M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a souhaité se saisir pour avis des dispositions de cette proposition de loi de notre collègue Xavier Pintat, dont nous apprécions d’ailleurs l’initiative. En effet, le texte répond à de nombreux besoins de nos concitoyens. Relatif à la couverture du territoire, notamment dans le domaine de la télévision numérique terrestre, la TNT, il fait suite au rapport de notre collègue Bruno Retailleau.
Je commencerai par rappeler que la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a fixé pour les chaînes de la TNT un objectif de couverture de 100 % de la population, sans préjudice des modes de diffusion utilisés – réseau hertzien, satellite, ADSL ou câble –, cet objectif étant porté à 95 % de la population pour la seule diffusion par la voie hertzienne terrestre.
Conformément à l’article 96-2 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a fixé en janvier 2007, donc très récemment, le calendrier du passage au numérique. Il a notamment arrêté un schéma d’extension de la couverture de la TNT entre 2008 et 2011 pour les chaînes historiques, d’une part, et pour les nouveaux entrants, d’autre part, ce schéma ayant été validé par le Premier ministre.
La TNT va donc progressivement couvrir le territoire jusqu’à la fin de l’année 2011. C’est un grand chantier que nous avons devant nous ! Pour notre commission, il est majeur, car il permettra d’offrir à tous les Français de nouveaux programmes de télévision. Ces programmes seront, nous l’espérons tous, de meilleure qualité, mais aussi plus diversifiés. Nous savons également que cette couverture est un facteur non négligeable d’attractivité du territoire.
Pour donner davantage d’ambition géographique à la TNT, le CSA a en outre fixé un taux de couverture de la TNT par voie hertzienne par département. En effet, si le taux de couverture de la population par la TNT atteignait 87 % à la fin de l’année 2008, des variations importantes existent encore selon les zones géographiques. On observe, par exemple, une couverture inférieure à 60 % de la population pour la Franche-Comté ou pour la partie alpine de la région Rhône-Alpes.
L’objectif est donc d’assurer une couverture harmonieuse de la TNT sur l’ensemble du territoire national, tout en tenant compte, bien entendu, des contraintes économiques des chaînes de télévision, qui doivent supporter le coût des émetteurs.
Ce taux d’obligation de couverture a été fixé de manière très ambitieuse. Pour les chaînes historiques, il atteint 91 % de la population de chaque département et, pour les nouveaux entrants, 85 % de la population de chaque département. Toutefois, il s’agit là d’approximations et les méthodes de calcul du CSA pour déterminer la couverture du territoire sont en fait beaucoup plus complexes.
En application de l’article 115 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, le CSA a publié, le 23 décembre 2008, une liste des zones qui devront être couvertes par la TNT au plus tard le 30 novembre 2011. Au final, sont concernées 1 626 zones pour les chaînes historiques en clair et 1 423 zones pour Canal Plus et les nouveaux entrants de la TNT.
Cet équilibre défini par le CSA est satisfaisant à plusieurs égards. D’abord, le nombre de personnes ayant accès à la télévision par la voie hertzienne augmente globalement. Ensuite, des zones auparavant non desservies en analogique le seront prochainement en numérique. Enfin, on assure une équité territoriale pertinente, alors qu’il était impossible pour le législateur de fixer un taux minimal de couverture par département du fait des très nombreuses incertitudes techniques entourant le passage à la TNT.
Toutefois, et c’est l’une des raisons de notre débat d’aujourd’hui, il ne faut pas se voiler la face : des zones d’ombre subsistent et certaines zones, auparavant desservies en analogique, ne le seront plus en numérique. Cela suscite, nous le savons, l’émotion tant des élus locaux que d’un certain nombre de nos concitoyens.
Pour résoudre ces difficultés, le législateur a été doublement actif.
D’une part, l’article 102 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication a prévu la mise en place d’un accompagnement social du passage au numérique via un fonds d’aide, afin que tous les citoyens puissent s’équiper et recevoir la TNT. Ce dispositif s’applique aux téléspectateurs dégrevés de contribution à l’audiovisuel public, l’ancienne redevance, et sous condition de ressources. Mais, comme vous le savez, ce fonds est également géré par le groupement d’intérêt public France Télé numérique, qui a fait l’objet de nombreux débats dans cette assemblée au cours de l’hiver dernier.
