Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un alinéa rédigé : « Ce droit est un droit fondamental, un droit de l'homme. Il s'applique à toutes les œuvres de l'esprit, ainsi qu'à leurs reproductions, quel que soit le support matériel qui les accueille. »

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. À travers cet amendement, nous souhaitons réaffirmer solennellement la nature fondamentale du droit d’auteur.

Mes chers collègues, aucune loi ayant pour objet de protéger ce droit ne peut s’abstenir de clarifier la place qu’elle donne à la valeur au nom de laquelle elle est adoptée. C’est par là, sans doute, qu’il eût fallu commencer, et que nous vous proposons de clore, temporairement, en manière de préambule, un débat qui ne manquera pas de reprendre très bientôt.

En outre, il faut reconnaître la nature fondamentale du droit d’auteur dans toutes ses dimensions : patrimoniale, certes, et il en a été beaucoup question au cours de nos débats, mais également morale, et cette dimension-là a été à peine évoquée. Or c’est cette dernière qui éclaire pleinement la nature d’un principe qui, en réalité, est un droit de l’homme à part entière.

Le droit moral permet à l’auteur de jouir du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre, aux termes de l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle. Il s’agit d’un droit imprescriptible, c’est-à-dire d’une durée illimitée, inaliénable, car il ne peut être cédé à un tiers, et perpétuel, puisqu’il est transmissible aux héritiers. Il réfère au créateur en tant que sujet.

Par sa dimension morale, le droit d’auteur se révèle avant tout une prérogative du créateur : il est accordé parce que la création est primordiale et ne peut avoir lieu sans un auteur. En ce sens, c’est bien un droit de l’homme.

De plus, aborder le droit auteur sous cet angle permet à la fois de le recentrer sur ses vraies valeurs, c'est-à-dire la reconnaissance du rôle essentiel du créateur, et d’éviter tout conflit avec d’autres intérêts fondamentaux, tels que la liberté d’expression et l’intérêt culturel du public, entre autres.

C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande d’approuver cet amendement qui, lui aussi, est fondamental.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Il est défavorable, car est déjà réaffirmée de façon très précise dans le code de la propriété intellectuelle la nécessité de respecter le droit d’auteur : cet amendement serait donc redondant.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Également défavorable.

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

M. Serge Lagauche. Nous ne voterons pas l’amendement n° 2, mais nous nous abstiendrons sur l’amendement n° 3.

En effet, si le droit d’auteur est certes un droit fondamental, aller jusqu’à dire qu’il relève des droits de l’homme nous semble excessif : gardons-nous de tout mélanger et d’invoquer les droits de l’homme à tout propos ! Les droits de l’homme sont autrement plus importants, ont une autre dimension et méritent un autre niveau de discussion, même si, c’est vrai, le droit d’auteur est un droit fondamental.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Sur ces deux amendements, je partage l’avis de M. Serge Lagauche.

Il conviendrait d’ailleurs, à l’heure où nous débattons de la réforme de l’hôpital, que nous nous interrogions sur ce qu’est un droit fondamental.

Le droit à la santé, à l’information, à l’éducation, la liberté de culte, la liberté d’expression, notamment, me semblent être des droits fondamentaux dans notre société, des droits que nous devons défendre.

Revendiquer un libre accès à internet me paraît logique. C’est en ce sens que, dans cette enceinte, nous avons toujours légiféré : qu’il s’agisse d’internet, de la TNT, de la haute définition ou des nouvelles technologies en général, nous avons toujours le souci de déposer des amendements visant à ce que soit préservé l’égal accès de tous à ces outils, cet accès pouvant effectivement être considéré comme un droit.

Pour autant, comme l’a dit M. Lagauche, il ne faut pas tout mélanger : les droits de l’homme doivent concerner des aspirations véritablement essentielles.

Nous ne voterons donc pas cet amendement. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Nous mesurons bien l’intérêt que pourrait avoir cet amendement, qui, s’il était adopté, ferait figurer dans le projet de loi un véritable appel à la mise en œuvre de l’amendement Bono-Cohn Bendit : si cette règle figure noir sur blanc dans le texte, un droit fondamental ne pouvant être supprimé, la HADOPI ne pourra pas prononcer la suspension d’un accès à internet.

Je m’abstiendrai, à titre personnel, pour une raison très simple : s’il est tentant d’assimiler le droit d’auteur à un droit fondamental, nous aimerions toutefois que ce droit soit opposable sur l’ensemble du territoire, de sorte que chacun puisse revendiquer son accès à internet. Or tel n’est pas le cas aujourd’hui dans les territoires ruraux, voire dans certains quartiers urbains.

Madame Morin-Desailly, vous avez évoqué la santé ; moi, j’évoquerai l’accès à l’eau potable sur l’ensemble du territoire français : nous ne devons pas oublier que les Amérindiens de Guyane ne jouissent même pas de ce droit fondamental !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet
Article 1er bis A

Article 1er

Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

A. - À la fin du quatrième alinéa de l'article L. 331-5, les mots : « aux articles L. 331-6 et L. 331-7 » sont remplacés par les mots : « au 1° de l'article L. 331-37 et à l'article L. 331-38 » ;

B. - Au début de l'article L. 331-6, les mots : « L'Autorité de régulation des mesures techniques visées à l'article L. 331-17 » sont remplacés par le mot : « Elle » ;

C. - L'article L. 331-7 est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase du premier alinéa, aux première et dernière phrases du quatrième alinéa, à la première phrase des cinquième et sixième alinéas et aux deux dernières phrases du dernier alinéa, les mots : « l'autorité » sont remplacés par les mots : « la Haute Autorité » ;

2° À la première phrase des premier et dernier alinéas, les mots : « l'Autorité de régulation des mesures techniques » sont remplacés par les mots : « la Haute Autorité » ;

D. - L'article L. 331-8 est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « au présent article est garanti par les dispositions du présent article et des articles L. 331-9 à L. 331-16 » sont remplacés par les mots : « au 2° de l'article L. 331-37 est garanti par les dispositions des articles L. 331-7 à L. 331-10, L. 331-39 à L. 331-41 et L. 331-43 » ;

2° Au début du deuxième alinéa, les mots : « L'Autorité de régulation des mesures techniques visée à l'article L. 331-17 » sont remplacés par le mot : « Elle » ;

2° bis Après le cinquième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« - et à l'article L. 331-4.

« Elle veille également à ce que la mise en œuvre des mesures techniques de protection n'ait pas pour effet de priver les personnes bénéficiaires de l'exception de reproduction à des fins de collecte, de conservation et de consultation sur place mentionnée au 2° de l'article L. 132-4 et aux articles L. 132-5 et L. 132-6 du code du patrimoine. » ;

3° Au dernier alinéa, les mots : « des articles L. 331-9 à L. 331-16, l'autorité » sont remplacés par les mots : « des articles L. 331-7 à L. 331-10, L. 331-39 à L. 331-41 et L. 331-43 du présent code, la Haute Autorité » ;

E. - À la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 331-9, les mots : « à l'article L. 331-8 » sont remplacés par les mots : « au 2° de l'article L. 331-37 » ;

F. - À l'article L. 331-10, la référence : « L. 331-9 » est remplacée par la référence : « L. 331-7 » ;

G. - À l'article L. 331-13, les mots : « à l'article L. 331-8 » sont remplacés par les mots : « au 2° de l'article L. 331-37 », et les mots : « l'Autorité de régulation des mesures techniques » sont remplacés par les mots : « la Haute Autorité » ;

H. - À l'article L. 331-14, les mots : « l'Autorité de régulation des mesures techniques » sont remplacés par les mots : « la Haute Autorité » ;

I. - L'article L. 331-15 est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « l'Autorité de régulation des mesures techniques » sont remplacés par les mots : « la Haute Autorité » ;

2° Aux première et seconde phrases du deuxième alinéa, les mots : « l'autorité » sont remplacés par les mots : « la Haute Autorité » ;

J. - L'article L. 331-16 est ainsi modifié :

1° À la fin de la première phrase, le mot : « section » est remplacé par le mot : « sous-section » ;

2° À la fin de la seconde phrase, la référence : « L. 331-12 » est remplacée par la référence : « L. 331-10 » ;

K. - L'article L. 331-17 est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) La première phrase est supprimée ;

b) Au début de la seconde phrase, les mots : « Elle assure une mission générale » sont remplacés par les mots : « Au titre de sa mission de régulation et » ;

c) Sont ajoutés les mots : «, la Haute Autorité exerce les fonctions suivantes : » ;

2° Les deux derniers alinéas sont ainsi rédigés :

« La Haute Autorité peut être saisie pour avis par l'une des personnes visées à l'article L. 331-38 de toute question relative à l'interopérabilité des mesures techniques.

« Elle peut également être saisie pour avis, par une personne bénéficiaire de l'une des exceptions mentionnées au 2° de l'article L. 331-37 ou par la personne morale agréée qui la représente, de toute question relative à la mise en œuvre effective de cette exception. » ;

L. - Les articles L. 331-6 à L. 331-17, dans leur rédaction résultant du présent article, et l'article L. 331-22 font l'objet de la nouvelle numérotation suivante :

1° L'article L. 331-6 devient le 1° de l'article L. 331-37 ;

2° L'article L. 331-7 devient l'article L. 331-38 ;

3° Le premier alinéa de l'article L. 331-8 devient l'article L. 331-6 ;

4° Les deuxième à dernier alinéas de l'article L. 331-8 deviennent le 2° de l'article L. 331-37 ;

5° L'article L. 331-9 devient l'article L. 331-7 ;

6° L'article L. 331-10 devient l'article L. 331-8 ;

7° L'article L. 331-11 devient l'article L. 331-9 ;

8° L'article L. 331-12 devient l'article L. 331-10 ;

9° L'article L. 331-13 devient l'article L. 331-39 ;

10° L'article L. 331-14 devient l'article L. 331-40 ;

11° L'article L. 331-15 devient l'article L. 331-41 ;

12° L'article L. 331-16 devient l'article L. 331-43 ;

13° Le premier alinéa de l'article L. 331-17 devient le premier alinéa de l'article L. 331-37 ;

14° Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 331-17 deviennent l'article L. 331-42 ;

15° L'article L. 331-22 devient l'article L. 331-11 ;

M. - Les articles L. 331-18 à L. 331-21 sont abrogés. – (Adopté.)

Article 1er
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Article 2

Article 1er bis A

Aux articles L. 131-9, L. 332-1, L. 335-1, L. 335-3-2, L. 335-4-2 et L. 342-3-2 du code de la propriété intellectuelle, la référence : « L. 331-22 » est remplacée par la référence : « L. 331-11 ».

....................................................................................................– (Adopté.)

Article 1er bis A
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Article 3

Article 2

Le chapitre Ier du titre III du livre III du même code est complété par les dispositions suivantes :

« Section 3

« Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet

« Sous-section 1

« Compétences, composition et organisation

« Art. L. 331-12. - La Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet est une autorité publique indépendante. À ce titre, elle est dotée de la personnalité morale.

« Art. L. 331-13. - La Haute Autorité assure :

« 1° Une mission d'encouragement au développement de l'offre légale et d'observation de l'utilisation licite et illicite des œuvres et des objets auxquels est attaché un droit d'auteur ou un droit voisin sur les réseaux de communications électroniques utilisés pour la fourniture de services de communication au public en ligne ;

« 2° Une mission de protection de ces œuvres et objets à l'égard des atteintes à ces droits commises sur les réseaux de communications électroniques utilisés pour la fourniture de services de communication au public en ligne ;

« 3° Une mission de régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques de protection et d'identification des œuvres et des objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin.

« Au titre de ces missions, la Haute Autorité peut recommander toute modification législative ou réglementaire. Elle peut être consultée par le Gouvernement sur tout projet de loi ou de décret intéressant la protection des droits de propriété littéraire et artistique. Elle peut également être consultée par le Gouvernement ou par les commissions parlementaires sur toute question relative à ses domaines de compétence.

« Art. L. 331-13-1. - (Non modifié)

« Art. L. 331-14. - La Haute Autorité est composée d'un collège et d'une commission de protection des droits. Le président du collège est le président de la Haute Autorité.

« Sauf disposition législative contraire, les missions confiées à la Haute Autorité sont exercées par le collège.

« Dans l'exercice de leurs attributions, les membres du collège et de la commission de protection des droits ne reçoivent d'instruction d'aucune autorité.

« Art. L. 331-15. - Le collège de la Haute Autorité est composé de neuf membres, dont le président, nommés pour une durée de six ans par décret :

« 1° Un membre en activité du Conseil d'État désigné par le vice-président du Conseil d'État ;

« 2° Un membre en activité de la Cour de cassation désigné par le premier président de la Cour de cassation ;

« 3° Un membre en activité de la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes ;

« 4° (Supprimé)

« 5° Un membre du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique désigné par le président du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique ;

« 6° Trois personnalités qualifiées, désignées sur proposition conjointe des ministres chargés des communications électroniques, de la consommation et de la culture ;

« 7° Deux personnalités qualifiées, désignées respectivement par le Président de l'Assemblée nationale et par le Président du Sénat.

« Le président du collège est élu par les membres parmi les personnes mentionnées aux 1°, 2° et 3°.

« Pour les membres désignés en application des 1° à 5°, des membres suppléants sont désignés dans les mêmes conditions.

« En cas de vacance d'un siège de membre du collège, pour quelque cause que ce soit, il est procédé à la nomination, dans les conditions prévues au présent article, d'un nouveau membre pour la durée du mandat restant à courir.

« Le mandat des membres n'est ni révocable, ni renouvelable.

« Sauf démission, il ne peut être mis fin aux fonctions d'un membre qu'en cas d'empêchement constaté par le collège dans les conditions qu'il définit.

« Art. L. 331-16. - La commission de protection des droits est chargée de prendre les mesures prévues aux articles L. 331-24 à L. 331-29 et à l'article L. 331-31.

« Elle est composée de trois membres, dont le président, nommés pour une durée de six ans par décret :

« 1° Un membre en activité du Conseil d'État désigné par le vice-président du Conseil d'État ;

« 2° Un membre en activité de la Cour de cassation désigné par le premier président de la Cour de cassation ;

« 3° Un membre en activité de la Cour des comptes désigné par le premier président de la Cour des comptes.

« Des membres suppléants sont nommés dans les mêmes conditions.

« En cas de vacance d'un siège de membre de la commission de protection des droits, pour quelque cause que ce soit, il est procédé à la nomination, dans les conditions prévues au présent article, d'un nouveau membre pour la durée du mandat restant à courir.

« Le mandat des membres n'est ni révocable, ni renouvelable.

« Sauf démission, il ne peut être mis fin aux fonctions d'un membre qu'en cas d'empêchement constaté par la commission dans les conditions qu'elle définit.

« Les fonctions de membre du collège et de membre de la commission de protection des droits sont incompatibles.

« Art. L. 331-17. - I. - Les fonctions de membre et de secrétaire général de la Haute Autorité sont incompatibles avec le fait d'exercer ou d'avoir exercé, au cours des trois dernières années :

« 1° Les fonctions de dirigeant, de salarié ou de conseiller d'une société régie par le titre II du présent livre ;

« 2° Les fonctions de dirigeant, de salarié ou de conseiller d'une entreprise exerçant une activité de production de phonogrammes ou de vidéogrammes ou d'édition d'œuvres protégées par un droit d'auteur ou des droits voisins ;

« 3° Les fonctions de dirigeant, de salarié ou de conseiller d'une entreprise de communication audiovisuelle ;

« 4° Les fonctions de dirigeant, de salarié ou de conseiller d'une entreprise offrant des services de mise à disposition d'œuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou des droits voisins ;

« 5° Les fonctions de dirigeant, de salarié ou de conseiller d'une entreprise dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne.

« II. - Après la cessation de leurs fonctions, les membres de la Haute Autorité et son secrétaire général sont soumis aux dispositions de l'article 432-13 du code pénal.

« Les membres de la Haute Autorité et son secrétaire général ne peuvent, directement ou indirectement, détenir d'intérêts dans une société ou entreprise mentionnée au I du présent article.

« Un décret fixe le modèle de déclaration d'intérêts que chaque membre doit déposer au moment de sa désignation.

« Aucun membre de la Haute Autorité ne peut participer à une délibération concernant une entreprise ou une société contrôlée, au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce, par une entreprise dans laquelle il a, au cours des trois années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat.

« Art. L. 331-18. - La Haute Autorité dispose de services placés sous l'autorité de son président. Un secrétaire général, nommé par ce dernier, est chargé du fonctionnement et de la coordination des services sous l'autorité du président.

« Les fonctions de membre de la Haute Autorité et de secrétaire général sont incompatibles.

« La Haute Autorité établit son règlement intérieur et fixe les règles de déontologie applicables à ses membres et aux agents des services.

« Les rapporteurs chargés de l'instruction de dossiers auprès de la Haute Autorité sont nommés par le président.

« La Haute Autorité peut faire appel à des experts. Elle peut également solliciter, en tant que de besoin, l'avis d'autorités administratives, d'organismes extérieurs ou d'associations représentatives des utilisateurs des réseaux de communications électroniques, et elle peut être consultée pour avis par ces mêmes autorités ou organismes.

« La Haute Autorité propose, lors de l'élaboration du projet de loi de finances de l'année, les crédits nécessaires à l'accomplissement de ses missions.

« Le président présente les comptes de la Haute Autorité au contrôle de la Cour des comptes.

« Art. L. 331-19. - (Non modifié)

« Art. L. 331-20. - Pour l'exercice, par la commission de protection des droits, de ses attributions, la Haute Autorité dispose d'agents publics assermentés habilités par le président de la Haute Autorité dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'État. Cette habilitation ne dispense pas de l'application des dispositions définissant les procédures autorisant l'accès aux secrets protégés par la loi.

« Les membres de la commission de protection des droits et les agents mentionnés au premier alinéa reçoivent les saisines adressées à ladite commission dans les conditions prévues à l'article L. 331-22. Ils procèdent à l'examen des faits et constatent la matérialité des manquements à l'obligation définie à l'article L. 336-3.

« Ils peuvent, pour les nécessités de la procédure, obtenir tous documents, quel qu'en soit le support, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques en application de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques et les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

« Ils peuvent également obtenir copie des documents mentionnés à l'alinéa précédent.

« Ils peuvent, notamment, obtenir des opérateurs de communications électroniques l'identité, l'adresse postale, l'adresse électronique et les coordonnées téléphoniques de l'abonné dont l'accès à des services de communication au public en ligne a été utilisé à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d'œuvres ou d'objets protégés sans l'autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II lorsqu'elle est requise.

« Art. L. 331-21- (Non modifié)

« Sous-section 2

« Mission d'encouragement au développement de l'offre légale et d'observation de l'utilisation licite et illicite d'œuvres et d'objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin sur les réseaux de communications électroniques

« Art. L. 331-21-1. - Au titre de sa mission d'encouragement au développement de l'offre légale, qu'elle soit ou non commerciale, et d'observation de l'utilisation, qu'elle soit licite ou illicite, des œuvres et des objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin sur les réseaux de communications électroniques, la Haute Autorité publie chaque année des indicateurs dont la liste est fixée par décret. Elle rend compte du développement de l'offre légale dans le rapport mentionné à l'article L. 331-13-1.

« Dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, la Haute Autorité attribue aux offres proposées par des personnes dont l'activité est d'offrir un service de communication au public en ligne un label permettant aux usagers de ce service d'identifier clairement le caractère légal de ces offres. Cette labellisation est revue périodiquement.

« La Haute Autorité veille à la mise en place, à la mise en valeur et à l'actualisation d'un portail de référencement de ces mêmes offres.

« Elle évalue, en outre, les expérimentations conduites dans le domaine des technologies de reconnaissance des contenus et de filtrage par les concepteurs de ces technologies, les titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés et les personnes dont l'activité est d'offrir un service de communication au public en ligne. Elle rend compte des principales évolutions constatées en la matière, notamment pour ce qui regarde l'efficacité de telles technologies, dans son rapport annuel prévu à l'article L. 331-13-1.

« Elle identifie et étudie les modalités techniques permettant l'usage illicite des œuvres et des objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin sur les réseaux de communications électroniques. Dans le cadre du rapport prévu à l'article L. 331-13-1, elle propose, le cas échéant, des solutions visant à y remédier.

« Sous-section 3

« Mission de protection des œuvres et objets auxquels est attaché un droit d'auteur ou un droit voisin

« Art. L. 331-22. - La commission de protection des droits agit sur saisine d'agents assermentés et agréés dans les conditions définies à l'article L. 331-2 qui sont désignés par :

« - les organismes de défense professionnelle régulièrement constitués ;

« - les sociétés de perception et de répartition des droits ;

« - le Centre national de la cinématographie.

« La commission de protection des droits peut également agir sur la base d'informations qui lui sont transmises par le procureur de la République.

« Elle ne peut être saisie de faits remontant à plus de six mois.

« Art. L. 331-23. - (Non modifié)

« Art. L. 331-24. - Lorsqu'elle est saisie de faits susceptibles de constituer un manquement à l'obligation définie à l'article L. 336-3, la commission de protection des droits peut envoyer à l'abonné, sous son timbre et pour son compte, par la voie électronique et par l'intermédiaire de la personne dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne ayant conclu un contrat avec l'abonné, une recommandation lui rappelant les dispositions de l'article L. 336-3, lui enjoignant de respecter l'obligation qu'elles définissent et l'avertissant des sanctions encourues en cas de renouvellement du manquement présumé. Cette recommandation contient également une information de l'abonné sur l'offre légale de contenus culturels en ligne, sur l'existence de moyens de sécurisation permettant de prévenir les manquements à l'obligation définie à l'article L. 336-3 ainsi que sur les dangers pour le renouvellement de la création artistique et pour l'économie du secteur culturel des pratiques ne respectant pas le droit d'auteur et les droits voisins.

« En cas de renouvellement, dans un délai de six mois à compter de l'envoi de la recommandation visée au premier alinéa, de faits susceptibles de constituer un manquement à l'obligation définie à l'article L. 336-3, la commission peut adresser une nouvelle recommandation comportant les mêmes informations que la précédente par la voie électronique dans les conditions prévues au premier alinéa. Elle peut assortir cette recommandation d'une lettre remise contre signature ou de tout autre moyen propre à établir la preuve de la date d'envoi de cette recommandation.

« Les recommandations adressées sur le fondement du présent article mentionnent la date et l'heure auxquelles les faits susceptibles de constituer un manquement à l'obligation définie à l'article L. 336-3 ont été constatés. En revanche, elles ne divulguent pas le contenu des œuvres ou objets protégés concernés par ce manquement. Elles indiquent les coordonnées téléphoniques, postales et électroniques où leur destinataire peut adresser, s'il le souhaite, des observations à la commission de protection des droits et obtenir, s'il en formule la demande expresse, des précisions sur le contenu des œuvres ou objets protégés concernés par le manquement qui lui est reproché.

« Le bien-fondé des recommandations adressées sur le fondement du présent article ne peut être contesté qu'à l'appui d'un recours dirigé contre une décision de sanction prononcée en application de l'article L. 331-25.

« Art. L. 331-25. - Lorsqu'il est constaté que l'abonné a méconnu l'obligation définie à l'article L. 336-3 dans l'année suivant la réception d'une recommandation adressée par la commission de protection des droits et assortie d'une lettre remise contre signature ou de tout autre moyen propre à établir la preuve de la date d'envoi de cette recommandation et celle de sa réception par l'abonné, la commission peut, après une procédure contradictoire, prononcer, en fonction de la gravité des manquements et de l'usage de l'accès, l'une des sanctions suivantes :

« 1° La suspension de l'accès au service pour une durée de deux mois à un an assortie de l'impossibilité, pour l'abonné, de souscrire pendant la même période un autre contrat portant sur l'accès à un service de communication au public en ligne auprès de tout opérateur ;

« 1° bis (Supprimé)

« 2° Une injonction de prendre, dans un délai qu'elle détermine, des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement constaté, notamment un moyen de sécurisation figurant sur la liste définie au deuxième alinéa de l'article L. 331-30, et d'en rendre compte à la Haute Autorité, le cas échéant sous astreinte.

« Les sanctions prévues par le présent article sont prononcées dans les conditions suivantes.

« La commission rappelle à l'abonné les recommandations dont il a déjà fait l'objet, ainsi que leurs motifs. Elle lui notifie les faits nouveaux qui lui sont reprochés et lui indique les mesures qu'elle est susceptible de prendre à son égard. L'abonné est également informé de la possibilité de se faire assister d'un conseil, de consulter l'intégralité du dossier le concernant et de présenter des observations écrites et orales.

« La commission peut également entendre toute personne dont l'audition lui paraît susceptible de contribuer à son information.

« Les décisions par lesquelles la commission inflige l'une des sanctions prévues au présent article sont motivées. Elles précisent les raisons pour lesquelles les éléments recueillis lors de la procédure contradictoire ne sont pas suffisants pour mettre en doute l'existence du manquement présumé à l'obligation de vigilance définie à l'article L. 336-3, non plus que pour retenir l'existence de l'une des causes d'exonération prévues au même article.

« La commission notifie à l'abonné la sanction prise à son encontre et l'informe des voies et délais de recours et, lorsque la sanction consiste en la suspension de l'accès au service, de son inscription au répertoire visé à l'article L. 331-31 et de l'impossibilité temporaire de souscrire, pendant la période de suspension, un autre contrat portant sur l'accès à un service de communication au public en ligne auprès de tout opérateur.

« Aucune sanction ne peut être prise sur le fondement du présent article pour des faits concernant une œuvre ou un objet protégé dont tous les ayants droit résident dans un État étranger ou un territoire situé hors de France à régime fiscal privilégié, mentionné à l'article 238 A du code général des impôts, à charge pour les personnes mentionnées à l'article L. 331-22 du présent code de préciser que l'objet de leur saisine de la commission de protection des droits ne relève pas d'un tel cas de figure.

« Les sanctions prises en application du présent article peuvent faire l'objet d'un recours en annulation ou en réformation par les parties en cause devant les juridictions judiciaires, formé dans un délai de trente jours francs suivant leur notification à l'abonné.

« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles les sanctions peuvent faire l'objet d'un sursis à exécution.

« Un décret détermine les juridictions compétentes pour connaître de ces recours.

« Art. L. 331-26. - Avant d'engager une procédure de sanction dans les conditions prévues à l'article L. 331-25, la commission de protection des droits peut proposer une transaction à l'abonné qui s'engage à ne pas réitérer le manquement constaté à l'obligation prévue à l'article L. 336-3 ou à prévenir son renouvellement. Dans ce cas, l'abonné est informé de son droit d'être assisté d'un conseil. La transaction peut porter sur l'une des sanctions suivantes :

« 1° Une suspension de l'accès au service d'une durée d'un mois à trois mois, assortie de l'impossibilité de souscrire pendant la même période un autre contrat portant sur l'accès à un service de communication au public en ligne auprès de tout opérateur ;

« 1° bis (Supprimé)

« 2° Une obligation de prendre, dans un délai que la commission de protection des droits détermine, des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement constaté, notamment un moyen de sécurisation figurant sur la liste définie au deuxième alinéa de l'article L. 331-30, et d'en rendre compte à la Haute Autorité.

« Aucune sanction ne peut être prise sur le fondement du présent article pour des faits concernant une œuvre ou un objet protégé dont tous les ayants droit résident dans un État étranger ou un territoire situé hors de France à régime fiscal privilégié mentionné à l'article 238 A du code général des impôts, à charge pour les personnes mentionnées à l'article L. 331-22 du présent code de préciser que l'objet de leur saisine de la commission de protection des droits ne relève pas d'un tel cas de figure.

« Art. L. 331-27. - En cas d'inexécution, du fait de l'abonné, d'une transaction acceptée par celui-ci, la commission de protection des droits peut prononcer l'une des sanctions prévues à l'article L. 331-25.

« Art. L. 331-28. - La suspension de l'accès mentionnée aux articles L. 331-25 et L. 331-26 n'affecte pas, par elle-même, le versement du prix de l'abonnement au fournisseur du service. L'article L. 121-84 du code de la consommation n'est pas applicable au cours de la période de suspension.

« Les frais d'une éventuelle résiliation de l'abonnement au cours de la période de suspension sont supportés par l'abonné.

« La suspension s'applique uniquement à l'accès à des services de communication au public en ligne et de communications électroniques. Lorsque le service d'accès est acheté selon des offres commerciales composites incluant d'autres types de services, tels que services de téléphonie ou de télévision, les décisions de suspension ne s'appliquent pas à ces services.

« Art. L. 331-29. - Lorsque la sanction mentionnée à l'article L. 331-25 ou à l'article L. 331-27 ou la transaction mentionnée à l'article L. 331-26 comporte une suspension de l'accès de l'abonné, la commission de protection des droits notifie ladite suspension à la personne dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne ayant conclu un contrat avec l'abonné concerné et lui enjoint de mettre en œuvre cette mesure de suspension dans un délai de quarante-cinq jours au moins et soixante jours au plus.

« Si cette personne ne se conforme pas à l'injonction qui lui est adressée, la commission de protection des droits peut, à l'issue d'une procédure contradictoire, lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant maximal de 5 000 € par manquement constaté à l'obligation visée au premier alinéa.

« Les sanctions prises en application du présent article peuvent faire l'objet d'un recours en annulation ou en réformation par les parties en cause devant les juridictions judiciaires.

« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles les sanctions peuvent faire l'objet d'un sursis à exécution.

« Un décret détermine les juridictions compétentes pour connaître de ces recours.

« Art. L. 331-30. - Après consultation des concepteurs de moyens de sécurisation destinés à prévenir l'utilisation illicite de l'accès à un service de communication au public en ligne, des personnes dont l'activité est d'offrir l'accès à un tel service ainsi que des sociétés régies par le titre II du présent livre et des organismes de défense professionnelle régulièrement constitués, la Haute Autorité rend publiques les spécifications fonctionnelles pertinentes que ces moyens doivent présenter pour être considérés, à ses yeux, comme exonérant valablement de sa responsabilité le titulaire de l'accès au titre de l'article L. 336–3.

« Au terme d'une procédure d'évaluation certifiée prenant en compte leur conformité aux spécifications visées au précédent alinéa et leur efficacité, la Haute Autorité établit une liste labellisant les moyens de sécurisation dont la mise en œuvre exonère valablement le titulaire de l'accès de sa responsabilité au titre de l'article L. 336-3. Cette labellisation est périodiquement revue.

« Un décret en Conseil d'État précise la procédure d'évaluation et de labellisation de ces moyens de sécurisation.

« Art. L. 331-31. - La Haute Autorité établit un répertoire national des personnes qui font l'objet d'une suspension en cours de leur accès à un service de communication au public en ligne en application des articles L. 331-25 à L. 331-27.

« La personne dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne vérifie, à l'occasion de la conclusion de tout nouveau contrat ou du renouvellement d'un contrat arrivé à expiration portant sur la fourniture d'un tel service, si le cocontractant figure sur ce répertoire. Elle peut également vérifier à l'occasion d'une réclamation de l'un de ses abonnés relative à une interruption de service justifiant, selon lui, une résiliation du contrat les liant, si celui-ci figure dans ce répertoire.

« Pour chaque manquement constaté à l'obligation de consultation prévue à la première phrase de l'alinéa précédent ou pour tout contrat conclu par cette personne avec l'intéressé nonobstant son inscription sur le répertoire, la commission de protection des droits peut, à l'issue d'une procédure contradictoire, lui infliger une sanction pécuniaire d'un montant maximal de 5 000 €.

« Les sanctions prises en application du présent article peuvent faire l'objet d'un recours en annulation ou en réformation par les parties en cause devant les juridictions judiciaires.

« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles les sanctions peuvent faire l'objet d'un sursis à exécution.

« Un décret détermine les juridictions compétentes pour connaître de ces recours.

« Art. L. 331-31-1. - Les informations recueillies, à l'occasion de chaque vérification effectuée sur le répertoire mentionné à l'article L. 331-31 par les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne, dans les conditions définies au même article, ne peuvent être conservées par ces personnes, ni faire l'objet d'aucune communication excédant la conclusion ou la non-conclusion du contrat de fourniture de services de communication ayant provoqué ladite vérification.

« Art. L. 331-32. - Les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne font figurer, dans les contrats conclus avec leurs abonnés, la mention claire et lisible des dispositions de l'article L. 336-3 et des mesures qui peuvent être prises par la commission de protection des droits ainsi que des voies de recours possibles en application des articles L. 331-24 à L. 331-29 et L. 331-31. Elles font également figurer, dans les contrats conclus avec leurs abonnés, les sanctions pénales et civiles encourues en cas de violation des droits d'auteur et des droits voisins.

« En outre, les personnes visées au premier alinéa du présent article informent leurs nouveaux abonnés et les personnes reconduisant leur contrat d'abonnement sur l'offre légale de contenus culturels en ligne, sur l'existence de moyens de sécurisation permettant de prévenir les manquements à l'obligation définie à l'article L. 336-3 ainsi que sur les dangers pour le renouvellement de la création artistique et pour l'économie du secteur culturel des pratiques ne respectant pas le droit d'auteur et les droits voisins.

« Art. L. 331-33. - La commission de protection des droits peut conserver les données techniques mises à sa disposition pendant la durée nécessaire à l'exercice des compétences qui lui sont confiées à la présente sous-section et, au plus tard, jusqu'au moment où la suspension de l'accès prévue par ces dispositions a été entièrement exécutée.

« La personne dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne est tenue d'informer la commission de protection des droits de la fin de la suspension afin que celle-ci procède à l'effacement des données stockées.

« Art. L. 331-34. - Est autorisée la création, par la Haute Autorité, d'un traitement automatisé de données à caractère personnel portant sur les personnes faisant l'objet d'une procédure dans le cadre de la présente sous-section.

« Ce traitement a pour finalité la mise en œuvre, par la commission de protection des droits, des mesures prévues à la présente sous-section et de tous les actes de procédure afférents, ainsi que du répertoire national visé à l'article L. 331-31, permettant notamment aux personnes dont l'activité est d'offrir un accès à un service de communication au public en ligne de disposer, sous la forme d'une simple interrogation, des informations strictement nécessaires pour procéder à la vérification prévue à ce même article.

« Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les modalités d'application du présent article. Il précise notamment :

« - les catégories de données enregistrées et leur durée de conservation ;

« - les destinataires habilités à recevoir communication de ces données, notamment les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne ;

« - les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer, auprès de la Haute Autorité, leur droit d'accès aux données les concernant conformément à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

« ArtL. 331-35. - Un décret en Conseil d'État fixe les règles applicables à la procédure et à l'instruction des dossiers devant le collège et la commission de protection des droits de la Haute Autorité.

« S'agissant des mesures prononcées par la commission de protection des droits en application de l'article L. 331-25, ce décret précise notamment les conditions dans lesquelles l'exercice des droits de la défense garantit, de manière effective, le respect du principe de la responsabilité personnelle des abonnés mis en cause. À ce titre, il définit les conditions dans lesquelles peuvent être utilement produits par l'abonné, à chaque stade de la procédure, tous éléments de nature à établir qu'il a mis en œuvre l'un des moyens de sécurisation figurant sur la liste mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 331-30, que l'atteinte portée au droit d'auteur ou au droit voisin est le fait d'une personne qui a frauduleusement utilisé l'accès au service de communication au public en ligne, ou l'existence d'un cas de force majeure.

« Sous-section 3

(Division et intitulé supprimés)

« Art. L. 331-36. - (Supprimé) »

M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, sur l'article.

Mme Samia Ghali. L’autre jour, je suivais avec mes fils – âgés respectivement de quinze ans et dix-huit ans, ils téléchargent beaucoup – le débat à l’Assemblée nationale. Ils m’ont avoué ne pas comprendre : pourquoi, se demandaient-ils, nous serait-il interdit de télécharger ? Bien sûr, ils conçoivent bien la volonté de défendre les auteurs et les artistes, mais ils refusent d’être regardés comme des voleurs et considèrent que, quand ils téléchargent, c’est aussi pour accéder à la culture.

Un parlementaire favorable à ce texte avançait comme argument, pour expliquer le danger de la situation, que, depuis cinq ans, les ventes de DVD étaient en baisse de 35 % et celles de disques, de 50 %. Mes fils ont immédiatement réagi : pourquoi ne pas défendre aussi les vinyles ? Après tout, les vinyles, qui renvoient évidemment à un autre état de la société, ont jadis disparu pour laisser la place aux CD, considérés à leur avènement comme plus modernes et, sans doute, plus ludiques !

Pour moi c’était une réaction de bon sens, qui montre que nous vivons une véritable révolution technologique qu’il nous faut accepter, même si elle est parfois douloureuse.

L’avenir de la culture passe par une prise en compte de la réalité et par un effort d’imagination.

La culture n’est pas une marchandise, en tout cas certainement pas une marchandise comme les autres.

De plus, toutes les formes de protection collective n’ont jamais affaibli les droits sacrés des auteurs.

Au nom de ce bien commun qu’est la culture, on a construit des espaces de gratuité : des bibliothèques, des musées, des radios libres, sans jamais penser que la gratuité dévalorisait l’œuvre ou l’artiste. En fin de compte, l’exception culturelle, c’est cela !

Je tiens d’ailleurs à souligner que, souvent, les plus fervents adeptes du téléchargement sont aussi ceux qui fréquentent le plus assidument les salles de cinéma. Si l’on télécharge un film, c’est parce qu’on l’a tellement apprécié au cinéma qu’on a envie de le revoir chez soi ! Je m’appuie, pour dire cela, sur ce que je constate autour de moi, mais je suis persuadée que, dans cet hémicycle, personne ne peut affirmer qu’aucun de ses enfants ou petits-enfants ne télécharge.

Aujourd’hui, on doit inventer des règles exceptionnelles, des financements nouveaux pour la création dans la civilisation numérique.

Or, quelle est la réponse du Gouvernement ? La chasse aux pirates, la chasse aux jeunes, la révérence faite aux lobbies, la surveillance sur internet.

Les Américains ont très vite compris quels étaient les enjeux : c’est pourquoi ils vont adopter le principe de la licence globale, et le présent projet de loi ne sera peut-être même pas appliqué parce que nous serons, nous aussi, obligés d’adopter cette licence globale, qui est, selon moi, une bonne solution.

Des principes clairs doivent être posés, et des solutions concrètes apportées.

Le premier principe est de permettre à la révolution numérique de transformer radicalement la diffusion et l’accès à la culture.

À côté des réseaux commerciaux indispensables, il doit y avoir place pour la possibilité d’échanges non marchands dans un espace où la copie devient un acte de partage entre les internautes. La technologie rend cela possible.

Le deuxième principe, que le Gouvernement et la majorité refusent d’entendre, c’est que l’accès gratuit n’est pas un vol puisque cette gratuité ne signifie pas l’absence de rémunération du travail de l’artiste.

Le troisième principe, c’est que les droits d’auteurs sont plus que jamais nécessaires à l’âge numérique. Personne n’imagine la création sans le droit d’auteur. C’est une question de bon sens : il faut adapter nos vieux droits d’auteur à la révolution numérique.

Les revenus d’une « contribution créative » ou d’une « licence globale » pour la musique ont été chiffrés : une redevance mensuelle de deux ou trois euros pour chaque abonnement à internet permettrait de percevoir plus de 500 millions d’euros par an. Dans la mesure où, en matière de téléchargement, on peut avoir une connaissance très proche de la réalité sans chercher à savoir qui télécharge quoi, il est aujourd’hui possible de procéder à une telle répartition.

Votre loi est donc inefficace, complexe, archaïque et liberticide.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Tout cela ?

Mme Samia Ghali. Elle est inefficace puisque, déjà obsolète, elle ne réglera absolument rien !

