M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. M. Desessard manie parfaitement la rhétorique, mais qu’il n’attende pas de moi un coup de théâtre : je n’approuverai pas son amendement, ni celui du groupe CRC-SPG.
En effet, cette proposition de loi rappelle que le travail dominical est une exception par rapport à une règle générale, le repos dominical, et elle vise à mettre de l’ordre dans les multiples dérogations existantes ou dans certaines situations particulières. Ce texte est tourné vers une régulation des dérogations selon un principe inscrit dans la loi, le repos dominical. Ce serait donc dénaturer cette proposition de loi que d’en modifier l’intitulé.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 41.
M. Jean Desessard. Je vois que M. le ministre se déride. Le débat au Sénat aura donc eu des vertus bénéfiques !
M. Jean Desessard. Si on le prolongeait, M. le ministre finirait par éclater de rire toutes les cinq minutes !
Revenons au contenu. Votre politique est-elle si honteuse que vous avez besoin de la dissimuler ? (Exclamations indignées sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Vous réaffirmez le principe du repos dominical pour le remettre en cause. Vous prétendez valoriser le rôle du Parlement alors qu’il n’y a que des votes conformes et des textes de loi traités en urgence !
Êtes-vous honteux de votre politique ? Assumez ! Dites que le travail dominical permettra d’être compétitifs par rapport aux pays émergeants et aux situations touristiques d’autres pays.
Dites que vous en avez assez des bavardages parlementaires, qu’il faut voter les textes conformes pour suivre le rythme frénétique de notre Président de la République ! Au moins, ce serait net ! On aurait une vraie démocratie qui ose s’exprimer et l’on pourrait clairement être pour ou contre ! Là, on ne s’en sort pas ! (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Vous vous servez d’un discours de gauche pour faire votre politique habituelle de droite. Remettez les choses en place, assumez votre politique de droite ! Dites que vous remettez en cause les acquis sociaux, que vous n’avez pas envie de débattre au Parlement parce que c’est fatigant, que vous voulez que le Président de la République ait un pouvoir plus important ! Soyez clairs, assumez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Vous, la majorité, vous voudriez que l’opposition vous exonère de vos responsabilités. Vous fuyez devant ce que vous-mêmes, avec un silence coupable, vous avez contribué à créer.
Monsieur le ministre, vous avez passé de multiples heures à expliquer que ce texte avait pour objet de mettre le droit en conformité avec de nouvelles habitudes commerciales qui trouvent ici leur formalisation en termes de dérogations pour les zones touristiques et thermales et certaines grandes agglomérations.
Comme l’a dit excellemment avant moi M. Desessard, assumez vos responsabilités et donnez à cette proposition de loi le titre éloquent - dans le plus mauvais sens du terme - qu’elle mérite ! Ne comptez pas sur nous pour vous exonérer de vos responsabilités dans un travail que vous avez mené en silence et qui a justifié un vote systématique, monolithique, honteux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Faure, pour explication de vote.
M. Jean Faure. Les auteurs de cet amendement feraient fureur dans un club de chansonniers ! (Exclamations indignées sur les travées du groupe socialiste.) C’est une vraie provocation !
J’ai travaillé pendant vingt ans dans le tourisme social. Mes patrons étaient des hommes de gauche, issus de la CFDT, qui avaient créé de grands organismes de tourisme. Le dimanche, ils n’étaient pas les derniers à faire de bons repas et à s’amuser. Ils avaient besoin de cuisiniers, de moniteurs de ski, de personnel pour faire marcher les remontées mécaniques : c’est ainsi dans toutes les Alpes. Ils n’étaient pas les moins exigeants en matière de prestations dominicales pour des hommes de gauche et, moi qui fus leur salarié, cela m’a peut-être incité à devenir un homme de droite ! (Sourires sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. - Exclamations scandalisées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 118.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 209 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l’adoption | 148 |
Contre | 181 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Nicolas About, pour explication de vote.
M. Nicolas About. Je commencerai par une remarque de forme à l’intention du Gouvernement.
Plusieurs sénateurs du groupe de l’Union centriste, ainsi que des membres d’autres groupes, se plaignent d’un usage peut-être abusif du vote conforme ou de la procédure accélérée et du recours de plus en plus fréquent aux discussions sans vote.