D’autre part, la loi de 2007 et celle de 2009 ont permis le développement de deux offres satellitaires gratuites pour les zones d’ombre, qui réunissent l’ensemble des chaînes de la TNT. Ces deux offres, TNTSat et Fransat des groupes Canalsat et Eutelsat, permettent la réception de la TNT sans abonnement ni frais de location d’un terminal de réception, avec un investissement initial relativement modéré, que l’on estime aujourd’hui à un maximum de 250 euros.
Une faiblesse subsiste néanmoins. Elle est liée au choix du CSA d’imposer un taux départemental, qui souffre d’absence de base juridique. Or il semblerait, comme l’a rappelé Bruno Retailleau, que plusieurs chaînes aient contesté devant le juge la légalité des listes définies par le CSA.
C’est pourquoi la commission de l’économie a introduit avant l’article 1er deux articles, les articles 1erA et 1erB. Ceux-ci visent à conforter la légalité des listes actuelles, en confiant explicitement au CSA le soin de définir une couverture minimale par département. Graver dans le marbre législatif ce choix du régulateur nous paraît constituer une excellente initiative !
En revanche, il serait dangereux de vouloir augmenter davantage le nombre de sites TNT. Outre le coût extrêmement élevé que cela représenterait pour les chaînes de télévision, notamment pour France Télévisions, la mise en service d’émetteurs supplémentaires, au-delà de ceux qui sont prévus pour l’instant, risquerait de décaler de nombreux mois le calendrier d’extension de la TNT.
Nous savons que le réseau hertzien ne couvrira jamais l’ensemble du territoire. L’État doit donc apporter des solutions à ces inégalités territoriales : le soutien à l’achat d’une parabole et aux solutions alternatives que constituent le câble et l’ADSL est, à cet égard, une nécessité.
C’est la raison pour laquelle nous sommes également satisfaits par l’article 1erD, qui impose au Gouvernement de rendre un rapport sur le soutien financier qui pourrait être apporté aux personnes résidant dans les zones d’ombre. Il apparaît en effet que le fonds de soutien géré par le GIP s’adresse uniquement aux personnes dégrevées de redevance. Dans les zones d’ombre, il pourrait s’avérer utile d’élargir le public concerné, afin de respecter l’égalité de tous nos concitoyens devant l’arrivée de la TNT.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et la communication a donné un avis favorable à l’adoption de la présente proposition de loi.
Toutefois, des interrogations relatives à la couverture de la TNT demeurent. Je voudrais donc, madame le secrétaire d’État, évoquer deux questions qui se posent au sein de notre commission et au-delà, j’imagine, sur l’ensemble des travées de cette assemblée.
La première question concerne le décret d’application de l’article 102 de la loi de 1986 qui n’est pas encore publié. Il était prévu que le soutien financier aux personnes dégrevées de redevance serait technologiquement neutre. Il serait donc logique que les achats de paraboles dans les zones d’ombre soient subventionnés pour ces personnes. Madame la secrétaire d'État, pourriez-vous nous le confirmer et nous donner des indications sur le délai dans lequel ce décret sera publié ?
Ma seconde question est connexe à la première. Madame la secrétaire d'État, vous aviez évoqué en commission l’idée de soutenir davantage les populations situées en zones d’ombre, ce qui constituerait un engagement de l’État en faveur de l’équité territoriale et de l’égalité de tous face à l’arrivée de la TNT. Selon vous, quelles formes ce soutien pourrait-il prendre ?
Nous soutenons les conclusions de la commission de l’économie et nous apprécions le travail de notre collègue Xavier Pintat. Nous sommes maintenant dans l’attente des réponses que le Gouvernement voudra bien nous apporter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord remercier et féliciter Xavier Pintat, auteur de cette proposition de loi. Comme il l’a rappelé, notre débat d’aujourd’hui s’inscrit dans le cadre, d’une part, du déploiement des réseaux à très haut débit sur notre territoire et, d’autre part, du passage à la télévision tout numérique avant le 30 novembre 2011. Cette proposition de loi crée une fenêtre d’opportunité et les idées qui y sont développées sont particulièrement bienvenues dans ce contexte-là.
Je souhaite aussi féliciter le rapporteur, Bruno Retailleau, pour le travail considérable qui a été effectué en commission, dans un délai extrêmement restreint, ainsi que le vice-président Pierre Hérisson, qui a su mener avec efficacité les débats, et encore mercredi dernier, en présidant la commission lors de l’examen des amendements.
