M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Dériot. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Madame la ministre, la révolution technologique que nous vivons conduit nos concitoyens à des aspirations légitimes, mais parfois contradictoires. Ainsi, le désir d’un accès le plus large possible à ces progrès techniques s’accompagne du développement de très vives inquiétudes quant à de possibles conséquences sur la santé.
Voilà quelques années, je me faisais l’écho, dans cet hémicycle, de la révolte des habitants de mon département, l’Allier, qui ne bénéficiaient pas encore de la couverture en téléphonie mobile, alors en déploiement.
Aujourd’hui, je me dois de vous faire partager tout aussi fidèlement leurs craintes et celles de l’ensemble de nos concitoyens à l’égard du téléphone mobile, des antennes relais, des bornes wi-fi et des ondes électromagnétiques.
Des reportages inquiétants ont été diffusés, des études épidémiologiques ont été conduites, des scientifiques se sont exprimés. Tout cela suscite finalement plus d’interrogations que de certitudes dans le grand public !
Nous sommes, par conséquent, très attentifs aux premiers résultats du « Grenelle des ondes », qui a réuni associations, opérateurs de téléphonie et représentants de l’État.
Madame la ministre, pouvez-vous nous détailler ses premières conclusions et nous préciser quelles mesures vous comptez prendre en la matière, notamment pour protéger de telles expositions les enfants, qui sont naturellement les plus sensibles ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. David Assouline. Il suffit de lire mon rapport !
M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le sénateur, vous vous faites très légitimement l’écho du questionnement et des inquiétudes de nos concitoyens sur ces nouvelles technologies.
C’est à la demande du Premier ministre que nous avons, mes collègues Nathalie Kosciusko-Morizet, Chantal Jouanno et moi-même, réuni cette première table ronde intitulée : « Radiofréquences, santé et environnement », appelée aussi parfois « Grenelle de la téléphonie mobile ». Cela a permis aux acteurs du secteur de dialoguer, ce qu’ils n’avaient pas encore fait.
Il en est ressorti un certain nombre de propositions très concrètes et des préconisations qui pourront d’ailleurs être prises en compte dans la future loi de transition environnementale.
Le consensus a été trouvé, d’abord, sur une information générale accessible au grand public, avec un portail internet dédié, un guide d’information très largement diffusé, une campagne d’information auprès de nos enfants, dans les écoles, pour une utilisation raisonnée de la téléphonie mobile. L’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, va aussi développer un certain nombre de documents spécifiques pour informer le plus complètement possible nos concitoyens.
Une information plus spécifique sera diffusée au moment de l’achat des appareils, grâce à des notices très détaillées sur leur fonctionnement, leur bon usage, et aussi sur l’indice de puissance des ondes émises, appelé débit d’absorption spécifique ou DAS.
Voilà pour l’information très complète à destination du grand public.
Par ailleurs, l’usage des téléphones mobiles – mais pas la détention - sera interdit à l’école primaire. Cette mesure sera prise en collaboration avec mon collègue ministre de l’éducation nationale.
Quant aux antennes relais, les scientifiques de l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, considèrent qu’elles ne présentent aucun risque sanitaire. Nous avons néanmoins décidé de mener une expérimentation pour voir s’il ne serait pas possible de baisser les seuils d’exposition. Nous souhaitons aussi que le public soit mieux informé sur cette question.
Nous voulons spécifiquement prendre en charge les personnes qui se disent électrosensibles. Un protocole les concernant sera mis en place sous la direction d’équipes de l’hôpital Cochin, en partenariat avec la Direction générale de la santé.
Nous allons encore rendre plus transparents le fonctionnement et le financement de la recherche par le versement d’une redevance qui sera imposée aux opérateurs de téléphonie mobile.
Pour Nathalie Kosciusko-Morizet, Chantal Jouanno et moi-même, ce n’est que le début d’un dialogue entre les acteurs. L’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail est chargée, à ma demande, de faire le point des travaux.
Rendez-vous est donc pris dès le mois de septembre pour poursuivre ce dialogue qui, je le crois, est extrêmement fructueux et permettra de répondre au questionnement et aux inquiétudes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Dépôt d'une proposition de résolution
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés une proposition de résolution, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, sur le rôle des services publics.
