M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela va se faire !
M. Guy Fischer. Nous saurons vous le rappeler !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous verrons le résultat !
Ce qui figure dans le texte est un minimum, une sorte de placebo, dont nous doutons de l’efficacité réelle. Voilà cinq ans que le dossier est bloqué, et, malgré nos demandes réitérées, le Gouvernement a toujours refusé d’agir.
S’agissant de l’organisation et du pilotage territorial, nous regrettons une occasion manquée. La création des agences régionales de santé aurait pu constituer une véritable innovation permettant de décloisonner notre système de santé, en rapprochant la médecine de ville de la médecine hospitalière pour une plus grande efficacité. Au départ, c’était même une idée qui faisait consensus.
Mais, en fait, madame la ministre, vous avez conçu ces ARS comme des superstructures technocratiques qui s’inscrivent dans une logique d’étatisation et consacrent l’avènement de véritables préfets sanitaires. Je ne reprendrai pas la formule qui avait été employée dans cet hémicycle et qui avait fait bondir mon collègue Guy Fischer. Je ne voudrais pas le fâcher une seconde fois ! (Sourires.)
Une véritable innovation permet de décloisonner notre système de santé en rapprochant la médecine de ville de la médecine hospitalière, pour une plus grande efficacité. Mais en fait, madame la ministre, vous avez conçu une superstructure technocratique. C’est une logique d’étatisation, qui consacre l’avènement de préfets en matière de santé. En effet, un pouvoir sans partage est accordé aux directeurs d’ARS, en même temps qu’est renforcée la chaîne de responsabilité exécutive contrôlée par l’État et que sont affaiblis ou isolés les intérêts locaux et les acteurs territoriaux. La régionalisation est simplement mise au service d’une recentralisation dont l’objectif principal est la maîtrise des dépenses de santé.
Je ne parlerai pas longtemps du volet santé du texte, tant son contenu nous semble à la fois véritablement insuffisant et totalement incohérent. En témoigne la controverse sur l’alcool qui aura encore une fois animé les débats. Vous avez annoncé, madame la ministre, une prochaine loi de santé publique ; nous l’attendons avec impatience ...
Bref, alors que l’objectif initial du texte était la modernisation de notre système de santé et qu’une réforme globale, accompagnée d’investissements structurels majeurs, s’imposait, on nous propose finalement une vision cloisonnée et étriquée de ce système !
Progressivement, les objectifs économiques prennent le pas sur les enjeux de santé publique et d’égalité d’accès aux soins et rendent un peu plus inéluctable l’avènement d’une médecine à deux vitesses.
Ce choix politique, allié à la perspective des 20 milliards d’euros de déficit de la sécurité sociale que nous enregistrerons à la fin de cette année – et 30 milliards d’euros annoncés par M. le ministre du budget pour 2010 –, risque fort d’accentuer cette rupture fondamentale. À n’en pas douter, l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale sera décisif pour la sauvegarde de notre système de protection sociale !
En attendant ce futur débat, le groupe socialiste du Sénat vous fera connaître son vote par la voix de notre collègue Bernard Cazeau. Même si certains de nos amendements ont été adoptés, ils ne peuvent pas changer l’orientation négative de cette réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du groupe du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ne restera pas dans les annales, sinon pour les remous qu’elle a provoqués au sein du monde de la santé.
Je n’ai pas connaissance d’une seule catégorie d’acteurs de la santé qui se soit réjouie de l’élaboration et des mesures de ce texte,…
M. Bernard Cazeau. …texte qui aura battu des records d’impopularité et qui est déjà décrié avant d’être appliqué.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ne prenez pas vos désirs pour des réalités, monsieur Cazeau !
M. Bernard Cazeau. J’ai bien le droit de m’exprimer, madame la ministre ! Il faut comprendre le sentiment d’humiliation de ces praticiens hospitaliers qu’on a tout d’un coup soupçonnés de contribuer à la mauvaise gestion de l’hôpital alors qu’ils en sont les piliers et qu’ils portent haut, pour un certain nombre d’entre eux, les couleurs de la médecine française dans le monde.
