M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La liste des accords de défense a été rendue publique. Il s’agit, là encore, d’une innovation qui mérite d’être soulignée. Aucun gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, n’avait jusqu’à présent publié cette liste. Par ailleurs, le principe de l’information du Parlement sur la conclusion et sur les orientations de ces accords est désormais posé.
Les auteurs des deux amendements proposent de retenir une procédure uniforme de transmission de tous les accords aux commissions compétentes, quels que soient leur nature et leur contenu.
Le Gouvernement a d’ores et déjà indiqué que certains de ces accords feraient l’objet d’une procédure d’approbation parlementaire classique, dans le cadre de l’article 53 de la Constitution. D’autres cependant ne relèveront pas de ce cas de figure. Il faut également tenir compte de la nécessaire latitude dont doit disposer l’exécutif en matière diplomatique, compte tenu de la sensibilité des enjeux.
Je souhaiterais que M. le secrétaire d’État nous expose son point de vue sur la question de la publicité des accords de défense et nous indique sous quelle forme le Gouvernement envisage d’assurer l’information du Parlement prévue dans le projet de loi. Je me prononcerai après avoir entendu ces explications.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. La Constitution définit la répartition des pouvoirs en matière de conventions internationales et d’accords de défense. Très classiquement, l’exécutif négocie les traités et le législateur peut être amené à autoriser leur ratification, conformément aux dispositions des articles 52 et 53 de la Constitution.
Le rapport annexé au projet de loi de programmation militaire, dans son article 2.3.2, précise que « la liste des accords de défense a été rendue publique » et que « le Parlement sera désormais informé de la conclusion et des orientations de ces accords ». Cette rédaction, issue des travaux de l’Assemblée nationale, représente à mes yeux un bon équilibre, car elle garantit au Parlement une information en matière d’accords de défense tout en laissant à l’exécutif l’initiative et la maîtrise de la négociation en matière internationale.
Le Parlement aura par ailleurs accès au texte même des accords dans le cadre de la procédure de ratification par voie législative, qui sera privilégiée et qui est d’ores et déjà envisagée pour la ratification des accords récemment signés avec le Togo, le Cameroun et les Émirats arabes unis.
Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Compte tenu des explications fort claires que vient d’apporter M. le secrétaire d’État, je demande le retrait de ces deux amendements. Sinon, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Les amendements nos 132 et 85 sont-ils maintenus ?
Mme Michelle Demessine. Par précaution, je maintiens l’amendement n° 132, monsieur le président.
M. André Vantomme. Et moi l’amendement n° 85 !
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après le 2.3.2 du rapport annexé, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
2.3.2 bis La lutte contre la corruption
La France apportera sa contribution à la mise en place d’une gouvernance mondiale à même de prévenir les conflits, de lutter contre le blanchiment d’argent, le transfert de technologies dangereuses et la vente illégale d’armes.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. La corruption peut être le fait des gouvernements, des entreprises ou même des habitants d’un pays. Dans tous les cas, elle fausse les processus de prise de décision et de régulation des relations sociales, de financement et de mise en œuvre des politiques publiques. En ce sens, et particulièrement lorsqu’elle vise à détourner des fonds publics au profit d’intérêts privés, elle affecte profondément les initiatives qui seraient pourtant susceptibles de favoriser le développement.
En présence de corruption, on observe que les ressources sont confisquées par un petit nombre, que l’inégalité des revenus s’accroît et que la capacité du Gouvernement à agir pour le bien des citoyens se réduit, spécialement lorsqu’il s’agit de répondre aux besoins des plus pauvres. Les analyses de la Banque mondiale l’attestent : on constate notamment une corrélation manifeste entre l’indice de perception de la corruption et l’indice de développement humain, qui est particulièrement faible dans les pays où ce fléau sévit le plus. La corruption engendre et nourrit donc la pauvreté. On sait par ailleurs combien l’extrême précarité, le dénuement exacerbent les tensions et les conflits, à quel point le désespoir est à l’origine, souvent, de la violence.