Je pourrais ainsi mentionner les textes sur l’OTAN, la programmation militaire, le tourisme, la suppression de la publicité sur les chaînes publiques ou le transfert de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.
Mme Raymonde Le Texier. Vous pourriez aussi évoquer la TVA !
Mme Nicole Bricq. Et les caisses d’épargne !
M. Nicolas About. Vous l’avez compris, monsieur le ministre, les sénateurs veulent simplement, au travers de la prise en compte de leurs amendements, vivre politiquement. En ce sens, ils donnent raison à notre illustre collègue Victor Hugo, qui déclarait jadis : « Le plus lourd fardeau, c’est d’exister sans vivre. »
J’aimerais également adresser quelques mots à mes collègues.
Refuser le recours abusif à de telles procédures n’exclut pas qu’on puisse les utiliser à l’occasion. Ainsi, au Sénat, nous avons marqué de notre empreinte nombre de textes, tout en appliquant – et c’est l’esprit de la révision constitutionnelle – la procédure accélérée. Je pense notamment au projet de loi pénitentiaire ou au projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, sur lesquels nous avons effectué un excellent travail.
De la même manière, je ne vois pas pourquoi le vote conforme empêcherait un travail et un débat de qualité. Lorsque le rapporteur d’un projet ou d’une proposition de loi peut travailler en amont avec son homologue de l’Assemblée nationale – ce fut le cas pour le projet de loi portant réforme de l’hôpital et pour la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui –, nous pouvons avoir un texte conforme à nos vœux dès sa présentation en commission. Pourquoi faire compliqué quand le texte nous satisfait,…
M. Jean-Pierre Sueur. C’est de la pure dialectique !
M. Nicolas About. … comme c’est le cas aujourd'hui ?
Cette proposition de loi vise essentiellement à une simplification et ses effets seront limités. Elle a emporté notre adhésion dès sa présentation en commission. Nous avons donc décidé d’exprimer notre soutien et nous avons veillé à n’en pas modifier le contenu uniquement par principe.
Je souhaite donc remercier Mme la présidente de la commission, Mme le rapporteur, ainsi que l’ensemble des membres de la commission de la qualité de leur travail.
Nous serons très attentifs au suivi de ce texte, de la part tant du Gouvernement que du Parlement, car nous souhaitons qu’il ne soit effectivement pas porté atteinte au petit commerce. J’espère que le rapport évoqué tout à l’heure par Hervé Maurey sur les difficultés liées aux écarts de rémunération sera parfaitement réalisé et que nous serons pleinement informés des résultats obtenus.
Comme je l’avais souligné dans la discussion générale, ce texte n’a rien de révolutionnaire. Il vise simplement à régulariser quelques situations et à compléter le dispositif en vigueur. Je pense qu’il est utile et que nous avons bien travaillé ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après plusieurs tentatives pour imposer le travail du dimanche – je pense à divers textes précédents –, nous arrivons donc au terme de l’examen de cette proposition de loi de commande, qui restera dans l’histoire comme une loi de circonstance destinée à amnistier des actes illégaux.
La lecture de l’annexe 2 du rapport, où figure la liste des futurs PUCE, prouve à l’évidence que cette liste colle parfaitement aux situations litigieuses. Ainsi, les surfaces commerciales mentionnées pour mon département, le Val-de-Marne, sont Carrefour Pompadour à Créteil et Thiais Village. Or, cet hiver, Thiais Village a opportunément reçu la visite de deux membres du Gouvernement un dimanche après-midi, alors que l’ouverture de cet ensemble commercial n’était pas autorisée…
Au cours de nos deux journées de débat, tous les arguments sur les risques de dérégulation des rythmes de vie de notre société, notamment des rythmes de vie familiale, ont pu être développés. Mais, comme cela vient d’être rappelé, la volonté d’obtenir un vote conforme a primé ! Tous nos amendements ont été balayés d’un revers de main, tant le Gouvernement semble désireux de faire adopter à tout prix ce texte en urgence, l’été, pendant que les salariés sont en vacances.