Il faut mesurer le scepticisme des médecins libéraux qui voient dans vos propositions une hyperadministration de leur activité et peu de solutions à leurs difficultés.
M. Bernard Cazeau. Il vous faut entendre l’inquiétude des personnels hospitaliers que l’on se propose de réorganiser sans ménagement, pour transférer leurs missions à d’autres opérateurs.
Il vous faut admettre que les usagers du système de soins sentent que notre système se délite peu à peu, la carte de crédit se substituant à la carte vitale.
Il vous faut enfin écouter les attentes des élus locaux qui n’ont pas envie que se créent demain des déserts sanitaires, abandonnés des professions libérales de santé et des pouvoirs publics.
Faute d’avoir fondé votre approche sur ces problèmes essentiels, vous avez produit une loi partielle et détachée des enjeux du moment. En un mot, vous avez renoncé au grand texte d’orientation, de financement et d’organisation, dont le système de santé français a tant besoin, pour ne traiter qu’une partie du sujet : le volet administratif de l’organisation des soins.
Oui, madame la ministre, nous attendions une loi ambitieuse, ouvrant la voie du renforcement et de la pérennité de notre système de soins, et nous obtenons en retour un texte bancal qui réorganise l’administration de la santé et règle quelques questions subalternes, mais dans lequel les vrais problèmes ne sont bien souvent qu’effleurés et non pas réellement traités.
Les parlementaires des deux assemblées l’ont d’ailleurs bien compris puisqu’ils ont multiplié par trois le nombre d’articles que comptait le projet de loi, et cela malgré les promesses de textes futurs relatifs tant au financement qu’à la santé publique et à la santé mentale : en ce qui concerne le financement, le Gouvernement nous soumettra bien sûr, puisque c’est obligatoire, un projet de loi de financement de la sécurité sociale ; mais quand examinerons-nous les autres textes ?
À quoi sommes-nous en effet parvenus au terme de six mois de travaux et de controverses ?
En matière de gouvernance de l’hôpital public, le Sénat a su faire preuve d’écoute à l’endroit des acteurs de la santé, et le Gouvernement a fait machine arrière – certes à contrecœur, et je constate qu’il tente hélas ! encore, à travers un dernier amendement à l’article 6, d’imposer ses vues –, revenant sur ses intentions les plus caricaturales qui conduisaient à calquer le fonctionnement de l’hôpital sur le modèle militaire…
De la même façon, le caractère facultatif de l’adhésion à une communauté hospitalière de territoire apparaît comme une modification opportune, conforme au souci de préserver la liberté de gestion des établissements hospitaliers, même si nous ne sommes pas dupes des moyens de pression à la disposition des futures ARS en ce domaine.
Cependant, les menues concessions que l’on recense restent bien dérisoires face aux grands enjeux que ce texte a soulevés.
Tout d’abord, s’agissant de la garantie des moyens et du champ d’intervention de l’hôpital public, rien n’est venu entraver la généralisation des missions de service public au secteur privé lucratif, laquelle constitue à nos yeux une régression discutable.
Il n’y a plus de domaine réservé des financements publics ! Il y avait des accréditations au secteur privé, des possibilités de subvention ; il y aura désormais le financement intégral des services médicaux.
Nous savons ce que cela cache : vous vous dotez là d’un outil juridique qui permettra de perfuser la partie la moins rentable de l’activité des établissements privés. Cela porte un nom, madame la ministre : la socialisation des pertes.
Les cliniques françaises perdent en rentabilité et attendent un coup de pouce de la collectivité. Par le biais du contrat de service public, elles l’auront, mais, dans le même temps, les profits, eux, resteront privés.
Le mélange des genres entre secteur privé lucratif et argent public n’annonce selon nous rien de bon.
Concernant l’accès aux soins, le texte est une déception : en matière de démographie médicale, les mesures sont renvoyées à plus tard ; le numerus clausus régionalisé mettra beaucoup de temps à produire ses effets ; la mesure coercitive du contrat santé solidarité est renvoyée à l’après-2012 ; le contrat d’engagement de service public en contrepartie d’une bourse universitaire produira ses effets sous dix ans... Quant aux autres mesures incitatives, elles existent déjà.