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 446 et distribuée.
6
Réforme de l'hôpital
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au titre II, précédemment réservé.
TITRE II
(précédemment réservé)
ACCÈS DE TOUS À DES SOINS DE QUALITÉ
M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en adoptant le titre Ier et le titre IV du présent projet de loi, nous avons établi une nouvelle gouvernance territoriale de la santé.
L’examen du titre II nous permettra de déterminer les fins qui orientent cette nouvelle organisation. Après l’hôpital et le territoire, nous allons en effet nous pencher sur la prise en charge des patients. Ce titre traite de l’« accès de tous à des soins de qualité », objectif que nous partageons tous.
Nous allons aborder plusieurs problèmes d’importance, les soins de premier recours, la démographie médicale, la permanence des soins, les coopérations, les discriminations et la réforme de la biologie médicale.
Sur tous ces sujets, la commission des affaires sociales a cherché à trouver un équilibre entre, d’une part, la nécessité de répondre aux besoins de santé de nos concitoyens, quels que soient leur lieu de résidence et leur condition sociale et, d’autre part, la liberté des professionnels de santé, qu’il convient de respecter, car elle n’est le plus souvent que la contrepartie d’un engagement personnel fort envers leurs patients.
Certains de nos collègues estiment que la question de l’accès aux soins est d’abord d’ordre financier. Plusieurs amendements traitent donc de questions relatives aux remboursements ou aux tarifs. Ces sujets sont importants, au point, d’ailleurs, qu’ils sont discutés chaque année lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le texte qui nous est proposé par le Gouvernement prévoit une réforme majeure de l’organisation territoriale de notre système de santé ; ses conséquences financières seront examinées à l’occasion de la discussion des projets de loi de financement de la sécurité sociale et des projets de loi de finances à venir. Il n’est donc pas opportun d’en traiter dans le présent cadre.
M. le président. L'amendement n° 700, présenté par M. Desessard, Mme Voynet, MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mmes Demontès et Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter l'intitulé de cette division par les mots :
et de proximité
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je serai bref.
M. Guy Fischer. Ne bradons pas le débat, mon cher collègue ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Vous avez raison, je n’ai rien dit ! (Nouveaux sourires.)
Cet amendement vise à compléter l’intitulé du titre II, qui se lirait ainsi : « Accès de tous à des soins de qualité et de proximité ».
Il aurait été assez surprenant qu’un projet de loi prévoie l’accès de tous à des soins médiocres ! Cet amendement vise donc à introduire une notion supplémentaire utile, la proximité.
On entend souvent dire que, au nom de la sécurité et de la qualité des soins, il faudrait fermer les petites structures, qui ne pratiquent pas suffisamment d’actes pour être totalement fiables. Mais c’est ignorer le fait que la proximité est aussi un gage de l’accessibilité à ces établissements et, donc, une garantie de sécurité pour les usagers.
En outre, le maintien des malades dans un environnement géographique proche permet à leurs familles de leur rendre visite plus souvent. Or nul ne peut contester le rôle important du soutien moral dans l’amélioration de l’état de santé de patients qui subissent parfois des traitements particulièrement lourds ou qui sont hospitalisés pour des soins de longue durée.
C’est pourquoi la proximité doit être un objectif prioritaire, au même titre que la qualité des soins.
Je le répète, la notion de soins de proximité implique une dimension supplémentaire par rapport à celle de soins de qualité, sur laquelle nous ne pouvons que nous retrouver, car elle est évidente.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement vise à introduire la notion de proximité dans l’intitulé de cette division.
La commission des affaires sociales a marqué son attachement à la notion de proximité en en précisant le contenu à l’article 14.
Elle estime néanmoins que c’est la qualité des soins qui doit primer. On peut, certes, souhaiter que tous les hôpitaux de proximité soient des hôpitaux de qualité, mais il faut également tenir compte des tailles critiques nécessaires au bon exercice des soins. Augmenter les moyens des structures existantes, comme c’est souvent demandé à la suite de défauts de prise en charge, n’est donc pas toujours – loin de là ! – la solution. Parfois, pour la sécurité des patients, il est nécessaire de fermer certains services, voire certaines structures.
