M. Jean-Jacques Mirassou. Ce paragraphe II est en contradiction avec le principe, affirmé par le code du travail et qui doit prévaloir, du repos dominical des salariés. De notre point de vue, il est singulièrement confus et contradictoire, ce qui d’ailleurs devrait en faire un cas d’école pour les facultés de droit.
Sur le fond, il pourrait aussi constituer un cas d’école pour les étudiants en sciences économiques, tant il est clair que son élaboration n’a été précédée d’aucune réflexion sur l’incidence économique du dispositif présenté. À moins que l’on ait l’intention cynique de faire table rase du passé pour favoriser une concentration de l’activité commerciale dans quelques mains…
Monsieur le ministre, la notion de communes d’intérêt touristique est nouvelle tant dans le code du travail que dans le code du tourisme. Rien ne permet de la définir précisément, ni même de savoir combien de communes d’intérêt touristique compte actuellement notre territoire et, surtout, combien il en comptera demain.
Vous créez par ailleurs les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, qui ont pour seule vocation – rien ne permet de démontrer le contraire jusqu’à présent – de légaliser l’ouverture du centre commercial Plan de Campagne les dimanches.
Nous assistons donc à un dévoiement du rôle du Parlement, puisque celui-ci est en quelque sorte sommé de légaliser un comportement illégal, ce qui constitue, pour l’avenir, une véritable incitation au non-respect des réglementations, sur les plans tant financiers que sociaux. On le comprendra aisément, cela n’est pas de nature à revaloriser l’image du législateur à l’heure où l’antiparlementarisme connaît une recrudescence dans notre pays. « Selon que vous serez puissant ou misérable »…
Cependant, ce n’est pas tout : si aujourd’hui le nombre de PUCE est limité, nous devons nous attendre à ce qu’ils se multiplient demain dans toutes les agglomérations de plus de 1 million d’habitants, au détriment bien entendu des commerces des communes avoisinantes, qui seront confrontés à l’alternative suivante : fermer boutique ou s’installer dans ces zones – mais avec quels moyens et dans quelles conditions ?
Quant aux salariés, vous avez affirmé ce matin encore à de multiples reprises, monsieur le ministre, qu’ils devraient être volontaires pour travailler le dimanche. Or tous ceux qui connaissent bien le monde du travail savent que, en réalité, c’est l’employeur qui décidera, qu’il s’agisse d’un commerce de luxe ou de la grande distribution. Le volontariat du salarié n’est, jusqu’à présent, qu’une vue de l’esprit : il n’existe pas, du moins pas encore.
Dans la grande distribution, l’écart est énorme entre simples salariés et dirigeants, en termes tant de conditions de travail que de rémunérations. Ainsi, le P-DG d’un grand groupe a touché, en 2005, la bagatelle de 10 millions d’euros d’indemnités de départ, 29 millions d’euros ayant été de surcroît provisionnés dans les comptes de la société pour financer sa retraite, excusez du peu ! Les employés, quant à eux, ne perçoivent que le SMIC et travaillent bien souvent à temps partiel contre leur gré, si bien qu’ils ne touchent en moyenne que 900 euros par mois.
Rien, dans ce texte, ne garantit la rémunération des salariés, pas plus, d’ailleurs, que n’est garanti l’intérêt du consommateur. Nous serions bien avisés de tirer les leçons du fait qu’aux États-Unis, dans les célèbres magasins Wal-Mart, où majoration salariale et repos compensateurs sont évidemment inconnus, l’ouverture dominicale s’est traduite par une augmentation des prix de 4 %. Je soumets cette donnée à votre réflexion, mes chers collègues !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. La commission ne peut être que défavorable à cet amendement de suppression de l’essentiel du dispositif de l’article 2.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Le Gouvernement ne peut lui aussi qu’être défavorable à un tel amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je vais essayer de faire preuve de pédagogie. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Chers collègues de la majorité, je suis contraint de changer de méthode, puisque vous n’aimez pas la répétition. En tout état de cause, contrairement à ce que vous prétendez, vous n’avez toujours pas compris de quoi il s’agit !
Selon vous, il ne s’agit que d’ajustements techniques. Vous n’aurez pas manqué de remarquer mon silence, ce matin,…
M. Jean Desessard. … silence dû au fait que je réfléchissais à la raison pour laquelle M. le ministre et Mme la rapporteur parlaient d’« ajustements techniques ».
