Sommaire
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
Secrétaires :
Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Sylvie Desmarescaux.
2. Dépôt de rapports du Gouvernement
MM. Guy Fischer, le président.
MM. Michel Teston, le président.
4. Organisation et régulation des transports ferroviaires et guidés. – Discussion des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire
Discussion générale : MM. Francis Grignon, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.
Mme Mireille Schurch, MM. Michel Teston, Yvon Collin, Michel Bécot.
Clôture de la discussion générale.
Texte de la commission mixte paritaire
Mme Bernadette Bourzai, M. Bernard Vera, Mme Bariza Khiari, M. Michel Teston, Mme Mireille Schurch.
M. Claude Jeannerot.
M. Serge Lagauche.
5. Souhaits de bienvenue à une délégation de maires maliens
6. Organisation et régulation des transports ferroviaires et guidés. – Suite de la discussion et adoption des conclusions du rapport d’une commission mixte paritaire
Mmes Bariza Khiari, Nicole Bricq, Nicole Borvo Cohen-Seat, Odette Terrade, MM. Bernard Vera, Philippe Dominati.
MM. Michel Teston, le président.
Mme Marie-France Beaufils.
Mmes Isabelle Pasquet, Marie-France Beaufils, M. Martial Bourquin.
M. Michel Teston.
MM. Gérard Le Cam, David Assouline.
M. Roland Courteau.
MM. Gérard Le Cam, Richard Yung.
M. Simon Sutour.
M. Mireille Schurch.
MM. Michel Boutant, Claude Domeizel.
Mme Mireille Schurch.
M. Jean-Jacques Mirassou.
MM. Michel Teston, Jean-Pierre Fourcade, David Assouline, Mme Mireille Schurch.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie.
MM. Guy Fischer, le président.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
8. Entreprise publique La Poste et activités postales. – Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
MM. Gérard Le Cam, Guy Fischer.
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie ; Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
M. Michel Teston.
M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l’économie.
MM. Hervé Maurey, Michel Teston, Jean-Pierre Plancade, Bruno Retailleau, Jean-Claude Danglot, Jackie Pierre, Daniel Dubois, Jean-Jacques Mirassou, Robert Tropeano.
Renvoi de la suite de la discussion.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie
9. Retrait d'une proposition de loi
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaires :
Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
Mme Sylvie Desmarescaux.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt de rapports du Gouvernement
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l’état semestriel des sommes restant dues par l’État aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale au 31 décembre 2008 actualisé au 30 juin 2009, établi en application de l’article L.O. 111-10-1 du code de la sécurité sociale, et le rapport relatif à l’échéancier de déploiement d’une déclaration sociale nominative permettant de simplifier la gestion du revenu de solidarité active, établi en application de l’article 9 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Ces documents ont été transmis à la commission des affaires sociales et seront disponibles au bureau de la distribution.
3
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon intervention, qui se fonde sur l’article 36 de notre règlement, a trait à la procédure parlementaire et, plus précisément, à la mise en œuvre de la procédure accélérée, auparavant dénommée « procédure d’urgence ».
Depuis plusieurs années, nous assistons à la multiplication du nombre de projets de loi pour lesquels le Gouvernement engage cette procédure, supprimant ainsi la navette parlementaire et, de fait, empêchant l’une des deux assemblées de se saisir pleinement d’un texte modifié par l’autre.
Depuis l’application de la révision constitutionnelle votée en 2008 et présentée, de manière peu objective, comme devant renforcer les droits du Parlement, on constate une banalisation de la procédure accélérée. Rares sont maintenant les textes examinés suivant le jeu normal de la navette parlementaire. Désormais, après une seule lecture dans chaque assemblée, le texte est examiné par une commission mixte paritaire dans la discrétion la plus grande et les conclusions du rapport de cette commission mixte paritaire sont finalement adoptées, à ce stade sans droit d’amendement pour les parlementaires.
Nous avons toujours contesté le recours à la procédure d’urgence, mais sa banalisation sous la forme nouvelle de la procédure accélérée est dangereuse pour la démocratie. Les parlementaires tentent de s’y adapter en défendant, en commission mixte paritaire, des amendements, qui n’en ont d’ailleurs pas la nature sur le plan constitutionnel, puisqu’ils ne sont pas rendus publics.
Le projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports, que nous nous apprêtons à examiner, permet de bien comprendre l’absurdité de cette forme de discussion.
En effet, l’Assemblée nationale a ajouté plus de quinze articles au texte adopté par le Sénat. Des dispositions très importantes concernant le STIF, le syndicat des transports d’Île-de-France, ou le fret ferroviaire n’ont donc pas été examinées par le Sénat, ni en commission ni en séance publique. Il s’agit là d’un déni de démocratie évident.
Est-il acceptable qu’un sénateur d’Île-de-France n’ait pas eu le loisir d’examiner une telle disposition, encore moins de l’amender à ce stade du débat, alors même qu’il siège au sein d’une assemblée censée, aux termes de la Constitution, représenter les collectivités territoriales ?
Sur des questions aussi importantes pour l’avenir du transport de milliers de personnes, il n’est pas possible de se contenter des débats feutrés, souvent expéditifs, qui ont lieu en commission mixte paritaire.
Concernant le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales, quelle importance accorder aux amendements que je qualifierai d’« écran de fumée » déposés par M. Hérisson (M. Nicolas About s’exclame) et visant, selon lui, et lui seul, à garantir le caractère public de l’entreprise, puisque le Sénat ne sera pas saisi du texte modifié par la large majorité UMP de l’Assemblée nationale ? Le Sénat ne pourra donc pas examiner les dispositions adoptées par les députés relatives au « joyau national » évoqué par M. Hérisson.
Monsieur le président, je vous demande solennellement d’intervenir fermement et fortement, au nom de notre assemblée, auprès du Gouvernement et, s’il le faut, auprès de M. Sarkozy, qui en est, apparemment, le chef – vous avez tous les pouvoirs et toute l’influence nécessaires ! –, pour que les droits élémentaires mais essentiels des parlementaires, qu’ils soient de l’opposition ou de la majorité, soient respectés, et non plus bafoués ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Je transmettrai à M. le président du Sénat l’intégralité de votre intervention.
Cela étant, j’avais cru comprendre que M. le président du Sénat avait déjà fermement demandé au Gouvernement de ne pas engager la procédure accélérée sur la réforme des territoires.
La parole est à M. Michel Teston, pour un rappel au règlement.
M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souscris totalement aux remarques qui viennent d’être formulées par notre collègue Guy Fischer ; j’aurai d’ailleurs l’occasion d’y revenir lors de l’examen du texte relatif à La Poste et aux activités postales, et, vraisemblablement, ultérieurement encore, au cours d’autres débats qui ne manqueront pas d’occuper notre assemblée.
Mon rappel au règlement concerne les conditions dans lesquelles nous allons précisément examiner le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Le Gouvernement a fait deux choix : d’une part, celui de recourir à la procédure accélérée, d’autre part, celui de concentrer les débats sur une seule semaine. Une telle organisation s’apparente à celle qui prévaut lors des sessions extraordinaires, alors que nous sommes en session ordinaire !
De ce fait, pour examiner les amendements, nous sommes invités à participer aux réunions de la commission de l’économie à chaque suspension de la séance plénière. Que diable, pourquoi une telle urgence ?
J’ai regardé de près la troisième directive postale, aux termes de laquelle le secteur réservé, c’est-à-dire le monopole résiduel des postes nationales pour la levée, le tri et la distribution des plis de moins de cinquante grammes, est supprimé au 1er janvier 2011. On peut être d’accord ou pas avec cette directive – pour ce qui nous concerne, nous sommes contre ! –, toujours est-il que la date butoir est fixée au 1er janvier 2011. Nous avons donc plus d’un an devant nous pour examiner toutes les questions relatives à l’ouverture à la concurrence du secteur postal !
Il nous semble que le Gouvernement pourrait utilement mettre ce délai à profit pour présenter un projet de loi organique afin de rendre applicable l’article 11 révisé de la Constitution. Une fois ce texte adopté par Parlement - je pense qu’il le serait -, et si les conditions fixées par l’article 11 révisé étaient réunies, il appartiendrait au Gouvernement d’organiser un référendum.
Nous souhaitons donc ne pas examiner maintenant ce projet de loi sur La Poste, mais mettre à profit le délai qui nous sépare du 1er janvier 2011 pour permettre au peuple français de se prononcer sur le fait de savoir s’il faut changer le statut de La Poste, d’autant que, comme nous avons cru le comprendre à l’issue de la récente votation citoyenne, tel n’est pas son avis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.- M. Robert Tropeano applaudit également.)
M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
4
Organisation et régulation des transports ferroviaires et guidés
Discussion des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports (n° 68).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme d’un long processus législatif qui a débuté pour le Sénat en octobre 2008. Les débats en séance publique se sont ensuite déroulés les 19 février et 9 mars 2009 ; l'Assemblée nationale a, quant à elle, examiné ce texte en septembre dernier.
La commission mixte paritaire s’est réunie mardi dernier à l’Assemblée nationale, et j’ai aujourd’hui l’honneur, et le plaisir, de vous présenter les principales conclusions de ses travaux.
Avant toute chose, cependant, permettez-moi de remercier M. le président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, notre collège Jean-Paul Emorine, ainsi que Christian Jacob, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, qui a présidé les travaux de la commission mixte paritaire. Je tiens également à féliciter M. Yanick Paternotte, rapporteur pour l’Assemblée nationale, dont les préoccupations en matière de développement du fret ferroviaire rejoignent celles du Sénat.
Le Sénat aura d’ailleurs l’occasion d’examiner en détail la problématique du fret, puisqu’un groupe de travail constitué au sein de la commission de l’économie devra remettre un rapport sur ce sujet vraisemblablement au cours du printemps prochain.
Mes chers collègues, le travail parlementaire a permis d’enrichir ce texte de manière substantielle, puisque, de vingt-cinq articles à l’origine, le projet de loi est passé à cinquante-trois articles, et ce avec la procédure d’urgence !
Rappelons brièvement les quatre grands axes du texte.
Premier axe, il s’agit de mettre la France en conformité avec les dispositions des premier et troisième paquets ferroviaires.
Parmi les mesures prévues figure l’autorisation du cabotage international de voyageurs à partir du 13 décembre 2009. Autrement dit, toute entreprise ferroviaire qui exploite des services de transport international de voyageurs pourra, si elle le souhaite, après cette date, assurer des dessertes intérieures en France, à la condition expresse que l’objet principal du service soit le transport de voyageurs entre des gares situées dans des États membres différents de l’Union européenne et que cette activité ne porte pas atteinte à l’équilibre économique d’un contrat de service public.
Il s’agit d’un point important, et l'Assemblée nationale comme le Sénat ont bien sûr interprété l’expression « objet principal de service », comme devant correspondre à 75 % ou 80 % de l’activité de l’entreprise et non pas, comme certains puristes le voudraient, 50,001 % !
Deuxième axe, il convient d’instituer une autorité de régulation des activités ferroviaires qui sera, en quelque sorte, le « gendarme » du réseau ferroviaire national.
Afin d’organiser la concurrence entre les entreprises de fret ferroviaire et, demain, entre les entreprises de transport de voyageurs, il était en effet indispensable de créer une autorité indépendante qui veille à ce que l’accès aux capacités d’infrastructure sur le réseau soit accordé de manière équitable et non discriminatoire.
La future autorité de régulation des activités ferroviaires, l’ARAF, sera – c’est important ! –également chargée de donner un avis conforme sur les péages qui constituent la rémunération de Réseau ferré de France, RFF.
Concernant l’avis motivé de la Commission européenne adressé à notre pays voilà quelques semaines, nous avons eu ici même, le jeudi 22 octobre, un débat sur ce sujet avec la commission des affaires européennes et le secrétaire d'État chargé des transports, M. Dominique Bussereau. Je crois pouvoir dire que les dispositions du présent projet de loi répondent très largement aux préoccupations de la Commission.
Troisième axe, le texte regroupe diverses mesures relatives à la route.
D’abord, il s’agit d’aménager le régime juridique de certaines concessions routières relatives, entre autres, au tunnel du Mont-Blanc.
Ensuite, justement sur le modèle du cabotage international de voyageurs par train, le texte permet aux poids lourds internationaux de marchandises d’effectuer, sous de strictes conditions, des prestations sur le territoire français. Naturellement, l’État devra mettre en œuvre tous les moyens de contrôle dont il dispose pour s’assurer que cette mesure ne crée pas une concurrence déloyale pour les transporteurs de notre pays. À cet effet, il a été suggéré des carnets de route à souches avec des numéros bien identifiés ; nous verrons...
Quatrième et dernier axe, le texte traite de l’aviation civile, avec plusieurs objectifs.
Il redéfinit ainsi la mission d’équipage, la durée et le régime de travail du personnel navigant de l’aéronautique civile.
En outre, il modifie les règles de représentativité syndicale des personnels navigants techniques, afin de tirer les conséquences de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.
Sur ces questions essentielles, j’ai la faiblesse de penser que le Parlement a trouvé la voie du consensus entre les principales organisations syndicales représentatives.
Voilà, brièvement rappelée, la philosophie de ce projet de loi.
La commission mixte paritaire n’a finalement apporté que deux modifications, essentiellement rédactionnelles, au texte issu des débats de l’Assemblée nationale. L’une, à l’article 23 septies, relatif aux contrats de transports de déménagement, l’autre, à l’article 26 bis, relative au volume de protection environnementale.
Si le texte d’aujourd’hui s’éloigne peu de celui qui avait été élaboré par les députés, c’est principalement parce que nos collègues de l’Assemblée nationale n’ont pas remis en cause les principaux apports du Sénat et que les dispositions qu’ils ont ajoutées étaient pertinentes et bienvenues.
Pour conclure, j’aimerais évoquer un article qui n’a pas été remis en cause en commission mixte paritaire : l’article 2 bis A (Mme Nicole Bricq s’exclame) relatif à la Régie autonome des transports parisiens et au Syndicat des transports d’Île-de-France,...
Mme Nicole Bricq. Il nous intéresse particulièrement !
M. Francis Grignon, rapporteur. … un article introduit à l’Assemblée nationale par voie d’amendement gouvernemental…
Mme Nicole Bricq. Un amendement scélérat !
M. Francis Grignon, rapporteur. … qui a suscité bien des interrogations.
Au préalable, je dois avouer qu’il eût été préférable d’examiner ces dispositions très importantes au mois de février dernier, au Sénat,…
Mme Nicole Bricq. Ah, quand même !
M. Francis Grignon, rapporteur. … plutôt que de les découvrir en commission mixte paritaire.
Mme Nicole Bricq. C’est scandaleux !
M. Yvon Collin. On l’a souvent dit !
M. Francis Grignon, rapporteur. Je souhaite que le Gouvernement, à l’avenir, s’attache autant que possible à anticiper les transpositions des directives et la bonne application des règlements communautaires.
J’en viens maintenant au fond.
Je tiens à déclarer très clairement que les choix retenus sont tout à fait justifiés et que les inquiétudes et les craintes exprimées ici et là sont infondées.
Quel est, finalement, l’objet de cet article? Il est double.