Dès lors, il est préférable que le titre II ne mentionne que la qualité des soins, la proximité étant évoquée au sein de l’article 14.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur Desessard, je salue votre engagement constant, qui est également le mien, en faveur de la proximité.
La proximité constitue un facteur de qualité des soins dans bien des circonstances.
Toutefois, nous souhaitons promouvoir une vision plus large de cette qualité. Le texte porte globalement sur l’organisation territoriale des soins. Il comporte également d’autres éléments relatifs à la qualification professionnelle ou à la biologie médicale.
Monsieur le sénateur, nous aurons l’occasion d’évoquer de nouveau la proximité au cours de ce débat. Pour l’instant, le terme de « qualité des soins », qui l’englobe en tant que de besoin, est meilleur.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 700.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l’article 14 (réservés jusqu’après l’article 21 nonies)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que les amendements portant article additionnel avant l’article 14 ont été réservés jusqu’après l’article 21 nonies.
Article 14
(Texte modifié par la commission)
I. - Suppression maintenue par la commission......................................
II. - Les articles L. 1411-11 à L. 1411-18 du code de la santé publique sont remplacés par les dispositions suivantes :
« CHAPITRE IER BIS
« Organisation des soins
« Art. L. 1411-11. - L'accès aux soins de premier recours, ainsi que la prise en charge continue des malades sont définis dans le respect des exigences de proximité, qui s'apprécie en termes de distance et de temps de parcours, de qualité et de sécurité. Ils sont organisés par l'agence régionale de santé et de l'autonomie au niveau territorial défini à l'article L. 1434-14 et conformément au schéma régional d'organisation des soins prévu à l'article L. 1434-6. Ces soins comprennent :
« 1° La prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des patients ;
« 2° La dispensation et l'administration des médicaments, produits et dispositifs médicaux, ainsi que le conseil pharmaceutique ;
« 3° L'orientation dans le système de soins et le secteur médico-social ;
« 4° L'éducation pour la santé.
« Les professionnels de santé, dont les médecins traitants cités à l'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale, ainsi que les centres de santé concourent à l'offre de soins de premier recours, en collaboration et, le cas échéant, dans le cadre de coopérations organisées avec les établissements et services de santé, sociaux et médico-sociaux.
« Art. L. 1411-12. - Les soins de second recours, non couverts par l'offre de premier recours, sont organisés dans les mêmes conditions que celles prévues au premier alinéa de l'article L. 1411-11. »
III. - À l'article L. 1411-19 du même code, la référence : « du présent chapitre » est remplacée par les références : « des chapitres Ier et du présent chapitre ».
IV. - Au début du titre III du livre Ier de la quatrième partie du même code, il est inséré un chapitre préliminaire ainsi rédigé :
« CHAPITRE PRÉLIMINAIRE
« Médecin généraliste de premier recours
« Art. L. 4130-1. - Les missions du médecin généraliste de premier recours sont notamment les suivantes :
« 1° Contribuer à l'offre de soins ambulatoire, en assurant pour ses patients, la prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des maladies ainsi que l'éducation pour la santé. Cette mission peut s'exercer dans les établissements de santé ou médico-sociaux ;
« 2° Orienter ses patients, selon leurs besoins, dans le système de soins et le secteur médico-social ;
« 3° Assurer la coordination des soins nécessaire à ses patients ;
« 4° Veiller à l'application individualisée des protocoles et recommandations pour les affections nécessitant des soins prolongés et contribuer au suivi des maladies chroniques, en coopération avec les autres professionnels qui participent à la prise en charge du patient ;
« 5° Assurer la synthèse des informations transmises par les différents professionnels de santé ;
« 6° Contribuer aux actions de prévention et de dépistage ;
« 7° Participer à la mission de service public de permanence des soins dans des conditions fixées à l'article L. 6314-1 ;
« 8° Contribuer à l'accueil et à la formation des stagiaires de deuxième et troisième cycles d'études médicales. »
V. - Le cinquième alinéa de l'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale est complété par les mots suivants : « ou lorsque l'assuré consulte des médecins relevant des spécialités suivantes : gynécologie médicale, gynécologie obstétrique, ophtalmologie, psychiatrie et neuropsychiatrie sans prescription de son médecin traitant ou sans avoir choisi un médecin traitant. »
M. le président. La parole est à Bernard Cazeau, sur l’article.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je m’interroge sur l’intérêt et la portée de l’article 14. Entre le « dit » et le « non-dit », pourquoi redéfinir de façon détaillée la médecine générale ? Le mot « générale » ne laisse-t-il pas suffisamment penser qu’il faut au contraire « donner un peu de mou » au système, d’autant que de telles précisions ne peuvent qu’exacerber un peu plus les contentieux existant parfois entre généralistes et spécialistes ?