Sur la question des discriminations dans l’accès aux soins, votre position frôle l’hypocrisie. En refusant l’usage encadré du testing, vous continuez de considérer que ce problème n’en est pas un. C’est là une curieuse posture : la discrimination est réprouvée dans les mots, mais ne peut être testée dans les faits ! Cela revient un peu à définir des limitations de vitesse sans les assortir de contrôles des excès potentiels... À quoi bon se draper dans des principes protecteurs si aucun moyen n’est mis en place pour évaluer leur application ? Le testing est aux yeux de certains une marque de suspicion ; nous y voyons plutôt un moyen de dissuasion.
S’agissant des dépassements d’honoraires, c’est le mutisme le plus complet ! Renvoyée à une négociation ultérieure entre les professionnels et l’assurance maladie, la question est pour ainsi dire balayée d’un revers de main. Même les parlementaires de votre majorité ont dû se rendre à l’évidence, madame la ministre : le Gouvernement fait peser une véritable chape de plomb sur ce débat. Nous connaissons vos raisons, nous savons qui a votre oreille. Je vous pose cependant la question : a-t-on encore le droit, en République, de contrarier quelques intérêts privés, ou bien l’argent libre est-il devenu la mesure de toute chose ?
J’évoquerai enfin le titre IV et l’avènement des ARS, qui s’annonce difficile.
Par sagesse, il est question de reporter la mise en place définitive de cette gigantesque administration à juillet 2010. Quel aveu d’impréparation ! On découvre soudainement que la fusion d’administrations différentes ne va pas de soi et qu’il faudra examiner les conditions d’évolution des agents. Bref, on découvre l’existence d’un statut de la fonction publique !
Plus généralement, par-delà les vicissitudes administratives, ce report illustre la complexité des ARS, qui sont de véritables mastodontes. Leurs règles hiérarchiques comme les modalités des délégations de pouvoir devront être codifiées avec la plus grande précision.
Les ARS naîtront dans la douleur. Nous ne sommes pas contre la coordination entre soins libéraux, secteur hospitalier et secteur médico-social, mais, pour nous, coordonner n’est pas régenter. Force est d’admettre que rien n’a été prévu pour limiter l’autoritarisme administratif du directeur de l’ARS, qui disposera de tous les pouvoirs sur les établissements placés sous sa tutelle.
Le drame de votre texte, madame la ministre, c’est son anachronisme : à peine en terminons-nous l’examen que les mauvaises nouvelles consacrent ses limites. La commission des comptes de la sécurité sociale vient en effet d’annoncer un record historique, le déficit s’établissant à 20,1 milliards d’euros en 2009, soit un doublement par rapport à 2008. La Cour des comptes évoque de son côté un déficit de 30 milliards d’euros en 2010....
Dans cet effondrement, c’est la branche maladie qui a le déficit le plus important, représentant 10 milliards d’euros à elle seule.
En réaction, le Gouvernement n’a trouvé pour seule parade que de communiquer pour la énième fois sur la chasse aux abus en matière d’arrêts de travail pour maladie. Cet artifice de communication ne tient pas, car nous savons toutes et tous ici que c’est le vieillissement de la population active qui est en cause et que les arrêts de travail pour maladie sont utilisés par les travailleurs d’un certain âge, parfois d’ailleurs avec la complicité de leurs employeurs.
Il n’y a désormais plus de diversion possible, et je ne pense malheureusement pas que ce texte vous sera d’un réel secours pour redresser la barre. Vous aurez sans doute ainsi compris, madame la ministre, quelle position adoptera le groupe socialiste lors du vote de ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires achève aujourd’hui son parcours parlementaire, un parcours dans l’urgence, à travers un labyrinthe au cœur duquel nous aurions voulu lire en lettre d’or le mot « patients ».
Tant le nombre d’amendements déposés que la durée exceptionnelle des débats – près de six mois – démontrent, s’il en est encore besoin, l’ampleur des sujets abordés par le texte et l’implication forte des députés et des sénateurs pour apporter aux Français une réponse à la hauteur des enjeux.
Longtemps vanté comme l’un des meilleurs du monde, notre système de santé présente aujourd’hui de redoutables symptômes : un financement fragilisé, un pilotage contesté et éclaté, et, surtout, des inégalités très profondes d’accès aux soins.