J’ai tout d’abord cru que c’était parce qu’ils étaient troublés, tout comme nous, par l’agitation frénétique du Président de la République, qui dit une chose et son contraire. Puis, j’ai compris que leur attitude résultait de leur acceptation de la mondialisation libérale et de son caractère inexorable, de l’idée que nous sommes en compétition avec l’ensemble des nations de la planète.
Or, pour être compétitif, il faut « s’adapter », en cassant toutes les garanties sociales obtenues au cours de ces dernières années.
Pour notre part, nous estimons que ce n’est pas là un bon modèle de développement. Selon nous, un modèle de développement digne de ce nom doit viser à maintenir les garanties sociales, le patrimoine, l’identité culturelle. Il existe d’autres voies qu’une adaptation à tout prix à la mondialisation. Derrière les considérations techniques, derrière cette proposition de loi, se profile la remise en cause des droits des salariés.
En effet, demain, les régions mitoyennes des zones touristiques soutiendront qu’elles aussi souffrent de la concurrence et devraient donc bénéficier du dispositif. L’ensemble des régions françaises ne doivent-elles pas être considérées comme étant des zones attrayantes et touristiques ? Toutes peuvent prétendre à ce label !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. Jean Desessard. Aujourd’hui, vous parlez d’ajustements techniques parce que vous êtes inscrits dans une logique de compétition, de concurrence, de précarisation, de standardisation ; vous êtes entrés dans une logique de banalisation des spécificités culturelles, du travail le dimanche, au point qu’en vertu du « sarkosisme », décliné ici en « darcosisme », vous raseriez les montagnes si vous le pouviez pour pouvoir circuler plus librement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Nous progressons dans l’examen de cette magnifique proposition de loi, qui tend à réaffirmer le principe du repos dominical en laissant aux salariés la liberté de se porter volontaires pour travailler le dimanche.
Il est parfaitement inouï qu’au Parlement français, en 2009, on en soit encore à manipuler son monde par le langage, pensant que les Français et leurs représentants sont assez stupides pour croire que l’intention du Gouvernement est de favoriser le repos dominical, les loisirs et le tourisme.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, réfléchissons ensemble !
M. Robert del Picchia. Oh là là !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Le Président de la République – puisqu’il s’agit bien de lui, derrière le masque d’un parlementaire prête-nom – veut mettre tout le monde au travail : il faut travailler plus, plus tard, plus longtemps, le dimanche, demain peut-être avant quinze ans… Après tout, si l’on veut pouvoir accrocher une Rolex à son poignet avant quarante ans – magnifique projet de société, qu’illustre si bien le « travailler plus pour gagner plus » ! –, mieux vaut s’y mettre le plus tôt possible !
Venons-en à ces contorsions intellectuelles auxquelles vous vous adonnez sans même vous en rendre compte, à moins que vous ne soyez d’une parfaite mauvaise foi. De quoi s’agit-il exactement, lorsque vous parlez de l’ouverture des commerces et services le dimanche dans les zones touristiques pendant toute l’année ?
Vous avez fait l’économie de la concertation préalable avec les acteurs concernés. Cependant, monsieur le ministre, savez-vous bien comment les choses se passent sur le terrain ? Je suis élue d’un département qui ne compte pas moins de soixante-cinq communes dites touristiques, au sens du code du travail. Les Pyrénées-Atlantiques ont la particularité de présenter une offre touristique allant de la montagne à la mer, en passant par les stations thermales. Mon département comporte, de plus, une zone frontalière. Je vous épargnerai le catalogue des nombreuses activités touristiques que l’on peut y pratiquer.
Actuellement, pour les zones touristiques, il existe des périodes d’activité reconnues – que je sache, on se baigne plutôt en été et on skie plutôt l’hiver –, elles-mêmes validées par le préfet. Je sais bien que les préfets ne sont pas, eux non plus, en odeur de sainteté, mais, à ma connaissance, ce sont des personnes sérieuses, en qui les élus que nous sommes peuvent avoir confiance pour procéder aux ajustements nécessaires le cas échéant, exercer la vigilance requise pour permettre ou non l’ouverture de tel ou tel commerce pendant ces périodes sans se laisser abuser.
Dans ces zones, et pour favoriser le tourisme, que proposez-vous ? L’ouverture des magasins de moquettes ? De mobylettes ? De luminaires ? De location d’outillage, puisque, nous le savons, il existe une importante communauté de bricoleurs du dimanche ? Merci et bravo, monsieur le ministre, d’avoir pensé à eux !