Bref, après le « médecin traitant » du parcours de soins, nous arrivons au médecin « de premier recours » ! À quand, madame la ministre, le médecin aux pieds nus, comme chez les Chinois ? (Sourires.)
Une analyse plus fine nous laisse entrevoir, derrière cette reconnaissance de la médecine générale, une certaine vision « réglementarisée » de celle-ci.
Il y a trop de choses évidentes dans la description, à l’article 14, des tâches du médecin de premier recours, pour que l’on ne soit pas tenté de penser qu’elles cachent des contraintes de toutes sortes, d’autant que l’article 26, que nous venons d’examiner, nous a décrit avec précision la toute-puissance du directeur général de l’agence régionale de santé.
La médecine est un art, disait Hippocrate, l’art d’adapter les connaissances à la réalité de situations très diverses que subissent parfois nos concitoyens. Car c’est pour eux que nous travaillons ! Si cette définition reflète, aujourd’hui, une réalité, c’est bien celle de la médecine générale, par rapport aux spécialités et leurs plateaux techniques, qui prennent de plus en plus de place.
Cet article 14 est à l’image du projet de loi : on sait ce qu’il contient, mais on ne sait pas jusqu’où il peut nous conduire ! (M. Jean Desessard s’exclame.) Des mauvaises langues ont même insinué qu’il constituait une sorte de récompense pour certains syndicats de médecins…
Pour conclure, je citerai les propos tenus par un syndicat de médecins qui vous a pourtant longtemps soutenue, madame la ministre : « Derrière l’épée de Damoclès qui est brandie au-dessus de nos têtes, c’est le moment d’entrer en résistance ».
Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes très réservés sur cet article.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Aux yeux de certains syndicats de médecins généralistes, l’article 14, qui est issu des travaux des États généraux de l’organisation de la santé, leur confère le monopole des soins de premier recours. On peut presque dire que c’est le contraire, puisque le texte, depuis le début, vise à prévoir non seulement que tous les médecins, qu’ils soient généralistes ou spécialistes, participent aux soins de premier recours, mais aussi que tous les professionnels de santé sont concernés.
Les soins de premier recours regroupent l’ensemble des soins. Ainsi, même si l’article 14 comporte une définition des missions du médecin généraliste de premier recours, aucune spécialité, aucune profession de santé, aucune forme d’exercice ne sont exclues du premier recours.
J’émettrai donc, au nom de la commission, un avis défavorable sur les amendements tendant à énumérer certaines professions ou certains modes d’exercice pour les soins de premier recours.
Si les soins de premier recours incluent l’ensemble des soins et des professionnels et que cela n’a aucun impact sur l’assurance maladie, on peut à la limite s’interroger sur l’utilité de cet article.
Or je considère que, malgré son caractère déclaratif, il contient un apport majeur, à savoir la mention de la proximité en tant qu’élément de l’accès aux soins.
Soyons clairs : puisque les niveaux de recours de l’article 14 sont trop flous pour guider l’organisation des soins sur le territoire, c’est le schéma régional d’organisation des soins, le SROS, mis en place par l’agence régionale de santé, l’ARS, qui le fera. Or il convient de s’assurer que la réponse aux besoins de la population ne se fera pas qu’en termes de qualité, car cela pourrait se traduire par la concentration des moyens sur quelques grands équipements, sans que soit suffisamment prise en compte la possibilité physique pour la population de s’y rendre.
Pour répondre à cette inquiétude, la commission des affaires sociales a précisé que la proximité s’appréciait en termes de distance et de temps de parcours. Aller au-delà, ce serait ajouter des dispositions de principe qui nous exposeraient au risque de rendre la loi bavarde...
