M. Michel Billout. Dans le même ordre d’idée que notre collègue Jean Desessard, nous proposons d’aller dans le sens de l’application du Grenelle de l’environnement.
Cet amendement a pour objet de préciser que les dérogations au repos dominical ne peuvent être autorisées dans les zones non desservies par les transports en commun. Vous l’avez déjà écarté à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, prétextant qu’il n’avait guère de rapport avec la proposition de loi C’est un point de vue.
Une telle réponse n’est pas surprenante de votre part, puisque vous vous préoccupez des seuls intérêts des entreprises, particulièrement des patrons, avec une certaine constance, nous vous l’accordons volontiers. Pour notre part, nous entendons nous soucier des conditions de travail des salariés.
Vous n’ignorez pas que de très nombreux salariés qui travaillent dans les zones touristiques ne peuvent y habiter, en raison de l’explosion des loyers et de la faiblesse de leurs salaires. Quant aux zones commerciales dont vous régularisez l’existence, elles sont presque toujours situées à l’extrême périphérie des villes.
Pour tous ces salariés, la question du mode de déplacement peut devenir un véritable casse-tête, engendrer des temps de transports longs et inconfortables.
De très nombreux salariés n’ont pas les moyens d’investir dans un véhicule personnel qui aurait par ailleurs pour conséquence d’accroître considérablement l’effet carbone de cette proposition de loi. J’ajoute que, faute de transports collectifs, les clients utiliseront également leur véhicule particulier.
L’un des députés de votre majorité, monsieur le ministre, n’a pas hésité à présenter cet amendement comme une double peine à l’encontre des salariés. Nous voulons précisément éviter aux salariés qui travailleront le dimanche dans les PUCE et les zones touristiques la double peine qui consiste à perdre son dimanche sans rémunération complémentaire substantielle ni repos compensateur, tout en ayant à subir un coût ou un temps supplémentaire de transports résultant du travail dominical.
Aujourd'hui, il est impossible de proposer un changement de société si radical sans se poser la question fondamentale du maintien de certains services.
Cette question aurait pu être abordée si vous aviez, comme vous y a invité l’opposition, réalisé une étude d’impact avant l’examen de cette proposition de loi. Pour notre part, alors que nous ne cessons de réclamer au Sénat la création d’une commission sur la pénibilité, nous ne pouvons accepter que les salariés du dimanche subissent, pour la seule satisfaction de leurs employeurs,…
M. Gérard Longuet. Et des clients !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les salariés sont aussi des clients !
Mme Annie David. Ne mélangez pas tout ! Nous parlons d’une étude de pénibilité !
M. Michel Billout. … une nouvelle dégradation de leurs conditions de travail, et disons-le, de leurs conditions de vie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. L’amendement n° 47 tend à ce que l’ouverture des commerces dans le cadre des cinq dimanches autorisés par le maire ne soit plus possible dans les zones non desservies le dimanche par les transports en commun.
S’il est vrai que les transports en commun sont moins fréquents le dimanche, il est rare qu’ils soient totalement arrêtés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux !
M. Jean Desessard. Eh oui, cela existe !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. J’ai dit que cela était rare.
La mesure proposée ne s’appliquerait au plus que cinq dimanches dans l’année. L’impact sur l’environnement est donc en réalité limité et ne justifie pas l’introduction d’un élément de complexité supplémentaire.
L’amendement n° 78 rectifié vise à interdire que les dérogations au repos dominical prévues par le présent texte ne soient accordées dans les zones non desservies par les transports en commun.
Vous avez raison de rappeler que les salariés se rendent le plus souvent dans les PUCE avec leur véhicule individuel, y compris en semaine. Les communes touristiques sont quant à elles plutôt bien desservies, même le dimanche, par les transports publics.
