M. Adrien Gouteyron. C’est incontestable, madame la secrétaire d’État, mais il existe un risque de dérive. L’exemple cité par notre ami Dominique Braye me touche : nous craignons que le SCOT n’aille beaucoup plus loin.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Précisément, monsieur Gouteyron, il s’agit d’en rester aux grands enjeux, aux grands objectifs, sans trop entrer dans le détail, sauf lorsque cela représente un intérêt qui dépasse largement le cadre de la commune.
Mme la présidente. Monsieur Soulage, l’amendement n° 205 est-il maintenu ?
M. Daniel Soulage. Il ressort des explications de M. le rapporteur et de Mme la secrétaire d’État que mon amendement n’est pas forcément en opposition avec l’objet des SCOT. Tout le monde semble s’accorder sur le fait que ceux-ci ne puissent pas définir les grands projets d’équipements et de services. (M. Dominique Braye, rapporteur, le conteste.) Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi je retirerais cet amendement.
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Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour un rappel au règlement.
M. Daniel Raoul. Madame la présidente, je m’étonne que l’ordre du jour puisse être modulé en fonction de l’hypoglycémie de quelques collègues (Sourires), sans compter que le Sénat continuera de siéger la semaine prochaine alors que se tiennent les journées parlementaires de groupes politiques.
Je tenais à souligner cette distorsion dans le traitement de l’ordre du jour.
M. Gérard Le Cam. Il a raison !
Mme la présidente. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Daniel Raoul.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse. Je demande à chacun des orateurs de bien vouloir respecter ce temps de parole.
crise du secteur agricole
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
Mme Françoise Laborde. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Le salon international de l’élevage SPACE 2009 s’est ouvert mardi dernier à Rennes dans un climat très tendu : la profession agricole est divisée, quatre ministres sont venus en renfort, le président de la FNSEA a été fortement chahuté. Le ring de présentation des animaux s’est transformé en ring de combat, dont vous avez été « exfiltré », monsieur le ministre, sous protection des gendarmes.
À l’origine de ce climat se trouve la « grève du lait » lancée par certaines organisations. Si l’on peut discuter la méthode, le constat s’impose : le prix du lait ne permet plus de couvrir les charges de production. Comment ne pas être en colère quand, dans le même temps, les prix des produits laitiers affichés dans les grandes surfaces ne diminuent pas, signe que les industriels et les distributeurs s’octroient des marges confortables ?
En réalité, cette grève du lait révèle le désarroi profond de toute la France agricole. Vous l’avez reconnu vous-même, monsieur le ministre : l’agriculture traverse la crise la plus grave qu’elle ait connue depuis trente ans. Effondrement des cours, difficultés à exporter, aléas climatiques : toutes les filières sont touchées en même temps, à l’exception peut-être d’une seule, celle du lait de chèvre !
Pour certaines, le malaise est profond. Je pense notamment à la viticulture ou encore aux productions fruitières et maraîchères, dont la situation a amené le président du groupe du RDSE, M. Yvon Collin, à vous alerter cet été. Pour d’autres, le mal est plus conjoncturel, lié à la crise économique générale ou à la sécheresse.
Quoi qu’il en soit, la situation est grave. Plus que la colère, c’est désormais l’abattement et même l’angoisse qui dominent. Nos agriculteurs ne peuvent plus se contenter d’effets d’annonce !
M. Jean-Pierre Sueur. Oui !
Mme Françoise Laborde. Au-delà des aides d’urgence, des avances de trésorerie, nécessaires mais insuffisantes, il faut agir sur le long terme par des mesures fortes et structurantes.
Monsieur le ministre, vous venez de lancer la réflexion sur la future loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Cette crise agricole de grande ampleur révèle aussi combien une régulation des marchés est indispensable.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
Mme Françoise Laborde. Depuis 1992, l’Europe démantèle minutieusement la politique agricole commune pour livrer son agriculture à la seule loi du marché. Cette démarche libérale dogmatique est suicidaire !
