compte rendu intégral
Présidence de M. Roger Romani
vice-président
Secrétaires :
M. Alain Dufaut,
M. Jean-Noël Guérini.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Réforme de l'hôpital
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (nos 290, 380 et 381).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 7.
Article 7
(Texte modifié par la commission)
I. - La loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est ainsi modifiée :
1° À l'article 3, les trois premiers alinéas sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation à l'article 3 du titre Ier du statut général des fonctionnaires et à l'article L. 6141-1 du code de la santé publique, des personnes n'ayant pas la qualité de fonctionnaire peuvent être nommées sur les emplois de directeur des établissements mentionnés à l'article 2 :
« - par le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie pour les établissements mentionnés aux 1°, 3° et 7° de l'article 2, à l'exception des centres hospitaliers universitaires ;
« - par le représentant de l'État dans le département pour les établissements mentionnés aux 4°, 5° et 6° du même article.
« Ces personnes reçoivent une formation à l'École des hautes études en santé publique » ;
2° Au sixième alinéa de l'article 4, après les mots : « les corps et emplois des personnels de direction », sont insérés les mots : « et des directeurs des soins », et il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« Le directeur général du Centre national de gestion est l'autorité investie du pouvoir de nomination des agents nommés dans ces corps et emplois sous réserve des dispositions de l'article L. 6141-1 du code de la santé publique. » ;
3° Après l'article 9-1, il est inséré un article 9-2 ainsi rédigé :
« Art. 9-2. - Par dérogation à l'article 3 du titre Ier du statut général des fonctionnaires et à l'article L. 6141-1 du code de la santé publique, les fonctionnaires dirigeant les établissements mentionnés à l'article 2 peuvent être détachés, par le directeur général du Centre national de gestion, sur un contrat de droit public. Ce détachement est prononcé pour une mission d'une durée limitée visant à rétablir le bon fonctionnement d'un de ces établissements. Les établissements placés sous administration provisoire, dans les conditions fixées à l'article L. 6143-3-1 du même code, ainsi que les centres hospitaliers universitaires sont exclus du présent dispositif.
« Le détachement est proposé et le contrat est signé :
« - par le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie pour les établissements mentionnés aux 1°, 3° et 7° de l'article 2 ;
« - par le représentant de l'État dans le département pour les établissements mentionnés aux 4°, 5° et 6° du même article.
« Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. » ;
4° À l'article 50-1, après les mots : « Les personnels de direction », sont insérés les mots : « et les directeurs des soins » ;
5° Après l'article 65-1, il est inséré un article 65-2 ainsi rédigé :
« Art. 65-2. - Par dérogation aux dispositions de l'article 65, l'évaluation des personnels de direction des établissements mentionnés aux 1° à 3° et 7° de l'article 2 et la détermination de la part variable de leur rémunération sont assurées :
« - par le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie pour les directeurs d'établissements, après avis du président du conseil de surveillance ;
« - par le directeur d'établissement pour les directeurs-adjoints. » ;
6° Au deuxième alinéa de l'article 89, les mots : « demeure à la charge de l'établissement concerné » sont remplacés par les mots : « est assurée, à compter du 1er janvier 2009, par le Centre national de gestion mentionné à l'article 116 » ;
7° L'article 116 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa :
- après les mots : « des personnels de direction », sont insérés les mots : « et des directeurs des soins » ;
- les mots : « au 31 décembre de l'année précédente » sont remplacés par les mots : « à la date de clôture du pénultième exercice » ;
b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le Centre national de gestion peut également assurer le remboursement de la rémunération de praticiens hospitaliers, de personnels de direction ou de directeurs des soins affectés en surnombre dans un établissement mentionné à l'article 2, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. »
II. - Au cinquième alinéa de l'article L. 315-17 du code de l'action sociale et des familles, après les mots : « l'Institut national des jeunes aveugles, », sont insérés les mots : « propose au directeur du Centre national de gestion la nomination dans leur emploi des directeurs-adjoints et, le cas échéant, des directeurs des soins, ».