D’une part, il s’agit d’aménager intelligemment la fin du monopole des opérateurs historiques dans le domaine du transport public urbain en Île-de-France. Ainsi, les contrats en cours conclus avec les entreprises de transport par bus se poursuivront pendant encore quinze ans au plus à compter de l’entrée en vigueur de la loi, cette période étant portée à vingt ans pour le tramway et à trente ans pour le métro et le RER exploités par la RATP.
Je précise, à cette occasion, que tous les projets de construction de nouvelles lignes seront soumis à des appels d’offres ouverts à la concurrence, ce qui fera de Paris l’une des villes les plus concurrentielles en Europe sur cette question.
D’autre part, il s’agit de répartir les actifs entre la RATP et le STIF. En contrepartie du transfert du matériel roulant de la RATP vers le STIF, …
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas une contrepartie !
M. Francis Grignon, rapporteur. … la Régie se voit confier la mission de gérer l’ensemble du réseau d’infrastructures de transport francilien. Cet échange équilibré est tout à fait pertinent, car il garantit l’unité de gestion de ce réseau et protège la capacité d’emprunt du STIF sur les marchés financiers.
Voilà, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les éléments que je souhaitais mettre en exergue.
En définitive, la commission mixte paritaire a élaboré un texte équilibré dans lequel sont pleinement pris en compte les souhaits du Gouvernement ainsi que les préoccupations des députés et des sénateurs. C’est pourquoi, mes chers collègues, je ne peux que vous inviter à le voter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à excuser mon collègue Dominique Bussereau, qui n’a pu être présent aujourd’hui. Il représente en effet la France en Syrie, où il défend les intérêts de notre pays pour la réalisation du métro de Damas et pour le port de Lattaquié.
Nous voilà arrivés au terme de notre parcours législatif sur le projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports.
En premier lieu, je tiens à vous remercier pour le travail approfondi qui a été fourni par la Haute Assemblée, plus particulièrement par la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, son président, Jean-Paul Emorine, et son excellent rapporteur, Francis Grignon.
Cette future loi restera une étape importante dans le domaine des transports. En effet, elle traite des transports ferroviaires et guidés, des transports urbains, des transports routiers, des transports aériens et de l’École nationale supérieure maritime. Il n’y manque que le mode fluvial.
Elle permettra de transposer dans la législation française plusieurs directives et règlements européens, notamment le troisième paquet ferroviaire évoqué par M. le rapporteur. Grâce à elle, la France va se mettre en conformité avec les exigences européennes, comme vous l’a expliqué Dominique Bussereau le 22 octobre dernier, ici même.
Qu’apportera cette future loi ?
D’abord, elle permettra la poursuite du processus d’ouverture progressive à la concurrence des transports. Commencée voilà quelques décennies sous l’impulsion de l’Union européenne, cette ouverture a d’abord concerné le transport routier puis le transport aérien ; elle s’exerce dans le domaine ferroviaire de marchandises depuis le 31 mars 2006.
Il ne s’agit pas de se cacher derrière l’Union européenne, qui nous imposerait une concurrence que nous serions contraints de subir. Je crois profondément aux avantages de la concurrence pour le développement des transports : elle profitera à ses clients, les chargeurs comme les voyageurs.
De fait – qui peut le nier ? –, c’est grâce à la concurrence que le transport aérien est devenu accessible à tous et qu’il n’est plus réservé à une clientèle d’affaires. La concurrence a incité les compagnies aériennes à trouver des modes d’exploitation plus efficaces, comme les hubs, qui offrent aux clients un maximum de destinations à choisir ; elle les a aussi amenées à innover avec le modèle low cost.
De la même manière, le transport ferroviaire de fret a bénéficié de l’ouverture à la concurrence avant, bien évidemment, que la crise économique ne vienne brutalement le frapper. En Allemagne, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, la concurrence dans le transport de marchandises a entraîné une hausse sensible des trafics.
Aujourd’hui, en France, sept entreprises ferroviaires autres que la SNCF circulent sur notre réseau ferré national. Leur part de marché s’est déjà sensiblement développée, puisqu’elle est passée de 5 % environ en 2007 à près de 10 % en 2008, pour même atteindre 13,4 % en juillet dernier.
La loi précisera donc les modalités d’ouverture à la concurrence des services ferroviaires internationaux de voyageurs à compter du 13 décembre prochain et des transports collectifs urbains en Île-de-France à compter du 3 décembre prochain.
Permettez-moi de m’arrêter quelques instants sur cette dernière disposition que les circonstances n’ont pas permis d’examiner ici. Je souhaite en clarifier la portée exacte.
Cet article a pour objet de préparer l’ouverture à la concurrence des transports urbains dans la région d’Île-de-France, ouverture imposée par la réglementation européenne à compter du 3 décembre 2009, c’est-à-dire dans un mois. Il ne concerne ni le réseau RFF, ni la SNCF. Il se borne à transcrire, pour l’Île-de-France, une situation qui existe dans toutes les agglomérations françaises.
Le choix du Gouvernement est une ouverture équilibrée dans l’intérêt des usagers, avec la mise en concurrence pour les nouveaux services institués à compter du 3 décembre 2009 et une ouverture progressive sur les services existants – les bus, dans quinze ans, les tramways, dans vingt ans et les métros, dans trente ans –, cela afin de ne pas désorganiser les services en place de la RATP.
Par ailleurs, le Gouvernement confie à la RATP la responsabilité de la gestion des infrastructures. C’est une évidence que la RATP doit avoir cette gestion pour des raisons de cohérence et de sécurité, parce que nous croyons, nous, au service public du transport en région d’Île-de-France.
Mme Nicole Bricq. Parce que nous, nous n’y croyons pas ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Cet article ne spolie nullement le STIF de ses actifs. Il assure une répartition des biens qui donne au STIF les moyens concrets de mettre en concurrence de futurs exploitants et à la RATP les moyens de jouer pleinement son rôle de gestionnaire de l’infrastructure.
Mme Nicole Bricq. Il faut dire merci, en plus !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le STIF devient propriétaire du matériel roulant, actuellement propriété de la RATP, et la RATP devient propriétaire de toute l’infrastructure, sachant qu’aujourd’hui elle en est déjà propriétaire de la moitié.
Cet échange de biens, qui se fait dans les deux sens, est équilibré. (Mme Nicole Bricq le conteste.)
Cet article donne ainsi au STIF la capacité de confier l’exploitation des nouvelles lignes et, à terme, des lignes existantes après mise en concurrence, et de jouer pleinement son rôle d’autorité organisatrice.
Certains auraient aimé aller plus loin et ouvrir à la concurrence les transports ferroviaires régionaux de voyageurs.
M. Guy Fischer. Il ne manquerait plus que cela !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Dominique Bussereau a dit à plusieurs reprises qu’il y était favorable. Le comité des parties prenantes, présidé par M. Francis Grignon, doit en préciser les modalités pratiques concernant les personnels, les matériels roulants et les services en gare, modalités qui présideront à une future expérimentation.
Nous devons veiller à ce que la concurrence dans les transports s’effectue dans des conditions équilibrées, loyales et parfaitement transparentes, grâce à des dispositifs de régulation efficaces.
Je voudrais notamment insister sur deux points.
Premièrement, pour ce qui est du secteur ferroviaire, les deux mesures phare de ce texte sont, bien entendu, la création d’une autorité indépendante de régulation ferroviaire et la création, au sein de la SNCF, d’une direction de l’exploitation. Ce service spécialisé, séparé du reste de l’entreprise, aura pour mission de gérer le trafic et la circulation sur le réseau ferroviaire national.
Le Parlement a également insisté sur la neutralité de la gestion des gares pour une bonne concurrence. La création d’une direction des gares au sein de la SNCF va dans ce sens.
Vous avez également souhaité un rapport du Gouvernement sur un éventuel transfert des gares fret à RFF. Bien entendu, le Gouvernement mènera les travaux nécessaires à la remise de ce rapport. Il ne juge toutefois pas opportun de décider un tel transfert au moment où, avec l’ensemble des opérateurs, au premier rang desquels Fret SNCF, il engage un grand plan de redynamisation du fret.
Deuxièmement, pour ce qui concerne le transport routier de marchandises, l’encadrement du cabotage permettra à la profession d’envisager la concurrence européenne avec plus de sérénité. La future loi prévoit également des dispositions permettant de mieux contrôler le respect de la réglementation de ce secteur.
Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à souligner que l’élaboration de ce texte a donné lieu à une concertation particulièrement riche et fructueuse. Je salue à nouveau le travail réalisé par votre rapporteur, qui a su être à l’écoute de tous les acteurs pour aboutir à une solution équilibrée et consensuelle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Nicolas About applaudit également.)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, près d’une année après l’examen par la Haute Assemblée de ce texte qui avait fait l’objet d’une déclaration d’urgence, nous voici réunis pour l’adopter dans sa forme définitive, à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire.
La déclaration d’urgence pour le projet de loi qui nous intéresse aujourd’hui visait plus à priver les assemblées d’une seconde lecture qu’à accélérer le processus législatif, qui a été bien long. Nous déplorons cette nouvelle pratique, qui prive les parlementaires de leurs prérogatives. De plus, une seconde lecture aurait été utile au regard des nombreuses évolutions du texte. Je pense notamment à l’introduction d’un titre entier dans le projet de loi.
Pourtant, sur le fond, la philosophie de ce texte reste la même : il s’agit d’ouvrir à la concurrence non seulement les transports ferrés internationaux de voyageurs, mais aussi, à la suite de l’adoption de nombreux amendements déposés par le Gouvernement, les transports routiers de voyageurs.
Pour notre part, nous continuons de penser que, avant toute nouvelle déréglementation, un bilan des libéralisations aurait dû être réalisé, afin d’étudier les conséquences concrètes en matière d’environnement, d’emploi et de service public des politiques européennes, qui font de la concurrence libre et non faussée l’alpha et l’oméga de toute politique publique.
En effet, depuis maintenant des décennies, les institutions européennes, au sein desquelles le Gouvernement intervient, s’acharnent mécaniquement à prôner le démantèlement des services publics nationaux au nom de la modernité et de l’efficacité. C’est vrai pour le rail en général, c’est vrai pour le fret en particulier, mais c’est vrai aussi pour La Poste, comme nous le verrons tout à l’heure.
Mais que constate-t-on ? L’ouverture à la concurrence aura eu pour seul effet de permettre désormais à des opérateurs privés de réaliser des bénéfices dans des secteurs auparavant réservés à l’intervention de la seule puissance publique. Pour les usagers, c’est la double peine : les tarifs augmentent et les services rendus se détériorent !
Objet de la première directive de libéralisation, le fret ferroviaire n’a cessé de décliner depuis son ouverture à la concurrence. À la politique de volume impulsée par le ministre des transports Jean-Claude Gayssot, ce gouvernement a substitué une politique de rentabilité économique, favorisant les autoroutes ferroviaires et abandonnant l’activité de wagon isolé.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Mireille Schurch. Pourtant, ces autoroutes n’ont de sens que si l’on renforce parallèlement l’activité de wagon isolé. Cette nouvelle politique de compétitivité au sein même du fret a laissé des territoires entiers et de nombreuses PME sans solutions ; en tant qu’élue du Massif central, je peux en témoigner.
L’activité de fret a été filialisée, ce qui interdit toute péréquation, au sein de la SNCF, entre activités rentables et non rentables. Les annonces récentes du Gouvernement et de la direction de la SNCF sont tronquées, puisque le plan « Fret d’avenir », au lieu de permettre un essor du fret, entérine l’abandon pur et simple du wagon isolé.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Mireille Schurch. Ces décisions sont toujours prises au mépris des impératifs d’aménagement du territoire et du développement économique, notamment des PME.
M. David Assouline. C’est vrai !
Mme Mireille Schurch. Ainsi, malgré les déclarations d’intention du Gouvernement lors du Grenelle de l’environnement, les actes ne suivent pas, ce projet de loi étant profondément anti-écologique.
Certes, un conseil de développement durable du réseau ferré national est créé par cette loi – il ne comprendra aucun parlementaire, je le souligne -, mais le Gouvernement refuse toujours de reconnaître que l’activité de wagon isolé relève de l’intérêt général. Sacrifier cette activité, c’est pourtant mettre sur les routes des millions de camions supplémentaires !
L’idée que tout ce qui n’est pas rentable doit être abandonné n’est ni moderne ni écologique, contrairement à ce que vous voudriez nous faire croire. L’impératif de rentabilité économique est inopérant si l’on considère l’intérêt général et la satisfaction des besoins du plus grand nombre.
La première responsabilité de l’État, c’est d’être le garant de l’intérêt général et non pas, comme j’ai pu l’entendre lors des débats qui se sont déroulés à l’Assemblée nationale, de « veiller au développement, sans discrimination, de la concurrence ». Le marché, nous le savons, ne se laisse pas réguler !
À ce titre, nous déplorons que ce texte, par le biais des opérateurs de proximité, remette en cause l’unicité du réseau national, en autorisant RFF, à l’article 2, à se débarrasser d’une partie de son réseau, jugée non rentable, alors même que l’article 2 bis prévoit de lui confier la responsabilité des gares de fret.
La modernité, ce n’est donc pas laisser agir la main invisible du marché, ou plutôt, en l’occurrence, laisser l’ARAF réglementer l’activité des transports. Être moderne, c’est aussi investir pour moderniser les transports publics et les infrastructures, afin d’améliorer leur efficacité et leur fiabilité. C’est également mailler le territoire, en s’appuyant sur le réseau existant et en le fortifiant.
M. Jacky Le Menn. Très bien !
Mme Mireille Schurch. La région d’Île-de-France, par le biais du STIF, a contribué à développer l’offre de transport sur son territoire, au prix d’investissements massifs. Cela vous est insupportable. Vous faites donc le choix, au détour d’un amendement plus que contestable tant sur la forme que sur le fond, de transférer purement et simplement son patrimoine à la RATP.
Au-delà de l’expression d’une volonté inébranlable de remettre la main sur les transports en Île-de-France - voire sur le conseil régional, nous l’avons bien compris -, cet amendement pose un problème de fond. Vous nous martelez sans cesse que Bruxelles interdit les aides d’État, justifiant d’ailleurs ainsi l’ouverture du capital de La Poste, mais, parallèlement, et de façon très surprenante, vous offrez gratuitement à la RATP un patrimoine gigantesque, de plusieurs milliards. Ce double discours est difficile à comprendre !
Ce fameux amendement introduit également un calendrier fixant l’ouverture à la concurrence des métros en 2039, c'est-à-dire dans trente ans ! Que traduit-il donc, sinon votre volonté de faire dire au règlement relatif aux obligations de service public, dit règlement OSP, ce qu’il ne dit pas ? En effet, ce règlement n’impose pas l’ouverture à la concurrence des transports régionaux et urbains, il encadre simplement les formes choisies par les autorités organisatrices.
Comment ne pas faire le lien avec ce que proposait en première lecture notre collègue Hubert Haenel pour les TER, sachant que le député Hervé Mariton souhaitait un échéancier pour leur ouverture à la concurrence ? M. Apparu vient de le rappeler, M. le secrétaire d’État chargé des transports y est favorable.