M. François Marc. Oui !
Mme Françoise Laborde. Les campagnes françaises font peut-être encore rêver les gens des villes, mais plus ceux qui les habitent et les valorisent par leur labeur.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour garantir aux agriculteurs un revenu « stable et décent », comme le Gouvernement s’y était engagé ? Comment allez-vous leur permettre de vivre de leur travail et leur redonner la fierté de leur métier ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Madame la sénatrice, je partage votre constat sur la situation de l’agriculture française. Je répète ici ce que j’ai déjà eu l’occasion de dire à plusieurs reprises : l’agriculture française vit la crise la plus grave qu’elle ait connue depuis une trentaine d’années.
Je tiens à vous rassurer sur ce qui s’est passé au salon international de l’élevage SPACE 2009 : le ministre n’a pas eu à être « exfiltré » ; il avait dit qu’il viendrait, il est venu ; il avait dit qu’il écouterait, il a écouté, et il a reçu toutes les organisations qui le souhaitaient, la FRSEA, la Fédération des jeunes agriculteurs, l’Association des producteurs de lait indépendants… (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est un bon ministre !
M. François Marc. Il a reçu des tomates !
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur, il faut avoir un certain courage pour ouvrir le dialogue quand certains le refusent a priori.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est votre devoir, tout simplement !
M. Bruno Le Maire, ministre. Au-delà de ces péripéties, il nous faut envisager des mesures d’urgence. Certaines ont d’ailleurs déjà été prises sous l’autorité du Premier ministre et du Président de la République.
Ainsi, le Gouvernement a apporté, pour chaque filière, des aides à la trésorerie ciblées, qui répondent aux préoccupations des exploitants.
La filière du lait recevra dans un premier temps 30 millions d'euros, somme qui sera complétée par 30 millions d'euros supplémentaires. Nous souhaitons que cette mesure profite principalement aux jeunes agriculteurs et à ceux qui ont investi récemment.
Par ailleurs, 15 millions d'euros ont été alloués à la filière des fruits et légumes. Nous avons rendez-vous dans quelques jours pour examiner les moyens d’améliorer la compétitivité de ce secteur.
Enfin, je réunirai à la fin du mois d’octobre ou au début du mois de novembre prochain les banquiers, les assureurs et l’ensemble des créanciers des exploitations agricoles françaises. Dans la crise que nous traversons, j’estime que l’effort pour soutenir les agriculteurs de France ne doit pas être supporté uniquement par l’État, mais partagé entre tous.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est trop long !
M. Bruno Le Maire, ministre. Toutefois, ces mesures d’urgence ne suffisent pas. Vous l’avez souligné, madame la sénatrice, et je partage entièrement votre avis, nous avons également besoin de mesures structurelles, devant lesquelles, reconnaissons-le, nous avons reculé depuis trop longtemps.
M. Yvon Collin. C’est vrai !
M. Bruno Le Maire, ministre. Ces mesures structurelles seront d’abord nationales : à la demande du Président de la République et du Premier ministre, elles feront l’objet d’un projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
M. François Marc. Dans deux ans !
M. Bruno Le Maire, ministre. J’invite tous les membres de la Haute Assemblée à participer activement à la discussion de ce texte, qui sera déposé sur le bureau du Parlement non pas dans deux ans, mais d’ici à la fin de l’année 2009.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est trop long !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez deux minutes trente, comme tout le monde !
M. Bruno Le Maire, ministre. Des mesures de régulation seront aussi prises à l’échelon européen ; j’aurai l’occasion d’y revenir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est que collectivement que nous parviendrons à apporter les bonnes réponses aux difficultés de l’agriculture française. Je compte donc sur vous pour nous aider dans ce travail. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
crise du lait
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)
M. Claude Biwer. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, qui ne s’étonnera pas que nous soyons plusieurs à évoquer la crise du lait. Le sujet est d’une importance telle que cela justifie que nous nous y attardions quelque peu.