Les réseaux à très haut débit sont un véritable défi pour le maintien de la compétitivité de nos entreprises comme pour le rayonnement de notre culture. C’est un défi tous azimuts ! Les réseaux de fibre optique représentent aujourd’hui un enjeu industriel majeur pour la France, avec plusieurs milliards d’euros d’investissements potentiels.
L’État est conscient du défi que représente le développement du très haut débit dans les zones rurales. La présence à mes côtés de Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, bien connu dans cette maison, et l’action que nous menons conjointement, sont une preuve de notre détermination à trouver des solutions et à les mettre en œuvre de manière efficace. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
La loi de modernisation de l’économie, discutée ici même voilà tout juste un an, a défini le cadre de développement de ces réseaux. Le Gouvernement s’attache, depuis lors, à mettre en œuvre cette loi.
Un point fait désormais l’objet d’un consensus entre tous les acteurs : notre territoire sera « découpé » en trois zones qui ne correspondent pas à autant de priorités ou de développements successifs du très haut débit : différentes règles seront mises en œuvre pour permettre un développement le plus rapide possible du très haut débit dans ces trois zones.
Il s’agit donc non pas d’opposer ou de stigmatiser tel ou tel territoire, mais de définir les outils adaptés à chacun, afin que le très haut débit soit, dans les plus brefs délais, une réalité pour tous. Mesdames, messieurs les sénateurs, l’élaboration de schémas directeurs tels que ceux qui sont proposés dans le texte issu de la commission sera certainement, dans cette perspective, un outil essentiel.
La zone I correspond à la zone la plus dense, celle où les différents acteurs privés devraient investir chacun dans leur boucle locale en fibre optique et ne mutualiser que la partie terminale, généralement située dans les immeubles.
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, a ainsi soumis à consultation publique, le 22 juin dernier, deux projets de décision et un projet de recommandation visant à définir le cadre réglementaire applicable. Ce cadre devrait être mis en place définitivement à l’automne. Tous les investissements pourront ainsi être libérés dans la zone I.
La commission de l’économie du Sénat a proposé plusieurs mesures, afin de compléter le cadre législatif sur cette zone. Le Gouvernement y est bien entendu favorable.
Dans la zone II, celle qui est moyennement dense, les différents acteurs vont être appelés à coopérer, afin de mutualiser les investissements et d’éviter une dispersion nuisible à leur rentabilité. C’est pourquoi j’ai proposé, dans le cadre du volet numérique du plan de relance présenté le 6 mai dernier en conseil des ministres, une action spécifique de l’État.
La Caisse des dépôts et consignations a été mandatée pour structurer une enveloppe de fonds propres avec des acteurs privés d’un montant minimal de 250 millions d’euros par an pendant trois ans, soit 750 millions d’euros en tout, afin de développer les réseaux à très haut débit dans cette zone II.
Je mène actuellement des discussions avec les différents acteurs, en espérant les convaincre tous de se joindre à cet effort de mutualisation.
Là encore, la commission de l’économie de votre assemblée a proposé un cadre législatif permettant de définir les conditions réglementaires associées à ce coinvestissement.
La zone III représente la zone où seules des subventions publiques permettront aux réseaux très haut débit de se développer ; nous en sommes tous d’accord. Il convient dès lors de préparer au mieux aujourd’hui le déploiement des réseaux dans cette zone par une meilleure mutualisation des infrastructures : utilisation des réseaux électriques, mutualisation des tranchées, etc.
Par ailleurs, les fréquences du dividende numérique – Bruno Retailleau parlait tout à l’heure de « fréquences en or » ! – seront un autre outil de développement de ces services dans la zone III permettant de réaliser des économies substantielles.
Les travaux réalisés en commission ont permis d’élaborer plusieurs propositions que le Gouvernement soutient. Ils ont aussi validé le principe d’un fonds d’aménagement du territoire. À ce propos, je le dis très clairement, ne nous méprenons pas : la priorité du Gouvernement est de libérer les investissements dans les réseaux à très haut débit, notamment ceux du secteur privé, qui est prêt à investir. Rien ne serait pire que de les freiner !
Il faut anticiper l’avenir et éviter qu’une nouvelle fracture numérique ne se développe. L’enjeu de notre discussion d’aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, sera de trouver un équilibre entre cette nécessaire anticipation et la coordination entre fonds publics et fonds privés.
J’en viens au passage à la télévision tout numérique terrestre.
Le texte issu de la commission aborde les enjeux structurants de la TNT dans le cadre de l’extinction de la télévision analogique le 30 novembre 2011. Ceux-ci reflètent, naturellement, l’inquiétude légitime des élus sur la non-couverture de leur territoire en TNT, alors que la couverture hertzienne terrestre passera de 99 % à 95 % de la population.