Le modèle que vous avez retenu est dès à présent dépassé par l’avènement de nouvelles technologies. Certains se penchent déjà sur les moyens de le contourner.

Votre loi est trop complexe : son application conduirait à la mise en place d’une véritable usine à gaz, qui serait source de nombreux contentieux juridiques.

Votre loi est archaïque : sa mesure phare – la suspension de l’accès à internet – est en contradiction totale avec l’objectif d’accès pour tous à internet.

Pour nous, cet accès doit être considéré comme un droit fondamental. Le Parlement européen vient d’ailleurs de l’affirmer, ce qui rend déjà votre texte caduc.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Mais non !

Mme Samia Ghali. La suspension de l’abonnement à internet est une sanction totalement incongrue et incohérente, qui résulte d’une conception archaïque, en décalage avec la société dans laquelle nous vivons.

Enfin, votre loi est liberticide : elle tend à organiser de fait une surveillance généralisée de la Toile et à remettre en cause les libertés individuelles.

En conclusion, je dirai que cet article est dépassé et ringard. C’est pourquoi, à titre personnel, je voterai contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
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Article 4 bis A

Article 3

La section 3 du chapitre Ier du titre III du livre III du même code, dans sa rédaction résultant de l'article 2, est complétée par une sous-section 4 intitulée : « Mission de régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques de protection et d'identification des œuvres et des objets protégés par un droit d'auteur ou un droit voisin » qui comprend les articles L. 331-37 à L. 331-43.

....................................................................................................– (Adopté.)

Article 3
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Article 4 bis

Article 4 bis A

L'article L. 335-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Est également un délit de contrefaçon toute captation totale ou partielle d'une œuvre cinématographique ou audiovisuelle en salle de spectacle cinématographique. » – (Adopté.)

Article 4 bis A
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Article 6

Article 4 bis

L'intitulé du chapitre VI du titre III du livre III du même code est ainsi rédigé : « Prévention du téléchargement et de la mise à disposition illicites d'œuvres et d'objets protégés par un droit d'auteur ou un droit voisin ».

......................................................................................................................... – (Adopté.)

Article 4 bis
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Article 7

Article 6

Le chapitre VI du titre III du livre III du même code est complété par deux articles L. 336-3 et L. 336-4 ainsi rédigés :

« Art. L. 336-3. - La personne titulaire de l'accès à des services de communication au public en ligne a l'obligation de veiller à ce que cet accès ne fasse pas l'objet d'une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d'œuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin sans l'autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II lorsqu'elle est requise.

« Le fait, pour cette personne, de manquer à l'obligation définie au premier alinéa peut donner lieu à sanction, dans les conditions définies par l'article L. 331-25.

« Aucune sanction ne peut être prise à l'égard du titulaire de l'accès dans les cas suivants :

« 1° Si le titulaire de l'accès a mis en œuvre l'un des moyens de sécurisation figurant sur la liste mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 331-30 ;

« 2° Si l'atteinte aux droits visés au premier alinéa du présent article est le fait d'une personne qui a frauduleusement utilisé l'accès au service de communication au public en ligne ;

« 3° En cas de force majeure.

« Le manquement de la personne titulaire de l'accès à l'obligation définie au premier alinéa n'a pas pour effet d'engager la responsabilité pénale de l'intéressé.

« Art. L. 336-4. - Les caractéristiques essentielles de l'utilisation autorisée d'une œuvre ou d'un objet protégé, mis à disposition par un service de communication au public en ligne, sont portées à la connaissance de l'utilisateur d'une manière facilement accessible, conformément aux articles L. 331-10 du présent code et L. 111-1 du code de la consommation. » – (Adopté.)

Article 6
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Article 7 bis

Article 7

L'article L. 342-3-1 du même code est ainsi modifié :

1° À la fin du deuxième alinéa, les mots : « aux articles L. 331-8 et suivants » sont remplacés par les mots : « au 2° de l'article L. 331-37 et aux articles L. 331-7 à L. 331-10, L. 331-39 à L. 331-41 et L. 331-43 » ;

2° Au dernier alinéa, les mots : « l'Autorité de régulation des mesures techniques prévue à l'article L. 331-17 » sont remplacés par les mots : « la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet prévue à l'article L. 331-12 ». – (Adopté.)

Article 7
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Article 8

Article 7 bis

M. le président. L’article 7 bis a été supprimé par l’Assemblée nationale.

CHAPITRE II

Dispositions modifiant la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique

Article 7 bis
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Article 9 bis A

Article 8

Le 1 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes visées à l'alinéa précédent les informent également de l'existence de moyens de sécurisation permettant de prévenir les manquements à l'obligation définie à l'article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle et leur proposent au moins un des moyens figurant sur la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 331-30 du même code. » – (Adopté.)

CHAPITRE III

Dispositions modifiant le code des postes et des communications électroniques

.........................................................................................................................

CHAPITRE III BIS

Dispositions modifiant le code de l'éducation

Article 8
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Article 9 bis

Article 9 bis A

L'article L. 312-6 du code de l'éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre de ces enseignements, les élèves reçoivent une information sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites d'œuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou un droit voisin pour la création artistique. » – (Adopté.)

Article 9 bis A
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Article 9 ter

Article 9 bis

L'article L. 312-9 du code de l'éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans ce cadre, notamment à l'occasion de la préparation du brevet informatique et internet des collégiens, ils reçoivent de la part d'enseignants préalablement sensibilisés sur le sujet une information sur les risques liés aux usages des services de communication au public en ligne, sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites d'œuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou un droit voisin pour la création artistique, ainsi que sur les sanctions encourues en cas de manquement à l'obligation définie à l'article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle et de délit de contrefaçon. Cette information porte également sur l'existence d'une offre légale d'œuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou un droit voisin sur les services de communication au public en ligne. » – (Adopté.)

CHAPITRE III TER

Dispositions modifiant le code de l'industrie cinématographique

Article 9 bis
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Article 9 quater

Article 9 ter

Le titre II du code de l'industrie cinématographique est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« CHAPITRE IV

« Délais d'exploitation des œuvres cinématographiques

« Art. 30-4. - Une œuvre cinématographique peut faire l'objet d'une exploitation sous forme de vidéogrammes destinés à la vente ou à la location pour l'usage privé du public à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la date de sa sortie en salles de spectacles cinématographiques. Les stipulations du contrat d'acquisition des droits pour cette exploitation peuvent déroger à ce délai dans les conditions prévues au deuxième alinéa. Les stipulations du contrat d'acquisition des droits pour cette exploitation prévoient les conditions dans lesquelles peut être appliqué un délai supérieur conformément aux modalités prévues au troisième alinéa.

« La fixation d'un délai inférieur est subordonnée à la délivrance par le Centre national de la cinématographie, au vu notamment des résultats d'exploitation de l'œuvre cinématographique en salles de spectacles cinématographiques, d'une dérogation accordée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Cette dérogation ne peut avoir pour effet de réduire le délai de plus de quatre semaines.

« Les contestations relatives à la fixation d'un délai supérieur peuvent faire l'objet d'une conciliation menée par le médiateur du cinéma, dans le cadre des missions qui lui sont confiées par l'article 92 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.

« Art. 30-5. - I. - Le contrat conclu par un éditeur de services de médias audiovisuels à la demande pour l'acquisition de droits relatifs à la mise à disposition du public d'une œuvre cinématographique prévoit le délai au terme duquel cette mise à disposition peut intervenir.

« Lorsqu'il existe un accord professionnel portant sur le délai applicable au mode d'exploitation des œuvres cinématographiques par les services de médias audiovisuels à la demande, le délai prévu par cet accord s'impose aux éditeurs de services et aux membres des organisations professionnelles signataires. Cet accord peut porter sur une ou plusieurs catégories de services. Il peut être rendu obligatoire pour l'ensemble des intéressés des secteurs d'activité et des éditeurs de services concernés dans les conditions prévues à l'article 30–7.

« II. - À défaut d'accord professionnel rendu obligatoire dans un délai d'un mois à compter de la publication de la loi no          du                   favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, l'œuvre cinématographique peut être mise à la disposition du public par un éditeur de services de médias audiovisuels à la demande dans les conditions prévues à l'article 30-4 pour les services payants à l'acte et dans les conditions prévues par décret pour les autres services.

« Art. 30-6. - Le contrat conclu par un éditeur de services de télévision pour l'acquisition de droits relatifs à la diffusion d'une œuvre cinématographique prévoit le délai au terme duquel cette diffusion peut intervenir.

« Lorsqu'il existe un accord professionnel portant sur le délai applicable au mode d'exploitation des œuvres cinématographiques par les services de télévision, le délai prévu par cet accord s'impose aux éditeurs de services et aux membres des organisations professionnelles signataires. Cet accord peut porter sur une ou plusieurs catégories de services. Il peut être rendu obligatoire pour l'ensemble des intéressés des secteurs d'activité et des éditeurs de services concernés dans les conditions prévues à l'article 30-7.

« Art. 30-7. - Les accords professionnels mentionnés aux articles 30-5 et 30-6 peuvent être rendus obligatoires par arrêté du ministre chargé de la culture à la condition d'avoir été signés par des organisations professionnelles représentatives du secteur du cinéma et, selon les cas :

« - une ou plusieurs organisations professionnelles représentatives du ou des secteurs concernés ;

« - une ou plusieurs organisations professionnelles représentatives du ou des secteurs concernés et un ensemble d'éditeurs de services représentatifs d'une ou plusieurs catégories de services ;

« - un ensemble d'éditeurs de services représentatifs d'une ou plusieurs catégories de services.

« La représentativité d'une organisation professionnelle ou d'un ensemble d'éditeurs de services s'apprécie notamment au regard du nombre d'opérateurs concernés ou de leur importance sur le marché considéré. S'il y a lieu de déterminer la représentativité d'une organisation professionnelle ou d'un ensemble d'éditeurs de services, ceux-ci fournissent au ministre chargé de la culture les éléments d'appréciation dont ils disposent.

« Art. 30-8. - Sont passibles de la sanction prévue au 2° de l'article 13 :

« 1° Le non-respect du délai minimum résultant des dispositions de l'article 30-4 et du décret mentionné au II de l'article 30-5 ;

« 2° Le non-respect du délai prévu par un accord professionnel rendu obligatoire dans les conditions prévues à l'article 30-7. » – (Adopté.)

Article 9 ter
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Article 10 A

Article 9 quater

M. le président. L’article 9 quater a été supprimé par l’Assemblée nationale.

CHAPITRE IV

Dispositions diverses

Article 9 quater
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Article 10

Article 10 A

À la dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 462-1 du code de commerce, après le mot : « industrie, », sont insérés les mots : « de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, ». – (Adopté.)

Article 10 A
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Article 10 bis A

Article 10

I. - Un décret en Conseil d'État prévoit les modalités selon lesquelles les obligations auxquelles sont soumises, en application des articles L. 331-29, L. 331-31, L. 331-31-1 et L. 331-32 du code de la propriété intellectuelle, les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne entrent en vigueur, notamment en ce qui concerne les contrats en cours.

II. - Les articles L. 331-5 à L. 331-43 du même code, dans leur rédaction résultant de la présente loi, entrent en vigueur à la date de la première réunion de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et au plus tard le 1er novembre 2009.

III. - (Non modifié)

IV. - Pour la constitution du collège de la Haute Autorité mentionné à l'article L. 331-15 du même code, le président est élu pour six ans. La durée du mandat des huit autres membres est fixée, par tirage au sort, à deux ans pour trois d'entre eux, à quatre ans pour trois autres et à six ans pour les deux derniers.

Pour la constitution de la commission de protection des droits mentionnée à l'article L. 331-16 du même code, le président est nommé pour six ans. La durée du mandat des deux autres membres est fixée, par tirage au sort, à deux ans pour l'un d'entre eux et à quatre ans pour l'autre.

V. - Les mesures prévues par les articles L. 331-25 et L. 331-26 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction résultant de la présente loi, ne peuvent être prises que si le nouveau manquement, faisant suite à ceux qui ont justifié l'adresse des recommandations mentionnées à l'article L. 331-24 du code de la propriété intellectuelle, a été commis après l'expiration d'un délai de trois mois suivant la première publication, par la Haute Autorité, de la liste mentionnée à l'article L. 331-30 du même code, dans sa rédaction résultant de la présente loi. – (Adopté.)

Article 10
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Article 10 bis B

Article 10 bis A

I. - Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa de l'article L. 121-8 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour toutes les œuvres publiées dans un titre de presse au sens de l'article L. 132-35, l'auteur conserve, sauf stipulation contraire, le droit de faire reproduire et d'exploiter ses œuvres sous quelque forme que ce soit, sous réserve des droits cédés dans les conditions prévues à la section 6 du chapitre II du titre III du livre Ier.

« Dans tous les cas, l'exercice par l'auteur de son droit suppose que cette reproduction ou cette exploitation ne soit pas de nature à faire concurrence à ce titre de presse. » ;

2° Après l'article L. 132-34, il est inséré une section 6 ainsi rédigée :

« Section 6

« Droit d'exploitation des œuvres des journalistes

« Art. L. 132-35. - On entend par titre de presse, au sens de la présente section, l'organe de presse à l'élaboration duquel le journaliste professionnel a contribué, ainsi que l'ensemble des déclinaisons du titre, quels qu'en soient le support, les modes de diffusion et de consultation. Sont exclus les services de communication audiovisuelle au sens de l'article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

« Est assimilée à la publication dans le titre de presse la diffusion de tout ou partie de son contenu par un service de communication au public en ligne ou par tout autre service, édité par un tiers, dès lors que cette diffusion est faite sous le contrôle éditorial du directeur de la publication dont le contenu diffusé est issu ou dès lors qu'elle figure dans un espace dédié au titre de presse dont le contenu diffusé est extrait.

« Est également assimilée à la publication dans le titre de presse la diffusion de tout ou partie de son contenu par un service de communication au public en ligne édité par l'entreprise de presse ou par le groupe auquel elle appartient ou édité sous leur responsabilité, la mention dudit titre de presse devant impérativement figurer.

« Art. L. 132-36. - Sous réserve des dispositions de l'article L. 121-8, la convention liant un journaliste professionnel ou assimilé au sens des articles L. 7111-3 et suivants du code du travail, qui contribue, de manière permanente ou occasionnelle, à l'élaboration d'un titre de presse, et l'employeur emporte, sauf stipulation contraire, cession à titre exclusif à l'employeur des droits d'exploitation des œuvres du journaliste réalisées dans le cadre de ce titre, qu'elles soient ou non publiées.

« Art. L. 132-37. - L'exploitation de l'œuvre du journaliste sur différents supports, dans le cadre du titre de presse défini à l'article L. 132-35 du présent code, a pour seule contrepartie le salaire, pendant une période fixée par un accord d'entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif, au sens des articles L. 2222-1 et suivants du code du travail.

« Cette période est déterminée en prenant notamment en considération la périodicité du titre de presse et la nature de son contenu.

« Art. L. 132-38. - L'exploitation de l'œuvre dans le titre de presse, au-delà de la période prévue à l'article L. 132-37, est rémunérée, sous forme de droits d'auteur ou de salaire, dans des conditions déterminées par l'accord d'entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif.

« Art. L. 132-39. - Lorsque la société éditrice ou la société qui la contrôle, au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce, édite plusieurs titres de presse, un accord d'entreprise peut prévoir la diffusion de l'œuvre par d'autres titres de cette société ou du groupe auquel elle appartient, à condition que ces titres et le titre de presse initial appartiennent à une même famille cohérente de presse. Cet accord définit la notion de famille cohérente de presse ou fixe la liste de chacun des titres de presse concernés.

« L'exploitation de l'œuvre du journaliste au sein de la famille cohérente de presse doit comporter des mentions qui permettent une identification dudit journaliste et, si l'accord le prévoit, du titre de presse dans lequel l'œuvre a été initialement publiée.

« Ces exploitations hors du titre de presse tel que défini à l'article L. 132-35 du présent code donnent lieu à rémunération, sous forme de droits d'auteur ou de salaire, dans des conditions déterminées par l'accord d'entreprise mentionné au premier alinéa du présent article.

« Art. L. 132-40. - Toute cession de l'œuvre en vue de son exploitation hors du titre de presse initial ou d'une famille cohérente de presse est soumise à l'accord exprès et préalable de son auteur exprimé à titre individuel ou dans un accord collectif, sans préjudice, dans ce deuxième cas, de l'exercice de son droit moral par le journaliste.

« Ces exploitations donnent lieu à rémunération sous forme de droits d'auteur, dans des conditions déterminées par l'accord individuel ou collectif.

« Art. L. 132-41. - Lorsque l'auteur d'une image fixe est un journaliste professionnel qui tire le principal de ses revenus de l'exploitation de telles œuvres et qui collabore de manière occasionnelle à l'élaboration d'un titre de presse, la cession des droits d'exploitation telle que prévue à l'article L. 132-36 ne s'applique que si cette œuvre a été commandée par l'entreprise de presse.

« Les conditions dans lesquelles le dernier alinéa de l'article L. 121-8 s'applique aux œuvres cédées en application du premier alinéa du présent article sont précisées par un accord collectif ou individuel.

« Art. L. 132-42. - Les droits d'auteur mentionnés aux articles L. 132-38 et suivants n'ont pas le caractère de salaire. Ils sont déterminés conformément aux articles L. 131-4 et L. 132-6.

« Art. L. 132-43. - Les accords collectifs peuvent prévoir de confier la gestion des droits mentionnés aux articles L. 132-38 et suivants à une ou des sociétés de perception et de répartition de droits mentionnées aux articles L. 321-1 et suivants.

« Art. L. 132-44. - Il est créé une commission, présidée par un représentant de l'État, et composée, en outre, pour moitié de représentants des organisations professionnelles de presse représentatives et pour moitié de représentants des organisations syndicales de journalistes professionnels représentatives.

« Le représentant de l'État est nommé parmi les membres de la Cour de cassation, du Conseil d'État ou de la Cour des comptes, par arrêté du ministre chargé de la communication.

« À défaut de conclusion d'un accord d'entreprise dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi no          du                   favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, et en l'absence de tout autre accord collectif applicable, l'une des parties à la négociation de l'accord d'entreprise peut saisir la commission aux fins de déterminer les modes et bases de la rémunération due en contrepartie des droits d'exploitation. La demande peut également porter sur l'identification des titres composant une famille cohérente de presse au sein du groupe, en application de l'article L. 132-39.

« Pour les accords d'entreprise conclus pour une durée déterminée qui arrivent à échéance ou pour ceux qui sont dénoncés par l'une des parties, la commission peut être saisie dans les mêmes conditions et sur les mêmes questions qu'au précédent alinéa, à défaut de la conclusion d'un nouvel accord d'entreprise dans les six mois suivant la date d'expiration de l'accord à durée déterminée ou à défaut de la conclusion d'un accord de substitution dans les délais prévus à l'article L. 2261-10 du code du travail à la suite de la dénonciation du précédent accord.

« La commission recherche avec les parties une solution de compromis afin de parvenir à un accord. Elle s'appuie, à cet effet, sur les accords existants pertinents au regard de la forme de presse considérée. Elle rend sa décision dans un délai de deux mois à compter de sa saisine.

« La commission se détermine à la majorité de ses membres présents. En cas de partage des voix, le président a voix prépondérante.

« Les décisions de la commission sont exécutoires si, dans un délai d'un mois, son président n'a pas demandé une seconde délibération. Elles sont notifiées aux parties et au ministre chargé de la communication, qui en assure la publicité.

« L'intervention de la décision de la commission ne fait pas obstacle à ce que s'engage dans les entreprises de presse concernées une nouvelle négociation collective. L'accord collectif issu de cette négociation se substitue à la décision de la commission, après son dépôt par la partie la plus diligente auprès de l'autorité administrative, conformément à l'article L. 2231-6 du code du travail.

« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article et notamment la composition, les modalités de saisine et de fonctionnement de la commission ainsi que les voies de recours juridictionnel contre ses décisions.

« Art. L. 132-45. - L'article L. 132-41 s'applique à compter de l'entrée en vigueur d'un accord de branche déterminant le salaire minimum des journalistes professionnels qui tirent le principal de leurs revenus de l'exploitation d'images fixes et qui collaborent de manière occasionnelle à l'élaboration d'un titre de presse. Cet accord prend en compte le caractère exclusif ou non de la cession.

« À défaut d'accord dans un délai de deux ans à compter de la publication de la loi no          du                   favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, un décret fixe les conditions de détermination de ce salaire minimum. »

II. - Le code du travail est ainsi modifié :

1°A Après l'article L. 7111-5, il est inséré un article L. 7111-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 7111-5-1. - La collaboration entre une entreprise de presse et un journaliste professionnel porte sur l'ensemble des supports du titre de presse tel que défini au premier alinéa de l'article L. 132-35 du code de la propriété intellectuelle, sauf stipulation contraire dans le contrat de travail ou dans toute autre convention de collaboration ponctuelle. » ;

1° L'article L. 7113-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 7113-2. - Tout travail commandé ou accepté par l'éditeur d'un titre de presse au sens de l'article L. 132-35 du code de la propriété intellectuelle, quel qu'en soit le support, est rémunéré, même s'il n'est pas publié. » ;

2° Après l'article L. 7113-2, sont insérés deux articles L. 7113-3 et L. 7113-4 ainsi rédigés :

« Art. L. 7113-3. - Lorsque le travail du journaliste professionnel donne lieu à publication dans les conditions définies à l'article L. 132-37 du code de la propriété intellectuelle, la rémunération qu'il perçoit est un salaire.

« Art. L. 7113-4. - La négociation obligatoire visée aux articles L. 2241-1 et L. 2241-8 porte également sur les salaires versés aux journalistes professionnels qui contribuent, de manière permanente ou occasionnelle, à l'élaboration d'un titre de presse. »

III. - Après l'article L. 382-14 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 382-14-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 382-14-1. - Les revenus versés en application de l'article L. 132-42 du code de la propriété intellectuelle sont assujettis aux cotisations dues au titre des assurances sociales et des allocations familiales dans les conditions prévues au présent chapitre. »

IV. - Durant les trois ans suivant la publication de la présente loi, les accords relatifs à l'exploitation sur différents supports des œuvres des journalistes signés avant l'entrée en vigueur de la présente loi continuent de s'appliquer jusqu'à leur date d'échéance, sauf cas de dénonciation par l'une des parties.

Dans les entreprises de presse où de tels accords n'ont pas été conclus à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, les accords mentionnés à l'article L. 132-37 du code de la propriété intellectuelle fixent notamment le montant des rémunérations dues aux journalistes professionnels en application des articles L. 132-38 à L. 132-40 du même code, pour la période comprise entre l'entrée en vigueur de la présente loi et l'entrée en vigueur de ces accords.

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Renar, Ralite et Voguet, Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article L. 132-38 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa ainsi rédigé :

« Une rémunération complémentaire est due aux journalistes professionnels mentionnés à l'article L. 132-36.

La parole est à M. Jean-François Voguet.

M. Jean-François Voguet. Lors du débat parlementaire du 2 avril dernier, un sous-amendement a été adopté, qui visait à compléter l’article L. 132-37 du code de la propriété intellectuelle par un nouvel alinéa posant le principe de la rémunération complémentaire des journalistes au titre de l’exploitation de leurs œuvres dans le titre de presse au-delà de la période de référence qui est garantie par les dispositions figurant dans le code de la propriété intellectuelle.

En commission mixte paritaire, il a été supprimé. Nous en souhaitons la réintroduction, de manière que soit assuré de manière ferme et claire ce principe de la rémunération complémentaire.

Nous ne considérons pas, en effet, qu’il soit redondant de l’inscrire. Il s’agit, en fait, d’une clarification et de l’affermissement d’un principe essentiel, celui du droit d’auteur des journalistes, réellement essentiel, selon nous, en ces temps de crise de la presse.

Nous souhaitons éliminer de la loi la possibilité qu’il puisse être contourné, par exemple par un accord d’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Il est défavorable : comme Mme la ministre l’a expliqué devant l’Assemblée nationale et comme cela ressort du rapport de la commission mixte paritaire, cette suppression est à n’en pas douter de portée purement rédactionnelle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Au cours du débat, l’Assemblée nationale a adopté le 2 avril dernier un sous-amendement visant notamment à compléter l’article L. 132-37 du code de la propriété intellectuelle par un nouvel alinéa ainsi rédigé : « Une rémunération complémentaire est due aux journalistes professionnels visés à l’article L. 132-36 pour les exploitations visées à l’article L. 132-38. »

Or il est apparu que cet alinéa faisait double emploi avec l’article L. 132-38 du même code, aux termes duquel « l’exploitation de l’œuvre dans le titre de presse, au-delà de la période prévue à l’article L. 132-37, est rémunérée, sous forme de droits d’auteur ou de salaires, dans des conditions déterminées par l’accord d’entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif ».

C’est la raison pour laquelle la commission mixte paritaire a supprimé cet alinéa qui n’apportait rien au texte ; le rapport de la CMP ne laisse aucun doute quant à la portée de cette suppression.

Je tiens à le souligner avec force, car je sais que les organisations représentatives des journalistes se sont émues d’une telle suppression, celle-ci est purement rédactionnelle et ne retranche rien au contenu du texte.

En particulier, cet allégement ne porte aucunement atteinte au principe de la rémunération complémentaire des journalistes au titre de l’exploitation de leurs œuvres dans le titre de presse au-delà de la période de référence qui est garantie par les dispositions suivantes du code de la propriété intellectuelle.

En outre, l’adoption de l’amendement n° 5, dans la mesure où ses auteurs ne prévoient d’apporter cette précision qu’à l’article L. 132-38 dudit code, à l’exclusion des articles L. 132-39 et L. 132-40, ne pourrait que créer une confusion pour la rémunération due dans les autres cas d’exploitation secondaire.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l’amendement n° 5.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 1 est présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller.

L’amendement n° 4 est présenté par MM. Renar, Ralite et Voguet, Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le 1° A du II de cet article.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l’amendement n° 1.

Mme Marie-Christine Blandin. Notre volonté commune de défendre la création, l’empressement de certains acteurs à en finir avec ce débat, la volonté du Gouvernement d’aboutir à un texte voté par les deux chambres avant la fin de la matinée, l’issue programmée ce jour, sans aucun suspense, au point que le dépôt d’amendements avant la réunion de la commission devait se faire dans l’étroite fenêtre du mardi entre dix-sept et dix-huit heures, sans disposer vraiment du texte, une majorité certaine de sa victoire et une opposition assurée d’être privée de marges de manœuvre : tout cela ne peut cependant aboutir à nous faire voter des dispositions contraires au code du travail, contraires aux accords issus du livre blanc des états généraux de la presse écrite, contraires, enfin, aux positions unanimes et éthiques du Sénat exprimées dans la loi DADVSI.

Mon amendement vise à supprimer un ajout, que je qualifierai de « sauvage » (Murmures sur les travées de l’UMP), du député Christian Kert.

Sauvage parce que, sur la forme, il s’agissait d’un sous-amendement présenté, dans le cadre d’une procédure d’urgence, à l’Assemblée nationale sans que le Sénat ait eu à en prendre connaissance et à l’évaluer. Il est passé inaperçu au cours de la commission mixte paritaire, tant l’attention de chacun était mobilisée sur la HADOPI. Il est revenu ensuite au Sénat, sans possibilité d’amendement.

Sauvage parce que, sur le fond, cet ajout nie les subtils équilibres obtenus entre les différents acteurs des états généraux et trahit la confiance de ceux qui les ont acceptés. D’ailleurs, madame la ministre, vous n’aviez pas émis un avis favorable sur ce sous-amendement, déclarant que c’était « un sujet complexe et sensible ».

Prenant acte de l’évolution de la société et des technologies de communication, les acteurs avaient reconnu que l’utilisation des écrits et des images d’un journaliste, dans le cadre de son travail pour un titre sur support papier, étaient utilisables désormais en version numérique. Cela se retrouvait dans les sept pages additionnelles que comportait l’amendement du Gouvernement déposé en séance.

Toutefois, le sous-amendement Kert trahit cette confiance et change complètement la donne puisqu’il étend le droit de l’entreprise à se servir des productions du journaliste sur tous supports, ce qui ouvre la porte à toutes les spoliations et entre en contradiction avec les fondements de la propriété intellectuelle à la française, par le biais d’un code du travail malmené.

Cette disposition autorise en effet le patron de presse à faire tout usage de textes et d’images sur d’autres supports. Je le dis au passage, c’est en contradiction avec le droit de retrait du journaliste, droit qui, jusqu’à ce jour, lui permet de refuser que soient diffusés l’un de ses écrits ou l’une de ses images sous un titre de presse dont il ne partage pas les idées.

Mes chers collègues, quelles que soient les positions des uns et des autres sur le texte dont nous débattons, je vous demande donc, par la suppression que je vous propose, laquelle n’altère en rien les dispositions introduites par l’amendement gouvernemental issu du livre blanc, de rétablir la ligne éthique de protection de la propriété intellectuelle qui a toujours guidé le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour présenter l’amendement n° 4.

M. Jean-François Voguet. Par cet amendement, nous proposons de supprimer deux alinéas issus de l’adoption d’un sous-amendement du député Christian Kert et insérés à l’article 10 bis A d’une manière fort discutable lors du débat à l’Assemblée nationale. Les dispositions qu’ils contiennent attaquent frontalement le droit moral et patrimonial des journalistes.

En effet, alors que, jusqu’ici, le code du travail prévoyait que le journaliste était employé par un titre, les alinéas qu’il est proposé de supprimer précisent que l’employeur peut désormais lui imposer de travailler sur l’ensemble des supports d’un groupe. Cela signifie que l’on pourra imposer à ce professionnel de travailler indistinctement pour un titre ou un autre, un site internet, une radio, une chaîne de télévision ou tout autre support liés entre eux uniquement par leur appartenance à une même entité capitalistique.

Autrement dit, au lieu d’être payé, comme c’est le cas aujourd’hui, à chaque publication d’un même article sur un nouveau support, le journaliste ne sera payé qu’une fois, et tous les titres de presse du groupe pour lequel il travaille pourront réutiliser ses papiers à leur guise. De plus, le journaliste perdra tout droit de regard sur la reproduction de ses articles dans les médias d’un même groupe dès lors qu’il a écrit pour l’un d’eux, alors que, en principe, son accord est requis en pareil cas.

De même, jusqu’à ce jour, en théorie, la publication non autorisée par son auteur et non rémunérée d’un article par un titre de presse, d’une part, relevait de la contrefaçon, et, d’autre part, constituait une atteinte au code du travail s’il était le fait d’une entreprise de presse.

Il paraît proprement hallucinant que, au sein d’un projet de loi dont l’objectif proclamé est la défense du droit d’auteur, on s’attaque ainsi de manière plus ou moins oblique à celui des journalistes. Le droit d’auteur n’est-il donc dans ce texte que le masque derrière lequel se dissimulent d’autres desseins ? Vous nous donnez malheureusement de trop nombreuses raisons de le penser ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Je tiens tout d’abord à rappeler, pour l’information du Sénat, que le président de la commission a diffusé, dès vendredi soir dernier, et ce avant même le vote solennel de l’Assemblée nationale, les conclusions des débats qui se sont déroulés au Palais-Bourbon. Cela a donc permis à tout un chacun ici de prendre connaissance de leur contenu.

Pour en revenir aux amendements identiques nos 1 et 4, tout le monde sait que les groupes de presse, au vu de la situation actuelle du secteur, se voient contraints de se diriger vers ce que l’on appelle le média global.

Les dispositions introduites par l’Assemblée nationale, au travers de l’adoption du sous-amendement de M. Kert, portent sur les modalités de la collaboration entre les journalistes et leurs employeurs, et non sur celles de la cession des droits d’auteurs, qui relèvent, elles, du code de la propriété intellectuelle. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Les alinéas qu’il est proposé de supprimer visent à prendre en compte la révolution numérique en cours dans la presse en prévoyant que le journaliste peut être amené à travailler sur les différents supports des titres de presse, c'est-à-dire non seulement sur papier, mais aussi sur le web.

Afin de ne pas porter atteinte à la liberté contractuelle, il est précisé que le contrat de travail peut autoriser le journaliste à ne travailler que sur un seul support. Ce point relève de l’organisation interne des entreprises de presse et du contrat de travail conclu entre l’employeur et son journaliste. En tout état de cause, ces dispositions ne sauraient être un motif de rupture des contrats de travail en cours.

Les réserves que j’ai pu formuler tenaient à la méthode retenue : ces dispositions dépassent le cadre des discussions qui se sont déroulées lors des états généraux de la presse écrite et auraient pu effectivement faire l’objet d’accords d’entreprise.

Néanmoins, sur le fond, le compromis d’ensemble qui s’est dégagé entre l’Assemblée nationale et le Sénat à l’occasion de la commission mixte paritaire, compromis auquel est fidèle le texte qui vous est proposé aujourd’hui, me semble suffisamment équilibré pour éviter qu’on le remette en cause. J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Madame la ministre, sur ce sujet, vous êtes donc passée de la « sagesse », exprimée à l’Assemblée nationale, à l’approbation d’un contenu dont personne n’a mesuré la portée en commission mixte paritaire : il dessert les journalistes et entame le principe même des droits d’auteur, pourtant actualisé par la profession au vu de l’évolution des technologies.

C’est un grand paradoxe que de vous entendre plaider, dans le cadre de ce projet de loi « création et internet », les droits des créateurs, et, sur un cavalier, le sabotage des droits d’auteur !

Je ne vois dans cette contradiction que deux explications possibles.

L’une tient à la forme : aussi pertinent soit un amendement ou un sous-amendement, aussi mauvais soit un contenu, pas une virgule ne doit être changée au Sénat, de façon que la loi soit définitivement votée ce jour.

L’autre tient au fond : selon que les groupements d’intérêts tirent ou non bénéfice des droits d’auteur, le Parlement est sommé de les défendre ou non C’est ainsi que les œuvres des musiciens et cinéastes, qui engendrent des droits voisins et des profits considérables pour les distributeurs, seront protégées par tous les moyens. Mais c’est ainsi que les écrits et images des journalistes, lorsque leur publication sur d’autres supports est susceptible de représenter un coût pour les entreprises de presse, doivent être cédés sans contrepartie !

Ce n’est pas de cette manière que l’on aidera la presse quotidienne régionale à diversifier ses contenus, à s’appuyer sur de vrais professionnels, à donner confiance dans l’issue des négociations, à garantir au lecteur la pluralité des regards.

Je maintiens donc cet amendement. (MM. Jean Desessard et Jean-Luc Fichet applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

M. Serge Lagauche. J’ai déjà indiqué lors de la discussion générale que nous soutenions fermement cet amendement. Nous aurions même dû le cosigner, mais, pris par les délais qui nous ont été imposés, nous avons eu du mal à nous coordonner. (M. Jean Desessard applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 4.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 10 bis A.

(L’article 10 bis A est adopté.)

Article 10 bis A
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Article 10 bis C

Article 10 bis B

I. - Le début du 8° de l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :

« 8° La reproduction d'une œuvre et sa représentation effectuées à des fins de conservation ou destinées à préserver les conditions de sa consultation à des fins de recherche ou d'études privées par des particuliers, dans les locaux de l'établissement et sur des terminaux dédiés par des bibliothèques... (le reste sans changement). »

II. - Au 7° de l'article L. 211-3 du même code, après le mot : « reproduction », sont insérés les mots : « et de représentation » et les mots : « sur place » sont remplacés par les mots : « à des fins de recherche ou d'études privées par des particuliers, dans les locaux de l'établissement et sur des terminaux dédiés ». – (Adopté.)

Article 10 bis B
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Article 10 bis

Article 10 bis C

À la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 15 de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, les mots : « est tenu de transmettre à ce service » sont remplacés par les mots : « est tenu, à la demande de ce service, de transmettre à celui-ci ». – (Adopté.)

Article 10 bis C
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Article 10 ter

Article 10 bis

I. - (Non modifié)

II. - (Supprimé)

III. - À l'avant-dernier alinéa du IV de l'article 30-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la référence : « L. 331-11 » est remplacée par la référence : « L. 331-9 ».

IV. - 1. La loi n° 96-299 du 10 avril 1996 relative aux expérimentations dans le domaine des technologies et services de l'information est abrogée.

2. À l'article 15 de la loi n° 97-283 du 27 mars 1997 portant transposition dans le code de la propriété intellectuelle des directives du Conseil des Communautés européennes n° 93/83 du 27 septembre 1993 et 93/98 du 29 octobre 1993, les mots : « mentionnés à l'article 3 de la loi n° 96-299 du 10 avril 1996 relative aux expérimentations dans le domaine des technologies et services de l'information » sont supprimés.

3. Le III de l'article 22 de la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications est abrogé.

4. L'article 18 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire est abrogé. – (Adopté.)

Article 10 bis
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Article 10 quater

Article 10 ter

Le cinquième alinéa de l'article 99 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :

1° À la première phrase, après le mot : « analogique », sont insérés les mots : « des services nationaux en clair » ;

2° Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Il fixe, au moins trois mois à l'avance, pour chaque zone géographique, la date d'arrêt de la diffusion analogique des services à vocation locale et des services nationaux dont l'autorisation pour ce mode de diffusion vient à échéance avant le 30 novembre 2011. » – (Adopté.)

Article 10 ter
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Article 11

Article 10 quater

I. - Le Centre national de la cinématographie est chargé d'initier ou d'élaborer, avant le 30 juin 2009, la mise en place d'un portail de référencement destiné à favoriser le développement des offres légales d'œuvres cinématographiques françaises ou européennes.

II. - Dans un délai de trois mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, les services de communication au public en ligne qui proposent un service de vente à l'acte de phonogrammes concluent avec les producteurs, pour l'exploitation de ce service et dans le respect des droits et exclusivités reconnus, un accord destiné à commercialiser ces phonogrammes dans le cadre d'une offre sans mesures techniques de protection lorsque celles-ci ne permettent pas l'interopérabilité. – (Adopté.)

Article 10 quater
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Article 12

Article 11

I. - À l'exception des articles 9 bis A et 9 bis, du III de l'article 12 et de l'article 13, la présente loi est applicable à Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie.

II. - (Non modifié)

III. - Le premier alinéa de l'article L. 811-2 du même code est ainsi rédigé :

« Pour l'application du présent code à Mayotte et dans les Terres australes et antarctiques françaises ainsi que pour l'application des dispositions qu'il rend applicables en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie, les mots suivants énumérés ci-dessous sont respectivement remplacés par les mots suivants : ».

IV. - Le 2° du I et le III de l'article 10 bis, l'article 10 ter et les I et II de l'article 12 de la présente loi sont applicables en Polynésie française. – (Adopté.)

Article 11
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Article 13

Article 12

I. - L'article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« On entend par service de presse en ligne tout service de communication au public en ligne édité à titre professionnel par une personne physique ou morale qui a la maîtrise éditoriale de son contenu, consistant en la production et la mise à disposition du public d'un contenu original, d'intérêt général, renouvelé régulièrement, composé d'informations présentant un lien avec l'actualité et ayant fait l'objet d'un traitement à caractère journalistique, qui ne constitue pas un outil de promotion ou un accessoire d'une activité industrielle ou commerciale.

« Un décret précise les conditions dans lesquelles un service de presse en ligne peut être reconnu, en vue notamment de bénéficier des avantages qui s'y attachent. Pour les services de presse en ligne présentant un caractère d'information politique et générale, cette reconnaissance implique l'emploi, à titre régulier, d'au moins un journaliste professionnel au sens de l'article L. 7111-3 du code du travail. »

II. - L'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'infraction résulte du contenu d'un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, le directeur ou le codirecteur de publication ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s'il est établi qu'il n'avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message. »

III. - Après le 1° bis de l'article 1458 du code général des impôts, il est inséré un 1° ter ainsi rédigé :

« 1° ter Les services de presse en ligne reconnus au 1er janvier de l'année d'imposition dans les conditions précisées par le décret prévu au troisième alinéa de l'article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse ; ».