À cet égard, je vous le rappelle, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, en réponse à une question orale, affirmait que l’objet du règlement OSP n’était pas d’anticiper l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires intérieurs.
Vous n’avez à la bouche que la « concurrence libre et non faussée », et ce alors même que tous les indicateurs sont au rouge, témoignant ainsi de l’échec du modèle économique libéral. Les conséquences sociales du règne du Marché, que subissent aujourd’hui de plein fouet nos concitoyens, rendent nécessaire et urgente une prise de conscience des erreurs commises, non pas l’accélération de vos réformes.
Dans votre logique, vous créez l’ARAF, nouveau « gendarme » du transport ferroviaire, pour accompagner l’ouverture à la concurrence. Les pouvoirs qui lui sont confiés sont importants, afin de garantir que l’arrivée des nouveaux entrants se fera dans des conditions favorables.
Les autorités de régulation dites indépendantes sont le nouveau modèle de la puissance publique pour garantir transparence et indépendance.
Or la transparence, monsieur le secrétaire d’État, vous l’obtiendrez non pas en permettant à l’État de se désengager et de se défausser de ses responsabilités, mais, bien au contraire, en garantissant des espaces de démocratie. Or vous en êtes très loin ! En effet, vous réduisez massivement le nombre des élus avec la réforme des collectivités territoriales, vous muselez le Parlement par les nouveaux règlements des assemblées, vous supprimez autoritairement la taxe professionnelle… La liste est longue !
La nouvelle autorité disposerait d’un pouvoir réglementaire et d’un pouvoir de sanction.
En ce qui concerne le pouvoir réglementaire, il s’agit d’un pouvoir par délégation, mais, en l’absence de précision de la part de M. le secrétaire d’État, l’homologation est réputée acquise. Sur la forme, c’est une grave atteinte au principe de constitutionnalité du pouvoir réglementaire. Sur le fond, nous estimons que la concentration de ces pouvoirs entre les mains de personnalités qui ne seront pas comptables de leurs actes est absolument scandaleuse.
Par ailleurs, nous renouvelons notre opposition à la prééminence accordée à l’ARAF sur l’EPSF, l’Établissement public de sécurité ferroviaire, réaffirmée à l’article 9 de ce projet de loi, qui indique que le respect des règles de sécurité ne saurait avoir pour effet d’entraver le bon fonctionnement du marché concurrentiel.
Nous continuons de penser que la sécurité ne peut être sacrifiée sur l’autel de la rentabilité économique.
Les débats ont aussi permis d’intégrer dans ce texte, d’une part, la création, au sein de la SNCF, d’une nouvelle direction regroupant les 14 000 agents travaillant pour le compte de RFF et, d’autre part, une gestion spécifique des gares au sein des comptes de la SNCF, alors qu’aucune directive communautaire ne l’impose.
Ce zèle du gouvernement français est encore plus inexplicable au moment où chacun s’accorde à penser que l’existence, dans notre pays, de services publics a permis d’amortir la crise économique que nous traversons.
Pourtant, la logique de votre politique reste toujours la même. Dans un secteur aussi stratégique que celui des transports, on aboutit ainsi au schéma suivant : les collectivités financent, sur leur territoire, les services non rentables, sous peine de les voir supprimés, tandis que, parallèlement, les axes rentables sont ouverts à la concurrence et les partenariats public-privé développés, pour permettre aux géants de l’immobilier de réaliser des profits colossaux.
Quant à l’État, il se désengage. L’aide au transport combiné ne cesse de décroître, passant de 90 millions d’euros en 2002 à 35 millions d’euros en 2009. Les subventions à l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, ont diminué de 220 millions d’euros.
La révolution verte prônée par M. Borloo dans cette assemblée pour introduire les débats sur le Grenelle de l’environnement ne sera donc pas au rendez-vous en 2010. À ce titre, la reprise de la dette de RFF n’est toujours pas à l’ordre du jour, même si je me félicite que ce texte prévoie la remise d’un rapport sur cette question au Parlement avant la fin de l’année 2009. Je ne peux qu’inciter le Gouvernement à agir rapidement en ce domaine, car il y a urgence.
Au final, vous l’aurez bien compris, chers collègues, les sénateurs et sénatrices du groupe CRC-SPG ne pourront voter ce texte, qui, conformément à une logique récurrente, démantèle le service public ferroviaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, au début des années quatre-vingt-dix, pour tenter d’enrayer le déclin du mode de transport ferroviaire par rapport au mode de transport routier, l’Union européenne adoptait un texte de base, la directive 91/440, puis, successivement, plusieurs directives constituant trois paquets ferroviaires relatifs aux infrastructures et à l’ouverture à la concurrence du fret puis au transport international de voyageurs.
La transcription en droit français d’une partie de ces directives est déjà intervenue. Ainsi, pour la séparation de la gestion de l’infrastructure ferroviaire de celle de l’exploitation des services de transport, la France, en créant RFF, est même allée plus loin que la seule séparation comptable exigée par l’Union européenne.
Un établissement public de sécurité ferroviaire a été créé. Des spécifications techniques communes ont été mises en œuvre en matière de signalisation et pour la construction de matériels moteurs susceptibles de capter plusieurs types de courant électrique.
Enfin, le monopole de la SNCF sur le service intérieur de marchandises a été supprimé le 1er janvier 2006.
Il reste à transposer une série de dispositions du troisième paquet ferroviaire, ainsi qu’une partie d’une directive relevant du premier paquet.
Tel est l’objet de ce projet de loi, qui prévoit d’abord l’ouverture à la concurrence des services internationaux de transport de voyageurs à compter du 13 décembre 2009, ainsi que la possibilité, sous certaines conditions, de prendre et de déposer des voyageurs dans les gares françaises situées sur le trajet d’un service international.
En revanche, le texte ne prévoit pas l’ouverture à la concurrence des services régionaux de transport de voyageurs, celle-ci ne s’imposant ni aux termes d’une quelconque directive européenne, ni aux termes du règlement relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, dit « règlement OSP ».
Le projet de loi vise aussi à créer les conditions du développement des opérateurs ferroviaires de proximité, ce qui se traduit notamment par la fin du monopole de la SNCF pour l’entretien des lignes à faible trafic, réservées au transport de marchandises.
Il prévoit en outre la création d’une autorité administrative indépendante chargée de la régulation, c’est-à-dire chargée de garantir aux opérateurs un accès aux réseaux équitable et non discriminatoire.
Les titres IV et V du projet de loi contiennent des dispositions relatives à des concessions routières et aux conditions de travail des personnels navigants de l’aviation civile.
Je rappelle que, le 9 mars dernier, le groupe socialiste a voté contre ce texte.
En effet, si quelques-uns de nos amendements ont été adoptés, et quelques-uns seulement – la certification des conducteurs de trains, la réintégration, dans la loi d’orientation des transports intérieurs, de l’expression « service public de transport ferroviaire », ou encore l’affirmation du rôle de RFF comme gestionnaire du réseau ferré national –, aucune avancée réelle n’a été enregistrée sur la question, essentielle, des relations entre RFF et la SNCF.
Pourtant, alors que l’endettement de RFF est identifié comme étant la principale difficulté en matière d’investissement ferroviaire, le texte ne prévoit aucune solution permettant le remboursement progressif de cette dette.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Michel Teston. Pourquoi ne pas avoir profité de ce texte pour réaliser la nécessaire clarification des relations entre RFF et la SNCF et pour revenir sur ce que nombre d’observateurs considèrent comme le « raté » de la loi du 13 février 1997 ?
M. Jacky Le Menn. C’est sûr !
M. David Assouline. C’est évident !
M. Michel Teston. En effet, principalement préoccupé par la question de la dette ferroviaire, qui risquait de léser la France dans la perspective du respect des critères de Maastricht, le législateur français avait alors négligé la logique élémentaire.
Il en est résulté une véritable « usine à gaz », dans la mesure où RFF se trouve contraint par la loi de déléguer l’essentiel de ses missions à la SNCF, qui est, par ailleurs, un opérateur ferroviaire théoriquement à égalité avec les autres. Dans les faits, l’indépendance est certes « bruxello-compatible », mais elle n’est pas réelle, puisque des relations commerciales contraintes, qui ne manquent pas d’interpeller, lient les deux entités.
Dans son rapport sur l’organisation ferroviaire, notre collègue Hubert Haenel parle même d’un « constat de carence de l’État en matière de gouvernance et de financement du système ferroviaire ». D’autres rapports apportent leur pierre au diagnostic posé - l’extraordinaire complexité du système français – et parfois avancent des pistes de solutions. Ainsi, la Cour des comptes dans son rapport d’avril 2008 intitulé Le réseau ferroviaire, une réforme inachevée, une stratégie incertaine, et Hervé Mariton, dans le rapport d’information n° 875 publié en mai 2008, dont la première partie s’intitule : « Les péages ferroviaires : pour quoi faire ? », s’accordent sur les mêmes constats : l’urgence est à l’adoption de dispositions de simplification et au remboursement de la dette de RFF.
À l’instar de ce qui a été fait en Allemagne, en Autriche et en Italie, la meilleure solution consisterait, pour nous, à créer une structure au sein de laquelle le gestionnaire du réseau serait une filiale de la SNCF.
Cette organisation, qui semble fonctionner correctement dans les pays que j’ai cités, suppose cependant que l’État reprenne la dette de RFF, qui s’élève à près de 28 milliards d’euros aujourd'hui. À défaut, celle-ci apparaîtrait dans les comptes consolidés de l’ensemble, ce qui aurait de lourdes conséquences tant pour RFF que pour la SNCF, et ce dans un contexte caractérisé par la concurrence.
Cela m’amène à la principale critique formulée par notre groupe sur ce texte.
Nous considérons que ce projet de loi, tout comme la directive qu’il a pour objet de transposer, est inspiré par l’idée selon laquelle il n’y a pas de salut pour les services internationaux de transport de voyageurs en dehors de la concurrence. Comme si la qualité du service ou encore la productivité étaient systématiquement liées à l’ouverture à la concurrence ! Qui peut le croire ?
M. Jean-Jacques Mirassou. Le secrétaire d’État !
M. Michel Teston. Force est de constater que les arguments sont rares pour justifier l’ouverture à la concurrence des services de transport de voyageurs. (M. Roland Courteau approuve.)
Pourtant, cette marche forcée, amorcée au début des années quatre-vingt-dix, n’a jamais été remise en question, et ce malgré les expériences peu concluantes de quelques pionniers, en particulier la Grande-Bretagne qui, depuis, a fait machine arrière.
En outre, comme l’illustrent les nouvelles lignes directrices communautaires sur les aides d’État aux entreprises ferroviaires du 22 juillet 2008, cette libéralisation s’accompagne de tant de dérogations et autres entorses au principe de libre concurrence, inhérentes aux besoins du secteur, que sa justification originelle est devenue difficile à défendre.
Ces dérogations vont en effet du financement des infrastructures ferroviaires à l’aide à l’achat et au renouvellement du matériel roulant, en passant par l’annulation de dettes, la restructuration de branches fret ou encore les aides pour la correction d’externalités négatives, pour ne citer que ces exemples.
À l’avenir, le dispositif qui nous est proposé pourrait conduire à un « écrémage » des lignes considérées comme rentables, avec une forte concurrence sur quelques linéaires où il y a fort à parier que, si les prix baissent, la qualité des services baissera également.
M. Roland Courteau. Oui !
M. Michel Teston. Quant à l’emploi, il ne pourra qu’en pâtir !
M. Guy Fischer. C’est une évidence !
M. David Assouline. Bien sûr !
M. Michel Teston. Les opérateurs historiques risquent bien d’être en difficulté, alors même qu’ils devront continuer à assurer le transport international de voyageurs sur les autres lignes, c’est-à-dire celles qui sont peu ou pas rentables.
L’ouverture à la concurrence n’est donc pas la solution à retenir pour développer les services internationaux de voyageurs.
Les membres de notre groupe considèrent qu’il existait une autre voie, écartée par l’Union européenne et sacrifiée sur l’autel du libéralisme. Cette voie était, et demeure, l’incitation à la coopération entre les grands opérateurs ferroviaires. Ces derniers l’ont d’ailleurs bien compris, ce qui explique les rapprochements qu’ils opèrent en vue d’offrir des services qui, dans l’ensemble, fonctionnent correctement.
Tout le monde connaît ces services : Eurostar, Thalys, Lyria, Alleo, Artesia et Elipsos sont autant de partenariats conclus par la SNCF avec les autres grands réseaux européens voisins.
J’en viens à l’« apport », si l’on peut dire, de l’Assemblée nationale.
Les modifications que l’Assemblée nationale a introduites dans ce texte sont loin de répondre à notre attente, à l’exception de la nouvelle rédaction de l’article 3 A, aux termes de laquelle le Gouvernement doit remettre, avant la fin de l’année 2009, un rapport au Parlement présentant les solutions proposées pour le remboursement de la dette de RFF.
L’amendement similaire que nous avions déposé lors de la première lecture du texte au Sénat avait été largement édulcoré à la demande de la commission et du Gouvernement. En l’occurrence, l'Assemblée nationale a donc été plus audacieuse que la majorité sénatoriale, qui ne nous avait pas complètement suivis.
M. Roland Courteau. Cela arrive parfois !
M. Michel Teston. La principale modification due à l’Assemblée nationale reste toutefois liée à l’adoption, nuitamment, le 22 septembre, d’un amendement gouvernemental qui transfère une partie des actifs du STIF à la RATP…
M. Guy Fischer. Une honte !
M. David Assouline. Un scandale !
M. Jean-Jacques Mirassou. Un hold-up !
M. Michel Teston. … et qui place la Régie dans une situation délicate par rapport au règlement OSP relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route. Sur ce point, les déclarations de M. le secrétaire d’État ne nous ont pas convaincus.
Cet amendement a, en outre, été adopté en totale violation des droits du Parlement, puisqu’il a été introduit devant l'Assemblée nationale alors que la lecture au Sénat avait déjà eu lieu et que la déclaration d’urgence privait notre assemblée de toute possibilité d’examiner cette disposition avant la commission mixte paritaire.
M. Guy Fischer. J’ai eu l’occasion de faire un rappel au règlement sur ce point !
M. Michel Teston. Ainsi, comme nous le verrons tout à l’heure, de nombreux articles ont été ajoutés sur lesquels le Sénat n’a pas pu se prononcer.
Lors de la CMP du 27 octobre, les parlementaires des groupes socialiste et CRC-SPG ont défendu des amendements tendant à supprimer la disposition relative au STIF et à la RATP, lesquels proposaient, en particulier, de procéder à un recensement des biens et des actifs de manière transparente et paritaire, de manière à pouvoir formuler les propositions les plus adaptées au regard de l’efficacité du réseau et de l’équilibre budgétaire des différentes entités concernées.
Peine perdue ! Ces amendements ont été systématiquement rejetés…
Mme Nicole Bricq. Le combat n’est jamais perdu !
M. Michel Teston. Nous constatons donc que ce texte, au terme d’un parcours parlementaire insatisfaisant lié au recours à la déclaration d’urgence, ouvre à la concurrence les services internationaux de transport de voyageurs, en application d’une directive européenne.