Je tiens personnellement à rappeler l’engagement du Gouvernement que tous les Français reçoivent les dix-huit chaînes gratuites nationales de la TNT, y compris les cinq chaînes en haute définition. Une partie des foyers aura accès à la TNT via les deux offres gratuites de télévision par satellite.
Le Gouvernement a d’ores et déjà mis en œuvre un dispositif d’accompagnement vers le tout numérique pour les foyers.
D’abord, une aide pour les foyers défavorisés et les publics sensibles, tant financière que technique, permettra d’éviter une fracture numérique sociale.
Par ailleurs, un site d’information sur Internet, une charte de confiance pour les prestataires et un centre d’appels ont été créés afin d’assister les foyers dans ce passage vers la TNT.
Les aides pour les personnes défavorisées tiendront évidemment compte du mode de réception – satellite, antenne râteau –, s’adaptant ainsi au budget d’installation requis en fonction du mode d’installation possible.
Une réunion du Comité stratégique pour le numérique se tiendra mercredi sous la présidence du Premier ministre, François Fillon. Elle permettra de définir le calendrier complet de passage au tout numérique. Elle sera aussi l’occasion d’examiner ma proposition d’accorder une aide spécifique aux personnes défavorisées dans les zones blanches de la TNT ; je sais que vous êtes nombreux à partager cette idée.
Enfin, pour répondre à la question posée par le rapporteur pour avis, Michel Thiollière, le décret d’application de l’article 102 de la loi de 1986 est en cours d’examen au Conseil d’État et sera publié d’ici à la fin de l’été. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais, moi aussi, remercier mes collègues Pierre Hérisson, Xavier Pintat et, surtout, Bruno Retailleau, qui, avec son éloquence bien connue, a tenté de traduire l’inquiétude qui est la nôtre, nous les élus de la ruralité, face à ce nouveau défi.
Je vais gagner du temps en n’abordant pas le sujet de la TNT, qui a été évoqué par tout le monde. Lorsque Bruno Retailleau parlait tout à l’heure d’enjeu, j’avais l’impression de ne pas appartenir au même pays ! Si ce texte a été validé, c’est parce que nous avons pris conscience du défi qui nous attendait. Toutefois, en écoutant les arguments des uns et des autres, je n’ai pas trouvé de réponse à la question que nous nous posons tous : comment financer la réduction de cette fracture numérique qui s’annonce et qui existe même déjà ?
Aujourd’hui, il faut le savoir, des entreprises délocalisent une partie de leur ingénierie, de leurs bureaux d’études, de leur communication commerciale près d’aéroports, de gares TGV, ne laissant plus sur place qu’un outil de production.
Demain, lorsque nous parlerons de valeur ajoutée pour conserver un lien entre le territoire et l’économie, comment ferons-nous pour faire face à la désertification économique qui s’annonce ?
On veut éviter le débat du financement par une péréquation entre les zones denses et les zones rurales, mais je ne comprends pas pourquoi on fait preuve d’autant de pudeur : la proposition de loi qui nous est soumise n’apporte aucune précision à ce sujet. Or nous savons ce qu’il est advenu des textes comportant des dispositions financières que nous avons votés !
Si je prends l’exemple de la région Midi-Pyrénées, nous en sommes déjà à 1,5 milliard d’euros pour le TGV, à 500 millions d’euros pour les voies ferrées de RFF, sans compter, bien évidemment, les montants relatifs aux grandes infrastructures routières, pour lesquelles l’État s’était engagé, par écrit, à remplacer les volets routiers des contrats de plan par des programmes de développement et de modernisation des itinéraires, les PDMI, qui sont aujourd’hui presque réduits de moitié : 45 % !
Comment allons-nous trouver un euro pour résoudre le problème de la fracture numérique ? Nous devons très précisément être éclairés sur ce point, car vous ne pouvez pas évoquer la dramatique fracture numérique sans faire des propositions nous permettant de prendre position sur ce texte.
Je passe sur le travail de la commission, qui a enrichi la partie relative à la TNT, ainsi que sur tous les amendements, que nous avons vus très rapidement en commission et qui enrichissent également le texte.