M. Alain Gournac. Oui, trop bavarde !
M. Alain Milon, rapporteur. ... ou d’imposer des délais opposables en matière de prise en charge, proposition malheureusement irréaliste dont nous avons déjà débattu.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cet article, qui fixe les principes d’organisation de l’offre de soins en niveaux de recours et qui définit la médecine générale de premier recours, correspond, vous avez eu raison de le souligner, monsieur Cazeau, à une demande des professionnels de santé.
M. le rapporteur l’a rappelé à juste titre, nous avons organisé de nombreuses concertations. Ainsi, les États généraux de l’organisation de la santé nous ont permis d’entendre les différents acteurs. Cela nous permet de proposer aujourd'hui un texte novateur et utile.
Nous avons d’abord souhaité une organisation du système de santé qui parte non de l’offre de soins, mais des besoins de santé de nos concitoyens. C’était bien le moins ! Jusqu’à présent, les soins de premier recours, qui constituent le maillage de notre territoire, étaient élaborés à partir de l’offre et non de la demande, ce qui posait un véritable problème.
L’accès à des soins de proximité est une priorité absolue pour nos concitoyens. J’ai dû émettre un avis défavorable sur un amendement qui visait à le rappeler, mais je souscris tout à fait au principe. Il est donc nécessaire de définir un niveau de soins de premier recours qui fera l’objet d’une organisation spécifique au niveau du SROS ambulatoire.
L’enjeu majeur de l’organisation des soins de premier recours est de garantir l’accessibilité tant géographique que financière à des soins de qualité sur l’ensemble du territoire.
L’offre de soins de premier recours doit également être organisée en améliorant l’interface entre les différents professionnels de santé médicaux – généralistes et spécialistes – et les autres professionnels de santé. Elle doit aussi articuler la ville, l’hôpital et le secteur médico-social. C’est tout le sens du décloisonnement que nous avons mis en place et dont nous avons décliné les modalités au titre Ier et au titre IV.
Par ailleurs, les soins de second recours complètent l’offre de soins de premier recours en permettant l’accès à certaines spécialités hospitalières libérales ou à un plateau technique. Cette offre de soins est par nature plus rare. Son aménagement sur le territoire correspond donc à une réflexion spécifique complémentaire par rapport à l’offre de premier recours, définie également dans le SROS.
J’en viens maintenant à la définition du rôle particulier du médecin généraliste de premier recours et de ses missions.
Curieusement, rien ne figurait dans le code de la santé publique ! Aujourd'hui, nous ne pouvons que constater le déficit d’attractivité et de reconnaissance de cette spécialité, pourtant centrale dans l’organisation des soins de proximité.
Cette définition précise, au sein de l’activité des omnipraticiens, les missions correspondant à la prise en charge des besoins de santé de proximité de nos concitoyens. Elle servira notamment pour la formation spécifique à la médecine générale, dont la filière universitaire est en cours de développement. Nous reviendrons également sur les moyens qui lui sont consacrés.
Enfin, il convient de mener un travail de définition préalable à l’élaboration des SROS.
L’organisation de l’offre de soins de premier recours constitue un enjeu capital pour les années à venir. Les difficultés auxquelles nous nous heurtons dans ce domaine sont déjà importantes, alors que la France connaît le taux de médecins pour 100 000 habitants le plus élevé de l’OCDE. Or ce taux ne cessera de décroître de près de 20 % jusqu’en 2020. À voir les difficultés d’aujourd'hui, on imagine celles de demain !
Cette organisation géographique réfléchie et consensuelle est l’objet des SROS, qui seront définis selon les principes posés par cet article.
Ainsi créons-nous un schéma structurant, qui sera également décliné à travers d’autres articles.
Je suis persuadée que, garant de l’aménagement du territoire, notamment dans sa dimension sanitaire, le Sénat aura sur ce sujet beaucoup d’idées, comme l’a déjà démontré notre travail en commission des affaires sociales.