Le 29 mai dernier, nous vous avions déjà interpellé, monsieur le ministre, sur les difficultés que connaît ce secteur. Force est de constater que la situation est aujourd’hui particulièrement préoccupante, à l’échelon tant national que communautaire. Nous sommes conscients que le Gouvernement de la France ne pourra à lui seul préparer des jours meilleurs.
Les tensions s’accentuent dans les différents États membres de l’Union européenne : 40 000 éleveurs européens, répartis dans huit pays différents, participeraient à la grève du lait, et les actions tendent à se durcir, notamment en Belgique, dont mon département est très proche.
Bien entendu, les producteurs sont les premières victimes de la baisse des prix de vente du lait, qui ont chuté en moyenne de 65 euros la tonne entre les mois de juillet 2008 et de juillet 2009, le prix moyen étant aujourd’hui inférieur à 280 euros la tonne. Pour certains exploitants, ce prix est inférieur aux coûts de production. Nous pourrions dresser un constat analogue en ce qui concerne la filière des fruits et légumes, qui vient d’être évoquée.
Parallèlement, les consommateurs n’ont pas vu baisser les prix des produits laitiers. Ce déséquilibre met en évidence l’opacité qui continue à prévaloir pour la répartition de la « rente laitière » entre transformateurs, industriels et centrales d’achat.
Permettez-moi de vous rappeler que j’avais déposé une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur le rôle des centrales d’achat dans la fixation des prix à la consommation et les délocalisations d’entreprises. Cette initiative mériterait peut-être d’être prise en considération.
Le récent lancement d’une grève du lait et les actions menées dans d’autres pays de l’Union européenne constituent autant d’appels au secours, auxquels la mise en place d’un fonds de 30 millions d’euros ne permet pas de répondre à long terme.
Dans ce contexte de crise, quels contours et quelle portée souhaitez-vous donner, monsieur le ministre, à la « contractualisation équilibrée et juste entre les producteurs et les industriels » que vous avez appelée de vos vœux pour réguler durablement la production laitière, à l’échelon tant national que communautaire, dans un souci d’équité et de durabilité ?
J’ose espérer que la réponse que vous apporterez à ma question ne fera pas regretter aux agriculteurs la période des quotas ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, je me suis déjà exprimé sur les mesures d’urgence qui ont été prises en faveur des exploitations laitières de France.
Comme je l’ai indiqué, une première tranche de 30 millions d'euros a été débloquée, qui sera complétée par une seconde du même montant et par le versement anticipé de 70 % des aides de la politique agricole commune, le 16 octobre prochain au lieu du 1er décembre. Ainsi, les exploitants laitiers connaîtront une amélioration de leur situation de trésorerie dès cette date.
Cependant, chacun sait que la seule solution réside dans la mise en place d’une nouvelle régulation du marché du lait à l’échelle européenne. Un rapport qui fait référence l’a montré. La dérégulation totale des marchés agricoles en Europe, cela ne marche pas ! (M. Didier Guillaume s’exclame.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Exact !
M. François Marc. Il est temps de s’en rendre compte !
M. Bruno Le Maire, ministre. Il nous faut mettre en place une nouvelle régulation européenne des marchés agricoles,…
M. Paul Raoult. Il fallait maintenir les quotas !
M. Paul Raoult. Les quotas laitiers !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je rappelle que la France a été le premier pays à proposer une telle régulation européenne du marché du lait. Nous avons été suivis par quinze États membres, dont l’Allemagne. Cette initiative débouche sur un succès, puisque la commissaire européenne à l’agriculture et au développement rural, Mme Mariann Fischer Boel, après avoir d’abord refusé notre proposition, a finalement annoncé ce matin qu’elle la jugeait intéressante et qu’il fallait effectivement mettre en place des contrats entre producteurs et industriels pour permettre une stabilisation des prix et des revenus des exploitants laitiers. C’est une première victoire, nous devons continuer dans cette voie. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
M. Daniel Raoul. C’est vous qui avez supprimé les quotas laitiers !
M. Bruno Le Maire, ministre. Ces contrats doivent être justes et équitables. Il ne s’agit pas de transformer les producteurs de lait en salariés de l’industrie laitière.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Paul Raoult. Ils sont déjà organisés en coopératives !