IV. - Le III s'applique aux impositions établies à compter de l'année qui suit la publication du décret prévu au troisième alinéa de l'article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse dans sa rédaction issue du présent article et au plus tard à compter du 31 décembre 2009. – (Adopté.)

Article 12
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Article additionnel après l’article 13

Article 13

I. - L'article 39 bis A du code général des impôts est ainsi modifié :

A. - Le 1 est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « générale », sont insérés les mots : « , soit un service de presse en ligne reconnu en application de l'article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, consacré pour une large part à l'information politique et générale » ;

2° Le a est ainsi modifié :

a) Après le mot : « exploitation », sont insérés les mots : « du service de presse en ligne, » ;

b) Après la première et la troisième occurrences du mot : « entreprises », les mots : « de presse » sont supprimés ;

c) Après le mot : « alinéa », sont insérés les mots : « ou l'exploitation d'un service de presse en ligne mentionné au même alinéa » ;

3° Au b, les mots : «, extraites du journal ou de la publication, » sont supprimés ;

4° Après le b, il est inséré un c ainsi rédigé :

« c) Dépenses immobilisées imputables à la recherche, au développement technologique et à l'innovation au profit du service de presse en ligne, du journal ou de la publication. » ;

B. - Le 2 est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « publications », sont insérés les mots : « et pour les services de presse en ligne reconnus » ;

2° Après la première phrase du premier alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Pour l'application de la phrase précédente, la limite est calculée, pour les entreprises exploitant un service de presse en ligne reconnu et exerçant d'autres activités, à partir du seul bénéfice retiré de ce service de presse en ligne » ;

C. - Au 2 bis, les mots : « mentionnées aux 1 et 2 qui sont regardées » sont remplacés par les mots : « et des services de presse en ligne mentionnés aux 1 et 2 qui sont regardés » ;

D. - Au dernier alinéa du 3, après les mots : « des publications », sont insérés les mots : « et pour les services de presse en ligne reconnus ».

II. - Le I s'applique aux exercices clos à compter de la publication de la présente loi – (Adopté.)

Article 13
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article additionnel après l’article 13

M. le président. L’amendement n° 6, présenté par MM. Renar, Ralite et Voguet, Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l’article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est créé un conseil pluraliste réunissant des auteurs, des artistes, des écrivains, des journalistes, des chercheurs, des juristes, des architectes, des informaticiens, des représentants des internautes, des fournisseurs d’accès, des industriels, des parlementaires et les pouvoirs publics. Ce conseil élabore de manière collégiale la définition des conditions de rémunération des auteurs à l’heure numérique.

Les conditions de désignation des membres du conseil sont fixées par décret.

La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Par cet amendement, nous proposons la création d’un conseil véritablement pluraliste pour discuter de la manière de rémunérer justement le travail des auteurs à l’heure de l’économie numérique et des échanges qu’elle permet et provoque.

Je dis « véritablement pluraliste » parce que, jusqu’ici, les discussions qui ont eu lieu, notamment celles qui ont abouti aux accords Olivennes, ne l’étaient pas. Nombre d’acteurs ont été laissés en dehors d’un débat qui les concernait au premier chef. Ces accords Olivennes sont fondamentalement des accords d’industriels, et non des accords de société, qui étaient pourtant nécessaires sur une question aussi importante que celle du droit d’auteur.

Le résultat, c’est que, à l’issue de longues heures de discussions, rien n’est véritablement réglé, les positions s’étant parfois fortement durcies de part et d’autre et la plus grande des confusions régnant autour d’un projet de loi dont tout le monde, quelles que soient par ailleurs les opinions, s’accorde à reconnaître qu’il est inapplicable.

Si la page de ce texte est, d’une certaine manière, déjà tournée avant que d’avoir été vraiment lue, en raison de ce caractère inapplicable, nous proposons, avec cet amendement, la page qui permettra d’écrire la règle véritablement commune de la création à l’heure d’internet, celle d’une réelle concertation, la plus équilibrée possible, c’est-à-dire la plus pluraliste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. L’idée avancée par les auteurs de cet amendement est, certes, intéressante, mais elle n’a pas de portée législative. Rien n’empêche, en effet, qu’une réunion des partenaires, notamment de ceux qui ont signé les accords de l’Élysée, puisse dans l’avenir voir le jour et suivre les évolutions dans ce domaine.

Dans ces conditions, nous avons émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Je comprends bien les intentions qui animent les auteurs de cet amendement, mais j’ai déjà fait part de ma volonté d’ouvrir une nouvelle phase de concertation, précisément sur les nouvelles ressources des créateurs, leur répartition entre les artistes et les producteurs, le développement des nouvelles offres légales et l’« explosion » des indépendants. Je souhaite y associer tous les acteurs, y compris, bien entendu, le Parlement.

Il ne me semble donc pas nécessaire de créer un conseil de plus, d’autant que ce qui est préconisé par les auteurs de l’amendement n’est pas d’ordre législatif.

Au demeurant, je vous le rappelle, existe déjà le CSPLA, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, où sont représentés aussi bien les créateurs que les fournisseurs d’accès à internet.

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

M. Serge Lagauche. Nous soutenons avec enthousiasme l’appel lancé par nos collègues du groupe CRC-SPG.

Nous souhaitons par ailleurs, madame la ministre, que la nouvelle phase de concertation que vous avez évoquée soit lancée très rapidement et qu’on ne perde pas une fois de plus deux ou trois ans avant d’entamer les discussions. C’est tout de suite qu’il faut mettre en place une instance de dialogue et c’est pourquoi nous voterons cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.

Vote sur l'ensemble

Article additionnel après l’article 13
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la discussion de ce projet de loi, qui va s’achever dans quelques instants a connu quelques… péripéties. En vérité, les événements qui se sont produits à l’Assemblée nationale n’honorent pas forcément le Parlement dans son ensemble : ils ont donné prise aux arguments des imbéciles et des adversaires de la démocratie, qui les utilisent pour discréditer le travail législatif, alors que l’immense majorité des parlementaires, de tous bords, travaille sérieusement. Je regrette donc vivement qu’un tel incident ait pu avoir lieu. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur le banc de la commission.)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État, et M. Henri de Raincourt. Très bien !

M. Jean-Pierre Plancade. Pour le reste, le texte que nous nous apprêtons à voter nous donne l’impression d’être une sorte de ligne Maginot. On comprend bien qu’il n’est pas facile de légiférer en cette matière. Pouvions-nous faire autrement ? Probablement ! Pouvions-nous faire mieux ? Je ne sais pas !

Quoi qu’il en soit, par-delà le texte lui-même et ses imperfections, dont nous sommes conscients, il était nécessaire d’envoyer un signe aux créateurs,…

M. Jean-Pierre Plancade. …de leur apporter notre soutien.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Plancade. Il importait également d’envoyer un message clair aux fournisseurs d’accès à internet et à l’ensemble de la population : nous ne laisserons plus faire n’importe quoi sur la Toile ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Plancade. Mes chers collègues, le RDSE s’apprête à voter ce texte sans états d’âme. Il ne jouera pas, contrairement à ce que j’ai pu entendre, un rôle de « supplétif ». Pour ma part, j’ai beaucoup de compassion intellectuelle pour ceux qui, dans un premier temps, ont voté pour et qui, aujourd’hui votent contre ou s’abstiennent.

La quasi-totalité des membres du RDSE votera ce texte, car ce groupe est composé de femmes et d’hommes libres. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je déplore que ce projet de loi, de nature technique, ait conduit à un clivage politique, la gauche étant supposée nécessairement s’y opposer et la droite, non moins nécessairement le soutenir. Selon moi, la démocratie aurait gagné à ce que la situation soit plus « pacifiée », d’autant que les torts sont partagés entre la droite et la gauche.

Si, comme vient de le dire notre collègue M. Plancade, ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale n’était pas très positif pour l’image de la démocratie, il faut savoir que, parmi les députés de la majorité, un certain nombre a délibérément refusé de participer au vote, afin de ne pas cautionner des dispositions sur lesquelles ils n’étaient pas d’accord. D’ailleurs, hier encore, quarante parlementaires de la majorité ont refusé, malgré les amicales pressions dont ils ont fait l’objet, d’apporter leur caution à ce projet de loi.

Dans de telles affaires, on aboutit bien souvent à la situation suivante : si vous appartenez à la majorité, vous appuyez sur tel bouton ; si vous appartenez à l’opposition, vous appuyez sur tel autre. Il ne faut pas s’étonner ensuite que les parlementaires désertent la séance publique ! En effet, un parlementaire ne devrait pas être un « presse-bouton », qui obéit purement et simplement aux instructions de son parti politique. C’est en tout cas ma conception de la démocratie.

Sur la forme, je regrette la promptitude avec laquelle ce projet de loi est revenu devant nous. Je regrette surtout qu’un certain nombre de protagonistes ne se soient pas montrés beaux joueurs. Après l’adoption du texte par l’Assemblée nationale, nous aurions pu demander une lecture supplémentaire : il n’y aurait alors eu aucune raison de procéder avec autant de fébrilité ! Ce projet de loi a été déposé voilà plus d’un an : pour quelle raison fallait-il tout à coup boucler l’affaire sous huit jours ? J’ai fort peu apprécié le fait que, à peine voté par l’Assemblée nationale, ce texte soit immédiatement discuté au Sénat.

Sur le fond, je le concède volontiers, le développement d’internet a créé un certain nombre de situations tout à fait anormales. En revanche, je ne suis pas persuadé que le problème du droit d’auteur soit le plus urgent. Il y a en effet une question infiniment plus grave, dont on parle beaucoup mais pour laquelle on ne fait jamais rien : c’est la diffamation sur internet. À l’heure actuelle, une personne diffamée sur le réseau est totalement privée de moyens de réagir. J’aurais donc souhaité un projet de loi global, susceptible de mettre un frein à l’« anarchie » qui règne sur internet.

Pour ma part, je voterai contre ce projet de loi parce que je suis tout à fait hostile à la multiplication d’organismes administratifs, c'est-à-dire non juridictionnels, qui se permettent d’infliger des pénalités financières, comparables à des amendes. Car, en fin de compte, payer son abonnement sans pouvoir en bénéficier, cela revient un peu à la même chose que payer une amende pour stationnement interdit quand on ne se sert pas de sa voiture !

Nous ne sommes tout de même pas encore sous une dictature ! Il est très grave que des organismes non juridictionnels puissent faire n’importe quoi, sans aucun garde-fou. Il y a un minimum de règles à respecter ! D’ailleurs, la majorité qui s’est dégagée au Parlement européen sur ces questions –  et je rappelle que l’Union européenne regroupe de grandes démocraties – montre bien qu’il existe là une réelle difficulté.

Malheureusement, en France, cette question est devenue une affaire politique : le fond, on n’en a pas grand-chose à faire ! Certains sont contre, pour des raisons souvent purement partisanes ; d’autres, qui ne veulent pas perdre la face, sont pour et cherchent à forcer la main aux premiers. Tout cela n’est pas très bon, non plus, pour la démocratie. Pour ma part, je voterai donc contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, hâte et piste bancale sont sans doute motivées par des considérations quasi philosophiques, du type « qui veut la fin veut les moyens ». À moins qu’on ne raisonne comme notre collègue du groupe RDSE : on sait que cela ne fonctionnera pas, mais l’important, c’est d’envoyer un message aux créateurs !

M. Michel Charasse. Parce que ça fonctionne, aujourd’hui ?

Mme Marie-Christine Blandin. À nos yeux, la création vaut mieux que cela et les créateurs sont capables de travailler avec nous à un autre projet de soutien. Ils nous ont d’ailleurs suggéré d’arrêter de saboter le régime de l’intermittence, laquelle est aussi un lieu de création.

Un autre aspect, tout aussi central, est à l’origine du rejet de ce texte par les Verts : c’est le cavalier scélérat contre les journalistes ; vous vous en accommodez, chers collègues de la majorité, et nous en sommes navrés. Notre détermination à dénoncer ce que vous venez subrepticement de faire sera très forte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Madame la ministre, nous ne pouvons soutenir votre projet de loi, car il porte atteinte au respect de la vie privée et professionnelle.

Dans la droite ligne établie par vos prédécesseurs depuis 2002, vous mettez en place une surveillance généralisée de l’internet, particulièrement intrusive et injuste.

Ce texte, en effet, n’ouvre pas de possibilité de recours et ne permet pas de procès équitable avant que n’intervienne une coupure de l’accès à internet décidée par une énième « autorité administrative indépendante », en l’occurrence la HADOPI. Ce processus restreignant encore un peu plus les libertés de nos concitoyens vise singulièrement les plus jeunes, que vous avez décidément beaucoup de mal à comprendre, tant sur le plan économique et social que sur le plan culturel.

Le Parlement européen n’est pas du tout sur la même longueur d’onde, vous le savez, puisqu’il vient de rendre ce texte obsolète, par un vote acquis à une écrasante majorité, en rappelant que toute coupure de l’accès à internet ne pouvait se faire sans la décision préalable de l’autorité judiciaire.

Le système que vous proposez repose de surcroît sur une identification des « coupables », techniquement inefficace parce que hasardeuse, pour ne pas dire arbitraire. Pour prévenir le téléchargement sur les bornes publiques sans fil – le fameux Wifi –, qui nous entourent, y compris dans le jardin du Luxembourg, le Gouvernement est même allé jusqu’à envisager la création de « listes blanches », censées répertorier les sites autorisés !

À ces subtilités quasi surréalistes, à défaut d’être virtuelles, s’ajoute une « triple peine », qui additionne suspension de la connexion, poursuite du paiement de l’abonnement et persistance des poursuites civiles ou pénales.

Madame la ministre, la vérité est sans doute difficile à avouer : vous avez promis aux acteurs de la création de proscrire ce qui ne peut l’être techniquement. Il est en effet apparu clairement au cours des débats au Parlement que l’adresse IP, numéro qui identifie chaque ordinateur connecté à internet, peut être aisément masqué ou même détourné par un utilisateur tiers.

Vous établissez une véritable présomption de culpabilité qui, à notre sens, est contraire à la Constitution, comme d’ailleurs le non-respect du principe de l’imputabilité. Cette loi sanctionne non pas le téléchargement en soi, mais le défaut de sécurisation par l’abonné de sa connexion à internet. Elle impose à tous les citoyens de maîtriser leur outil informatique, alors même que les professionnels admettent sans fard qu’ils n’en sont pas toujours capables.

Pour prouver sa bonne foi, l’internaute devra installer un logiciel faisant office de mouchard, dont la désactivation pourra être sanctionnée pour chaque équipement connecté.

Madame la ministre, au lieu de concentrer votre énergie à défendre, durant deux mois, l’indéfendable, pour vous attirer les faveurs électorales de quelques grands industriels de la culture, il eût été préférable d’essayer d’adapter le droit d’auteur à l’ère numérique. Comme lors de l’examen, en 2006, de la loi relative au droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information, qui promettait déjà tout et ne réglait rien, vous avez été d’une discrétion absolue sur ce sujet beaucoup plus complexe.

Vous concevez toujours la création comme un patrimoine statique qu’il faut défendre et, surtout, ne pas rendre accessible au plus grand nombre. Seule une nouvelle rémunération du droit d’auteur, qui régulerait aussi la part de chaque acteur de la création, est en effet adaptée aux réalités d’internet. S’il n’est pas possible d’adapter internet au droit d’auteur, c’est le droit d’auteur qu’il faut faire évoluer, dans l’esprit qui lie les artistes à leur public.

Madame la ministre, vous avez fini par déclarer, voilà quelques jours, que cette loi avait pour seul but de créer « un cadre psychologique ». Vous aviez déjà endossé il y a quelques semaines le rôle de gendarme du Net ; vous jouez donc désormais un second rôle, celui d’analyste du monde virtuel. Peut-être eût-il été préférable que vous restiez, tout simplement, ministre de la culture…

Parce que ce projet de loi est fondamentalement liberticide, structurellement inefficace et qu’il ne saisit pas l’occasion de repenser les rapports économiques du monde de la culture, les sénateurs du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon et moi-même, voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG - M. Jean Desessard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Ayant déjà eu l’occasion de m’exprimer au nom du groupe CRC-SPG dans la discussion générale, je serai bref.

Je voudrais tout d’abord revenir sur l’organisation du travail législatif. Il est excessivement grave de créer des clivages artificiels et, surtout, de vouloir réduire la loi à un simple outil de communication : une telle pratique humilie le législateur, tout autant que les destinataires de la loi, et, finalement, disqualifie le travail parlementaire, ce qui suscite chez un certain nombre de personnes un sentiment de colère, qui se mêle bientôt d’impuissance lorsque ces mêmes personnes constatent que, finalement, tout passe en force.

Nous voyons poindre une nouvelle pratique parlementaire, pilotée d’une main de fer par l’Élysée. On connaît, ceux qui sont pour, on connaît ceux qui sont contre, et l’on fait en sorte que ceux qui n’ont pas encore fait leur choix, en leur montrant que les jeux sont en réalité déjà faits, se démobilisent. Nous assistons ainsi à la création d’une minorité majoritaire !

Si cette démarche politique n’était pas fondamentalement aussi grave, elle aurait quelque chose de comique au regard de la réforme constitutionnelle censée accroître les droits du Parlement !

J’évoquerai ensuite deux amendements que nous avions souhaité présenter, et qui ont été d’’emblée écartés. En particulier, celui qui tendait à faire payer les fournisseurs d’accès à internet, les FAI, a été balayé brutalement, sans même qu’une étude préalable ait été effectuée. Une fois de plus, les grandes affaires sont épargnées, alors même qu’elles sont riches, prospères, qu’elles emmagasinent en ce moment les profits !

De même, l’article 40 de la Constitution a été invoqué contre un amendement communiste qui tendait à créer une plate-forme publique de téléchargement. Il s’agissait pourtant simplement de rappeler au Gouvernement un engagement contenu dans la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information et qui, voilà deux ans, avait été adopté à l’unanimité de l'Assemblée nationale et par une majorité au Sénat.

Le droit d’auteur est un droit de civilisation et un droit de l’homme. Sa grande plasticité lui a permis de s’adapter à tous les progrès techniques – copie privée, cinéma, etc. – sans pour autant perdre sa raison d’être. Pourquoi en irait-il différemment dans le contexte actuel ? Encore faudrait-il que le pluralisme préside à la réflexion !

Je rappelle que pas un journaliste, pas un artiste, pas un chercheur, pas un syndicaliste, pas un téléspectateur et pas un internaute ne siégeaient à la commission Copé ! D’aucuns prétendent que ces informations sont fausses… Ce n’est pourtant que la stricte vérité, tristement conforme à la mode actuelle !

Nous avons aussi rendez-vous avec les droits fondamentaux. Peut-être serait-il bon de réfléchir à une charte dont l’article 1er disposerait : « La protection du vivant, de l’environnement et de la création de l’esprit constitue un cercle sacré ; c’est un bien commun de l’humanité, non marchand et inviolable. »

M. Jack Ralite. Sinon, nous en restons à des positions qui, si elles ont pu constituer un progrès par le passé, sont quelque peu désuètes à présent.

En conclusion, j’invite le Président de la République à méditer cette phrase d’un poète que je cite souvent, René Char : « À tous les repas pris en commun, nous invitons la liberté à s’asseoir. La place demeure vide, mais le couvert reste mis. » (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. - Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Je souhaite, à cet instant, formuler simplement quelques remarques.

Engagé à l’automne, ce débat fut marqué, d’abord au sein de la commission, ensuite dans cet hémicycle, par la recherche d’une réponse à une question difficile, plutôt que par un affrontement binaire droite contre gauche.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Oui, dans tous les pays développés, il est difficile de concilier les droits de la création et le fonctionnement d’internet, comme le montrent les tableaux publiés dans la presse : chaque pays cherche, tâtonne, apporte des réponses variables.

Dès le mois d’octobre, sur toutes les travées de cette assemblée, nous avons été animés par une idée simple : assurer la protection des plus faibles et des plus menacés, c’est-à-dire des créateurs. En effet, s’il est facile de capter sur le réseau le produit de la création des autres, il est toujours plus difficile pour un pays de disposer d’un monde de la création actif, qui perçoit les droits destinés à récompenser le travail qu’il a fourni.

Sur tous ces points, nous avons dialogué et nous sommes parvenus à élaborer un texte qui, à l’automne dernier, a été adopté à la quasi-unanimité du Sénat. C’est l’honneur de la Haute Assemblée d’avoir préféré aux affrontements partisans la recherche d’une réponse réelle à une question difficile. (Marques d’approbation sur les travées de lUMP, de lUnion centriste et du RDSE.)

De son côté, l'Assemblée nationale a été moins sage que le Sénat.

M. Roland du Luart. C’est souvent le cas !

M. Michel Charasse. Cherchez à qui tout cela profite…

M. Jean-Pierre Plancade. Certainement pas aux artistes !

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. En définitive, si nous débattons encore aujourd’hui, c’est à la suite d’un incident dont nous ne sommes pas responsables, alors que le texte équilibré issu des travaux de la commission mixte paritaire protégeait à la fois l’offre, c'est-à-dire le droit des créateurs, et la demande, notamment grâce à des dispositions destinées à préserver le droit des plus jeunes internautes, qui ont souvent peu de moyens, à l’accès aux produits culturels de leurs rêves.

M. Michel Charasse. Ils ont d’autant plus le droit d’écouter qu’ils ne savent plus lire !

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Si notre débat n’a pas manqué de passion, il a surtout été marqué par l’écoute et le respect. C’est pourquoi je n’ai pas très bien compris la leçon que vous venez de nous assener, monsieur Masson, sur le fonctionnement de notre assemblée et la qualité de nos travaux.

Mon cher collègue, vous êtes membre de la commission des affaires culturelles : venez-y ! Prenez part à nos travaux ! Nous serons heureux de vous entendre ! (Rires et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Nous savons que ce texte devra tenir compte des évolutions technologiques et législatives. Mais nous avions besoin d’un acte fort. La France, en pointe dans le domaine de la création, doit protéger ses créateurs. Tel est, modestement, le sens de nos travaux, dont la commission et le Sénat dans son ensemble doivent être fiers ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP, de lUnion centriste et du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 147 :

Nombre de votants 206
Nombre de suffrages exprimés 203
Majorité absolue des suffrages exprimés 102
Pour l’adoption 189
Contre 14

Le Sénat a adopté.

En conséquence le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet est adopté définitivement. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet
 

3

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Discussion générale (suite)

Réforme de l'hôpital

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

(Texte de la commission)

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients à la santé et aux territoires.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Exception d'irrecevabilité

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au préalable, permettez-moi de me féliciter de l’implication de votre assemblée sur le volet médico-social de ce projet de loi, dans un débat qui était pourtant déjà très riche en sujets dans le domaine de la santé.

Mes remerciements s’adressent en particulier à votre rapporteur, Alain Milon, qui a porté une attention permanente au secteur médico-social, au côté du président de la commission et de l’ensemble de ses membres. J’en veux pour preuve les améliorations apportées au texte, sur son initiative ; je pense notamment à l’introduction des objectifs de qualité dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, les CPOM, et à la création de la notion d’établissements médicosociaux d’intérêt collectif, pour n’en citer que deux.

Les avancées obtenues à l’Assemblée nationale et lors de la discussion au sein de votre commission ont montré que le médico-social était pleinement pris en compte dans cette réforme.

Nous devrons veiller, je le précise à M. le rapporteur ainsi qu’à M. Vasselle, à ce que l’organigramme des agences régionales de santé, les ARS, traduise clairement l’importance et les spécificités du champ médico-social et à ce que le recrutement des directeurs et de leurs collaborateurs directs reflète l’ensemble des compétences de l’ARS. Cela me semble indispensable, car le mode de gouvernance des ARS, qui accorde une place importante aux collectivités locales et aux partenaires médico-sociaux, doit se retrouver aussi dans leur organisation elle-même.

Monsieur le rapporteur, avec Mme Desmarescaux, vous avez posé la question de la continuité du service dans les établissements médico-sociaux. Si je comprends vos préoccupations, j’aurai l’occasion, au cours du débat, de vous proposer une autre méthode pour traiter ce problème complexe.

Mme Hermange a souligné avec force que l’objectif numéro un de la création des ARS était bien de décloisonner les champs sanitaires et médico-sociaux et de réduire les fractures territoriales.

Dans le même esprit, Mme Dini a souligné, à juste titre, que la création des ARS était l’outil d’une meilleure articulation entre ville, hôpital et médico-social. Au-delà des polémiques sur tel ou tel aspect du texte, c’est effectivement un des enjeux majeurs de la réforme qui vous est proposée aujourd’hui.

Vous vous interrogez, monsieur Cazeau, sur le rôle des présidents de conseil général dans le dispositif des ARS. Vous me donnez ainsi l’occasion de réaffirmer que cette réforme ne remet aucunement en cause les prérogatives des collectivités locales, pas plus que celles de l’État. En revanche – et cela constitue une avancée –, le projet de loi crée une instance de concertation, la commission de coordination médico-sociale, qui permettra, dans le respect des compétences de l’État et des conseils généraux, d’articuler les outils de programmation et de planification, schémas départementaux, schéma régional et programmation financière.

Les ARS ne sont pas la « superpuissance » décrite par certains et, dans le domaine du médico-social, les acteurs du secteur – représentants des usagers, collectivités territoriales – seront présents à tous les échelons de la gouvernance, du conseil de surveillance aux commissions d’appel à projets, en passant par la conférence régionale de santé et de l’autonomie et ses commissions spécialisées. Il s’agit bien de simplifier les politiques publiques, de les rendre plus lisibles ; il ne s’agit en aucun cas de modifier la répartition des compétences actuelles, telle qu’elle ressort des lois de décentralisation.

Dans la même logique, j’entends bien votre question, monsieur Autain, monsieur Daudigny, sur la juxtaposition des compétences et le risque de chevauchement que cela impliquerait, selon vous. Mais je pense que ces risques sont très atténués : encore une fois, le choix du Gouvernement est clairement celui de la concertation et de la coordination entre les acteurs, non celui de la mainmise de l’un ou de l’autre des secteurs.

Le rôle de chef de file du conseil général en matière gérontologique n’est en rien remis en cause ; c’est même tout le contraire puisque, dorénavant, aussi bien le schéma régional médicosocial, qui définit les besoins à cinq ans, que la programmation financière – le programme interdépartemental d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie, ou PRIAC – feront l’objet d’une concertation approfondie avec les collectivités territoriales au sein de la commission de coordination.

S’agissant des appels à projets, la suppression des comités régionaux de l’organisation sociale et médico-sociale, les CROSMS, n’implique nullement une réduction des prérogatives des associations, comme vous le craignez, monsieur Autain. Loin d’être restreintes, la capacité d’initiative et la place institutionnelle du secteur associatif s’en trouveront au contraire renforcées, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, les promoteurs des projets ne savent pas, au moment où ils les déposent, s’ils s’inscrivent ou non dans l’approche collective des besoins.

Par ailleurs, même lorsque les projets obtiennent l’avis favorable du CROSMS, rien ne garantit qu’ils seront retenus et financés par l’autorité publique compétente.

Ensuite, cette confusion actuelle des niveaux stratégiques et opérationnels, loin d’être l’expression de la capacité d’initiative, enferme et limite celle-ci dans une incertitude et une opacité dont on ne peut se satisfaire.

En outre, la procédure d’appel à projets aura ainsi lieu en aval de la détermination des besoins, à laquelle auront participé l’ensemble des acteurs.

Enfin, je note que, dans le domaine de la recherche, de l’enseignement et de la culture, les appels à projets sont une procédure courante et n’empêchent aucunement l’émergence de l’innovation.

Je partage la préoccupation de M. Vasselle quant à la nécessité de donner à l’ARS les moyens de son fonctionnement en termes de personnel. C’est pourquoi Roselyne Bachelot et moi-même avons confirmé l’existence d’une délégation dans chaque département.

Vous avez souligné, monsieur Jacques Blanc, de même que M. Vall, toute l’importance des hôpitaux locaux, aussi bien dans leur rôle sanitaire qu’en tant que pivots de la filière gérontologique locale, rôle qu’ils seront de plus en plus conduits à tenir. On voit bien ici tout l’intérêt des ARS, qui auront une vision globale de l’activité de ces structures si importantes pour l’accès aux soins des personnes âgées et handicapées sur tout le territoire.

Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, notre débat en discussion générale a été particulièrement intéressant et constructif. Cela laisse certainement augurer des débats de grande qualité sur le titre IV du projet de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Marie-Thérèse Hermange le rappelait au début au début de son excellente intervention : « L’être humain a besoin d’obstacles pour parvenir à son but. »

Certains se sont donc curieusement étonnés qu’une grande réforme de notre système de santé suscite des interrogations, voire des inquiétudes. D’autres voient remis en cause des habitudes ou des prés carrés. Des opposants politiques y trouvent l’occasion de mobiliser leurs troupes. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Bernard Cazeau. Nous ne sommes pas comme ça !

M. Jean-Louis Carrère. Si elle nous cherche, elle va nous trouver !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il convient, avec attention et sérénité, de faire la part des polémiques, des faux débats, mais aussi des vraies questions, qu’il faut traiter au fond, et des propositions intéressantes, qui sont autant de pistes de progrès.

Mais il faut aussi entendre ceux, beaucoup plus nombreux et, certes, moins bruyants (Nouvelles protestations sur les mêmes travées), qui veulent se saisir des outils proposés et remédier aux fractures et aux défaillances de notre système de santé.

S’agissant de la méthode, il serait paradoxal de reprocher au Gouvernement de vouloir tenir compte de vos travaux, tout spécialement de ceux de votre rapporteur, Alain Milon.

Non, monsieur Cazeau, le Gouvernement ne considère pas les sénateurs comme des élus godillots ! (M. Jacques Blanc applaudit.)

M. Jean-Louis Carrère. Les sénateurs UMP !

M. François Autain. Il faut le leur dire ; ils ne s’en étaient pas aperçus !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ils sont des acteurs majeurs du débat démocratique et j’attends beaucoup de nos débats.

Pour autant, il est légitime aussi que, sur nombre de points cruciaux, j’apporte les éclairages nécessaires et expose les arguments qui ont fondé ma démarche. À cet égard, j’ai du mal à comprendre qu’on considère que le fait de redéposer un argument gouvernemental soit une marque d’irrespect envers le Parlement. Chacun est dans son rôle et dispose de ses prérogatives.

M. Jacques Blanc. Tout à fait !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Dans les différentes interventions, je distinguerai trois types d’interpellation.

D’abord, l’interpellation polémique.

M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes une experte en la matière !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je m’y attendais et l’opposition, sur ce point, ne m’a pas déçue : procès d’intention, accusations infondées, allégations hasardeuses, rien n’a manqué ! Et, surtout, à l’exception notable d’Yves Daudigny, dont je salue la mesure, aucune proposition n’a été formulée. Ah, pardon ! J’oubliais ! une proposition, quand même : celle de prolonger le débat. En l’absence de tout contre-projet, je me demande bien à quoi cela pourrait servir ! (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Guy Fischer. Pure provocation !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Après tout, l’adage selon lequel « quand on est dans l’opposition, on s’oppose » a trouvé là une nouvelle illustration à travers les propos de François Autain ou de Jacky Le Menn, que l’on a connus plus inspirés.

Devant ces procès absurdes, je veux redire devant vous mon attachement à l’hôpital public, à ses personnels, à notre administration sanitaire de l’État ou de l’assurance maladie, à nos professionnels de santé libéraux, aux associations, à tous ceux et celles qui m’ont tant aidée à préparer ce projet de loi.

L’hôpital public ne sera jamais une entreprise.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est un service public pour tous les Français. Je veux le conforter en lui donnant des moyens financiers nouveaux:…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … 3,1 % d’augmentation cette année, alors que la France est en récession et que l’inflation est proche de zéro ; un plan d’investissement de 10 milliards d’euros d’ici à 2012, plan qui profitera aussi à l’emploi local.

M. Guy Fischer. C’est un trompe-l’œil !

M. François Autain. C’est inférieur aux dépenses.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Si ma politique…

M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas la vôtre !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … était une politique de rentabilité, monsieur Vall, croyez-vous que nous aurions consenti un tel effort ?

La seule rentabilité que j’attends de l’hôpital public est qu’il contribue à améliorer la santé de nos concitoyens,…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … de tous nos concitoyens, et les bénéfices en seront immenses.

Si j’avais une vision marchande de l’hôpital, monsieur Mirassou, croyez-vous que l’emploi y serait non seulement maintenu, mais augmenté ? Depuis neuf ans, les effectifs y ont progressé de 11,4% et ils vont encore s’accroître.

M. Guy Fischer. 20 000 suppressions d’emplois programmées !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Bien sûr, l’hôpital est un corps vivant. Des réductions d’effectifs peuvent avoir lieu dans un établissement, mais vous ne parlez jamais des hôpitaux qui embauchent.

L’emploi n’est pas une variable d’ajustement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. On peut concilier équilibre et nouveaux emplois. Considérons deux CHU qui sont revenus à l’équilibre : l’année dernière, il y a eu 56 créations de postes à Angers et 67 à Poitiers.

Si je voulais privatiser l’hôpital public, monsieur Desessard, croyez-vous que j’aiderais les établissements en difficulté à se redresser comme je viens de le faire pour les Hospices civils de Lyon, à la demande de Gérard Collomb, avec 20 millions d’euros investis l’année dernière et 25 millions cette année ?

Si je voulais aligner l’hôpital public sur le privé, croyez-vous, monsieur Cazeau, que je maintiendrais un écart de 30 % des tarifications en faveur du public, même en y incluant les honoraires versés à part pour les praticiens du privé ? Croyez-vous que je flécherais massivement vers le public les crédits du plan Hôpital 2012, les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, les MIGAC, que j’attribuerais 90 % des missions d’enseignement, de recherche, de recours et d’innovation aux CHU, que je reporterais la convergence, que je modifierais la T2A pour favoriser les hôpitaux qui accueillent les patients qui sont dans la plus grande précarité et les cas les plus graves ?

Cette année, ces actions se traduiront par près de 50 millions d’euros supplémentaires pour l’AP-HP, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

M. René-Pierre Signé. C’est l’arbre qui cache la forêt !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Si vous trouvez un système ultralibéral qui donne plus à ceux qui accueillent les plus pauvres, faites-moi signe, je m’y rallie ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Si j’avais une démarche comptable, madame David, croyez-vous que je défendrais bec et ongles nos hôpitaux de proximité ?

M. Jean-Louis Carrère. On le fera sans vous !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Oui, on peut concilier maillage sanitaire et aménagement du territoire,…

M. François Autain. Tu parles !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … à condition de faire de la gradation des soins un principe cardinal et les communautés hospitalières de territoires, les CHT, seront pour cela un outil précieux.

La proximité ne saurait être l’excuse pour des soins de mauvaise qualité. Je n’ai pas fermé un seul hôpital et je n’en fermerai pas. J’ai transformé des services et, chaque fois, nous avons investi et embauché.

La vérité est simple : si vous me faites ce procès absurde et insultant, c’est que vous n’avez pas de solution alternative à proposer. (Si, si ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous avons déposé des amendements !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Oui, nous serons peut-être amenés un jour à consacrer une plus part de notre richesse nationale à la santé. Mais il ne faut pas oublier que nous sommes déjà sur le podium des trois pays qui dépensent le plus pour leur santé et le pays qui dépense le plus par habitant pour son hôpital.

M. Jean-Louis Carrère. C’est une pantomime !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il ne faut pas oublier que ces dépenses hospitalières sont financées par un système de solidarité qui en fait payer à l’assurance maladie près de 95 %, que les Français les gagent par des cotisations, des impôts, des taxes dont l’augmentation grèverait inévitablement leur pouvoir d’achat.

M. Jean-Louis Carrère. C’est chaplinesque !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il ne faut pas oublier que tout arbitrage en faveur des dépenses de santé dans le budget des ménages doit être fondé sur un vrai progrès et non sur le laxisme. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Il ne faut pas oublier non plus que, selon les spécialistes en santé publique, les formidables progrès en durée et en qualité de vie ne sont dus que pour 10 % à des dépenses de santé. Avant de puiser dans le porte-monnaie des Français, assurons-nous des marges de progression et de modernisation de notre hôpital ! Nous le devons aux Français, qui y sont tellement attachés.

M. René-Pierre Signé. Et ils voudraient aussi voir des progrès aux urgences !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Heureusement, à côté des interpellations polémiques, il y eut aussi les félicitations et les encouragements. J’en remercie tous les orateurs de la majorité. (Exclamations amusées sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Merci à Gérard Dériot, qui a qualifié le projet d’ambitieux et de volontaire, à Marie-Thérèse Hermange, femme de cœur dont je reprendrai la proposition sur le mi-temps thérapeutique, à Dominique Leclerc pour son appui sur la médicalisation de la biologie, à André Lardeux pour sa haute vision sur les agences régionales de santé, à Jean-Claude Etienne pour son adhésion aux modifications spécifiques aux CHU.

Plusieurs intervenants ont apporté de très importantes contributions. Toutes ne sont pas de nature législative. Certaines trouveront place dans la mise en œuvre pratique, comme le concept du case manager, défendu par Alain Vasselle, ou les très riches propositions de Muguette Dini sur la démographie médicale. D’autres ont un caractère financier et seront discutées lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale. D’autres encore relèvent de la vie conventionnelle, comme la nomenclature des actes médicaux ou les honoraires.

Des polémiques, des encouragements, mais aussi beaucoup de propositions : nous avons bien avancé sur la gouvernance. Sur ce point, qui a fait l’objet des procès d’intention les plus insensés, je me suis livré à un travail approfondi avec les présidents de conférence et nous en sommes à régler des nuances.

Je remercie une nouvelle fois le rapporteur, M. Alain Milon, le président de la commission des affaires sociales, M. Nicolas About, de leur travail impeccable, ainsi que tous ceux d’entre vous qui se sont investis dans ce projet.

Nous avons bien travaillé sur les ARS et nous sommes parvenus avec la commission à un compromis intéressant.

J’ai été très touchée par les interventions des nombreux orateurs qui ont su faire preuve d’ouverture et de patience. Sur tous les sujets, hôpital, médecine de premier recours, administration sanitaire, santé publique, j’aurai l’occasion, au cours de la discussion des articles, de revenir sur les déclarations des uns et des autres. Je prie donc ceux que je n’ai pas cités de m’excuser : ce n’est que partie remise.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous allons maintenant entrer dans le vif du sujet. Pour citer une nouvelle fois Marie-Thérèse Hermange, c’est la stratégie de la confiance que je déploierai ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Exception d’irrecevabilité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par MM. Fischer et Autain, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°901.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (texte de la commission n° 381, 2008-2009).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la motion.

M. Jean-Jacques Mirassou. Tu vas nous remercier, nous aussi ?... (Rires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, dans des conditions que nous avons déjà dénoncées – et nous demandons toujours la levée de l’urgence, surtout après le dépôt des amendements issus du rapport Marescaux –, aurait pu être une chance pour les établissements publics de santé et, de manière plus générale, pour nos concitoyens.

Malheureusement, il n’en est rien. Sur bien des aspects, il est largement insuffisant. Sur d’autres, il sera inefficace, voire contre-productif. Bref, ce projet est inacceptable !

Mais surtout, et c’est l’objet de cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, il est contraire, sur plusieurs points, aux principes fondamentaux qui gouvernent notre société et qui sont protégés par le bloc de constitutionnalité.