La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 7 concerne le mode de recrutement des directeurs des établissements publics de santé.
Il est indiscutablement à rapprocher de l’article 6, que nous avons examiné vendredi dernier, et qui donne les pleins pouvoirs aux directeurs de ces établissements. Il est prévu que des non-fonctionnaires puissent devenir directeurs des hôpitaux publics.
À tous les articles de ce projet de loi, vous témoignez de votre volonté de privatiser les hôpitaux, de les gérer et de les diriger comme n’importe quelle entreprise.
Vous justifiez les dispositions prévues à l’article 7 par votre intention d’ouvrir les postes de directeur des établissements publics de santé à des compétences nouvelles. Les directeurs actuellement en poste apprécieront, tout comme les formateurs et les enseignants de l’École des hautes études en santé publique, l’EHESP.
Si l’on ne voit pas clairement de quelles compétences nouvelles devront être dotés les directeurs non fonctionnaires recrutés demain par les directeurs des ARS, les agences régionales de santé, on connaît les compétences actuelles dont ils se priveront. Les directeurs d’hôpitaux recrutés dans le privé, n’ayant pas satisfait au principe républicain du concours, ne bénéficieront pas de la formation complète de deux ans délivrée par l’EHESP, qui, construite autour de l’alternance, intègre déjà des cours de management, de gestion des conflits, de direction des ressources humaines, de stratégie et de projet d’établissement, bref, des modules très utiles à la gestion des établissements de santé en tant qu’entreprises.
Toutefois, cette formation comprend également des enseignements spécifiques à la direction d’un hôpital public tels que l’appropriation des politiques de respect des droits des patients et de la carte sanitaire, mais aussi, et surtout, d’importants modules destinés à mieux appréhender et respecter les principes inhérents aux services publics de santé, notamment l’organisation médicale, le respect de l’éthique médicale et le lien entre hôpital et santé publique. Ce sont autant de connaissances et de savoirs spécifiques que n’auront plus à maîtriser les futurs directeurs, dès lors qu’ils appliqueront à la perfection la règle comptable.
Alors, pour tenter de donner le change, le Gouvernement a précisé par voie d’amendement que les directeurs non fonctionnaires bénéficieront d’une « formation » à l’EHESP. Cette mesure est si floue qu’elle paraît d’ordre « cosmétique », la nature de cette formation n’étant précisée nulle part. On ne sait donc rien, madame la ministre, de ce que vous entendez par formation. Quelle en sera la durée ? Souhaitez-vous conserver le principe de l’alternance et du stage en milieu professionnel, qui constituent clairement, on le sait, un avantage pour le futur directeur ? Entendez-vous sacrifier tout ou partie de la formation en santé publique dispensée à Rennes ?
Dans l’intérêt de nos débats, il serait bienvenu que vous nous apportiez quelques précisions sur ce sujet.
Nous souhaiterions également connaître les critères qui conduiront, demain, les directeurs généraux des ARS à recruter ces directeurs. Un pourcentage de postes sera-t-il réservé aux non-fonctionnaires ? Entendez-vous réduire très prochainement le nombre de postes ouverts à concours ?
Toutes ces questions, en apparence très techniques, soulèvent de réels problèmes politiques, car nous craignons que, progressivement, et peut-être plus vite encore que nous ne l’imaginons, vous ne cessiez de recruter des fonctionnaires, afin d’embaucher des non-fonctionnaires, conformément à la fameuse logique de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, et à votre souci de transformer les établissements publics de santé en entreprises.
C’est pourquoi, tenant compte de tous les risques que fait peser cet article sur le cœur même des missions de service public, à savoir la satisfaction des besoins en matière de santé tant individuels que publics, nous voterons contre cet article.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, sur l’article.