Je comprends que vous rejetiez les notions philosophiques, sociétales, civilisationnelles que nous convoquions ce matin. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.) Lorsque vous allez chez Virgin avec votre fils le dimanche, vous n’avez peut-être pas conscience du fait que c’est précisément parce que ce magasin est ouvert le dimanche que le libraire ou le disquaire de quartier – Mollat, par exemple (Sourires) – doit lui aussi travailler le dimanche. Il n’a pas le choix, s’il veut que votre fils ait envie de venir chez lui ! Quelle drôle de conception de la liberté ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David. Si le débat parlementaire ne vous intéresse pas, partez donc en vacances dans les zones touristiques !
Mme Raymonde Le Texier. Je comprends que vous vous ennuyiez ! Depuis deux jours, vous n’avez rien à dire !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Je ne sais pas si vos électeurs vous écoutent, mais je trouve votre attitude assez déplorable ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Éric Doligé. J’espère que les vôtres ne vous écoutent pas !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Croyez-vous que les grandes surfaces ne vont pas s’organiser pour séparer la vente des denrées alimentaires de celle des produits que vous qualifiez de « culturels », afin de se mettre en conformité avec la loi ? Ce phénomène a d’ailleurs déjà cours ! En grande banlieue ou aux abords des agglomérations, la grande distribution est très habile à ce jeu : il suffit de construire un bâtiment annexe destiné à la vente de produits culturels, dans lequel on ne trouve pas la moindre denrée alimentaire, pour pouvoir ouvrir le dimanche ! Personnellement, j’ai quelque mal à faire le lien entre l’ouverture des magasins tous les dimanches de l’année et l’activité touristique et saisonnière. J’aimerais que vous m’expliquiez par quel chemin de réflexion vous parvenez à l’établir, et quel est l’intérêt économique d’ouvrir des commerces tous les dimanches de l’année dans des zones où l’activité est précisément saisonnière. Vous espérez peut-être vendre des maillots de bain aux Français au milieu de l’hiver ou des skis en été ? Ou peut-être vous croyez-vous capable d’empêcher l’effondrement de l’économie du disque en ouvrant le dimanche ? (Vives exclamations sur les travées de l’UMP.)
Il est très désagréable de s’exprimer dans ce bruit, monsieur le président, qui empêche même M. le ministre d’entendre mes arguments !
Si vous voulez favoriser le tourisme, l’activité saisonnière et la vie économique dans les zones concernées, proposez-nous plutôt de circonscrire un périmètre d’activité précis, réellement lié à l’activité touristique, culturelle, de divertissement et de loisirs. Et si le progrès social vous tient tant à cœur, monsieur le ministre, légiférons ensemble pour que, dans ce périmètre préalablement défini, les salaires progressent et les conditions de travail soient améliorées – je pense notamment aux saisonniers, aux jeunes mères, aux étudiants. L’intérêt, la sécurité, le bien-être et l’épanouissement tant des salariés que des touristes doivent être placés au cœur de la réflexion !
Nous pourrons alors croire que vous avez vraiment à cœur de réaffirmer le principe du repos dominical, en l’enrichissant de nouveaux moyens pour les uns, tout en laissant aux autres la liberté de travailler dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote. (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Annie David. Enfin quelqu’un qui ose prendre la parole !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je voudrais ramener un peu de sérénité dans ce débat,…
Mme Annie David. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. … qui me paraît négliger un élément essentiel pour ceux qui connaissent la vie du commerce, à savoir le bon sens des commerçants.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Exactement !
M. Jean-Pierre Fourcade. Les commerçants n’ouvriront pas leurs magasins le dimanche s’il n’y a pas de clients, ils ne compromettront pas la vie familiale de leurs salariés si la demande n’est pas un peu plus forte ce jour-là que les autres. (Marques d’approbations sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. C’est évident !
M. Jean Desessard. Et la concurrence ?
M. Jean-Pierre Fourcade. Dans cet hémicycle, on ne fait pas suffisamment cas du bon sens des commerçants.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On ne fait pas non plus cas des salariés !