M. Bruno Le Maire, ministre. … renforcer leurs structures professionnelles, de façon à pouvoir négocier en position de force avec les industriels un volume et un prix qui leur garantissent à terme de vivre dignement de leur activité, laquelle doit leur assurer un revenu décent et stable sur plusieurs années. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
suicides à france télécom et conditions de travail en france
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. « Une expertise est menée par une société indépendante. Sur trente-trois personnes, il en ressort que treize ont des “pensées mortifères”. La direction nous a alors juré que ça n’avait rien à voir avec les reconversions. »
C’est le témoignage d’un employé de France Télécom, en Ardèche, sur les différentes reconversions imposées au personnel depuis quelques années sur son site.
« Ils ont recommencé, poursuit-il. En 2008, on nous demande à nouveau de changer de métier […] pour la troisième fois en trois ans. Et impossible de refuser. […] D’autant qu’après la pression est constante. On nous compare avec les autres sites. […] On sait que deux ou trois sites vont fermer dans un avenir proche. Résultat, il règne une concurrence permanente entre nous. »
Ce salarié conclut en ces termes : « On se sent lâchés. On n’est plus rien […], on est devenus des artisans du CAC 40. »
Écoutez encore cette analyse de Christophe Dejours, psychanalyste, membre de la commission Le Breton mise en place par le Gouvernement :
« On ne peut les expliquer – il parle bien sûr des suicides – avec les références habituelles de la psychiatrie. Il y a une bascule dans l’ordre social, dans le fonctionnement de la société, c’est aussi le signe d’une rupture dans la culture et la civilisation : les gens se tuent pour le travail.
« Les gestionnaires qui ne regardent que le résultat ne veulent pas savoir comment vous les obtenez… C’est comme ça que les salariés deviennent fous, parce qu’ils n’y arrivent pas. Les objectifs qu’on leur assigne sont incompatibles avec le temps dont ils disposent.
« On prend les gens, on les casse, on les vire. L’être humain, au fond, est une variable d’ajustement, ce qui compte c’est l’argent, la gestion, les actionnaires, le conseil d’administration. »
Vingt-trois collaborateurs de France Télécom se sont donné la mort en dix-huit mois, et souvenons-nous de la série de suicides qui frappa le personnel du Technocentre de Renault à Guyancourt : on parlait déjà de la pression constante à la rentabilité pesant sur le personnel.
Dans ce contexte, monsieur le Premier ministre, vous arrive-t-il de vous interroger sur la « politique de civilisation », sur le type de société, sur les relations au travail, sur le mode de management que vous avez encouragés avec votre fameux slogan « travailler plus pour gagner plus » ? (Mme Jacqueline Panis s’exclame.)
Ne voyez-vous pas les dégâts énormes causés par votre idéologie et vos actes sur la qualité de la vie, du travail, des relations humaines, ainsi que sur nos valeurs ? (Murmures sur les travées de l’UMP.) Oui, vos actes : libéralisation des heures supplémentaires,…
M. Alain Gournac. La question !
M. David Assouline. … travail du dimanche, légalisation du prêt de main-d’œuvre, …
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !
M. David Assouline. … détricotage du code du travail, soumission à la fameuse refondation sociale voulue par le MEDEF.
Le Président de la République va encore nous parler, dans les arènes mondiales, du « nouveau capitalisme », mais ce dernier ne fait qu’ajouter à l’ancien, celui des cadences infernales et du travail en miettes, la solitude. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Jacqueline Panis. La question !
Mme Éliane Assassi. Pourquoi sont-ils morts, voilà la question !