Au-delà des arguments sur le « volontariat » ou « les majorations de salaire », qui sont bien peu convaincants au regard des conditions qui seront faites aux salariés, la question majeure qui demeure est celle de la société que nous voulons construire : solidaire ou éclatée ?
Hélas, ce texte constitue une brèche considérable dans notre modèle social, en remettant en cause un acquis de plus d’un siècle qui permettait d’avoir une journée de repos commun et de temps partagé. Qu’il soit passé en commun ou consacré à d’autres activités, comme le bénévolat ou les loisirs, ce temps partagé est aussi important pour la vie de famille que pour la cohésion de notre société.
Comment tous ces salariés fragilisés, précarisés et contraints d’accepter de travailler le dimanche, parfois pour tenter d’améliorer un pouvoir d'achat bloqué, pourront-ils trouver le temps nécessaire à leur vie personnelle et culturelle ? De surcroît, et cela a été souligné à plusieurs reprises, ces salariés sont majoritairement des femmes avec des charges de famille qui devront faire garder leurs enfants pour aller travailler le samedi et le dimanche. À défaut, elles seront obligées de les laisser seuls à la maison ou dans la rue…
Monsieur le ministre, face à cette société de consommation à outrance que vous semblez vouloir construire, certains de mes collègues ont parlé de « civilisation du caddy » et de « culture de supermarché ». Pour ma part, ce n’est pas l’idée que je me fais du développement de la personne humaine et de la famille en ce début de XXIe siècle.
C’est pourquoi je voterai résolument contre cette proposition de loi, qui porte en elle tous les ingrédients d’une généralisation du travail du dimanche. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le ministre, lors de l’ouverture de ce débat, vous nous avez déclaré de manière assez solennelle que si la présente proposition de loi était destinée à généraliser le travail le dimanche, vous ne l’auriez pas défendue.
Mme Raymonde Le Texier. Nous vous avons entendu.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais nous avons entendu beaucoup d’affirmations contradictoires !
Mme Raymonde Le Texier. Aussi, pendant les débats, nous avons d’abord rappelé le non-sens économique que constitue ce texte, qui ne créera pas de croissance et qui détruira des dizaines de milliers d’emplois dans le commerce de proximité.
Nous avons également tenté de démontrer que de telles extensions du travail dominical généraliseront de fait, et à court terme, ce dernier. Et pas n’importe quel travail dominical : dans la majeure partie des cas, il s’agira d’un travail du dimanche obligatoire, sans bonus de salaire et sans repos compensateur.
Manifestement, la première victime de ce texte sera « la France qui se lève tôt », pourtant si chère au Président de la République. La France des travailleurs devra dorénavant se lever tôt le dimanche aussi, et pour pas cher, si elle ne veut pas aller grossir les rangs des chômeurs !
En outre, nous avons essayé de vous dire la gravité d’un tel changement sur la vie de nos concitoyens. Des familles auront encore plus de difficultés à être réunies. Des mères seules devront laisser leurs enfants en garde non seulement pendant la semaine, mais également le dimanche. Des pères et des mères divorcés devront reporter le week-end sur deux où ils voient leurs enfants, car ils travailleront ce week-end et peut-être également les autres week-ends... Et que dire du temps disponible pour soi, pourtant nécessaire pour des projets personnels ou des activités associatives ou spirituelles ?
Travailler et consommer, consommer et travailler, est-ce là tout ce que vous avez à proposer comme projet de civilisation ?
Certains de nos plus bruyants collègues de la majorité nous ont répété avec arrogance que nous ne comprenions rien à la réalité du commerce et aux nécessités de l’économie. Au risque de les décevoir, je leur répète une dernière fois que nous en comprenons très bien les tenants et les aboutissants ! Et c’est bien parce que nous les comprenons que nous décidons sciemment que la priorité n’est pas là. Vous nous parlez du commerce ; nous vous parlons d’hommes et de femmes. Vous nous parlez de chiffre d’affaires ; nous vous parlons des Français.
Faire passer les gens avant les centres commerciaux est notre devoir de responsables politiques et notre engagement de socialistes.
Maintenant, les choses sont claires : ce texte sera sans pitié non seulement pour des millions de travailleurs, mais également pour la société dans son ensemble.
