M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Je souhaite d’abord expliquer globalement ma position concernant les amendements qui portent sur le taux de la contribution des employeurs destinée à alimenter le fonds.
Vous l’aurez sans doute remarqué, j’ai veillé à ce que le champ de la démocratie sociale s’articule au mieux avec la démocratie politique et je n’ai pas voulu vous opposer systématiquement l’argument selon lequel, puisque les partenaires sociaux s’étaient accordés sur tel ou tel point au cours de leurs négociations, le Sénat n’aurait qu’à voter les yeux fermés. Mais, en l’espèce, il s’agit pour eux d’un point très important.
En effet, le fonds est notamment alimenté par un prélèvement sur les différents OPCA, lesquels interviennent sur trois ordres d’actions : le plan de formation, la professionnalisation et le CIF.
Tout le monde considère que la professionnalisation recouvre les actions les plus efficaces, celles qui sont le plus en phase avec le terrain, celles qui permettent le plus d’obtenir une qualification de métier.
M. le rapporteur ainsi que les auteurs d’un certain nombre de ces amendements estiment que tout cela est un peu risqué et que, si on laisse les partenaires sociaux choisir eux-mêmes, ils risquent de puiser dans les fonds destinés à la professionnalisation au point de les assécher totalement.
L’ensemble de ces amendements reposent donc sur l’idée selon laquelle il faut un taux de péréquation unique, en obligeant les partenaires sociaux à prélever toujours et partout le même montant sur le plan de formation, la professionnalisation et le CIF.
Or les partenaires sociaux considéreraient cela comme un acte de défiance manifeste à leur égard. Si les organisations syndicales, pour beaucoup, ont souscrit à l’accord, c’est précisément parce que celui-ci prévoyait de les laisser procéder aux ajustements nécessaires branche par branche. Certaines branches investissent traditionnellement davantage en faveur de la professionnalisation et préféreront prélever sur le plan de formation ; d’autres, au contraire, où la tradition est différente, prélèveront vraisemblablement un peu plus sur la professionnalisation.
C’est là une des grandes inquiétudes que suscite le débat qui a lieu en ce moment : les partenaires sociaux craignent d’être l’objet d’une défiance a priori. Ils veulent qu’on sache reconnaître leur sens des responsabilités, qu’on admette qu’ils ont conscience du caractère fondamental de la professionnalisation. Pour toutes ces raisons, il est important que nous les laissions adapter la péréquation branche par branche.
Je suis sensible aux arguments du rapporteur. Néanmoins, mesdames, messieurs les sénateurs, je dois me faire l’écho devant vous de l’inquiétude que, sur ce point précis, partagent unanimement les partenaires sociaux, les syndicats d’employeurs aussi bien qu’un très large spectre des syndicats de salariés.
Toute une série de branches ont commencé à négocier. Ce ne serait pas leur envoyer un très bon signal – ce serait même leur couper les jarrets ! – que de leur imposer un cadre étroit. En matière de formation, tout particulièrement, nous avons plutôt intérêt à entretenir une dynamique de négociation.
Pour autant, je ne suis pas naïf, et je comprends le souci qu’a exprimé le rapporteur. C’est pourquoi nous avons inscrit dans le texte deux clefs qui doivent nous permettre de nous assurer que les partenaires sociaux ne feront pas n’importe quoi, et ils le savent. Tout d’abord, un décret nous permettra, une fois les négociations achevées, de faire les comptes et de vérifier qu’ils n’auront pas pris tout l’argent des formations les plus utiles. Ensuite, les OPCA ne pourront se refinancer auprès du fonds qu’à la condition de ne pas avoir asséché l’argent de la professionnalisation.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier un dernier paramètre : le fonds sera utilisé principalement pour financer la professionnalisation.
Je comprends très bien l’état d’esprit qui a inspiré plusieurs des amendements en discussion. Je comprends parfaitement le souci de M. Carle de protéger la professionnalisation. Néanmoins, mesdames, messieurs les sénateurs, vous devez être bien conscients que leur adoption représenterait un acte de défiance majeur à l’égard des partenaires sociaux qui ont signé l’accord : MEDEF et CGPME aussi bien que CFDT, FO, CFTC, CGC ou CGT.