M. Guy Fischer. Respectez-les !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela vous gêne, on le comprend !
M. David Assouline. Pensez-vous que le monde du travail recevra ses paroles autrement que comme des mots – toujours des maux ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Claude Biwer applaudit également.)
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Monsieur le sénateur, les témoignages dont vous nous avez donné lecture méritent mieux qu’un tel amalgame.
Notre première pensée va bien entendu à ces salariés qui se sont donné la mort ou ont tenté de le faire sur leur lieu de travail, ainsi qu’à leurs familles, qui traversent actuellement une épreuve difficile.
Les causes de tels gestes sont souvent très complexes, mais il est urgent, aujourd'hui, de sortir d’une situation malsaine dans laquelle les salariés expriment, parfois tragiquement, un rejet des mutations intervenant dans leur environnement professionnel.
Si tous les grands groupes connaissent des évolutions et des mutations qui impliquent une adaptation des personnels, tous ne sont pas confrontés aux mêmes difficultés que celles qu’a connues France Télécom. Nous devons comprendre les causes de cette situation et, surtout, veiller à ce que l’entreprise prenne sans délai les mesures qui s’imposent.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas le cas !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le rôle de l’État est non pas d’empêcher France Télécom de continuer à se développer, mais de garantir que ces évolutions ne s’opèrent pas au détriment de la santé des salariés. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
En l’occurrence, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, M. Xavier Darcos, s’est longuement entretenu avec le président du groupe France Télécom au sujet de la série de suicides intervenus dans l’entreprise. Il lui a fait part, notamment, de la volonté de l’État de voir aboutir les discussions et les négociations sur la transposition de l’accord national interprofessionnel sur le stress au travail. Il a demandé que la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences offre aux salariés de l’entreprise une meilleure visibilité en matière d’évolutions professionnelles.
De façon très opérationnelle, le directeur général du travail a reçu mission d’assister aux prochains comités nationaux de suivi d’hygiène et de sécurité de l’entreprise et d’en rendre compte régulièrement au ministre.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est très attentif à la situation. Il a d’ailleurs demandé à son représentant de relayer sa position lors du conseil d’administration extraordinaire qui se tiendra la semaine prochaine. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Madame la ministre, vingt-trois salariés de France Télécom ont mis fin à leurs jours. (Murmures sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Guy Fischer. Ces décès s’inscrivent dans une ample vague de suicides, notamment chez Renault, PSA, IBM, dont le lien avec le mal-être au travail, causé par la course au profit et à la financiarisation de l’économie, a été bien souvent occulté.
Cet insupportable gâchis humain doit cesser.
Mme Jacqueline Panis. D’accord !
M. Guy Fischer. Il faut briser le mur du silence. Seule une souffrance extrême au travail peut pousser des hommes et des femmes à commettre ainsi l’irréparable. Il n’est pas acceptable de s’en tenir à la thèse bien commode des « drames personnels ».
M. Lombard, président-directeur général de France Télécom, a dépassé les bornes en évoquant une « mode du suicide ».
Mme Raymonde Le Texier. Oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est une honte !
M. Robert Hue. Devant le ministre !
M. Jacques Mahéas. Qui n’a pas réagi !
M. Guy Fischer. Il ne s’agit pas d’un lapsus : c’est bien l’inhumanité du capitalisme qui transparaît dans de tels propos.
Face à ce désastre économique et social, les propositions du Gouvernement ne nous satisfont pas. Ce ne sont pas les numéros verts, les cellules d’écoute et autres observatoires du stress qui feront disparaître la violence au travail. Au contraire, ces dispositifs sont des écrans de fumée qui tentent de masquer la réalité : celle des entreprises transformées en machines à broyer les êtres humains. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Cette violence au travail est démultipliée par le choix de la privatisation, par la priorité donnée à la logique financière sur l’intérêt général.
Mme Jacqueline Panis. La question !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Taisez-vous ! Vous avez quelque chose à dire ?