Derrière la crise budgétaire bien réelle est apparue la fracture sanitaire.
Dans certains territoires, en particulier ruraux, la permanence des soins n’est plus qu’approximative, les délais d’accès en cas d’urgence sont incompatibles avec l’efficacité des soins, les files d’attente pour les spécialistes s’allongent. En bref, le désert médical s’installe et gagne du terrain dans nos campagnes !
Face à cette situation, dont on pressentait qu’elle était inéluctable, on ne pouvait plus se contenter de mesures isolées, de vœux pieux. Il était temps de décider et d’agir, d’autant que, en matière de santé plus encore que dans d’autres domaines de l’action publique, les fruits se récoltent à moyen et à long terme. C’est dire combien ce projet de loi, dont on ne peut que saluer la présentation dans un tel contexte, était attendu.
Votre projet de loi initial, madame la ministre, a subi de profondes modifications tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Je n’ai pu être présente tout au long de nos débats, mais il m’avait semblé un temps que la grogne des médecins et des personnels hospitaliers avait réussi à infléchir un peu la philosophie qui sous-tendait votre texte.
La lecture des conclusions de la commission mixte paritaire ne m’a pas confortée dans cette opinion : il s’agissait en réalité d’un trompe-l’œil !
M. Yvon Collin. Eh oui ! C’est dommage !
Mme Anne-Marie Escoffier. Par ce projet de loi, vous disiez vouloir renforcer le service public hospitalier ; il est en réalité menacé.
Ainsi, demain, les établissements privés à but lucratif pourront exercer des missions de service public. Avec vous, je pense que toutes les bonnes volontés sont les bienvenues, surtout quand il y a carence sur un territoire.
Mme Anne-Marie Escoffier. Néanmoins, le système que vous proposez s’apparente à une vente à la découpe, et, même s’il apporte quelques garanties, il ne peut pas nous convaincre.
Nous aurions en effet souhaité que soit au moins affirmée la primauté des établissements publics dans l’exercice de ces missions. Nos amendements en ce sens n’ont pas été retenus. Nous le regrettons.
La seule garantie finalement obtenue lors de nos débats est la reconnaissance prioritaire dans le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens des missions déjà assurées par un établissement de santé sur un territoire donné. Le caractère obligatoire de cette reconnaissance a malheureusement été supprimé par la commission mixte paritaire.
Je veux tout de même relever un motif de satisfaction : le maintien de la clause de non-concurrence au profit du secteur public hospitalier, introduite par le Sénat sur proposition de plusieurs groupes et de certains membres du RDSE. C’est une avancée, même si la commission mixte paritaire l’a limitée dans sa portée.
Il eut été paradoxal qu’au nom de la spécificité du secteur public on refusât d’appliquer à ce dernier une clause valable dans le secteur privé alors que l’article 1er, en autorisant la formation des internes par le secteur privé, provoque déjà un fort appel d’air vers celui-ci.
S’agissant de la gouvernance de l’hôpital, nous avons des désaccords sur le fond.
Dans sa sagesse, le Sénat a redonné aux personnels médicaux une place qu’ils méritent : ce sont eux, en effet, qui font l’excellence de l’hôpital. Il n’était ni digne ni juste de les stigmatiser et de les écarter de la gouvernance.
Malgré les pressions de quelques députés pour revenir à une ligne plus « pro-directeurs », la commission mixte paritaire n’a pas remis en cause le compromis trouvé au Sénat. Je m’en félicite ; mais, ne nous leurrons pas, il s’agit là de quelques concessions pour mieux faire passer la logique de rentabilité qui fonde votre texte,…
Mme Anne-Marie Escoffier. …une rentabilité au nom de laquelle le dernier mot revient toujours au directeur, y compris pour le projet médical et la nomination des chefs de pôle.
Le Gouvernement ne vient-il pas d’ailleurs de faire adopter hier, par l’Assemblée nationale, un amendement, pas du tout anodin, transformant l’avis du directoire en simple concertation ?