Sur de nombreux points, vous êtes allés plus loin que l’accord, parfois assez sensiblement. Mais, dans ce cas précis, le signal serait très mal perçu par les partenaires sociaux, et je vous appelle, ici, au strict respect de leur volonté. C’est pourquoi je suis défavorable aux amendements nos 24 rectifié bis, 178, 65, 140 et 67.
L’amendement no 8 rectifié, madame Mélot, prend bien en compte les particularités du secteur agricole. J’émets donc un avis de sagesse sur cet amendement, qui me paraît présenter un très bon dispositif.
Quant à l’amendement no 66, pour les raisons que le rapporteur a très clairement exprimées, j’y suis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Je crois important de préciser que, sur le fond, aucune différence ne nous oppose à M. le secrétaire d’État quant à la nécessité de protéger le contrat de professionnalisation. La différence porte sur la méthode.
À mes yeux, et je crois que c’est aussi la position de la commission, l’amendement no 178 ne marque aucune défiance à l’égard des partenaires sociaux. Simplement, si nous voulons véritablement préserver le contrat de professionnalisation, il est indispensable de poser les règles que je viens d’évoquer.
De plus, monsieur le secrétaire d’État, la commission mixte paritaire, qui revêt une importance toute particulière dans le cas de la procédure accélérée, se réunira. Nous devons mettre à profit le temps qui nous est donné d’ici à sa réunion pour trouver une rédaction prenant en compte vos arguments et, de cette manière, lever les craintes dont vous vous êtes fait l’écho.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 24 rectifié bis et 178.
M. Jean Desessard. Je ne suis pas sûr d’avoir bien saisi les propos de M. le rapporteur : a-t-il voulu dire que, dans le cadre de la navette, au cours de la deuxième lecture devant l’Assemblée nationale et le Sénat, nous pourrions améliorer un texte qui n’est pas encore parfait et qui nécessite un prolongement du dialogue ? Est-ce bien cela ? (Sourires.)
M. le président. Il me semble bien, mon cher collègue, que M. le rapporteur a plutôt évoqué la commission mixte paritaire, puisque la procédure accélérée a été engagée… (Nouveaux sourires.)
M. Jean Desessard. Ah bon ! Donc il n’y aura pas de deuxième lecture, alors qu’il est important, sur ce point, de respecter les partenaires sociaux ! Ainsi, nous ne sommes pas prêts, mais nous ne prenons pas le temps de discuter, puisque nous sommes dans le cadre de la procédure accélérée, et c’est une dizaine de parlementaires qui trancheront finalement ! (Nouveaux sourires.)
Mme Catherine Procaccia, présidente de la commission spéciale. La commission mixte paritaire compte quatorze membres !
M. Jean Desessard. Excusez-moi, j’avais cru comprendre que le débat se poursuivrait afin que nous y voyions plus clair ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. J’ai été clair : j’ai demandé à notre assemblée d’adopter le texte dans la rédaction de la commission spéciale et précisé qu’ensuite, si nécessaire, la commission mixte paritaire l’améliorerait.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je retire l’amendement n° 24 rectifié bis, monsieur le président : l’amendement de la commission prévaut.
M. le président. L'amendement n° 24 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 178.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 65, 140 et 67, satisfaits, n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Madame Brigitte Gonthier-Maurin, l’amendement n° 66 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement visait à préserver la professionnalisation. À partir du moment où l’amendement no 178 a été adopté, nous retirons le nôtre.
M. le président. L'amendement n° 66 est retiré.
L'amendement n° 165, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Remplacer le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6332-19 du code du travail par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Les sommes mentionnées au 3° sont liquidées par les organismes collecteurs paritaires agréés et versées spontanément au fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.
« À défaut de versement au 30 avril de l'année suivant la clôture de l'exercice, le recouvrement des ressources mentionnées au 3° est effectué par le comptable public compétent de la direction générale des finances publiques.
« Ces impositions sont recouvrées sur la base de la notification faite audit comptable par le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.
« Elles sont recouvrées selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les taxes sur le chiffre d'affaires. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ces mêmes taxes.