Mme Éliane Assassi. Un peu de décence !
M. Guy Fischer. Cette violence, c’est la loi des actionnaires qui écrase les salariés, qui méprise les usagers. Ce qui compte pour M. Lombard, c’est l’augmentation du cours de l’action France Télécom, certainement pas la santé de ses employés.
Il est plus que temps d’en finir avec cette recherche du profit maximal et son cortège de restructurations, de plans sociaux. Il faut dire « stop ! » à ces dirigeants qui s’enrichissent de manière indécente, érigent le harcèlement moral en règle de management et réduisent les syndicalistes au silence.
M. Alain Gournac. La question !
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !
M. Guy Fischer. J’y viens.
Mme Jacqueline Panis. Ah ! Tout de même !
M. Alain Gournac. Enfin !
M. Guy Fischer. Pour mettre un terme à cette spirale infernale, une intervention ferme de l’État, premier actionnaire de France Télécom, s’impose de toute urgence. Il faut bien sûr renforcer la réponse sociale, mais avant tout, madame la ministre, stopper la restructuration libérale, mettre un terme à la folie financière qui brise les hommes. Et cela, c’est votre responsabilité !
Un an après le début de la crise financière (Exclamations sur les travées de l’UMP),…
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, le temps de parole est épuisé !
M. le président. Monsieur Fischer, je vous demande de conclure !
M. Guy Fischer. … il n’est que temps de rappeler que l’économie doit servir le développement humain. Il faut remettre de grandes entreprises comme France Télécom ou GDF-Suez au service de la nation, de l’épanouissement de leurs salariés.
M. Alain Gournac. La question !
M. Guy Fischer. Nous refuserons que La Poste et ses agents suivent cette voie désastreuse que vous entendez leur imposer à leur tour. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur Fischer, personne ne doit exploiter ces drames personnels, qui appartiennent aux familles plongées dans la souffrance. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jacques Mahéas. Ouvrez les yeux !
Mme Christine Lagarde, ministre. Devant la récurrence de ce phénomène au cours des dernières semaines, nous avons agi.
Dès que nous avons été informés des événements, Xavier Darcos et moi-même avons demandé une réunion exceptionnelle du conseil d’administration de France Télécom, consacrée principalement à la situation du personnel de l’entreprise.
Lors de la tenue de ce conseil d’administration, mardi après-midi, le représentant de l’État a fait connaître à la direction de France Télécom qu’il était impératif de mettre en place un plan d’urgence afin de répondre à la situation, en prenant plus spécialement en compte deux aspects. Il a ainsi souligné que l’ensemble du personnel de France Télécom était concerné, en particulier les agents des échelons intermédiaires : cela a été clairement mis en évidence. Il a également insisté sur la nécessité de mettre en place une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences beaucoup plus efficace et individualisée.
En effet, comme l’a relevé tout à l'heure M. Assouline, le personnel de France Télécom, qui a fait des efforts considérables depuis 2002, et même avant, pour tout simplement s’adapter aux évolutions technologiques de ce secteur d’activité, est souvent plongé dans une grande incertitude, portant sur l’évolution individuelle des salariés et celle des postes de travail, ainsi que sur la localisation de ces derniers. C’est une réalité.
Je tiens, à cet instant, à rendre hommage à tous les salariés de France Télécom qui ont accompli cet énorme effort au cours des dernières années, en particulier depuis 2002, date à laquelle, souvenez-vous, le groupe se trouvait dans une situation financière catastrophique. Il aurait alors pu connaître le même sort que British Telecom, par exemple, qui a été obligé de céder une partie de son activité, notamment la téléphonie mobile, pour se retrancher sur la téléphonie fixe. Au lieu de cela, France Télécom est devenu le troisième opérateur de télécommunications en Europe, a réussi à s’implanter dans trente pays et est aujourd’hui un véritable compétiteur sur la scène internationale.