M. Yvon Collin. Eh oui !
Mme Anne-Marie Escoffier. Il faut sans doute un décideur, mais n’oublions pas que l’hôpital n’est pas une entreprise comme une autre. S’il ne saurait être question de l’exonérer d’une juste et nécessaire rigueur dans sa gestion et son organisation, on ne peut pour autant lui appliquer les objectifs de rentabilité d’une entreprise commerciale. Cela nous paraît tout à fait incompatible avec les fondements de notre système de santé, avec tout simplement l’éthique du corps médical qui sait regarder et veut regarder chaque patient comme un homme unique en soi, avec encore le vœu bien légitime du patient de ne pas être un numéro parmi d’autres, voire une marchandise.
M. Yvon Collin. Tout à fait !
Mme Anne-Marie Escoffier. Autre motif de forte déception, la présidence du conseil de surveillance ne revient plus de droit à un membre du collège des élus, comme le prévoyait notre amendement adopté à l’unanimité par le Sénat.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
Mme Anne-Marie Escoffier. Cet amendement venait en quelque sorte « réparer » l’éviction des collectivités territoriales dans la désignation des membres du troisième collège, celui des personnalités qualifiées.
Nous regrettons qu’il n’ait pas été plus vigoureusement défendu en commission mixte paritaire par ceux qui l’ont adopté et se font d’habitude les chantres de ces mêmes collectivités territoriales ! (M. Jean-Pierre Chevènement applaudit.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. Est-ce parce que, comme on a pu le ressentir ici ou là, il existe une certaine suspicion sur la tendance des élus à bloquer les évolutions de l’hôpital ? Je tiens à m’élever contre cette idée ! Quelques-uns ont pu faire de l’hôpital un lieu d’affrontements politiciens, mais, dans leur très grande majorité, les élus sont souvent des moteurs, y compris dans les regroupements, ...
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. ... et ils jouent un rôle d’intercesseur vis-à-vis des personnels hospitaliers et des usagers. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Dès lors, ce projet de loi met l’hôpital public sous la tutelle forte du directeur de l’ARS.
Mme Anne-Marie Escoffier. Il affaiblit le rôle du conseil de surveillance par rapport au conseil d’administration actuel. Accepter que la présidence de cette instance soit assurée non plus par un élu mais par une personnalité qualifiée nommée par l’État, c’est nier l’attachement démocratique de l’hôpital. Mon collègue Jean-Pierre Chevènement, qui a défendu notre amendement en séance publique, est particulièrement déçu.
Si nous voulons bien admettre que l’accès aux soins, la régionalisation du numerus clausus, la reconnaissance de la médecine de premier recours et même le contrat d’engagement de service public sont des mesures positives, nous sommes néanmoins obligés de relever qu’elles ne trouveront leur plein impact que dans un délai de quatre ans, voire de dix ans pour certaines d’entre elles. Or il y a urgence. Sans être adeptes de la coercition, nombre de mes collègues du RDSE croient nécessaire d’adopter des mesures plus contraignantes pour qu’elles soient efficaces. À cet égard, comment croire que, compte tenu des difficultés de mise en œuvre de la mesure et de la faiblesse des pénalités, le contrat santé solidarité permettra de lutter contre les déserts médicaux ?
J’en viens aux dépassements d’honoraires. La CMP a adopté un amendement invitant les partenaires conventionnels à négocier, d’ici au 15 octobre 2009, les modalités d’un secteur optionnel permettant une pratique encadrée des dépassements. En cas d’échec, le Gouvernement pourra fixer lui-même les règles dans le projet de loi de finances pour 2010.
Nous nous félicitons de cet ajout. Beaucoup de patients sont confrontés à des difficultés financières liées aux déremboursements, aux franchises, aux coûts de transport et plus encore aux dépassements d’honoraires. Dans certaines zones, il devient même difficile de trouver des médecins du secteur 1.
M. Jean-Pierre Godefroy. Oui !
Mme Anne-Marie Escoffier. Il était choquant que, dans un texte traitant de l’accès aux soins, cette question ne soit pas abordée. Toutefois, cet amendement constitue, à nos yeux, une position de repli : il aurait été en effet préférable que le texte garantisse une offre de soins à tarifs opposables.