« Un décret fixe les conditions d'application du présent article.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Nous sommes dans un domaine où il n’y pas de comptable public. Si nous voulons que le recouvrement soit correctement organisé, il nous faut instituer une procédure particulière. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 120, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit les a à g du 1° du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6332-21 du code du travail :
« a) Des salariés les plus exposés au risque de rupture de leur parcours professionnel ;
« b) Des salariés peu ou pas qualifiés ;
« c) Des salariés n'ayant pas bénéficié d'une action de formation depuis cinq années ;
« d) Des salariés alternant fréquemment périodes de travail, notamment en mission de travail temporaire, et de chômage ;
« e) Des salariés des petites et moyennes entreprises ;
« e bis) Des salariés à temps partiel ;
« e ter) Des salariés dont la reconversion exige une formation longue ;
« e quater) Des personnes handicapées ;
« f) Des demandeurs d'emploi ayant besoin d'une formation pour favoriser leur retour à l'emploi ;
« g) Des personnes éloignées de l'emploi ainsi que des personnes bénéficiaires d'un contrat conclu en application de l'article L. 5134-19-1 ;
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à élargir les catégories de publics concernées par les actions de formation menées grâce au fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.
Dans une période de violente crise économique, il semble urgent de protéger au maximum contre les aléas du marché du travail les personnes vulnérables et précaires.
Précaires, comme ceux qui alternent fréquemment emploi et chômage et pour qui une meilleure formation sera un pas de plus vers la stabilité professionnelle.
Précaires, comme ceux qui restent généralement en dehors des parcours de formation et qui n’ont pas bénéficié d’une action de formation depuis cinq ans au moins.
Précaires, comme les salariés des PME, qui ne connaissent pas les avantages de la fonction publique ou des grandes entreprises en matière d’accès à des formations adaptées.
Précaires, comme ceux qui subissent des temps partiels.
Précaires, comme ceux qui vivent dans l’angoisse parce qu’ils sont issus de branches vouées à l’échec économique. Je pense en particulier aux salariés de l’automobile.
Prenons l’exemple de l’usine Ford de Blanquefort, en Gironde. Vous le savez, l’automobile se porte plutôt mal – contrairement à la production d’éoliennes, qui est en plein essor. C’est pourquoi le site de production de Ford a été repris par un industriel allemand, HZ Holding, qui veut développer la production de grandes couronnes pour les éoliennes. Mais cela ne se fait pas du jour au lendemain ! Ces salariés ont besoin d’une formation longue, afin de se reconvertir dans des secteurs d’avenir, par exemple la fabrication de moyens de transport en commun.
Ainsi, toutes ces personnes éloignées de l’emploi ou cantonnées dans les marges de secteurs d’activités où elles disposent de peu d’avantages doivent être encouragées à se former, afin d’être mieux à même d’affronter les défis économiques et professionnels auxquels elles doivent faire face.
Cet amendement n’est pas simplement le fruit des élucubrations d’un écologiste membre de la Haute Assemblée (Sourires.) : il reprend la rédaction initiale du projet de loi complétée par l’Assemblée nationale sur proposition de sa commission des affaires sociales. Cette formulation était plus large, plus intéressante, et ciblait mieux les catégories qui ont besoin de cette formation.
M. le président. L'amendement n° 13 rectifié, présenté par Mlle Joissains, MM. Gilles et Thiollière, Mmes Morin-Desailly et Bonnefoy, M. de Montesquiou, Mme Hermange, M. Hérisson, Mme Férat, MM. de Montgolfier, Demuynck, Lefèvre et Retailleau, Mme Bruguière et M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Rétablir le e du 1° du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6332-21 du code du travail dans la rédaction suivante :
« e) des jeunes sans emploi et pas ou peu qualifiés.
La parole est à M. Bruno Gilles.
M. Bruno Gilles. Alors que, depuis longtemps, les jeunes sont particulièrement touchés par les difficultés économiques et sociales, la sécurisation des parcours professionnels offre une très bonne occasion de faciliter leur insertion durable dans le tissu économique français.
Notre amendement est d'autant plus justifié que tous les jeunes ne sont pas demandeurs d'emploi au sens strict et peuvent donc avoir besoin de bénéficier du fonds en dehors de formations en alternance. Il nous a semblé que ce public n'entrait pas forcément dans la catégorie visée au d, celle des « demandeurs d'emploi ayant besoin d’une formation pour retrouver un emploi ».