Devant cette axiomatique implacable, il apparaît fondamental de s’attaquer de front à la corruption qui gangrène la démocratie de nombreux pays, affame les citoyens et engendre des tueries insupportables. La France doit par conséquent inscrire cet objectif dans sa politique de prévention des conflits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. La corruption, c’est très mal, mais c’est un sujet étranger à notre débat. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. La lutte contre la corruption et la prévention de celle-ci sont bien sûr des objectifs majeurs pour le Gouvernement. Toutefois, la définition des modalités de la gouvernance mondiale dans ce domaine n’entre absolument pas dans le champ du projet de loi de programmation militaire. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Il est parfaitement exact que cet amendement peut sembler ne pas être à sa place dans l’examen d’un texte qui traite, pour l’essentiel, de la défense, mais il se trouve que la lutte contre les trafics fait l’objet du paragraphe 2.3.3. Or ce thème n’est pas moins étranger à l’objet du projet de loi que celui de la lutte contre la corruption. Les trafics, la corruption, c’est effectivement très mal, monsieur le rapporteur, et leur répression va de pair.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 31 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Avant le premier alinéa du 2.3.4. du rapport annexé, ajouter un alinéa ainsi rédigé :
La France participera activement aux efforts de réduction et de maîtrise des armements dans l'optique d'un désarmement général et complet. Elle veillera notamment à l'universalisation du traité de non prolifération et à celle du traité international d'interdiction des essais nucléaires. Elle s'engagera ainsi résolument dans la négociation d'un nouveau traité interdisant la production de matières fissiles à usage militaire. Il convient de marquer les objectifs définis par la France et l'Union européenne en matière de désarmement.
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Cet amendement tend à rappeler les axes essentiels de la stratégie de la France et de l’Union européenne en matière de désarmement, ainsi que l’objectif ultime inscrit à l’article 6 du traité de non-prolifération nucléaire, à savoir un désarmement général et complet, et pas seulement le désarmement nucléaire.
L’amendement vise à préciser que la France participera activement aux efforts de réduction et de maîtrise des armements dans l’optique d’un désarmement général et complet. Elle veillera notamment à l’universalisation du traité de non-prolifération et à celle du traité international d’interdiction des essais nucléaires.
Le président Obama a annoncé l’intention des États-Unis de ratifier le traité de non-prolifération, ce que le Congrès américain s’était refusé à faire jusqu’à présent. Cependant, cette proposition devra recueillir soixante-sept voix au Sénat, et il n’est pas certain que ce chiffre puisse être facilement atteint. Ensuite, il restera à obtenir la ratification du traité par la Chine…
Enfin, la France s’attachera à la négociation, à la signature et à la ratification d’un traité international d’interdiction des essais nucléaires. Celle-ci empêchera la modernisation des têtes nucléaires, tandis que l’interdiction de la production de matières fissiles à usage militaire bloquera le développement quantitatif des arsenaux.
Les positions prises par le Président de la République en tant que président de l’Union européenne, rappelées dans une lettre au secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, ne se limitent pas à cela, mais il me semble important de marquer clairement dans ce texte les grandes lignes de notre action, sur un sujet dont nous ne devons pas paraître nous désintéresser à l’heure où il va mobiliser très largement l’attention de l’opinion publique.
M. le président. Le sous-amendement n° 135, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
Au début du second alinéa de l'amendement n° 31, ajouter les mots :
Dans le respect de ses grands intérêts et sans compromettre sa sécurité et son indépendance,
Ce sous-amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 131, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du 2.3.4 du rapport annexé, insérer un alinéa ainsi rédigé :
La France se conformera pleinement à l'objectif fixé par l'article 6 du Traité de non-prolifération nucléaire de désarmement général et complet. Elle prendra des initiatives pour relancer le processus engagé qu'elle soumettra à la prochaine conférence de réexamen du TNP. Elle agira tout particulièrement pour aboutir à mettre en place un régime international efficace de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, de leurs vecteurs et des matériels connexes.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. La politique de développement des armes nucléaires du Gouvernement, qui ne se borne pas à leur modernisation dans le respect du principe de stricte suffisance, est contradictoire avec la volonté affichée dans le rapport annexé de lutter contre la principale forme de prolifération, celle des armes nucléaires.
La politique menée en la matière incite en réalité à la course aux armements. Prévenir la prolifération, comme le prévoit le rapport annexé, par le renforcement du régime international de maîtrise des armements, le contrôle des exportations et le renseignement, est nécessaire, mais pas suffisant, car la prévention seule, non accompagnée d’initiatives diplomatiques fortes, est peu efficace.
Certes, il n’est pas avéré que la réduction des arsenaux des puissances nucléaires reconnues par le traité de non-prolifération ait à elle seule valeur d’exemple.