Nous sommes tout au contraire convaincus, comme je l’ai expliqué le 9 mars dernier, lors du vote sur l’ensemble de ce texte, que le développement du transport ferroviaire de voyageurs passe par la coopération des grands opérateurs historiques, et non par une concurrence sauvage entre eux.
Par ailleurs, ce texte n’apporte aucune vraie réponse à la question, pourtant essentielle, de la résorption de la dette de RFF.
Enfin, nous n’acceptons pas que notre assemblée ait été privée, du fait de la déclaration d’urgence, de la possibilité d’examiner l’amendement relatif à la RATP et au STIF,…
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Michel Teston. … que le Gouvernement a introduit à l’Assemblée nationale, après examen du texte par le Sénat, amendement auquel nous nous opposons résolument.
Aussi, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne vous surprendrai pas en vous disant que nous voterons contre ce projet de loi.
Ce texte, au-delà de son contenu, traduit le choix de l’Union européenne de séparer les infrastructures de l’exploitation, avec toutes les conséquences qui s’ensuivront.
Faut-il rappeler que les chemins de fer japonais, dont le réseau voyageurs est certainement le meilleur du monde, n’ont pas fait ce choix, non plus que les Américains, qui disposent d’un réseau fret performant ?
M. David Assouline. Personne, dans le monde, n’a fait ce choix !
M. Michel Teston. J’ai véritablement l’impression que, depuis un certain nombre d’années, bon nombre de décideurs européens se sont trompés. Malgré tout, en tant que socialistes, nous restons optimistes et gardons l’espoir que, un jour, l’Union européenne sera capable d’arrêter des choix permettant de développer réellement le chemin de fer en Europe, dans la logique de ce que font tous les États. (M. David Assouline s’exclame.)
Nous ne sommes pas les seuls à nous être engagés dans un Grenelle de l’environnement ! Aussi, je le répète, nous restons optimistes pour l’avenir.
Un jour, nous en sommes certains, il sera possible de mettre sur pied un système ferroviaire intégré…
M. David Assouline. Et cohérent !
M. Michel Teston. … reposant sur la coopération entre les réseaux et répondant réellement à l’attente des Européens. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. –Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voilà parvenus au terme de l’examen d’un projet de loi qui, en dépit des apparences de technicité parfois trompeuses, recèle de véritables enjeux pour l’avenir immédiat de nos principaux modes de transport.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Yvon Collin. Ce texte pourrait permettre de mieux mettre en valeur notre mode de transport ferroviaire, outil fondamental du développement économique et du désenclavement de nos territoires, à plus forte raison des territoires ruraux.
La question des transports est vaste, car elle a trait non seulement à la mobilité, mais aussi à l’accessibilité, à la fracture territoriale et aux enjeux environnementaux.
Le secteur des transports mobilise des moyens publics colossaux et les efforts en sa faveur devront être amplifiés, même dans un cadre libéralisé. En effet, si cette libéralisation est tant redoutée, ce n’est pas que pour des raisons idéologiques. On peut en effet souhaiter la concurrence lorsque celle-ci contribue à diversifier l’offre et à faire baisser les tarifs pour les usagers. Mais ne nous leurrons pas : aucun partenaire privé ne s’occupera des lignes peu rentables, qui ont pour seule vocation de répondre aux soucis légitimes d’aménagement du territoire.
M. Jacky Le Menn. Exactement !
M. Yvon Collin. L’État et les collectivités locales seront toujours sollicités dans leur rôle de régulateur. C’est la raison pour laquelle, en vérité, notre pays a transposé les directives européennes a minima.
En l’absence d’évaluation et d’étude d’impact ou de schéma global des transports, ce projet de loi souffre manifestement d’un manque d’ambition. Nous disposions pourtant de trois ans pour examiner les effets de la transposition de cette directive.
En outre, les préconisations du Grenelle de l’environnement auraient dû amener la commission mixte paritaire à plus de volontarisme dans le domaine des transports propres.
Ce texte, monsieur le secrétaire d'État, ne nous satisfait guère eu égard aux espoirs et aux attentes qu’il aurait dû susciter.
On nous a affirmé que la libéralisation et l’ouverture à la concurrence augmenteraient le transfert modal de la route vers le rail. Or rien ne permet de soutenir cette affirmation. En l’état actuel, une entreprise qui se situe, sur le plan géographique, à l’écart des grandes lignes aura nécessairement recours, pour de faibles livraisons, au mode de transport le plus fiable et le moins cher, ce qui n’est pas le cas du service de transport par wagons isolés, devenu extrêmement coûteux et aléatoire.
Je regrette également que le texte ne prenne pas réellement en compte le principe de compensation des communes traversées par les lignes à grande vitesse, comme nous le souhaitions tous ici. Il aurait été très significatif d’adresser un signal important en matière d’aménagement du territoire : ce sont principalement les petites communes qui auraient été concernées par cette compensation.
Comment, monsieur le secrétaire d'État, dans un cadre totalement concurrentiel, la survie de lignes dédiées au principe d’aménagement du territoire sera-t-elle garantie ? Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire ne répond pas, à l’évidence, à cette interrogation.
Beaucoup de questions agitent les élus, car la mobilisation des usagers contre les fermetures de gares n’est pas un mince combat. Pour beaucoup, c’est le combat d’une vie, la gare demeurant un symbole de l’enracinement des hommes sur un territoire.
Nous devions rechercher l’excellence pour nos territoires ; celle-ci passait par le désenclavement et l’accessibilité, sans lesquels il n’y a pas d’attractivité touristique et économique possible.
Aujourd’hui, nous restons sur notre faim. Certes, le développement des lignes à grande vitesse est vital, mais les lignes secondaires demeurent malheureusement les grandes oubliées de la politique gouvernementale.
À l’instar de mes collègues des groupes socialiste et CRC-SPG, je considère qu’il n’était pas du tout opportun de faire adopter en catimini par l’Assemblée nationale un amendement gouvernemental tendant à modifier profondément l’organisation des transports publics d’Île-de-France, sans même que le Sénat puisse l’examiner.
Sans concertation préalable, sans même que notre assemblée se prononce du fait de cette détestable déclaration d’urgence, un nouveau règlement devrait entrer en vigueur dès le 3 décembre prochain. Le capital du STIF serait ainsi transféré à la RATP sans même que l’avis des syndicats, de la région, de la Ville de Paris ou des départements aient été sollicité. Belle concertation !
Les modalités d’adoption de cet amendement ont fait l’effet d’une bombe pour des élus de droite comme de gauche. Sans parler du fond, c’est la méthode elle-même qui est condamnable. À cet égard, je remercie M. le rapporteur de l’avoir lui-même rappelé.
Néanmoins, le principal apport de ce projet de loi est la création d’une autorité administrative indépendante de régulation des activités ferroviaires. La notion d’encadrement et de régulation prend tout son sens aujourd’hui. Cette autorité veillera à garantir le libre accès au réseau ; c’est un élément positif qu’il convient de souligner.
L’Autorité de régulation des activités ferroviaires pourra non seulement instruire les plaintes des différents acteurs du secteur, mais aussi prendre l’initiative d’enquêtes et d’investigations. Dotée d’un pouvoir de sanction, elle pourra également infliger une amende pouvant représenter jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires de l’opérateur.
Enfin, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je conclurai mon propos par quelques observations relatives aux dispositions touchant à l’aviation civile, secteur auquel je suis particulièrement sensible en raison de ma fonction de rapporteur spécial pour le Sénat du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
En première lecture, j’avais déposé un amendement visant à définir la notion de « mission », à en préciser le contenu, mais également à s’assurer, dans le respect des mesures prises pour garantir la sécurité des vols, du respect des droits des passagers, afin que ces derniers puissent être rapatriés en cas de nécessité, et ce dans les meilleurs délais.
Le texte de la commission mixte paritaire fait une proposition différente de celle que je formule. Sans définir la mission, il dispose que, dans le respect des mesures prises pour assurer la sécurité des vols, le personnel navigant est tenu, sauf cas de force majeure ou impossibilité médicale, d’assurer son service programmé entre deux passages à l’une des bases d’affectation. Il s’agit là d’un compromis raisonnable auquel je peux me rallier.
Néanmoins, mes chers collègues, en dépit des quelques avancées techniques, ce texte demeure insatisfaisant en raison du manque cruel de mesures liées à l’aménagement du territoire et au désenclavement de notre pays.
Aussi, la grande majorité des membres de mon groupe ne peut approuver ce texte issu de la commission mixte paritaire. Pour les motifs que je viens de développer, tout particulièrement en raison des dispositions relatives au STIF, dispositions avec lesquelles nous ne sommes d’accord ni sur le fond ni sur la forme, à savoir la manière dont elles ont été introduites dans ce texte, ceux d’entre nous qui s’étaient abstenus lors de l’examen en première lecture voteront cette fois-ci contre les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –M. Nicolas About applaudit également.)
M. Michel Bécot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons voter un texte dont nous n’avons rien à craindre, mais dont, au contraire, nous avons tout à gagner.
Dans le droit fil du Grenelle de l’environnement, il organise une concurrence régulée dans le but de développer les transports ferroviaires : il développe les transports en commun et renforce la puissance du transport maritime.
Issu de la transposition d’une directive européenne visant à réguler la concurrence, ce texte est devenu, grâce, notamment, aux travaux du Sénat, un texte fondateur en matière de transports.
Ce projet de loi comprend des dispositions ayant trait aux transports ferroviaires et guidés, aux transports routiers, aux transports aériens et aux transports maritimes. Il s’inscrit dans une période de mutations importantes des transports en France comme en Europe.
Je veux souligner, à cet égard, que ce texte intervient dans un contexte particulièrement favorable au fret ferroviaire, puisque le Président de la République a souhaité engager un programme sans précédent de 7 milliards d’euros en vue de la création d’un réseau d’autoroutes ferroviaires et d’un réseau de fret à grande vitesse.
Le fil conducteur de la future loi est clair : l’ouverture à la concurrence du secteur des transports et sa nécessaire régulation.
Aux termes des paquets ferroviaires européens successifs, les infrastructures ferrées sont entrées dans le champ concurrentiel en 2001. Le transport ferroviaire de fret est ouvert à la concurrence depuis le 1er avril 2006 et les services de transport international de voyageurs doivent l’être au plus tard le 1er janvier 2010.
À ce stade, monsieur le secrétaire d'État, nous devons insister sur un point qui me paraît absolument majeur : il ne faut pas se dissimuler derrière l’Union européenne au motif que celle-ci nous impose une concurrence que nous serions contraints de subir.
La concurrence n’est pas une chose nocive ou honteuse venue de Bruxelles pour dégrader nos modes de transport ; elle présente des avantages indéniables pour le développement des transports au profit de ses clients et de tous les voyageurs.
Cela est vrai pour le transport aérien, mais également pour le transport ferroviaire de fret. Songeons aux perspectives que le fret ferroviaire ouvre à notre pays !
Il n’y a aucune raison de douter que l’ouverture à la concurrence permettra de développer le transport international de voyageurs en suscitant la création de nouveaux services, de nouvelles activités et de nouveaux emplois.
De la même façon, nous sommes favorables à l’ouverture à la concurrence des transports ferroviaires régionaux de voyageurs, qui a très bien fonctionné en Allemagne.
Les modalités doivent évidemment en être précisées. Nous attendons donc avec beaucoup d’intérêt le rapport de notre collègue Francis Grignon sur ce sujet, rapport qui devrait permettre de proposer des solutions aux vrais problèmes : je pense notamment au devenir des personnels ou à la propriété des matériels roulants.
La France entend respecter ses engagements et obligations communautaires, et ce projet de loi vise à transposer l’ensemble des textes applicables au secteur ferroviaire. Ce mouvement de libéralisation constitue une chance à l’échelle européenne tant pour la SNCF que pour les entreprises françaises.
En ce qui concerne l’ouverture à la concurrence dans les transports guidés, nous soutenons les adaptations nécessaires pour mettre l’organisation des transports franciliens en conformité avec le règlement européen relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, notamment la redéfinition des relations entre le Syndicat des transports d’Île-de-France, ou STIF, et la RATP.
Si nous ne rejetons pas l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire, nous souhaitons en revanche qu’elle s’effectue dans des conditions équilibrées et parfaitement transparentes.
L’ouverture impose l’institution d’un dispositif de régulation efficace, à même de garantir l’accès libre et non discriminatoire au réseau ferré national de tous les opérateurs, qu’il s’agisse d’entreprises ferroviaires historiques ou des PME ferroviaires que sont les opérateurs ferroviaires de proximité.
Le texte crée donc une autorité administrative indépendante, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, l’ARAF, véritable clé de voûte d’une nouvelle gouvernance de ce secteur.
Je souhaite là encore insister sur le fait que cette Autorité, qui jouera un rôle de première importance dans le fonctionnement de notre système ferroviaire, n’exonère en rien l’État de ses responsabilités. Je pense à celle, fondamentale, qui consiste à veiller à ce que l’organisation du système ferroviaire favorise une concurrence sans discrimination. À cet égard, la gestion des sillons, d’une part, et des gares, d’autre part, sont deux éléments clés en la matière, éléments sur lesquels un équilibre satisfaisant a été trouvé, ce dont nous nous félicitons.
Ainsi, la réforme participera à la nécessaire restructuration de l’activité de fret de la SNCF, réforme primordiale tant pour l’entreprise que pour la tenue des engagements du Grenelle de l’environnement. L’une des priorités du Grenelle est en effet le report vers des modes de transport peu polluants et plus respectueux de l’environnement.
L’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire est aujourd’hui une réalité. Le paysage ferroviaire est en train de se modifier en profondeur. Son développement doit répondre à de nouveaux enjeux : il s’ouvre à la concurrence et à l’arrivée de nouveaux entrants ; il nous incite à faire évoluer l’organisation de notre système de transports.
Ce projet de loi répond à ces défis tout en s’inscrivant concrètement dans les objectifs du Grenelle de l’environnement. Ce texte permettra de développer les activités ferroviaires, sur les plans national et international. Notre expérience en matière ferroviaire se verra confortée et bénéficiera au secteur tout entier.
J’ai surtout évoqué les dispositions relatives au transport ferroviaire. Cependant, d’autres mesures sont tout aussi attendues par les professionnels. Ainsi, plusieurs articles insérés par le Sénat traitent du transport routier de marchandises, de la marine marchande ou du transport aérien.
Ce projet de loi est donc complet. Il permet à notre pays de respecter les normes européennes. Il organise et régule le transport ferroviaire de manière pragmatique et apporte des garanties supplémentaires aux voyageurs. Il inscrit résolument nos transports dans le xxie siècle.
Avant de terminer mon propos, je tiens à remercier M. Emorine, président de la commission de l’économie, de l’aménagement du territoire et du développement durable, ainsi que M. Francis Grignon, rapporteur, qui a porté avec compétence ce projet très technique et a accompli un excellent travail. Je remercie également M. le secrétaire d’État chargé des transports pour sa grande écoute.
