M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera un peu différente des précédentes, dans lesquelles ont été cités des chiffres que vous connaissez tous et qu’il est donc inutile de rappeler.
Il serait à mon avis plus judicieux d’élever ce débat et de s’interroger sur les raisons directes et indirectes de la crise. La conjoncture actuelle a en effet plusieurs origines.
Notons d’abord la crise mondiale du crédit, qui affecte tous les pays du monde, à la suite de la faillite de nombreuses banques, et sur laquelle on ne peut agir directement, sauf à essayer d’en atténuer les effets.
Relevons aussi les contraintes multiples qui nous ont été imposées par différents gouvernements, en particulier socialistes, contraintes qui paralysent nos entreprises et compromettent notre économie. Je m’y attarderai quelques instants.
Si la crise a plusieurs origines, peut-être pouvons-nous agir sur celles qui nous sont propres. La hausse de nos coûts de production n’est pas seulement due à la baisse des crédits disponibles. Notre perte de compétitivité a d’autres causes, telle la politique démagogique menée pour favoriser la politique sociale, dite « justice sociale », sans se soucier aucunement de la politique économique et des possibilités de financement de cette politique sociale. En effet, toute décision politique, quelle qu’elle soit, doit d’abord tenir compte des recettes avant d’envisager les dépenses. Or certains gouvernements ne procèdent pas ainsi.
Il est certes très agréable de partir à la retraite plus tôt – pourquoi pas ? –, de travailler moins en gagnant autant ou même plus, d’augmenter les aides en tous genres. Toutefois, au final, on aboutit à la situation que nous observons aujourd'hui, c'est-à-dire à une aggravation considérable de notre déficit budgétaire.
En effet, de telles dépenses sociales ne peuvent être financées autrement. Dès lors que l’on n’a pas les moyens nécessaires pour les couvrir, on emprunte ! Cette solution est peut-être pratique, mais elle est aussi dangereuse.
Ainsi, les 35 heures (M. Bernard Angels s’exclame.), malgré les correctifs apportés par le Gouvernement, constituent toujours la durée légale du travail et plombent nos coûts de production, à travers la RTT, la réduction du temps de travail, et les heures supplémentaires.
Ce régime est très pratique pour les salariés, mais l’instauration des 35 heures a été la plus grave décision qui ait jamais été prise par un Gouvernement pour notre économie, et nous en subissons encore aujourd'hui les conséquences. Il faut le savoir et en tenir compte.
Mes chers collègues, nous ne pouvons travailler moins que les habitants des autres pays, qui produisent bien plus que nous et à des coûts moins élevés !
De même, en France les congés sont trop nombreux, bien que, naturellement, il soit agréable de partir en vacances et de profiter de nombreux jours fériés, et les charges sur les salaires sont trop élevées.
Nous avons évoqué tout à l'heure le financement de la sécurité sociale. Pour ma part, je serais tout à fait partisan de ne plus le faire peser sur les charges salariales et de le reporter sur d’autres facteurs. Je crois d'ailleurs que M. le président de la commission des finances, lui aussi, a quelques idées sur ce sujet, qu’il faudrait tenter de mettre en application.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout à fait ! Il faut une TVA sociale.
M. Serge Dassault. La retraite à soixante ans, obtenue grâce au président Mitterrand, est sans doute une « conquête sociale », mais on constate qu’elle est de plus en plus difficilement financée par la répartition, car sans cesse le nombre des actifs diminue et celui des inactifs augmente, ce qui empêche d’équilibrer ces dépenses.
Par ailleurs, les conflits sociaux sont trop nombreux et paralysent la production. Ils nuisent autant aux salariés, qui, soi-disant, défendent leur activité, qu’aux entreprises, car ils risquent de faire disparaître les clients. En effet, quand des grèves éclatent, la production cesse, les clients s’en vont et l’entreprise capote…
Aussi, compte tenu de l’évolution très préoccupante de nos finances, il conviendrait de prendre dès maintenant les mesures nécessaires pour rendre à nos entreprises leur compétitivité. En effet, si celles-ci ne sont pas concurrentielles, elles ne vendront rien et n’embaucheront pas, mais, au contraire, licencieront.
Il faudrait appliquer les règles de la gestion participative, que je m’efforce de promouvoir, et instaurer dans toutes les entreprises un véritable consensus social qui permette de motiver les salariés, en égalisant chaque année la réserve de participation au montant des dividendes distribués.