Comment ne pas voir que les individus ont besoin d’un temps de repos commun pour vivre véritablement ensemble, et non pas juste à côté les uns des autres ? C’est parce que le temps de repos est commun au plus grand nombre qu’il devient le temps du lien social, du partage et du rassemblement. D’un simple point de vue anthropologique, le repos commun, en l’occurrence le dimanche, est tout simplement une condition sine qua none pour constituer une société humaine.
Malgré vos dénégations et toutes vos tentatives pour réduire ce texte à sa seule dimension technique, vous ne me ferez pas croire que vous n’en voyez pas les enjeux sociétaux. Avec ce texte, le Gouvernement s’est livré en toute conscience à un abus de rhétorique pseudo-sociale.
D’ailleurs, voici une dernière preuve que ce texte est bien un texte politique et idéologique, et non un texte technique ou de régularisation, comme vous nous le répétez inlassablement. Le Président Nicolas Sarkozy lui-même a dit de ce texte qu’il était la marque de l’UMP. Nous avons pu le vérifier en considérant les conditions dans lesquelles le débat s’est déroulé. Ce fut un déni absolu de démocratie qui a abîmé l’image du Sénat ; cela a déjà été dit.
L’opposition a déposé 121 amendements ; aucun n’a été retenu, pas plus en séance qu’en commission. La consigne du vote conforme, rapide et sans bruit a été donnée en haut lieu.
Du côté de la majorité, de l’UMP en particulier, il n’y a eu ni intervention, ni amendement, ni débat, à l’exception de deux ou trois collègues un peu plus courageux, qui ne se couchent pas forcément quand l’Élysée crie : « Au pied ! »
Notre collègue Yves Daudigny nous a rappelé ce matin la règle qui devrait présider à toutes nos actions de parlementaires : « Tu te soumettras à la règle que tu as créée ! » Êtes-vous sûrs, mes chers collègues, de vouloir pour vos petits-enfants l’avenir que vous êtes en train d’écrire ligne par ligne ?
Parce que nous nous inscrivons dans l’héritage de ceux qui se sont battus pour améliorer sans cesse la condition humaine, parce que la modernité, c’est de protéger l’humain, et non de l’abîmer, le groupe socialiste votera résolument contre cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG – M. François Fortassin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La discussion de cette proposition de loi a été une véritable caricature du travail parlementaire et un exemple du mépris le plus total du Gouvernement à l’égard de nos concitoyens.
Le Président de la République veut imposer l’extension du travail du dimanche. Je dis bien « l’extension ». Certains n’ont de cesse de prétendre que la proposition de loi réaffirme simplement le principe du repos dominical et confirme des dispositions existantes. C’est faux ! Mes chers collègues, vous aurez beau proférer autant de contrevérités que vous le souhaiterez, cela n’en fera pas des vérités pour autant. Ce texte étend la possibilité du travail du dimanche dans le commerce.
Je suppose que, pour le Président de la République, la généralisation du travail du dimanche dans le commerce doit être le « must » de la modernité. Son credo à lui, c’est « boulot-conso » pour le bon peuple, enfin pour ceux qui ont un emploi, car je rappelle que nous avons 10 % de chômeurs, et « tourisme-shopping international » pour quelques-uns !
Pourtant, le travail du dimanche a été refusé par le Parlement à maintes reprises. Le Gouvernement est donc pressé de faire passer la pilule. Comme il ne veut pas s’embarrasser de discussions avec les organisations syndicales, il a fort opportunément sous le coude une proposition de loi d’un député de la majorité.
Aucune étude d’impact – les parlementaires y sont pourtant très attachés – sur les effets économiques escomptés n’est envisagée. On verra plus tard, nous dites-vous… Avouez que c’est tout de même ennuyeux. Avant d’adopter une loi visant à étendre le travail du dimanche, loi qui portera un coup sévère aux garanties et aux protections des salariés et qui aggravera la précarité, déjà si répandue dans notre pays, il serait tout de même utile d’obtenir des informations sur les effets économiques escomptés, c'est-à-dire sur le solde entre emplois créés et emplois supprimés. Il est vrai qu’il ne s’agit pas des mêmes patrons, c’est peut-être là une raison.
Comme l’ont dit nos collègues, l’intitulé de la proposition de loi est un modèle de duplicité.