En effet, bien que les stocks américains et russes aient été réduits des trois quarts environ au cours des vingt dernières années, l’incidence de cette évolution sur la volonté de pays comme la Corée du Nord, l’Inde, le Pakistan ou Israël de se doter d’arsenaux nucléaires a été faible. Il n’en demeure pas moins que la voie des discussions multilatérales reste la seule possible.
Puisque nous prétendons affirmer notre volonté de promouvoir le désarmement, il faut multiplier les actes concrets, comme la réduction d’un tiers de notre composante nucléaire aérienne ou le démantèlement de nos usines de production de matières fissiles de Marcoule et de Pierrelatte. Notre pays doit agir pour rendre un jour accessible l’objectif fixé à l’article 6 du TNP, à savoir un désarmement général et complet.
Afin de nous mettre au diapason des engagements pris récemment par les présidents russe et américain, nous devons faire d’ambitieuses propositions pour relancer le processus de désarment lors de la prochaine conférence d’examen du TNP. Il faut absolument parvenir à mettre un jour en place un régime international de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, de leurs vecteurs et des matériels connexes qui soit efficace.
Notre amendement vise à inscrire clairement ces principes dans le rapport annexé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Nous avons déjà évoqué le plan que l’Union européenne a proposé en matière de désarmement et de non-prolifération. Il constitue pour les mois à venir, notamment en vue de la conférence d’examen du TNP, le cadre de référence de la politique française.
C’est pourquoi ces amendements, qui visent chacun à apporter des nuances à la rédaction du texte, ne nous apparaissent pas indispensables. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. L’effort de maîtrise des armements nucléaires est retracé au paragraphe 2.2 du rapport annexé, qui n’appelle pas de précisions supplémentaires. Le Gouvernement adopte ici la même position que sur un amendement similaire présenté par Mme Voynet.
M. le président. L'amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi, est ainsi libellé :
Supprimer la dernière phrase du 2.4.1.2 du rapport annexé.
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Cet amendement concerne les partenariats public-privé.
Monsieur le secrétaire d’État, d’une manière générale, la politique industrielle de défense doit rester sous le contrôle de la puissance publique. Certes, il y a déjà eu beaucoup d’entorses à ce principe, mais on ne doit pas, dans un texte de loi, préjuger de dispositions pratiques susceptibles de nuire, en l’occurrence, à la sécurité de nos transmissions. Les systèmes de transmissions militaires devraient rester l’apanage de la puissance publique.
M. Daniel Reiner. Ce serait plus simple et préférable !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Cet amendement est le premier d’une série qui vise à supprimer du texte toute référence aux possibilités de partenariat public-privé.
La commission estime que cette formule ne doit pas être écartée a priori. Elle mérite d’être étudiée non pas de manière systématique, mais au cas par cas, lorsqu’elle peut présenter un réel avantage par rapport aux modes d’action traditionnels.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement beaucoup trop général.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Dans un contexte de maîtrise de la dépense publique, la recherche de financements innovants, associant des partenaires privés, constitue vraiment une des voies permettant de rendre la commande publique plus efficace, notamment pour des opérations d’envergure.
De tels partenariats sont entourés de garanties, aux termes desquelles il est clair que la puissance publique garde la maîtrise des opérations menées. Cela vaut pour les réseaux de transmissions et pour les infrastructures. La défense est, à cet égard, un champ d’application pertinent de ces partenariats.
Telle est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 33 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi, est ainsi libellé :
Compléter le quatrième alinéa du 2.4.3.1 du rapport annexé par les mots :
indépendamment du programme de défense antimissiles américain
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Il est indiqué, dans le rapport annexé, que la mise en œuvre d’une coopération européenne sera recherchée pour le programme de détection de missiles ennemis et d’alerte avancée.
Je propose de préciser que cette coopération devra être menée « indépendamment du programme de défense antimissiles américain », car nous devons conserver la maîtrise d’un tel système. En effet, les délais de réaction étant de l’ordre de vingt minutes, nous savons très bien que se conformer au programme de défense antimissiles américain reviendrait à se mettre entièrement à la merci des décisions qui seront prises par le président des États-Unis. M. le secrétaire d’État l’a indiqué tout à l’heure, il s’agit d’une affaire très complexe, et l’on ne peut s’aligner sur le programme américain sans savoir quelles conséquences cela emporte.