M. François Marc. La règle des trois tiers ?
M. Serge Dassault. Pour ma part, je continuerai de porter cette proposition.
Les syndicats doivent cesser de pousser les salariés à la grève à la moindre occasion.
M. François Marc. Supprimez-les ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Serge Dassault. Il faut encadrer le droit de grève. La Constitution le permet, mais on ne le fait pas !
En effet, les arrêts de travail n’ont jamais résolu aucun problème et ils sont nuisibles à tous. Pas plus que les processions religieuses n’ont jamais fait tomber la pluie, aucune grève n’a jamais fait pleuvoir les euros ! (Rires sur les travées de l’UMP, ainsi qu’au banc des commissions.)
Une autre mesure de bon sens consisterait à limiter dans le temps les dépenses de fonctionnement, pour lesquelles on ne fixe jamais de terme, avec pour résultat une addition sans fin des emprunts destinés à les couvrir.
Seule la diminution des emprunts de fonctionnement récurrents permettrait de réduire peu à peu le déficit. Il faudrait commencer tout de suite, mais on ne le fait pas, malgré les propositions que j’ai formulées en ce sens…
En revanche, comme l’a souligné M. le ministre, les emprunts nouveaux destinés à des investissements d’avenir sont absolument nécessaires afin d’accroître notre production de richesses.
Enfin, mes chers collègues, permettez-moi une dernière remarque, que personne n’a encore formulée.
Notre système capitaliste a montré ses limites en raison de la spéculation réalisée par les détenteurs d’actions de sociétés anonymes dépourvues de « noyau dur ». Ceux-ci ne se préoccupent que du prix des titres et les revendent immédiatement avec une plus-value ; ils n’ont pas le moindre souci de l’avenir de l’entreprise en cause.
Pour éviter ces va-et-vient destructeurs, il serait bon, me semble-t-il, d’obliger tout acquéreur d’actions à conserver celles-ci pendant au moins cinq ans. Une telle décision éviterait des mouvements spéculatifs qui sont fortement nuisibles et ne coûterait rien.
Il faut aussi remarquer – j’y insiste – que seules les actionnaires des sociétés familiales conservent leurs titres, sans se préoccuper des cours de la bourse, car ils veulent préserver le patrimoine familial.
Il faudrait donc soigner ces actionnaires familiaux, d'ailleurs de moins en moins nombreux, car ils sont des facteurs de stabilité économique, au lieu de les pénaliser par des impôts spécifiques qui les découragent et les poussent à s’expatrier, privant ainsi la France à la fois de leurs capitaux et de leurs talents.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quelques-unes des propositions que je tenais à formuler devant vous.
Il faudrait aller encore plus loin dans la politique de réformes courageuses que le Président de la République a entreprise et que j’approuve, en prenant en compte, si possible, les quelques points que je viens d’indiquer.
Rien n’est simple dans ce domaine. Je connais les résistances multiples qui se manifestent en France à la moindre réforme, car notre pays est conservateur et prêt à se paralyser contre n’importe quelle tentative de changement. Cet état d’esprit ne facilite pas la tâche des gouvernements, qui tentent de faire des efforts mais se heurtent toujours à des grèves.
Rien ne pourra se faire sans le consensus de tous, me semble-t-il. Pour l’obtenir, il faudrait lancer une vaste opération d’explication en direction de l’opinion, pour que chacun prenne conscience de la gravité de la situation et pour faciliter les réformes.
Au lieu d’affirmer que tout va bien, que la situation n’est pas si grave et qu’elle va s’arranger, il faut souligner une fois pour toutes l’ampleur des difficultés qui se présentent à nous ! C’est d'ailleurs ce que nous faisons ici depuis plusieurs heures.
Les Canadiens ont mené cette réforme avec succès voilà quinze ans. Aujourd’hui, ils ont réussi ce miracle d’obtenir un budget équilibré, sinon excédentaire, mais aussi de réduire leur dette. Rien ne nous empêcherait de faire pareil !
M. François Marc. Sans diminuer les impôts !
M. Serge Dassault. C’est à ce prix que nous commencerons à sortir de la crise, mais il faut en avoir la volonté, le courage et savoir ce que nous voulons. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, bien des questions ont été évoquées au cours de ce débat, et je constate que certaines préoccupations sont communes aux différents orateurs.
Monsieur Dassault, nous ne sous-estimons pas les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Nous n’embellissons pas la situation et l’envisageons telle qu’elle est. J’espère en tout cas que mes propos pourront vous rassurer.