M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission approuve globalement les dispositions prévues à l’article 7, qui visent à assouplir les règles de gestion des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.
La modernisation des établissements de santé nécessite une adaptation de ces règles, en vue de dynamiser la gestion des ressources humaines. Je pense notamment à l’ouverture du recrutement des directeurs d’établissement à des non-fonctionnaires.
Cette mesure répond à la volonté de recruter des professionnels aux expériences diverses, notamment des cadres issus du secteur privé ou des médecins ayant développé des capacités de gestion ou de management, et de pourvoir des postes de direction vacants depuis longtemps.
Bien sûr, les directeurs d’établissement fonctionnaires continueront de constituer la grande majorité du vivier du recrutement, mais la modernisation de l’hôpital passe aussi par l’ouverture de la fonction de direction à des personnes issues d’autres milieux professionnels. La mesure prévue par le texte a donc pour objet de renforcer l’attractivité de l’hôpital et de contribuer à son dynamisme.
Sur mon initiative, la commission a toutefois adopté deux amendements de coordination et de précision juridique, qui visent à pallier des imprécisions dans la rédaction de l’article. Par coordination, elle a également adopté un amendement visant à supprimer la disposition selon laquelle le directeur de l’établissement siège de la communauté hospitalière de territoire évalue les directeurs des autres établissements membres.
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, sur l'article.
M. Jacky Le Menn. Madame la ministre, autant je suis favorable, pour un ensemble de raisons qu’il serait superflu de développer, à une dérogation en faveur du corps médical hospitalier pour le recrutement des directeurs d’établissement de santé, autant je suis réticent à ouvrir ce recrutement à des non-fonctionnaires.
Les règles de recrutement de la fonction publique constituent des garanties fortes. Mais vous avez peut-être décidé de tirer un trait sur les concours ! Encore faudrait-il afficher votre position, notamment pour les concours de catégorie A.
La fonction publique d’État – je pense aux grands corps –, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière ont des personnels suffisamment compétents pour prendre en charge la direction des établissements hospitaliers.
Pourquoi ouvrir ce recrutement à des personnes du secteur privé ? Votre idée est-elle de faire venir des gestionnaires ayant bénéficié d’une solide formation comptable et financière ? Si tel n’est pas le cas, il faudrait que vous le précisiez. Je rappelle que les cadres de direction de la fonction publique hospitalière bénéficient depuis plusieurs années, au cours de leur formation de base et de leur formation continue, de tels enseignements. On a même envoyé des générations de directeurs d’hôpitaux se former à HEC en MBA ISA, pour maîtriser notamment l’analyse de bilan et la gestion financière.
Madame la ministre, vous proposez une pénétration du secteur public par le secteur privé, pleine de sous-entendus sur l’avenir qui sera réservé à nos établissements hospitaliers. Cela ne me semble pas sain. Mon collègue Guy Fischer le disait à l’instant, il faut sans doute replacer cette mesure dans un ensemble plus large visant à transformer à moyen ou à long terme les établissements publics de santé en des cousins germains bâtards des cliniques privées à but lucratif.
Il y a là une véritable défiance à l’égard de la fonction publique. Nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler, car d’autres personnels hospitaliers seront vraisemblablement concernés à l’avenir. Après tout, pourquoi ne pas généraliser les contrats à durée déterminée, qui permettraient d’embaucher et de licencier en fonction de l’évolution de l’activité d’un établissement ?
Nous ne partageons pas cette analyse et nous voterons donc contre cette partie de l’article 7.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l’article.
M. Bernard Cazeau. Cet article prévoit d’élargir le recrutement des directeurs d’établissement pour, selon les termes de l’exposé des motifs, « faire appel à de nouvelles compétences, qu’il s’agisse de personnels issus d’autres fonctions publiques, de professionnels ayant une expérience dans le secteur privé ou de médecins ayant développé des capacités de gestion ou de management ».