Je souhaite donc que l’on inscrive clairement dans le texte que ces systèmes de détection et d’alerte avancée resteront sous contrôle européen et français.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Si la France a décidé d’investir dans le développement d’une capacité de détection et d’alerte avancée, c’est bien pour disposer d’une autonomie d’appréciation et ne pas dépendre exclusivement de renseignements fournis par un autre pays. C’est la justification même de ce programme, pour lequel une coopération avec d’autres pays européens sera recherchée.
S’agissant de la défense antimissiles, spécifiquement visée par l’amendement, le débat sera certainement appelé à se poursuivre et à se développer dans les mois et les années à venir. Nous ignorons aujourd’hui quelles suites seront données au projet d’implantation d’éléments du système américain en Europe, de même que nous ignorons si des développements interviendront au sein de l’OTAN ou si la Russie, comme elle l’avait demandé à une certaine époque, sera un jour associée à une défense antimissiles couvrant tout le continent européen.
Il me semble donc aujourd’hui tout à fait prématuré de préconiser ou d’exclure tel ou tel schéma. Le texte, tel qu’il est rédigé, me paraît parfaitement clair, puisqu’il vise à doter la France d’une capacité autonome, quoi qu’il arrive, le cas échéant par le biais d’une coopération européenne. Il ne s’agit en aucun cas d’abdiquer notre autonomie.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. L’acquisition de capacités de détection et d’alerte avancée repose bien sûr sur des moyens indépendants élaborés avec nos partenaires européens. Il nous semble donc inutile d’insérer dans le texte la précision présentée par M. Chevènement.
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
M. Yves Pozzo di Borgo. Je partage l’avis de la commission et du Gouvernement, mais je voudrais revenir sur l’intervention que j’ai faite hier sur ce sujet au nom du groupe de l’Union centriste, afin d’obtenir une réponse à la question que j’avais posée à cette occasion.
Pourquoi le projet Spirale, conçu par des ingénieurs français, n’a-t-il pas été intégré dans le projet de loi de programmation militaire ? Actuellement, lorsqu’un missile est lancé, la France et l’Europe sont aveugles et dépendent complètement des États-Unis en matière d’alerte.
Des essais ont déjà été conduits. Le projet Spirale, dont la mise en œuvre s’étalerait jusqu’en 2016, coûterait à la France, selon mes informations, 700 millions d’euros. Il s’agit d’un dispositif important, dont la réalisation doterait l’Europe des lunettes dont elle ne dispose pas actuellement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Les études d’amont et l’exploitation des informations collectées par les deux microsatellites Spirale lancés en 2009 seront accélérées pour permettre que la conception et la réalisation des radars et des satellites puissent être engagées au plus tard en 2012.
L’entrée en service opérationnel de radars de très longue portée interviendra aux environs de 2015, celle du premier satellite opérationnel d’ici à 2019.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je voudrais compléter l’information donnée par M. le secrétaire d’État : le programme Spirale est mentionné dans le rapport de la commission.
M. Yves Pozzo di Borgo. Mais pas dans le texte !
M. Daniel Reiner. Si, dans le rapport annexé !
M. le président. L'amendement n° 65, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du 2.4.4 du rapport annexé, remplacer les mots :
les flux migratoires illégaux
par les mots :
la piraterie maritime
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Aux termes du premier alinéa du 2. 4. 4 du rapport annexé, « les moyens militaires dans les DOM-COM seront redéployés et leur niveau redéfini en fonction de leurs missions de souveraineté et de leur contribution à la lutte contre cinq risques majeurs : les catastrophes naturelles, les atteintes à la sécurité du centre spatial guyanais, le narcotrafic, les flux migratoires illégaux, le pillage des ressources naturelles ».
Si l’on peut élever au rang de risques majeurs les catastrophes naturelles ou le narcotrafic, il en va tout autrement des flux migratoires illégaux. En effet, les clandestins ne menacent pas nos côtes. (M. le secrétaire d’État s’exclame.) Ils sont le plus souvent des victimes, qui fuient la misère pour trouver refuge dans un lieu plus propice à leur épanouissement, voire à leur simple survie. Ils sont les otages de passeurs qui leur imposent de s’acquitter de sommes considérables, au regard de leur niveau de vie, quand ils ne s’en débarrassent pas comme de vulgaires colis, sans égard aucun pour leur vie.
Nous ne sommes pas naïfs : l’extrême hétérogénéité qui caractérise l’immigration clandestine rend impossibles les jugements tranchés et trop rapides, fondés exclusivement sur la dimension humanitaire du phénomène ou, à l’inverse, sur sa seule dimension criminelle.