Monsieur le président de la commission des finances, vous avez décrit les défis qui nous attendent et vous nous avez appelés à voir au-delà du court terme. Je souscris tout à fait à cet appel.
Je ne reviendrai pas sur notre débat d’hier relatif à la politique de financement de l’État. Nous devons en effet être plus transparents et donner davantage d’informations, notamment en ce qui concerne les emprunts levés à court terme. C’est précisément ce que nous avons l’intention de faire.
Je fais miennes vos préoccupations sur la dette, qui sont d'ailleurs partagées par l’ensemble des sénateurs, quelle que soit leur tendance politique.
Toutefois, on affirme souvent que le produit de l’impôt sur le revenu serait aujourd'hui inférieur au montant des charges d’intérêt de la dette, mais ce n’est pas exact : il lui est toujours supérieur, d’environ huit milliards d'euros, du moins si nous prenons seulement en compte le coût de l’endettement de l’État. En revanche, l’affirmation est vérifiée si nous considérons l’ensemble de la dette publique.
Mme Michelle Demessine. Donc tout va bien ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais vous êtes le ministre de tous les comptes publics !
M. Éric Woerth, ministre. Certes, monsieur le président de la commission des finances, mais l’impôt sur le revenu a vocation à financer le budget de l’État ; il faut comparer ce qui est comparable. J’y insiste, car j’entends souvent cette assertion.
Pour réduire la dette, j’estime, tout comme vous, monsieur le président de la commission des finances, que nous n’avons d’autre solution que de mettre l’accent sur la maîtrise des dépenses. Je me suis d'ailleurs efforcé de le montrer dans mon intervention liminaire.
D'une part, il faut revenir à un niveau satisfaisant de recettes fiscales grâce à la reprise économique ; d'autre part, nous devons maîtriser la dépense.
Certaines dépenses disparaîtront toutes seules ; ce sont celles qui sont destinées à la relance, et dont vous avez pu vérifier qu’elles étaient réversibles.
Comme je l’ai indiqué dans la préparation du budget pour 2010, ces dépenses tomberont l’an prochain à 3,5 milliards d'euros environ. Certes, elles ne disparaîtront pas complètement et la rupture en la matière ne sera pas totale, parce que nous devons accompagner la reprise, une crise ne cessant pas du jour au lendemain ! Toutefois, elles retrouveront un niveau raisonnable.
L’accompagnement de la reprise économique passera par les systèmes de formation professionnelle et d’aide à l’emploi, ces 3,5 milliards d'euros servant, notamment, à financer le FISO, le Fonds d’investissements social.
Monsieur le président de la commission des finances, nous lancerons également une deuxième phase de la révision générale des politiques publiques.
Certains ont estimé que les sept milliards ou huit milliards d'euros dégagés jusqu’ici par ces mesures n’étaient pas suffisants, compte tenu des enjeux. Toutefois, il ne s’agit là que des sommes économisées immédiatement. À moyen terme, cette politique qui transforme l’approche culturelle des administrations permettra de dégager des montants bien plus considérables !
La RGPP doit cependant rebondir. Tel est l’objet de la « deuxième phase » que nous sommes en train de lancer ; ce matin encore, je présidais d'ailleurs une réunion sur ce sujet.
Nous voulons, d'une part, aller plus loin dans la réorganisation des services de l’État, et, d'autre part, examiner les politiques d’intervention, ce qui n’avait pas été fait dans la « première phase ».
En effet, la RGPP vise à maintenir, sinon à accroître, la qualité du service public en affectant plus justement les moyens de l’État. C’est ainsi que nous devons la concevoir. Nous sommes tout près de cette logique d’évaluation qui a fait l’objet de tant de débats.
Monsieur le président de la commission des finances, vous préconisez également de passer au « zéro valeur » en ce qui concerne les dépenses de l’État.
D'ores et déjà, cet objectif est pratiquement atteint si nous ne prenons pas en considération l’accroissement des charges de la dette, qui, aujourd'hui, est largement incompressible, ni les charges de retraites et de pensions.
Le véritable enjeu serait d’arriver au « zéro valeur » pour l’ensemble de la dépense publique, au lieu de l’augmentation de 1 % en volume que nous connaissons aujourd'hui.