Le groupe UMP soutiendra donc ce texte avec enthousiasme et clairvoyance. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue par un seul vote sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
TITRE IER
DE L’ORGANISATION DES TRANSPORTS FERROVIAIRES ET GUIDÉS
Article 1er
I. – La loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs est ainsi modifiée :
1° Le huitième alinéa de l’article 5 est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Pour l’exercice de ces missions, l’État et les autres personnes publiques précédemment mentionnées ont accès aux informations relatives au trafic ferroviaire et aux données économiques nécessaires à la conduite d’études et de recherches de nature à faciliter la réalisation des objectifs assignés au système de transports. Lorsque la divulgation de ces informations est susceptible de porter atteinte au secret des affaires, leur détenteur peut demander que leur diffusion à ces personnes publiques soit assurée par le ministre chargé des transports. Dans ce cas, celui-ci désigne les services habilités à procéder à cette diffusion, en précise les conditions et modalités garantissant le respect de ce secret et arrête la nature des informations pouvant être rendues publiques. » ;
2° L’article 13-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le présent alinéa ne concerne pas la construction ou la modification substantielle des véhicules de transport public guidé ou ferroviaire. » ;
b) Au début de la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « Leur mise en exploitation commerciale » sont remplacés par les mots : « La mise en exploitation commerciale de ces systèmes » ;
c) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorisation de mise en exploitation commerciale d’un véhicule de transport ferroviaire ou guidé délivrée par l’autorité compétente d’un autre État membre de l’Union européenne ou celle d’un État appliquant, en vertu d’accords auxquels la France ou l’Union européenne sont parties, des règles techniques et de sécurité équivalentes à celles de l’Union européenne, emporte autorisation de son exploitation commerciale dès lors qu’elle a été délivrée en application de règles communautaires ou de règles reconnues par l’autorité compétente comme étant de nature à garantir la sécurité. » ;
d) Le quatrième alinéa est complété par les mots : « ainsi que les modalités de reconnaissance des règles mentionnées au troisième alinéa. » ;
3° À la première phrase du premier alinéa des articles 13-1 et 13-2, les mots : « un expert ou » sont supprimés ;
4° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 13-1, le mot : « ouvrages » est remplacé par le mot : « systèmes » et à la fin de la deuxième phrase du deuxième alinéa du même article, les mots : « de l’ouvrage » sont remplacés par les mots : « du système » ;
5° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 13-2, le mot : « ouvrages » est remplacé par le mot : « systèmes » ;
6° La section 1 du chapitre Ier du titre II est ainsi modifiée :
a) L’intitulé est ainsi rédigé : « De l’organisation du transport ferroviaire et du service public ferroviaire » ;
b) Avant l’article 18, sont insérés trois articles 17-1, 17-2 et 17-3 ainsi rédigés :
« Art. 17-1. – I. – Au sens du présent article, le réseau ferroviaire est composé du réseau ferré national et des lignes ferroviaires ouvertes à la circulation publique qui lui sont reliées, y compris les lignes d’accès aux ports et aux terminaux desservant ou pouvant desservir plus d’un utilisateur final.
« Au sens du présent article, on entend par “capacités de l’infrastructure” la possibilité de programmer des sillons sollicités pour un segment de l’infrastructure pendant une certaine période et on entend par “sillon” la capacité d’infrastructure requise pour faire circuler un train donné d’un point à un autre à un moment donné.
« II. – La gestion de l’infrastructure ferroviaire est comptablement séparée de l’exploitation des services de transport des entreprises ferroviaires. Aucune aide publique versée à une de ces activités ne peut être affectée à l’autre.
« À compter du 1er janvier 2011, la gestion des gares, lorsqu’elle est effectuée par la Société nationale des chemins de fer français, fait l’objet d’une comptabilité séparée de celle de l’exploitation des services de transport. Aucune aide publique versée à l’une de ces activités ne peut être affectée à l’autre.
« III. – En ce qui concerne les entreprises ferroviaires, des comptes de profits et pertes et, soit des bilans, soit des bilans financiers annuels décrivant l’actif et le passif, sont tenus et publiés pour les activités relatives à la fourniture des services de transport ferroviaire de fret. Lorsqu’un groupe d’entreprises publiant une comptabilité consolidée ou une entreprise exploite plusieurs services de transport ferroviaire de fret, la gestion de ces services fait l’objet d’une comptabilité séparée, le cas échéant consolidée au niveau du groupe.
« Les concours publics reçus par les entreprises ferroviaires au titre des missions de service public de voyageurs qui leur sont confiées ne peuvent être affectés à d’autres activités et doivent figurer dans les comptes correspondants.
« IV. – Les entreprises ferroviaires autorisées à exploiter des services de transport ont, dans des conditions équitables et sans discrimination, un droit d’accès à l’ensemble du réseau ferroviaire, y compris pour l’accès par le réseau aux infrastructures de services, ainsi que, lorsqu’il n’existe pas d’autre possibilité d’accès dans des conditions économiques raisonnables, aux services que ces infrastructures permettent de leur fournir.
« L’utilisation par une entreprise ferroviaire des gares et de toutes autres infrastructures de service donne lieu à la passation d’un contrat.
« Un décret en Conseil d’État précise pour les gares et toutes autres infrastructures de services la nature des prestations minimales ou complémentaires dont toute entreprise ferroviaire autorisée à réaliser des services de transport peut demander la fourniture et, en tant que de besoin, les principes de tarification applicables à ces prestations.
« L’utilisation de l’infrastructure donne lieu à la passation d’un contrat entre le bénéficiaire d’un sillon et le gestionnaire d’infrastructure et à la perception d’une redevance par ce dernier. Les capacités de l’infrastructure disponible ne peuvent, une fois affectées à un candidat, être transférées par le bénéficiaire à une autre entreprise ou un autre service. Tout transfert de capacités d’infrastructure à titre onéreux ou gratuit est interdit et entraîne l’exclusion de l’attribution ultérieure de capacités.
« Toutefois, d’autres personnes que les entreprises ferroviaires peuvent être autorisées à demander l’attribution de sillons en vue de les mettre à la disposition d’une entreprise ferroviaire. Une telle mise à disposition des sillons qui leur sont attribués à une entreprise ferroviaire ne constitue pas un transfert prohibé au sens du précédent alinéa.
« Les redevances pour les prestations complémentaires ou connexes offertes par un seul fournisseur sont liées au coût de la prestation calculé d’après le degré d’utilisation réelle.
« V. – Le gestionnaire d’infrastructure publie chaque année un document de référence du réseau qui décrit les caractéristiques de l’infrastructure mise à disposition des entreprises ferroviaires, les tarifs des prestations offertes, les règles de répartition des capacités, ainsi que les informations nécessaires à l’exercice des droits d’accès au réseau.
« Le gestionnaire d’infrastructure d’un réseau sur lequel une seule entreprise circule et n’effectue que des services de marchandises est dispensé d’établir le document de référence du réseau tant qu’il n’existe pas d’autre demandeur de capacité dudit réseau que cette entreprise.
« VI. – Tout demandeur de sillons peut conclure avec le gestionnaire d’infrastructure un accord-cadre précisant les caractéristiques des capacités d’infrastructure ferroviaire qui lui sont offertes pour une durée déterminée tenant compte, le cas échéant, de l’existence de contrats commerciaux, d’investissements particuliers ou de risques.
« VII. – Les entreprises ferroviaires qui exploitent des services avant le 1er janvier 2010 peuvent conclure avec le gestionnaire d’infrastructure des accords-cadres pour une durée de cinq ans, renouvelables une fois, sur la base des caractéristiques des capacités utilisées à condition que ces entreprises justifient d’investissements spéciaux ou de contrats commerciaux avant cette date.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
« Art. 17-2. – À compter du 13 décembre 2009, les entreprises ferroviaires exploitant des services de transport international de voyageurs peuvent, à cette occasion, assurer des dessertes intérieures à condition que l’objet principal du service exploité par l’entreprise ferroviaire soit le transport de voyageurs entre des gares situées dans des États membres de l’Union européenne différents.
« L’autorité administrative compétente peut limiter ces dessertes intérieures, sous réserve que l’Autorité de régulation des activités ferroviaires ait, par un avis motivé, estimé que la condition précitée n’était pas remplie.
« Toute autorité organisatrice de transport ferroviaire compétente peut également limiter ou, le cas échéant, interdire ces dessertes intérieures, sous réserve que l’Autorité de régulation des activités ferroviaires ait, par un avis motivé, estimé que ces dessertes compromettent l’équilibre économique d’un contrat de service public.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article.
« Art. 17-3. – La consistance et les caractéristiques principales du réseau ferré national sont fixées par un décret pris en application des principes énoncés par l’article 14 de la présente loi.
« La gestion du réseau ferré national est confiée à Réseau ferré de France qui en assure la responsabilité dans les conditions prévues par la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l’établissement public “Réseau ferré de France” en vue du renouveau du transport ferroviaire.
« Réseau ferré de France et les titulaires des contrats de partenariat ou de délégations de service public mentionnés aux articles 1er-1 et 1er-2 de la loi n° 97-135 du 13 février 1997 précitée ont la qualité de gestionnaire d’infrastructure. » ;
c) Le troisième alinéa de l’article 18 est complété par les mots : «, sous réserve des dispositions du premier alinéa de l’article 17-2 » ;
c bis) (nouveau) Après le quatrième alinéa de l’article 18, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – de gérer, de façon transparente et non discriminatoire, les gares de voyageurs qui lui sont confiées par l’État ou d’autres personnes publiques et de percevoir à ce titre auprès des entreprises ferroviaires toute redevance ; »
c ter) (nouveau) Le dernier alinéa du II de l’article 24 est supprimé ;
d) L’article 24 est complété par un III et un IV ainsi rédigés :
« III. – Au sein de la Société nationale des chemins de fer français, un service spécialisé exerce, à compter du 1er janvier 2010, pour le compte et selon les objectifs et principes de gestion définis par Réseau ferré de France, les missions de gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national mentionnées à l’article 1er de la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l’établissement public “Réseau ferré de France” en vue du renouveau du transport ferroviaire, dans des conditions assurant l’indépendance des fonctions essentielles ainsi exercées garantissant une concurrence libre et loyale et l’absence de toute discrimination.
« Le directeur du service gestionnaire des trafics et des circulations ne reçoit aucune instruction qui soit de nature à remettre en cause ou à fausser cette indépendance et veille au caractère non discriminatoire des décisions prises pour l’exécution de ses missions. Il est nommé, pour cinq ans, par décret du Premier ministre sur proposition du ministre chargé des transports et après avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires. Il ne peut être mis fin de manière anticipée à ses fonctions, le cas échéant à la demande du président de la Société nationale des chemins de fer français, que dans l’intérêt du service, par décret du Premier ministre et après avis conforme de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires.
« Le directeur du service gestionnaire des trafics et des circulations ne peut être membre du conseil d’administration de la Société nationale des chemins de fer français. Les personnels employés par le service ne peuvent recevoir d’instruction que du directeur ou d’un agent placé sous son autorité.
« Les dispositions de l’article 226-13 du code pénal s’appliquent à la divulgation, à toute personne étrangère au service gestionnaire des trafics et des circulations, d’informations d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique dont la communication serait de nature à porter atteinte aux règles d’une concurrence libre et loyale et de non-discrimination imposées par la loi. La liste des informations concernées est déterminée par décret en Conseil d’État. Ces dispositions ne s’appliquent pas à la communication des informations nécessaires à l’accomplissement de leurs missions par Réseau ferré de France et par les services gestionnaires des trafics et des circulations sur d’autres réseaux ferroviaires français ou étrangers. Elles ne s’appliquent pas non plus à la communication des informations aux fonctionnaires et agents chargés de la tutelle de la Société nationale des chemins de fer français et de Réseau ferré de France.
« Le service gestionnaire des trafics et des circulations dispose d’un budget propre, dont le financement est assuré par Réseau ferré de France dans le cadre d’une convention passée avec la Société nationale des chemins de fer français, cosignée par le directeur du service gestionnaire. Cette convention fixe, conformément à l’article 1er de la loi n° 97-135 du 13 février 1997 précitée, les conditions d’exécution et de rémunération des missions exercées par le service, notamment pour ce qui concerne les études techniques d’exécution nécessaires à l’instruction des demandes de sillons et la gestion opérationnelle des circulations.
« Le directeur du service gestionnaire des trafics et des circulations est seul responsable de la gestion administrative et budgétaire du service. Il dispose, à ce titre, du pouvoir d’engager les dépenses liées à son fonctionnement et à l’accomplissement de ses missions.
« Aucune décision intéressant, directement ou indirectement, la carrière d’un agent affecté au service gestionnaire des trafics et des circulations ne peut être prise sans l’avis du directeur du service, préalablement consulté. Cet avis est communiqué, à sa demande, à l’agent intéressé.
« Un décret précise, en tant que de besoin, les exigences matérielles d’indépendance auxquelles doit satisfaire le service gestionnaire, notamment en matière de sécurité d’accès aux locaux et aux systèmes d’information.
« Un décret en Conseil d’État précise, en tant que de besoin, les modalités d’application du présent III, en particulier les règles de fonctionnement du service gestionnaire des trafics et des circulations.
« IV (nouveau). – Il est institué une commission qui est obligatoirement consultée lorsqu’un agent du service gestionnaire des trafics et des circulations ayant eu à connaître, dans l’exercice de ses fonctions, des informations dont la divulgation est visée au III, souhaite exercer des activités dans le secteur ferroviaire en dehors de ce service.
« Cette commission rend un avis. Le cas échéant, elle peut fixer un délai avant l’expiration duquel l’agent ne peut exercer de nouvelles fonctions incompatibles avec ses fonctions précédentes. Pendant ce délai, l’agent est reclassé dans un poste de même niveau qui ne comporte pas d’incompatibilités au regard de ses fonctions précédentes ni de ses fonctions futures.
« Cette commission est présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire et comprend, en outre, un membre de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, le président de Réseau ferré de France ou son représentant, le directeur du service gestionnaire des trafics et des circulations ou son représentant et un représentant des agents du service gestionnaire des trafics et des circulations. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent IV. » ;
7° L’article 30-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut comprendre des syndicats mixtes définis à l’article L. 5711-1 ou à l’article L. 5721-2 du même code et compétents en matière d’organisation des transports. »
II. – (Non modifié)
Article 1er bis
I. – Nul ne peut assurer la conduite d’un train sur le réseau ferroviaire tel que défini à l’article 17-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 précitée, lors des périodes au cours desquelles il est offert une capacité d’infrastructure, s’il n’est titulaire d’une licence dont la délivrance est subordonnée à des conditions de formation scolaire, de connaissances professionnelles et d’aptitudes physiques et psychologiques.
Un recours devant une commission ferroviaire d’aptitudes peut être formé à l’encontre d’une décision du médecin ou du psychologue.
Le premier alinéa entre en vigueur au 1er juin 2011 et au 1er juin 2013 pour les conducteurs n’effectuant que des services intérieurs. Ces dates sont fixées au 1er juin 2018 pour les personnes régulièrement habilitées à la conduite de trains avant le 1er juin 2011.
La licence délivrée dans un État membre de la Communauté européenne ou dans un État appliquant des règles équivalentes à celles de l’Union européenne en vertu d’accords conclus avec celle-ci est valable sur le territoire national.
L’obligation d’être titulaire d’une licence ne s’applique pas aux personnes réalisant, conformément à des mesures d’exploitation prescrites par le gestionnaire d’infrastructure, des circulations limitées et à vitesse réduite sur le réseau ferroviaire au départ ou à destination d’une voie non ouverte à la circulation publique qui lui est reliée.
II. – (Non modifié)
III. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment les conditions d’organisation et de fonctionnement de la commission ferroviaire d’aptitudes.
Article 1er ter
I. – (Non modifié)
II. – Les services publics de transport ferroviaire de voyageurs urbains, départementaux ou régionaux réalisés sur le réseau ferroviaire tel que défini à l’article 17-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 précitée sont soumis à l’application des seuls articles 9, 11, 12, 19, 26 ainsi que du 1 de l’article 20 du règlement précité.
Les autres services intérieurs de transport ferroviaire de voyageurs sont soumis à l’application des seuls articles 9, 11, 12, 19, 26 ainsi que du 1 de l’article 20 du même règlement pour une période de cinq ans. Celle-ci peut être renouvelée, par décret, deux fois par période maximale de cinq ans. À l’issue de cette période, l’ensemble des dispositions du même règlement est applicable à ces services.
Le présent article ne fait pas obstacle à ce que l’autorité compétente pour l’organisation d’un service public ferroviaire de transport de voyageurs décide de l’application de tout ou partie des dispositions non obligatoires du règlement précité.
Article 2
La loi n° 97-135 du 13 février 1997 précitée est ainsi modifiée :
1° Le deuxième alinéa de l’article 1er est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cependant, pour des lignes à faible trafic réservées au transport de marchandises, Réseau ferré de France peut confier par convention ces missions à toute personne selon les mêmes objectifs et principes de gestion. » ;
2° L’article 1er-1 est ainsi modifié :
aa) (nouveau) À la première phrase, les mots : « d’infrastructures d’intérêt national ou international destinées à être incorporées au » sont remplacés par les mots : « contribuant au développement, à l’aménagement et à la mise en valeur de l’infrastructure du » ;
a) Après le mot : « infrastructure », la fin de la deuxième phrase est supprimée ;
b) Après la deuxième phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque la gestion du trafic et des circulations est incluse dans le périmètre du contrat ou de la convention, cette mission est assurée par la Société nationale des chemins de fer français, pour le compte du cocontractant qui la rémunère à cet effet, dans le respect des objectifs et principes de gestion du réseau ferré national définis par Réseau ferré de France. » ;
3° Le premier alinéa de l’article 2 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour l’application à Réseau ferré de France de l’article 5 de cette loi, la personnalité mentionnée au dernier alinéa du même article est choisie parmi les représentants des usagers du service de transport public. » ;
3° bis Après l’article 2, sont insérés deux articles 2-1 et 2-2 ainsi rédigés :
« Art. 2-1. – Les autorités organisatrices de services de transport ferroviaire, les entreprises ferroviaires, les opérateurs de transport combiné, les grands ports maritimes, les chargeurs, les usagers, les milieux professionnels de l’industrie ferroviaire et les associations de protection de l’environnement agréées au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement sont représentés dans un conseil de développement durable du réseau ferré national.
« Ce conseil est consulté, dans un objectif de promotion du développement durable et d’efficacité économique et sociale, sur les grandes orientations de gestion et de développement de l’infrastructure du réseau ferré national. Il peut émettre toute proposition en la matière, en tenant compte des obligations liées à la protection de l’environnement.
« Un décret en Conseil d’État, Réseau ferré de France entendu, précise la composition de ce conseil, les modalités de désignation de ses membres et ses règles de fonctionnement.
« Art. 2-2. – Les actes administratifs de Réseau ferré de France sont publiés au bulletin officiel de l’établissement public, diffusé sur son site internet sous forme électronique dans des conditions propres à en garantir la fiabilité. Un arrêté du ministre chargé des transports fixe les catégories d’actes et de délibérations qui sont publiés au bulletin officiel de Réseau ferré de France. » ;
4° L’article 13 est ainsi modifié :
a) Au sixième alinéa, après les mots : « concurrence intermodale ; », sont insérés les mots : « il tient compte, lorsque le marché s’y prête, de la valeur économique, pour l’attributaire du sillon, de l’utilisation du réseau ferré national, et respecte les gains de productivité réalisés par les entreprises ferroviaires ; »
b) Le même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les principes d’évolution de ces redevances sont fixés de façon pluriannuelle. »
Article 2 bis A (nouveau)
L’ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l’organisation des transports de voyageurs en Île-de-France est ainsi modifiée :
1° Le II de l’article 1er est ainsi modifié :
a) Les deux premières phrases du premier alinéa sont remplacées par trois phrases ainsi rédigées :
« Ce syndicat organise les services de transports publics réguliers de personnes. À ce titre, il a notamment pour mission de fixer les relations à desservir, de désigner les exploitants, de définir les modalités techniques d’exécution ainsi que les conditions générales d’exploitation et de financement des services et, sous réserve des compétences reconnues à Réseau ferré de France et à la Régie autonome des transports parisiens en sa qualité de gestionnaire de l’infrastructure, de veiller à la cohérence des programmes d’investissement. Il arrête la politique tarifaire de manière à obtenir l’utilisation la meilleure, sur le plan économique et social, du système de transports correspondant dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. »
b) Le quatrième alinéa est supprimé.
c) Après le troisième alinéa, sont insérés sept alinéas ainsi rédigés :
« L’exécution des services mentionnés aux trois alinéas précédents est assurée dans les conditions définies au II de l’article 7 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs. Ces services sont inscrits au plan régional de transport, établi et tenu à jour par le syndicat après avis des collectivités et groupements mentionnés au onzième alinéa du présent II dans des conditions définies par décret.
« L’exécution des services visés au précédent alinéa qui ont été créés avant le 3 décembre 2009 se poursuit dans le cadre des conventions en cours et conformément aux règles applicables à cette date et se termine :
« – le 31 décembre 2024 pour les services réguliers de transport routier, sauf stipulation conventionnelle antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° du relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports, manifestant l’accord entre l’autorité organisatrice et l’opérateur et prévoyant expressément une date antérieure ;
« – le 31 décembre 2029 pour les services réguliers de transport par tramway ;
« – le 31 décembre 2039 pour les autres services réguliers de transport guidé ;
« – à la date d’échéance ou de résiliation des conventions en cours pour les services de transport scolaire, les services de transport à la demande, les services de transport des personnes à mobilité réduite et les services réguliers de transport public fluvial de personnes et, en tout état de cause, avant le 31 décembre 2024.
« L’application des dispositions du présent II relatives aux conditions de poursuite et de terminaison des conventions en cours ne donne lieu à versement d’aucune indemnité. »
d) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le syndicat peut assurer la maîtrise d’ouvrage ou désigner le ou les maîtres d’ouvrage de projets d’infrastructures nouvelles destinées au transport public de voyageurs, dans la limite des compétences reconnues à l’établissement public Réseau ferré de France. Le Syndicat des transports d’Île-de-France et la Régie autonome des transports parisiens exercent conjointement, dans la limite des compétences reconnues à l’établissement public Réseau ferré de France, la maîtrise d’ouvrage des opérations, non décidées au 1er janvier 2010, ayant pour objet les aménagements, les extensions ou les prolongements directs, dépendants ou accessoires des lignes, ouvrages ou installations existant à la même date. Le Syndicat des transports d’Île-de-France s’assure de la faisabilité et de l’opportunité des opérations considérées, en détermine la localisation, le programme, l’enveloppe financière prévisionnelle et, sans préjudice de la contribution de la Régie, en assure le financement. La Régie autonome des transports parisiens choisit le processus selon lequel l’infrastructure et les matériels sont réalisés ou acquis, en assure ou en fait assurer la maîtrise d’œuvre et conclut les contrats ayant pour objet les études et l’exécution des travaux. Pour chaque opération, une convention précise les conditions d’organisation de la maîtrise d’ouvrage dont le syndicat assure le suivi et le contrôle d’ensemble. »
2° L’article 2 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : «, dans les conditions prévues au II de l’article 1er de la présente ordonnance » ;
b) Après le deuxième alinéa, sont insérés huit alinéas ainsi rédigés :
« Pour satisfaire aux exigences essentielles de sécurité et d’interopérabilité du système ferroviaire concerné, y compris la fiabilité, la disponibilité et la compatibilité technique de ses constituants, et à l’impératif de continuité du service public, la Régie autonome des transports parisiens est gestionnaire de l’infrastructure du réseau de métro affecté au transport public urbain de voyageurs en Île-de-France, dans la limite des compétences reconnues à Réseau ferré de France. À ce titre, elle est responsable de l’aménagement, de l’entretien et du renouvellement de l’infrastructure, garantissant à tout moment le maintien des conditions de sécurité, d’interopérabilité et de continuité du service public, ainsi que de la gestion des systèmes de contrôle, de régulation et de sécurité des lignes et des réseaux ferroviaires en Île-de-France. Elle est chargée de la gestion du trafic et des circulations sur ces lignes et ces réseaux lorsque les exigences de sécurité et d’interopérabilité du système ferroviaire ou la continuité du service public l’imposent. Elle est également gestionnaire, dans les mêmes conditions, des lignes du réseau express régional dont elle assure l’exploitation à la date du 1er janvier 2010. Elle adapte les lignes, ouvrages et installations dont elle assure la gestion technique en prenant en compte les besoins des utilisateurs et favorise leur interopérabilité. Elle prend en compte les besoins de la défense. L’accès à ces lignes et réseaux est assuré dans des conditions transparentes et non discriminatoires. À l’effet d’exercer les missions qui lui sont dévolues par le présent alinéa, la Régie est rémunérée par le Syndicat des transports d’Île-de-France dans le cadre d’une convention pluriannuelle qui, pour chacune de ces missions, établit de façon objective et transparente la structure et la répartition des coûts, prend en compte les obligations de renouvellement des infrastructures et assure une rémunération appropriée des capitaux engagés. Tout en respectant les exigences de sécurité et d’interopérabilité du système ferroviaire, la Régie est encouragée, par des mesures d’incitation, à réduire les coûts de mise à disposition des lignes, ouvrages et installations. Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent alinéa.
« Jusqu’à leur remise au Syndicat des transports d’Île-de-France, la Régie exerce son contrôle sur l’ensemble des biens réalisés ou acquis par elle ou qui lui ont été remis et qui sont nécessaires pour assurer l’exploitation des services mentionnés au II de l’article 1er dont elle est chargée au 1er janvier 2010. Ces biens, qui comprennent notamment les matériels roulants et matériels d’entretien du matériel roulant, appartiennent au syndicat dès leur achèvement ou leur acquisition. Le syndicat entre immédiatement en leur possession à l’expiration des contrats d’exploitation des services concernés et se trouve, à cette date, subrogé dans tous les droits et obligations de la Régie afférents à ces contrats. Un décret en Conseil d’État définit les conditions, notamment financières, dans lesquelles la Régie remet ces biens au syndicat à l’expiration des contrats de sorte qu’il n’en résulte pour elle aucune perte de valeur. Il définit également les modalités de rémunération de la Régie autonome des transports parisiens au titre des investissements réalisés par elle de manière à assurer la couverture des coûts et la rémunération appropriée des capitaux.
« Les biens affectés à l’exploitation des services mentionnés au II de l’article 1er, autres que ceux visés à l’alinéa précédent et qui ne sont pas constitutifs de l’infrastructure au sens de l’alinéa suivant, peuvent être repris par le Syndicat des transports d’Île-de-France à l’expiration des contrats d’exploitation s’il estime qu’ils peuvent être utiles à l’exploitation des services en cause. Les immeubles et autres biens appartenant au Syndicat des transports d’Île-de-France ou à l’État visés au présent alinéa sont, à la date du 1er janvier 2010, apportés en pleine propriété à la Régie autonome des transports parisiens. Ils appartiennent à la Régie tant que le syndicat n’a pas usé de son droit de reprise. Un décret en Conseil d’État détermine le délai pendant lequel le syndicat peut exercer son droit de reprise.
« L’ensemble des biens constitutifs de l’infrastructure gérés par la Régie autonome des transports parisiens et appartenant au Syndicat des transports d’Île-de-France ou à l’État sont, à la date du 1er janvier 2010, apportés en pleine propriété à la Régie. Les biens constitutifs de l’infrastructure comprennent notamment les voies, y compris les appareillages fixes associés, les voies de garage et de raccordement, les ouvrages d’art, les stations et les gares, leurs accès et ouvrages de correspondance, les sous-stations et ateliers souterrains, les quais, les installations de signalisation, de sécurité, de traction électrique et de télécommunications liées aux infrastructures et, de façon générale, tous les compléments, accessoires et dépendances desdites lignes et installations, les ateliers de fabrication, de maintenance et de stockage des équipements liés à l’infrastructure, les autres bâtiments affectés au fonctionnement et à l’entretien des infrastructures.
« Les immeubles et autres biens appartenant au Syndicat des transports d’Île-de-France ou à l’État, qui ne sont pas affectés à l’exploitation des services mentionnés au II de l’article 1er, au sens des quatrième, cinquième et sixième alinéas du présent article mais sont affectés par la Régie à des activités administratives, sociales ou de formation sont, à la date du 1er janvier 2010, apportés en pleine propriété à la Régie.
« La Régie autonome des transports parisiens est substituée à l’État et au Syndicat des transports d’Île-de-France pour les droits et obligations liés aux biens qui lui sont apportés en vertu des cinquième, sixième et septième alinéas, à l’exception de ceux afférents à des dommages constatés avant le 1er janvier 2010 et à des impôts ou taxes dont le fait générateur est antérieur à cette même date. Un décret en Conseil d’État précise, en tant que de besoin, les droits et obligations résultant des actes ou conventions passés par l’État ou le syndicat qui sont transférés à la Régie.
« Les actes de transfert de biens entre le Syndicat des transports d’Île-de-France et la Régie autonome des transports parisiens mentionnés aux quatrième et sixième alinéas du présent article sont réalisés à titre gratuit. Les actes de transfert à la Régie autonome des transports parisiens des biens mentionnés aux cinquième et septième alinéas donnent lieu au versement d’une indemnité au Syndicat des transports d’Île-de-France. Les actes de reprise par le Syndicat des transports d’Île-de-France des biens mentionnés au cinquième alinéa donnent lieu au versement d’une indemnité à la Régie autonome des transports parisiens. Les actes mentionnés au présent alinéa ne donnent lieu à aucun versement de salaire ou honoraire, ni à aucune perception d’impôts, de droits ou de taxes de quelque nature que ce soit.
« Les modalités de transfert et de reprise, de détermination et, le cas échéant, d’estimation de la valeur des biens visés aux alinéas précédents sont précisées par un décret en Conseil d’État qui fixe les conditions dans lesquelles la répartition de ces biens est soumise à l’approbation des ministres chargés des transports, de l’économie et du domaine. »
Article 2 bis (nouveau)
Afin notamment de favoriser la création d’opérateurs ferroviaires de proximité spécialisés dans le fret, le Gouvernement remet sous six mois à compter de la promulgation de la présente loi un rapport au Parlement relatif aux modalités et à l’impact d’un transfert à Réseau ferré de France des gares de fret, y compris les voies de débord, les entrepôts et les cours de marchandises, dans le but de rendre ce transfert effectif avant le 31 décembre 2010.