Nous aurons l’occasion de revenir, au cours de nos débats, sur notre opposition au fond, à savoir le démantèlement du service public hospitalier au profit exclusif des établissements de santé commerciaux (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC-SPG), la fermeture de 200 à 300 hôpitaux de proximité par la transformation en établissements de soins de suite ou de réadaptation (Mêmes mouvements), la suppression, à terme, de 20 000 emplois et de près de quatre milliards d’euros d’économies par an pour l’assurance maladie, comme vous l’aviez annoncé, madame la ministre, dans une conférence de presse en juillet 2008.

En outre, la nomination possible de non-fonctionnaires à des postes de directeur d’établissement public de santé contrevient au «principe général du droit d’égalité d’accès des citoyens aux emplois publics », découlant lui-même du principe constitutionnel d’égalité.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales et M. Michel Mercier. Au contraire !

M. Guy Fischer. Nous y reviendrons !

Le principe d’égal accès aux emplois publics s’applique dans la fonction publique hospitalière avec les mêmes implications et les mêmes limites que dans les autres fonctions publiques. C’est précisément pour garantir le respect du principe, ô combien républicain, d’égalité que le concours a été instauré comme mode de recrutement. En effet, dans le secret du concours et dans la collégialité du jury, il n’y a place ni pour l’arbitraire ni pour les discriminations.

Or, dans le projet de loi, en particulier dans son article 7, vous entendez ouvrir les postes de directeur d’établissement public de santé à des non-fonctionnaires.

Cette mesure, particulièrement dans sa rédaction actuelle, ne prévoit aucune disposition encadrant le recours à des «contractuels » pour diriger les hôpitaux. Il n’est fait nulle mention de la nécessité de posséder un diplôme donné. Les compétences requises justifiant ce mode de recrutement ne sont pas déterminées, car ce qui importe, c’est de « casser » le statut de fonctionnaires hospitaliers. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Par ailleurs, dans votre empressement, vous ne précisez pas ce qu’il adviendra de la procédure d’admission à l’école formant des directeurs hospitaliers. La liberté de recrutement étant laissée aux directeurs des agences régionales de santé, nous pourrions assister à une situation où le nombre d’élèves sortant de l’École nationale de santé publique, l’ENSP, serait plus important que le nombre de postes à pourvoir.

Pour éviter cette situation, il faudrait prévoir un nombre de postes réservés aux non-fonctionnaires, ce qui constituerait, là encore, une mesure discriminatoire à l’égard des élèves sortant de l’ENSP, qui pourraient se voir refuser, sans autre motif que la satisfaction d’une décision politique, l’attribution d’un poste qu’ils ont pourtant mérité du seul fait de la réussite à ce concours.

M. François Autain. C’est exact !

M. Guy Fischer. Ainsi, des directeurs seront nommés après obtention du concours et d’autres le seront de par la volonté du directeur de l’ARS. Nous connaîtrons donc un mode de recrutement différent, alors que rien, dans les faits, ne justifie un traitement inégalitaire.

M. François Autain. Absolument !

M. Guy Fischer. Nous pourrions assister à un mouvement des élèves directeurs, contestant massivement la nomination des directeurs non-fonctionnaires au motif que ces derniers les priveraient des conséquences légitimes de la réussite à leur concours, à savoir la nomination à un poste de directeur, les «reléguant » à des postes de directeurs adjoints.

Toutefois, vous vous en doutez, nous avons malheureusement d’autres griefs contre ce texte. Car votre projet de loi, madame la ministre, se caractérise d’abord et avant tout par votre refus de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’application du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui dispose que la nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ».

M. René-Pierre Signé. Il y a longtemps qu’on l’a oublié !

M. Guy Fischer. L’article 13 du présent projet de loi autorise le directeur de l’agence régionale de santé à imposer aux hôpitaux des mouvements de fusion, sur la base d’un projet régional de santé dont le seul objectif, n’en doutons pas, est la réduction des dépenses publiques.

C’est d’ailleurs l’esprit de l’ensemble de ce projet de loi, qui vise à subordonner les besoins à l’offre de soins. Certes, la rédaction actuelle intègre, formellement du moins, les besoins en santé de la population.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Bien sûr !

M. Guy Fischer. Mais ces besoins passent par pertes et profits dès lors qu’il s’agit d’appliquer à l’hôpital la révision générale des politiques publiques, la fameuse RGPP.

M. Guy Fischer. J’en veux pour preuve l’insertion, par la commission, d’une disposition autorisant le directeur de l’ARS à exiger du directeur de l’hôpital qu’il procède à la suppression d’emplois publics dans le seul but de réduire les déficits des établissements publics de santé.

La suppression de ces postes ne sera jamais confrontée aux besoins réels des patients accueillis et soignés dans les hôpitaux. Elle ne correspond à aucune logique sanitaire, à aucune logique de solidarité. C’est une logique purement comptable.

Pourtant, la situation des personnels des hôpitaux est gravissime. Le manque est tel que, déjà, les praticiens sont obligés de programmer des interventions plusieurs mois à l’avance, obligeant les malades à s’inscrire sur des listes d’attente, pratique tant décriée outre-Manche.

Non seulement les mesures que vous prenez contreviennent aux principes constitutionnels, mais vous violez également ceux-ci en en refusant d’autres.

En effet, la commission des affaires sociales est revenue, à la suite d’une réunion organisée à Matignon en votre présence, madame la ministre, sur l’une des rares dispositions contraignantes à l’égard des médecins libéraux. Ainsi, alors que l’on sait que la première difficulté d’accès aux soins réside dans ce qu’il est convenu d’appeler les « zones blanches » ou les déserts médicaux, vous avez renoncé à prendre les mesures conditionnant l’installation des médecins libéraux aux besoins constatés dans les territoires.

Ce phénomène risque d’ailleurs de s’aggraver avec la fermeture d’hôpitaux rendue obligatoire, à la suite de la décision autoritaire du directeur de l’ARS, et la fermeture d’un nombre important de centres de santé gérés par les mutuelles, en raison de l’application, au nom de l’Europe libérale que vous défendez, de la séparation des deux titres.

Vous avez également renoncé à la seule mesure permettant de garantir aux patients de ne pas être exposés à des dépassements d’honoraires, qui constituent, là encore, un frein considérable à l’accès aux soins. Et pourtant, il ne s’agissait que « de garantir, pour certaines disciplines ou spécialités, et dans une limite fixée par décret, une proportion minimale d’actes facturés sans dépassement ».

La seule idée d’entraver la volonté des médecins libéraux dans la fixation de leurs tarifs, fussent-ils déraisonnables, fussent-ils – et c’est le cas – une limite portée au droit « aux soins », est, pour votre gouvernement, impossible. C’est à croire que votre recul n’est pas sans lien avec l’échéance électorale du mois prochain.

Pourtant, tout le monde le sait : un nombre sans cesse croissant de patients ne parviennent plus à payer les dépassements imposés en dehors du tact et de la mesure, des dépassements d’honoraires qui « grimpent en flèche » pour les spécialistes les plus rares ou dans les endroits, comme les zones rurales et les quartiers populaires, où les médecins, y compris de premier recours, manquent le plus.

Madame la ministre, vous avez fait le choix, contraire à l’histoire de notre pays, au caractère social de notre République, de favoriser les intérêts d’une catégorie professionnelle au détriment de ceux de la collectivité. Notre Constitution vous impose pourtant, à vous comme au gouvernement auquel vous appartenez, de tout mettre en œuvre pour garantir à nos concitoyens la santé, c’est-à-dire l’accès aux professionnels de santé. Or il suffit de les entendre, de les écouter un peu, pour savoir que cet accès est, chaque jour, remis en cause. (M. René-Pierre Signé s’exclame.)

Vous avez également renoncé à garantir le droit de tous à bénéficier de ce que l’on appelle la mission de service public de la permanence de soins, la seule mission de service public à être entièrement confiée à des personnes physiques privées. Cette mission est mise à mal et vous avez à la faire appliquer, alors même qu’il s’agit d’assurer le droit fondamental de tous à bénéficier, à proximité de chez soi, d’une offre de soins adéquate.

Ce renoncement – le vôtre, madame la ministre – joue contre l’intérêt général. Pourtant, il y a peu, dès lors qu’il a été question d’imposer le service minimum dans les transports ou à l’école, le Gouvernement et vous-même avez trouvé la détermination pour mener à bien vos projets. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Cette détermination vous fait aujourd’hui cruellement défaut. Ainsi, alors que nous aurions pu légitimement nous attendre à des réponses concrètes, comme une limitation au principe de libre installation, vous vous contentez de proposer deux cents bourses nationales et d’instaurer un contrat de solidarité.

Naturellement, vous refusez, comme nous l’avons proposé en commission, et comme nous le ferons au cours de nos débats, que les manquements à la permanence de soins soient sanctionnés comme le sont l’ensemble des cas de non-respect des réquisitions préfectorales. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)

Pis, en lieu et place de sanctions, vous aménagez le refus des médecins libéraux en leur proposant un schéma régional. En somme, vous passez sur les manquements à la loi en leur proposant de la contourner une nouvelle fois, une « compréhension » dont le Gouvernement fait rarement preuve, en particulier dès lors qu’il s’agit de salariés, d’ouvriers ou d’étudiants. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Enfin, et pour conclure sur cette question de l’inadéquation de vos mesures avec les principes qui gouvernent notre société, je ne peux pas ne pas évoquer les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, ou CPOM, qui vont contraindre les établissements publics de santé à mener une véritable politique de rigueur. Ainsi, ceux-ci font clairement mention d’« objectifs quantifiés ».

Autant dire que vous allez imposer aux hôpitaux la réalisation d’un nombre limité d’actes, notamment des plus coûteux, dans le seul but de réduire les dépenses hospitalières, même si les objectifs imposés sont contraires aux intérêts des populations concernées. Les CPOM pourraient considérablement varier d’un établissement à l’autre, les plaçant dans des situations d’inégalités que rien ne justifie, si ce n’est leur situation comptable à un moment donné.

Madame la ministre, mes chers collègues, les membres du groupe CRC-SPG et moi-même sommes très inquiets des conséquences qui pourraient résulter de l’adoption de ce projet de loi. Car, à bien y regarder, il s’agit ni plus ni moins que de la transposition dans les faits d’un accord emblématique, signé au niveau mondial en 1995 sous le titre d’Accord général sur le commerce des services, l’AGCS, dont se sont très largement inspirés le projet de traité constitutionnel européen et le traité de Lisbonne, en prévoyant dans ses articles 86 et 87 que l’ensemble des services marchands doit être soumis à une concurrence libre et non faussée.

Dans la mesure où l’Union européenne se refuse – on comprend bien pour quelle raison – à préciser que les services sociaux d’intérêts généraux, notamment la santé, sont exclus du champ d’application de cet article, il y a véritablement de quoi s’inquiéter.

Mme Éliane Assassi. Bien sûr !

M. Guy Fischer. L’AGCS, comme sa traduction européenne, le traité de Lisbonne, vise en réalité à privatiser progressivement tous les services publics qui sont, pour les libéraux dont vous êtes, madame la ministre, autant d’entraves à la concurrence libre et non faussée. Nous y voyons, nous, autant de lieux et de formes dont l’objectif principal est non pas la création de richesses marchandes, mais la satisfaction des besoins légitimes des populations que les gouvernants ont la charge de protéger.

Votre projet, madame la ministre, en instaurant une relation verticale, en soumettant les besoins de santé à l’offre de soins, elle-même encadrée par la politique de rigueur qui est la vôtre, en imposant au secteur médico-social des règles inspirées du secteur sanitaire et qui ont déjà fait la preuve de leur incapacité à répondre aux besoins, est extrêmement dangereux.

L’hôpital est malade : malade de la multiplication de ses réformes, malade du sous-financement que vous lui imposez, malade du manque de personnels. Il y a effectivement des problèmes d’organisation à l’hôpital, mais la seule réponse autoritaire d’un directeur-patron ne peut y suffire. Nous avons le devoir, au-delà des clivages politiques, par-delà nos différences, de chercher à organiser le système sanitaire et médico-social le plus performant. La performance ne se mesure pas exclusivement, comme vous entendez le faire, par des critères comptables ou des indicateurs de qualité.

M. le président. Mon cher collègue, veuillez conclure !

M. Jean Desessard. C’était pourtant bien !

M. Guy Fischer. Je conclus, monsieur le président.

La performance se mesure notamment par le taux de satisfaction des patients, par la capacité du système de santé à être accessible à tous, sans distinction de maladies, de lieu d’habitation et, bien entendu, de revenus.

Mes chers collègues, au moment de voter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, je vous invite à vous souvenir du sens que les constituants ont voulu donner à notre République. Je voudrais que vous gardiez à l’esprit les principes de solidarité qui les ont guidés et que vous les compariez aux dispositions prévues dans ce projet de loi.

Je souhaiterais que vous vous rappeliez que, derrière le terme « patients » ou « usagers », il y a des femmes et des hommes qui peinent chaque jour un peu plus à boucler leurs fins de mois,…

M. Guy Fischer. … renoncent à leurs mutuelles complémentaires, retardent leurs soins les moins urgents.

M. René-Pierre Signé. L’hôpital est déshumanisé !

M. Guy Fischer. Pour eux, seule la solidarité est capable de leur garantir un accès minimal aux soins. C’est pour eux que les constituants ont rédigé ce onzième alinéa. C’est pour eux que je vous demande de voter en faveur de cette motion, de voter contre l’hôpital-entreprise. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je m’étonne de la motivation de cette motion.

M. François Autain. Votre étonnement m’étonne !

M. Alain Milon, rapporteur. Le projet de loi manifeste au contraire la volonté de garantir à tous la protection de la santé. (Marques d’ironie sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. François Autain. Comment peut-on dire une chose pareille !

M. Alain Milon, rapporteur. Ses principaux objectifs sont en effet de réduire les inégalités territoriales, qu’il s’agisse de l’accès aux soins, de l’accueil et de l’accompagnement médico-social,…

M. François Autain. C’est de l’affichage !

M. Alain Milon, rapporteur. … de garantir que les missions de service public seront assurées en tout point du territoire,…

M. René-Pierre Signé. Pas par la rentabilité !

M. Alain Milon, rapporteur. … enfin, de mettre l’accent sur la prévention, l’éducation à la santé et la veille sanitaire : tous éléments souvent trop négligés mais qui sont aussi essentiels à la protection de la santé.

Aussi, j’avoue, monsieur le président, ne pas comprendre le sens de cette motion, sur laquelle la commission des affaires sociales a bien sûr émis un avis favorable (Rires sur les travées du groupe CRC-SPG),…

Un sénateur socialiste. Quel lapsus !

M. Alain Milon, rapporteur. … défavorable, veux-je dire.

M. François Autain. Il y a cru !

M. Guy Fischer. Eh oui !

M. Alain Milon, rapporteur. Je pense, comme M. Fischer, puisqu’il a dit dans son intervention que nous reverrions tout cela dans le cadre de nos travaux, que notre assemblée suivra l’avis défavorable de la commission. (Mme Brigitte Bout applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Il y a des grands bonheurs dans la vie ministérielle et parlementaire. L’un d’entre eux est d’avoir entendu un aussi vibrant hommage en faveur de la Constitution de la VRépublique, émanant d’un homme issu d’un parti qui l’a toujours combattue. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Michel Mercier applaudit également.)

M. Guy Fischer. Il s’agissait de la Constitution de 1946, pas de celle de 1958 !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais ce plaisir étant bien sûr de courte durée, je souhaiterais revenir sur les différents points abordés.

Tout d’abord, comment le recrutement diversifié des directeurs pourrait-il être contraire au principe d’égalité ? Beaucoup de médecins, et vous avez demandé que leur avis soit pris en compte, ont appelé de leurs vœux un tel recrutement et ont souhaité que la formation soit complétée.

C’est la raison pour laquelle j’ai créé un institut du management à l’intérieur de l’École des hautes études en santé publique. Les nouveaux directeurs qui ne sont pas issus de cette école devront y suivre une formation complémentaire, afin de recevoir une formation spécifique à l’hôpital.

Mme Éliane Assassi. Management !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Pourquoi voulez-vous priver l’hôpital de ces possibilités de recrutement et d’éventuelles compétences ? J’ai beaucoup de mal à comprendre en quoi cela serait contraire au principe d’égalité.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Quant aux coopérations, elles sont précisément destinées à maintenir la qualité des soins. Il arrive, dans un établissement hospitalier, que le service maternité, ou un autre service, connaisse un taux d’accidents graves quatre fois supérieur à la moyenne nationale. Parfois, le « taux de fuite » est supérieur à 90 %. Autrement dit, 90 % des malades qui devraient se rendre dans cet établissement renonce à le faire. La crise de confiance est alors bien réelle entre la « patientèle » et les établissements ; je pourrais vous en citer plusieurs exemples.

Il faut donc garantir la qualité des soins par une gradation des soins,…

M. François Autain. Cette expression cache la misère dans laquelle se trouve notre hôpital !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … par une coopération entre les établissements de santé, qui obéit à ce principe constitutionnel.

Vous souhaitez établir des mesures coercitives pour les médecins libéraux. Je me permets de vous dire que cela ne réglera rien et qu’ils fuiront un peu plus les zones sous-denses.

M. François Autain. Vous ne faites rien pour les retenir !

Mme Éliane Assassi. Ni pour les attirer !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En ce qui concerne les conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens, elles existent déjà sous cette forme, et je ne vois pas en quoi elles contreviennent aux principes constitutionnels que vous avez rappelés, et notamment au principe d’égalité.

Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de ne pas souscrire à cette motion de procédure défendue par M. Fischer.

M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote.

M. Michel Billout. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la santé n’est pas une marchandise et les partenariats avec le privé que vous souhaitez développer ne feront qu’affaiblir l’hôpital public et développer le juteux marché de la santé.

Je voudrais illustrer mon propos par un exemple précis. En Seine-et-Marne, à Melun, ville préfecture, un accord-cadre a été signé en 2007 entre une clinique privée et le centre hospitalier Marc Jacquet. Ce projet, qui organise la répartition des activités entre la clinique Les Fontaines et l’hôpital public de Melun, comporte des clauses très restrictives pour le service public. De fait, avec ce projet, les patients n’auront plus le choix entre le public et le privé pour se faire soigner.

Le nouvel établissement va être construit d’ici à 2014 avec 50 % de crédits publics. Or, dans ce nouveau projet, l’hôpital conservera les contraintes sans bénéficier d’aucun avantage. Il conservera, par exemple les urgences de nuit que le privé refuse de prendre en charge pour d’évidentes raisons de coût en personnel. En revanche, la cardiologie et les spécialités chirurgicales seront entièrement confiées au secteur privé.

Bien entendu, la chirurgie d’urgence pourra être effectuée par le public mais toute intervention programmée sera faite dans le privé. Ainsi un patient reçu en urgence en chirurgie publique la nuit et dont l’intervention sera repoussée au lendemain devra-t-il être opéré dans le secteur privé. En économie, on appelle cela une distorsion de concurrence : les charges en personnel de nuit pour les uns ; les bénéfices de l’intervention le lendemain pour les autres !

De plus, le bloc opératoire sera entièrement privé et loué au secteur public pour les urgences. Et c’est ainsi que vous annoncez sans nuance vouloir mieux gérer l’hôpital public et assurer les missions de service public partout sur le territoire !

C’est la santé et l’offre de soins qui sont en cause à Melun et dans sa région, et cette remise en question n’attendra pas 2014. Elle est déjà à l’œuvre, de fait, depuis le mois de février dernier avec la fermeture, la nuit, du bloc opératoire du centre hospitalier de Melun. Passé dix-sept heures, à Melun, il vaut mieux ne pas avoir d’accident grave !

Si vous êtes transportable, en théorie, vous serez transféré à Montereau, à près de trente kilomètres de distance, avec le risque de voir votre cas s’aggraver pendant le transfert. Encore faut-il qu’il y ait de la place car aucun moyen supplémentaire n’a été prévu à l’hôpital de Montereau.

Melun n’est pas une exception. La même politique de réduction des coûts dans le secteur public est appliquée dans tous les hôpitaux de Seine-et-Marne, pour ne citer que ce département ; j’y reviendrai au cours du débat.

Pour toutes ces raisons, je voterai la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité présentée par mon ami Guy Fischer. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.

M. Bernard Cazeau. La démonstration faite par M. Fischer est claire et complète. Nous y souscrivons et nous voterons bien sûr en faveur de la motion qu’il a présentée et qui tend à opposer l’exception d’irrecevabilité.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 901, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 148 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l’adoption 138
Contre 203

Le Sénat n'a pas adopté.

Question préalable

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Demande de renvoi à la commission

M. le président. Je suis saisi, par MM. Teulade, Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°281.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (texte de la commission n° 381, 2008-2009).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. René Teulade, auteur de la motion.

M. René Teulade. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec conviction et dans un esprit de raison et de responsabilité que, au nom du groupe socialiste et de nombreux autres collègues, je vous demande solennellement, étant donné la gravité de la situation de notre système de protection sociale (Oh ! sur les travées de l’UMP),…

M. Josselin de Rohan. Ça commence bien !

M. René Teulade. … d’opposer la question préalable au projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » et donc d’ajourner son examen.

Je connais, madame la ministre, la difficulté de votre tâche et les nombreuses embûches que nous devons surmonter pour faire changer les comportements. Face à la gravité de la situation, je vous demande une réflexion sereine.

Nous avons connu une situation semblable. Nous avions alors fait voter une loi intitulée « Maîtrise médicalisée des dépenses de santé ». À l’époque, le déficit global était de 15 milliards de francs ; aujourd’hui, il dépasse les 100 milliards d’euros. La situation mérite donc d’être examinée avec sérénité.

Les travaux de notre assemblée sont très suivis par la communauté médicale, mais aussi par les Français. Je remercie particulièrement tous les camarades de l’opposition qui ont enrichi le débat de leurs arguments, de leur présence et de leur travail. Comme ils n’ont pas beaucoup été remerciés,…

M. François Autain. Ça, c’est vrai !

M. René Teulade. … je me permets de le faire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Les travaux de notre assemblée sont très suivis, disais-je. Nous en avons des échos quotidiennement.

Contenant 33 articles lors de sa présentation en conseil des ministres le 22 octobre 2008, votre projet de loi en comporte 103 au terme de son examen à l’Assemblée nationale.

Je me dois de le dire, sans polémique vaine, parce que je le pense profondément et que je m’appuie sur une longue expérience dans le domaine social, votre réforme ne présente aucune cohérence globale. L’empilement sans précédent d’amendements déposés par les élus de votre majorité déstabilise un projet qui aura plus souffert, au fil du temps, des contradictions de cette majorité que des assauts de l’opposition. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.) Vous êtes victime de vos amis et des conservatismes professionnels et médicaux.

Ce texte, madame la ministre, porte aussi – ayons le courage de le dire, sans esprit de polémique – les stigmates de la méthode du Président de la République et de ses excès d’intervention sur les chantiers menés par le Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Tantôt, le chef de l’État vous demande un texte ferme sur les prérogatives des futurs directeurs généraux des établissements de santé, au risque de créer conflit et incompréhension, tantôt, sous la pression des mécontentements, il vous demande de reculer, quitte à créer davantage de confusion sur le futur système de gouvernance des hôpitaux.

M. Jean-Louis Carrère. C’est la méthode « deux pas en avant, trois pas en arrière » !

M. René Teulade. Plusieurs motifs de rejet de ce texte justifient le vote de la motion tendant à opposer la question préalable, pour que raison l’emporte.

Le gouvernement auquel vous appartenez a décrété en octobre dernier la procédure d’urgence. Or notre assemblée entame l’examen de ce texte aujourd’hui, soit huit mois après cette annonce ! Où est la cohérence de cette décision ? Qu’est-ce qui justifie une telle urgence à propos d’un tel enjeu ?

Si vous nous aviez saisis en urgence d’un projet de loi sur la sécurité sanitaire au profit de nos compatriotes, dans le contexte du risque de pandémie de grippe A, nous aurions compris cet impératif. Une réforme de l’hôpital couplée avec la création des agences régionales de santé, pour ne citer que l’essentiel de ce texte, ne justifie, en revanche, aucunement la procédure d’urgence (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), d’autant que les changements véritablement incessants sur le fond des choix interdisent au Parlement une discussion sereine. Pour satisfaire les préconisations du rapport Marescaux remis avant-hier au Président de la République, vous déposez des amendements en séance publique mais, avec la procédure accélérée, seule la commission mixte paritaire pourra discuter sur le fond. Nos collègues de l’Assemblée nationale seront privés de débat sur les nouvelles propositions du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

Vous voulez gagner du temps sur le débat parlementaire. L’examen du texte au Sénat se fait dans la précipitation.

L’application de la réforme constitutionnelle est en cause, même si nous sommes favorables – et nous l’avons dit – au renforcement des droits du Parlement au travers de la revalorisation du travail en commission.

M. Henri de Raincourt. Réforme que vous n’avez pas votée !

M. René Teulade. Un nouveau motif de rejet puise sa source dans l’absence de réelle concertation sur cette réforme. Je n’ignore pas que vous-même, vos collaborateurs, ceux du Premier ministre et du Président de la République, n’avez pas lésiné sur votre temps pour recevoir les multiples organisations sociales et professionnelles, comme nous-mêmes d’ailleurs. Mais, paradoxalement, l’accumulation des rencontres ne garantit pas un dialogue sérieux : sur les choix fondamentaux, sur les objectifs et méthodes de cette réforme, il n’y en eut guère, et tous les acteurs nous ont dit leur déception devant le faux-semblant de cette concertation. L’accumulation des changements d’orientations, les annonces reportées, la pluie d’amendements, transforment ce texte, je le dis avec beaucoup de solennité, en un fourre-tout peu compréhensible, dépourvu de lisibilité politique et pratique.

Mme Gisèle Printz. Très bien !

M. René Teulade. Notre déception est grande, je le répète. Je le dis d’autant plus aisément, madame la ministre, que, lorsque vous avez organisé les états généraux de l’offre de soins, beaucoup nourrirent l’espoir, légitime, que la réforme s’engagerait sous les auspices d’un authentique dialogue social et d’une approche structurelle des défis de santé du pays.

Vos premières intentions, madame, laissaient espérer une réforme courageuse, une réforme d’ampleur, une réforme de qualité sur le plan social. Vous aviez vous-même déclaré que ce serait la plus importante depuis 1945. Que reste-t-il aujourd’hui ? Où est passé le souffle des états généraux de l’organisation des soins ? Où sont passées les recommandations du rapport établi par M. Flajolet, notre collègue de l’Assemblée nationale, sur les voies et moyens à mettre en œuvre pour réduire les inégalités sociales et territoriales de santé ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Dans le texte !

M. René Teulade. Que reste-t-il de vos annonces sur le retour à l’opposabilité des tarifs médicaux dans les soins ambulatoires, dans le secteur libéral des hôpitaux, dans les cliniques ? Sur ce point précis, je vous le dis clairement, les reculs qui s’annoncent sont inacceptables. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Des expertises – de sources non ministérielles, comme par hasard – démontrent que l’égal accès aux soins de qualité est impossible en de nombreux endroits du territoire.

Mme Maryvonne Blondin. Tout à fait !

M. René Teulade. Il est insupportable que désormais, dans les cliniques privées, les actes chirurgicaux donnent quasi systématiquement lieu à dépassement tarifaire. (Mêmes mouvements.)

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

M. René Teulade. Et cessons de dire que ces problèmes ne concernent que les Franciliens, les Lyonnais et les habitants de la Côte d’Azur ! Ces pratiques se répandent partout… (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Louis Carrère. C’est une politique de classe !

M. René Teulade. … et l’on sait bien que ce sont nos compatriotes les plus fragiles qui doivent les supporter.

M. René Teulade. Pourquoi, madame la ministre, avez-vous promis des actes forts sur ce sujet sensible si c’est pour, finalement, revenir en arrière ? Il en est allé de même du refus de soins, pour lequel, après avoir soutenu le principe du testing, vous avez reculé. (Mme Gisèle Printz applaudit.)

M. René-Pierre Signé. Il est excellent !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non ! Il existe déjà des moyens de tester !

M. René Teulade. Qui peut croire un instant qu’il est possible de réformer sérieusement l’hôpital en laissant la médecine ambulatoire « à vau-l’eau » ? Vous nous proposez une définition intéressante de la médecine générale de premier recours, mais dépourvue de projections concrètes sur le terrain. Quelle incohérence !

Vous aviez peut-être souhaité une grande réforme de la santé pour les Français ; vous finissez par devoir défendre un texte de protection des corporatismes médicaux et professionnels établis. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas vrai !

M. René Teulade. Sans compter que vous négligez aussi les attentes et les potentiels des jeunes générations de médecins, de professionnels qui aspirent bien plus qu’on ne le croit à exercer leur métier dans une véritable éthique de l’intérêt général.

Entre les besoins des Français et les intérêts de certains médecins – une profession que nous défendons également –, il faut aussi savoir choisir !

Madame la ministre, cela a déjà été souligné, et je crois que le mot était à la fois simple et fort juste : votre projet de loi marque l’avènement de l’hôpital-entreprise, organisé, répétons-le, autour d’un patron qui sera avant tout un bon gestionnaire financier.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas seulement !

M. René Teulade. Les professionnels de santé, disons-le, là encore, sans chercher les grands mots, seront écartés des décisions qui concernent l’hôpital et cantonnés dans un simple pouvoir consultatif,…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !

M. René Teulade. … y compris pour ce qui concerne le projet médical ou la politique d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins.

M. René Teulade. La réalité, c’est celle-là !

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est faux ! Ce sera voté par le directoire !

M. René Teulade. Vous voulez imposer le modèle économique et de gouvernance de l’entreprise à l’hôpital. Mais vous oubliez qu’un service public, cela a été dit, mais je le répète, n’est pas une entreprise qui doit réaliser des bénéfices, même si, bien sûr, l’équilibre budgétaire doit rester au cœur des préoccupations ! (Très bien ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas forcément une machine à gâchis, non plus !

M. René Teulade. Votre projet de loi fait également une place très importante aux cliniques privées.

Vous acceptez que les missions de service public ne soient plus l’exclusivité du secteur non lucratif. Le privé non lucratif a d’ailleurs bien failli voir son statut remis en question, avant que l’Assemblée nationale n’adopte des amendements visant à prendre en compte sa spécificité en créant des établissements de santé privés d’intérêt collectif.

En ce qui concerne la gouvernance, vous transformez le conseil d’administration en conseil de surveillance. Outre le nom, c’est la mission qui est changée : alors que le conseil d’administration « arrêtait la politique générale de l’établissement », le conseil de surveillance exercera le contrôle de l’établissement.

Je n’évoquerai pas le directoire, simple affaiblissement de l’ancien conseil exécutif.

Finalement, pour résumer votre vision de la gouvernance de l’hôpital, vous vous inspirez de la pratique du pouvoir adoptée par le Président de la République (Exclamations sur les travées de lUMP)

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

M. René Teulade. … et vous installez un chef-directeur puissant qui décide de tout, un directoire qui conseille le chef, et un parlement, appelé ici « conseil de surveillance », qui enregistre les volontés du directeur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG. – M. Alain Gournac s’esclaffe.) Sans compter que cette réforme fait la part belle à l’administratif dans la gouvernance de l’hôpital, au détriment du médical.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas le texte de la commission ! Vous commentez un texte qui n’existe plus !

M. René Teulade. Votre réforme ne renoue pas avec la tradition humaniste de l’hôpital : elle privilégie l’accroissement des pouvoirs de l’administration et du technocratique.

Pour rééquilibrer leurs comptes, les gestionnaires se voient contraints de sabrer les prestations médicales que le mode de tarification actuel rend peu rentables. Pour guérir économiquement, un hôpital déficitaire devra couper ou réduire une partie de son activité – et supprimer des emplois – et ne choisir que les actes médicaux rentables : c’est la logique même de la T2A, qui n’est autre qu’une forme de paiement à l’acte. Quel paradoxe !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Teulade.

M. Henri de Raincourt. Effectivement !

M. René Teulade. Nous voulons contenir le paiement à l’acte en médecine de ville, et vous voulez le systématiser à l’hôpital !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La T2A n’est pas une tarification à l’acte, c’est une tarification à l’activité !

M. René Teulade. Vos prédécesseurs, madame la ministre, sont allés trop loin dans la réforme du financement à l’activité. Tellement loin, d’ailleurs, que désormais vous êtes obligée de freiner, si je puis me permettre, « des quatre fers » ; ainsi, vous avez dû annoncer le report à 2018 de la date de la convergence tarifaire entre les hôpitaux et les cliniques privées.

M. le président. Mon cher collègue, il faut conclure ! (Marques d’approbation sur les travées de lUMP.)

M. René Teulade. Autant dire que cette convergence ne verra jamais le jour. Et c’est tant mieux, parce que ce projet est dépourvu de sens.

M. François Autain. On peut le dire !

M. René Teulade. La concurrence ne vaut que s’il y a égalité de principe entre compétiteurs. Est-ce souhaitable en matière d’hospitalisation ?

Sans compter, et j’en termine, que nous en sommes à la onzième version de la T2A, avec désormais 2 200 tarifs différents.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Bien sûr !

M. René Teulade. Cela illustre bien le malaise de la haute administration !

Nous ne sommes pas opposés à une réforme du financement, mais elle ne doit pas se faire de cette manière. Pour réussir une réforme des hôpitaux, il faut remettre en état l’économie des établissements. Notre économie serait-elle en danger parce que le Gouvernement aurait dégagé 1 milliard d’euros ?

M. le président. Concluez, mon cher collègue ! (Bruyante approbation sur les travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Bernard Cazeau. Laissez-le parler !

M. Josselin de Rohan. C’est fini !

M. René Teulade. Pour que je puisse terminer, il faudrait que l’on me laisse m’exprimer !

M. le président. Il faut pourtant vraiment conclure, je suis désolé.

M. René Teulade. Je disposais d’un quart d’heure ; ai-je vraiment dépassé mon temps de parole ? (Brouhaha.)

M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser l’orateur terminer son propos, nous gagnerons du temps…

M. François Autain. Donnez-nous un peu de temps !

M. René Teulade. Je voudrais pour terminer, donc, m’arrêter sur la régulation territoriale de la démographie médicale. Élu d’un département rural, je suis confronté aux inégalités d’accès aux soins. Je déplore ici que les membres de la majorité aient supprimé, lors de la discussion en commission, le caractère obligatoire du « contrat santé solidarité ». Ce dispositif était destiné à obliger les médecins exerçant en zones surdotées à prêter main-forte à leurs confrères des zones sous-dotées.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, le groupe socialiste vous demande d’adopter la motion tendant à opposer la question préalable, condition préalable à une large réécriture concertée du projet de loi, au nom du rassemblement nécessaire de toutes les sensibilités de notre assemblée. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. En écoutant M. Teulade, je n’ai pas eu le sentiment qu’il s’exprimait sur le texte issu des travaux de la commission des affaires sociales. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Alain Gournac. Il parlait d’une version ancienne !

M. Alain Milon, rapporteur. Son propos semblait porter plutôt sur la « petite loi » transmise par l’Assemblée nationale. (Mêmes mouvements.)

Il a pourtant participé, la semaine dernière, aux trente-trois heures de réunion de la commission… Je ne suis pas sûr qu’il ait tout compris ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Rires sur les travées de lUMP.)

On peut toujours affirmer,…

M. François Autain. Quelle arrogance ! Comment peut-il dire cela ?

M. Daniel Raoul. Ce n’est pas possible !

M. Roland Courteau. C’est une insulte !

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le rapporteur, retirez ces propos !

M. François Autain. Mettre en doute les facultés mentales de M. Teulade, c’est à la limite de la diffamation !

M. Alain Milon, rapporteur. On peut donc toujours affirmer, sur quelque sujet que ce soit, qu’un texte ne suffira pas à résoudre tous les problèmes (Ah non ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), et il serait bien présomptueux de prétendre le contraire.

De plus, monsieur Teulade, souligner que le texte a été enrichi par les amendements de vos camarades et affirmer dans le même temps qu’il ne résout rien, c’est faire bien peu de cas du travail de ces camarades ! (M. Gérard Dériot applaudit.)

M. Jean-Louis Carrère. C’est parce que vous n’avez rien compris !

M. Alain Milon, rapporteur. Ce n’est pas à moi qu’il faut dire cela !

M. Jean-Louis Carrère. Enfin, nous nous y sommes habitués : il faut avoir un certain quotient intellectuel pour comprendre ces choses-là !

M. Alain Milon, rapporteur. Pratiquement, tout le monde reconnaît que le projet de loi qui nous est soumis comporte des avancées importantes, qu’il s’agisse d’organisation des parcours de soins, de mise en cohérence des divers aspects de la politique de santé ou de rationalisation de l’action au niveau régionale.

C’est, comme l’a rappelé Mme la ministre, une loi d’organisation : un effort d’organisation est en effet bien nécessaire si l’on veut, précisément, éviter de mettre en péril notre système de santé !

M. François Autain. Il est pourtant déjà en péril !

M. Alain Milon, rapporteur. Je vous confirme donc, monsieur le président, l’avis défavorable de la commission. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Charles Revet. Très bien, monsieur le rapporteur ! Vous avez raison, nous perdons du temps !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

M. François Autain. Elle va en remettre une petite couche !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Finalement, l’argumentation de M. Teulade repose sur le fait que le texte n’aurait pas fait l’objet d’une concertation suffisante. (M. Alain Gournac s’esclaffe.) Bien évidemment, je ne peux pas souscrire à cette allégation.

Depuis un an et demi qu’a été lancé le débat sur le texte,…

M. François Autain. Quelle concertation y a-t-il eu sur les CHU ? (Chut ! sur les travées de lUMP.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … nous faisons plusieurs constats.

Tout d’abord, la question de la médecine de premier recours a fait l’objet des états généraux de l’organisation des soins, durant lesquels l’ensemble des partenaires a été consulté. Au cours d’un débat, j’ai demandé aux acteurs de terrain s’ils pouvaient retrouver dans le texte du projet de loi une seule mesure qui ne résulte pas d’expérimentations, menées quelquefois, c’est d’ailleurs assez drôle, par des membres d’une organisation qui se montrait fort critique. (M. Alain Gournac s’esclaffe de nouveau.)

Pour ce qui concerne le chapitre sur l’hôpital, la mission Larcher a auditionné (M. François Autain s’exclame) plusieurs centaines de personnes, soit à titre individuel, soit en tant que représentants de syndicats ou d’organisations professionnelles.

Le rapport a d’ailleurs donné lieu à des commentaires très élogieux…

M. Jean-Louis Carrère. À des décisions unilatérales !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … et parfaitement justifiés et le projet de loi…

M. Jean-Louis Carrère. Quel projet de loi ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. …a repris quasi intégralement les conclusions de celui qui n’était pas encore le président du Sénat.

Nous avons évidemment depuis plusieurs mois réuni d’autres commissions : la commission présidée par le professeur Marescaux a fourni un certain nombre de précisions et donné des pistes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. François Autain. Nous n’avons pas eu son rapport !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous ai moi-même fait part d’un certain nombre d’idées et d’avis émis par cette commission, depuis le 8 février dernier. (Mme Annie Jarraud-Vergnolle s’exclame.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Il fallait nous transmettre le rapport !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous avez évoqué les innombrables mais très précieux rapports parlementaires sur ce sujet. Je citerai celui de M. Juilhard ici présent, mais de nombreux parlementaires tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat se sont saisis de ces problématiques.