La mise en place de politiques concertées avec les pays d’origine des immigrants clandestins est bien entendu nécessaire. Le moyen le plus efficace de combattre les migrations illégales est d’en traiter les causes premières dans ces pays, en augmentant, par exemple, l’aide au développement.
Au contraire, il ne fait aucun doute que la piraterie maritime représente un risque majeur. La sûreté maritime recouvre des enjeux importants, aux frontières de la défense et de la sécurité. À l’heure où plus de 90 % du commerce mondial transite par la mer, qui constitue en outre une formidable réserve de ressources, l’économie mondiale est étroitement liée à la maîtrise du milieu marin et sous-marin. C’est un enjeu stratégique essentiel, souvent sous-évalué en France.
Face à cette menace, la France doit favoriser la mise en place, à l’échelon international, de moyens propres à empêcher que de nouveaux enlèvements ou prises d’otages ne se produisent.
C’est pourquoi je propose de substituer, dans la liste des risques majeurs énumérés par le texte, la piraterie maritime aux flux migratoires illégaux, qui appellent un tout autre traitement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Madame Voynet, lutter contre les flux migratoires illégaux, c’est lutter contre les trafiquants et les négriers qui extorquent à des malheureux des sommes extraordinaires et exposent leur vie sur les océans !
M. Michel Bécot. Absolument !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. C’est donc un devoir, pour nos forces armées, que de s’opposer à ce genre de trafic.
M. Robert del Picchia. Absolument !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Puisque vous aimez beaucoup la morale, madame Voynet, vous devriez approuver cette lutte !
Par ailleurs, je vous ferai également remarquer que peuvent se dissimuler, parmi les immigrants illégaux, des personnes susceptibles de porter ultérieurement atteinte à la sécurité nationale.
M. Robert del Picchia. Tout à fait !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. C’est une raison supplémentaire d’être vigilants.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Madame Voynet, en tant que maire, j’ai malheureusement eu à accueillir de ces malheureux…
Mme Dominique Voynet. Il y en a partout !
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Vous n’êtes pas la seule à parler de solidarité ! Cette valeur n’est ni de droite ni de gauche, elle est propre à la démocratie ; nous pouvons donc la partager.
Il est vraiment de notre devoir de lutter contre les flux migratoires illégaux, qui constituent un risque majeur pour la stabilité de nos départements et de nos collectivités d’outre-mer. On ne saurait passer ce phénomène sous silence.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. On est en train de tout confondre ! Monsieur le rapporteur, l’irritation que vous éprouvez à mon encontre nuit décidément à la clarté de votre jugement ! (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.) Personne ne nie que la traite et le trafic des êtres humains soient des activités éminemment criminelles, mais nous discutons ici d’un alinéa énumérant les risques majeurs !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. C’en est un !
Mme Dominique Voynet. Le narcotrafic et le trafic des armes constituent un risque majeur,…
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Le trafic des hommes n’en est pas un ?
Mme Dominique Voynet. … de même que la piraterie maritime, mais tel n’est pas le cas de la détresse des êtres humains, qui met en jeu la responsabilité morale de la France !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. C’est un sophisme !
Mme Dominique Voynet. Si vous vous sentez agressé lorsque je vous fais remarquer que nous devons, d’une part, accueillir les personnes victimes de la traite des êtres humains, et, d’autre part, lutter sérieusement contre les risques majeurs, mais qu’il ne faut pas tout confondre, le débat est-il encore possible entre nous ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je vous accuse de sophisme !
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Madame Voynet, je vis depuis quarante ans à l’étranger et je connais bien ces problèmes d’immigration clandestine, que celle-ci trouve sa source en Europe de l’Est ou dans les pays de la rive sud de la Méditerranée.
La commission des affaires européennes m’a confié plusieurs missions sur ce sujet. Je me suis ainsi rendu la semaine dernière à Calais avec votre collègue Alima Boumediene-Thiery. Les passeurs font payer de 5 000 euros à 15 000 euros à de pauvres âmes pour les conduire en Angleterre. (M. le secrétaire d’État opine.) Quand les migrants clandestins ne peuvent leur procurer cette somme, ils s’en prennent à eux au Royaume-Uni ou à leurs familles restées au pays. Il existe donc des mafias, et il s’agit bien là d’une criminalité organisée.