Toutefois, il est extrêmement difficile d’atteindre un tel objectif, notamment en raison du rythme d’évolution des dépenses des organismes de sécurité sociale, qui, même si elles sont maîtrisées, progressent bien plus vite que le PIB…
J’en viens à la réforme territoriale, qui est indispensable.
Les structures de l’État suivent le mouvement que la RGPP a initié. Nous devrons également donner vie aux préconisations de la commission Balladur, qui devraient déboucher sur un certain nombre de décisions dans le courant de cette année. Je ne doute pas que le débat sur cette question sera très animé, et c’est une litote, mais je crois que cette réforme est au cœur des préoccupations des Français.
En ce qui concerne la protection sociale, j’ai bien noté que son mode de financement constituait une inquiétude constante. Il s’agit d’une question essentielle pour Mme la présidente de la commission des affaires sociales, mais aussi pour le nouveau rapporteur général, qui travaillait déjà auparavant sur ces sujets et qui n’a pas changé d’idées en prenant sa nouvelle fonction…
Pour leur répondre, ainsi d'ailleurs qu’à Serge Dassault, Dominique Leclerc et Jean-Jacques Jégou, je voudrais évoquer la question de la bonne information du Parlement en matière de finances sociales, car il s'agit là d’un point essentiel, me semble-t-il.
Comme M. Dassault l’a souligné à juste titre, nous ne devons pas nous raconter d’histoires. Tel n’est pas d'ailleurs mon objectif, car une telle méthode serait ridicule et inutile. Nous devons mener un débat responsable.
Or le niveau d’information du Parlement a été augmenté considérablement ces dernières années, me semble-t-il.
Madame la présidente de la commission des affaires sociales, vous regrettez, si je vous ai bien compris, l’absence de projets de loi de financement de la sécurité sociale rectificative. (Mme la présidente de la commission des affaires sociales acquiesce.)
Cependant, vous savez parfaitement, madame la présidente, que, lorsqu’on vote un projet de loi de financement de la sécurité sociale, on vote non pas sur un budget précis, mais sur des intentions budgétaires, sur des objectifs de dépenses. Point n’est besoin, donc, de le rectifier : les objectifs se rectifient par eux-mêmes, il suffit de constater.
Au demeurant, tout PLFSS comporte une partie consacrée aux comptes de l’année en cours : lors de son examen, on remet les choses à l’équerre. La démarche est donc construite et cohérente. Cela donne régulièrement lieu à des débats nourris. J’imagine que, cette année, ils seront particulièrement animés.
Nous donnons aussi une information sur la trajectoire des finances sociales.
La loi de programmation pluriannuelle ne concerne pas uniquement l’État ; elle porte aussi sur l’ensemble des finances publiques. Les indications données sont en pourcentages. Elle tend, notamment, à fixer l’ONDAM, l’évolution de chacun des risques concernés, ainsi que les sous-objectifs de l’ONDAM, le secteur médico-social, l’hôpital et la médecine de ville.
Nous disposons là d’un assez bon outil pour voir comment les choses se construisent les unes par rapport aux autres.
M. Jean-Jacques Jégou et M. le rapporteur général Alain Vasselle ont évoqué le financement de la dette de la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Sujet important !
M. Eric Woerth, ministre. Le prochain conseil des ministres examinera un projet de décret tendant à relever le plafond d’emprunt de l’ACOSS de 18,9 milliards d’euros à 29 milliards d’euros.
Par ailleurs, l’ACOSS vient de conclure avec la Caisse des dépôts et consignations un avenant à la convention financière qui vise à redéfinir les conditions tarifaires des emprunts auprès de la Caisse.
Pour 2010, chacun connaît les solutions. Il n’y a pas de magie à espérer. Faire reprendre la dette de la sécurité sociale par l’État serait, à mon avis, la pire des solutions, parce que tout retour en arrière serait impossible.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des finances. Exactement ! On est d’accord là-dessus.
M. Eric Woerth, ministre. Ce serait donc la pire des solutions, et, de surcroît, elle ne serait pas du tout conforme aux conclusions auxquelles nous sommes parvenues au terme des débats que nous avons eus depuis deux ou trois ans. Je m’opposerai farouchement à une telle solution.
Transférer la dette sociale à la CADES signifierait augmenter la durée de vie de cette dernière, ce qui serait également à mes yeux, une solution assez irresponsable, en ce qu’elle reviendrait à la prolonger indéfiniment. Il ne faut pas augmenter la durée de vie de la CADES.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des finances. D’accord !
