Mme Dominique Voynet. Par cet amendement, nous souhaitons souligner la nécessité, pour notre pays, de prendre des initiatives permettant de relancer le processus de réduction du nombre de têtes nucléaires et de démantèlement des arsenaux, ainsi que de veiller à l’universalisation du traité de non-prolifération et du traité d’interdiction des essais nucléaires.
On m’objectera que la France a déjà pris sa part dans ce chantier, mais je pense que nous pouvons et que nous devons aller plus loin. Les réalités géopolitiques et les menaces qui pèsent aujourd’hui sur les États démocratiques ne sont plus celles qui prévalaient à l’époque de l’élaboration de la stratégie de dissuasion militaire nucléaire de la France.
Dans la perspective de la conférence d’examen du traité de non-prolifération de 2010, et comme l’a préconisé le président des États-Unis lors de son allocution du 5 avril 2009 à Prague, le désarmement général et complet reste l’objectif ultime fixé par l’article VI du traité de non-prolifération des armes nucléaires. Il doit désormais être envisagé de façon plus concrète.
Le traité de non-prolifération est, depuis 1969, le seul régime juridique international de lutte contre la prolifération des armes nucléaires. Signé par 188 pays, il engage les puissances nucléaires à désarmer. Tel est l’objet de son article VI, dont je rappelle les termes : « Chacune des Parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous contrôle international strict et efficace. »
Cet article est ouvertement bafoué par la France, qui poursuit la modernisation de ses armes nucléaires et encourage ainsi directement les autres pays à se doter de capacités militaires nucléaires. Pour mobiliser la communauté internationale autour de la question de la prolifération de ces armes et pour amener les pays soupçonnés aujourd’hui d’ambitionner d’en produire à renoncer à cet objectif, il faut d’abord que nous montrions notre volonté d’aboutir à une dénucléarisation. Seule une réduction de notre propre arsenal, couplée au développement de la coopération internationale, peut permettre de progresser dans cette voie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Cet amendement est en grande partie satisfait par l’adoption par l’Union européenne, sous présidence française, d’un plan de désarmement à l’initiative duquel se trouve le Président de la République. Ce plan a été adressé au secrétaire général des Nations unies et a été largement diffusé dans toutes les enceintes concernées par le désarmement, en vue notamment de la conférence d’examen du traité de non-prolifération de 2010.
J’ajoute que le plan européen est plus complet que le dispositif de cet amendement, puisqu’il met notamment l’accent sur l’importance d’un futur traité d’interdiction de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires, dont la négociation va s’engager au sein de la Conférence du désarmement.
En revanche, la référence à un processus coordonné de diminution du nombre de têtes nucléaires paraît contestable. L’accentuation de la réduction des arsenaux des États-Unis et de la Russie, qui possèdent 95 % du stock mondial de têtes nucléaires, est un préalable nécessaire. En effet, engager des discussions multilatérales associant les autres puissances nucléaires, dont les arsenaux sont sans commune mesure avec ceux des États-Unis et de la Russie, n’aurait pas de sens.
Madame Voynet, je vous renvoie aux propos extrêmement pertinents qui ont été tenus hier sur ce sujet par M. Chevènement. La commission vous invite à retirer votre amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Il n’aura pas échappé à Mme Voynet que la France présente un bilan exemplaire, unique au monde, en matière de désarmement nucléaire.
La France a été le premier État, avec le Royaume-Uni, à signer et à ratifier le traité d’interdiction complète des essais nucléaires. Elle est le premier État à avoir décidé la fermeture et le démantèlement de ses installations de production de matières fissiles à des fins explosives. Elle est le seul État à avoir démantelé ses missiles nucléaires sol-sol. La France est le seul État a avoir diminué volontairement d’un tiers le nombre de ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. En outre, dans un discours prononcé à Cherbourg le 21 mars 2008, le Président de la République a annoncé, pour la composante aéroportée, la réduction d’un tiers du nombre d’armes nucléaires, de missiles et d’avions.
Vous voyez donc que la France est exemplaire sur ce sujet. Nous sommes défavorables à cet amendement, que nous pensons inutile.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. M. le secrétaire d’État a rappelé les efforts qui ont été jusqu’ici déployés par notre pays pour donner le bon exemple en matière de dénucléarisation et souligné à juste titre qu’ils renforcent singulièrement la crédibilité de la France en la matière.
Cependant, alors que le texte qui nous est proposé est parfois redondant et insiste sur des points qu’il est permis de considérer comme secondaires, je ne vois pas pourquoi nous renoncerions à y inscrire de façon explicite que nous poursuivrons ces efforts, par l’insertion de deux alinéas à la rédaction parfaitement raisonnable et conçus pour pouvoir être adoptés par l’ensemble des membres de la Haute Assemblée.