J’émettrai donc un avis défavorable. Il conviendrait plutôt, que ce soit le dimanche ou en semaine, de développer les transports en commun. Sur ce point, je suis pleinement d’accord avec vous.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Les PUCE sont situés par définition dans de grandes agglomérations de plus d’un million d’habitants, qui sont desservies par les transports en commun.
Ces amendements seraient très contraignants et ne modifieraient en rien la réalité. Le Gouvernement y est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 47.
M. Jean-Pierre Sueur. Les explications de Mme le rapporteur et de M. le ministre ne nous ont pas convaincus.
Si les secteurs concernés non desservis par les transports en commun sont rares ou inexistants,…
M. Jean-Pierre Sueur. … pourquoi ne pas adopter les amendements de nos collègues MM. Desessard et Billout ? Quel inconvénient y a-t-il à prévoir que, là où n’existent pas de transports en commun, il est pertinent de suspendre ces mesures, ne serait-ce que parce que cela incitera les collectivités à développer les transports en commun ?
Vous avez eu raison de conclure en appelant au développement des transports en commun, madame le rapporteur. Nous nous accordons tous sur ce point, mais vous refusez les propositions concrètes. Il est vrai que le développement de zones commerciales souvent éloignées des centres et non desservies par les transports en commun est complètement aberrant ! D'ailleurs, tout le monde trouvera scandaleux et anormal, au moment de l’examen du Grenelle II, le manque de transports en commun.
Or le vote de ces deux amendements irait tout à fait dans le sens de l’incitation à la création de transports en commun. Si les situations visées restent limitées, c’est une raison supplémentaire en faveur de leur adoption.
Je conclus qu’il n’a été produit aucun argument justifiant le vote contre ces amendements. S’il n’y a pas d’arguments, mes chers collègues, nous en revenons toujours à ce débat difficile et frustrant, car il a été posé a priori qu’il y aurait un vote conforme. Nous ne comprenons pas très bien pourquoi, hormis le fait que le texte puisse être définitivement adopté au plus tard demain ! Admettez que cet argument est tout à fait mineur par rapport à l’enjeu.
Nous assistons à une dénaturation du débat parlementaire puisque vous allez même jusqu’à repousser les amendements pouvant faire l’objet d’un consensus. Après la religion de la procédure accélérée, voilà celle du vote conforme ! C’est tout à fait dommageable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Bravo ! C’est une intervention d’une rare intelligence !
M. le président. L'amendement n° 48, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 3132-27 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Avant toute modification de la législation portant sur le repos dominical, un rapport établissant un bilan carbone et un chiffrage de la surconsommation énergétique produite par les dérogations supplémentaires au repos dominical devra être déposé au Parlement. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cette proposition de loi n’a pas seulement un coût social pour les salariés, éducatif pour les familles et économique pour le petit commerce et les artisans ; elle a également un coût environnemental.
Le fait que des salariés supplémentaires se déplacent le dimanche et que des commerces soient ouverts ce jour-là ne peut qu’avoir une incidence sur l’environnement.
Si ce texte était un projet de loi et non une proposition de loi, le Gouvernement aurait dû présenter une étude d’impact, en application de la réforme constitutionnelle, dont un chapitre concernerait l’environnement et dont les conclusions auraient certainement été peu favorables à ce texte au regard de l’avis rendu par le Conseil économique, social et environnemental.
C’est une proposition de loi incompatible avec la prise de conscience des limites de notre planète. Chauffer, éclairer, climatiser, transporter produits et consommateurs un jour de plus par semaine devrait générer une augmentation de 13 % de la consommation d’énergie et de la production de CO2.
Nous proposons, par cet amendement, qu’un rapport établissant un bilan carbone et un chiffrage de la surconsommation énergétique produite par les dérogations supplémentaires au repos dominical soit déposé au Parlement. Ce rapport prendra notamment en considération les consommations supplémentaires d’électricité et d’éclairage, de chauffage ou de climatisation, les déplacements domicile-travail des employés et les déplacements des clients.