Certes, l’idée n’est pas absurde. La diversification du recrutement pour la direction des hôpitaux peut apparaître comme une bonne chose et je ne verrais aucun inconvénient à ce que des médecins puissent exercer des fonctions de direction hospitalière.
On peut toutefois s’étonner, madame la ministre, de cette volonté d’ouverture alors que, dans le même temps, vous vous efforcez depuis plusieurs jours de vider de leur substance les pouvoirs des commissions médicales d’établissement, les CME, et du conseil de surveillance de l’hôpital.
En revanche, à l’instar de MM. Fischer et Le Menn, je me montrerai beaucoup plus réservé sur les méthodes de recrutement que vous envisagez d’appliquer. J’en veux pour preuve une annonce étrange parue dans le journal Le Monde daté du 19 janvier dernier. Il s’agissait d’une offre d’emploi apparemment anodine selon laquelle le ministère de la santé recherchait un « manager de haut niveau » pour « un projet innovant et d’envergure », à savoir la direction générale d’une ARS. Non seulement l’État demandait à l’intéressé d’être à la fois « stratège », « créateur de liens et négociateur » ainsi que « pilote et organisateur du changement », mais il le soumettait également à un mode de recrutement inédit. Pour constituer ce « vivier », le ministère avait retenu le cabinet Éric Salmon & Partners, spécialisé dans la recherche de cadres dirigeants pour la finance ou l’industrie.
M. Guy Fischer. Cela veut tout dire !
M. Bernard Cazeau. Qu’ils soient issus du public ou du privé, les candidats devront donc tous se soumettre aux entretiens et aux tests du chasseur de têtes. De plus, comme le préconisait le rapport qui vous a été remis en janvier 2008, ce cabinet fournira au ministère une short list de trois noms pour chaque poste à pourvoir. Il n’est plus besoin de sortir de l’ENA ou de passer un concours spécifique ; les candidats pourront être aussi bien des fonctionnaires que des cadres du privé. Ils devront simplement disposer d’au moins quinze ans d’expérience de management à un haut niveau, pas nécessairement dans le domaine de la santé.
On pourrait nous reprocher, une nouvelle fois, de faire un procès d’intention. Mais, face à de telles annonces, nous sommes bien obligés de nous poser des questions et de les évoquer publiquement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, en ce début de semaine, de former des vœux de bon travail pour les trois jours à venir.
Cet article 7, qui concerne la nomination des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, vise à compléter les dispositions de l’article 6.
Je suis persuadée que la modernisation de l’hôpital public passe par une ouverture plus large de la fonction de direction à des professionnels issus du secteur privé et des autres fonctions publiques, ou encore à des médecins intéressés par la gestion et le management.
Cette ouverture est le signe de l’attractivité de l’hôpital, de son dynamisme et de la diversité de compétences que suppose un management moderne.
Je doute que les salaires offerts par les hôpitaux suscitent l’appétit des patrons du CAC 40, comme je l’ai entendu ici ou là ! N’exagérons rien ! (M. le président de la commission des affaires sociale rit.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous n’avons jamais dit cela !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je rappelle que, toutes primes comprises, le directeur d’un CHU gagne 7 800 euros par mois. Quant aux traitements des directeurs d’un CHR et d’un hôpital général, ils s’élèvent respectivement à 7 300 euros et à 6 020 euros par mois. Ces salaires, certes confortables, sont en rapport avec ceux qu’offrent les postes de responsabilité égale de la fonction publique.
Je souhaite proposer à ces professionnels des formations souples et modulables à l’École des hautes études en santé publique, afin qu’ils puissent approfondir leurs connaissances techniques et renforcer leur capacité à travailler avec les autres acteurs de la santé. Ils pourront ainsi être associés à la gestion de l’établissement.