En revanche, j’insiste sur ce qui est, pour notre groupe, la question de fond : comment les fonds publics financeront-ils la réduction d’une fracture numérique qui affecte déjà aujourd’hui 31 % de la population et 70 % du territoire ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous abordons la discussion de la proposition de loi de notre collègue Xavier Pintat dont l’importance n’échappe à personne : elle vise à lutter contre la fracture numérique en rationnalisant le déploiement de la fibre optique.
Je tiens tout d’abord à saluer l’initiative de notre collègue, tout en regrettant que ce texte soit examiné presque en catimini, à la fin de la session extraordinaire du mois de juillet, un lundi, et probablement en séance de nuit.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Heureusement que ce n’est pas un dimanche ! (Sourires.)
M. Michel Teston. Permettez-moi également de m’étonner que, sur un sujet majeur comme le désenclavement numérique, le Gouvernement ne soit pas à l’origine de ce texte. En disant cela, je ne vise pas Nathalie Kosciusko-Morizet, qui n’est en charge de la prospective et du développement de l'économie numérique que depuis quelques mois. Cela étant, je trouve anormal que les gouvernements qui se sont succédé depuis sept ans n’aient jamais eu la volonté de demander au Parlement de légiférer en vue de réduire la fracture numérique.
Pourtant, de nombreux experts, les habitants des territoires ruraux et de certains territoires urbains et un grand nombre d’élus ne cessent, depuis plusieurs années, de dénoncer la fracture numérique et ses conséquences pour l’attractivité et le développement des territoires concernés. Ici même, au Sénat, nous avons régulièrement alerté les gouvernements successifs lors de l’examen des crédits des dernières lois de finances initiales.
Pour ma part, depuis la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, j’ai consacré chaque année des développements à ce thème lors de mes interventions sur les crédits des missions concernées.
Les constats sont clairs. Selon les chiffres de l’ARCEP, au troisième trimestre 2008, le nombre d’abonnés au haut débit, qu’il s’agisse de l’ADSL, du câble ou de la fibre, était d’environ 17 millions. La couverture en très haut débit ne concerne que les zones les plus denses, comme le souligne le Rapport d’étude sur la couverture très haut débit des territoires de l’Association des régions de France, paru en décembre 2008.
En Europe, la France occupait en septembre 2008 la neuvième place pour le taux de pénétration du haut débit, loin derrière les Pays-Bas ou la Suède.
Compte tenu des enjeux dans le domaine de l’information, en matière de renforcement de l’attractivité des territoires et s’agissant de l’égalité des chances, il est essentiel de développer l’accès de tous au haut, puis au très haut débit, mais aussi à la téléphonie mobile et à la TNT.
En 2005, l’Union européenne avait adopté un plan numérique pour 2010, dont l’un des objectifs était l’accès à internet de 90 % de la population et des entreprises en 2010. Louable intention, qui ne s’est pas concrétisée !
Depuis la très grave crise économique et financière, si lourde de conséquences sociales, l’Union européenne a remis en lumière la nécessité du développement des technologies de l’information et de la communication, confirmant un objectif général de couverture de 100 % de la population entre 2010 et 2013, la priorité devant être accordée aux zones les moins bien desservies, qui nécessitent donc les investissements les plus importants.
Dans cette perspective ont été envisagées plusieurs mesures : de l’emploi des fonds agricoles européens à la révision des aides d’État, en passant par une utilisation optimale du dividende numérique.
En France, Christine Lagarde et Hervé Novelli ont lancé une consultation en décembre 2007, afin d’accélérer le déploiement du très haut débit. L’objectif était de favoriser le développement de la fibre.
Le Gouvernement a ensuite présenté le plan France numérique 2012, qui rappelle les objectifs et moyens envisagés pour le développement de l’accès pour tous aux nouvelles technologies de communication.
Deux objectifs principaux sont directement liés à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui : l’accès de tous au haut débit à un coût raisonnable – 512 kilobits par seconde pour un maximum de 35 euros mensuels – et la réduction de la fracture numérique, largement fléchée vers l’accès de tous à la télévision numérique terrestre.
Si les objectifs de ce plan ne peuvent que recueillir un consensus, les moyens nécessaires à sa réalisation ne sont pas programmés. Le plan ne prévoit en effet aucun financement de l’État et laisse, pour une large part, la responsabilité de sa concrétisation aux collectivités territoriales.
Dans ce contexte, caractérisé par de profondes inégalités sociales et territoriales dans le développement du numérique, la proposition de loi de notre collègue Xavier Pintat prend donc toute sa place. Prenant acte de la nécessité d’accroître l’accès pour tous au haut et très haut débit, ce texte vise particulièrement le développement de la fibre optique, technologie encore peu utilisée en France.