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. Enfin, nous regrettons le sort réservé par la CMP à un amendement défendu en commission par notre collègue Gilbert Barbier et adopté par le Sénat, visant à confirmer le principe de l’accès direct aux gynécologues, ophtalmologues et psychiatres, sans pénalité financière.
Quant au titre III du projet de loi, censé être relatif à la prévention et à la santé publique, il nous laisse perplexes tant il est vide de contenu : rien sur l’obésité, la toxicomanie, la prévention des pathologies chez les jeunes ou encore la santé mentale. Vous vous êtes engagée, madame la ministre, à présenter un autre projet de loi consacré à ces enjeux de santé publique. Nous nous montrerons très vigilants sur le respect de cet engagement.
J’en arrive enfin au dernier volet de ce projet de loi, l’organisation territoriale du système de santé. Nous approuvons la création des agences régionales de santé, qui permettront une unité d’action. En effet, l’émiettement de l’État dans le domaine sanitaire, le cloisonnement entre l’hôpital et la médecine de ville, le corporatisme, les concurrences excessives entre les établissements de santé figurent également parmi les raisons du désordre actuel.
Toutefois, les pouvoirs très larges qui sont confiés aux ARS nous inquiètent. Le remaillage offensif des territoires exige une démocratie sanitaire participative, dont le plus haut représentant de l’État dans la région, le préfet de région, aurait pu être le garant : de tels propos ne peuvent vous étonner de ma part, madame la ministre ! Or le mode de gouvernance des ARS ne présage rien en ce sens. Instrument de cette démocratie sanitaire, la conférence régionale des territoires reste un organe purement consultatif.
Ce constat est également vrai pour la modernisation du réseau hospitalier. Vous avez souhaité, madame la ministre, donner des moyens au directeur général de l’ARS pour, sinon imposer, à tout le moins piloter d’une main ferme la coopération et la restructuration hospitalières, si les établissements n’en prenaient pas l’initiative eux-mêmes.
Nous comprenons bien l’intérêt de développer une complémentarité entre les hôpitaux publics ou d’organiser le regroupement d’établissements qui ne seraient pas en mesure d’offrir à leurs patients des conditions de sécurité suffisante, du fait par exemple de leur manque d’équipements ou de leur taux d’activité trop faible. Mais ne faut-il pas que cette démarche soit d’abord négociée et non imposée ?
Les ARS devront veiller avec la plus grande attention à ce que la restructuration hospitalière ne s’apparente pas à un « cannibalisme hospitalier », qui ferait disparaître complètement les hôpitaux locaux.
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. Je veux bien admettre que la proximité n’est pas toujours un gage de qualité. Pour autant, les hôpitaux locaux constituent un renfort indispensable pour les médecins généralistes et un point d’appui pour de nombreuses spécialités.
Mme Anne-Marie Escoffier. Enfin, je tiens à souligner combien ces nouvelles agences régionales de santé devront encourager vigoureusement, dans les zones urbaines sensibles comme dans les zones rurales, les maisons de santé, les pôles de santé, les réseaux, ces modèles innovants de l’organisation professionnelle qui permettent de rompre l’isolement – c’est l’une des causes du désert médical – et de mieux partager les tâches.
Madame la ministre, vous l’aurez compris, la grande majorité des membres du groupe RDSE n’est pas convaincue par ce projet de loi, même amélioré par le Sénat. Ils n’en partagent pas la philosophie, trop éloignée des conceptions humanistes qui sont les leurs ...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous, nous ne sommes pas des humanistes, c’est bien connu !
Mme Anne-Marie Escoffier. ... et qui sont essentielles dans un monde où l’exclusion prend le pas sur la dignité humaine.
C’est pourquoi, à l’exception de mes collègues Gilbert Barbier et Aymeri de Montesquiou qui voteront pour, les membres du groupe du RDSE voteront contre ce texte. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc parvenus au terme de la discussion d’un projet de loi qui fera date.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !
Mme Anne-Marie Payet. Le texte issu de la CMP est à nos yeux très satisfaisant, car il respecte pleinement les grands équilibres déterminés par le Sénat.