Le recrutement par voie de détachement sur contrat sera également ouvert aux personnels de direction de la fonction publique hospitalière, avec comme objet précis de conduire une mission visant à rétablir le bon fonctionnement d’un établissement connaissant des difficultés récurrentes. Il faut bien reconnaître que les professionnels ne se bousculent pas pour assumer des tâches difficiles, ce qui rend le recours au contrat souhaitable, de manière complémentaire au statut, pour satisfaire aux principes d’adaptabilité et de continuité de service.
L’évaluation des personnels de direction constitue également un point important. Les chefs d’établissement sont des cadres dirigeants : la dynamisation de leur carrière passe par une évaluation et une rémunération fondée sur la performance et l’atteinte d’objectifs.
Le directeur général du Centre national de gestion étant l’autorité investie du pouvoir de nomination, il est nécessaire de prévoir explicitement dans la loi que l’évaluation annuelle relève de la compétence du directeur général de l’ARS pour les chefs des établissements publics de santé. Il a naturellement vocation à exercer cette compétence, car il définit l’organisation, l’évolution de l’offre de soins au niveau régional ainsi que le projet régional de santé.
Ces dispositions, que ce soit le détachement sur contrat, le recrutement d’agents non fonctionnaires ou l’évaluation, concerneront bien entendu les directeurs des établissements sociaux et médico-sociaux. Le Gouvernement proposera ainsi des amendements visant à mieux prendre en compte les problématiques propres à ce secteur.
Enfin, je présenterai un amendement permettant aux lauréats des concours d’accès à certains corps de fonctionnaires hospitaliers de postuler à un emploi dès lors qu’ils sont inscrits sur une liste d’aptitude.
Je tiens également à vous rassurer, mesdames, messieurs les sénateurs, aucun pourcentage ne sera appliqué et le contenu de la formation, qui sera assurée par l’École des hautes études en santé publique, relèvera du règlement.
Pour rendre plus attractive cette véritable profession de santé publique, je souhaite fluidifier les parcours et faciliter la mobilité dans les deux sens. Nombre de directeurs d’hôpitaux aspirent à des carrières plus variées, et il faut les accompagner dans ce mouvement. Cet article 7 vise à développer l’attractivité des personnels de direction de notre hôpital public.
M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 436, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer le I de cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Avec cet article 7, nous abordons le cœur de nos différends, madame la ministre, et autant dire d’emblée que vos propos ne nous ont absolument pas convaincus.
Alors que les statuts de la fonction publique prévoient déjà de nombreuses dérogations permettant l’emploi de non-fonctionnaires, en particulier pour les emplois de direction, l’insistance et les précisions données par cet article créent une dérogation supplémentaire, spécifique au statut de la fonction publique hospitalière.
Nous ne saurions l’accepter, d’autant que, contrairement aux autres dérogations prévues dans les statuts de la fonction publique, aucune garantie de formation initiale, de compétence acquise ou d’expérience n’est exigée en l’occurrence.
Certes, on ne recrutera pas n’importe qui. Mais l’on sait bien ce que signifie le recours à des non-fonctionnaires pour assurer des missions de direction d’établissement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On ne nous a rien dit !
M. Guy Fischer. Mais nous le savons, chère collègue : le but est de recruter des personnes qui possèdent une expérience financière.
Certes, une formation est proposée, mais rien n’est dit sur sa nature, sa durée, aucun arrêté ou décret n’est prévu pour en définir les contenus. Le fait du prince se met en place !
De toute évidence, comme pour les nominations des directeurs généraux des agences régionales de santé, il s’agira d’une décision politique prise au plus haut niveau.
Cet article lève ainsi le voile sur la réalité du pouvoir d’un directeur d’établissement. Il ne dispose pas du pouvoir de nomination des cadres appelés à le seconder ; on ne lui demande même pas son avis.
C’est le directeur général du Centre national de gestion qui est l’autorité investie du pouvoir de nomination à ces postes.