M. Jean-Pierre Fourcade. Par ailleurs, nous avons refusé tout à l’heure, par scrutin public, de supprimer l'article 2. Vous proposez maintenant, avec cet amendement, de supprimer ce qui constitue le cœur de ce même article, à savoir le dispositif relatif aux communes d’intérêt touristique.
Grâce au travail très approfondi de Mme le rapporteur, que je tiens à saluer (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP), le groupe UMP a obtenu une réponse aux deux questions qu’il se posait sur ce sujet.
Première question, les salariés qui travailleront le dimanche seront-ils protégés ? (« Non ! » sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) La réponse est oui. M. le ministre l’a répété à plusieurs reprises. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Annie David. Vous êtes bien naïf !
M. Jean-Pierre Fourcade. Bien entendu, je ne parle pas ici de la mondialisation, du changement global de société et du cheminement vers des horizons meilleurs ! Nous sommes soumis à la compétition internationale (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), nous sommes en train de perdre des emplois,…
Mme Annie David. Bien sûr ! La casse du code du travail !
M. Jean-Pierre Fourcade. … et dans ces conditions je crains, mes chers collègues, que ce que vous proposez ne se traduise par une aggravation du chômage.
Mme Annie David. Il s’aggrave déjà ! Des entreprises ferment tous les jours !
M. Jean-Pierre Fourcade. L’adoption de vos amendements entraînerait une hausse du chômage. Voilà le problème ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Seconde question, le tourisme représente-t-il un élément positif pour la balance des paiements de notre pays ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Où est l’étude d’impact qui montre combien cela va rapporter ?
M. Dominique Braye. Allez voir à Londres !
M. Jean-Pierre Fourcade. Dans la crise internationale que nous connaissons, la réponse est oui. C'est la raison pour laquelle nous tenons à cet article 2, dont l'Assemblée nationale a modifié la rédaction pour qu’elle vise non plus les communes touristiques au sens du code du travail, mais les communes « d’intérêt touristique », dont la liste sera établie par le préfet sur proposition de l’autorité administrative, après avis du comité départemental du tourisme, des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés, ainsi que des communautés de communes, des communautés d’agglomération et des communautés urbaines, lorsqu’elles existent. L’élargissement sera donc limité.
En outre, nous ne pouvons prétendre être la première destination touristique mondiale tout en refusant que nos magasins ouvrent le dimanche. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La litanie recommence !
M. Jean-Pierre Fourcade. Voilà l’argument de fond, voilà pourquoi nous voterons contre l'amendement n° 9. (Nouveaux applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David. Enfin ! On va pouvoir s’en donner à cœur joie !
M. Dominique Braye. Je fais mienne la remarquable intervention de mon collègue Jean-Pierre Fourcade, en espérant que Mme Jarraud-Vergnolle aura été totalement rassurée : les commerçants ne chercheront pas à vendre des paires de ski sur la Côte d’Azur ou des maillots de bain au mois de décembre, sauf peut-être dans les stations de ski ! (Rires sur les travées de l’UMP.) Leur bon sens est tel qu’ils n’ouvriront leurs magasins et n’engageront des dépenses que s’ils ont l’assurance d’en retirer un profit.
J’évoquerai maintenant les PUCE. En tant qu’élu local, je me sens totalement concerné par les dispositions de ce texte.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah, voilà : vous avez des actions !
M. Dominique Braye. Je représente ici les 258 familles de ma zone d’activité de l’ouest des Yvelines dont l’un des membres au moins travaille le dimanche. Toutes m’ont affirmé espérer que je défendrais cette proposition de loi ; aucune ne s’est déclarée contre le texte que nous examinons. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David. C’est ridicule ! Un échantillon de 258 familles n’est pas significatif, quand 7 millions de personnes travaillent le dimanche !
M. Dominique Braye. En revanche, vous avez raison sur un point : il est inacceptable que des magasins ouvrent illégalement le dimanche depuis trente-trois ans, comme c’est le cas d’un But et d’un Leroy-Merlin dans mon département ! J’ai écrit au préfet en 2001 et en 2002 pour qu’il mette un terme à cette situation. Il n’a rien fait !
Mme Raymonde Le Texier. Cela va être la faute de la gauche…
M. Dominique Braye. Eh oui, c’était sous un gouvernement de gauche !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pendant trente-trois ans, un gouvernement de gauche ?
Mme Annie David. Et les autres années ?