En effet, dès lors qu’ils ne sont pas indemnisés, nombreux sont les jeunes à la recherche de leur premier emploi qui ne s’inscrivent pas systématiquement comme demandeurs d’emploi. C’est le cas, en particulier, de ceux qui sont inscrits dans les missions locales, et je rappelle qu’en 2007, ce sont 995 000 jeunes qui ont été reçus en entretien individuel dans une mission locale. Or, vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, ces jeunes sont en déficit de formation et de qualification pour accéder au marché du travail.
Je citerai très rapidement quelques chiffres : 8 % d’entre eux sont sortis du système scolaire avant la troisième, 20 % ont fait uniquement une première année de CAP et 12 % ont le niveau baccalauréat sans avoir le diplôme ou ont des diplômes insuffisants ou inadaptés pour accéder à un emploi durable.
Il nous semble donc important que le nouveau fonds paritaire n’exclue pas de son champ les jeunes qui en ont à l’évidence le plus besoin.
M. le président. L'amendement n° 162, présenté par MM. Gillot, Antoinette, S. Larcher, Lise, Patient et Tuheiava, est ainsi libellé :
Rétablir le e) du 1° du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6332-21 du code du travail dans la rédaction suivante :
« e) des jeunes outre-mer sans emploi, pas ou peu qualifiés
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 120 et 13 rectifié ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Je comprends parfaitement l’intention de notre collègue Jean Desessard de prendre en compte les publics se trouvant dans une situation difficile, mais, je le dis très clairement, la commission considère que trop de priorités tue la priorité. Tous les publics sont prioritaires, aucun ne l’est plus que l’autre.
Il est de notre responsabilité d’élus de faire des choix et de les assumer : ce fonds est créé pour aider les salariés qui subissent de plein fouet les mutations économiques et sont insuffisamment armés pour se maintenir d’eux-mêmes sur un marché du travail affecté par la concurrence internationale.
Par ailleurs, l’efficacité du fonds dépendra de sa capacité à se concentrer sur ces salariés, afin de ne pas devenir un vaste fonds de réserve mobilisable pour toutes les personnes rencontrant des difficultés sociales, quelle que soit par ailleurs l’intensité de celles-ci.
Bien qu’il soit difficile d’assumer une définition claire des publics prioritaires de ce fonds, c’est, si vous me permettez ce terme, mes chers collègues, le « prix à payer » pour en assurer l’efficacité.
C'est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 120.
Dans le droit-fil de ce que je viens de dire, je ne puis être favorable à l’amendement n° 13 rectifié, et ce d’autant qu’il est satisfait.
En effet, la rédaction de la commission prévoit que les demandeurs d’emplois constituent un public prioritaire. Cette catégorie comprend donc les jeunes, les moins jeunes, les seniors. À mon sens, il n’est pas nécessaire de créer une catégorie supplémentaire.
Dans ces conditions, je vous demande, cher collègue Gilles, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Monsieur Desessard, M. le rapporteur a fourni l’effort louable de chercher à simplifier la rédaction, car la multiplication des catégories risque ensuite de restreindre les possibilités d’action. En conséquence, je partage la position de la commission sur votre amendement n° 120.
Monsieur Gilles, vous abordez là un sujet très sensible, surtout dans le contexte de la crise, qui fait que les jeunes faiblement qualifiés rencontrent des difficultés croissantes pour accéder à un emploi. Compte tenu, aussi, de l’existence du « plan jeunes », je suis tenté de me laisser séduire par votre volonté de mettre un coup de projecteur sur ce public qui a tout particulièrement besoin de nous.
Dans ces conditions, le Gouvernement s’en remet, sur l’amendement n° 13 rectifié, à la sagesse du Sénat : il lui appartient de trancher cette question.
M. Daniel Raoul. C’est courageux ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l’amendement n° 120.
M. Jean Desessard. Je ne vais pas me lancer dans une bataille sur les catégories qui doivent être spécifiquement mentionnées, d’autant que, après tout, je ne suis pas ici le représentant de l'Assemblée nationale !
Monsieur le rapporteur, vous voulez limiter les catégories pour établir des priorités, mais nos rédactions se rejoignent aussi parfois. Nous proposons tous les deux la catégorie des « salariés pas ou peu qualifiés », ce qui représente tout de même déjà beaucoup de monde.