Un très important travail de concertation a eu lieu, appuyé d’ailleurs dans la perspective de ce projet de loi par de très nombreux colloques, des études, des travaux d’étudiants, sur la nécessaire réorganisation de notre système de santé…

M. Charles Revet. Bien sûr !

M. Jean-Louis Carrère. Il y en a eu trop !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … allant pratiquement tous dans le même sens et qui se retrouvent dans le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires ».

À un moment, bien sûr, les travaux de concertation doivent s’arrêter parce qu’on en a tiré la substantifique moelle et qu’il est temps de passer à l’étape parlementaire. Mais cette dernière est en elle-même de nouveau une concertation : concertation à l’Assemblée nationale, aujourd’hui concertation au Sénat. Je ne suis pas un ministre qui considère que son texte est figé et que l’on n’a pas le droit de le changer.

Bien entendu, le débat parlementaire constitue à son tour une concertation qui enrichit le texte et il faudra ensuite le faire vivre sur le terrain.

Il y a urgence, mesdames, messieurs les sénateurs : notre système de santé montre des fractures, des difficultés, auxquelles il convient de remédier.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Aussi, je vous demande de ne pas voter la motion tendant à opposer la question préalable, présentée par M. Teulade. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Alain Gournac. Très bien !

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, pour explication de vote.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je reprendrai les mots qui ont été prononcés par mes amis René Teulade et Guy Fischer : il y a en effet une « déshumanisation » de l’hôpital.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est pour cela qu’il faut voter cette loi !

M. René-Pierre Signé. Ce sont des choses qui ne font pas plaisir à entendre mais c’est ainsi. Pourquoi y a-t-il une déshumanisation ? Elle est liée à l’application de la T2A et à la volonté de rentabilité…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non !

M. René-Pierre Signé. Mais si ! L’hôpital deviendra l’« hôpital-entreprise », mot que vous ne voulez pas entendre.

Pour ce faire, on éloigne bien sûr de la direction les élus et les médecins, qui peuvent avoir des liens plus affectifs, plus amicaux avec les malades, parce qu’ils les connaissent mieux et qu’une sorte de tendresse a pu s’établir…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est du joli ! (Sourires.)

M. René-Pierre Signé. Madame, j’ai été longtemps médecin dans un hôpital, je sais un peu ce que c’est !

M. Alain Gournac. « Un peu » !

M. René-Pierre Signé. À l’évidence, un directeur n’a pas la même attitude, les mêmes liens,…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce n’est pas un être humain ?

M. René-Pierre Signé. … il peut donc être beaucoup plus sévère et rechercher l’équilibre des comptes et la rentabilité.

Madame la ministre, hier le Président de la République a osé s’interroger : serait-on mieux soigné dans un hôpital non rentable ? La formule pourrait sembler habile, mais elle est affligeante, injuste et fausse. (Mme Gisèle Printz et M. Alain Fauconnier applaudissent.)

Pourquoi certains hôpitaux équilibrent-ils leurs comptes et d’autres pas ? Si des hôpitaux équilibrent leurs comptes, c’est parce qu’ils n’acceptent pas les urgences – pas d’urgences de nuit,…

M. Guy Fischer. Pas de permanence de nuit !

M. René-Pierre Signé. … moins de personnel, on réduit les frais – et, surtout, parce que l’on n’accepte pas les malades qui occupent trop longtemps les lits. (Mme Gisèle Printz applaudit.) C’est cela la tarification à l’activité !

M. René-Pierre Signé. On supprime les soins palliatifs en refusant les malades en fin de vie. On ne gardera pas la cancérologie dans l’hôpital public. Si l’on veut équilibrer les comptes, les lits ne doivent pas être occupés trop longtemps.

Dès lors, on comprend que les prérogatives des élus et des médecins soient réduites, que les conseils d’administration disparaissent pour faire place à des conseils de surveillance qui auront peu de pouvoir. Le directeur arrêtera les comptes financiers et l’organisation interne de l’établissement. Mieux encore, il décidera de la qualité et de la sécurité des soins. Bientôt, c’est lui qui saura comment le médecin doit soigner ses malades et qui décidera des conditions d’accueil et de la prise en charge des urgences. Pourquoi ne prendrait-t-il pas en charge tous les malades ?

Il est un peu saugrenu de dire qu’il s’agira d’une direction collégiale et que le directeur sera assisté du doyen de la faculté de médecine et du représentant du secteur de recherche. On aura du mal à trouver des doyens de faculté de médecine dans les hôpitaux de proximité ! (M. Alain Fauconnier s’esclaffe.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cela concerne les CHU !

M. René-Pierre Signé. Madame la ministre, vous avez été une élue locale…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’ai été pendant vingt ans membre du conseil d’administration d’un hôpital !

M. René-Pierre Signé. Nonobstant vos origines nivernaises, ce qui m’amène à beaucoup d’indulgence, je vous dis que le maire, les élus, les médecins, sont les réceptacles de tous les griefs, de toutes les désillusions, de toutes les déceptions dont se plaignent les malades, quelquefois des pratiques trop dures, un langage un peu trop familier, un tutoiement, toutes choses qui ne sont pas permises.

Ces élus locaux, ces médecins n’auront plus de pouvoir puisque le directeur gérera en totalité l’hôpital, y compris les conditions d’accueil, la qualité et la sécurité des soins.

Madame la ministre, votre projet de loi pèche beaucoup par manque de dialogue. Vous parlez de concertation, mais le dialogue entre les malades et les personnels soignants sera réduit.

Je conclurai en disant que les élus de gauche ne sont pas les seuls à être opposés à votre projet de loi. Le docteur Michel Chassang, le président de la Confédération des syndicats médicaux français, que vous connaissez bien et qui est plutôt de votre côté, est tout à fait opposé à ce projet de loi et souhaite qu’il soit retiré, ce que nous souhaitons également. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous soutiendrons la motion tendant à opposer la question préalable présentée par notre collègue René Teulade, parce qu’elle exprime parfaitement, nous semble-t-il, un certain nombre de critiques auxquelles nous souscrivons pleinement.

Mme la ministre a parlé de concertation.

Une concertation tous azimuts a eu lieu en effet, mais on n’en retrouve pas trace dans le projet de loi, notamment en ce qui concerne l’accès de tous à des soins de qualité.

S’agissant de l’hôpital, la concertation n’a pas été aussi importante que pour l’organisation des soins.

Vous avez organisé des états généraux pour l’organisation des soins, mais vous n’avez pas organisé d’états généraux pour les hôpitaux. Pourtant, j’avais cru comprendre que, précisément, les médecins des hôpitaux le demandaient.

En ce qui concerne la situation des hôpitaux publics, aujourd’hui, à vous entendre, il n’y a pas de problèmes.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Au contraire, j’ai dit qu’il y avait beaucoup de problèmes : c’est pour cela qu’on légifère !

M. François Autain. L’augmentation que vous accordez chaque année aux hôpitaux, environ 3 %, ne couvre même pas la hausse des dépenses incompressibles qui s’élève à 4 %. Cela veut dire que chaque année les hôpitaux ont un manque à gagner d’au moins 0,5 %.

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

M. François Autain. Dans ces conditions, comment peuvent-ils faire face à leurs dépenses ?

M. Roland Courteau. Effectivement !

M. François Autain. Il y a là un malentendu, pour ne pas dire plus…

Par conséquent, j’estime qu’il n’y a pas eu de concertation. Les trente-trois heures de réunion en commission constituent, à vos yeux, une concertation. Je considère quant à moi que c’est un travail qui n’a pas toujours été très efficace et qui n’a pas débouché sur des solutions pouvant recueillir notre assentiment.

S’agissant de l’organisation des soins, on ne retrouve pas la trace des nombreux rapports, que ce soit celui de M. Marc Bernier ou celui de M. André Flajolet. Les seules mesures légèrement contraignantes contenues dans votre projet de loi concernant le contrat de solidarité ont été retirées par la commission. Vous le regrettez sans doute, mais pas au point de déposer un amendement pour revenir au texte initial.

Il n’y aurait pas eu de concertation entre vous : M. le rapporteur aurait, bien sûr, décidé cela de son propre chef et, ce faisant, il aurait fait preuve de l’indépendance qui le caractérise ! On ne peut toutefois s’empêcher de penser qu’il y a eu tout de même une certaine connivence entre le Gouvernement et le rapporteur sur ce sujet.

Il n’y a donc plus aucune mesure susceptible de remédier à ces deux problèmes qui sont – j’y insiste – le cancer rongeant actuellement notre assurance maladie : les dépassements d’honoraires et les déserts médicaux.

Je pense qu’il serait nécessaire de réexaminer ce texte en commission afin de lui apporter les éléments manquant, d’autant plus qu’il y aura peut-être une deuxième lecture car, si j’ai bien compris, M. le président de l’Assemblée nationale n’est pas satisfait des conditions dans lesquelles sont déposés des amendements, notamment concernant les CHU.

Les députés n’auront jamais pu délibérer sur les amendements que vous avez déposés sur les CHU concernant le rapport Marescaux. (Mme Annie Jarraud-Vergnolle s’exclame.) On peut tout de même s’interroger sur les bizarreries du timing gouvernemental !

Un rapport sur la santé mentale a été déposé en décembre dernier et on n’a toujours pas de projet de loi sur ce sujet.

Le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » a été présenté en conseil des ministres en octobre et le rapport Marescaux a été décidé par le Président de la République, alors que ce texte avait été adopté par le conseil des ministres.

M. Guy Fischer. Il y a un problème institutionnel !

M. François Autain. On nous demande d’intégrer le rapport Marescaux dans ce projet de loi alors que nous n’en connaissons pas le contenu. En outre, les députés n’auront jamais eu à débattre des amendements qui résultent de ce rapport.

Dans ces conditions, j’estime qu’il ne s’agit pas de concertation : c’est au contraire à des contraintes que vous soumettez notre assemblée. Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 281, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 149 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 328
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l’adoption 138
Contre 190

Le Sénat n'a pas adopté. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Article 1er A

M. le président. Je suis saisi, par MM. Godefroy, Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mmes Ghali et Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°282.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (texte de la commission n° 381, 2008-2009).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la motion.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, que l’on ne se méprenne pas : si le groupe socialiste a décidé de déposer une motion tendant au renvoi à la commission, ce n’est ni pour gagner du temps ni pour remettre en cause le travail important réalisé par le président, le rapporteur, les administrateurs et l’ensemble des membres de la commission des affaires sociales !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Et le travail de la ministre ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Ce fut long et parfois difficile, mais chacun a rempli son rôle. C'est la raison pour laquelle nous regrettons les propos que M. le rapporteur a tenus tout à l'heure à l’égard de notre collègue René Teulade. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Milon, rapporteur. Moi, je ne regrette pas !

M. Jean-Pierre Godefroy. Cela dit, nous avons tout de même de sérieuses raisons de demander le renvoi de ce texte à la commission, qui sont essentiellement dues aux dysfonctionnements liés à l’application de la nouvelle procédure législative.

En effet, c’est une très mauvaise idée d’avoir voulu expérimenter la nouvelle procédure parlementaire avec ce projet de loi !

M. Jean-Pierre Godefroy. D’abord, rien ne nous y obligeait, puisque ce texte a été déposé au Parlement bien avant l’adoption et l’entrée en vigueur de la loi organique. Par ailleurs, le règlement de la Haute Assemblée n’a pas encore été modifié pour intégrer les nouvelles règles de fonctionnement internes au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Godefroy. Ainsi, tout au long du travail en commission, nous avons navigué à vue entre anciennes règles, nouvelles règles, voire futures règles. Nous nous demandons même jusqu’à quel point tout cela est régulier. D’ailleurs, le président du Sénat semble, lui aussi, partager cette inquiétude, puisqu’il s’est dit pressé de voir adoptée la proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat qu’il a déposée le 30 avril dernier, afin d’assurer la « sécurité juridique » des textes en cours d’examen.

M. Guy Fischer. Elle sera examinée le 2 juin en séance publique !

M. Jean-Pierre Godefroy. Il serait intéressant de savoir ce qu’en pense le Conseil constitutionnel.

M. Jean Desessard. Intéressant, en effet !

M. Jean-Pierre Godefroy. Cette nouvelle procédure, censée illustrer le renforcement des droits du Parlement, prévoit de faire la part belle au travail réalisé en commission. On nous a promis beaucoup de choses à ce sujet, notamment une meilleure préparation en amont de la séance plénière par les groupes et les commissions. Mais le passage de la théorie à la pratique révèle souvent bien des surprises !

La théorie, c’est une discussion en quatre temps, censée « utiliser au mieux la garantie constitutionnelle » du délai de six semaines entre le dépôt d’un projet de loi et son examen par la première chambre et de quatre semaines avant l’examen par la deuxième chambre.

Il est ainsi prévu une première réunion de la commission au cours de laquelle est organisé un débat préalable d’orientation ; une deuxième réunion de commission pour examiner le rapport et établir le texte de la commission quinze jours au moins avant le début de la discussion en séance plénière ; une troisième réunion de commission pour examiner les amendements déposés en vue de la séance ; et enfin, la séance plénière, avec la garantie que tous les amendements seront présentés.

Mais qu’en est-il de la pratique ?

Il est vrai que nous avons commencé à travailler sur ce texte très en amont de son examen par le Sénat. Nous savons d’ailleurs gré à M. le rapporteur d’avoir organisé, dès le mois de décembre dernier, de nombreuses auditions, ouvertes à tous, et auxquelles nous avons participé. Mais toute cette belle mécanique a déraillé lorsque nous sommes passés à la phase terminale.

Dès la réunion de la commission des affaires sociales du 7 avril dernier, au cours de laquelle étaient organisés l’audition des ministres et le débat général sur le texte, M. le président de la commission avait pressenti la difficulté d’examiner sérieusement un texte aussi conséquent, qui comptait une centaine d’articles à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale, et aussi varié, avec des sujets très différents d’un titre à l’autre, certains pouvant même faire l’objet d’un projet de loi à eux seuls.

C’est pourquoi il avait pris soin de diviser le débat en trois temps afin de faciliter l’examen du texte. Néanmoins, personne ne le contestera, ce fut une séance marathon au cours de laquelle le débat a été très formel. Il ne fut pas vraiment possible d’entrer dans le détail du texte et, malheureusement, d’en débattre avec le Gouvernement – ce qui est notre souhait – ; de nombreuses questions posées par les commissaires sont même restées sans réponse.

Mais le problème le plus sérieux est intervenu lors de l’examen des amendements internes à la commission. Je le redis, car je veux que ce soit clair : nous ne nions absolument pas les efforts qui ont été réalisés par M. le président et M. le rapporteur pour faciliter le travail de la commission, et nous tenons d’ailleurs à rendre hommage à la disponibilité, à l’écoute et au sang-froid dont M. le président a su faire preuve tout au long de nos réunions, et encore récemment.

Les parlementaires ayant décidé de jouer le jeu, 1 420 amendements avaient été déposés. Au passage, cela démontre que les parlementaires continuent de travailler même lorsque le Parlement ne siège pas. (Mme Gisèle Printz et M. Alain Fauconnier opinent et applaudissent.) Le nombre d’amendements déposés en commission prouve que, quel que soit le groupe politique auquel nous appartenons, nous avons tous bien mis à profit les « vacances » parlementaires du mois d’avril pour rédiger nos amendements.

Aussi, nous sommes nombreux à ne pas avoir apprécié les propos de M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, qui, pour justifier l’organisation d’une session extraordinaire au mois de juillet, a déclaré : « Je crois que personne ne comprendrait que, dans une période de crise économique dans laquelle les Français sont inquiets, le Parlement se mette en vacances trois mois. » (Mmes Claire-Lise Campion et Gisèle Printz applaudissent.) Depuis que je suis sénateur, je n’ai pas le souvenir d’avoir eu trois mois de vacances,…

Mme Isabelle Debré. Moi non plus !

M. Jean-Pierre Godefroy. … ni même avant lorsque j’étais maire !

Ce nombre d’amendements paraît considérable, mais tout le monde s’accorde à reconnaître que c’est tout à fait normal pour un texte de cette importance. Toutefois, je ne prolongerai pas mon propos sur ce point.

Initialement, une journée, soit trois réunions de commission, avait été prévue pour venir au terme de l’examen de ces amendements. Mais, à l’issue de cette journée, nous n’en avions examiné que 300.

M. Jean-Pierre Godefroy. Pour écluser le reste, il a fallu ajouter trois journées et sept réunions de commission supplémentaires ! Difficile pour les parlementaires de réajuster leur agenda à la dernière minute, afin de pouvoir venir défendre leurs amendements !

À l’évidence, la conférence des présidents n’a pas su anticiper ce qui était pourtant prévisible. Ce texte, dont on parle depuis des mois, est loin d’être consensuel. De nombreux acteurs sont mobilisés ; en témoigne l’abondant courrier que nous recevons depuis longtemps. La conférence des présidents aurait dû adapter le calendrier d’examen du texte, prévoir un temps plus long pour l’examen en commission et, certainement, décaler son examen en séance publique.

Je souhaiterais maintenant soulever un autre problème, celui du rôle du Gouvernement lors des débats d’amendements en commission.

Nous ne nous opposons pas bien sûr à la présence du Gouvernement durant ces réunions, puisque le Conseil constitutionnel en a décidé ainsi, mais nous nous interrogeons sur sa finalité effective, alors même que, dans le cas présent, les divergences d’appréciation entre la commission et le Gouvernement étaient réelles sur de nombreux points.

À plusieurs reprises, nous vous avons vue suggérer « avec tact et mesure », madame la ministre, des orientations de vote à certains sénateurs de la majorité. Je ne vous en fais pas le reproche, cette procédure est tout à fait compréhensible, mais elle ne nous paraît pas acceptable. En effet, il s’agit d’une atteinte grave à la liberté de délibération des commissions et au fonctionnement libre et démocratique du Parlement ; la séparation des pouvoirs avec l’exécutif n’est plus assurée. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Louis Carrère. Mais l’exemple vient d’en haut !

M. Jean-Pierre Godefroy. De même, dès lors que le Gouvernement est présent en commission avec ses collaborateurs et que le rapporteur est assisté des administrateurs de la commission, ce qui est naturel, les groupes devraient pouvoir également disposer de la présence d’un ou plusieurs collaborateurs pour être à armes égales.

Or cela n’a pas été possible avec ce texte, car nous sommes en cours d’expérimentation. Il aurait fallu là encore attendre le nouveau règlement de la Haute Assemblée.

J’évoquerai un dernier problème, le délai pour le dépôt des amendements destinés à être examinés en séance plénière.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le délai a été extrêmement court ! On est loin, très loin, du délai de quinze jours prévu par la nouvelle procédure. Le texte a été partiellement rendu public à partir du 2 mai et le texte complet adopté par la commission n’a finalement été mis en ligne que le mercredi 6 mai dans la soirée. Or la clôture du délai pour le dépôt des amendements était fixée au jeudi 7 mai à dix-sept heures, avec, toutefois, un délai supplémentaire jusqu’au lundi 11 mai à douze heures pour le titre IV. Voilà qui laissait très peu de temps pour faire remonter nos amendements et les adapter au nouveau texte adopté par la commission.

M. François Autain. Une performance !

M. Jean-Pierre Godefroy. À cet instant, je veux d’ailleurs très sincèrement remercier les fonctionnaires de la commission, nos collaborateurs de groupe et nos assistants qui se sont démenés pour tenir les délais.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Merci !

M. Jean-Pierre Godefroy. Vous le savez, il s’agit d’un travail très technique, qui prend énormément de temps, sans compter les sollicitations qui nous arrivent jusqu’à la dernière minute.

Si nous avons décidé de redéposer un certain nombre des amendements déjà présentés en commission, ce n’est pas pour faire de l’obstruction ou ralentir les débats ! Nous tenons à faire connaître publiquement les divergences de vues importantes que nous avons sur certains points du texte, et nous ne désespérons pas – l’espoir fait vivre ! – de convaincre une majorité de nos collègues en séance plénière.

Madame la ministre, elles sont là, nos propositions, dans les amendements dont nous allons débattre !

Quant à nos collègues qui ne sont pas membres de la commission des affaires sociales, ils avaient vraiment très peu de temps pour s’approprier le nouveau texte et réagir en conséquence.

Je rappelle que, constitutionnellement, le droit d’amendement est personnel ; il peut donc s’exercer quels que soient la commission et le groupe auxquels on appartient.

De nombreux sénateurs des autres commissions se sentent concernés par ce texte, car ce sont aussi des élus locaux qui sont ou ont été membres d’un conseil d’administration d’un hôpital. Ils connaissent donc les préoccupations de leurs concitoyens pour ce qui concerne l’accès aux soins (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste) et avaient toute légitimité pour modifier le texte. Mais, je le répète, le délai était extrêmement court, vraiment trop court !

Bref, vous le voyez, mes chers collègues, les dysfonctionnements ont été nombreux, ce qui a été dommageable. Toutefois, je le répète – mais ce sera la dernière fois ! – afin de lever toute ambiguïté, M. le président de la commission, M. le rapporteur et les fonctionnaires de la commission des affaires sociales n’ont pas ménagé leurs efforts.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous pouvez recommencer ! (Sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. M. le président About ne s’en lasse pas ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Le président du Sénat, M. Gérard Larcher, nous a donné rendez-vous dans un an pour évaluer les innovations introduites par cette nouvelle procédure législative. Nous pouvons d’ores et déjà lui faire parvenir de nombreuses remarques, car point n’est besoin d’une année pour détecter les anomalies et les graves défauts démocratiques de cette nouvelle pratique ! (M. Alain Fauconnier applaudit.)

J’avancerai, mes chers collègues, un autre argument de nature à vous convaincre de voter la motion tendant au renvoi à la commission.

N’oubliez pas que le Gouvernement a déclaré l’urgence sur ce texte ! Or, considérant les divergences entre les professionnels concernés, le Gouvernement, l'Assemblée nationale et le Sénat, il ne me semble pas normal, madame la ministre, de renvoyer à une commission mixte paritaire, composée de sept sénateurs et de sept députés, le soin de trancher toutes ces questions qui vont nous occuper de nombreuses heures ! Si vous optez pour cette solution, ne vous étonnez pas que les hémicycles soient désertés ! De plus, si la commission mixte paritaire ne parvient pas à un accord, ce qui peut arriver, vous n’aurez pas gagné de temps, puisque vous devrez prévoir une autre lecture ! Mais les propos de M. Copé doivent vous rassurer, puisqu’il a rappelé que l'Assemblée nationale aura le dernier mot.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est la Constitution !

M. Jean-Pierre Godefroy. Vous savez ce qu’il vous reste à faire, mes chers collègues : défendre le mieux possible le texte de la commission, avant qu’il ne soit par trop modifié avant son examen en commission mixte paritaire !

Cela se justifie d’autant plus que, depuis le début de la semaine, les déclarations successives et parfois même contradictoires du Président de la République changent la donne ! On se demande d’ailleurs si toutes ces interférences extérieures ne visent tout simplement pas à court-circuiter le Parlement.

M. Jean-Louis Carrère. Convoquez le Président en commission !

M. Jean-Pierre Godefroy. Comment pouvons-nous, comment pouvez-vous, mes chers collègues de la majorité, accepter que le Gouvernement se serve d’un rapport dont nous n’avons pas connaissance pour déposer des amendements importants concernant les CHU ?

M. Jean-Louis Carrère. Ils sont rivaux !

M. Jean-Pierre Godefroy. Pendant des mois, on nous a dit que les CHU n’étaient pas concernés par la réforme en cours et, à la dernière minute, on voudrait les y introduire sans que les députés aient pu en débattre ?

Déjà des voix s’élèvent dans les rangs de la majorité à l’Assemblée nationale – et pas des moindres ! – pour protester contre ce passage en force.

M. Jean-Louis Carrère. Où est passé Fillon ? Lancez un avis de recherche !

M. Jean-Pierre Godefroy. On pourrait espérer qu’il en soit de même ici au Sénat. Cela me semble particulièrement problématique. Le Conseil constitutionnel aura certainement à donner son avis sur ce sujet.

Nous n’avons commencé à étudier les amendements du Gouvernement que pendant l’heure de midi, et nous n’avons pas fini. Ils visent à revenir largement sur le texte de la commission. Est-ce la suite des injonctions du Président de la République aux sénateurs ? En effet, il déclarait hier : « je crois que nous avons trouvé un bon équilibre ; nous n’irons pas plus loin ».

Effectivement, vous tentez de revenir à la version initiale du projet de loi présenté à l’Assemblée nationale...

M. Guy Fischer. C’est le cas pour le conseil de surveillance !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est pour faire plaisir à M. Bernard Accoyer !

M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la ministre, nous vous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, rien ne justifie cette urgence. Au contraire, la contestation grandissante impose un retour à la procédure normale, laquelle permettrait d’avoir un débat apaisé et transparent, et de faire un travail sérieux et approfondi.

Madame la ministre, nous vous le demandons à nouveau solennellement, tout comme le président de notre groupe, Jean-Pierre Bel, l’a fait hier : levez l’urgence, faites vivre la navette, garante du respect des droits du Parlement. En l’état actuel des choses, elle s’impose comme une absolue nécessité démocratique. Vous n’avez d’ailleurs donné aucune explication convaincante pour justifier l’urgence. Même s’il est prévu que le texte entre en vigueur au 1er janvier 2010, cela donne du temps pour une seconde lecture !

Madame la ministre, cette obstination à ne pas vouloir lever l’urgence, ce que pourtant vous pouvez faire à tout moment, me rappelle l’obstination d’autres au moment du CPE ! (Mme Annie Jarraud-Vergnolle opine.)

M. François Autain. Ah, je n’y avais pas pensé !

M. Jean-Pierre Godefroy. Chers collègues, je vous exhorte à voter ce renvoi à la commission qui donnera le temps au Parlement de débattre dans des conditions respectueuses d’un fonctionnement démocratique normal.

Madame la ministre, je réitère ma demande, car je regrette que vous n’acceptiez pas de lever l’urgence, ce qui permettrait pourtant à nos commissions, comme à celles de l’Assemblée nationale, de se saisir à nouveau de ce texte dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Je voudrais tout d’abord rendre hommage à l’ensemble des sénateurs de la commission qui, pour une quarantaine d’entre eux, ont travaillé pendant plus de trente-quatre heures, parfois des nuits entières, sur ce projet de loi extrêmement important.

Je voudrais aussi saluer le travail remarquable des collaborateurs de la commission, qui sont évidemment là pour aider le rapporteur, le président, mais qui sont également à la disposition des sénateurs de la commission et qui n’ont pas hésité à aller régulièrement à votre rencontre pour vous aider vous-mêmes dans vos travaux.

M. François Autain. Tout à fait !

M. Alain Milon, rapporteur. Cela dit, si je veux bien admettre que la nouvelle procédure change singulièrement nos habitudes, je ne peux pas dire que le tsunami d’amendements déposés ait facilité notre apprentissage !

M. Jean-Louis Carrère. C’est une pluie de printemps et non un tsunami !

M. Alain Milon, rapporteur. J’ai le sentiment, malgré tout, que nous avons tous beaucoup travaillé et que nous sommes allés au fond des sujets, en particulier grâce à une présidence particulièrement efficace, je tiens à le redire.

M. Alain Milon, rapporteur. Sans compter les auditions ni l’examen des amendements extérieurs, avec le président et le rapporteur, vous avez consacré près de trente-neuf heures de réunions en commission. Je me dois aussi de saluer la présence de Mme la ministre, qui a assisté pratiquement à toutes nos discussions.

Je ne crois pas que l’on puisse affirmer, comme cela est écrit dans la motion de renvoi à la commission, que le texte issu de nos travaux est susceptible « de porter atteinte à l’image de sérieux de la Haute Assemblée. ». Bien au contraire, il est à l’image du sérieux de la Haute Assemblée !

M. Jean-Louis Carrère. C’est la méthode qui est en cause !

M. Alain Milon, rapporteur. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cette motion. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement va évidemment être d’accord avec le rapporteur. En vérité, ce débat concerne davantage le fonctionnement interne de votre assemblée sur lequel, en tant que ministre de la santé, je porte un regard extérieur.

J’ai seulement constaté que cette nouvelle procédure nécessitait effectivement quelques réglages matériels. Le président Larcher a d’ailleurs indiqué que les choses allaient évoluer, en particulier la configuration des salles. Dont acte !

Personnellement, contrairement à ce qui a été dit ici ou là, je ne me suis nullement offusquée de l’aspect « camping » des conditions dans lesquelles j’ai été accueillie, le président About ayant organisé tout cela avec beaucoup d’humanité et de gentillesse. Je considère que nos débats se sont déroulés de bonne façon.

Qu’est-ce qui compte en la matière ? C’est la qualité de l’échange, de la confrontation, du débat intellectuel. Le rembourrage des fauteuils n’a finalement que peu d’importance !

M. François Autain. Effectivement, ce n’était pas vraiment le problème !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je considère que, véritablement, nos débats se sont excellemment passés, débats qui, comme le rappelait le rapporteur, ont duré trente-neuf heures, sans compter toutes les réunions annexes qui ont eu lieu.

Que l’orateur ait pu penser que je pouvais, par ma seule présence et quelques interpellations, suborner des sénateurs et des sénatrices de la majorité, j’en suis très flattée !

M. Guy Fischer. J’ai été témoin !

M. François Autain. Mais le rapporteur est « insubornable » !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l’opposition, loin de vous apprécier à votre juste valeur, vous traite, je crois, avec un certain dédain, voire une certaine arrogance. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Croyez que je ne partage pas cette attitude ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Louis Carrère. C’est de la godille pour des godillots !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 282, tendant au renvoi à la commission.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du président du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 150 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l’adoption 139
Contre 190

Le Sénat n'a pas adopté.

Mes chers collègues, à la demande de Mme la ministre, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion des articles.

TITRE IER

MODERNISATION DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Article 1er (texte modifié par la commission) (début)

Article 1er A

M. le président. L’article 1er A a été supprimé par la commission.

CHAPITRE IER

Missions des établissements de santé

M. le président. Je rappelle que tous les amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er ont été réservés jusqu’après l’article 13 quater.

Article 1er A
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Article 1er (texte modifié par la commission) (interruption de la discussion)

Article 1er

(Texte modifié par la commission)

I. - L'article L. 6111-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 6111-1. - Les établissements de santé publics, privés et privés d'intérêt collectif assurent, dans les conditions prévues par le présent code, le diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, des blessés et des femmes enceintes.

« Ils délivrent les soins avec hébergement, sous forme ambulatoire ou à domicile.

« Ils participent à la coordination des soins en relation avec les membres des professions de santé exerçant en pratique de ville et les établissements et services médico-sociaux, dans le cadre défini par l'agence régionale de santé et de l'autonomie en concertation avec les conseils généraux pour les compétences qui les concernent.

« Ils participent à la mise en œuvre de la politique de santé publique et des dispositifs de vigilance destinés à garantir la sécurité sanitaire.

« Ils mènent, en leur sein, une réflexion sur l'éthique liée à l'accueil et la prise en charge médicale. »

II. - L'article L. 6111-2 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 6111-2. - Les établissements de santé élaborent et mettent en œuvre une politique d'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins et une gestion des risques visant à prévenir et traiter les évènements indésirables liés à leurs activités.

« Dans ce cadre, ils organisent la lutte contre les événements indésirables, les infections associées aux soins et l'iatrogénie, définissent une politique du médicament et des dispositifs médicaux stériles et mettent en place un système permettant d'assurer la qualité de la stérilisation des dispositifs médicaux. »

III. - L'intitulé du chapitre II du titre Ier du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique est ainsi rédigé : « Missions de service public des établissements de santé ».

IV. - Les articles L. 6112-1, L. 6112-2 et L. 6112-3 du même code sont ainsi rédigés :

« Art. L. 6112-1. - Les établissements de santé peuvent être appelés à assurer, en tout ou partie, une ou plusieurs des missions de service public suivantes :

« 1° La permanence des soins ;

« 1° bis  La prise en charge des soins palliatifs ;

« 2° L'enseignement universitaire et post-universitaire ;

« 2° bis  La recherche ;

« 3° La formation continue des praticiens hospitaliers et non hospitaliers ;

« 4° La formation initiale et continue des sages-femmes et du personnel paramédical et la recherche dans leurs domaines de compétence ;

« 5° Supprimé par la commission.............................................

« 6° Les actions d'éducation et de prévention pour la santé et leur coordination ;

« 7° L'aide médicale urgente, conjointement avec les praticiens et les autres professionnels de santé, personnes et services concernés ;

« 8° La lutte contre l'exclusion sociale, en relation avec les autres professions et institutions compétentes en ce domaine, ainsi que les associations qui œuvrent dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion et la discrimination ;

« 9° Les actions de santé publique ;

« 10° La prise en charge des personnes hospitalisées sans leur consentement ;

« 11° Les soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire et, si nécessaire, en milieu hospitalier, dans des conditions définies par décret ;

« 12° Les soins dispensés aux personnes retenues en application de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

« 13° Les soins dispensés aux personnes retenues dans les centres socio-médico-judiciaires de sûreté. 

« Art. L. 6112-2. - Outre les établissements de santé, peuvent être chargés d'assurer ou de contribuer à assurer, en fonction des besoins de la population appréciés par le schéma régional d'organisation des soins, les missions de service public définies à l'article L. 6112-1 :

«  - les centres de santé et les maisons de santé ;

« - l'Institution nationale des invalides dans le cadre de ses missions définies au 2° de l'article L. 529 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

« - le service de santé des armées, dans des conditions fixées par décret en Conseil des ministres ;

« - les groupements de coopération sanitaire ;

« - les autres personnes titulaires d'autorisation d'équipement matériel lourd ;

« - les praticiens exerçant dans les établissements ou structures mentionnés au présent article.

« Lorsqu'une mission de service public n'est pas assurée sur un territoire de santé, le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie, sans préjudice des compétences réservées par la loi à d'autres autorités administratives, désigne la ou les personnes qui en sont chargées.

« Le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens prévu à l'article L. 6114-1 ou un contrat spécifique précise les obligations auxquelles est assujettie toute personne assurant ou contribuant à assurer une ou plusieurs des missions de service public définies au présent article et, le cas échéant, les modalités de calcul de la compensation financière de ces obligations.

« La signature ou la révision du contrat afin d'y intégrer les missions de service public peut être à l'initiative de l'un ou l'autre des signataires.

« Les missions de service public, qui à la date de publication de la présente loi, sont déjà assurées par un établissement de santé sur un territoire donné, font l'objet d'une reconnaissance prioritaire dans le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens.

« Art. L. 6112-3. - L'établissement de santé, ou toute personne chargée d'une ou plusieurs des missions de service public définies à l'article L. 6112-1, garantit à tout patient accueilli dans le cadre de ces missions :

« 1° L'égal accès à des soins de qualité ;

« 2° La permanence de l'accueil et de la prise en charge, ou l'orientation vers un autre établissement ou une autre institution, dans le cadre défini par l'agence régionale de santé et de l'autonomie ;

« 3° La prise en charge aux tarifs fixés par l'autorité administrative ou aux tarifs des honoraires prévus au 1° du I de l'article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale.

« Les garanties mentionnées aux 1° et 3° sont applicables à l'ensemble des prestations délivrées au patient dès lors qu'il est admis au titre de l'urgence ou qu'il est accueilli et pris en charge dans le cadre de l'une des missions mentionnées au premier alinéa, y compris en cas de réhospitalisation dans l'établissement ou pour les soins, en hospitalisation ou non, consécutifs à cette prise en charge.

« Les obligations qui incombent, en application du présent article, à un établissement de santé ou à l'une des structures mentionnées à l'article L. 6112-2 s'imposent également aux praticiens qui y exercent. »

V. - Après l'article L. 6112-3 du même code, il est inséré un article L. 6112-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 6112-3-1. - Tout patient d'un établissement public de santé bénéficie des garanties définies aux 1° et 2° de l'article L. 6112-3.

« Les établissements publics de santé appliquent aux assurés sociaux les tarifs prévus aux articles L. 162-20 et L. 162-26 du code de la sécurité sociale.

« Dans le cadre des missions de service public assurées par l'établissement, les tarifs des honoraires des professionnels de santé visés au premier alinéa de l'article L. 6146-2 et des praticiens hospitaliers exerçant dans le cadre de l'activité libérale prévue à l'article L. 6154-1 sont ceux prévus au 1° du I de l'article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale. »

bis. - 1° L'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale est complété par un V ainsi rédigé :

« V. - Le Gouvernement présente avant le 15 octobre de chaque année au Parlement un rapport sur la tarification à l'activité des établissements de santé et ses conséquences sur l'activité et l'équilibre financier des établissements publics et privés. Le rapport précise notamment les dispositions prises :

« - pour prendre en compte les spécificités des actes réalisés dans les établissements publics de santé et mesurer l'impact sur leurs coûts de leurs missions de service public ;

« - pour mesurer et prévenir les conséquences de la tarification à l'activité sur la multiplication artificielle des actes, la qualité des soins, les activités de santé publique et la prise en charge des pathologies chroniques. »

2° Jusqu'en 2012, le rapport prévu au V de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale est transmis au Parlement en même temps que le bilan d'avancement du processus de convergence mentionné au VII de l'article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004.

VI. - Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 6122-7 du code de la santé publique sont ainsi rédigés :

« Elle peut également être subordonnée à des conditions relatives à la participation à une ou plusieurs des missions de service public définies à l'article L. 6112-1 ou à l'engagement de mettre en œuvre*- des mesures de coopération favorisant l'utilisation commune de moyens et la permanence des soins.

« L'autorisation peut être suspendue ou retirée selon les procédures prévues à l'article L. 6122-13 si les conditions mises à son octroi ne sont pas respectées. »

VI bis. - Après le premier alinéa de l'article L. 6122-10 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il peut également être subordonné aux conditions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 6122-7. »

VII. - L'article L. 6161-4 du même code est remplacé par deux articles L. 6161-4 et L. 6161-4-1 ainsi rédigés :

« Art. L. 6161-4. - Le contrat pour l'exercice d'une profession médicale conclu entre toute personne chargée d'assurer une ou plusieurs des missions de service public définies à l'article L. 6112-1 et un praticien précise, en tant que de besoin, les conditions de la participation de ce dernier à ces missions et les obligations qui s'imposent à lui en application du dernier alinéa de l'article L. 6112-3.

« Si ce contrat est antérieur à celui confiant une ou plusieurs missions de service public au cocontractant du praticien, il est, en tant que de besoin, révisé pour intégrer les stipulations mentionnées au premier alinéa dans un délai de six mois à compter de la date de la signature du contrat conclu en application du dernier alinéa de l'article L. 6112-2.

« L'agence régionale de santé et de l'autonomie est informée des termes de cette révision.

« Si le praticien refuse de procéder à sa révision, il peut prétendre à des indemnités en cas de résiliation du contrat par l'établissement dès lors que la durée d'activité consacrée aux missions de service public proposée par le contrat révisé excède 30 % de son temps travaillé.

« Art. L. 6161-4-1. - Supprimé par la commission.........................

VII bis. - L'article L. 6161-5 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 6161-5. - Sont qualifiés d'établissements de santé privés d'intérêt collectif :

« 1° Les centres de lutte contre le cancer ;

« 2° Les établissements de santé privés gérés par des organismes sans but lucratif qui en font la déclaration auprès de l'agence régionale de santé et de l'autonomie.

« Les obligations à l'égard des patients prévues aux 1° et 2° de l'article L. 6112-3 sont applicables aux établissements de santé privés d'intérêt collectif pour l'ensemble de leurs missions.

« Les établissements de santé privés d'intérêt collectif appliquent aux assurés sociaux les tarifs prévus aux articles L. 162-20 et L. 162-26 du code de la sécurité sociale.

« Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret. »

VIII. - Le premier alinéa de l'article L. 6162-1 du même code est ainsi rédigé :

« Les centres de lutte contre le cancer sont des établissements de santé qui exercent leurs missions dans le domaine de la cancérologie. »

IX. - L'article L. 162-20 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Art. L. 162-20. - Les assurés sociaux sont hospitalisés dans les établissements publics de santé aux tarifs fixés par l'autorité administrative compétente. »

X. - L'article L. 6311-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 6311-2. - Seuls les établissements de santé peuvent être autorisés, conformément aux dispositions du chapitre II du titre II du livre Ier de la présente partie, à comporter une ou plusieurs unités participant au service d'aide médicale urgente, dont les missions et l'organisation sont fixées par voie réglementaire.

« Un centre de réception et de régulation des appels est installé dans les services d'aide médicale urgente. Ce centre peut être commun à plusieurs services concourant à l'aide médicale urgente.

« Le fonctionnement de ces unités et centre peut être assuré, dans des conditions fixées par décret, avec le concours de médecins d'exercice libéral. 

« Dans le respect du secret médical, les centres de réception et de régulation des appels sont interconnectés avec les dispositifs des services de police et d'incendie et de secours.

« Les services d'aide médicale urgente et les services concourant à l'aide médicale urgente sont tenus d'assurer le transport des patients pris en charge dans le plus proche des établissements offrant des moyens disponibles adaptés à leur état, sous réserve du respect du libre choix. »

XI. - L'article L. 6112-5 du même code est abrogé.

XII. - L'article L. 6323-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 6321-1. - Les centres de santé sont des structures sanitaires de proximité dispensant principalement des soins de premier recours. Ils assurent des activités de soins sans hébergement et mènent des actions de santé publique ainsi que des actions de prévention, d'éducation pour la santé, d'éducation thérapeutique des patients et des actions sociales et pratiquent la délégation du paiement du tiers mentionné à l'article L. 322-1 du code de la sécurité sociale. Ils peuvent pratiquer des interruptions volontaires de grossesse par voie médicamenteuse dans le cadre d'une convention conclue selon les modalités prévues à l'article L. 2212-2 et dans les conditions prévues aux articles L. 2212-1 à L. 2212-10 du présent code.

« Ils constituent des lieux de stages pour la formation des différentes professions de santé.

« Ils peuvent soumettre à l'agence régionale de santé et de l'autonomie et appliquer les protocoles définis à l'article L. 4011-2 dans les conditions prévues à l'article L. 4011-3.

« Ils sont créés et gérés soit par des organismes à but non lucratif, soit par des collectivités territoriales, soit par des établissements de santé publics ou des établissements de santé d'intérêt collectif.

« Les centres de santé élaborent un projet de santé incluant des dispositions tendant à favoriser l'accessibilité sociale, la coordination des soins et le développement d'actions de santé publique.

« Le projet médical du centre de santé géré par un établissement de santé est distinct du projet d'établissement.

« Les médecins qui exercent en centre de santé sont salariés.

« Les centres de santé sont soumis pour leur activité à des conditions techniques de fonctionnement prévues par décret, après consultation des représentants des gestionnaires de centres de santé. Ce texte détermine également les modalités de la période transitoire. »

XIII. - L'article L. 6323-2 du même code est abrogé.

XIV. - L'article L. 6111-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les établissements de santé peuvent créer et gérer les centres de santé mentionnés à l'article L. 6323-1 du présent code. »

XV. - Les articles L. 6161-3-1, L. 6161-6, L. 6161-7, L. 6161-8, L. 6161-9 et L. 6161-10 du même code sont abrogés.

XVI. - Les établissements de santé privés qui ont été admis à participer à l'exécution du service public hospitalier à la date de publication de la présente loi peuvent continuer d'exercer, dans les mêmes conditions, les missions pour lesquelles ils y ont été admis ou celles prévues par leur contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens jusqu'au terme de ce contrat ou, au plus tard, jusqu'à la date mentionnée au VII de l'article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004. Ils prennent la qualification d'établissement de santé privé d'intérêt collectif sauf opposition expresse de leur part notifiée par leur représentant légal au directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception.

Jusqu'à la date retenue en application de l'alinéa précédent, les articles L. 6112-3-1, L. 6112-6, L. 6112-7, L. 6143-2 et L. 6143-2-1, les cinquième et sixième alinéas de l'article L. 6143-4 et les articles L. 6145-1 et L. 6155-1 du code de la santé publique leur sont applicables. Jusqu'à cette même date, les dispositions relatives au financement par l'assurance maladie de leurs activités de soins et à la participation de l'assuré social leur sont applicables dans les mêmes conditions qu'aux établissements publics de santé.

Jusqu'à la date retenue en application du premier alinéa du présent XVI, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 6161-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, leur sont applicables.

XVII. - Les établissements de santé privés qui ont opté pour le financement par dotation globale, en application de l'article 25 de l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée, continuent d'exercer, dans les mêmes conditions, les missions prévues à leur contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens jusqu'au terme de ce contrat ou, au plus tard, jusqu'à la date mentionnée au VII de l'article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 précitée.

Jusqu'à la date retenue en application de l'alinéa précédent, les articles L. 6143-2 et L. 6143-2-1, les cinquième et sixième alinéas de l'article L. 6143-4 et l'article L. 6145-1 du code de la santé publique leur sont applicables. Jusqu'à cette même date, les dispositions relatives au financement par l'assurance maladie de leurs activités de soins et à la participation de l'assuré social leur sont applicables dans les mêmes conditions qu'aux établissements publics de santé.

Jusqu'à la date retenue en application du premier alinéa du présent XVII, les deuxième à sixième alinéas du XVIII bis leur sont applicables.

XVIII. - Les centres de lutte contre le cancer mentionnés à l'article L. 6162-1 du code de la santé publique continuent d'exercer, dans les mêmes conditions, outre les missions qui leur sont assignées par la loi, les missions prévues à leur contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens jusqu'au terme de ce contrat ou, au plus tard, jusqu'à la date mentionnée au VII de l'article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 précitée.

Jusqu'à la date retenue en application de l'alinéa précédent, les dispositions relatives au financement par l'assurance maladie de leurs activités de soins et à la participation de l'assuré social leur sont applicables dans les mêmes conditions qu'aux établissements publics de santé.

Jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance prévue au 2° de l'article 33 de la présente loi, les articles L. 6112-3, L. 6112-6, L. 6112-7, L. 6143-2 et L. 6143-2-1, les cinquième et sixième alinéas de l'article L. 6143-4 et les articles L. 6145-1 et L. 6155-1 du code de la santé publique leur sont applicables.

Jusqu'à la date mentionnée au troisième alinéa du présent XVIII, le dernier alinéa de l'article L. 6161-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, leur reste applicable. Les deuxième à sixième alinéas du XVIII bis leur sont applicables.

XVIII bis. - Jusqu'à la date retenue en application du premier alinéa du XVI, les dispositions suivantes sont applicables aux établissements de santé privés qui ont été admis à participer à l'exécution du service public hospitalier à la date de publication de la présente loi.

Lorsque le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie estime que la situation financière de l'établissement l'exige et, à tout le moins, lorsque le suivi et l'analyse de l'exécution de l'état des prévisions de recettes et de dépenses prévus à l'article L. 6145-1 du code de la santé publique ou le compte financier font apparaître un déséquilibre financier répondant à des critères définis par décret, ou lorsque sont constatés des dysfonctionnements dans la gestion de l'établissement, le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie adresse à la personne morale gestionnaire une injonction de remédier au déséquilibre financier ou aux dysfonctionnements constatés et de produire un plan de redressement adapté, dans un délai qu'il fixe. Ce délai doit être raisonnable et adapté à l'objectif recherché.

Les modalités de retour à l'équilibre financier donnent lieu à la signature d'un avenant au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens prévu à l'article L. 6114-1 du même code.

S'il n'est pas satisfait à l'injonction, ou en cas de refus de l'établissement de signer l'avenant susmentionné, le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie peut désigner un administrateur provisoire de l'établissement pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois renouvelable une fois. Si l'organisme gestionnaire gère également des établissements ou services qui relèvent de la compétence tarifaire du représentant de l'État ou du président du conseil général, l'administrateur provisoire est désigné conjointement par le représentant de l'État dans le département et le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie. L'administrateur doit satisfaire aux conditions définies aux deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 811-2 du code de commerce.

L'administrateur provisoire accomplit, pour le compte de l'établissement, les actes d'administration urgents ou nécessaires pour mettre fin aux dysfonctionnements ou irrégularités constatés et préparer et mettre en œuvre un plan de redressement. La rémunération de l'administrateur est assurée par les établissements gérés par l'organisme et répartie entre les établissements ou services au prorata des charges d'exploitation de chacun d'eux. L'administrateur justifie, pour ses missions, d'une assurance couvrant les conséquences financières de la responsabilité conformément aux dispositions de l'article L. 814-5 du code de commerce, prise en charge dans les mêmes conditions que la rémunération.

En cas d'échec de l'administration provisoire, le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie peut saisir le commissaire aux comptes pour la mise en œuvre de l'article L. 612-3 du même code.

XIX. - Les contrats de concession pour l'exécution du service public hospitalier conclus en application de l'article L. 6161-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, ne sont pas renouvelés. Ils prennent fin au plus tard à la date mentionnée au VII de l'article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 précitée.

M. le président. Mes chers collègues, afin de me simplifier la tâche, je vous prie de bien vouloir respecter votre temps de parole de cinq minutes. (M. Guy Fischer s’exclame.) J’ai en effet cru comprendre que notre discussion serait un peu longue ! (Sourires.)

La parole est à Mme Samia Ghali, sur l’article.

Mme Samia Ghali. Madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes d’accord sur un point : ce projet de loi est un rendez-vous très attendu.

Nous affrontons une crise globale de notre système de santé. Chacun peut témoigner de la défiance qui s’installe, face à un système qui répond de moins en moins bien aux besoins des malades.

Nous pouvons tous témoigner du recul progressif du droit à la santé, un recul qui angoisse aujourd’hui les Français.

Il se traduit, tout d’abord, par une plus grande inégalité sociale.

L’étude du Secours populaire d’octobre 2008 le confirme : la dégradation de la santé se conjugue avec celle du pouvoir d’achat. La pauvreté atteint désormais de nouvelles catégories sociales de salariés et de retraités. Toujours selon cette étude, 39 % des Français ont déjà retardé un soin ou y ont renoncé en raison de son coût. Le renoncement aux soins devient monnaie courante.

Ce recul se traduit également par une inégalité territoriale.

À la périphérie de nos grandes villes, le désert médical fait autant de ravages que dans le milieu rural. Nous vivons cette situation dans les quartiers défavorisés, où les cabinets médicaux ont disparu. Et pour obtenir un rendez-vous dans les derniers cabinets en activité, il faut désormais attendre des mois !

Cette réalité si dégradée, ce climat si tendu, c’est le résultat de vos plans et de votre logique.

Depuis le passage de M. Douste-Blazy au ministère de la santé jusqu’au vôtre, madame la ministre, en passant par celui de M. Bertrand, que de promesses faites, que de réformes engagées : franchises médicales augmentées, dépassements d’honoraires autorisés, déremboursements élargis, et j’en passe !

Et pour quel résultat ?

Vous n’avez eu de cesse de creuser les déficits. Quant au sacro-saint principe de responsabilisation, censé éviter les abus, il n’a abouti qu’à rendre l’inégalité devant la santé plus forte encore.

Nous espérions la refondation d’un système public de santé de proximité, car c’est une urgence et une priorité. Mais devant l’ampleur des échecs financiers de vos prédécesseurs, vous préférez vous obstiner en approfondissant le trou libéral.

Au lieu de vous attaquer sérieusement aux questions structurantes – la permanence des soins, la liberté d’installation, la rémunération à l’acte, les dépassements d’honoraires, les discriminations de toutes sortes –, vous préférez masquer les problèmes et accabler l’hôpital pour réduire le rôle du service public. Tel est d’ailleurs l’objet du titre Ier et de l’article 1er du présent projet de loi.

Les discours du Président de la République sur l’hôpital ne trompent personne. Comme vous voulez cacher les problèmes de la médecine de ville ou de la médecine libérale, qui sont les problèmes majeurs rencontrés aujourd’hui par nos concitoyens, vous choisissez de mettre en avant la crise de l’hôpital public.

Le discours qui prend l’hôpital public pour cible est exaspérant. En effet, à l’évidence, loin de concentrer tous les défauts de notre système, l’hôpital public subit au contraire toutes les contradictions qui naissent de la double insuffisance de la politique de santé publique et de l’offre de soins libérale.

Madame la ministre, la crise de l’hôpital public, c’est la faillite de votre politique, celle d’une médecine libérale sans règle, celle d’un ONDAM hospitalier volontairement sous-estimé, année après année, celle d’une réforme de la tarification à l’activité inadéquate.

Lorsque vous nous dites que va se mettre en place dans quelques mois la « V11 », c’est-à-dire la onzième version de la tarification à l’activité applicable aux établissements hospitaliers, lorsque vous affirmez que vont enfin être pris en compte des phénomènes comme la précarité ou la gravité de certaines pathologies, vous avouez, mais vous insistez !

Vous prévalant de vos propres turpitudes, vous accentuez l’emprise comptable, et vous évacuez la démocratie sanitaire.

Nous reviendrons, notamment, sur les dispositions du titre Ier, car nous sommes profondément choqués de constater combien votre texte marginalise la pensée médicale sans que vous puissiez invoquer aucune raison organisationnelle.

La réalité, c’est que vous voulez disposer de directeurs d’hôpitaux dont le seul objectif sera de rester dans les clous des contraintes budgétaires que vous imposez à l’hôpital public.

Une fois réalisée la gestion interne libérale, il ne vous reste plus qu’à libéraliser le secteur lui-même !

Vous continuez de vous appuyer sur vos propres turpitudes, l’impasse budgétaire des établissements, 1 milliard d’euros de déficit que l’acrobatie comptable a de plus en plus de mal à masquer, tant le manque de moyens et d’investissements est patent dans certaines parties du territoire !

Vous invoquerez les carences du service public et ferez appel – c’est l’objet de l’article 1er – aux établissements de santé privés pour remplir des missions de service public, nouvelle étape de la privatisation.

Au-delà de notre réserve de principe, nous insistons – et nous y reviendrons dans la discussion des amendements – pour que les établissements privés ne puissent pas choisir, ne puissent pas sélectionner à la carte les missions de service public qu’ils auront à appliquer, car le service public coûte cher lorsqu’il est appliqué dans son intégralité, et ce qui est imposé au secteur public doit l’être également au secteur privé !

Nous insistons donc pour que soit reconnu, à l’occasion de cette loi, un bloc de missions de service public qui ne puisse pas se partager, se discuter ou se négocier. La question du socle de missions de service public est fondamentale. (Mme Gisèle Printz ainsi que MM. Jean-Pierre Godefroy et René Teulade applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec cet article 1er qui se veut un rappel et qui précise les missions générales des établissements de santé, vous entendez, en réalité, privatiser le service public hospitalier, c’est-à-dire procéder à la destruction d’un service organisé en y intégrant d’autres acteurs, mais également, et surtout, en confiant à ces nouveaux acteurs les mêmes missions que celles que vous confiez aux établissements publics de santé, alors même que ces nouveaux acteurs, issus du secteur privé, poursuivent des intérêts autres que collectifs.

Cette privatisation repose, en partie, sur le postulat du Gouvernement et de l’ensemble des libéraux selon lequel la nature juridique de ceux qui réalisent les missions de service public importe peu, puisque ce qui compte, c’est le service rendu.

En réalité, sans que cela soit réellement avoué, nous assistons aujourd’hui à l’application de la directive Bolkestein aux établissements de santé. Vous l’avez vous-même reconnu, madame la ministre, lorsque, à l’occasion d’un débat organisé par « le cercle des Européens », vous déclariez « vouloir imprégner la politique de santé française d’une couleur européenne ».

Certes, la directive « services » épargne aujourd’hui la santé, considérant qu’il s’agit d’une question relevant de la seule compétence nationale. Il n’en demeure pas moins que l’on observe en France, comme dans les autres pays européens, des mouvements de révision des politiques sociales et sanitaires, convergeant tous dans le même sens, l’unification, voire l’uniformisation des règles de protection sociale. J’en veux pour preuve l’intégration du thème de la santé dans les différents traités depuis 1987, alors que, théoriquement, tel n’aurait jamais dû être le cas.

Cet article 1er se nourrit donc de toute cette réflexion. Elle est le fruit de ce mouvement de libéralisation de la santé, qui a conduit à la révision du code de la mutualité, qui conduit à modifier les règles relatives aux soins transfrontaliers sans poser la question du financement durable de notre régime de protection sociale, et qui vous conduit aujourd’hui à privatiser les missions de service public.

Il faut dire que, ce faisant, vous répondez à l’exigence contenue dans le traité constitutionnel européen – rejeté par les Hollandais, les Irlandais et les Français – et reprise dans le traité de Lisbonne « d’un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée ». Ce dogme, sur lequel repose l’Europe libérale que vous construisez, s’impose naturellement au-delà des textes à tous les domaines, santé comprise.

La question n’est pas tant de savoir si vous privatisez l’hôpital public pour satisfaire aux exigences européennes ou si vous construisez l’Europe pour organiser une société offerte aux seuls marchés. (M. Jean-Pierre Raffarin s’exclame.)

M. Guy Fischer. Voilà !

Mme Annie David. Une chose est toutefois certaine, l’Europe actuelle se construit contre les intérêts des usagers du système de santé et favorise la concentration et la domination économique de quelques structures privées.

Ce débat, madame la ministre, présente toutefois un avantage. À un mois des élections européennes, il permet de mettre en valeur les oppositions qui existent entre votre conception de l’Europe libérale et de la concurrence, que vous défendez, et celle qu’au groupe CRC-SPG, avec le « Front de Gauche », nous entendons défendre : une Europe reconnaissante d’un certain nombre de droits fondamentaux, inaliénables, que l’on ne pourrait sacrifier sur l’autel de la concurrence et de la rentabilité ; une Europe de la solidarité et de la satisfaction des besoins humains, environnementaux et en santé.

Pour notre part, profondément attachés à notre système public de santé, nous souhaitons non pas mettre à mal notre hôpital, mais bien permettre à tous les peuples d’Europe de bénéficier d’un système tel que le nôtre. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons être en accord avec cet article 1er.

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 1er du titre Ier concernant la modernisation des établissements de santé, que nous allons examiner, introduit au IV dudit article une nouvelle rédaction de l’article L. 6112-1 du code de la santé. Cela n’a rien d’anodin, puisque cette nouvelle rédaction fait émerger un principe nouveau : la mission de service public dans le champ de la santé, prise en charge essentiellement jusqu’à présent par l’hospitalisation publique, pourra désormais être découpée en tranches – treize pour être précis – parmi lesquelles tous les établissements de santé – donc, y compris les cliniques privées à but lucratif – auront la possibilité de choisir une ou plusieurs missions qui les intéressent.

Il va de soi que les hôpitaux publics seront, en ce qui les concerne, limités dans leur possibilité de choix puisqu’ils sont tenus, notamment, d’accueillir tous les patients qui se présentent à leur porte, comme je le rappelais hier lors de la discussion générale.

Quant aux cliniques privées commerciales et à leurs médecins, qui ont choisi ce mode d’exercice plus lucratif que dans les hôpitaux publics, leur intérêt sera de choisir les missions qui, indirectement, conforteront leur mode d’exercice.

C’est ainsi que je fais le pari qu’elles trouveront, par ce moyen, la possibilité d’intervenir encore plus fortement dans le domaine de la chirurgie, notamment de la traumatologie peu grave. À ce niveau, je rappelle qu’actuellement, sur l’ensemble des chirurgiens travaillant en France, une majorité d’entre eux exerce déjà son activité en secteur libéral – essentiellement en clinique privée à but lucratif – avec une perspective d’élargissement de leur champ d’intervention sur des missions de service public moins contraignantes en secteur libéral. Le flux d’installation en clinique privée plutôt qu’en hôpital public va s’accélérer, ce qui entraînera une nouvelle diminution de l’espace occupé par la chirurgie publique de plus en plus acculée à ne prendre en charge que les cas les plus lourds, les plus compliqués, les plus risqués et les plus coûteux.

Ce sont d’abord les hôpitaux publics de proximité qui, en province, en mesureront le plus rapidement les effets : en perte d’activité chirurgicale, en difficulté financière, confrontés à la diminution du nombre de leurs opérateurs chirurgicaux, ils se verront enjoints par les ARS de fermer leurs services de chirurgie au profit des cliniques commerciales sises dans leur aire géographique d’intervention – nous en avons déjà de nombreux exemples partout dans l’Hexagone.

M. Guy Fischer. Et à ce moment-là, ce sera la mort de l’hôpital public !

M. Jacky Le Menn. Cet état de fait sera préjudiciable aux usagers. En effet, ce qu’il faut fortement souligner maintenant, et vous le savez, madame la ministre, c’est que 80 % des chirurgiens exerçant en secteur libéral fonctionnent en honoraires libres, c’est-à-dire qu’ils sont susceptibles de demander des dépassements d’honoraires à leurs patients, ce dont nombre d’entre eux ne se privent pas !

Si, dans le cadre du projet de loi, ces chirurgiens ne devraient pas pouvoir appliquer ce type d’honoraires de secteur II pour les missions de service public qu’ils accompliraient, et c’est la moindre des choses, il n’empêche qu’en augmentant le volume global de leur activité par l’élargissement à une nouvelle clientèle qu’ils sauront facilement fidéliser – on le comprend, ce sont pour la plupart d’excellents chirurgiens –, ils pourront ensuite, à d’autres occasions, opérer en chirurgie dite « froide » et programmée au tarif de secteur Il avec les conséquences que l’on sait.

La boucle est bouclée ! Mes chers collègues, cherchons qui seront les gagnants dans ce processus : sûrement pas les malades les moins aisés, ni l’hôpital public de proximité, ni les mutuelles ! Nous sommes donc bien en route vers la mise en place accélérée d’une médecine, notamment chirurgicale, à deux vitesses dont la majorité de nos concitoyens pâtira.

Madame la ministre, on assiste bien, dans le projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui, à un basculement de la conception même du service public dont le Gouvernement entend désormais accélérer la promotion, basculement déjà amorcé dans d’autres secteurs du champ social de notre pays – je pense notamment à celui de l’enseignement supérieur, pour rester dans l’actualité.

Rien d’innocent, mes chers collègues, dans ce basculement qui traduit bien un choix politique entre deux conceptions des réformes pour la société française afin de lui permettre d’affronter l’avenir dont tout le monde s’accorde à dire qu’il est incertain  : d’une part, une conception des réformes qui sont inspirées par le souci du bien commun ; d’autre part, une conception des réformes qui entendent laisser libre court aux intérêts des plus riches et des plus puissants.

Le sociologue Robert Castel, observateur attentif des « métamorphoses de la question sociale », nous rappelle fort justement dans son dernier ouvrage portant sur « la montée des incertitudes », à propos de cette double conception opposée des réformes, que « c’est un choix de société entre la volonté de vivre dans une formation sociale dont les membres resteraient unis par des relations de réciprocité et capables de structurer ce que Karl Polanyi appelle aussi, en reprenant une notion d’Aristote, “ la vie bonne ” et une société clivée en fonction des pures exigences de la concurrence économique entre gagnants et perdants, nantis et sacrifiés, inclus et désaffiliés… »

Madame la ministre, mes chers collègues, la première conception de la réforme, celle qui vise à privilégier « le bien commun » s’inscrit dans un réformisme de gauche, le nôtre. La deuxième conception, celle qui vise à privilégier la concurrence et l’intérêt des plus riches, s’enracine dans un réformisme libéral, le vôtre, madame la ministre, et celui du Gouvernement.

Le projet de loi sur l’hôpital, que vous nous présentez aujourd’hui, qui commence, dans son premier article, par émietter la conception du service public de santé jusqu’ici en vigueur, signe d’une manière caricaturale cette dichotomie de nos conceptions de la réforme !

Non, madame la ministre, votre conception et celle du gouvernement de Nicolas Sarkozy de la réforme de l’hôpital – réforme que nous souhaitons aussi – n’est pas la nôtre ! Il y manque de la solidarité, de l’humanisme et du réalisme financier.

Attendez-vous donc, madame la ministre, à ce que nous mettions toute notre force de conviction pour combattre votre réforme qui nous semble néfaste pour l’immense majorité de nos concitoyens !

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 1er donne le ton du contenu de ce projet de loi et contient en germe les finalités même de ce texte.

En effet, vous entendez substituer la notion d’établissements de santé en charge d’une ou plusieurs missions de service public à la notion claire de « service public hospitalier ». Pour votre gouvernement, l’objectif premier est d’achever votre ouvrage de privatisation du service public de santé, en autorisant que les missions qui sont actuellement les siennes puissent être transférées en tout ou partie à des établissements de santé privés à but commercial.

Il y avait déjà eu, toujours sous le prétexte de moderniser le système, la possibilité offerte aux établissements privés commerciaux de réaliser la prise en charge des urgences, voire la permanence des soins. Il y a eu aussi la possibilité, offerte aux mêmes établissements à but lucratif, de bénéficier de délégations de missions de service public. Il y a aujourd’hui le transfert total de ces missions aux établissements qui poursuivent, rappelons-le, des objectifs plus que lucratifs.

En clair, vous confiez au directeur général de l’agence régionale de santé – dont nous verrons qu’il s’agit, en réalité, d’un superpréfet sanitaire aux ordres du Gouvernement – la charge d’organiser, région par région, territoire par territoire, la privatisation de notre système de santé.

Certes, vous encadrez le dispositif en prévoyant que le directeur de l’agence ne pourra confier les missions de service public aux établissements de santé privé commerciaux que si l’offre de soins, assurée prioritairement par les établissements de santé publics, n’est pas satisfaite.

Il y a tout de même de quoi s’étonner ! En vingt ans, à grands coups de réformes budgétaires, de révisions des schémas régionaux sanitaires, de cartes hospitalières, de fermetures de lits et de services sous couvert de non-rentabilité, vous avez créé, vous et vos prédécesseurs, une situation dans laquelle nos concitoyens ne peuvent plus être accueillis dans les établissements publics de santé ! Vous avez, par exemple, sous prétexte de sécurité – en réalité, de rentabilité ! – fermé de nombreux services de chirurgie au point qu’aujourd’hui 66 % de l’activité chirurgicale de notre pays est réalisée dans le secteur privé lucratif.

C’est cette même logique que vous espérez appliquer – ce qui est d’ailleurs largement déjà fait – aux maternités.

Comprenez donc, madame la ministre, qu’au groupe CRC-SPG nous nous étonnions de vous entendre utiliser cet argument, alors même que vous êtes responsables de la situation. C’est à croire que vous l’avez préméditée, à l’image – et je mesure mes propos – du pompier pyromane qui allume un incendie pour l’éteindre avec ses propres méthodes.

Au groupe CRC-SPG, nous avons une tout autre analyse de la situation. Si l’agence régionale de santé peut se voir confier la mission d’analyser les besoins en soins et en accueil social et médico-social de la population, nous considérons, d’une part, que sa structure doit être plus démocratique et, d’autre part, que la solution du problème des zones de sous-densité ou de non-satisfaction des besoins doit d’abord et avant tout reposer sur les établissements publics de santé ou sur des structures alternatives privées sans intérêts lucratifs, tels les centres de santé et les établissements privés non lucratifs, rebaptisés dans le projet de loi « établissements privés d’intérêt collectif ».

Monsieur le président de la commission des affaires sociales, la question du service public de santé n’est pas anodine. Elle traduit deux conceptions radicalement différentes de notre système de santé.

Nous considérons que la santé n’est pas une marchandise comme une autre, qu’elle est un bien inaliénable qu’il appartient à l’État de protéger en garantissant à toutes et à tous un accès de qualité.

Or, la structure privée des établissements auxquels vous entendez confier la santé de nos concitoyens est, par essence, contradictoire avec la notion d’intérêt général.

Vous avez, d’un côté, un principe fondamental qui implique la recherche de l’intérêt de la collectivité, de l’intérêt général, alors que, de l’autre, c'est-à-dire du côté du privé commercial, ce qui compte, ce n’est pas l’état de santé des malades, ce n’est pas l’intérêt collectif, mais, tout au contraire, la satisfaction des intérêts d’une poignée d’actionnaires ou de fonds spéculatifs faisant le bonheur de quelques retraités américains, anglais ou italiens.

Il est inacceptable que vous entreteniez ce système spéculatif, cette marchandisation de la santé grâce à l’argent des salariés de notre pays. Ce sont leurs cotisations, le fruit de leur travail, qui, indirectement, vont permettre aux cliniques privées détenues par des fonds de pensions d’accueillir des patients au titre du service public et d’en tirer des profits qu’ils redistribueront à leurs actionnaires.

Nous ne pouvons accepter que l’argent issu de la socialisation du travail de tous ne profite en réalité qu’à une minorité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Dominique Voynet et M. Jean-Pierre Godefroy applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mes amis du groupe CRC-SPG l’ont dit avant moi, mais je tiens à le redire à mon tour : cet article 1er organise la privatisation du service public hospitalier.

Lorsqu’on transfère des missions de service public à des opérateurs privés, qui poursuivent un intérêt commercial, cela s’appelle, ne vous en déplaise, de la privatisation.

Mais il est vrai que ce faisant vous êtes cohérente, madame la ministre, car, cette privatisation, vous l’avez entamée en instaurant tout à la fois la tarification à l’activité – dont nous connaîtrons bientôt la onzième version – et la convergence public-privé, par ailleurs repoussée à 2018.

Vous ne vous êtes pas limitée à appliquer aux établissements publics les mêmes règles de financement que celles qu’observent les établissements privés.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Eh bien non ! Elles sont beaucoup plus favorables.

Mme Isabelle Pasquet. Vous avez également organisé, vous comme d’ailleurs votre prédécesseur, l’appauvrissement des établissements publics de santé, alors que, dans le même temps, vous aidiez financièrement les établissements de santé privés commerciaux.

Voici deux exemples, dont le premier concerne la ville d’Aubagne.

Sous couvert de mettre sur un pied d’égalité les secteurs public et privé, en 2003, un appareil IRM a été attribué à la clinique La Casamance, avec la promesse que l’hôpital ne serait pas oublié, mais, six ans plus tard, le centre hospitalier Edmond Garcin attend toujours… L’intervention de l’État a installé une situation de monopole au profit de cette clinique à but lucratif, qui draine ainsi des centaines de patients.

Le second exemple concerne une ville que je connais bien.

Le tiers de la population de Marseille vit en dessous du seuil de pauvreté, et les besoins sanitaires sont, bien sûr, énormes.

De fait, l’assistance publique des hôpitaux de Marseille connaît une situation financière particulièrement grave. Malgré tout, vous avez refusé d’apporter, à l’occasion du plan Hôpital 2012, les subventions nécessaires à l’accomplissement d’un certain nombre de projets, comme le pôle parents-enfants porté par l’hôpital de la Timone,…

M. Bruno Gilles. C’est faux !

Mme Isabelle Pasquet. … ainsi condamné, faute de moyens, à ne jamais voir le jour.

Mme Isabelle Pasquet. La situation est telle que, si elle veut mener à bien certains projets, l’AP-HM devra céder une partie de son patrimoine immobilier.

Il est donc clair que pour pallier leur manque chronique de moyens, dû à la T2A et à la non-revalorisation des actes, les établissements publics de santé ne pourront désormais plus compter que sur eux-mêmes ou sur les legs et les donations.

Si les hôpitaux publics ont été oubliés dans le plan Hôpital 2012, les établissements de santé privés commerciaux, eux, ont été bien lotis.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Oh !

Mme Isabelle Pasquet. À Aix-en-Provence, par exemple, la maternité L’Étoile, très connue des professions de robe et des familles les plus aisées de la ville, a reçu une subvention de 4,3 millions d’euros, ce qui correspond à la moitié de son budget d’investissement.

L’hôpital public, qui avait demandé une subvention de 40 millions d’euros, ne percevra tout simplement rien ! Certes, la maternité dont je parle est un établissement privé à but non lucratif, mais il ne participe pas au service public hospitalier.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il faudrait savoir ce que vous voulez !

Mme Isabelle Pasquet. Pour ce qui est des 50 millions d’euros que vous avez attribués à l’hôpital Euroméditerranée, vous ne pouvez pas davantage vous abriter sous le caractère non lucratif de cet établissement, car, au-delà de cette seule structure, c’est bien tout le projet Euroméditerranée que vous avez entendu développer.

Vous ne voulez pas, contrairement à ce que vous annoncez, renforcer l’offre de soins dans les quartiers nord de Marseille : vous voulez en fait continuer à rendre attractif un quartier de la ville qui a été vidé de ses habitants les plus modestes, pour faire place nette au bénéfice de familles au pouvoir d’achat bien plus développé, contribuant à donner une autre image de la ville.

Ce projet d’ampleur a tout simplement permis, à l’actuel maire de Marseille, de disposer d’un centre ville débarrassé de ses pauvres et, aux promoteurs immobiliers, de faire de très fructueuses affaires.

Un sénateur de l’UMP. Ce n’est pas vrai !

Mme Isabelle Pasquet. Si vous aviez réellement l’intention de garantir une meilleure prise en charge sanitaire des habitants des quartiers nord de Marseille, il aurait fallu allouer à cette fin dans le plan Hôpital 2012 les 200 millions d’euros qui manquent actuellement !

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Le service public est mort, vive le service public ! Voilà ce que m’inspire, madame la ministre, les serments que vous répétez, et que vous venez de réitérer à cette tribune, face aux critiques dont votre texte fait l’objet.

Cette réflexion me vient lorsque je vous entends dire que l’hôpital est un service public de santé que vous respecterez scrupuleusement et qu’en même temps je constate dès l’article 1er du projet de loi que les termes « service public hospitalier » vont disparaître du code de la santé publique.

Le service public hospitalier serait remplacé par treize missions, lesquelles pourront donc désormais être assumées – ou ne pas l’être – indépendamment les unes des autres. On a parlé à juste titre de « vente à la découpe », d’attribution de « gré à gré »...

Cette parcellisation du service public, ce démantèlement opéré sous couvert de mieux identifier les missions, de clarifier et d’améliorer leur mise en œuvre aboutit bien évidemment à en réduire la portée.

Je ne prendrai pour exemple que l’obligation faite par le sixième alinéa de l’actuel article L. 6112-2 du code de la santé publique aux établissements de santé d’assurer, si besoin, « l’admission » d’un patient dans un autre établissement. Cette obligation, reprise dans un nouvel alinéa du même article, se limitera désormais à assurer « l’orientation » du patient. On aura compris la différence de la charge qu’emporte ce discret changement de termes…

Le passage d’un service public unique et singulier à des missions plurielles ne se fait donc pas à l’identique, et ce sont les usagers qui pâtiront du changement.

Il est tout à fait essentiel d’au moins maintenir un « bloc » de missions de service public que devront obligatoirement assumer les établissements de santé autorisés à les exercer, bloc qui doit inclure la permanence des soins, la lutte contre l’exclusion sociale et les actions d’éducation et de prévention. C’est en ce sens que nous vous proposerons tout à l’heure, mes chers collègues, de modifier le texte qui nous est soumis.

Au surplus, le projet de loi ne prévoit aucun critère pour décider de l’attribution des missions et ne comporte aucune priorité d’attribution entre établissements désormais tous confondus.

La décision serait donc laissée à un seul, le directeur général de l’ARSA, et prise dans l’opacité la plus totale. Les spécificités locales à l’intérieur des territoires, par exemple de difficultés d’accès particulières, seront-elles prises en considération ?

Il n’est pas concevable que, bien que s’agissant de service public, il ne soit pas tenu compte du fait que certains établissements servent plus que d’autres l’intérêt général ! Cela non plus n’est pas acceptable et ouvre d’ailleurs la porte à de nombreux contentieux.

Enfin, se pose la question, majeure pour nos concitoyens, du maintien en toute zone de tarifs opposables. Nous avons suivi les péripéties auxquelles à donner lieu « l’amendement Préel » à l’Assemblée nationale et ce qu’il est advenu en commission ici. Le résultat immédiat sera évidemment le suivant : nulle part, l’accès à des services de santé à tarifs opposables ne sera désormais garanti !

M. Dominique Leclerc. N’importe quoi !

M. Yves Daudigny. Nous tenterons de vous convaincre, mes chers collègues, de modifier le projet de loi sur divers points, mais, s’agissant du maintien de la garantie de tarifs opposables, même ceux qui ne sont pas encore persuadés de la nécessité des modifications que nous proposons devraient voter unanimement.

Gardons bien en tête que la finalité est la garantie de l’égal accès à des soins de qualité, donc à un hôpital performant, pour toute personne, quels que soient sa situation sociale, ses revenus, son âge ou son lieu d’habitation.

Cette garantie repose, bien sûr, sur un service public qui constitue un des fondements de notre République. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. L’article 1er du projet de loi inventorie très strictement les missions de service public.

Il donne la possibilité aux établissements de santé publics mais aussi aux établissements privés à but commercial de les assurer en totalité ou en partie.

Nous étions en droit d’espérer, et c’est ce que les Français attendaient du Gouvernement, un projet de loi qui améliore l’offre de soins dans notre pays ainsi que la mise en place de mesures adéquates afin que les hôpitaux publics voient leur position renforcée et que les fermetures de services entiers, notamment de maternités de proximité, soient stoppées.

Il n’en est rien. Pis, comme le disait hier soir notre collègue Bernard Cazeau, le scénario que nous entrevoyons est prévisible : acte I, on organise les carences du service public ; acte II, on conclut à son absence de fiabilité ; acte III, on réoriente les décisions et les financements vers le privé. Le tour est joué !

Parmi tant d’autres exemples criants sur le territoire national, je retiendrai celui de l’hôpital de Juvisy-sur-Orge, dans mon département de l’Essonne, où le conseil d’administration avait décidé de fermer les services de chirurgie et de maternité sans aucune justification – financière, sanitaire, sécuritaire ou démographique – valable.

Cette décision, qui vient d’être annulée par le tribunal administratif de Versailles comme vous en avez-vous sans doute, mes chers collègues, été informés, voilà quelques jours à peine, par tous les médias nationaux, avait été prise sous la pression de l’ARH, l’agence régionale de l’hospitalisation, et donc, indirectement, des services du ministère.

Fondée sur des éléments approximatifs, voire erronés, cette décision fait la part belle aux nombreuses cliniques privées du périmètre, ravies de pouvoir exploiter ces activités, en laissant les autres à la charge des hôpitaux publics. À croire que les arguments financiers qui avaient été avancés pour la fermeture des deux services n’effraient pas trop les grands groupes privés, qui ont déjà fait des offres de reprise de l’activité de l’établissement public…

Par ailleurs, cette décision met évidemment en difficulté le service des urgences, qui sert un bassin de plus de 200 000 habitants et qui est contraint de fonctionner en étant amputé de son plateau technique de chirurgie.

Si l’on retient vos critères, madame la ministre, les jours de ce service sont dorénavant comptés puisque vous lui ôtez la possibilité de continuer d’assurer sa mission avec la même qualité des soins.

En raisonnant ainsi, vous condamnez à mort le service public hospitalier ; vous renoncez à ces conceptions d’égalité de qualité et d’intérêt général auxquels nous sommes attachés. Nous ne l’acceptons pas. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous aurions pu espérer autre chose d’un projet de loi visant à redéfinir la place et le rôle de l’hôpital public au sein de notre système de santé.