Nous n’avons cessé de le répéter, ce projet de loi est important. C’est particulièrement vrai en matière de gouvernance du système de santé, de gouvernance hospitalière et d’organisation des soins ambulatoires. Il porte aussi des avancées significatives dans le domaine de la prévention et de la santé publique, auquel je me suis personnellement plus spécialement intéressée.
En créant les agences régionales de santé et en rationnalisant la gouvernance hospitalière, ce projet de loi donne corps à des propositions que nous avions nous-mêmes formulées à de nombreuses reprises.
Ce texte annonce aussi la mise en œuvre d’une véritable politique de lutte contre les déserts médicaux, que nous appelions de nos vœux de longue date.
S’appuyant sur un texte déjà très ambitieux, la Haute Assemblée a effectué un travail colossal. Je tiens d’ailleurs à saluer une fois encore l’excellence des travaux de la commission des affaires sociales, de son rapporteur, Alain Milon, et de son président, Nicolas About.
En effet, tel qu’il était issu des travaux de l'Assemblée nationale, le projet de loi posait encore d’importants problèmes, que le Sénat a aplanis.
En matière de gouvernance régionale et hospitalière, nous sommes parvenus à un résultat qui satisfait maintenant l’ensemble des parties prenantes au système de santé.
À l’échelon régional, l’ARS est sortie démocratisée de nos travaux.
De même, au sein de l’hôpital, nous sommes parvenus à un juste équilibre entre efficacité et concertation, entre pouvoir administratif, pouvoir sanitaire et pouvoir politique. D’ailleurs, l’amendement que Mme la ministre nous présentera dans un instant ne le rompt nullement.
C’est cet équilibre que la CMP a entendu respecter, en confirmant très largement les positions du Sénat, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. En matière de gouvernance, elle ne s’en est écartée notablement que sur un point : la présidence du conseil de surveillance de l’hôpital. Nous souhaitions rétablir la primauté des élus au sein de cette institution, et le Sénat avait prévu qu’eux seuls pourraient présider le conseil de surveillance. Mais, en vertu de la version issue de la CMP, la fonction sera également ouverte aux personnalités qualifiées. Nous le regrettons sur le plan des principes, même si nous sommes conscients du peu d’implications qu’aura sans doute en pratique cette possibilité.
Pour le reste, en matière de gouvernance, la CMP est restée globalement fidèle au texte. Elle l’a même amélioré sur certains points.
Il en est ainsi en matière de démographie médicale. Nous sommes par exemple favorables à la réinscription explicite de la régulation de la démographie médicale au nombre des missions de l’ARS ainsi qu’à la remise d’un rapport sur la création d’un sous-objectif à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, qui serait relatif aux inégalités territoriales de santé.
Ensuite, la CMP a apporté des modifications intéressantes en matière de gouvernance, notamment en ajoutant les pôles de santé au nombre des acteurs et professionnels de santé susceptibles d’assurer une mission de service public.
Enfin, certaines avancées sont aussi à noter dans le champ de l’accès aux soins. Obliger les médecins ayant bénéficié d’une bourse au titre d’un contrat d’engagement de service public à exercer un temps en secteur 1 nous semble parfaitement légitime. De même, la majoration du rachat de la bourse perçue dans le cadre d’un tel contrat est de nature à rendre cette contrepartie plus opérante.
Un autre point est important. Nous suivrons de près l’avancée des négociations relatives à la mise en œuvre d’un secteur optionnel, qui permettra une pratique encadrée des dépassements d’honoraires. En matière d’accès aux soins, encadrer les dépassements est devenu une priorité.
J’en viens au volet relatif à la prévention et à la santé publique, qui m’est le plus cher, plus particulièrement à la lutte contre l’alcoolisme et le tabagisme.
Je me réjouis que la CMP ait conservé mes amendements visant à appliquer la notion de zones protégées à la vente de tabac et à interdire la vente de tabac en outre-mer dans les grandes surfaces et les galeries attenantes.
Dans le champ de la lutte contre l’alcoolisme, le texte issu de la CMP est également équilibré. Certes, je déplore que l’amendement de Nicolas About interdisant la vente d’alcool sur les autoroutes à quatre voies n’ait pas résisté à la CMP.