La proposition de loi s’articule autour de trois axes.
Premièrement, la mise en place de schémas directeurs territoriaux permettra une forme de péréquation entre zones denses et zones moins denses.
Deuxièmement, des syndicats mixtes seront impliqués dans l’aménagement numérique, un rôle particulier étant dévolu aux syndicats mixtes d’électrification.
Troisièmement, un fonds d’aménagement numérique des territoires sera mis en place.
Le travail de la commission et de son rapporteur a permis de compléter et de préciser le texte, en prévoyant des dispositions destinées non seulement à réduire la fracture numérique existante, mais aussi à prévenir l’apparition d’une fracture numérique dans le très haut débit.
Notre groupe est favorable à l’introduction dans cette proposition de loi de mesures relatives à la télévision numérique terrestre. En effet, la fracture numérique concerne non seulement l’accès à internet, mais aussi l’accès à la télévision du futur.
Cela étant, nous souhaitons aller plus loin que le rapporteur, en inscrivant dans la loi une couverture minimale de 95 % de la population de chaque département, ainsi que des procédures visant à permettre aux maires dont les communes ne seront pas desservies en numérique hertzien d’être informés, afin qu’ils puissent effectuer, en amont, les bons choix en matière de technologies alternatives.
S’agissant de l’installation de fibres surnuméraires, nous vous proposerons de remplacer l’expression « coûts spécifiques » par les mots « coûts supplémentaires », qui nous paraissent mieux préciser le fait que l’opérateur demandeur prend à sa charge l’intégralité des coûts additionnels induits par la pose des fibres surnuméraires, en sus de la quote-part équitable des coûts d’équipement de l’immeuble.
Concernant les schémas directeurs territoriaux, la rédaction proposée par M. le rapporteur nous paraît plus satisfaisante que celle de la proposition de loi initiale. Ces nouveaux outils sont intéressants. Il convient toutefois de prendre en compte l’évolution prévisible des structures territoriales et l’importance accrue du rôle des régions en matière d’attractivité du territoire. Nous défendrons donc un amendement visant à modifier l’article 1er, tout en précisant que les territoires des départements peuvent faire l’objet de schémas de secteurs.
Quant au fonds d’aménagement numérique des territoires, il est difficile d’y être opposé. Cependant, les dispositions prévues ne nous semblent pas assez précises. Nous vous proposerons donc, mes chers collègues, d’inscrire clairement dans la loi qu’il s’agit d’un fonds de péréquation. Il contribuera au financement de certains travaux, certes, mais lesquels ? Par ailleurs, quid du financement de ce fonds ? Encore une fois, les crédits risquent de manquer ! Un fonds dont les ressources ne sont ni précises ni pérennes perd de son intérêt.
Compte tenu des lourds investissements à venir, il est nécessaire d’avoir une visibilité à moyen ou long terme, afin de pouvoir mettre en place des stratégies de développement du numérique. Nous vous suggérerons donc de revenir sur la suppression des ressources du fonds.
Surtout, ce texte fait l’impasse sur un élément essentiel de la lutte contre la fracture numérique, à savoir la mise en place d’un véritable service universel.
Avec le progrès technologique et les évolutions des modes de vie, la définition du service universel doit évoluer. En effet, selon l’article L.35-1 du code des postes et des communications électroniques, le service universel des communications électroniques doit fournir à tous :
« 1° Un service téléphonique de qualité à un prix abordable. Ce service assure l’acheminement des communications téléphoniques, des communications par télécopie et des communications de données à des débits suffisants pour permettre l’accès à internet, en provenance ou à destination des points d’abonnement, ainsi que l’acheminement gratuit des appels d’urgence. […]
« 2° Un service de renseignements et un annuaire d’abonnés, sous formes imprimée et électronique [...].
« 3° L’accès à des cabines téléphoniques publiques installées sur le domaine public.
« 4° Des mesures particulières en faveur des utilisateurs finaux handicapés […] »
Ces dispositions, si nécessaires soient-elles, ne sont plus suffisantes, puisqu’elles s’appliquent principalement à la téléphonie fixe. Il importe désormais que chacun puisse disposer d’un accès à la téléphonie mobile, ainsi qu’à l’internet à haut et très haut débit. Dans cette logique, nous avions déposé un amendement visant à élargir le champ du service universel. La commission des finances nous ayant opposé l’article 40 de la Constitution, …