Nos concitoyens le savent et l’affirment régulièrement : le système de soins français et le dévouement des personnels représentent, ou, dois-je dire, représentaient, des garanties exceptionnelles. Ils le font pourtant en exprimant de plus en plus souvent des inquiétudes vis-à-vis de ce qu’il faut appeler une dégradation sérieuse de l’offre de soins et de l’accessibilité à ces mêmes soins.

C’est pourquoi l’article 1er de ce projet de loi aurait pu et dû prendre appui sur les difficultés constatées de notre système hospitalier, afin d’apporter de meilleures réponses et de marquer ainsi l’ambition légitime et attendue d’une réforme positive en termes d’exigence de qualité et d’égalité d’accès de tous aux soins.

Tel n’est pas le cas, madame la ministre.

En effet, vous avez fait le choix de travestir le besoin de changement, que vous reconnaissez, en des réponses souvent technocratiques, financières, organisationnelles et de gouvernance plus qu’inquiétantes.

Vous continuez de refuser d’écouter les colères, les constats, les propositions des professionnels, des praticiens, des associations et des élus, dont certains sont de votre majorité, et optez pour un texte qui, malgré vos affirmations, n’est issu d’aucune concertation véritable.

Pis, une nouvelle fois, le Président de la République a manifesté son mépris à l’égard du Parlement en imposant de modifier un texte déjà débattu par les commissions parlementaires. L’excès de pouvoir est patent.

Alors que l’article 1er du projet de loi aurait dû avoir vocation à dessiner et à réaffirmer le rôle structurant et incontournable des établissements publics hospitaliers, le Gouvernement a pour objectif d’atténuer et d’effacer l’apport de ces structures à notre système de santé.

Vous le faites au nom de la cohérence, dont a effectivement besoin notre système de santé, mais en tentant de diluer la place respective de l’hôpital public et des établissements privés dans ce dispositif. En effet, prétendre confier des missions de service public en instituant la notion fourre-tout d’« établissements de santé », en mélangeant ainsi secteur privé et secteur public sans définir les responsabilités véritables de chacun, est révélateur d’une rupture. Certes, celle-ci n’est pas soudaine, mais vous souhaitez aujourd’hui l’inscrire dans la loi.

En permettant aux établissements privés de remplir, non sans compensation, des missions de service public, sans que leur incombent les mêmes responsabilités en termes d’accueil et de prises en charge, notamment des populations les plus défavorisées, vous portez un coup à l’hôpital public et à ses populations.

La réalité de notre système hospitalier est que les cliniques privées, notamment en Île-de-France, ont pendant longtemps côtoyé en bonne intelligence les hôpitaux publics. Il a d’ailleurs fallu constater que nombre d’entre elles, qui effectuaient un travail de proximité intéressant, avaient fermé au nom de regroupements imposés par les grands groupes de santé privés, dans l’attente de ce projet de loi.

Ces réorganisations traduisent aussi une évolution de la carte hospitalière, qui se réalise au détriment du secteur public. Le niveau de l’activité chirurgicale pratiquée aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public est révélateur de ce phénomène, certains de mes collègues l’ont déjà souligné. Aujourd’hui, si plus de 65 % de la chirurgie est réalisée dans le secteur privé, ce n’est sans doute pas par philanthropie !

Pour illustrer mon propos, je prendrai un exemple concret, celui de mon département. Dans le Val-d’Oise, une clinique équipée de plateaux ultramodernes est construite à quelques centaines de mètres de l’hôpital public de Pontoise, établissement qui, lui, se débat pour résorber un déficit cumulé de 12 millions d’euros. Pour ce faire, il doit procéder à la suppression de 200 emplois et à la réduction de services rendus à la population de l’agglomération de Cergy-Pontoise. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)

Cette situation n’est malheureusement pas isolée. Le déficit de l’hôpital d’Argenteuil atteint 35 millions d’euros : là encore, la suppression de plus de 200 emplois est annoncée.

Il est même question de fermer l’hôpital de Montmorency en 2012. C’est inacceptable ! Cet établissement a pourtant déjà rempli les engagements demandés par l’Agence régionale de l’hospitalisation au moment de la fusion avec l’hôpital d’Eaubonne. Tout l’investissement apporté autour d’un pôle mère-enfant pour faire avaliser cette fusion administrative serait ainsi perdu et gâché !

Telle est l’évolution d’un service public soumis à des règles financières et à une tarification à l’activité inopérante et mortifère, si nous persistons dans la voie d’une marchandisation accélérée de la santé publique, avec des critères de gestion dramatiquement tournés vers la seule rentabilité.

C’est pourquoi nous considérons que l’inflexion même donnée dès cet article 1er est contraire aux profondes réformes dont notre pays a urgemment besoin en matière de santé publique.

Puissions-nous, madame la ministre, empêcher la fuite en avant d’une rentabilité égoïste, au profit de la solidarité sociale et humaine qu’appelle une politique de santé publique fidèle à notre histoire et à l’histoire de notre système de soins ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec cet article, nous nous engageons vers la privatisation de services entiers de l’hôpital public. Sous couvert de favoriser des partenariats avec le secteur privé, cet article permettra de privatiser les urgences de jour, véritable aspirateur à patients pour les établissements privés. Au-delà, ce sont d’autres unités très rentables qui sont visées.

J’illustrerai mon propos en évoquant le cas du service de radiologie de l’hôpital de Lagny–Marne-la-Vallée, en Seine-et-Marne.

Aux prises avec un déficit de 5 millions d’euros, obligée de mettre en œuvre un plan de retour à l’équilibre, la direction de cet hôpital économise tous azimuts : suppression de 27 postes administratifs et de cadres en 2007, externalisation de fonctions...

La crise de la démographie médicale alourdit un peu plus le climat. Ainsi, le service de radiologie a perdu la moitié de ses effectifs de médecins en quelques années – de 12 postes à 6 postes – et compte actuellement deux postes budgétés, mais vacants. Victime de l’attractivité du privé où les rémunérations sont nettement supérieures à celles qui sont pratiquées dans le secteur public, l’hôpital peine à recruter des radiologues.

À cela s’ajoutent désormais les conséquences de la tarification à l’activité, que nombre de mes collègues ont déjà évoquées. Cette réforme pousse les hôpitaux à privilégier les soins « rémunérateurs » au détriment de leurs missions de service public et conduit les médecins à mener « une course à l’activité ».

Or, dans ce contexte d’asphyxie financière, la direction de l’établissement a dévoilé son intention de privatiser en grande partie l’activité de radiologie. En effet, pour répondre aux besoins du bassin de Lagny–Marne-la-Vallée, en pleine expansion démographique, l’hôpital doit s’agrandir. D’ici à 2011, un nouvel établissement doit être construit dans la commune voisine de Jossigny. Vous vous y êtes d’ailleurs rendue le 17 octobre dernier, madame la ministre, pour y poser la première pierre. Sans doute vous en souvenez-vous, si j’en juge par le titre du quotidien le Parisien : « Jossigny : Roselyne Bachelot huée par des agents hospitaliers »...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Et acclamée par d’autres !

M. Michel Billout. Comme vous le savez, la plupart des activités seront transférées dans ce nouvel établissement. Bien qu’il soit en grandes difficultés financières, l’hôpital de Lagny–Marne-la-Vallée est sommé de participer au financement du projet. Pour réduire encore les coûts, la direction envisage donc de permettre aux « investisseurs libéraux » d’acheter des matériels coûteux de diagnostic, notamment les appareils d’imagerie à résonnance magnétique et les scanners, et, bien entendu, de tirer bénéfice de leur fonctionnement.

Des discussions ont démarré avec l’un des plus puissants cabinets privés de la région, qui a décidé de construire, à 400 mètres du futur hôpital, un immense cabinet d’une capacité de seize salles d’examen. Ce chantier est perçu par les personnels hospitaliers comme une provocation. En effet, comment concilier les missions de service public avec des objectifs de rentabilité, qui conduiront à privilégier les examens rapides pour des patients sélectionnés sur leur solvabilité ?

Nous pouvons nous attendre à une utilisation inégalitaire des équipements, qui réservera aux médecins libéraux les examens les plus intéressants et rémunérateurs, laissant aux personnels hospitaliers publics les examens peu rentables et les épuisantes gardes de nuit et de week-end. Cette perspective est de nature à accélérer encore la fuite des radiologues vers le privé, d’autant que la plupart des radiologues libéraux exercent en secteur II à honoraires libres.

Quand on sait qu’une IRM pratiquée par un médecin de secteur II à dépassements d’honoraires, non remboursés par la sécurité sociale, est tarifée entre 114 euros et 150 euros en Seine-et-Marne, contre 69 euros dans le secteur public, on peut être inquiet pour la prise en charge universelle des patients !

Cette question concerne également les assurés sociaux, la majorité des médecins libéraux pratiquant des dépassements d’honoraires, qui sont financés, dans le meilleur des cas, par les mutuelles ou les assurances privées. Ce projet de loi entraînera donc une nouvelle hausse de cotisations ou des contrats assurant des remboursements différenciés selon la richesse des familles. Il creusera donc encore l’inégalité devant les soins.

En réalité, madame la ministre, à l’opposé d’une véritable politique de « modernisation des établissements de santé », dont vous tentez avec difficultés de vous draper, c’est bien la remise en cause du financement public et solidaire de la santé que vous organisez, au seul bénéfice d’une vision commerciale et spéculative de celle-ci.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le rapporteur, aux questions pertinentes que René Teulade a posées en présentant la motion tendant à opposer la question préalable, vous avez apporté une réponse frappée au coin du bon sens : « un texte ne suffira pas à résoudre tous les problèmes » auxquels le système de santé est aujourd'hui confronté.

Certes. Encore faut-il se demander à quoi sert une loi qui, loin de régler les problèmes qui existent bel et bien – difficultés d’accès aux soins et de permanence des soins dans les quartiers et dans les zones rurales, pratique presque systématique dans certains départements et certaines villes de dépassements d’honoraires sans tact ni mesure, refus opposé aux ayants droit de la CMU par certains praticiens qui ont oublié avoir un jour prononcé le serment d’Hippocrate, saturation des urgences le soir, le week-end ou pendant les vacances d’été, difficultés à trouver des lits de suite, dégradation des conditions de travail du personnel, confronté à des usagers chez lesquels les problèmes de santé et les problèmes sociaux sont parfois très étroitement intriqués –, menace les équilibres existants.

Pourquoi imposer une réforme de plus, après tant d’autres, alors qu’au fil du temps un équilibre a été trouvé au sein des conseils d’administration, les élus locaux, notamment les maires, les usagers, les médecins choisis, issus de la commission médicale d’établissement, les personnels, soignants ou non, dialoguant avec l’administration, avec les représentants de l’Agence régionale de l’hospitalisation, qui sera demain l’Agence régionale de santé et de l’autonomie ?

Pensez-vous sérieusement qu’au sein des conseils d’administration coexisteraient des gestionnaires rigoureux et des idéalistes inconséquents ? Pensez-vous que les membres des conseils d’administration n’ont pas compris depuis longtemps qu’il ne fallait pas confondre rationalisation et rationnement, équilibre budgétaire et logique de profit ?

C’est par la confrontation des points de vue au sein des conseils d’administration qu’ont pu être rapidement mis en évidence les effets pervers de la tarification à l’activité, qui avait pourtant été présentée comme une panacée. Vous en êtes d’ailleurs convenue, madame la ministre, et le financement des missions d’intérêt général, comme le report de la convergence des tarifs entre l’hôpital public et les cliniques privées, en témoigne.

Aucun système n’est bon ou mauvais en soi ; il faut du temps pour mesurer les effets pervers. Cela a été le cas pour la dotation globale, qui constituait des effets de rente pour les établissements les moins innovants et les moins créatifs,...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Tout à fait !

Mme Dominique Voynet. ... sans rémunérer les efforts d’établissements qui entendaient apporter des réponses adaptées aux connaissances et à la complexité des besoins sanitaires des populations.

Aujourd'hui, on refuse de voir les effets pervers de la tarification à l’activité.

D’abord, les établissements privés et l’hôpital public ne pratiquent pas la même médecine. Ce ne sont pas les mêmes actes, ce ne sont pas les mêmes patients, ce n’est pas la même organisation. Ce n’est pas la même chose d’accueillir, sur la base d’une chirurgie réglée, un patient en bonne santé pour une opération de la myopie et un patient en urgence pour un décollement de rétine au cours d’un week-end estival, quand les effectifs sont réduits.

Il est vrai qu’il est bien plus facile d’atteindre l’équilibre budgétaire, voire de dégager des bénéfices, quand on gère un établissement spécialisé équipé pour réaliser quarante ou cinquante actes, toujours les mêmes, avec une équipe aux compétences ciblées, une clientèle triée sur le volet, que lorsqu’on accueille tous les patients, sans exception, en offrant une diversité de compétences, de matériels biomédicaux, de produits pharmaceutiques, une permanence des soins, souvent très spécialisés, et non la prise en charge d’une seule pathologie ou le traitement d’un seul organe.

Ensuite, l’effet inflationniste de la T2A doit être souligné. Même si l’on n’ose pas le dire dans cet hémicycle, la tentation sera grande de multiplier les examens et les actes invasifs, mieux pris en compte que les soins de nursing ou les conseils hygiéno-diététiques.

Je suis peut-être en décalage avec certains de mes collègues sur ce point, mais force est de constater que, depuis bien longtemps, des missions de service public sont assurées par des établissements de santé privés, sur la base de référentiels précis relatifs à la qualification des personnels et à la qualité des soins. Les coopérations entre établissements publics et privés sont devenues la règle dans bien des domaines. Toutes ne sont pas mues par la seule logique du profit ; certaines sont fondées sur une logique citoyenne, voire militante, et résultent du travail d’associations qui ont fait évoluer les pratiques du monde hospitalier ; je pense à l’accompagnement de la naissance ou à la prise en charge des patients atteints de maladies de longue durée, comme le diabète ou le VIH.

Je ne suis pas hostile à l’idée d’un contrat précisant les obligations des uns et des autres et la façon dont ils devront prendre part aux missions de service public à l’échelle d’un territoire de santé. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que les questions posées n’ont reçu aucune réponse. Qui fait quoi ? Dans quelles conditions ? Comment éviter les abus ? Le texte n’est pas « bavard » en la matière ! Et le fait que l’on n’ose même pas demander à un établissement privé d’avoir un volume suffisant d’activités au tarif conventionnel du secteur 1 sans dépassement n’est pas de bon augure pour ce qui concerne le rapport de force et le niveau d’exigence que l’on pourrait avoir à l’égard de tous les établissements privés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, selon un certain nombre des orateurs qui viennent d’intervenir, l’hôpital accueillerait très mal les patients qui s’y présentent.

M. Guy Fischer. Personne n’a dit cela !

M. François Autain. Vous caricaturez nos propos !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je veux en cet instant répéter ce que nous avons dit hier : l’hôpital n’a pas à s’excuser d’être ce qu’il est, à savoir l’un des plus hauts lieux de la médecine. Il accueille celles et ceux que l’on ne veut pas ailleurs ! Il suffirait que la séance de ce soir ait lieu aux urgences de l’hôpital Lariboisière pour le constater.

M. François Autain. Ce n’est pas acceptable !

Mme Marie-Thérèse Hermange. M. Hue doit savoir que, sans une politique de dialogue et de restructuration, la maternité des Bluets, située à Paris, n’aurait jamais été sauvée.

Cependant, la désertification des territoires engendre effectivement des difficultés d’accès aux soins. L’objet du présent projet de loi est justement de coordonner tous les secteurs et tous les acteurs, afin d’optimiser au mieux les services rendus et de toujours mieux assurer les missions des établissements de santé. Madame la ministre, nous vous faisons confiance.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Nous faisons également confiance aux débats qui vont se dérouler pour améliorer le projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord vous rappeler le sens de l’article 1er, afin de répondre avec précision à vos nombreuses interventions. J’évoquerai ensuite le cas de l’hôpital de Juvisy-sur-Orge, puisque celui-ci a été abordé.

L’article 1er, extrêmement important, concerne les missions des établissements de santé et tend à les définir. Il était primordial qu’un seul article du code de la santé publique réunisse l’ensemble des dispositions relatives à ces missions. Ces dernières sont étendues pour prendre en compte la complexité du parcours de soins assurant une bonne prise en charge des patients.

Il faut également reconnaître la diversité des modalités de cette prise en charge. Ainsi, l’hospitalisation à domicile sera désormais considérée non plus comme une alternative à l’hospitalisation, mais comme une hospitalisation au sens strict, à laquelle s’imposent toutes les obligations des établissements de santé.

Certains modes de prise en charge, comme la chirurgie ambulatoire, traitant de cas extrêmement lourds dans un temps très court, la durée du séjour ne sera plus un critère d’appréciation significatif.

Enfin, la prise en charge des patients ne s’arrête pas à l’hôpital : les établissements de santé devront s’impliquer encore mieux et encore plus dans la coordination des soins, sous la responsabilité des agences régionales de santé.

Par ailleurs, et c’est un point également fondamental, les missions de service public peuvent être partagées par tous les établissements. La définition de ces missions est clarifiée. Ce sont les besoins de la population qui devront déterminer leur attribution, et non le statut de l’établissement.

Je vous citerai la courte liste des obligations de service public : la permanence des soins, l’accueil des urgences, la formation, la recherche, l’accueil des personnes en situation de précarité, la prise en charge des soins palliatifs. Par définition, les établissements publics et les établissements de santé privés d’intérêt collectif – les anciens établissements PSPH – exercent et continueront d’exercer ces missions.

Mais si vous l’acceptez, mesdames, messieurs les sénateurs, ces missions de service public seront désormais attribuées sur la base de l’organisation territoriale définie par l’ARS, dans le cadre du schéma régional de l’organisation des soins. Par exemple, en cas d’absence d’offre publique ou s’il est pertinent de mobiliser, dans l’intérêt des patients, une compétence d’excellence, pour une activité donnée, qui n’existe sur le territoire que dans un établissement privé, cette activité pourra être confiée à cet établissement par l’agence régionale de santé.

Cette mesure a pour objet d’offrir à la population, sur l’ensemble du territoire, un accès à des soins hospitaliers, ainsi que la permanence des soins dans les activités qui le nécessitent, quels que soient le statut des établissements et l’historique de leur répartition.

Certains d’entre vous ont vu dans cette disposition le démantèlement du service public. Pour ma part, je n’y vois que le renforcement des droits des citoyens à bénéficier d’un véritable service public de santé.

Bien évidemment, les missions de service public sont assorties de contreparties. Elles sont identifiées dans le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens conclu entre l’ARS et l’établissement et font l’objet d’un encadrement renforcé. Elles sont assorties d’obligations particulières, notamment pour les établissements privés : une obligation d’accueil et d’orientation de tous les patients, l’application de tarifs conventionnés sans dépassement pour l’ensemble de la prise en charge des patients accueillis en urgence ou au titre de l’une de ces missions de service public. Ces dernières peuvent aussi donner lieu à une rémunération spécifique, qui en est la juste contrepartie.

Les missions d’enseignement et de recherche qui pourraient être confiées à un établissement privé le seraient sous le contrôle des centres hospitaliers et universitaires, dans le cadre d’une convention spécifique.

La définition des missions des établissements de santé esquisse le nouveau paysage, à savoir une offre de soins complète, mobilisant toutes les compétences au service de la population dans un territoire.

Il est créé, dans le projet de loi, une qualification d’« établissement de santé privé d’intérêt collectif », ou ESPIC ; comme j’ai pu le constater lors d’un congrès, l’ensemble du secteur s’est approprié cette nouvelle dénomination.

M. François Autain. Ce n’est pas grâce à vous !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les établissements privés qui assurent déjà des missions de service public et remplissent les obligations qui leur sont attachées ont toute leur place et pourront continuer à exercer ces missions ; je pense particulièrement aux centres de lutte contre le cancer. Ces établissements seront tenus de respecter les obligations d’accueil et d’orientation de tous les patients, ainsi que d’appliquer des tarifs conventionnés.

Toujours dans l’optique de garantir l’accès aux soins le plus juste, l’article 1er vise à redéfinir la place des centres de santé – il en existe 1 457 en France –, qui contribuent à l’offre de soins de proximité, très souvent en milieu urbain, dans le cadre d’un exercice en majorité pluridisciplinaire et salarié.

Le cadre juridique des centres de santé était obsolète. Le projet de loi tend à réaffirmer la place de ceux-ci dans l’offre de soins de proximité et à moderniser leur mode de fonctionnement. Bien entendu, toutes ces mesures ont été élaborées en coordination avec les acteurs de ces centres de santé.

Les travaux de la commission ont été très fructueux et ont donné à l’article 1er une clarté rédactionnelle. D’une manière générale, les précisions apportées recueillent l’assentiment du Gouvernement.

Les missions de service public mentionnées dans le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens d’un établissement privé s’imposent également aux professionnels libéraux qui y exercent leurs compétences. À l’évidence, ces missions ne pourraient être assurées sans l’assentiment et le concours des praticiens. C’est pourquoi j’ai proposé un amendement, qui a recueilli l’avis favorable de la commission.

Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les précisions que je voulais vous apporter sur ce très important article 1er, afin de répondre, de façon complète, à un certain nombre d’interrogations.

Je souhaite maintenant revenir plus précisément sur le cas de l’hôpital de Juvisy-sur-Orge. La délibération du conseil d’administration de cet établissement sur le projet médical a été annulée par le tribunal administratif pour une question non pas de fond, la date de fermeture des services ayant été acceptée, mais de forme, le maire s’étant fait remplacer lors de la délibération.

Je souhaite revenir sur le fond de la décision. L’hôpital de Juvisy-sur-Orge dessert une population fragile. Il joue donc un rôle social important. J’ai voulu renforcer le service des urgences, l’offre de soins en médecine et en soins de suite. Une restructuration était nécessaire : elle comprend la fermeture des activités de chirurgie et de maternité et l’augmentation de la capacité d’intervention dans les secteurs précités.

Cela résulte d’un choix non pas de l’administration sanitaire, mais de la communauté médicale de l’établissement concerné, j’y insiste. Vous avez-vous-même indiqué que la communauté médicale devait participer au projet médical de l’établissement. C’est chose faite !

Pourquoi la communauté médicale a-t-elle pris cette décision ? Tout simplement parce que l’hôpital de Juvisy-sur-Orge n’a accueilli, en 2007, que 3,3 % des séjours de plus de quarante-huit heures des patients résidant sur son territoire de santé. De plus, 80 % des parturientes de cette commune et des villes situées à proximité, notamment de Grigny, recourent aux services des autres établissements publics proches : l’hôpital de Longjumeau, le centre hospitalier sud francilien, l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges.

Très sagement, la communauté médicale a préféré se concentrer sur des activités pour lesquelles elle offre un service de qualité aux patients, les moyens étant, de surcroît, renforcés. Elle a donc jugé préférable de réorganiser l’offre de soins. Les habitants de Juvisy-sur-Orge avaient depuis longtemps fait leur choix et avaient, si je puis dire, voté avec leurs pieds !

M. le président. L'amendement n° 371, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Au travers de cet amendement de suppression, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG entendent s’opposer à ce qui s’apparente à une privatisation, à terme, de notre service public hospitalier.

Madame la ministre, avant le passage du texte en commission et la réécriture complète de l’article 13, vous nous proposiez de privatiser les hôpitaux eux-mêmes, en autorisant des groupements dont feraient partie des établissements publics, privés non lucratifs et commerciaux, à recevoir la qualification d’établissements publics de santé.

Toutefois, ce recul ne nous fait pas oublier le maintien d’autres dispositions tout aussi dangereuses, comme l’encouragement du recours aux cliniciens hospitaliers, l’instauration d’éléments de rémunération variable et de critères quantitatifs, la suppression du conseil d’administration, remplacé par un conseil de surveillance directement inspiré du privé, enfin, bien sûr, cet article 1er, qui confère aux établissements commerciaux les missions actuellement exercées par les services publics hospitaliers.

Cette mesure s’inspire, bien sûr, des réformes menées par les gouvernements libéraux des autres pays, à commencer par les États-Unis et, plus près de chez nous, l’Allemagne, où nous nous sommes d'ailleurs rendus.

Ce dernier pays connaît, depuis les années 1990, un mouvement de privatisation, qui s’est considérablement amplifié depuis les années 2000. Cette tendance a accompagné une réforme d’ampleur relative au financement des hôpitaux, appelée outre-Rhin diagnosis related grouping, qui est en réalité très proche de la tarification à l’activité.

Or ce mode de financement a eu pour conséquence une aggravation des déficits des établissements publics de santé allemands, conduisant les autorités fédérales à privatiser les hôpitaux. Mes chers collègues, les mêmes causes produisant les mêmes effets, convenez qu’il y a de quoi s’inquiéter !

Au surplus, les grands gagnants de cette ouverture du système hospitalier public allemand ont été d’abord et surtout les cliniques privées lucratives qui, en 2006, représentaient 27 % des établissements de santé, contre 14,8 % en 1991. Les hôpitaux publics, quant à eux, ne comptent plus, aujourd’hui, que pour 34 % des établissements de santé.

Cette privatisation, outre qu’elle réalise un transfert des biens collectifs, fruits de l’impôt et des cotisations sociales, en direction des intérêts privés, autrement dit un déplacement de la richesse commune vers les richesses individuelles, s’est traduite en Allemagne, comme ce sera inéluctablement le cas dans notre pays, par une dégradation de la qualité du système hospitalier. En effet, ce que visent les actionnaires des groupes privés de santé, c’est d’abord et avant tout la rentabilité !

À titre d’exemple, toujours en Allemagne, dans les établissements privés commerciaux, la masse salariale a diminué de 9 % en moins de dix ans, alors que la quantité de travail, en raison du transfert de missions de service public, de l’envolée actuelle de la pauvreté en Allemagne et de l’apparition de clients supplémentaires a, quant à elle, explosé. Conséquence de cette évolution, l’index de satisfaction des patients s’est clairement détérioré !

Mes chers collègues, je vous invite, si vous souhaitez en savoir plus, à lire le très instructif article du docteur Nicolas Daly-Schveitzer, médecin cancérologue-radiothérapeute à l’institut Gustave Roussy de Villejuif et professeur des universités.

Au final, la privatisation des missions de service public que vous êtes en train de réaliser, madame la ministre, jouera contre l’intérêt des malades et de la santé publique. Cette logique politique de libéralisation vise d’abord, et surtout, à déstructurer le modèle social de notre pays, à « marchandiser » tous les pans d’une économie qui reposait avant tout sur la solidarité, quitte à satisfaire, contre les intérêts de la majorité, les intérêts financiers de ceux qui jouent la santé en bourse.

C’est pourquoi l’article 1er, véritable socle de ce projet de loi, mérite d’être supprimé : de toute évidence, son adoption conduirait inéluctablement – certes pas du jour au lendemain, car de telles réformes s’appliquent sur une décennie, voire plusieurs – à une privatisation de la santé.

Les grands groupes à capitaux étrangers sont en embuscade. Maintenir cet article reviendrait donc à ouvrir la porte à la Compagnie générale de santé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Je voudrais rendre hommage au groupe CRC-SPG – cela ne m’arrivera pas souvent au cours de ces débats – pour sa logique et sa constance. En effet, comme nous le verrons, il a déposé sur chaque article du projet de loi un amendement de suppression. Avec la même logique et la même constance, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression. D’autant que, s’agissant de l’article 1er, il ne privatise en rien l’hôpital public. (Applaudissements sur les travées de lUMP. - Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’émets le même avis que M. le rapporteur. J’ai déjà longuement argumenté sur ce point dans mes propos liminaires.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Nous ne nous laisserons pas abattre comme cela ! (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)

M. Adrien Gouteyron. Qu’est-ce qui peut abattre M. Fischer ? (Sourires.)

M. Guy Fischer. Madame la ministre, c’est un constat : depuis plus de trente ans, et particulièrement ces dix dernières années, les hôpitaux publics français s’inspirent du mode de gouvernance et de gestion des établissements privés lucratifs, et nous l’admettons.

Pour ceux qui dirigent les hôpitaux, il ne s’agit pas réellement d’un choix, car ils obéissent aux directives données par un pouvoir politique toujours plus préoccupé par la rentabilité et, d’une manière générale, par la diminution des dépenses publiques, donc des coûts hospitaliers.

Ce mouvement n’est pas propre à la France : il est européen. Il est logique, dès lors que l’on mesure ces réformes à l’aune des politiques libérales qui sont partout menées. D'ailleurs, M. About, président de la commission des affaires sociales, ainsi que M. Vasselle, qui suit les questions hospitalières, nous ont fait accomplir un véritable tour d’Europe pour nous permettre de connaître la situation de ces établissements.

Partout, émerge un principe nouveau : la corporate gouvernance, c'est-à-dire l’art de gouverner les établissements publics de santé comme des entreprises !

Pour mémoire, certains hôpitaux allemands, anciennement publics, sont aujourd’hui constitués sous forme sociétale. On constate également, partout en Europe, que certains services sont externalisés et que le secteur privé commercial se trouve associé au public dans différentes formules de coopération, quand on ne lui confie pas, tout simplement, la gestion à part entière d’un hôpital.

Pour appliquer votre politique de rigueur dans les hôpitaux, vous procédez à une décentralisation des régimes de santé et des services publics, comme en Allemagne, au Portugal ou en Angleterre, où a été menée une réforme du NHS, le National Health Service.

Toutefois, ce transfert, s’il vous permet de vous dégager de vos responsabilités, vous permet aussi, et c’est là tout votre talent, de renforcer le rôle du Gouvernement dans la gestion des hôpitaux et dans la diminution des dépenses : d'une part, vous comprimez les dépenses hospitalières et, d'autre part, vous jouez sur la gestion des risques qui, avec ce projet de loi, passe de l’UNCAM aux directeurs des agences régionales de santé, autant dire à votre administration, madame la ministre. Nous assistons à une étatisation régionalisée de la santé !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non ! La réforme est menée dans un cadre national !

M. Guy Fischer. Comme avec les universités, pour parvenir à vos fins, vous jouez la carte de l’autonomie, qui est censée conférer plus de force aux établissements.

Toutefois, pour vous comme pour vos amis européens, les Merkel, Berlusconi et consorts, tous tenants du nouveau management public, la décentralisation politique doit s’accompagner de réformes en matière d’organisation, qui sont consacrées ici par la T2A, la convergence tarifaire et le démantèlement du service public hospitalier.

Ces réformes interviennent en trois étapes.

La première vise à développer l’autonomie : c’est l’application de la T2A, notamment.

La deuxième phase des projets européens de privatisation, c’est la transformation de la notion d’administration : l’hôpital devient une entreprise paraétatique, où toutes les règles de gouvernance et de rentabilité s’appliquent. Nous sommes au cœur de cette étape ! Il s'agit d’une véritable opération de soumission des établissements publics de santé à la règle des marchés. Ce processus, la Banque mondiale, qui s’intéresse particulièrement au sujet, et plus encore dans les pays en voie de développement, l’appelle la « corporatisation » !

Enfin, la troisième étape, que vous tentez de dissimuler aujourd’hui, madame la ministre – mais nos concitoyens ne sont pas dupes, et ils le montreront demain –, c’est le transfert complet de la gestion de l’hôpital au secteur privé commercial, c'est-à-dire la privatisation.

Voila le processus qui est à l’œuvre aujourd’hui ! Voilà comment, pas à pas, astucieusement, vous privatisez l’hôpital public. Voilà comment, contre l’intérêt du public, vous confiez au secteur privé commercial une partie de la santé de nos concitoyens.

C’est pourquoi, mes chers collègues, nous souhaitons que vous votiez cet amendement. Monsieur le président, je demande, au nom du groupe CRC-SPG, que le Sénat se prononce par scrutin public. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.

M. Bernard Cazeau. M. Fischer a détaillé le scénario en trois étapes que j’évoquais hier lors de la discussion générale : acte 1, on organise les carences de l’hôpital public, dont on tient bien sûr les rênes grâce à l’étatisation ; acte 2, on conclut à l’absence de fiabilité de l’hôpital ; acte 3, on réoriente les décisions de soins et les financements vers le secteur privé. Et le tour est joué !

Monsieur Fischer, vous nous avez fait une démonstration éclairante à partir de l’exemple allemand. Nous vous suivrons et voterons l’amendement n° 371 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 371.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 151 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l’adoption 137
Contre 203

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 185, présenté par M. Beaumont, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6111-1 du code de la santé publique par une phrase ainsi rédigée :

Le domicile peut être un établissement avec hébergement régi par le code de l'action sociale et des familles.

La parole est à M. René Beaumont.

M. René Beaumont. Par cet amendement, nous souhaitons non pas bouleverser complètement l’organisation du service public de la santé, mais simplement tenter modestement de l’améliorer, notamment dans les zones périurbaines et les zones rurales : il s’agit d’assimiler à un domicile les chambres des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ce qui permettrait aux personnes âgées hébergées de bénéficier, le cas échéant, des prestations de l’hôpital public le plus proche.

Depuis 2007, les établissements de santé ont la possibilité d’intervenir dans les EHPAD, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, par le biais de leur service d’hospitalisation à domicile et de leurs équipes spécialisées en gériatrie ou en soins palliatifs.

Notre objectif est d’étendre l’intervention de ces services à l’ensemble des structures médicosociales accueillant des personnes âgées. Il se trouve que le droit positif n’apporte pas de réponse à la question du domicile des patients. Il est donc nécessaire de préciser ce que l’on entend par « domicile », c’est-à-dire le lieu d’intervention.

Le présent amendement contribue à asseoir les activités d’hospitalisation à domicile, conformément à l’esprit ayant présidé à la rédaction de ce projet de loi, et à étendre l’accès aux soins hospitaliers à tous nos concitoyens, sur l’ensemble du territoire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement est intéressant. En effet, les structures d’hospitalisation à domicile doivent pouvoir intervenir dans tous les lieux où résident leurs patients. Il faut éviter toute ambigüité en la matière.

La commission est donc favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je remercie M. Beaumont de cet excellent amendement. Mme Létard et moi-même y sommes favorables ; le domaine concerné est en effet au confluent du champ sanitaire et du domaine médicosocial.

La proposition d’étendre l’intervention des établissements de santé à domicile à l’ensemble des structures de soins médicosociales dans lesquelles sont hébergés durablement certains patients –  personnes âgées, personnes handicapées – est tout à fait pertinente : le droit positif n’apportant pas, pour l’instant, de réponse à la question du domicile du patient, il était utile de préciser par voie législative que celui-ci peut être une structure médicosociale avec hébergement. Nombre de personnes attendaient cette précision. (Très bien ! sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.

M. Jacques Blanc. J’aimerais être assuré que le fait d’apporter cette précision ne change en rien la notion de domicile de secours. (Mme la ministre fait un signe d’assentiment.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 185.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 309, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 6111-2 du code de la santé publique, après le mot :

santé

insérer les mots :

, dans le cadre d'une démarche partenariale impliquant l'ensemble des corps professionnels concernés par la démarche de soins,

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Cet amendement vise à parfaire la qualité et la sécurité des soins. En effet, le paragraphe II de l’article 1er a trait à l’élaboration et à la mise en œuvre par les établissements de santé, d’une part, d’une politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins, d’autre part, d’une gestion des risques destinée à prévenir et à traiter les événements indésirables liés à leur activité.

On doit noter qu’une démarche globale de gestion des risques destinée à assurer la sécurité des personnes et des pratiques représente un enjeu de taille, compte tenu du nombre important d’événements indésirables graves liés aux soins qui surviennent chaque année en cours d’hospitalisation. Selon une enquête relativement récente, ces derniers seraient estimés à près de 190 000 par an, ce qui n’est pas rien.

C’est pourquoi nous proposons que cette politique d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins soit élaborée selon une démarche partenariale impliquant l’ensemble des corps professionnels concernés.

La concertation, qui est au cœur d’une démarche partenariale entre tous les professionnels intervenant dans l’établissement de santé – médecins, infirmiers, aides-soignants, psychologues, ou autres –, démarche tournée vers la prévention et la réduction des risques, semble en effet essentielle pour rendre plus efficace le combat constant qui doit être conduit en faveur de la qualité et de la sécurité des soins.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Il est évident que les médecins ne sont pas les seuls à agir en faveur de l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins. L’article 1er traite des missions qui incombent aux établissements pris dans leur ensemble.

La commission, estimant que cet amendement n’était pas utile, a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La démarche proposée ne relève pas de la loi. Pour cette raison, l’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 309.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 310, présenté par M. Desessard, Mme Voynet, MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mmes Demontès et Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 6111-2 du code de la santé publique, après le mot :

soins

insérer les mots :

, de l'accueil, de l'information et du droit d'accès des patients à leur dossier médical,

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Il est fondamental d’assurer la qualité et la sécurité des soins, de lutter contre les maladies nosocomiales.

Si la qualité des soins, au sens de sécurité des soins, semble être acquise, en revanche, la politique de qualité doit, selon nous, prendre en compte non seulement les conditions d’accueil des patients et leur information, mais aussi leur droit d’accéder aux informations médicales qui les concernent : c’est là un objectif un peu différent de ceux qui sont affichés dans le texte tel qu’il est actuellement rédigé, mais tout à fait complémentaire.

Les rédacteurs de cet article ont complètement évacué cette dimension pour se concentrer uniquement sur la lutte contre les événements indésirables. C’est une chose regrettable, que nous proposons de corriger par cet amendement : il vise à élargir le champ de la politique de qualité à l’accueil des patients, à leur information, à leur droit d’accès à leur dossier médical.

Certes, il pourrait m’être objecté que tout cela est déjà prévu dans la loi. Cependant, les associations d’usagers ont bien mis en évidence les difficultés auxquelles se heurtent les personnes qui demandent la consultation de leur dossier après coup.

Chacun connaît la situation des services d’urgence : encombrement, patients attendant des heures sur des brancards alignés dans un couloir faute de places disponibles dans les services, diagnostics tardifs, suivis, parfois, de conséquences irréversibles faute d’une prise en charge en temps et en heure, autant de dysfonctionnements pour lesquels les usagers attendent des réponses concrètes.

La qualité de l’accueil doit être une préoccupation constante du corps médical et des personnels soignants.

De même, les patients sont souvent confrontés à des difficultés pour obtenir des renseignements de la part du corps médical sur l’état d’avancement de leurs examens et sur les traitements prescrits. Cela est dû non pas à la mauvaise volonté du personnel ou du corps médical, mais au manque de temps pour répondre de façon intelligible, adaptée et non anxiogène, surtout en situation d’urgence. La charge de travail dans les services est telle qu’il est difficile d’apporter ces réponses tout en respectant la souffrance et l’angoisse des familles.

Le principe du droit d’accès au dossier médical et à des informations adaptées me paraît devoir être revu. Ce sont désormais des obligations auxquelles les établissements de santé ne doivent plus pouvoir se soustraire.

Les accidents médicaux qui ont plusieurs fois conduit à des décès dans les hôpitaux de la région parisienne ces derniers mois étaient dus non pas à des infections nosocomiales, mais à des problèmes liés à la surcharge de travail et au manque d’attention portée aux patients qu’elle entraîne inévitablement.

En réservant du temps à l’écoute et à la prise en compte des besoins des patients, en dégageant les moyens nécessaires, on contribuera sans doute à réduire ce type de dysfonctionnement.

Vous me répondrez peut-être que cela fait déjà partie des missions de la commission des relations avec les usagers et de la prise en charge du patient.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Absolument !

Mme Dominique Voynet. Sans doute ! Cependant, une commission réfléchit et formule des propositions. Cela ne remplace pas le travail du législateur, qui doit intégrer dans la loi le résultat de ce travail et cette volonté d’améliorer la qualité et la sécurité des soins, notamment par un meilleur accueil et de meilleures informations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. L’article 71–2 traite exclusivement de la politique d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins. C’est un autre sujet que ceux de l’accueil et du droit à l’information des malades, qui font d’ailleurs l’objet d’autres dispositions du code de la santé publique.