Dans la rédaction adoptée par la commission, le d) concerne les « demandeurs d’emploi ayant besoin d’une formation pour retrouver un emploi ». Dans le texte initial, qu’a repris l'Assemblée nationale, le f) concernait les « demandeurs d’emploi ayant besoin d’une formation pour favoriser leur retour à l’emploi ». Ces deux rédactions concernent en fait l’ensemble des demandeurs d’emploi, qu’il s’agisse pour eux de suivre une formation courte ou longue.
La liste que je propose est à la fois un peu plus large et plus précise. Elle vise notamment les salariés à temps partiel. Il est quand même intéressant de mettre aussi l’accent sur ces salariés, dont la reconversion exige une formation longue. En effet, on pourrait leur objecter que, dès lors que leur situation suppose une formation longue, ils relèvent d’un autre dispositif. Il en va de même pour les personnes handicapées : ne méritent-elles pas de figurer, elles aussi, dans la liste.
En outre, votre liste, monsieur le rapporteur, présente un défaut. Vous mentionnez au b) les « salariés occupant un type d’emplois dont le volume diminue en raison des mutations économiques ».
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Eh oui !
M. Jean Desessard. Là, il faut être très fort ! Parce qu’il s’agit de savoir si ces salariés travaillent dans un secteur qui est objectivement en déclin ou dans un secteur frappé par des délocalisations ! À partir du moment où l’on commence à pointer le secteur pour lequel il faut engager des formations, se trouve posé le problème de la stratégie économique, et il est alors beaucoup plus difficile de cibler les individus concernés.
Ma propre liste, elle, vise des personnes ou des types de contrats spécifiques, et cela permet de cibler plus facilement les individus, de traiter leur cas particulier. Or, en matière de formation, mieux vaut, pour être efficace, partir de l’individu. C’est pourquoi la liste adoptée par l’Assemblée nationale me paraissait plus intéressante.
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.
M. Claude Jeannerot. Nous sommes souvent d’accord avec notre ami Jean Desessard, mais, là, nous ne pouvons vraiment pas le suivre.
Je rappelle que j’avais moi-même proposé à la commission de procéder à une simplification. En effet, plus on multiplie les catégories dans les listes, plus grand est le risque d’en oublier. Ce n’est pas de bonne méthode.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. C’est évident !
M. Claude Jeannerot. La rédaction proposée par M. le rapporteur nous semble au contraire de bonne facture.
De même, j’avais proposé de regrouper en quelques grandes catégories les actions de formation dont la liste figure dans le code du travail. Il eût été d’autant souhaitable de le faire que l’un des objectifs de ce projet de loi est de rendre la loi plus lisible, donc plus accessible.
Pour ces raisons, nous nous abstiendrons sur cet amendement, et je prie notre collègue Jean Desessard de bien vouloir nous en excuser.
M. Jean Desessard. Non, je ne le veux pas ! Je change de camp ! (M. Jean Desessard fait mine d’aller s’asseoir plus à gauche dans l’hémicycle. – Rires.)
M. le président. Monsieur Gilles, l'amendement n° 13 rectifié est-il maintenu ?
M. Bruno Gilles. M. le rapporteur m’a objecté que cet amendement était satisfait par le d) du texte de la commission, qui vise les « demandeurs d’emploi ayant besoin d’une formation pour retrouver un emploi ».
Or, je l’ai dit, notre propos est de viser, outre les demandeurs d’emploi officiels, c'est-à-dire ceux qui sont inscrits auprès de Pôle emploi, les jeunes qui, pour des raisons toutes simples, ne sont pas considérés comme des demandeurs d’emploi parce qu’ils ne sont pas indemnisables.
Mme Annie David. C’est différent, il a raison !
M. Bruno Gilles. Il est clair que les jeunes en difficulté ont sans doute encore bien plus besoin que d’autres du dispositif que nous allons adopter.
D’ailleurs, eu égard au « plan jeunes », M. le secrétaire d’État s’est laissé tenter par cette rédaction et s’en est remis à la sagesse du Sénat.