Vous ne pouvez pas à la fois vouloir réduire la facture énergétique, les émissions de carbone, et augmenter celles-ci par de nouvelles mesures dont l’intérêt économique est au demeurant loin d’être prouvé, comme nos débats l’ont démontré.
Dans ces conditions, autant prendre en considération nos préoccupations. Nous savons avec certitude que, si les commerces ne sont pas ouverts le dimanche, nous ferons des économies d’énergie, nous réduirons la pollution.
Mes chers collègues, vous pouvez être sceptiques. C’est la raison pour laquelle je vous demande, par cet amendement, d’adopter le principe d’un rapport devant le Parlement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Monsieur Desessard, plutôt que de procéder à une évaluation préalable, qui est par nature très difficile à réaliser, nous pensons qu’il est préférable d’effectuer régulièrement un bilan de l’application de la loi, comme l’a prévu l’Assemblée nationale en proposant la création d’un comité de suivi, dont la composition, je le rappelle, sera paritaire entre l’opposition et la majorité.
J’espère faire partie de ce comité, auquel cas je veillerai à ce qu’un bilan soit fait sur les problèmes que vous soulevez à juste titre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Desessard, votre préoccupation est légitime, même si le taux de 13 % que vous avez cité – et que je connaissais – n’a de sens que si toute l’activité a lieu le dimanche. Or nous n’en sommes pas là. Nous proposons un certain nombre de dérogations relativement limitées. Comme l’a indiqué Mme le rapporteur, un comité de suivi sera chargé d’effectuer un bilan de l’application de la loi.
Je tiens néanmoins à souligner que l’ouverture des commerces le dimanche n’est pas la seule activité qui provoque une augmentation de la production de CO2. C’est également le cas ce jour-là lors des grands matchs de football !
Monsieur Desessard, la question que vous posez est juste, mais elle n’est pas en rapport direct avec le texte. Pour cette raison, le Gouvernement n’est pas favorable à votre amendement.
M. le président. L'amendement n° 117, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article ainsi rédigé :
Dans les zones et les villes qui peuvent se voir appliquer à la fois les dispositions relatives aux périmètres d'usage de consommation exceptionnel visés à l'article L. 3132-25-1 du code du travail et celles relatives aux zones et villes d'affluence touristiques visées à l'article L. 3132-25 du code du travail, le salarié privé de son repos dominical, bénéficie des dispositions visées à l'article L. 3132-25- 3 du même code.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement pourrait être présenté comme un amendement de clarification tendant à apporter une solution à un cas non prévu par la présente proposition de loi. Une ville pourrait à la fois être classée en zone touristique, visée à l’article L. 3132-25 du code du travail, ou en PUCE, visé à l’article L.3132-25-1 de ce même code. Tel sera le cas par exemple des grandes villes touristiques.
En réalité, il s’agit d’un amendement de fond, que les salariés attendent. Selon que la ville sera classée en zone touristique ou en PUCE, les contreparties offertes aux salariés ne seront pas les mêmes, car les salariés des zones touristiques n’ont pas droit à des contreparties financières !
À n’en pas douter, les gérants des entreprises, des commerces ou des établissements installés dans les villes pouvant être classés en PUCE ou en zone touristique ne manqueront pas de choisir la catégorie la plus favorable à leurs intérêts et à ceux de leurs actionnaires, et non à ceux de leurs salariés, qu’ils préféreront traiter comme les salariés des zones touristiques.
Voilà comment, par un simple oubli – dont on comprend qu’il est volontaire –, la majorité et le Gouvernement procèdent pour réduire les droits des salariés.
Notre amendement vise donc à instaurer un principe clair, l’application de la clause la plus favorable aux salariés. Ce serait une mesure de justice sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Les dispositions relatives aux PUCE et celles qui visent les communes touristiques ont vocation à s’appliquer dans des territoires bien distincts, de sorte qu’on ne voit pas très bien dans quelle hypothèse cet amendement pourrait s’appliquer. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Les demandes d’inscription d’une commune sur la liste des communes à intérêt touristique ou de définition du périmètre des zones touristiques, comme la délimitation des PUCE, se font sur l’initiative des élus locaux, comme nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises.