La commission, préférant laisser à l’article 1er sa cohérence, émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les intentions louables de Mme Voynet sont d’ores et déjà traduites dans les faits. Des dispositions complémentaires viendront appuyer cette démarche, dispositions que nous examinerons ultérieurement.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Je soutiendrai cet amendement. J’estime en effet que, même si une telle mesure n’a pas sa place dans cette partie du texte, elle doit figurer dans le code de la santé publique compte tenu des difficultés, voire de l’impossibilité pour les malades d’obtenir leur dossier médical ; ils sont souvent obligés de passer par la CADA, la commission d’accès aux documents administratifs. Insérer une telle disposition dans le code de la santé publique rendrait peut-être cet accès plus facile.

Selon Mme la ministre, cet accès serait déjà possible dans les faits. Je constate que tel n’est malheureusement pas le cas.

La loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, fait obligation aux structures hospitalières de mettre l’accent sur l’information, cette dernière étant reconnue comme étant un élément très important dans la démarche de soins.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous êtes donc satisfait !

M. François Autain. Cette obligation n’est pas toujours bien respectée !

Je reviens, pour y insister, sur le droit d’accès des patients à leur dossier médical : je voudrais être sûr que tout patient qui le désire peut accéder à son dossier médical. Une disposition comme celle qui nous est proposée permettrait sans aucun doute de résoudre ce problème.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 310.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 586 rectifié bis, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Charasse et Chevènement, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 6111-2 du code de la santé publique, après le mot :

médicament

insérer les mots :

, en particulier des génériques,

La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Je souhaite que les établissements de santé, dans le cadre de la politique du médicament qu’ils sont amenés à définir, fassent en particulier la promotion des médicaments génériques. Il s’agit en effet d’une précision importante à mes yeux.

Dans les hôpitaux, les chefs de service prescrivent une molécule, mais le pharmacien de l’établissement, lié au marché conclu avec le fournisseur, ne délivre souvent qu’une seule spécialité de cette molécule. Si cette situation n’a pas de graves conséquences lorsque le médicament est similaire à celui qui est prescrit, elle peut cependant avoir un double effet.

D'une part, dans le cas de présentations quelque peu différentes, cela peut influencer la poursuite du traitement.

D'autre part, madame la ministre, vous avez vous-même mené une politique de promotion des médicaments génériques en médecine de ville. Or, lorsque le patient quitte l’hôpital, c’est très souvent la spécialité qui lui a été administrée dans l’établissement qui se retrouve prescrite sur l’ordonnance.

Par conséquent, il convient de laisser aux chefs de service une liberté de prescription au sein des établissements et de poursuivre la politique en faveur des médicaments génériques, qui commence à porter ses fruits en médecine de ville.

Je constate d’ailleurs que, sur ce point, ma collègue Dominique Voynet et moi-même partageons la même préoccupation, bien que nous ayons souvent eu des divergences de vue par le passé !

M. le président. Le sous-amendement n° 1215, présenté par M. Fortassin, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa de l’amendement n° 586 rectifié, après le mot :

génériques

insérer les mots :

dûment contrôlés

Ce sous-amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 311, présenté par M. Desessard, Mme Voynet, MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mmes Demontès et Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 6111-2 du code de la santé publique, après le mot :

stériles

insérer les mots :

, notamment en faveur de l’usage des médicaments génériques,

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Voilà que M. Barbier trahit ici nos secrets ! (Sourires.) Nous avons effectivement, dans une autre vie, travaillé ensemble, lui en tant que chirurgien, moi en tant qu’anesthésiste, au sein d’une même équipe. Nous évitions souvent – pas toujours, mais souvent – les discussions politiques, pour pouvoir rester concentrés sur notre travail. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)

Mme Isabelle Debré. Cela valait mieux pour le patient ! Nous voilà rassurés !

Mme Dominique Voynet. Nous étions attentifs à la qualité des soins et au bien-être des patients !

J’en viens à l’amendement n° 311.

Aujourd’hui, tout le monde, ou presque, le sait, les médicaments génériques sont disponibles sous de nombreuses formes et offrent un grand choix de traitements adaptés à tous les patients. Ils sont en moyenne 30 % moins cher que les médicaments de marque, pour une efficacité et une qualité identiques.

À l’heure où la sécurité sociale presse les médecins libéraux et les pharmaciens de délivrer, dans la mesure du possible, des médicaments génériques à leurs patients, rien ne semble être fait du côté de l’hôpital pour les promouvoir. Cela aurait pourtant le grand mérite de favoriser une baisse du coût moyen d’acquisition des médicaments, qui représente un poste important du budget des établissements hospitaliers.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les médicaments princeps sont parfois moins chers que les médicaments génériques !

Mme Dominique Voynet. Monsieur About, dans le cadre de la maîtrise médicalisée des dépenses et dans l’optique de mettre fin à l’idée, encore trop répandue, que les médicaments génériques pourraient être d’une efficacité inférieure, il me semble important d’encourager leur usage à l’hôpital. Mais sans doute allez-vous me répondre que l’alinéa dont il est question traite d’un autre sujet, à savoir la sécurité des soins.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas du tout !

Mme Dominique Voynet. En outre, nous devrions être plus vigilants en ce qui concerne les dispositifs médicaux stériles à usage unique, également mentionnés dans le texte en question, car leur prix est souvent extravagant.

J’ai personnellement étudié le coût de certains de ces matériels utilisés en grande quantité dans nos hôpitaux. Le prix d’une sonde urinaire, avec un sac de recueil, peut ainsi atteindre plusieurs centaines d’euros, alors que ceux-ci sont utilisés pour des dizaines, voire des centaines de malades dans un même établissement et qu’ils sont changés tous les jours : voilà qui est profondément choquant !

Il faut donc examiner cette question de très près, car le fait d’établir une relation un peu plus serrée avec les fournisseurs permettrait d’apporter des améliorations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Je tiens tout d’abord à rappeler que les génériques sont aussi des médicaments.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !

M. Alain Milon, rapporteur. La précision demandée par les auteurs des amendements nos 586 rectifié bis et 311 n’est donc pas indispensable.

Par ailleurs, s’il est souhaitable que, lors des prescriptions réalisées en ville, les médecins hospitaliers aient davantage le réflexe « génériques », il faut rappeler que, dans le cadre de l’hôpital, l’utilisation de tels médicaments ne diminue pas forcément les dépenses.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !

M. Alain Milon, rapporteur. Cela étant, la commission ayant été, dans sa majorité, sensible aux préoccupations des auteurs de ces deux amendements, elle a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame Voynet, monsieur Barbier, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements, non pas, bien entendu, sur le fond, car nul n’est plus attaché que moi à la diffusion des médicaments génériques et à leur qualité.

Ces derniers, comme les médicaments princeps, sont soumis à une autorisation de mise sur le marché, ou AMM, qui garantit la qualité et la sécurité de l’utilisation des produits. Les médicaments génériques sont ainsi évalués avec la même rigueur, dans les mêmes conditions et selon les mêmes critères que les autres médicaments.

Aucun médicament ne peut être mis sur le marché d’un État membre de l’Union européenne sans qu’une AMM ait été délivrée par l’autorité compétente, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ou l’Agence européenne des médicaments. Une telle démarche nous donne toutes les assurances en termes de qualité.

Si vous souhaitez développer les médicaments génériques dans les établissements de santé, c’est bien sûr pour des raisons économiques, afin d’obtenir les produits au meilleur coût.

M. François Autain. Pas seulement !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Bien évidemment, j’entends moi aussi développer l’utilisation des médicaments génériques à l’hôpital ; ils font partie intégrante de la politique du médicament que les établissements de santé mettent en place.

Toutefois – le président Nicolas About pourra sans doute confirmer mes propos –, la politique d’achat des médicaments repose sur des appels d’offres, et il peut arriver que le médicament princeps soit moins cher que le médicament générique.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il s’agit donc d’une question non pas de qualité, mais de coût. L’intérêt de l’hôpital est d’acheter au mieux-disant, qui peut être, dans certains cas, le fabricant du médicament princeps et, dans d’autres, le fournisseur du médicament générique.

Croyez-moi, les pharmaciens hospitaliers font extrêmement attention au respect des procédures et veillent, bien entendu, à acheter les produits au meilleur coût. Il s’avère qu’à l’hôpital certains médicaments peuvent être achetés à très bas prix, parce que les laboratoires consentent de très fortes ristournes pour obtenir le marché.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Aussi la promotion des médicaments génériques à l’hôpital doit-elle surtout s’accompagner du développement de la prescription en dénomination commune internationale, ou DCI,...

M. François Autain. Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. …particulièrement pour les ordonnances de sortie et pour celles qui sont délivrées à l’occasion de consultations externes. Ce faisant, les officines pourront délivrer des médicaments génériques.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les textes d’application du projet de loi préciseront les dispositions à mettre en œuvre dans le domaine de la politique du médicament, en matière, notamment, de prescription, de bon usage et de lutte contre la iatrogénie médicamenteuse.

Par conséquent, madame Voynet, monsieur Barbier, vos préoccupations sont largement satisfaites.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur l’amendement n° 586 rectifié bis.

Mme Dominique Voynet. Madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes ici confrontés au syndrome dit « du lait maternisé ». Vous connaissez tous le comportement de ces laboratoires qui distribuent larga manu des échantillons de lait aux mamans en sachant très bien qu’une grande majorité d’entre elles, à leur sortie de la maternité, continueront à acheter la même marque de lait que celle à laquelle elles se sont habituées pendant leur hospitalisation. Voilà comme cela fonctionne !

M. François Autain. C’est du marketing !

Mme Dominique Voynet. Le médicament princeps acheté sur appel d’offres peut, certes, s’avérer très peu coûteux, mais le même médicament, vendu en ville, sera assurément plus cher que le médicament générique.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le pharmacien procédera à la substitution !

Mme Dominique Voynet. Il importe d’étudier de nouveau cette question. La stratégie développée par les laboratoires au sein des hôpitaux est efficace : dans l’esprit des patients, puisque c’est le médicament princeps qui leur a été délivré à l’hôpital, c’est sans doute parce qu’il est meilleur que le médicament générique que l’on cherche à leur « refiler » après leur sortie.

Mme Dominique Voynet. Par conséquent, si l’on veut donner à penser que le médicament générique est effectivement d’une qualité identique, on doit faire en sorte qu’il soit aussi prescrit de façon banale à l’hôpital.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Personne ne dit le contraire, mais l'hôpital est lié au résultat de l’appel d’offres. Les fournisseurs de médicaments génériques n’ont qu’à baisser leurs prix !

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Madame la ministre, ce n’est pas uniquement pour des raisons économiques que l’on doit encourager la prescription des médicaments génériques à l’hôpital.

Vous vous en souvenez sans doute, c’est lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 que nous avons rendu obligatoire la prescription en DCI des médicaments pour les médecins généralistes. Cette décision sera d’ailleurs sans doute difficile à mettre en œuvre. Pour autant, dès lors qu’une telle obligation incombe aux médecins, il faudrait les former à cette prescription, et le meilleur moyen pour ce faire est de développer, à l’hôpital, la prescription en DCI, par le biais des médicaments génériques.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre, et M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela n’a rien à voir !

M. François Autain. La mesure proposée n’a donc pas seulement un avantage économique : elle a aussi une vertu pédagogique.

Pour cette raison, je soutiendrai les amendements nos 586 rectifié bis et 311. Je ne comprends d’ailleurs pas que vous vous opposiez à cette disposition, madame la ministre, puisque vous avez reconnu vous-même dans votre intervention qu’elle présentait nombre d’avantages.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Autain, tout le monde l’aura compris, l’hôpital passe un appel d’offres, et c’est le mieux-disant qui l’emporte, qu’il s’agisse, je le répète, de médicaments génériques ou de médicaments princeps. Le développement de la prescription en DCI relève d’une démarche à laquelle je souscris, mais il s’agit d’une tout autre question !

Mme Dominique Voynet. L’un n’empêche pas l’autre !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L’appel d’offres est formulé en DCI !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Absolument !

Finalement, vous laissez sous-entendre que les établissements hospitaliers pourraient passer des marchés avec des fournisseurs de produits plus chers uniquement pour habituer les praticiens à prescrire en DCI. Cela n’a pas de sens !

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas ce qui a été dit !

M. François Autain. Vous m’avez mal compris, madame la ministre !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L’appel d’offres se fait en DCI. Y répondent un certain nombre de laboratoires. Le mieux-disant est retenu. Par ailleurs, il faudra effectivement veiller à ce que les médecins prescrivent en DCI.

Enfin, je le rappelle, dans 80 % des cas, les pharmacies substituent des médicaments génériques aux médicaments princeps : c’est donc un vrai succès !

M. François Autain. Sauf que le répertoire ne se développe pas vite !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 586 rectifié bis.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 311 n’a plus d’objet.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J’espère que la disposition que nous venons d’adopter disparaîtra au cours de la navette, car point n’est besoin d’entretenir une certaine animosité à l’égard des fabricants de médicaments princeps !

M. le président. L’amendement n° 676, présenté par Mme Hermange, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l’article L. 6111-2 du code de la santé publique par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les établissements de santé mettent à la disposition du public les résultats, publiés chaque année, des indicateurs de qualité et de sécurité des soins dans les conditions définies par arrêté du ministre chargé de la santé.

« Lorsque le directeur général de l’agence régionale de santé constate le non-respect des dispositions prévues à l’alinéa précédent, il peut prendre les mesures appropriées, notamment une modulation des dotations de financement mentionnées à l’article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. M. le rapporteur l’a souligné, l'article 1er traite de la politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins. C’est la raison pour laquelle il m’a paru opportun d’y préciser que les établissements de santé mettent à la disposition du public les résultats, publiés chaque année, des indicateurs de qualité et de sécurité des soins, lesquels doivent être communs à tous les établissements.

Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi fait référence à ces obligations, mais dans deux articles différents, l’un étant consacré aux établissements publics, l’autre aux établissements privés. L’objet du présent amendement est de faire figurer celles-ci à cet endroit du texte, afin qu’elles deviennent communes à l’ensemble des établissements.

M. le président. Le sous-amendement n° 1222, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après les mots :

les mesures appropriées

rédiger comme suit la fin du dernier alinéa de l'amendement n° 676 :

. Un décret détermine les conditions d'application des dispositions mentionnées à l'alinéa précédent. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame Hermange, le Gouvernement émettra un avis favorable sur votre amendement, sous réserve de l’adoption par le Sénat du présent sous-amendement. En effet, en cas de non-publication d’indicateurs, est ouverte la possibilité d’une modulation des dotations de financement mentionnées à l’article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale.

Cette modulation ne peut évidemment s’appliquer qu’aux établissements susceptibles de bénéficier de ces dotations de financement des missions d’intérêt général, ce qui n’est pas le cas de tous les établissements de santé. Il faut donc prévoir un décret qui détermine les conditions d’application des dispositions mentionnées à l’alinéa précédent. C’est une simple mesure d’application.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 676, la commission a préféré que de telles mesures figurent à l’article 2, dans les dispositions spécifiques s’imposant, d’une part, aux établissements publics et, d’autre part, aux établissements privés.

En outre, celles-ci s’intégreraient assez mal dans l’article L. 6111-2 du code de la santé publique, car elles portent sur une obligation de publication, assortie d’ailleurs d’une sanction, et non sur une obligation relative à une politique de santé et de sécurité.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Quant au sous-amendement n° 1222, qui n’a pas pu être examiné par la commission, il ne modifie pas la structure de l’article. Cependant, l’amendement de Mme Hermange trouvant mieux sa place à l’article 2 qu’à l’article 1er, j’émets un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je souhaite expliquer, car je ne l’ai sans doute pas fait suffisamment, les raisons pour lesquelles je suis favorable à l’amendement de Mme Hermange.

Il s’agit de renforcer l’obligation faite aux établissements publics de santé de publier des indicateurs de qualité et de sécurité des soins. Il s’agit également de préciser les mesures prises par le directeur général de l’agence régionale de santé en cas de non-respect de ces obligations. Cet amendement met donc en cohérence les obligations prévues par le texte pour les établissements privés et les établissements publics.

Ces indicateurs de qualité présentent un double avantage : d’une part, ils répondent à une attente de nos concitoyens et renforcent la confiance de ceux-ci dans le système hospitalier, qu’il soit public ou privé ;…

M. François Autain. Bien sûr !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … d’autre part, ils permettent de mobiliser les professionnels de santé, lesquels disposent des moyens de suivre la façon dont les soins sont pratiqués.

En cas de non-publication de ces indicateurs, Mme Hermange prévoit la possibilité d’une modulation des dotations de financement mentionnées dans le cadre des missions d’intérêt général. Une telle démarche est extrêmement positive.

Monsieur le rapporteur, sur le fond, vous n’êtes pas opposé à cet amendement...

M. Alain Milon, rapporteur. Absolument !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous le réexaminerons donc à l’article 2…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il figure déjà dans le texte !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Très bien ! Je n’avais pas compris votre position !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le travail a été fait !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Bien que je comprenne les arguments de la commission, j’estime qu’il est plus logique d’intégrer ces dispositions dans l’article 1er.

Je vous donne en effet lecture du premier alinéa du texte proposé par l’article 1er pour l’article L.6111-2 : « Les établissements de santé élaborent et mettent en œuvre une politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins et une gestion des risques visant à prévenir et à traiter les événements indésirables liés à leurs activités. »

Or c’est bien pour éviter ces « événements indésirables » aux établissements de santé que nous avons besoin d’indicateurs de qualité !

M. le président. Le sous-amendement n° 1222 est-il maintenu, madame la ministre ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Si la commission accepte que la mesure proposée dans mon sous-amendement figure à l’article 2…

M. Alain Milon, rapporteur. Bien sûr !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Dans ce cas, je retire mon sous-amendement, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n° 1222 est retiré.

L’amendement n° 676 est-il maintenu, madame Hermange ?

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je le retire, monsieur le président, mais, je le répète, cela me paraît moins logique.

M. le président. L’amendement n° 676 est retiré.

L'amendement n° 372, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer le III de cet article.

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Je souhaite rappeler ici ce qu’implique la réécriture de l’intitulé du chapitre II du titre Ier du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique telle que le texte la propose.

Au premier chef, on constate que l’intitulé du chapitre en question « Service public hospitalier » est renommé « Missions de service public des établissements de santé ». La notion de service public hospitalier disparaît donc purement et simplement du code de la santé publique, ce qui est grave.

M. Guy Fischer. Très grave !

M. François Autain. Il faut prendre conscience des effets d’une telle disparition.

Le service public hospitalier, tel qu’il existe encore aujourd’hui, correspond à une organisation mixte où coexistent des établissements publics et privés, la loi du 31 décembre 1970, dite loi Boulin, ayant confié explicitement à certains établissements privés des missions de service public dans des conditions très précises.

Ainsi l’article L. 6112-2 du code de la santé publique précise-t-il que le service public hospitalier est assuré par les établissements publics de santé, les centres de lutte contre le cancer et les établissements privés à but non lucratif qui répondent à certaines conditions légales, selon différentes modalités, association ou participation, pour tout ou partie de leur activité.

On retient également que ces établissements sont tenus par des obligations spécifiques, toutes communes aux autres services publics, qui ont trait au principe de continuité – fonctionnement ininterrompu des services, participation à la permanence des soins –, au principe d’égalité – accès de tous aux soins, sans discrimination – et au principe d’adaptation aux besoins des patients auxquels doit être assuré un service normal.

La réforme que vous nous proposez, madame la ministre, fait éclater, en dépit de vos dénégations, ce cadre restrictif et protecteur pour les malades, afin de permettre – il n’est pas inutile de le répéter – aux établissements privés commerciaux de choisir, parmi les missions de service public, celles qui peuvent présenter un intérêt pour eux. Il va de soi que cet intérêt se pose en termes non pas de santé publique, mais de rentabilité, puisque tel est l’objet de ces structures : loin d’être philanthropes, elles ont une vocation commerciale.

C’est la raison pour laquelle on aurait tort de sous-estimer ce qu’implique la disparition du service public hospitalier. Et ce n’est pas le remplacement de celui-ci par une série de missions de service public qui permettra d’offrir aux patients le service qu’ils sont en droit d’attendre.

Il y a là une mutation profonde de notre système de santé, qui aura, au cours des prochaines années, des conséquences très graves sur la qualité des soins dispensés.

Selon vous, madame la ministre, l’attribution de ces missions de service public permettra d’orienter les patients vers la structure adéquate. Selon moi, le risque est grand de voir un service privé à but lucratif ayant reçu, par exemple, la mission de permanence des soins faire le tri des patients, pour n’accepter finalement que les malades « rentables », en orientant ceux qui ne le sont pas vers des établissements publics. Car ceux-ci subsistent, et ils n’ont pas à résoudre ces problèmes de rentabilité, même si vous cherchez à réduire leur déficit.

En ce qui concerne la mission publique d’enseignement et de recherche, il n’est pas acceptable de la confier à un établissement privé, même si toutes les précautions imaginables sont prises.

Enfin, j’estime que le service public n’est pas toujours compatible avec la recherche de bénéfices. C’est la raison pour laquelle nous aurions eu tout intérêt à conserver le service public hospitalier ; tel qu’il est, il donne satisfaction. Certes, des dysfonctionnements existent, mais ils sont liés non pas à son organisation, mais à un manque de financement : on ne le dira jamais assez ! Cependant, vous ne voulez pas augmenter le financement des hôpitaux. Vous préférez appauvrir ceux-ci, pour transférer ensuite au secteur privé les missions qu’ils ne sont plus en mesure d’exercer, faute de moyens, ce dont vous êtes directement responsables.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. L’intitulé « Missions de service public des établissements de santé » fait partie du texte, et nous ne pouvons pas, bien évidemment, le supprimer.

Jusqu’à présent, les établissements n’avaient que des statuts. Avec l’adoption de ces mesures, ils assureront des missions déterminées : la permanence des soins, la prise en charge des soins palliatifs, etc. C’est très important !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je me suis déjà expliquée sur l’article 1er dans mon propos liminaire, mais je souhaite revenir sur certains points.

Aujourd’hui, seuls les établissements publics de santé ont l’obligation de remplir toutes les missions de service public. Ce modèle a toutefois ses limites : il n’est pas possible de dispenser un hôpital de l’une de ses missions, même si elle est remplie par un établissement voisin ; inversement, il est exclu d’imposer à un établissement privé une mission de service public, alors même que cette mission ferait défaut sur le territoire concerné. On marche sur la tête !

C’est la raison pour laquelle je souhaite que tous les établissements de santé puissent assurer les missions de service public nécessaires, en fonction des besoins de la population, sur chaque territoire de santé.

Monsieur Autain, vous ne cessez de déplorer que les établissements de santé privés n’assurent pas ces missions de service public qui pèsent tellement sur l’hôpital public ! Or on leur demande aujourd’hui de participer à ces missions de service public.

Depuis plus d’un siècle, le modèle français de service public a su faire la preuve de son efficacité et de sa souplesse en se focalisant non pas sur le statut juridique de l’établissement, mais sur sa capacité à répondre aux besoins de la population. Or tel est l’enjeu de la réforme que je vous propose : concentrons-nous non pas sur le statut, mais sur les besoins des malades.

L’autorisation d’activité de soins donne à l’établissement le droit de prodiguer des soins et de percevoir en contrepartie des financements de la part de l’assurance maladie.

Mais si une autorisation confère un droit, elle implique aussi des devoirs. Les conditions dans lesquelles ces missions sont exercées sont donc précisées : tout établissement qui assurera une mission de service public le fera dans le cadre des tarifs de la sécurité sociale, sans dépassement d’honoraires.

Sont également prévues l’obligation d’accueil de tous les patients et l’orientation de ceux qui ne pourraient pas être pris en charge.

M. François Autain. Le problème est là !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Enfin, cet article vise à préciser que ces obligations s’imposent aux médecins libéraux qui exercent dans les cliniques. Je les ai longuement consultés ; ils sont d’accord, c’est une question de déontologie.

Cette demande de suppression répond à une inquiétude : celle de voir l’hôpital dépossédé de son âme et de ses missions de service public, qui sont souvent le moteur de son activité.

Je veux vous rassurer : tous les hôpitaux continueront à exercer des missions de service public (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.), et il n’est pas question que des établissements privés choisissent celles qu’ils souhaitent assurer.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est en fonction des besoins que le directeur général de l’Agence régionale de santé pourra, dans le cadre du contrat de l’établissement, accorder une ou plusieurs missions de service public.

M. François Autain. Il s’agira donc bien d’un système à la carte !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. On ne peut pas concevoir, d’une part, un régime d’obligations permanentes pour les hôpitaux et les praticiens hospitaliers et, d’autre part, un régime de droits sans obligations pour les cliniques et les médecins libéraux. Vous devriez être les premiers à accepter cette réforme si importante, qui s’inscrit dans la logique de ce que vous avez défendu !

Si ces missions de service public sont réellement coûteuses pour l’hôpital public, le risque serait plutôt que les établissements privés ne veuillent pas les assumer.

M. Alain Milon, rapporteur. C’est plutôt cela le problème….

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les fédérations professionnelles ont bien compris que cet outil juridique constituait une chance pour notre système de santé, les patients et les professionnels. Je vous invite vivement à ne pas le supprimer.

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Je me suis peut-être mal fait comprendre. Je n’ai jamais dit que les missions de service public pesaient sur l’hôpital public ; j’ai simplement déploré que vous ne donniez pas à celui-ci les moyens de les exercer. C’est justement pour cette raison que, petit à petit, ces missions seront transférées aux cliniques privées à but lucratif. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

C’est vous qui organisez le démantèlement du service public et son appauvrissement ! Nous n’en sommes pas responsables, pas plus qu’une mauvaise gestion ou un événement mystérieux qui empêcherait les hôpitaux publics de remplir les missions dont ils avaient la charge jusqu’à présent.

Il suffirait simplement d’augmenter la dotation des missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation, les MIGAC, et de mieux organiser la médecine générale, ce que vous refusez de faire. En effet, depuis 2002, la mission de service public de la permanence des soins des praticiens libéraux est soumise au principe du volontariat. Avouez qu’il est très difficile d’organiser une permanence des soins quand on la rend facultative pour ceux qui sont chargés de la mettre en œuvre… Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les urgences soient submergées par des malades qui, si la permanence des soins de ville était bien organisée, n’auraient pas besoin de s’adresser à l’hôpital.

Je maintiens donc que c’est votre politique qui, en raison d’une carence de financement, est directement responsable des problèmes que rencontrent actuellement les hôpitaux pour exercer leurs missions de service public. Il faut reconnaître que celles-ci sont très coûteuses, mais vous ne donnez pas aux hôpitaux les moyens de les assumer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 372.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de treize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 289, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 6112-1 du code de la santé publique :

« Art. L. 6112-1. - Les établissements de santé peuvent être appelés à assurer complètement ou à participer à des missions de service public.

« I. - Les établissements de santé qui s'engagent à assurer complètement ou à participer à des missions de service public doivent obligatoirement exercer les missions suivantes :

« 1° La permanence des soins ;

« 2° La lutte contre l'exclusion sociale, en relation avec les autres professions et institutions compétentes en ce domaine, ainsi que les associations qui œuvrent dans le domaine de l'insertion ;

« 3° Les actions d'éducation et de prévention pour la santé et leur coordination ;

« 4° Les actions de santé publique ;

« 5° la prise en charge des soins palliatifs.

« II. - Ils peuvent en outre exercer une ou plusieurs des missions de service public suivantes :

« 1° La formation continue des praticiens hospitaliers et non hospitaliers ;

« 2° La recherche ;

« 3° L'aide médicale urgente, conjointement avec les praticiens et les autres professionnels de santé, personnes et services concernés ;

« 4° La prise en charge des personnes hospitalisées sans leur consentement ;

« 5° Les soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire, dans des conditions définies par décret ;

« 6° Les soins dispensés aux personnes retenues en application de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

« 7° Les soins dispensés aux personnes retenues dans les centres socio-médico-judiciaires de sûreté.

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Avec l’article 1er, on raisonne en termes non plus de statut, mais de missions : tous les établissements de santé, quel que soit leur statut, pourront prétendre à l’exercice de missions de service public.

Vous nous dites, madame la ministre, que les établissements ne pourront pas choisir ces missions à la carte. On peut néanmoins craindre que les cliniques privées commerciales ne soient tentées de faire leur marché dans cette grande halle du service public, en sélectionnant les missions les plus conformes à leurs intérêts bien compris.

Pour éviter les risques inhérents à une telle pratique, nous vous proposons, au travers de cet amendement, de créer un bloc de missions de service public que devront obligatoirement assumer les établissements de santé qui seront autorisés par le directeur de l’ARSA à exercer de telles missions. Il s’agit ainsi de s’assurer que les établissements de santé privés ne choisissent pas les missions les plus intéressantes pour leur stratégie de développement, laissant aux établissements hospitaliers publics les autres missions, notamment les moins lucratives.

Le service public nécessite une participation de tous à des missions essentielles : la permanence des soins ; la lutte contre l’exclusion sociale, en relation avec les autres professions et institutions compétentes en ce domaine, ainsi qu’avec les associations qui œuvrent dans le domaine de l’insertion ; les actions d’éducation et de prévention pour la santé et leur coordination ; les actions de santé publique ; enfin, la prise en charge des soins palliatifs, nouvelle mission de service public intégrée par la commission.

Il s’agit donc de définir le périmètre des missions de service public qui devront être exercées par l’ensemble des établissements désignés à cette fin.

M. le président. L'amendement n° 290, présenté par MM. Le Menn, Michel et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 6112-1 du code de la santé publique :

« Les établissements publics de santé et les établissements de santé privés d'intérêt collectif sont appelés prioritairement à mener ou à participer à une ou plusieurs des missions de service public suivantes :

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. La grande nouveauté de cet article 1er, tout le monde l’a bien compris, c’est qu’il n’opère plus de distinction entre, d’une part, les établissements publics de santé et, d’autre part, certains établissements privés.

Ainsi, tout établissement de santé est désormais susceptible d’être concerné par les missions de service public, lesquelles ne sont plus l’apanage du secteur non lucratif composé des établissements publics, des établissements privés à but non lucratif admis à participer au service public hospitalier, ou PSPH, et des établissements privés concessionnaires de service public hospitalier, ou SPH.

Le comble, dans l’histoire, est que le secteur privé non lucratif, plutôt considéré comme modèle par la commission Larcher, a bien failli voir son statut remis en question, avant que des amendements adoptés par l’Assemblée nationale ne prennent en compte sa spécificité, en créant la catégorie nouvelle des établissements de santé privés d’intérêt collectif, les ESPIC.

Notre amendement vise à préciser que les établissements publics de santé et les établissements de santé privés d’intérêt collectif sont appelés prioritairement à mener ou à participer à une ou plusieurs des missions de service public.

En effet, alors que le projet de loi prévoit que le directeur de l’Agence régionale de santé peut autoriser un établissement privé commercial à assurer des missions de service public, il convient de s’assurer des conditions dans lesquelles ces missions pourront être attribuées, en se fondant sur le constat d’une carence de service public hospitalier, dans le cas où l’hôpital public ou l’établissement de santé privé d’intérêt collectif ne peuvent l’assurer pour des raisons locales, en particulier au regard de la démographie médicale.

M. le président. L'amendement n° 639 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet, Charasse, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le IV de cet article pour l’article L. 6112-1 du code de la santé publique, après les mots :

établissements de santé

insérer les mots :

, prioritairement les établissements publics de santé et les établissements de santé privés d’intérêt collectif,

La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Vous avez rappelé, madame la ministre, votre attachement aux missions de service public, mais il y a aussi les statuts.

Dans le domaine de l’éducation nationale, si les établissements privés doivent être associés à une mission de service public, ils le sont par contrat.

Il convient donc de marquer la priorité donnée au service public hospitalier ainsi qu’aux établissements de santé privés d’intérêt collectif. Tel est le sens de cet amendement, qui rejoint la préoccupation que vient d’exprimer M. Godefroy.

M. le président. L'amendement n° 574, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Au début du 3° du texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 6112-1 du code de la santé publique, remplacer les mots :

La formation continue

par les mots :

Le développement professionnel continu

II. - Dans le 4° du même texte, remplacer le mot :

continue

par les mots :

le développement professionnel continu

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Il s’agit d’un amendement rédactionnel qui tend à reprendre une modification introduite par l'Assemblée nationale sur recommandation, me semble-t-il, de la Haute autorité de santé.

Il me semble d’ailleurs – une fois n’est pas coutume ! – que la commission n’y est pas défavorable.

M. le président. L’avenir nous le dira !

L'amendement n° 292, présenté par M. Desessard, Mme Voynet, MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mmes Demontès et Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le 6° du texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 6112-1 du code de la santé publique, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les actions de prospective et de prévention en matière de santé environnementale ;

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. La salve d’amendements que nous sommes en train d’examiner a pour objet de lister les missions de service public qui peuvent être assurées par les établissements de santé.

Je partage l’argumentation qui a été fort bien détaillée par MM. Le Menn et Godefroy.

Mon intervention vise à préciser les conditions dans lesquelles les établissements de santé peuvent être appelés à assurer une mission de service public négligée dans notre pays : la santé environnementale.

Notre environnement, compris au sens large, c’est-à-dire en tenant compte non seulement de nos conditions de vie sociales et familiales, mais aussi de la qualité du cadre de vie dans lequel nous évoluons, joue un rôle déterminant sur notre santé.

Le corps humain ne fonctionne pas comme une boîte étanche ; l’état de santé dépend des comportements – alimentation, sédentarité, toxicomanie –, de la situation sociale – situation de famille, conditions de travail, précarité –, de l’environnement – exposition à des nuisances de toutes sortes –, mais aussi de facteurs psychologiques, génétiques ou épidémiologiques.

À l’hôpital, le corps médical est en prise directe avec les patients souffrant de maladies chroniques, et c’est lors de la phase de diagnostic qu’il est parfois possible de repérer ce qui, dans l’environnement du patient, peut être le facteur déclenchant de sa maladie.

La santé environnementale est une science de terrain qui s’appuie sur des constatations empiriques et sur des témoignages précis.

Par exemple, lorsque des lanceurs d’alerte – des salariés dans une entreprise, ou des médecins du travail – constatent un agrégat de cancers, « un cluster » pour employer le jargon médical, ils ne sont pas toujours pris au sérieux. Pourtant, en mettant en place des mesures simples de dépistage et de prévention, on pourrait réduire considérablement les risques.

Je ne retiendrai qu’un seul exemple, celui de l’usine de vitamines pour animaux Adisseo – anciennement Rhône-Poulenc – à Commentry, dans l’Allier, où vingt-cinq cas de cancers du rein ont été constatés dans un même atelier. Ce n’est qu’en 2001, après trente ans d’exposition des ouvriers, que les mesures de prévention ont été prises.

Le traitement des cancers coûte chaque année 15 milliards d’euros à l’assurance maladie. Ce sont des économies considérables que nous pourrions réaliser, et surtout de nombreuses vies humaines qui pourraient être épargnées si la santé environnementale était enfin placée non pas simplement à la périphérie, mais réellement au cœur de notre système de santé. Les établissements de santé, notamment les hôpitaux publics, sont les mieux placés pour y contribuer.

M. le président. L'amendement n° 668 rectifié, présenté par Mme Hermange et M. Gilles, est ainsi libellé :

Compléter le 9° du texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 6112-1 du code de la santé publique par les mots :

, notamment la collecte des tissus, cellules et produits du corps humain au sens de l'article L. 1245-2

La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je sais, madame la ministre que, lors des travaux en commission, vous avez formulé une observation sur la présence de l’adverbe « notamment ». Toutefois, il nous a semblé important de mettre l’accent sur le problème de la collecte des tissus, des cellules et des produits du corps humain.

Alors que la France a réalisé des premières mondiales en la matière, elle se situe aujourd’hui au treizième rang mondial, derrière la République Tchèque, en termes de collecte de tissus.

Au travers de cet amendement, nous souhaitons insuffler un nouvel élan à cette politique de santé publique en l’élevant au rang de mission de service public des établissements de santé. À défaut, nous risquons d’être confrontés à des pratiques mercantiles, comme c’est déjà le cas pour la collecte d’un certain nombre de tissus.

M. le président. L'amendement n° 291, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le 9° du texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 6112-1 du code de la santé publique par les mots :

, celles-ci portant sur l'éducation thérapeutique du patient et de ses proches, son orientation dans le système de soins et le secteur médico-social mais aussi sur l'éducation et la prévention pour la santé en relation avec les membres des professions de santé exerçant en pratique de ville et les établissements médico-sociaux ; elles assurent une prise en charge globale du patient seul, ou en coopération

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Parmi les treize missions de service public qui pourront être assurées par les établissements de santé figurent les actions de santé publique.

Cet amendement vise à préciser le contenu de ces actions de santé publique, missions stratégiques du parcours de soins.

Puisque les établissements de santé – publics, privés à but lucratif et privés d’intérêt collectif –, dans le cadre des actions de santé publique, devront s’acquitter au bénéfice de nos concitoyens de l’éducation thérapeutique du patient et de ses proches, de son orientation dans le système de santé et dans le secteur médicosocial, ainsi que de la coordination de ces actions d’éducation et de prévention pour la santé, il semble important de définir au mieux ce que recouvrent ces actions de santé publique et de les inscrire dans le code de la santé publique.

M. le président. Les amendements nos 159 et 374 sont identiques.

L'amendement n° 159 est présenté par M. Gouteyron.

L'amendement n° 374 est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après le 9° du texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 6112-1 du code de la santé publique, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° La participation à des filières de soins et d'accompagnement ou à des dispositifs de coordination des prises en charge qui articulent les interventions de la médecine ambulatoire, les établissements et services de santé et médicosociaux, en direction des personnes rencontrant des difficultés dans l'accès à des soins adaptés et aux différentes formes d'accompagnement médicosocial, notamment les personnes âgées ou les personnes handicapées ;

La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour présenter l’amendement n° 159.

M. Adrien Gouteyron. Par un heureux hasard, M. Autain et moi-même avons présenté deux amendements identiques.

Madame la ministre, il est à craindre que la liste des missions de service public, telle qu’elle est énumérée dans cet article, exclue de facto certains établissements publics et privés participant actuellement au service public hospitalier pour leurs activités de soins majoritaires. Pourraient être concernés nombre d'établissements publics et privés majoritairement engagés dans des activités de soins de suite et de réadaptation, mais aussi les établissements déployant pour l'essentiel une activité de psychiatrie.

Cette situation présente des inconvénients, me semble-t-il, à la fois pour les établissements publics et pour les établissements privés à but non lucratif qui adopteront le nouveau statut d’établissement de santé privé d’intérêt collectif.

Il est un domaine essentiel dans lequel la notion de service public pourrait être affirmée fort opportunément : celui de la constitution de filières de soins à la fois sanitaires et médicosociales, dont les personnes âgées – filières gériatriques – et les personnes handicapées – filières des blessés médullaires, traumatisés crâniens, etc. – ont le plus grand besoin.

Cette participation à des filières de soins inter-établissements, en articulation avec les interventions à domicile, peut être considérée comme une véritable contribution des établissements publics et privés à la construction d'une offre de services décloisonnée, qui correspond aux politiques publiques prônées par les administrations centrales et déployées aujourd’hui par les ARH et, demain, par les ARS.

Structurer cette évolution comme une mission de service public pour les opérateurs publics et les opérateurs privés d’intérêt collectif serait à la fois un encouragement et un levier complémentaire dans la réorganisation de l'offre sanitaire et médicosociale.