M. Dominique Braye. Nous devons néanmoins composer avec cette situation. Nombre d’habitants des départements de la grande couronne quittent chaque jour de la semaine leur domicile à 7 heures du matin pour rejoindre leur travail par les transports en commun, et ne sont de retour chez eux qu’à 20 heures 30.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sont les salariés du commerce ! Et encore, eux rentrent plutôt vers 23 heures !
M. Dominique Braye. Eh oui, je défends les gens modestes, madame Borvo Cohen-Seat !
Le samedi, ils se reposent, partagent les activités de leurs enfants ; le dimanche, ils font leurs courses. La chalandise du dimanche ne saurait se reporter sur le samedi, comme d’aucuns l’ont affirmé, car les zones commerciales sont totalement saturées pendant les deux jours du week-end. L’ouverture des magasins le dimanche répond par conséquent à un réel besoin, en tout cas dans la grande couronne.
Par ailleurs, comment a-t-on pu laisser durant trente-trois ans des entrepreneurs investir, s’organiser et embaucher pour pouvoir ouvrir leurs établissements le dimanche ? Dans le magasin Leroy-Merlin de Buchelay, par exemple, trente-trois étudiants travaillent tous les dimanches et entendent être défendus !
Mme Odette Terrade. Les étudiants devraient étudier au lieu de travailler !
M. Dominique Braye. D’un point de vue philosophique, je suis opposé au travail dominical. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Toutefois, s’il est souhaitable de ne pas étendre inconsidérément le travail le dimanche, il est temps de mettre fin à la situation de précarité juridique…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et les salariés précarisés ?
M. Dominique Braye. … dans laquelle se trouvent les entrepreneurs qui ouvrent leurs établissements le dimanche.
Je ferai remarquer que cette situation a profité à certains syndicats,…
M. Dominique Braye. … notamment dans le Val-d’Oise. Pourquoi, alors que les représentants de la CGT et de la CFDT de mon département se déclarent favorables, sur le terrain, au travail dominical et à ce texte, leurs organisations sont-elles contre à l’échelon national ? Parce que s’exerce pour l’instant un droit de rançon, nous le savons bien ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Très bien !
M. Dominique Braye. Dans le Val-d’Oise, le montant des amendes pour travail illégal le dimanche s’élève à 14 millions d'euros ! À mes yeux, les syndicats ont vocation à défendre les travailleurs, et non à se mettre le pognon des gens modestes dans la poche ! (Mêmes mouvements.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est du Braye tout craché ! C’est lamentable !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. M. Braye a le mérite de dire très haut ce que beaucoup pensent tout bas, même si son allusion au monde syndical, qu’il semble ne pas connaître et encore moins respecter, est tout à fait hors de propos.
M. Dominique Braye. Hors de propos ? Ils s’en mettent plein les fouilles !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La distinction de M. Braye est légendaire !
M. Jean-Jacques Mirassou. Je reviendrai maintenant sur les propos tenus à l’instant par M. Fourcade.
À ses yeux, la France étant la première destination touristique mondiale, il est absolument indispensable de légaliser le travail le dimanche. Pourtant, la situation actuelle n’empêche pas notre pays d’occuper ce rang ! Comment est-ce possible ?
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Dominique Braye. Nos recettes touristiques sont inférieures à celles de l’Italie !
M. Jean-Jacques Mirassou. Par conséquent, votre argument ne tient pas, monsieur Fourcade.
Nous avons échoué à obtenir la suppression de l'article 2, puis celle du paragraphe II de ce même article, mais nous ne désespérons pas de parvenir à provoquer, d’ici à la fin des débats, un choc intellectuel et une prise de conscience.
M. Dominique Braye. C’est ça ! L’espoir fait vivre !
M. Jean-Jacques Mirassou. La majorité a affirmé avec force et à plusieurs reprises que le rôle du Parlement était d’adapter l’arsenal législatif au fonctionnement de la société.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Jean-Jacques Mirassou. Pour notre part, nous avons la prétention et l’ambition de penser que la noblesse de la politique consiste à faire rigoureusement le contraire ! Si nous suivons votre logique, il faudra bientôt expliquer aux personnes malades qu’elles devront travailler le samedi soir à partir de 23 heures 59.