M. le président. L'amendement n° 68, présenté par M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Rétablir le I de cet article dans la rédaction suivante :
Les établissements de santé informent par tout moyen les usagers du système de santé ainsi que les professionnels de santé sur leurs activités, leurs organisations et leurs conditions d'accueil, notamment en ce qu'elles permettent l'accès aux soins, dans le respect des règles déontologiques applicables aux praticiens qui y exercent.
Cette information doit être objective, loyale et dépourvue de caractère commercial.
Sont punis de 37 500 euros d'amende tout établissement de santé qui procède à une information sur ses activités et ses conditions d'accueil dans des conditions contraires aux dispositions du précédent alinéa, ainsi que les personnes qui participent à sa réalisation ou à sa diffusion.
Il est procédé, s'il y a lieu, à la suppression ou à l'enlèvement des supports de l'information effectuée ou diffusée dans des conditions irrégulières au regard des dispositions du présent article, aux frais des contrevenants.
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Cet amendement est indispensable. Son adoption permettra aux établissements de santé de donner tant aux usagers qu'aux professionnels une information relative à leurs activités.
Cette information peut prendre de nombreuses formes : renseignements administratifs dans divers organes, diffusion de guides, de dépliants de présentation de l'offre de diagnostic et de soins, affiches, journées portes ouvertes, présence dans des salons professionnels, informations sur l'ouverture d'un nouvel établissement, sur l’acquisition d'un nouvel équipement, sur la possibilité de réaliser tel examen ou tel soin selon telle ou telle technique le cas échéant innovante, site internet, voire parrainage d'événements culturels et sportifs.
La réforme du financement des établissements de santé – la tarification à l'activité – et du régime des autorisations sanitaires, qui se fonde notamment sur des « objectifs quantifiés de l'offre de soins », exacerbe la concurrence entre établissements publics de santé et établissements privés. Plusieurs cas récents ont montré que certains établissements ou organismes n'hésitent pas à lancer des campagnes de publicité soit pour vanter la qualité des services qu'ils offrent, soit pour dénigrer, par des comparaisons plus ou moins hâtives, les établissements de santé concurrents.
Aujourd'hui, l'usage de la publicité est limité par des dispositions à caractère déontologique qui sont désormais codifiées au sein du code de la santé publique.
Il est important que l'information donnée par l'hôpital public sur les différents services qu'il offre aux usagers puisse être réalisée dans un cadre sécurisé juridiquement. Elle doit pouvoir être donnée non seulement sur les caractéristiques hôtelières de l’établissement, mais aussi sur le cœur de ses missions, à savoir les activités médicales. Elle doit également permettre aux patients d'exercer leur libre choix de façon avertie, sur le fondement d'indications factuelles dénuées de caractère commercial.
Les filières de soins, les établissements concourant à un parcours de soins coordonné et de qualité doivent pouvoir faire connaître leurs modes d'accès et les rendre parfaitement lisibles par les patients et leurs familles.
Je souhaite attirer l’attention sur la situation dans les villes et les grands centres urbains. Il est évident que, pour les villes moyennes de province, la communication est beaucoup plus facile. Il n’en est pas de même dans une grande ville. Ainsi, à Paris, pour ne prendre que l’exemple de cette ville dont je suis un élu, au risque d’entraîner des votes négatifs sur mon amendement, la méconnaissance du parcours de santé est très importante. Cette remarque vaut également pour toute la région parisienne.
C'est la raison pour laquelle j’attache beaucoup d’importance à ce que la commission et le Gouvernement examinent avec attention cet amendement.
Il est fréquent aujourd'hui que les établissements publics de santé dispensent volontairement une information à destination du grand public pour éviter les litiges. Je pense notamment à l’information destinée aux patients économiquement défavorisés, qui rencontrent des difficultés dans l’accès aux soins. Il importe que les hôpitaux puissent communiquer sur leurs conditions d’accueil et les organisations médicales spécifiques qu’ils mettent en place en la matière, la permanence d’accès aux soins, nécessaire pour assurer l’accueil de tous, l’information sur les spécialités médicales, sur les soins et les techniques innovants, la prise en charge des maladies rares, etc.
Des dispositions législatives sont indispensables. C'est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement, qui vise également à prévoir des sanctions pour les cas de non-respect des obligations déontologiques, lorsque l’information prend manifestement un caractère publicitaire ou déloyal.