Cela renforce ce que nous dénonçons par ailleurs comme étant, en fait, une véritable recentralisation entre les mains du pouvoir politique.
Ainsi, à travers les différentes prescriptions de cet article 7, chacun comprend mieux que le personnel de direction ne sera plus investi de la mission de gestion d’un véritable service public tel que nous l’entendons, mais il le sera de missions avant tout managériales fondées sur la logique de résultats financiers.
Nous contestons cette évolution et nous vous demandons donc, mes chers collègues, de supprimer le I de cet article 7.
M. le président. L'amendement n° 1185, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Dans le deuxième alinéa du 1° du I de cet article, remplacer la référence :
L. 6141-1
par la référence :
L. 6143-7-1-1
II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans le second alinéa du 2° du même I et dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le 3° du même I pour l'article 9-2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je rappelle que, dans la rédaction qu’elle a proposée pour l’article 6, la commission des affaires sociales a inséré un article L. 6143-7-1-1 nouveau dans le code de la santé publique, relatif exclusivement à la nomination des directeurs des établissements publics de santé. Les dispositions prévues à l’article 7 – nomination de non-fonctionnaires sur des emplois de directeur et détachement sur contrat – étant prévues par dérogation aux dispositions précitées, il convient d’assurer la cohérence rédactionnelle entre les deux textes.
M. le président. L'amendement n° 437, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer le quatrième alinéa du I de cet article.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet amendement vise à supprimer la disposition introduite à l’Assemblée nationale autorisant le recrutement de directeurs d’hôpitaux non fonctionnaires.
Je voudrais d’ailleurs revenir en arrière, plus précisément à la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, présentée par Guy Fischer. Nous ne défendions pas alors la Ve République, comme vous l’avez prétendu à tort, madame la ministre, mais le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, profondément inspiré des travaux du Conseil national de la Résistance, et auquel les forces de progrès et d’émancipation ont très largement participé.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L’enfant, la femme et les vieux travailleurs !
M. François Autain. Certes, nous nous sommes opposés à la Ve République dès son institution, mais je tiens à préciser que, à travers son préambule, nous avons défendu et soutenu la Constitution du 27 octobre 1946.
Par cet amendement, nous entendons revenir sur cette disposition que nous considérons comme contraire aux fondements de la République. Nous avons fait le choix d’instaurer en France, pour diriger les établissements publics, notamment ceux de santé, un concours. À l’heure où le Gouvernement parle de lutte contre les discriminations, nous nous opposons à ce que l’on s’éloigne d’un principe garantissant l’égalité des chances de ceux qui y participent. Nous ne pouvons accepter d’y renoncer, ne serait-ce que partiellement.
Quant aux compétences particulières que vous avez invoquées en réponse à notre motion, madame la ministre, elles me laissent perplexe. Nulle part il n’est précisé quelles sont ces compétences ou les qualités dont ne disposeraient pas les élèves directeurs issus de l’ENSP. Ni à l’Assemblée nationale ni ici même, au Sénat, vous n’avez précisé votre pensée. Aussi, nous avons tendance à penser que la seule qualité recherchée est en réalité la pratique talentueuse de la calculette, de manière à réduire les dépenses, au risque de porter atteinte à la qualité et à la sécurité des soins.
Madame la ministre, les quelques éclaircissements que vous nous avez apportés tout à l’heure ne sont pas de nature à nous satisfaire. Comme vous l’avez-vous-même reconnu, ces directeurs ne perçoivent pas des rémunérations très élevées. Or rien ne nous dit que les directeurs issus du secteur privé ne bénéficieront pas de salaires supérieurs à ceux dont bénéficient les directeurs issus des concours publics. Peut-être prétendrez-vous le contraire ? Toujours est-il qu’il est déjà arrivé dans le passé que des non-fonctionnaires soient recrutés pour pourvoir certains postes, certes non pas des postes de directeur, mais, par exemple, à la présidence de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris.