M. Roland Courteau. Respectez les 2 millions et quelques personnes qui ont participé à la votation citoyenne !
M. Jean-Pierre Bel. Il y a d’autres scandales que celui-là à dénoncer !
M. Hervé Maurey. Dans la ville de 12 000 habitants que j’administre, où le bureau de poste n’est évidemment pas menacé, les organisateurs de cette pseudo-consultation, les mêmes d’ailleurs qui avaient perdu les élections municipales quinze jours auparavant, ont expliqué à mes concitoyens qu’ils devaient aller voter car le bureau de poste risquait de fermer.
M. Roland Courteau. En tout cas, dans beaucoup d’endroits, c’est ce qui va se passer !
M. Martial Bourquin. Faites un référendum, un vrai !
M. Hervé Maurey. C’est dire la malhonnêteté intellectuelle dont l’opposition fait preuve dans cette affaire depuis des semaines !
Je comprends que l’opposition tente d’exister et de se refaire une santé en menant des combats contre des ennemis qui n’existent pas,…
M. Roland Courteau. Ça vole bas !
M. Hervé Maurey. … à moins, comme l’a très justement souligné M. le ministre chargé de l’industrie, que ce soit pour faire oublier les privatisations qu’elle a elle-même organisées dans le passé. (MM. Jacques Blanc et Jean-Claude Carle applaudissent.)
Je tiens également à dire combien je trouve regrettable la bataille d’obstruction à laquelle l’opposition a commencé à se livrer avant même le commencement de l’examen de ce texte. En effet, elle s’est arrangée pour que notre débat, qui devait s’ouvrir en milieu d’après-midi, ne commence que ce soir !
M. Jean Desessard. C’est le recours à la procédure accélérée qui est regrettable !
M. Hervé Maurey. De plus, nous avons maintenant 600 amendements à examiner alors que l’opposition n’en avait déposé aucun en commission ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes au Parlement, cher monsieur, pas dans un meeting !
M. Hervé Maurey. En quinze jours, 600 amendements ont éclos, uniquement pour pratiquer cette obstruction ! Eh bien, je le dis, cela n’est pas digne des enjeux de ce débat…
M. Jean-Pierre Bel. On n’a plus le droit de déposer des amendements ?
M. Hervé Maurey. … ni des 300 000 salariés de l’entreprise publique qui en est l’objet ! (Applaudissements sur les mêmes travées. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. À quoi jouez-vous ?
M. Hervé Maurey. Je joue à rétablir la vérité et à dénoncer une attitude scandaleuse ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.).
En effet, comme l’ont excellemment précisé M. le ministre et M. le rapporteur, le texte qui nous est proposé vise à transformer le statut de La Poste, qui deviendra une société anonyme, une société anonyme de droit public,…
Mme Marie-France Beaufils. Jusqu’à quand ?
M. Jean-Claude Danglot. Une société anonyme de droit public, cela n’existe pas !
M. Hervé Maurey. … à ceci près que les salariés qui le souhaitent pourront prendre part à l’augmentation du capital qui leur sera réservée pour devenir actionnaires.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les sociétés anonymes de droit public sont devenues privées !
M. Hervé Maurey. Comme l’a rappelé M. le rapporteur, ce système prévaut dans tous les pays européens, à l’exception du Luxembourg. Mais je n’avais pas compris que le Luxembourg était l’idéal économique de l’opposition ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel est votre idéal à vous ?
M. Hervé Maurey. Cette réforme est nécessaire pour que La Poste puisse faire face aux défis qu’elle a à relever, que ce soit en termes d’ouverture totale à la concurrence ou de dématérialisation du courrier.
À cet égard, je salue d’ailleurs les formidables évolutions que l’entreprise a connues au cours de la dernière décennie, grâce à ses dirigeants et à ses salariés. C’est ainsi que La Poste a réussi à développer ses métiers – je rappelle qu’elle est aujourd’hui le deuxième opérateur pour les colis – et à créer de nouveaux services.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Elle a aussi développé la précarité !
M. Hervé Maurey. Par ailleurs, elle a compensé, avec succès, la diminution de l’activité courrier. Fort heureusement, est aujourd'hui révolu le temps où le président Larcher déplorait, à juste titre, l’immobilisme de La Poste !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui avez défendu le travail le dimanche ! C’est vous qui allez faire vos emplettes à Rome le dimanche !
M. Hervé Maurey. Aujourd’hui, La Poste a besoin de 2,7 milliards d’euros pour investir et se moderniser, afin d’être un acteur européen majeur. Or, pour ne pas enfreindre les règles européennes ni accroître l’endettement de l’entreprise, la seule solution est de créer une société anonyme.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas parce que vous allez le répéter sans cesse que vous allez convaincre !
M. Hervé Maurey. Là encore, le conservatisme dont fait preuve l’opposition risquerait, ni plus ni moins, de mettre l’entreprise en péril. (MM. Jacques Blanc, Paul Blanc et Jean-Claude Carle applaudissent.) On ne sauve pas un service public en le momifiant ! Le propre d’un service public est de savoir s’adapter !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlez-en aux usagers des établissements qui ont été privatisés !
M. Hervé Maurey. Naturellement, le changement de statut ne doit pas remettre en cause les missions de service public de La Poste. Cette entreprise n’est pas et ne doit pas être une entreprise comme les autres. Nous sommes d’ailleurs fermement attachés à ses missions de service universel postal, de distribution de la presse, d’accessibilité bancaire et d’aménagement du territoire.
C’est pourquoi le groupe de l’Union centriste est extrêmement fier d’avoir fait inscrire dans le projet de loi qui nous est soumis le nombre de 17 000 points de contact postal en France : ce n’est pas rien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne veut rien dire ! Beaucoup sont des bureaux de tabac ou des guichets de la RATP !
M. Hervé Maurey. Et, même si le système mérite d’être revu à l’occasion de nos débats, nous sommes très heureux d’avoir également contribué à augmenter les moyens du fonds postal national de péréquation territoriale.
Nous avons en outre permis que les commissions compétentes du Parlement soient consultées sur la nomination du président du conseil d’administration de La Poste, ou encore que soit remis un rapport annuel sur le financement de l’aménagement du territoire.
Au cours de la discussion qui va commencer – une vraie discussion, je l’espère, et non de l’obstruction politicienne en permanence (Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) – ...
M. Jean-Claude Danglot. Ça commence bien !
M. Jean Desessard. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Hervé Maurey. ... nous proposerons d’améliorer encore le texte, et je suis très heureux que le ministre soit dans cette disposition d’esprit.
Nous proposerons notamment d’affirmer que l’État a vocation à rester actionnaire majoritaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme dans le capital de GDF ?
M. Hervé Maurey. Les autres personnes morales de droit public ne pourront donc être que des actionnaires minoritaires.
Nous proposerons aussi de conforter les différentes missions de service public de La Poste.
M. Jean-Claude Danglot. Mensonge !
M. Hervé Maurey. S’agissant du service universel, nous proposerons d’instituer une obligation de distribution au plus tard le surlendemain, ainsi que de renforcer les pouvoirs de l’ARCEP sur les différents tarifs qui en relèvent.
Nous souhaitons également que soit réaffirmée la mission de service public de La Poste en matière bancaire et nous proposerons que soit inscrite dans la loi la possibilité d’effectuer des dépôts et des retraits dans les points de contact, et non pas seulement dans les bureaux.
En matière d’aménagement du territoire, sur l’initiative de notre collègue Daniel Dubois, nous avons déposé un amendement destiné à conforter la présence postale en milieu rural.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlons-en !
M. Hervé Maurey. Nous avons également déposé un amendement tendant à inscrire dans la loi la participation financière de La Poste au fonctionnement des agences postales, de manière à éviter tout désengagement à l’avenir.
Nous reviendrons sur la question du financement parce qu’il nous semble très important que le coût de l’aménagement du territoire soit désormais évalué non plus par La Poste, comme c’est le cas aujourd’hui, mais par un organisme indépendant ; nous proposerons que ce soit l’ARCEP. Nous souhaitons que cette évaluation ait lieu périodiquement et que l’affectation des moyens dont La Poste a besoin soit déterminée au vu de cette évaluation fiable et transparente.
Nous avions déposé un amendement prévoyant une dotation de l’État, comme cela se fait, par exemple, pour le service public de l’audiovisuel. Cela n’a pas été possible en application de l’article 40, mais je pense que nous y reviendrons au cours des débats.
Telle est, mes chers collègues, l’attitude du groupe centriste. Loin de l’attitude doctrinaire que je déplorais tout à l’heure…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Paroles ! La vôtre est totalement doctrinaire !
M. Jean-Claude Danglot. Ultralibérale !
M. Hervé Maurey. Je comprends que cela vous dérange ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Mais votre réaction atteste la justesse de mon propos ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’UMP vous applaudit, c’est bon signe !
M. Hervé Maurey. Loin, disais-je, de cette attitude doctrinaire, la nôtre vise à apporter notre soutien à une réforme qui est indispensable à l’entreprise pour lui permettre de remplir ses missions de service public, et, au terme de l’adoption de ce projet de loi, nous veillerons à ce que celles-ci soient confirmées et confortées.
J’espère que nous bénéficierons d’un large soutien dans cet hémicycle, car c’est, je crois, ce qu’attendent très sincèrement de nos travaux les élus locaux et nos concitoyens (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.),…
M. Roland Courteau. Ils attendent un référendum !
M. Hervé Maurey. … qui, nous le savons, sont attachés à l’entreprise nationale qu’est La Poste. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Écoutez vos concitoyens ! Demandez-leur ce qu’ils en pensent ; ils vous le diront !
M. le président. La parole est à M. Michel Teston. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Teston. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’examen du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales ne débute pas au Sénat dans une ambiance de grande sérénité du côté du Gouvernement.
M. Michel Teston. En témoignent le choix de la procédure accélérée, d’un débat organisé sur une seule semaine et son refus d’organiser un référendum sur la question du statut de La Poste...
M. Jacques Blanc. Pour quoi faire ? D’ailleurs, ce n’était pas possible !
M. Michel Teston. ... en se retranchant derrière l’argument de l’absence d’une loi organique d’application de l’article 11 révisé de la Constitution.
Comment ne pas y voir du cynisme lorsque l’on sait que, depuis quinze mois, aucun projet de loi organique de mise en œuvre de cet article n’a été déposé ni même programmé ou annoncé ?
M. Michel Teston. Le manque de sérénité du Gouvernement apparaît aussi clairement dans la réunion organisée à Bercy, le 19 octobre dernier, par Christian Estrosi, pour plus de 300 cadres, avec comme objectif, selon le compte rendu du Figaro, de faire partager à ces derniers sa vision de La Poste.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Absolument !
M. Michel Teston. Les commentaires peu amènes d’un certain nombre de membres du Gouvernement sur la votation citoyenne au cours de laquelle plus de 2,2 millions citoyens se sont prononcés pour le maintien du statut actuel dissimulent mal une réelle inquiétude du pouvoir exécutif.
Le Premier ministre est même monté en première ligne en adressant à tous les maires une lettre qui se veut rassurante. Dans ce courrier, il présente le changement de statut comme la seule solution pour donner à La Poste les moyens de répondre aux défis qui lui sont lancés, dans un environnement marqué par un usage grandissant des techniques de l’information et de la communication, l’ouverture complète à la concurrence du secteur postal au 1er janvier 2011 et un endettement du groupe de 6 milliards d’euros.
Pour avoir participé, depuis l’automne dernier, à de très nombreuses auditions sur la situation et l’avenir de La Poste au sein de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, la CSSPPCE,…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Du groupe de ladite commission dont vous êtes vice-président !
M. Michel Teston. … au sein du groupe d’études Postes et communications électroniques du Sénat ou encore à des auditions organisées par le groupe socialiste du Sénat, j’ai acquis la conviction, partagée par tous les parlementaires de gauche, que le changement de statut n’est pas la solution pour assurer l’avenir du groupe La Poste, lequel est non seulement le plus ancien et le plus emblématique de nos services publics, le premier employeur de France après l’État, un maillon essentiel du lien social par sa présence sur tout le territoire avec la distribution du courrier six jours sur sept et ses 17 000 points de contact, mais aussi un acteur essentiel de péréquation avec le prix unique du timbre.
Pour nous, la seule solution consiste dans le maintien du statut actuel, celui d’exploitant autonome de droit public,…
M. Jean-Claude Carle. Faux !
M. Jacques Blanc. Qui mettra l’argent ?
M. Michel Teston. … qui a été assimilé par la jurisprudence à celui d’établissement public à caractère industriel et commercial, ou EPIC.
Notre groupe est donc opposé à l’adoption du premier volet de ce projet de loi, comme d’ailleurs du second, relatif à la suppression du secteur réservé.
La première partie de mon intervention sera consacrée à l’exposé des principales raisons de notre opposition à ce texte. La seconde partie consistera à présenter une série de propositions constituant une solution alternative à celle du Gouvernement.
Nos critiques s’appuient sur des constats et sur une analyse prospective des conséquences prévisibles d’un changement de statut.
S’agissant des constats, aucune législation-cadre européenne n’oblige à changer le statut de La Poste.
M. Roland Courteau. Très bien, il fallait le rappeler !
M. Michel Teston. Ensuite, si le constat peut être fait d’une insuffisance des fonds propres de La Poste, il est nécessaire de se poser la question suivante : à qui la faute ?
La responsabilité de cette situation incombe à l’État,…
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Alain Fouché. Elle incombe à Jospin !
M. Michel Teston. … qui n’assume pas ses obligations à l’égard du groupe La Poste (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.) en ne l’accompagnant pas financièrement pour le maintien d’un peu plus de 17 000 points de contact et en ne le faisant qu’insuffisamment pour le transport et la distribution de la presse.
Je tiens à rappeler que de telles interventions financières sont parfaitement possibles dans la mesure où ces deux missions de service public sont considérées par la Commission européenne comme relevant de la compétence des États membres.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Michel Teston. Comment ne pas rappeler aussi que, chaque année depuis cinq ans, lors de l’examen du projet de loi de finances initial, je propose l’inscription de davantage de crédits pour ces deux missions de service public ? Si le Gouvernement n’avait pas fait la sourde oreille, les fonds propres de La Poste auraient été progressivement augmentés et le rapport fonds propres/dette serait bien meilleur. Évidemment, en cas de réponse à cette demande, le Gouvernement n’aurait pas pu tirer argument du niveau insuffisant des fonds propres pour tenter de justifier un changement de statut ! (Et voilà ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. CQFD !
M. Michel Teston. Alors, parlons-en du changement de statut et de ses conséquences !
Le premier risque, parfaitement identifié par nombre de nos concitoyens, notamment dans un récent sondage, est celui d’une privatisation progressive de La Poste. La formule figurant à l’article 1er du projet de loi initial, à savoir : « Le capital de la société est détenu par l’État ou par d’autres personnes morales appartenant au secteur public », ne laissait planer aucun doute sur ce qui allait se passer.
Un sénateur socialiste. Bien sûr !
M. Michel Teston. Écrire « l’État ou » signifiait clairement que celui-ci se réservait la possibilité de sortir du capital.
Quant à la formule : « d’autres personnes morales appartenant au secteur public », elle laissait à penser qu’il pourrait s’agir de personnes morales exerçant des missions de service public au sens fonctionnel et non organique du terme, c’est-à-dire dont le capital pouvait ne pas être entièrement public.
La nouvelle formulation adoptée par la commission, à savoir : « Le capital de la société est détenu par l’État et par d’autres personnes morales de droit public », a le mérite d’obliger l’État à demeurer dans le capital.
Toutefois, il ne vous a pas échappé qu’aucun plancher n’est fixé au sujet de sa participation.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Évidemment !
M. Michel Teston. Celle-ci pourrait donc, à terme, se réduire très sensiblement, avec pour objectif l’affectation du produit de la vente d’actions à la réduction de sa colossale dette.
Mme Maryvonne Blondin et M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Michel Teston. En outre, la nouvelle formulation n’apporte pas toutes les garanties nécessaires. En effet, par les termes : « autres personnes morales de droit public », il faut entendre essentiellement les collectivités territoriales et les entreprises publiques. Or, en application d’une loi du 2 juillet 1986, une entreprise du secteur public est une entreprise dont au moins 51 % du capital social est détenu par l’État, les administrations nationales, régionales ou locales.
Par conséquent, la formule adoptée par la commission n’apporte pas la garantie que les autres actionnaires que l’État seront des personnes morales – des entreprises publiques, notamment – dont le capital est à 100 % public.
Nous sommes donc clairement face à une logique, celle du Gouvernement, bien assisté par le rapporteur, qui consiste à faire le dos rond face aux nombreuses réactions que suscite le texte, en adoptant une position de repli qui permet de faire sauter le verrou que constitue le statut actuel.
Il restera à attendre patiemment une « lucarne de tir » pour proposer un nouveau projet de loi ouvrant le capital de La Poste, à l’instar de ce qui a été fait pour France Télécom et GDF. Cette opportunité est offerte par le second volet du projet de loi, c’est-à-dire la suppression du secteur réservé, en réalité la suppression du monopole résiduel pour la levée, le tri et la distribution des plis de moins de 50 grammes, suppression dont il ne faut pas sous-estimer les conséquences.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. La suppression du monopole, ce n’est pas nous, c’est une obligation !
M. Michel Teston. En effet, le texte actuel, s’il est adopté – y compris avec l’amendement de Bruno Retailleau –, permettra, avec la disparition du monopole, d’élargir le nombre d’opérateurs dans la distribution du courrier. Une autre loi pourra alors faire descendre en dessous de 50 % la part du capital public,…
M. Michel Teston. …et cela sans enfreindre le préambule de la Constitution de 1946, qui prévoit qu’un service public national doit devenir mais aussi rester la propriété de la collectivité.
Un sénateur socialiste. Au contraire, c’est une belle démonstration !
M. Michel Teston. Cette décision sera évidemment politique ! Mais elle pourra s’appuyer, notamment, sur le constat de la nécessité de renforcer à nouveau, à l’avenir, les fonds propres de La Poste.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. Michel Teston. Cette hypothèse est crédible, car le mode de financement retenu pour le fonds de compensation du service universel postal n’est pas suffisant. L’expérience que nous en avons dans le domaine de la téléphonie fixe nous laisse dubitatifs quant à son efficacité. L’opérateur historique supporte l’essentiel du financement, les autres opérateurs contestant bien souvent, y compris par voie judiciaire, la quote-part mise à leur charge par I’ARCEP. Même Pierre Hérisson a récemment qualifié « d’usine à gaz » ce dispositif de financement.
Par ailleurs, l’ouverture totale à la concurrence risque de laminer les résultats de La Poste, du fait que la concurrence ne sera réelle que sur les secteurs d’activité les plus lucratifs.
Qui peut penser que, si une augmentation de capital s’avérait nécessaire, l’État et la Caisse des dépôts et consignations seraient en mesure ou accepteraient d’y consentir ? La Caisse des dépôts a-t-elle d’ailleurs vocation à demeurer très longtemps au capital d’une entreprise ?
M. Roland Courteau. Bonne question !
M. Michel Teston. Il nous sera alors expliqué qu’une « ouverture limitée » du capital est nécessaire…
J’arrête là, tout le monde connaît la suite, on nous a déjà fait le coup avec France Télécom et GDF !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Michel Teston. Pensez seulement, mes chers collègues, aux conséquences en matière de présence postale, de levée et de distribution du courrier. Et qu’en sera-t-il du prix unique du timbre ?
Quels autres risques un changement de statut pourrait-il induire ?
Ils concernent, tout d’abord, le personnel. Avec le basculement de La Poste dans le droit commun, l’emploi de personnels contractuels, qui était une possibilité, devient la règle. En l’absence de convention collective des activités postales, les opérateurs concurrents risquent de pratiquer une politique de dumping social, dangereuse non seulement pour leurs salariés, mais aussi pour ceux de La Poste.
Par ailleurs, le texte ne prévoyant pas de dispositif idoine, les agents de La Poste vont automatiquement basculer du régime complémentaire de retraite de l’IRCANTEC à celui de l’AGIRC-ARRCO, moins favorable aux agents. Et cette évolution remet de surcroît en cause l’équilibre financier de l’IRCANTEC.
Force est de constater que, ces dernières années, les suppressions d’emplois se sont multipliées à La Poste. Nous avons de bonnes raisons de penser que, avec le changement de statut et l’ouverture à la concurrence du secteur postal, leur rythme pourrait s’accélérer. Dès lors, une question se pose : les 2,7 milliards d’euros promis par l’État et la Caisse des dépôts et consignations ne vont-ils pas surtout servir à financer un plan social ?
Par ailleurs, quelle sera l’incidence de ce texte sur le cadre contractuel prévu avec les communes ? Des fonctionnaires territoriaux pourront-ils exercer des missions de service public pour le compte d’une société anonyme ? Quelles seront les réactions des concurrents de La Poste ? Quant aux nouvelles conventions relatives à l’organisation des agences postales communales, ne seront-elles pas soumises à l’obligation d’un appel d’offres, mode normal de choix d’un prestataire en cas de délégation de service public ? Si tel est le cas, nous n’avons aucune garantie que les communes seront systématiquement retenues pour exercer ces délégations.
J’en viens à nos propositions alternatives.
À notre sens, l’avenir de La Poste passe par une bonne identification des besoins des usagers et des territoires auxquels doit répondre le service public postal, par la mise en place d’un financement suffisant et pérenne et par une bonne régulation de son fonctionnement.
Cette analyse nous conduit d’abord à renouveler notre demande d’un référendum sur le service public postal. Messieurs les ministres, il n’y a aucune urgence à se prononcer sur ce texte. La date butoir prévue par la directive postale est fixée non pas au 1er janvier 2010, mais bien au 1er janvier 2011.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Au 31 décembre 2010 !
M. Michel Teston. Il appartient au Gouvernement de préparer un projet de loi organique rendant possible l’organisation d’un tel référendum, de le soumettre au Parlement et, une fois ce texte adopté, d’organiser effectivement le référendum sur le service public postal.
Sur le fond, notre groupe est favorable au maintien du statut d’établissement public à caractère industriel et commercial, personne morale de droit public, dotée d’une autonomie financière et chargée d’exercer, à la place de l’État ou des collectivités locales, mais sous leur contrôle, la gestion d’un service dans un but d’intérêt général. Ce statut nous paraît totalement adapté, y compris au contexte créé par la prochaine ouverture totale à la concurrence du secteur postal. Il n’interdit pas, je le répète, les aides financières de l’État dans certains cas.
Aussi, en attendant que l’État se décide à accompagner l’EPIC La Poste en matière de présence postale et à le soutenir véritablement pour ce qui concerne le transport de la presse, nous vous proposons de prévoir l’alimentation du fonds postal national de péréquation territoriale par tous les prestataires de services postaux et d’en confier la gestion à la Caisse des dépôts et consignations.
Il nous paraît également nécessaire de prolonger le moratoire relatif à l’application de l’accord État–presse–Poste, inadapté dans le contexte actuel.
Il convient, en outre, de mieux définir les critères d’accessibilité aux points de contact, ainsi que les amplitudes horaires d’ouverture au public. Un moratoire sur les suppressions de postes devrait également être mis en place par le groupe.
Un autre moratoire s’impose concernant l’entrée en vigueur de la directive supprimant le secteur réservé. Il vous est proposé, mes chers collègues, de donner un signal fort au Gouvernement à ce sujet. En effet, un certain nombre d’États de l’Union européenne seraient prêts à croiser le fer avec la Commission sur ce point, considérant à juste titre qu’en période de très grave crise financière, économique et sociale il est inopportun de supprimer un mode de financement adapté et efficace du service universel.
La jurisprudence constante de la Cour de justice des communautés européennes – je vous épargnerai la liste des arrêts en cause – donne des arguments en ce sens, en reconnaissant la possibilité, pour les États membres, de conférer à des entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général des droits exclusifs qui peuvent faire obstacle à l’application des règles de la concurrence.
Enfin, quel que soit le sort réservé à ce projet de loi, les associations d’usagers devraient pouvoir siéger au sein des instances décisionnelles de La Poste.