Je maintiens donc cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
I. - Rédiger comme suit la première phrase du 1.2.3 du rapport annexé :
La France, membre permanent du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies, entend agir pour faire respecter les principes du droit international, dont le premier est l'autodétermination des peuples et pour soutenir les résolutions de l'Organisation des Nations unies.
II. - Au début de la troisième phrase, supprimer les mots :
Membre permanent du Conseil de sécurité,
III. - Dans la quatrième phrase, remplacer les mots :
s'engage à ce titre en faveur d'
par le mot :
soutient
IV. - Compléter la même phrase par les mots :
sans nuire à son bon fonctionnement qui implique un plafonnement du nombre de ses membres
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Cet amendement vise à rappeler d’emblée, et non au détour d’une phrase, que la France est membre permanent du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies et qu’à ce titre elle agit pour « faire respecter les principes du droit international, dont le premier est l’autodétermination des peuples, et pour soutenir les résolutions de l’Organisation des Nations unies ». Cette formulation me paraît préférable à celle du rapport annexé, selon laquelle « le multilatéralisme est au cœur de la politique de la France ». Le multilatéralisme est une méthode, ce n’est pas une politique ; en revanche, le soutien au droit international en est une.
Par ailleurs, nous suggérons que l’élargissement du Conseil de sécurité « aux puissances qui ont la capacité et la volonté de contribuer à la paix et à la sécurité internationales » s’opère « sans nuire à son bon fonctionnement qui implique un plafonnement du nombre de ses membres ». Le Conseil de sécurité compte actuellement quinze membres. Au-delà de vingt membres, son fonctionnement deviendra difficile ; avec vingt-cinq membres, il sera ingouvernable. C’est pourquoi il est délicat de faire droit à toutes les demandes. L’Allemagne désire en faire partie, soit, mais l’Italie aussi, ce qui pose problème car d’autres pays ne souhaitent pas son entrée au Conseil de sécurité. Nous soutenons la candidature du Brésil, mais le Mexique et l’Argentine demandent également à être admis. Deux pays africains figureraient dans la liste des membres permanents, mais lesquels ? La Chine ne veut pas du Japon, ni de l’Inde, semble-t-il. Cette question est très compliquée. Par conséquent, je pense qu’il faut balancer notre soutien tous azimuts par une considération de bon sens : pour que l’ONU fonctionne, il faut limiter le nombre de membres permanents du Conseil de sécurité, dont l’effectif global ne saurait être supérieur à vingt.
M. le président. Le sous-amendement n° 137, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
Après les mots :
Organisation des Nations unies
rédiger comme suit la fin du second alinéa du I de l'amendement n° 23 :
se conforme aux règles du droit public international. Elle n'entreprendra aucune guerre dans des vues de conquête et n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple. Sous réserve de réciprocité, elle consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix.
Ce sous-amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 23 rectifié ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à cet amendement.
Monsieur Chevènement, quels que soient ses défauts et ses difficultés, la voie du multilatéralisme paraît non seulement la plus légitime, mais aussi la plus prometteuse. La France continuera de privilégier son renforcement. Le multilatéralisme constitue un principe fondateur, sur lequel il ne nous paraît pas opportun de revenir.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 59, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le troisième alinéa du 1.3 du rapport annexé :
La dissuasion a pour fonction d’empêcher une agression d’origine étatique contre les intérêts vitaux de la nation, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme. Longtemps fondée sur l’accumulation d’armes de destruction massive, notamment nucléaires, elle pose des problèmes insurmontables dans un monde multipolaire, notamment en termes de prolifération. Sa fonction et ses modalités doivent être profondément revues, afin de prévenir les conflits avant qu’ils n’éclatent, au niveau de l’Union Européenne et des Nations unies.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement concerne la dissuasion nucléaire, qui est affichée dans le rapport annexé comme l’une des cinq grandes fonctions stratégiques de la politique de défense française.
Je considère pour ma part que si la stratégie de dissuasion militaire de la France pouvait s’expliquer, sinon se justifier, dans le contexte de la guerre froide, aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, face à un ennemi potentiel bien identifié, les réalités géopolitiques et les menaces qui pèsent aujourd’hui sur les États démocratiques – le terrorisme, les atteintes à la sécurité et à l’approvisionnement énergétiques ou aux équipements informatiques, par exemple – ne sont plus celles qui prévalaient à l’époque de l’élaboration de cette stratégie.