Pour ces raisons, je maintiens cet amendement, qui ne me semble pas satisfait.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. Jean Desessard. Décidément, les camps se lézardent ! (Sourires.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 169, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
À la fin du 2° du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6332-21 du code du travail, remplacer les mots :
de contrats de professionnalisation et de périodes de professionnalisation
par les mots :
d'actions de professionnalisation et du congé individuel de formation
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Vous l’avez compris, l’objectif est que le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels permette notamment de favoriser des actions tout en assurant la péréquation entre les OPCA, sous réserve qu’il s’agisse toujours d’actions réellement utiles. Notre obsession est de faire en sorte que l’argent de la formation profite à ceux qui en ont besoin et soit consacré à des actions utiles en termes d’emploi.
La rédaction initiale ne visait que les contrats de professionnalisation, ce qui est un peu limité. En collaboration avec M. le rapporteur, nous avons décidé d’inclure en outre les CIF et les DIF, ce qui permet de couvrir un panel plus large d’actions de formation utiles.
Madame David, j’attire votre attention sur le fait que l’amendement n° 69 que vous allez défendre dans quelques instants ne concerne que les DIF. Je vous propose donc de vous rallier à l’amendement du Gouvernement, dont la portée est plus large.
M. le président. L'amendement n° 69, présenté par Mmes David, Gonthier-Maurin, Pasquet et Hoarau, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter le huitième alinéa (2°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6332-21 du code du travail par les mots :
ainsi que pour le congé individuel de formation
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il est vrai, monsieur le secrétaire d'État, que nous nous sommes cantonnés au CIF. L’amendement du Gouvernement, qui intègre les actions de professionnalisation, nous semble aller dans le bon sens. Mais, monsieur le secrétaire d'État, j’aimerais que vous nous assuriez que le CIF n’est pas vidé de sa substance. Je pourrai alors retirer cet amendement au profit de l’amendement n° 169, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Je peux tout à fait vous rassurer, madame David, d’autant que je partage votre souci.
M. le président. L'amendement n° 69 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 169 ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Au vu des explications apportées par M. le secrétaire d’État, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 169.
M. le président. L'amendement n° 118, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après le huitième alinéa (2°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6332-21 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° De financer en priorité des projets de formation ayant pour thématiques le développement durable, et plus spécifiquement l'éco-construction, le recyclage des matières premières, la sobriété énergétique, ainsi que des expérimentations locales ou sectorielles de nouveaux référentiels de certification relatifs à ces thématiques ;
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement porte sur la nécessaire conversion de notre économie vers un modèle plus durable.
Repenser la formation professionnelle doit être l’occasion de prendre en compte les engagements du Grenelle de l’environnement et permettre d’accompagner les salariés et les demandeurs d’emploi vers les métiers de demain, respectueux de la nature et sobres en énergie.
Comme je l’ai dit précédemment, il ne suffit pas de proclamer de bonnes intentions, monsieur le secrétaire d'État : encore faut-il les inscrire dans la loi ! Cela reste, a priori, la meilleure garantie d’une mise en œuvre certaine.
La transition de notre économie est aujourd’hui ralentie par un cruel manque de main-d’œuvre dans les secteurs de l’économie verte, alors que des licenciements ont lieu dans le secteur automobile ou certaines grandes industries polluantes. (Bavardages sur les travées du groupe socialiste.)
Chers collègues et camarades du groupe socialiste, puis-je me permettre de vous demander de parler un peu moins fort ? (Sourires.) Je ne m’entends même plus ! (Rires.)
À l’inverse, le secteur de l’éolien, par exemple, souffre d’une pénurie de salariés compétents. De 2000 à 2007, le parc éolien s’est accru de 339 %, mais le nombre de salariés formés à cette industrie n’a évidemment pas suivi une telle progression. L’éolien manque principalement d’ingénieurs, de techniciens de maintenance et de cadres pour gérer les sites.
L’économie verte est un formidable réservoir d’emplois, pour peu qu’il y ait des personnels compétents sur le marché du travail. Et je ne suis pas le seul à le dire, monsieur le rapporteur : M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, l’a affirmé à plusieurs reprises, ici même et à la télévision. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.) Il a clairement indiqué que c’étaient des secteurs d’avenir !
Financer en priorité les formations dans les secteurs du développement durable, c’est permettre à la France de ne pas « rater le coche » en matière d’environnement et de répondre aux besoins d’un marché en pleine expansion. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)