En outre, lors de l’examen de ces demandes, faites par les maires, le préfet appréciera s’il s’agit d’une commune d’intérêt touristique et si les critères réglementaires de classement sont respectés. S’il s’agit d’un PUCE, il vérifiera l’existence d’habitudes de consommation de fin de semaine, l’importance de la clientèle concernée, l’éloignement de celle-ci de ce périmètre, bref, tous les critères fixés dans la loi.
Madame Gonthier-Maurin, il n’y a pas de chevauchement possible entre une commune ou une zone touristique, d’une part, et un éventuel PUCE, d’autre part, en raison de cette double exigence : l’initiative locale et le contrôle des critères par le préfet sous le contrôle du juge.
Je ne peux donc pas être favorable à un amendement visant une situation qui ne saurait exister.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 117.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 3
(Texte non modifié par la commission)
Les articles 1er et 2, à l'exception du I de l'article 2, ne s'appliquent pas dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. – (Adopté.)
Article 4
(Texte non modifié par la commission)
Un comité, constitué de trois parlementaires appartenant à la majorité et de trois parlementaires appartenant à l'opposition, est chargé de veiller au respect du principe du repos dominical posé à l'article L. 3132-3 du code du travail.
Ce comité présente un rapport au Parlement dans un délai d'un an à compter de la date de publication de la présente loi.
M. le président. L'amendement n° 129 rectifié, présenté par M. Maurey et Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Ce rapport fait notamment le point sur les différentes contreparties dont bénéficient les salariés travaillant le dimanche et propose des mesures de nature à permettre leur harmonisation.
La parole est à M. Hervé Maurey. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Hervé Maurey. Je vous remercie, mes chers collègues, de soutenir par avance cet amendement !
Mme Annie David. Ne vous fatiguez pas, il ne sera pas adopté !
M. Hervé Maurey. Je comprends que vous l’attendiez avec impatience, car c’est le seul amendement déposé par le groupe centriste. Je crains néanmoins que vous ne soyez déçus, car il est assez modeste.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire dans la discussion générale, je regrette qu’il y ait des différences assez importantes dans les contreparties offertes aux salariés travaillant le dimanche, différences que la présente proposition de loi va encore aggraver. Il y aura d’un côté des salariés dont le salaire sera doublé, c'est-à-dire ceux qui travaillent dans les PUCE et dans le cadre des dérogations accordées par le maire, et de l’autre, quantité de salariés qui bénéficieront de contreparties beaucoup moins importantes, voire parfois inexistantes.
Je propose que le comité de suivi prévu à l’article 4 élabore un rapport sur les différentes situations des salariés travaillant le dimanche afin de déterminer des mesures d’harmonisation.
Comme vous pouvez le constater, cet amendement est très modeste et très politiquement correct !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Monsieur Maurey, votre amendement est très intéressant, c’est vrai. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Sueur. Il va être adopté alors ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Toutefois, il me paraît satisfait dans la mesure où le rapport d’évaluation prévu par le texte abordera nécessairement ces sujets.
L’article 4 du texte prévoyant l’instauration d’un comité constitué de trois parlementaires de l’opposition et de trois parlementaires de la majorité, dont j’espère pouvoir faire partie avec mon collègue député Richard Mallié, je m’engage, si j’en fais partie, à faire le point sur ces situations dans le rapport qui sera remis au Parlement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Maurey, comme vous, nous souhaitons tous qu’un suivi de la loi soit effectué.
Je rappelle que le ministère du travail publie un bilan annuel de la négociation collective, soumis à la Commission nationale de la négociation collective. Je vous propose donc d’intégrer dans le prochain bilan, qui sera publié à la fin du mois de juin 2010, un point détaillé sur les contreparties offertes aux salariés travaillant le dimanche aux termes de la présente proposition de loi.