Dans ce contexte renouvelé, la dissuasion nucléaire s’avère inefficace et présente un certain nombre de graves inconvénients, au premier chef la prolifération, qui constitue un problème pratiquement insurmontable.
En outre, le coût élevé de production et d’entretien de l’arme nucléaire compromet le développement des forces d’interposition et de maintien de la paix, ainsi que la contribution française à l’Europe de la défense.
Le terme « dissuasion » renvoie, selon un usage galvaudé, à une dissuasion strictement nucléaire. Pourtant, ce mot, issu du substantif latin dissuasio – action de dissuader, de détourner –, lui-même dérivé du verbe dissuadere, qui signifie déconseiller, dissuader, détourner de l’exécution d’un dessein ou d’une résolution prise (Exclamations sur les travées de l’UMP), a différents sens. La dissuasion consiste à prévenir un acte en persuadant son auteur potentiel que les coûts excèdent les bénéfices. Ces coûts peuvent être directs, dans le cas de la dissuasion par interdiction, ou indirects, pour la dissuasion par représailles.
On peut d’ailleurs faire remonter la conceptualisation de la notion de dissuasion aux débuts de la criminologie moderne, née des travaux des philosophes Cesare Beccaria et, surtout, Jeremy Bentham. Ce dernier, cherchant à définir une doctrine sociale de « l’utilitarisme », fut notamment conduit à proposer, à la suite de sa réflexion sur le système pénal, le terme de determent, désignant la punition comme moyen de décourager le crime et resté d’un usage courant dans la langue anglaise jusque dans les années cinquante.
Cet amendement vise donc à supprimer un terme qui est utilisé ici selon une acception particulièrement restrictive.
M. le président. L'amendement n° 127, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le troisième alinéa du 1.3 du rapport annexé :
La dissuasion a pour fonction d'empêcher une agression d'origine stratégique contre les intérêts vitaux du pays. Dans le monde multipolaire qui est le nôtre, la prolifération nucléaire ne permet pas de prévoir l'origine d'une agression. Il est impératif de changer notre doctrine d'emploi de l'arme nucléaire et de ne l'utiliser qu'après avoir épuisé, dans les instances internationales, toutes les possibilités de prévention d'un conflit.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Toutes les dimensions de la dissuasion nucléaire, qui est l’une des cinq grandes fonctions stratégiques définies par le Livre blanc, ne sont pas suffisamment prises en compte dans le premier chapitre du rapport annexé : est simplement évoquée, d’une manière très générale, sa fonction première d’empêcher une agression d’origine étatique contre nos intérêts vitaux. Ceux-ci mériteraient d’ailleurs d’être précisés. Considérez-vous par exemple, monsieur le secrétaire d’État, que la sécurité de nos approvisionnements énergétiques en fasse partie ? Apporter cette précision me semble important, alors que la récente signature de nouveaux accords de défense avec l’émirat d’Abou Dhabi pourrait le cas échéant nous amener à recourir à la dissuasion nucléaire, si d’aventure l’Iran s’avisait d’entraver la circulation maritime dans le golfe arabo-persique.
Je pense que cette définition trop générale de la dissuasion ne tient pas compte des réalités du monde d’aujourd’hui. En effet, notre doctrine de la dissuasion nucléaire, laquelle consiste à faire comprendre à l’ennemi que les risques encourus sont supérieurs aux avantages escomptés, a été élaborée à une époque où le monde était bipolaire et où l’agresseur potentiel était clairement identifié. Les réalités ont changé : la prolifération nucléaire ne permettant plus de prévoir l’origine d’une agression et les risques d’agression étant devenus multiformes, il faut adapter notre doctrine d’emploi de l’arme nucléaire.
Il serait donc souhaitable d’inscrire dans le premier chapitre du rapport annexé que la France considère désormais que l’arme nucléaire ne peut être utilisée « qu’après avoir épuisé, dans les instances internationales, toutes les possibilités de prévention d’un conflit ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Nous sommes pour la dissuasion, les auteurs de ces amendements sont contre : avis défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Ces amendements sont contraires à toute notre politique de défense et ne peuvent donc que recevoir un avis défavorable.
De plus, il appartient au rapport annexé à la loi de programmation militaire de modifier la doctrine de la dissuasion nucléaire, qui relève du Président de la République.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur l’amendement n° 59.
Mme Dominique Voynet. L’argumentation est courte : Mmes Voynet et Demessine sont hostiles à la dissuasion nucléaire, leurs amendements reçoivent un avis défavorable !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Eh oui !