La majorité de l’Assemblée nationale ayant enfin adopté ce texte, sans doute sous d’amicales pressions, il vous fallait conclure. Pour vous, le Sénat est une formalité, mais elle est obligatoire. Dès lors, les sénateurs de la majorité n’ont rien trouvé à modifier, pas même une virgule. Quant à l’opposition, elle peut toujours parler. D’ailleurs, le Parlement devient le lieu privilégié des bavardages stériles.
Il subsiste des interrogations sur les inégalités de salaires entre les différentes catégories de salariés du dimanche, le droit à récupération, l’imbrication des statuts, l’inégalité des statuts entre les différentes zones touristiques et les PUCE, l’impact économique, social, familial, écologique, etc.
Paris est la caricature dans la caricature. Tous les élus parisiens refusent d’étendre les zones touristiques déjà fort nombreuses, mais peu importe : le préfet décidera sans l’accord du maire !
Quid du conseil municipal élu ? Peu importe : on verra plus tard, éventuellement par décret. Le législateur n’a qu’à bien se tenir, il n’est pas là pour légiférer !
Nous sommes bien loin de la prétendue revalorisation du rôle du Parlement comme de la prétendue primauté des partenaires sociaux en matière de droits du travail. Nous avons vécu une parodie de débat, la négation du travail parlementaire, du bicamérisme et du Sénat.
Les touristes, plus précisément les riches touristes étrangers qui viennent faire leurs emplettes le dimanche sur les Champs-Élysées et dans les grands magasins, étaient présents dans la plupart de vos interventions.
Les clients aussi ont été évoqués : ceux qui viennent s’acheter des meubles le dimanche, en famille, en voiture, dans les zones de grande distribution !
M. Nicolas About. Pourquoi tant de haine !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais savez-vous que les salariés sont également des clients, y compris ceux qui travaillent le dimanche, quand ils gagnent suffisamment pour s’acheter des meubles et des lunettes ?
Il a été question des clients, mais jamais des salariés précaires, taillables et corvéables à merci. Voilà votre conception du rôle de législateur !
Vous êtes un certain nombre à vous être souvent opposés à l’extension du travail le dimanche. Vous semblez l’avoir oublié ; ce n’est pas notre cas. Bien évidemment, nous voterons résolument contre cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le repos dominical a été instauré, je l’ai dit hier, il y a plus d’un siècle. Qu’on le veuille ou non, il s’agit d’un des fondements de notre société.
On nous explique que les gens travailleront le dimanche, mais que le repos dominical sera garanti : il y a là quelque chose qui échappe à la compréhension du bon peuple !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, mais le bon peuple n’est pas très futé !
M. François Fortassin. Ce texte, incontestablement, porte un coup fatal à l’équilibre que nos prédécesseurs avaient créé.
En réalité, l’essence même de la politique et sa noblesse, c’est de corriger les tendances lourdes de la société. Aujourd'hui, ces dernières sont la consommation à outrance, le libéralisme, l’affaiblissement de la réflexion et des valeurs de la famille. N’est-ce pas notre rôle, quelles que soient nos sensibilités, de maintenir et de restaurer celles-ci ?
Bien entendu, il y aura toujours des consommateurs qui trouveront agréable qu’un magasin soit ouvert à n’importe quelle heure du jour et de la nuit pour le cas où ils auraient oublié de faire une course dans l’après-midi.
Mme Annie David. Bien sûr !
M. François Fortassin. Bien entendu, il y aura toujours quelques touristes pour flâner dans certains magasins. Croyez-vous pour autant que cette proposition de loi drainera beaucoup plus de touristes étrangers dans notre pays ?
Je vous donne rendez-vous dans quelques années pour faire le bilan.
Bien entendu, certains professionnels dont l’activité est liée au tourisme ont besoin de travailler le dimanche : il faut bien que les restaurateurs ouvrent le dimanche !
M. Nicolas About. Pourquoi ? Les gens peuvent manger chez eux !
M. François Fortassin. Pour autant, est-il utile d’aller aussi loin que ce que vous proposez aujourd'hui ? Nous aurions pu accepter intelligemment quelques dérogations supplémentaires, qui auraient réglé beaucoup de problèmes. En termes d’aménagement du territoire, je crains qu’avec ce texte nous n’ayons mis le doigt dans un engrenage très dangereux.