Je prends ensuite l’engagement devant vous de transmettre au Parlement avant le 30 juin 2010 le volet de ce bilan consacré aux différentes contreparties du travail dominical, à leur nature et à leur niveau.
Espérant que cet engagement répond à votre préoccupation et satisfait votre demande, monsieur le sénateur, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Maurey, l'amendement n° 129 rectifié est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Compte tenu des engagements pris par Mme le rapporteur et par M. le ministre, et compte tenu du fait que je ne voudrais pas être celui par qui la CMP arrive (Rires), je retire cet amendement, au nom de la solidarité !
Comme l’a dit Bariza Khiari, citant M. Gérard Larcher, la solidarité n’est pas l’inconditionnalité ! Permettez-moi de regretter à nouveau, comme je l’ai déjà fait au cours de la discussion générale, que l’on n’ait pas laissé plus de place à nos amendements.
Je comprends les mouvements de mauvaise humeur auxquels nous avons assisté sur certaines travées. Je le dis en votre présence, monsieur le président du Sénat, de telles pratiques ne vont pas dans le sens d’une revalorisation de la Haute Assemblée.
On nous a déjà demandé la semaine dernière un vote conforme sur le projet de loi relatif à la programmation militaire et la semaine précédente sur le projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est une épidémie !
M. Hervé Maurey. Monsieur le président du Sénat, je vous demande d’être très vigilant, non pas pour nous, la droite, la gauche et le centre, mais pour notre institution, afin que nos compatriotes ne puissent penser que le Sénat ne sert à rien ! (Applaudissements.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La procédure accélérée et le vote conforme sont les maladies du siècle !
M. le président. L'amendement n° 129 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Intitulé de la proposition de loi
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 41, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé de cette proposition de loi :
Proposition de loi instaurant le principe du travail dominical dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. J’attendais la fin de ce débat pour savoir si mon amendement était justifié. Il l’est !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur. Enfin des amendements qui disent quelque chose !
M. Jean Desessard. « Réaffirmer le principe du repos dominical et adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires », tel est l’intitulé de la proposition de loi, que je souhaite modifier pour l’adapter à la réalité.
Si je propose d’intituler le texte : « Proposition de loi instaurant le principe du travail dominical dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations », c’est parce que vous avez instauré le principe du travail dominical. Il est de droit dans les PUCE, avec une contrepartie financière.
Vous alléguez que vous ne faites qu’inscrire dans la loi ce qui existe déjà. C’est vrai pour certains commerces, mais vous instaurez dans les zones touristiques et thermales le principe du travail dominical, sans contreparties, pour de nouvelles activités. Vous banalisez donc le travail le dimanche !
Vous ajoutez que ce n’est presque rien, mais vous procédez de la même manière lorsque vous faites des privatisations.
Tout d’abord, vous ne dites pas que vous allez privatiser. Seulement, pour libéraliser la gestion, vous transformez l’entreprise publique en société anonyme, constituée à 100 % de capitaux publics, ce qui, d’après vous, ne change rien. Puis, pour avoir un peu de trésorerie, vous vendez des parts et vous passez à 50 % de capitaux publics, ce qui, selon vos dires, ne change presque rien, car l’État a toujours la majorité. Alors vous ne gardez qu’une minorité de blocage de 33 %. Ainsi, petit à petit – oserai-je dire saut de PUCE après saut de PUCE ? (Sourires) –, vous avez réussi à privatiser de nombreuses entreprises.
Vous faites la même chose avec le travail dominical, Vous accordez des dérogations à un certain nombre de zones, puis vous les élargissez à des zones qui n’ont rien à voir avec l’activité touristique, dans lesquels les commerces pourront être ouverts le dimanche, sans contreparties financières pour les salariés.