Mme Dominique Voynet. J’ai pourtant laissé volontairement de côté les arguments éthiques et moraux qui, aux yeux de bien des citoyens, suffisent à disqualifier le recours à l’arme nucléaire, pour m’en tenir à des arguments compatibles avec votre propre concept, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, d’une arme ultime qui n’a pas vocation à être utilisée.
Je pose sérieusement la question suivante, à laquelle vous ne répondez pas : cette arme coûteuse, qui prolifère, nous protège-t-elle en quoi que ce soit des risques d’aujourd’hui, au nombre desquels figurent, outre l’agression d’un État contre un autre, le terrorisme, les atteintes à la sécurité des approvisionnements énergétiques, les menaces économiques ou informatiques, qui pèsent sur l’ensemble de nos sociétés ? Dans cette perspective, est-il justifié de dépenser des sommes aussi considérables pour une arme qui engendre d’autres risques encore, notamment ceux de prolifération ou de mésusage liés à la circulation et à la vente des cerveaux capables de doter d’autres États ou des groupes terroristes de l’arme nucléaire ? Je constate que vous fuyez la discussion, mais j’attends une réponse à ces questions.
M. François Trucy. Utopiste !
Mme Dominique Voynet. On me qualifie d’utopiste, du côté droit de l’hémicycle, comme s’il s’agissait d’une insulte !
M. François Trucy. C’est un danger !
Mme Dominique Voynet. Je m’honore d’être une utopiste, monsieur Trucy ! Qui aurait dit, voilà vingt ou trente ans, que les rapports de force dans le monde deviendraient ce qu’ils sont aujourd'hui se serait fait traiter d’utopiste ! Pourtant, les moyens consacrés à la dissuasion nucléaire ont bel et bien été fortement réduits. Est-il si dangereux, si difficile pour vous de vous interroger sur l’efficacité de cette arme, aussi discutable que celle de la ligne Maginot en son temps ? Ce n’est tout de même pas un scandale de poser de telles questions quand on considère le nombre de milliards qui sont consacrés chaque année à la dissuasion nucléaire !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Madame Voynet, ce n’est tout de même pas non plus un scandale que de ne pas être d’accord avec vous ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Mme Dominique Voynet. Votre argumentation est pathétique !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, faisons en sorte que le débat se déroule de façon calme et sereine,…
Mme Dominique Voynet. Il n’y a pas de débat !
M. le président. … afin que chacun puisse s’exprimer, en laissant au président le soin de conduire la discussion.
Je mets aux voix l'amendement n° 59.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Charasse, est ainsi libellé :
À la fin de la seconde phrase du dernier alinéa du 1.3 du rapport annexé, remplacer les mots :
de l'Atlantique au golfe arabo-persique à l'océan Indien
par les mots :
du continent européen à l'Afrique, à l'arc de crise s'étendant de l'Atlantique à l'ouest de l'Afrique jusqu'à l'océan Indien, et à l'Asie
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Il s’agit de définir les zones géographiques prioritaires du point de vue de nos intérêts en matière de sécurité. Selon nous, cette liste doit commencer avec le continent européen et se poursuivre avec l’Afrique, où vivent de nombreux francophones. Viennent ensuite l’arc de crise s’étendant de l’Atlantique à l’ouest de l’Afrique, jusqu’à l’océan indien, et enfin l’Asie, zone de contradictions majeures, vers laquelle le centre de gravité de la planète se déplace.
La logique suivie en matière de sécurité doit être inspirée par l’intérêt national. Il convient donc de s’intéresser d’abord à l’Europe, puis à l’Afrique, au Proche-Orient, au Moyen-Orient et, enfin, à l’Asie lointaine, dont nous souhaitons qu’elle puisse résoudre ses problèmes pacifiquement. En tout cas, il importe que la France ne soit pas engagée dans des conflits qui la dépassent, comme c’est malheureusement le cas aujourd'hui.
Cet ordre de priorité est différent de celui qui a été retenu dans le Livre blanc, qui, je le rappelle, n’a jusqu’à présent fait l’objet d’aucun vote. En votant sur le projet de loi de programmation militaire, nous allons donc également nous prononcer sur le Livre blanc, qui, comme l’a dit M. Morin, est notre « feuille de route ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Défavorable. L’arc de crise décrit dans le Livre blanc recoupe bien la localisation de la plupart des conflits actuels.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Je partage l’avis de M. le rapporteur. J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 60, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
I. - Dans l'intitulé du 1.4 du rapport annexé, supprimer les mots :
et contrats
II. – Dans la première phrase du premier alinéa du 1.4 du rapport annexé, supprimer les mots :
et en contrats
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 61, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Supprimer le quatrième alinéa du 1.4 du rapport annexé.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Compte tenu de la richesse des arguments que m’oppose le Gouvernement à propos de la dissuasion nucléaire, je ne rouvrirai pas le débat, me bornant à relever que le quatrième alinéa du 1.4 du rapport annexé énumère les moyens de la dissuasion nucléaire : sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, moyens de sûreté assurant la liberté d’action de ceux-ci, capacité de frappe aérienne nucléaire, etc.