TITRE II
DISPOSITIONS PARTICULIÈRES
Article 3 A
Avant la fin de l’année 2009, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les solutions proposées pour le remboursement de la dette de Réseau ferré de France.
Article 3
I. – Le dernier alinéa de l’article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public s’applique à compter de la publication d’un décret fixant les conditions d’application du même alinéa et, notamment, la liste des entreprises et établissements publics concernés ainsi que les critères de désignation des représentants des consommateurs ou des usagers.
II et III. – (Non modifiés)
Article 3 bis A (nouveau)
Pour l’application de l’article 76 du règlement de la Commission intergouvernementale concernant la sécurité de la liaison fixe trans-Manche, signé à Londres le 24 janvier 2007, les décisions de la Commission intergouvernementale instituée par le traité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, concernant la construction et l’exploitation par des sociétés privées concessionnaires d’une liaison fixe trans-Manche, signé le 12 février 1986, sont susceptibles de recours devant le juge administratif, à l’exception des décisions prises au titre de son intervention comme organisme de contrôle prévu par l’article 30 de la directive 2001/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire et la tarification de l’infrastructure ferroviaire, qui relèvent de la compétence de la cour d’appel de Paris.
Article 3 bis (nouveau)
L’article 21 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° De faire usage du signal d’alarme ou d’arrêt mis à la disposition des voyageurs de manière illégitime et dans l’intention de troubler ou d’entraver la mise en marche ou la circulation des trains. »
TITRE III
DE LA RÉGULATION DES ACTIVITÉS FERROVIAIRES
Article 4
L’Autorité de régulation des activités ferroviaires est une autorité publique indépendante, dotée de la personnalité morale, qui concourt au bon fonctionnement du service public et des activités concurrentielles de transport ferroviaire, au bénéfice des usagers et clients des services de transport ferroviaire.
Elle veille en particulier à ce que les conditions d’accès au réseau ferroviaire par les entreprises ferroviaires n’entravent pas le développement de la concurrence.
Elle assure une mission générale d’observation des conditions d’accès au réseau ferroviaire et peut, à ce titre, après avoir procédé à toute consultation qu’elle estime utile des acteurs du secteur des transports ferroviaires, formuler et publier toute recommandation.
Elle veille à ce que l’accès aux capacités d’infrastructure sur le réseau et aux différentes prestations associées soit accordé de manière équitable et non discriminatoire. Elle s’assure de la cohérence des dispositions économiques, contractuelles et techniques mises en œuvre par les gestionnaires d’infrastructure et les entreprises ferroviaires, avec leurs contraintes économiques, juridiques et techniques. À ce titre, l’autorité veille à la bonne application du III de l’article 24 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs.
L’autorité est compétente pour le réseau ferroviaire défini au I de l’article 17-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 précitée, sous réserve des pouvoirs dévolus à la Commission intergouvernementale instituée par le traité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, concernant la construction et l’exploitation par des sociétés privées concessionnaires d’une liaison fixe trans-Manche, signé le 12 février 1986.
À la demande du ministre chargé des transports, l’autorité est associée à la préparation de la position française dans les négociations ou les actions de coopération internationales dans les domaines du transport ferroviaire et participe à la représentation française dans les organisations internationales et communautaires compétentes en ce domaine.
Article 5
I. – L’Autorité de régulation des activités ferroviaires est composée de sept membres nommés en raison de leur compétence en matière ferroviaire, économique ou juridique, ou pour leur expertise en matière de concurrence. Leur mandat est de six ans non renouvelable.
Le président de l’autorité et les six autres membres sont nommés par décret. Trois des membres autres que le président sont désignés respectivement par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat et le président du Conseil économique, social et environnemental.
À l’exception du président, les membres du collège sont renouvelés par tiers tous les deux ans.
En cas de vacance de la présidence de l’autorité pour quelque cause que ce soit ou en cas d’empêchement constaté par le collège, les fonctions du président sont provisoirement exercées par le doyen d’âge du collège.
En cas de vacance d’un siège de membre du collège, il est procédé à son remplacement pour la durée du mandat restant à courir. Un mandat exercé pendant moins de deux ans n’est pas pris en compte pour l’application de la règle de non-renouvellement.
Le collège ne peut délibérer que si quatre au moins de ses membres sont présents. Les avis, décisions et recommandations sont pris à la majorité des membres présents. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.
Le président a qualité pour agir en justice au nom de l’autorité.
II. – (Non modifié)
Article 6
Le président de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires exerce cette fonction à plein temps. Sa fonction est incompatible avec toute activité professionnelle, tout mandat électif communal, départemental, régional, national ou européen, avec tout emploi public et toute détention, directe ou indirecte, d’intérêts dans une entreprise du secteur du transport ferroviaire.
Les fonctions des autres membres du collège sont incompatibles avec tout mandat électif départemental, régional, national ou européen et toute détention, directe ou indirecte, d’intérêts dans une entreprise du secteur du transport ferroviaire.
Les membres du collège ne prennent, à titre personnel, aucune position publique sur des sujets relevant de la compétence de l’autorité.
Sans préjudice de la possibilité, pour tout membre du collège, de se déporter dans toute affaire dans laquelle il l’estimerait nécessaire, aucun membre ne peut délibérer dans une affaire dans laquelle il a ou a eu un intérêt au cours des trois années précédant la délibération ; cette interdiction s’applique également lorsque, au cours de la même période, un membre a détenu un mandat ou exercé des fonctions de direction, de conseil ou de contrôle au sein d’une personne morale ayant eu intérêt à cette affaire.
Les membres du collège ne sont pas révocables, sous réserve des dispositions suivantes :
1° Tout membre qui ne respecte pas les règles d’incompatibilité prévues au présent article est déclaré, après consultation du collège, démissionnaire d’office par décret ;
2° Il peut être mis fin aux fonctions d’un membre en cas d’empêchement constaté par le collège, dans les conditions prévues par le règlement intérieur de l’autorité ;
3° Il peut également être mis fin aux fonctions d’un membre en cas de manquement grave à ses obligations, par décret pris sur proposition du collège.
Le président de l’autorité prend les mesures appropriées pour assurer le respect des obligations définies au présent article.
Article 7
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Article 8
I. – Lorsqu’une entreprise ferroviaire effectue des dessertes intérieures à l’occasion d’un service international de voyageurs, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires s’assure, à la demande de l’autorité administrative compétente ou des entreprises ferroviaires concernées, que le transport de voyageurs entre des gares situées dans des États membres différents constitue l’objet principal du service afin de permettre, le cas échéant, à l’autorité administrative compétente d’encadrer l’exercice de ces dessertes intérieures, conformément à l’article 17-2 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 précitée.
Elle se prononce également sur l’existence éventuelle d’une atteinte à l’équilibre économique d’un contrat de service public par ces dessertes intérieures, à la demande de l’autorité administrative compétente, de l’autorité qui a attribué ledit contrat, du gestionnaire ou de l’entreprise ferroviaire qui exécute le contrat afin de permettre à l’autorité organisatrice compétente de limiter ou, le cas échéant, d’interdire ces dessertes intérieures, conformément au même article 17-2.
II. – L’autorité est informée par tout gestionnaire d’infrastructure de son intention de négocier des redevances d’utilisation de l’infrastructure avec un demandeur autorisé de capacité d’infrastructure ferroviaire. Les tarifs négociés sont transmis à l’autorité qui peut s’y opposer s’ils méconnaissent les deuxième et quatrième alinéas de l’article 4. L’absence d’opposition dans un délai de deux mois à compter de la réception des tarifs négociés vaut accord.
III. – L’autorité autorise l’entrée en vigueur des accords-cadres prévus au VII de l’article 17-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 précitée. À la demande des parties, elle émet un avis sur les accords-cadres prévus au VI du même article 17-1, notamment sur leur volet tarifaire.
IV, V et V bis. – (Non modifiés)
VI. – À la demande de l’autorité administrative compétente, l’autorité émet un avis sur les tarifs des services de transport de voyageurs réalisés à titre exclusif par une entreprise ferroviaire à laquelle l’exploitation est confiée sans mise en concurrence préalable. Elle veille au respect, à ce titre, des tarifs sociaux nationaux et de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Les modalités d’application de ces dispositions sont fixées par décret en Conseil d’État.
VII. – (Non modifié)
VIII (nouveau). – L’autorité émet un avis sur la nomination et la cessation anticipée des fonctions de directeur du service gestionnaire des trafics et des circulations de la Société nationale des chemins de fer, conformément au III de l’article 24 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 précitée.
Article 9
I. – Toute personne s’estimant victime de la part de l’Établissement public de sécurité ferroviaire d’un traitement inéquitable, d’une discrimination ou de toute autre pratique ayant pour effet de restreindre abusivement l’accès au réseau ferroviaire, y compris les gares, peut, dans les délais de recours contentieux, saisir pour avis l’Autorité de régulation des activités ferroviaires. L’autorité ainsi saisie en informe sans délai l’Établissement public de sécurité ferroviaire qui lui fournit les informations utiles à l’instruction de la saisine. Elle dispose d’un délai maximum de deux mois, à compter de la réception de la saisine, pour formuler son avis, qu’elle peut publier. Le directeur général de l’Établissement public de sécurité ferroviaire prend, au vu de cet avis, toute mesure qu’il juge nécessaire. Il notifie sa décision à l’auteur de la saisine et à l’autorité.
La saisine de l’autorité suspend les délais de recours à l’encontre de la décision de l’Établissement public de sécurité ferroviaire. Ces délais recommencent à courir à compter de la notification au demandeur de l’avis de l’autorité. L’autorité ne peut intervenir au titre du présent I lorsqu’une procédure est engagée devant une juridiction.
II. – Toute personne autorisée à demander des capacités d’infrastructure ferroviaire ou tout gestionnaire d’infrastructure peut saisir l’Autorité de régulation des activités ferroviaires dès lors qu’il s’estime victime d’un traitement inéquitable, d’une discrimination ou de tout autre préjudice liés à l’accès au réseau ferroviaire et en particulier :
1° Au contenu du document de référence du réseau ;
2° À la procédure de répartition des capacités d’infrastructures ferroviaires et aux décisions afférentes ;
3° Aux conditions particulières qui lui sont faites ou aux redevances à acquitter en application de la tarification ferroviaire ;
4° À l’exercice du droit d’accès au réseau ;
4°bis (nouveau) À la surveillance exercée en matière de sécurité ferroviaire ;
5° À la fourniture des prestations minimales, complémentaires ou connexes liées à l’infrastructure ainsi qu’à l’accès aux infrastructures de services y compris les gares ;
6° À l’exécution des accords-cadres mentionnés aux VI et VII de l’article 17-1 de la loi n° 82-1153 précitée ainsi que des contrats d’utilisation de l’infrastructure ;
7° À la création de services intérieurs de transport de voyageurs effectués lors d’un service international de transport de voyageurs.
La décision de l’autorité, qui peut être assortie d’astreintes, précise les conditions d’ordre technique et financier de règlement du différend dans le délai qu’elle accorde. Lorsque c’est nécessaire pour le règlement du différend, l’autorité fixe, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités d’accès au réseau et ses conditions d’utilisation. Sa décision est notifiée aux parties et publiée au Journal officiel, sous réserve des secrets protégés par la loi.
En cas d’atteinte grave et immédiate aux règles régissant l’accès au réseau ou à son utilisation, l’autorité peut, après avoir entendu les parties en cause, ordonner, le cas échéant sous astreinte, les mesures conservatoires nécessaires. Ces mesures peuvent comporter la suspension des pratiques portant atteinte aux règles régissant l’accès au réseau concerné ou à son utilisation.
III. – (Non modifié)
Article 10
I. – L’Autorité de régulation des activités ferroviaires peut soit d’office, soit à la demande de l’autorité administrative compétente, d’une organisation professionnelle, d’un gestionnaire d’infrastructure, d’une entreprise ferroviaire ou de toute autre personne concernée, sanctionner les manquements qu’elle constate de la part des acteurs du secteur du transport ferroviaire, dans les conditions suivantes :
1° En cas de manquement d’un gestionnaire d’infrastructure ou d’une entreprise ferroviaire aux obligations lui incombant, au titre de l’accès au réseau ou de son utilisation, et notamment en cas de méconnaissance par un gestionnaire d’infrastructure ou une entreprise ferroviaire d’une règle édictée par l’autorité en application de l’article 7 ou d’une décision prise par elle en application des III et IV de l’article 8, l’autorité met en demeure l’organisme intéressé de se conformer à ses obligations dans un délai qu’elle détermine. Elle peut rendre publique cette mise en demeure.
Lorsque l’intéressé ne se conforme pas à cette mise en demeure dans le délai imparti, l’autorité peut prononcer à son encontre, en fonction de la gravité du manquement :
a) Une interdiction temporaire d’accès à tout ou partie du réseau ferroviaire pour une durée n’excédant pas un an ;
b) Une sanction pécuniaire, dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l’intéressé, à l’ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos réalisé en France, porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. À défaut d’activité permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder 150 000 €, porté à 375 000 € en cas de nouvelle violation de la même obligation. Si le manquement a déjà fait l’objet d’une sanction pécuniaire au titre des articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5 du code de commerce, la sanction pécuniaire éventuellement prononcée par l’autorité est limitée de sorte que le montant global des sanctions pécuniaires ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues.
Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. Les sommes correspondantes sont versées à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France ;
2° Les mêmes sanctions sont encourues lorsque le gestionnaire d’infrastructure ou l’entreprise ferroviaire ne s’est pas conformé, dans les délais requis, à une décision prise par l’autorité en application de l’article 9 après mise en demeure de remédier au manquement constaté restée sans effet ;
3° En cas de manquement soit d’un gestionnaire d’infrastructure, soit d’une entreprise ferroviaire, soit d’une autre entreprise exerçant une activité dans le secteur du transport ferroviaire aux obligations de communication de documents et d’informations prévues à l’article 15 ou à l’obligation de donner accès à leur comptabilité, ainsi qu’aux informations économiques, financières et sociales prévues au même article, l’autorité met l’intéressé en demeure de s’y conformer dans un délai qu’elle détermine.
Lorsque l’intéressé ne se conforme pas à cette mise en demeure dans le délai fixé ou fournit des renseignements incomplets ou erronés, l’autorité peut prononcer à son encontre les sanctions prévues au 1°.
II. – Les manquements sont constatés par les agents de l’autorité habilités par le président et font l’objet de procès-verbaux qui, ainsi que les sanctions maximales encourues, sont notifiés à la personne concernée.
L’instruction et la procédure devant l’autorité sont contradictoires. Les sanctions sont prononcées après que la personne concernée a reçu notification des griefs, a été mise à même de consulter le dossier établi par les services de l’autorité et a été invitée à présenter ses observations écrites et orales. Elle peut être assistée de la personne de son choix.
Sauf dans les cas où la communication ou la consultation de documents est nécessaire à la procédure ou à l’exercice de leurs droits par la ou les parties mises en cause, le président de l’autorité peut refuser la communication ou la consultation de pièces ou de certains éléments contenus dans ces pièces dont la divulgation porterait atteinte à un secret protégé par la loi. Les pièces considérées sont retirées du dossier ou certaines de leurs mentions occultées.