Ensuite, vous considérez qu’il y a dans chaque région des entreprises qui ont elles aussi besoin de vivre et de créer des emplois. Ainsi, petit à petit, toutes les régions de notre pays voudront développer leur activité touristique.
Vous avez décoincé un verrou ; la porte va pouvoir s’ouvrir. Tout le monde pourra désormais travailler le dimanche sans contreparties financières.
Chers collègues de la majorité, assumez votre projet et modifiez l’intitulé de cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 118, présenté par Mmes David, Hoarau et Pasquet, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé de cette proposition de loi :
Proposition de loi organisant la généralisation du travail dominical dans les zones ou communes touristiques ou thermales et sa banalisation dans certaines grandes agglomérations.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement n° 118, qui tend à modifier l’intitulé de la présente proposition de loi, pourrait apparaître, à écouter nos collègues de la majorité et les centristes qui les soutiennent, comme anecdotique et constituer le dernier mouvement de notre combat.
Il n’en est rien : cet amendement est emblématique puisqu’il permet de rappeler une dernière fois, juste avant la conclusion officielle de nos travaux, notre opposition à une proposition de loi tournée entièrement vers la satisfaction des intérêts marchands et dont on n’hésite pas, pour en permettre l’adoption, à travestir dans son titre le contenu.
En effet, mis à part son intitulé et un seul alinéa, l’intégralité de cette proposition de loi constitue la remise en cause du repos dominical.
Nous l’avons démontré, ces attaques, à travers les dérogations accordées aux zones touristiques, aux PUCE ou encore à travers les dérogations permanentes accordées par le préfet de manière illimitée et sans contrepartie, n’avaient qu’une conséquence : mettre à bas la loi de 1906.
Monsieur le ministre, madame le rapporteur, monsieur About, vous nous avez présenté cette proposition comme un texte de consensus. Mais avec qui avez-vous pu établir ce consensus ?
Ce n’est pas avec les organisations syndicales, elles sont toutes contre cette proposition de loi ; ce n’est pas avec les organisations patronales, l’Union professionnelle artisanale, ou UPA, et la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, ou CGPME, s’étant prononcées contre et le MEDEF émettant quelques critiques ; ce n’est pas non plus avec les collectivités territoriales et leurs acteurs, l’Assemblée des départements de France, ou ADF, l’Association des régions de France, ou ARF, le club des magasins des centres-villes, la Fédération française des associations des commerçants et la Fédération nationale des centres-villes s’étant unanimement déclarés défavorables à l’adoption de cette proposition de loi.
En réalité, le seul consensus que vous avez su réaliser, c’est dans votre propre camp !
M. Alain Gournac. C’est déjà pas mal !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et encore !
Mme Isabelle Pasquet. Faudrait-il alors que, sous prétexte d’être parvenus – enfin ! – à vous entendre au sein de l’UMP, vous présentiez ce texte comme étant de consensus ?
C’est pourquoi, afin de continuer l’œuvre de vérité que nous avons menée ici, poursuivant le travail entamé à l’Assemblée nationale, nous entendons lever le voile sur les finalités de cette proposition de loi : la généralisation du travail le dimanche dans les zones ou communes touristiques ou thermales et sa banalisation dans certaines grandes agglomérations. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Monsieur Desessard, vous proposez d’inscrire dans l’intitulé de cette proposition de loi qu’elle instaure le principe du travail dominical. Or l’article 2 réaffirme au contraire le principe du repos dominical et impose l’instauration de contreparties pour les salariés qui en sont privés.
Vous le comprendrez bien, je ne peux donc pas donner un avis favorable à votre proposition.
Madame Pasquet, vous voulez qu’apparaisse « la généralisation du travail dominical » dans le texte. C’est justement ce que nous ne voulons pas. Nous souhaitons au contraire apporter des aménagements limités à la règle du repos dominical.
L’intitulé de la proposition de loi nous paraît adapté à son contenu et c'est la raison pour laquelle j’émettrai un avis défavorable sur votre amendement.