Quant à la forme, qui est convaincu ici, en son âme et conscience, que le vote conforme était indispensable ?
Dans dix ans, nos enfants ou nos petits-enfants nous diront qu’ils pensaient que le Sénat avait pour mission d’améliorer les textes de loi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a plus de Sénat !
M. François Fortassin. Nous allons voter aujourd'hui un texte auquel vous n’avez pas changé une seule virgule. Croyez-vous qu’on arrivera à leur faire croire…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … qu’on sert à quelque chose ?
M. François Fortassin. … que nous avons travaillé en profondeur ? Certainement pas, surtout au cœur des vacances !
Tout cela est assez dangereux.
Par ailleurs, demander à un sénateur de retirer un amendement en lui promettant que la disposition sera satisfaite par décret, alors qu’elle relève du domaine législatif, c’est une entorse considérable au travail du Sénat.
M. Jean Desessard. C’est formidable !
M. François Fortassin. La plupart de mes collègues du groupe RDSE et moi-même, nous ne voterons pas en faveur de ce texte. Nous espérons, comme cela a été le cas à l’Assemblée nationale, qu’un certain nombre de sénateurs de la majorité feront de même.
Quoi qu’il en soit, cela ne changera pas le fond du problème. Ce soir, certains d’entre nous auront le sentiment d’avoir gagné, d’autres celui d’avoir perdu. Mais le grand perdant dans cette affaire sera le Sénat ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Vous pouvez toujours vous livrer à toutes les incantations que vous voulez et clamer que le Sénat a une importance considérable. Le Sénat doit être l’assemblée - même si la majorité soutient le Gouvernement - capable de dire stop quand on lui propose - pardonnez-moi ce langage peu châtié - des conneries !
C’est le fond du problème. Notre vote ne changera pas fondamentalement la face du monde, mais le Sénat, ce soir, ne sort pas très glorieux de la façon dont nous avons travaillé pendant trois jours. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous me pardonnerez, m’exprimant pour la première fois en qualité de président du groupe de l’Union pour un mouvement populaire au Sénat, d’être un peu plus long qu’il ne conviendrait de l’être à cette heure tardive.
M’exprimant au nom d’un groupe qui s’est efforcé à la sobriété tout au long du débat (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.),…
M. François Fortassin. Vous maniez la casuistique à la perfection !
M. Gérard Longuet. … j’emprunterai aux temps de parole, dont certains ont longuement abusé, quelques minutes pour exprimer les convictions fortes d’un groupe largement rassemblé, mais qui, je le reconnais, n’est pas unanime sur cette question.
L’UMP est cependant unanime pour remercier M. Isabelle Debré du travail qu’elle a accompli (Applaudissements sur les travées de l’UMP.).
Je salue à la fois sa compétence, sa patience, sa courtoisie et sa conviction que le Sénat est au cœur de ses responsabilités lorsqu’il apporte une réponse immédiate à des questions concrètes, que plusieurs gouvernements et plusieurs majorités avaient refusé de traiter, laissant se dégrader la situation juridique et sociale de milliers de salariés et de centaines d’entreprises.
Nous n’avons pas voulu, en cet instant, rouvrir le débat de la valeur morale et spirituelle, de la valeur sociale, sociétale, pour reprendre un terme à la mode, du travail. J’en parlerai cependant.
Nous avons souhaité, et j’emprunterai ma démonstration à Nicolas About s’exprimant à la fin de la discussion générale au nom du groupe de l’Union centriste, apporter une réponse pratique, insuffler de l’harmonie et de l’ordre juridique là où tant de gouvernements avaient accepté le désordre et fermé les yeux, tolérant l’hypocrisie et permettant toutes sortes d’excès et d’abus ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Nous sommes aujourd'hui dans un travail de régulation et de mise en ordre.
Cependant, puisque nous avons été sobres dans notre expression, je souhaite vous expliquer pourquoi le groupe de l’UMP, qui a travaillé collectivement sur ce sujet, qui s’est réuni, qui a débattu, qui a examiné les points de vue des uns et des autres,…