M. Eric Woerth, ministre. Augmenter la CRDS n’est pas dans l’optique du Gouvernement : il n’a pas comme politique d’augmenter les prélèvements obligatoires.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
M. Eric Woerth, ministre. Une telle solution n’est donc pas, elle non plus, envisageable.
Monsieur Fourcade, vous évoquez la création d’une caisse particulière alimentée par les revenus de la contribution climat-énergie. Je me bats pour que les revenus de la contribution climat-énergie financent tout ou partie du manque à gagner, en termes de recettes fiscales, de la suppression d’une taxe absurde, mais productive, la taxe professionnelle.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oh oui ! Ce n’est pas possible !
M. Eric Woerth, ministre. Nous avons un certain nombre de choix à faire.
Nous avons donc fait le choix d’une solution qui ne peut, selon moi, être que transitoire : donner à l’ACOSS les moyens de financer en 2010 l’intégralité des besoins de trésorerie, qui devraient s’élever, en moyenne, à une quarantaine de milliards d’euros. Elle ne pourra pas durer, mais elle offre le mérite d’éviter de les faire financer par l’État.
Nous sommes en train d’examiner toutes les possibilités, avec l’aide d’une mission de l’inspection générale des finances.
Nous réfléchissons ainsi à l’augmentation des émissions de billets de trésorerie sur les marchés, à la possibilité et la capacité pour d’autres acteurs publics d’acheter des billets de trésorerie de l’ACOSS, au recours aux banques, sous réserve que la dette soit cantonnée.
Le schéma vous sera précisé le moment venu, mesdames, messieurs les sénateurs, à savoir lors de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Cette solution a beau être transitoire et provisoire, elle a néanmoins le mérite d’être claire. Cette dette devra finir par être épongée. Nous trouverons d’autres sources de financement après la sortie de crise.
Aujourd’hui, nous devons prévoir un financement spécifique via l’ACOSS.
L’opération sera neutre pour les finances de l’État, car l’écart de financement entre l’État, l’ACOSS ou la CADES est faible. De plus, le niveau actuel des taux rend même plus intéressant un financement à court terme, comme le fait l’ACOSS, qu’un financement à long terme.
Sur la préservation des recettes sociales, je suis bien d’accord avec ce qui a été dit.
Je tiens tout de même à préciser – M. Fourcade et M. Dassault ont abordé ce point – qu’il est assez difficile de réduire les 23 milliards d’euros des aides à l’emploi. Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire. Le Gouvernement, après réflexion, prendra probablement des décisions sur ce sujet.
Les réductions de charges directes sur le SMIC – 1,6 SMIC – ont permis une baisse des charges des entreprises et ont donc des conséquences immédiates sur l’emploi.
Beaucoup d’idées peuvent être émises. Les sommes en jeu sont énormes.
Je rappelle à Mme Christiane Demontès que près de la moitié des niches sociales – dix sur vingt-trois, précisément – résultent de la compensation des 35 heures. Il faut l’assumer ! Je le fais, pour ma part, sans problème. Mais je tenais à le préciser. Comment s’alarmer du nombre de niches sociales, quand chacun y a contribué d’une certaine manière ?
Nous devrons prendre garde, et ne pas oublier que réduire les niches sociales reviendrait, pour parler un langage simple, à augmenter les charges sociales. Or, les charges sociales sont violemment décriées, car accusées d’être la cause du manque de compétitivité française et d’entraver notre capacité à créer de l’emploi à long terme. Il nous faut veiller à préserver la bonne cohérence de nos choix politiques. Ils ne doivent pas être en contradiction avec nos propos.
Sur les retraites, j’ai bien entendu ce qu’ont dit MM. Alain Vasselle, Dominique Leclerc et Mme Christiane Demontès.
Nous nous saisirons de ce dossier en 2010, comme M. le Président de la République l’a annoncé. L’idée est de procéder à une réforme structurelle, le problème étant structurel.
Je trouve l’exercice de dénonciation de Mme Demontès tout à fait intéressant, mais il n’y a là que des effets de tribune. Où sont les propositions ? Le parti socialiste est un grand parti démocratique, un parti de gouvernement qui appelle à débattre. Aussi, plutôt que de dénoncer les projets gouvernementaux en matière de retraites, que ne formule-t-il des propositions à la hauteur de l’enjeu ! Certes, ce serait beaucoup plus difficile que de renvoyer le dossier à une énième commission ou de reconnaître qu’il faudra bien en venir à une réforme.