Alors que l’utilisation de ces équipements est plus qu’improbable, leur conception et leur entretien coûtent extrêmement cher. Cet amendement s’inscrit donc dans la logique générale de nos propositions et la conforte.
Je profiterai de cette occasion pour évoquer un amendement que vous n’aurez pas le plaisir de lire, mes chers collègues, puisqu’il a été déclaré irrecevable par la commission des finances au titre de l’article 40 de la Constitution.
Cet amendement ne visait pourtant pas à réduire les moyens affectés à la dissuasion ; il tendait à les affecter au démantèlement et à la restauration des sites, ainsi qu’au recyclage des matières pouvant être recyclées. Invoquer contre lui l’article 40 donne à penser que la mise en œuvre de ce dispositif aurait pu entraîner des dépenses supplémentaires pour l’État, or il n’en était rien.
En choisissant de ne pas réduire les moyens affectés à la dissuasion, j’entendais insister sur le coût extravagant du démantèlement des armes anciennes, qui ne me paraît pas suffisamment pris en compte aujourd'hui. Nous aurons l’occasion d’y revenir ultérieurement au cours de l’examen du texte, lorsqu’il s’agira de penser le « retour à l’herbe » de certaines installations nucléaires, dont le poids repose largement sur la collectivité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Nous avons déjà insisté sur l’importance de la dissuasion dans notre politique de défense, dont elle représente – je le rappelle une fois de plus à Mme Voynet – l’axe le plus fort. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 61.
M. le président. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi, est ainsi libellé :
Dans le cinquième alinéa du 1.4 du rapport annexé, remplacer les mots :
en deux
par les mots :
plusieurs
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Le cinquième alinéa du 1.4 du rapport annexé prévoit, en matière de prévention, que nous ne disposions plus à terme que de deux points d’appui sur les façades occidentale et orientale de l’Afrique.
Sur la façade orientale de l’Afrique, il est clair que le point d’appui sera Djibouti, mais quel sera-t-il sur la façade occidentale ? S’agira-t-il de Dakar ? De Port-Gentil ? D’Abidjan ? Je ne parle pas du Tchad ni de la République centrafricaine, puisque nous n’y avons pas de base permanente.
Nous sommes engagés dans un certain nombre d’opérations depuis longtemps, mais ne conserver qu’un seul point d’appui sur la façade occidentale ne nous mettrait pas en situation, à mon avis, d’assumer nos responsabilités à l’égard des jeunes États de cette vaste région de l’Afrique centrale, dont les richesses excitent la convoitise d’autres puissances, que je ne nommerai pas, alors que leur construction est encore loin d’être achevée. Or, sans sécurité, il n’y a ni développement ni démocratie. Le maintien d’une base permanente en Afrique centrale me paraît relever du simple bon sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La commission estime que la rationalisation de nos forces prépositionnées est indispensable. Dans cette logique, concentrer ces forces dans deux bases permanentes en Afrique paraît raisonnable, d’autant que nous créons une base aux Émirats arabes unis, dans une zone dont la France ne peut se désintéresser. Pour l’heure, l’extrême dispersion de nos implantations hors métropole crée des contraintes difficiles à gérer en termes de répartition des matériels et de soutien.
Je rappelle à M. Chevènement que nous avons passé des accords de défense avec les pays africains. Si l’un d’entre eux se trouvait menacé, nous y enverrions des forces, comme nous l’avons fait au Tchad avec l’opération Épervier, afin d’éviter que l’indépendance de ce pays ne soit mise en danger par des attaques venues du Nord ou de l’Est.
L’un des axes majeurs de notre politique consiste à développer, avec l’appui de l’Union européenne, les capacités africaines de maintien de la paix, dans le cadre de l’Union africaine et des organisations sous-régionales. Il ne faudrait pas nous exposer au reproche de néo-colonialisme, qui nous est déjà trop souvent adressé.
En cas de besoin, nous pourrions intervenir dans ces pays et créer des bases nouvelles, mais deux bases permanentes suffisent.