M. Dominique Braye. Elles le font déjà !
M. Jean-Jacques Mirassou. Est-ce une raison pour l’accepter ? C’est scandaleux !
M. Dominique Braye. Il fallait faire respecter la loi avant !
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce texte créera un précédent qui fera école. Vous n’avez pas mesuré les dégâts collatéraux et les effets pervers que cela engendrera ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur Braye, quoi que vous en disiez, les procédures en cours ne seront pas interrompues – M. le ministre nous en a donné l’assurance ce matin – et les enseignes condamnées devront payer les amendes qui leur auront été infligées. (M. Dominique Braye s’exclame.)
M. le président. Monsieur Braye, faites-nous l’amitié d’écouter les autres orateurs comme ils vous ont écouté.
Veuillez poursuivre, madame David.
Mme Annie David. M. Fourcade a indiqué que le texte visait non pas les communes touristiques, telles qu’elles sont définies dans le code du travail, mais les communes « d’intérêt touristique ». Cela remet en cause les affirmations de M. le ministre et Mme le rapporteur selon lesquelles les communes concernées seraient bien les communes touristiques au sens du code du travail, qui sont au nombre d’environ 500 alors que l’on compte de 3 000 à 5 000 communes d’intérêt touristique, selon les sources. Nous avons de quoi être inquiets !
Monsieur le ministre, madame le rapporteur, je souhaite que vous nous confirmiez que la proposition de loi vise bien les communes touristiques au sens du code du travail. Sinon, l’ambiguïté du texte se trouvera renforcée !
Par ailleurs, tout le monde se plaint que la France soit la première destination touristique mondiale…
Mme Annie David. … sans bénéficier pour autant de recettes aussi importantes que d’autres pays. Peut-être conviendrait-il de s’interroger sur les prix pratiqués chez nous, notamment dans certaines zones touristiques. On comprend que les touristes rechignent à consommer sur notre territoire et dépensent davantage dans d’autres pays, frontaliers du nôtre ou pas, où les prix sont un peu moins élevés.
Peut-être les commerçants devraient-ils afficher des prix plus accessibles pour les touristes, tant étrangers que français. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye. Rien à voir !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui ? On a vu l’effet de la réduction de la TVA dans la restauration…
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant aborder l’examen de vingt-neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune. Pour que nous ne nous y perdions pas, je vous invite à écouter les orateurs dans un relatif silence… (Sourires.)
L'amendement n° 85, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Par cet amendement, nous entendons supprimer les dispositions tendant à instaurer le travail obligatoire le dimanche dans les zones et communes touristiques et celles qui visent à légaliser les zones commerciales actuellement en infraction, c’est-à-dire les PUCE.
Les membres du groupe CRC-SPG sont radicalement opposés à vos conceptions de la liberté et du volontariat, qui ne sont que des paravents destinés à dissimuler la réalité actuelle du monde du travail.
Le marché du travail est en profonde mutation et connaît de fortes évolutions, la domination de l’employeur sur le salarié et celle du capital sur le travail ne cessant de se renforcer. Cela se traduit par une précarisation toujours plus grande de la situation des salariés, avec notamment la généralisation des temps très partiels et des bas salaires, la raréfaction des contrats à durée indéterminée : autant de contraintes qui pèsent sur les salariés.
Dans ces conditions, comment croire un seul instant que les salariés pourraient être réellement volontaires pour travailler le dimanche ? D’ailleurs, ce principe du volontariat que vous posiez hier encore comme un absolu ne vaudra plus demain dans les zones et communes touristiques, le travail le dimanche y devenant de droit. Cette disposition nous paraît plus qu’inquiétante, car nous y voyons un moyen supplémentaire de chantage.
Certes, aux termes de l’article L. 1221–1 du code du travail, le salarié est, théoriquement, en droit de refuser la modification de son contrat de travail en vue d’y intégrer le travail dominical. Dans les faits, à moins que le salarié puisse faire la démonstration devant le juge que ce refus était légitime, l’employeur, s’il ne revient pas sur sa proposition de modification du contrat de travail, engage une procédure de licenciement du salarié pour faute grave. Le cas est fréquent. Il appartient alors au juge prud’homal de statuer, mais quand bien même le salarié gagne son procès, il n’en demeure pas moins privé d’emploi, tant les réintégrations dans l’emploi sont compliquées et rares.
Certes, vous ne bouleversez pas les équilibres généraux de la loi, mais vous faites pire : vous vous servez du contexte pour infléchir la loi. Nous ne pouvons accompagner une telle dérive, c’est pourquoi nous demandons la suppression des dispositions que j’ai évoquées.