Mme Michèle André. En l’occurrence, c’est vous qui polémiquez !
M. Eric Woerth, ministre. Il y a peu de solutions. Nous allons toutes les explorer, et nous prendrons alors des décisions.
Monsieur Legendre, j’ai écouté avec attention votre discours, qui détonait un peu parmi les autres. (Mme la présidente de la commission des affaires sociales sourit.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On peut dire cela !
M. Eric Woerth, ministre. Nous devons changer un peu de logique. Nul ne saurait affirmer que les affaires culturelles ne sont pas importantes. Nul, dans cette enceinte, ne professerait une telle opinion.
Cependant, il va nous falloir apprendre à les gérer avec les mêmes crédits, voire parfois un peu moins. Telle est la base de mon argumentation : quand je demande une baisse du rythme d’augmentation des dépenses, c’est de cela qu’il s’agit.
On en arrive très vite à parler de choses concrètes : de la politique culturelle de l’État à l’étranger, de notre capacité à entretenir notre patrimoine monumental, du difficile financement de l’architecture préventive. Certes, 20 milliards d’euros ont, à titre exceptionnel, été dégagés, mais l’ampleur de la somme ne doit pas faire oublier l’adjectif « exceptionnel ». Parce que l’enjeu était d’importance, des crédits ont été momentanément débloqués.
J’appelle chacun à bien mesurer que la réduction du rythme d’évolution des dépenses concerne tous les domaines. Il faut finir par l’accepter.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L’enseignement du français à l’étranger ! Les frais de scolarité à l’étranger !
M. Eric Woerth, ministre. Si l’on avait retenu une évolution « zéro valeur », le niveau de réduction serait supérieur à ce qu’il est.
J’ai écouté attentivement le discours de M. Foucaud. Si je ne partage pas son analyse de notre système fiscal, je lui accorde bien volontiers qu’il est évidemment perfectible, c’est le moins que l’on puisse dire.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est un bon sujet, cela !
M. Eric Woerth, ministre. Cependant, je ne saurais le laisser prétendre que nous ne nous attaquons pas à ses défauts.
Réformer la taxe professionnelle est un travail de fond. Cela fait vingt ans que les défauts de cette taxe sont dénoncés. Nous nous employons à y remédier.
Par ailleurs, nous créons une fiscalité verte, preuve s’il en est de notre volonté de nous orienter vers une fiscalité différente, de nous organiser différemment, de penser différemment. L’avenir nous dira quels auront été les réels progrès accomplis, mais il s’agit là, d’ores et déjà, d’avancées marquantes.
J’ai évidemment apprécié la formule de M. de Montesquiou : « façonner l’avenir ». C’est ce que nous essayons de faire.
Pour « façonner l’avenir », il faut avoir confiance en l’avenir et, en même temps, regarder le présent avec lucidité, comme nous le faisons ; il faut se garder de raconter des histoires aux Français, mais les persuader que notre pays a de l’avenir, quelles que soient les difficultés financières auxquelles il est confronté.
Le débat qui s’ouvrira, à partir des propositions de MM. Alain Juppé et Michel Rocard, sur les dépenses d’avenir, sera fondamental. Ces dépenses d’avenir valent bien un emprunt – puisque ce sont, justement, des dépenses d’avenir ! – à condition, toutefois, comme l’a précisé M. Fourcade, de ne pas oublier les autres éléments de la donne, à savoir, d’une part, l’équilibre des dépenses de fonctionnement et, d’autre part, l’affectation des recettes supplémentaires au remboursement de la dette.
Monsieur Marc, votre discours est empreint de cohérence, et je n’ai pas d’objection à formuler sur la forme, mais, si les recettes que vous préconisez ont le mérite de la constance, elles n’en sont pas moins assez artificielles.
Les solutions que vous envisagez, comme par exemple l’arrêt de la loi TEPA, ne sont pas du tout à la hauteur des enjeux. Elles sont mêmes contreproductives. La loi TEPA et le dispositif sur les heures supplémentaires produisent de la valeur, j’en ai l’intime conviction. La vôtre est différente. Je la respecte.
Je vais maintenant me hâter de vous apporter quelques éléments de réponses supplémentaires, mesdames, messieurs les sénateurs, car je devine – il est dans mon dos, je ne le vois pas ! – que M. le président commence à perdre patience et surveille l’heure. (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La statue du Commandeur ! (Sourires sur le banc de la commission.)