Dans les cas où la communication ou la consultation de documents dont la divulgation porterait atteinte à un secret protégé par la loi est nécessaire à la procédure ou à l’exercice des droits d’une ou plusieurs des parties, ces documents sont versés en annexe confidentielle au dossier et ne sont communiqués qu’à la ou aux parties mises en cause pour lesquelles ces pièces ou éléments sont nécessaires à l’exercice de leurs droits.
Est punie des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal la divulgation, par l’une des parties, des informations concernant une autre partie ou un tiers et dont elle n’a pu avoir connaissance qu’à la suite des communications ou consultations auxquelles il a été procédé.
Le collège siège à huis clos. Les parties peuvent être présentes, demander à être entendues et se faire représenter ou assister.
Le collège délibère sur les affaires dont il est saisi hors la présence des agents ayant constaté les manquements et de ceux ayant établi le dossier d’instruction.
Les décisions de sanction sont notifiées aux parties intéressées et publiées au Journal officiel. Elles peuvent faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant le Conseil d’État. Le recours contre des sanctions pécuniaires a un caractère suspensif.
L’autorité ne peut être saisie de faits remontant à plus de cinq ans s’il n’a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction.
III et IV. – (Non modifiés)
Article 11
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Article 12
L’Autorité de régulation des activités ferroviaires dispose de services qui sont placés sous l’autorité de son président.
L’autorité peut employer des magistrats et des fonctionnaires. Elle peut recruter des agents contractuels.
Les ministres chargés des transports et du budget arrêtent la rémunération du président de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et le montant des vacations versées aux autres membres du collège ainsi que leurs modalités d’évolution pour la durée de leur mandat.
Dans les conditions et limites fixées par le collège, le secrétaire général, nommé par le président, recrute les agents et peut conclure des contrats, conventions et marchés. Il a qualité pour agir en justice pour les affaires relevant du fonctionnement de l’autorité.
Il peut déléguer ses pouvoirs à tout agent de l’autorité dans des matières et des limites déterminées par le collège.
Article 13
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Article 14
I. – (Non modifié)
II. – Il est institué, à compter du 1er janvier 2009, un droit fixe dû par les entreprises ferroviaires qui utilisent le réseau ferroviaire au sens de l’article 17-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 précitée. Le montant de ce droit est fixé par les ministres chargés des transports et du budget sur proposition de l’autorité.
Ce droit comprend, selon le cas :
1° Une part du montant des redevances d’utilisation du réseau ferré national versées à Réseau ferré de France dans la limite de cinq millièmes de ce montant ;
2° Une somme proportionnelle au nombre de kilomètres parcourus sur les autres lignes du réseau ferroviaire, dans la limite de dix centimes d’euro par kilomètre parcouru.
Ce droit est déclaré et acquitté par les personnes précitées dans les mêmes conditions que celles prévues pour le droit de sécurité institué par l’article 3 de la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports auprès du comptable public de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires.
Ce droit est constaté et recouvré dans les mêmes délais et sous les mêmes garanties et sanctions que celles applicables en matière de taxes sur le chiffre d’affaires.
Article 15
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Article 16
I. – En dehors des cas prévus au II de l’article 15, ou lorsque cet accès leur est refusé, les agents habilités ne peuvent procéder aux visites en tous lieux, ainsi qu’à la saisie de pièces et de documents, dans le cadre d’enquêtes demandées par l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, que sur autorisation judiciaire donnée par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter. Le ministère d’avocat n’est alors pas obligatoire. Lorsque ces locaux sont situés dans le ressort de plusieurs juridictions et qu’une action simultanée doit être menée dans chacun d’eux, la requête peut être portée auprès de l’une de ces juridictions.
Le juge vérifie que la demande d’autorisation qui lui est soumise est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d’information de nature à justifier la visite.
La visite et la saisie s’effectuent sous l’autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. Il désigne un ou plusieurs officiers de police judiciaire chargés d’assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement. Lorsqu’elles ont lieu en dehors du ressort de son tribunal de grande instance, il délivre une commission rogatoire, pour exercer ce contrôle, au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel s’effectue la visite.
Le juge peut, s’il l’estime utile, se rendre dans les locaux pendant l’intervention.
Il peut, à tout moment, décider la suspension ou l’arrêt de la visite.
L’ordonnance mentionnée au premier alinéa est exécutoire au seul vu de la minute.
L’ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l’occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal prévu au III. En l’absence de l’occupant des lieux ou de son représentant, l’ordonnance est notifiée, après la visite, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l’avis.
À défaut de réception, il est procédé à la signification de l’ordonnance par acte d’huissier de justice. Le délai et la voie de recours sont mentionnés dans l’ordonnance.
L’ordonnance peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la cour d’appel. Les parties ne sont pas tenues de constituer avoué.
Suivant les règles prévues par le code de procédure civile, cet appel doit être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter soit de la remise, soit de la réception, soit de la signification de l’ordonnance. L’appel n’est pas suspensif.
Le greffe du tribunal de grande instance transmet sans délai le dossier de l’affaire au greffe de la cour d’appel où les parties peuvent le consulter.
L’ordonnance du premier président de la cour d’appel est susceptible d’un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure civile. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours.
II et III. – (Non modifiés)
Article 16 bis
Sont qualifiés pour procéder, dans l’exercice de leurs fonctions, à la recherche et à la constatation des manquements aux obligations résultant des dispositions du présent titre et des textes pris pour son application les agents de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires mentionnés à l’article 15 de la présente loi, habilités par le président de l’autorité et assermentés dans des conditions similaires à celles applicables aux agents de la Commission de régulation de l’énergie telles qu’elles résultent de l’article 43 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité.
Lorsque le président de l’autorité désigne des personnes pour réaliser un rapport d’expertise ou des experts extérieurs pour assister dans leurs enquêtes les agents habilités de l’autorité, il veille, si les intéressés ne sont pas inscrits sur une liste d’experts judiciaires, à ce qu’ils soient assermentés dans les mêmes conditions.
Le procureur de la République est préalablement informé des opérations d’enquête envisagées en application de l’article 16 de la présente loi.
Article 17
I. – Le fait de s’opposer de quelque façon que ce soit à l’exercice des fonctions dont les agents de l’autorité sont chargés en application de l’article 16 de la présente loi, ou de refuser de leur communiquer les éléments mentionnés à ce même article, est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende.
Les personnes physiques coupables des infractions prévues au premier alinéa du présent I encourent également les peines complémentaires suivantes :
1° La fermeture temporaire ou à titre définitif de l’un, de plusieurs ou de l’ensemble des établissements de l’entreprise appartenant à la personne condamnée ;
2° L’interdiction d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, suivant les modalités prévues par l’article 131-27 du code pénal ;
3° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l’article 131-35 du même code.
II. – (Non modifié)
III. – (Supprimé)
Article 18
L’Autorité de régulation des activités ferroviaires établit chaque année un rapport d’activité qui porte à la fois sur l’application des dispositions relatives à l’accès au réseau ferroviaire et à son utilisation, sur l’instruction des réclamations et sur l’observation de l’accès au réseau. Ce rapport rend compte des investigations menées par l’autorité et évalue les effets de ses décisions sur les conditions d’accès au réseau ferroviaire et sur les conditions de son utilisation. Il comporte toutes recommandations utiles. Il est adressé au Gouvernement et au Parlement. Il est rendu public.
Articles 19 à 22
..................................................................................................................
Article 22 bis
Les articles 8, à l’exception du VIII, et 9, ainsi que l’article 22 entrent en vigueur le premier jour du cinquième mois suivant la promulgation de la présente loi.
TITRE IV
DE CERTAINES CONCESSIONS ROUTIÈRES
Article 23
I. – L’article L. 153-7 du code de la voirie routière est ainsi rédigé :
« Art. L. 153-7. – Les conditions d’exploitation du tunnel routier sous le Mont-Blanc font l’objet de la convention relative au tunnel routier sous le Mont-Blanc signée à Lucques le 24 novembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne, dont l’approbation a été autorisée par laloi n° 2008-575 du 19 juin 2008. »
II. – La concession pour la construction, l’entretien et l’exploitation de l’autoroute A 40, entre Châtillon-en-Michaille et Le Fayet, de l’autoroute A 411 entre la frontière suisse à Gaillard et Annemasse et de l’autoroute A 401 entre Saint-Julien-en-Genevois et le raccordement à la route suisse RN 1a prendra fin le 31 décembre 2050. Les autres modifications apportées à la convention et au cahier des charges font l’objet d’un avenant. Cet avenant comporte une étude paysagère sur l’ensemble du réseau de l’autoroute A 40 menée par le concessionnaire.
III. – Pour assurer la continuité de l’exploitation du réseau routier national entre l’autoroute A 40 et le tunnel du Mont-Blanc, la route nationale RN 205, se situant entre l’échangeur A 40/RN 205, au droit de Le Fayet, et la rampe d’accès au tunnel du Mont-Blanc, est intégrée à l’assiette de la concession mentionnée au II. Les modalités techniques et financières de cette intégration font l’objet d’un avenant au contrat de concession qui prévoira une participation du concessionnaire aux travaux d’aménagement de cet itinéraire. Cet avenant comporte également l’obligation pour le concessionnaire de réaliser une étude d’intégration environnementale de l’ensemble de son réseau concédé.
IV. – (Non modifié)
TITRE IV BIS
DU TRANSPORT ROUTIER
Article 23 bis
I. – L’article 6-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi rédigé :
« I. – L’activité de cabotage routier de marchandises est subordonnée à la réalisation préalable d’un transport routier international. À cette condition, elle peut être pratiquée à titre temporaire par tout transporteur routier pour compte d’autrui établi dans un État partie à l’Espace économique européen et titulaire d’une licence communautaire, aux fins de rationalisation du transport international aux plans économique, énergétique et environnemental, sous réserve des dispositions transitoires prévues par les traités d’adhésion à l’Union européenne en matière de cabotage routier de marchandises.
« Lorsque le transport international est à destination du territoire français, le cabotage routier est autorisé, après déchargement des marchandises, dans la limite de trois opérations sur le territoire français. Ces trois opérations de cabotage doivent être achevées dans le délai de sept jours à compter du déchargement des marchandises ayant fait l’objet du transport international. Le cabotage doit être réalisé avec le même véhicule que celui qui a servi au transport international ou, s’il s’agit d’un ensemble de véhicules, avec le même véhicule moteur.
« Lorsque le transport routier international n’a pas pour destination le territoire français, il ne peut être effectué qu’une seule opération de cabotage sur le territoire français, dans le délai maximum de trois jours suivant l’entrée à vide du véhicule sur le territoire national. Cette opération de cabotage doit être achevée dans le délai de sept jours à compter du déchargement des marchandises ayant fait l’objet du transport international.
« Tout véhicule effectuant en France une opération de cabotage routier de marchandises doit être accompagné des documents permettant de justifier du respect des dispositions qui précèdent. Ces documents attestent du transport international préalable auquel cette activité est subordonnée ainsi que de chaque opération de cabotage réalisée. » ;
2° Après le I, sont insérés un I bis et un I ter ainsi rédigés :
« I bis. – Dans le cas de services occasionnels, un véhicule utilisé par une entreprise de transport de personnes non résidente, pour effectuer sur le territoire français des prestations de cabotage prévues par le règlement (CE) n° 12/98 du Conseil, du 11 décembre 1997, fixant les conditions de l’admission des transporteurs non résidents aux transports nationaux de voyageurs par route dans un État membre, ne peut rester sur ce territoire plus de trente jours consécutifs, ni plus de quarante-cinq jours sur une période de douze mois.
« I ter. – Le contrôle de l’activité de cabotage routier prévue aux I et I bis s’effectue notamment au regard des données d’activité enregistrées par l’appareil de contrôle prévu par le règlement (CEE) n° 3821/85 du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant l’appareil de contrôle dans le domaine des transports par route. »
II. – (Non modifié)
III. – Le 12° de l’article 13 et l’article 13-1 de l’ordonnancen° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) sont abrogés.
IV. – (Non modifié)
Article 23 ter A (nouveau)
I. – La loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 précitée est ainsi modifiée :
1° Le II de l’article 8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice des dispositions impératives issues des conventions internationales et à défaut de convention écrite définissant les rapports entre les parties au contrat sur les matières mentionnées ci-dessus, les clauses des contrats types s’appliquent de plein droit aux contrats de commission de transport ayant pour objet une liaison internationale et aux contrats de transport international. » ;
2° Le troisième alinéa de l’article 33 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les responsabilités du transporteur routier qui recourt à la sous-traitance sont celles prévues par le code de commerce pour les commissionnaires de transport. »
II. – Après l’article L. 133-7 du code de commerce, il est inséré un article L. 133-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 133-8. – Seule est équipollente au dol la faute inexcusable du voiturier ou du commissionnaire de transport. Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable. Toute clause contraire est réputée non écrite. »
Article 23 ter B (nouveau)
La gestion et la délivrance des documents relatifs au contrôle du cabotage et des autorisations de transport routier pour la réalisation de liaisons internationales peuvent être confiées à un ou plusieurs organismes agréés. Un décret en Conseil d’État précise les attributions et les conditions d’agrément de ces organismes ; il détermine les règles de gestion et de délivrance des documents et des autorisations, et les modalités selon lesquelles les entreprises participent aux frais de gestion et de délivrance.
Article 23 ter
I et II. – (Non modifiés)
III. – Après l’article 689-10 du même code, il est inséré un article 689-12 ainsi rédigé :
« Art. 689-12. – Pour l’application du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à l’article 689-1 toute personne coupable d’infractions à la réglementation du temps de conduite et de repos au sens du chapitre II du même règlement commises dans un État de l’Union européenne. »
Article 23 quater A (nouveau)
I. – L’article L. 321-11 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa, les mots : «, qui ne peut excéder 3,05 € par véhicule, » sont supprimés ;
2° Après le troisième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le montant du droit de passage est au plus égal au produit d’un montant forfaitaire de 20 € par un coefficient, compris entre 0,2 et 3, en fonction de la classe du véhicule déterminée d’après sa silhouette, appréciée en tenant compte, s’il y a lieu, de la présence d’une remorque tractée et de ses caractéristiques techniques.
« Lorsqu’est perçu le droit départemental mentionné au premier alinéa, l’usage de l’ouvrage d’art entre le continent et l’île peut en outre donner lieu à la perception d’une redevance pour services rendus par le maître de l’ouvrage en vue d’assurer le coût de son entretien et de son exploitation. Ces dispositions sont exclusives de l’application de l’article 56 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier.
« Lorsqu’il y a versement d’une redevance pour services rendus, le montant du droit départemental de passage mentionné au premier alinéa du présent article est calculé de telle sorte que le montant total perçu, lors du passage d’un véhicule, ne puisse excéder trois fois le montant forfaitaire mentionné au quatrième alinéa.
« Le cas échéant, les frais de perception du droit départemental de passage et de la redevance pour services rendus s’imputent à due concurrence sur les produits de ceux-ci. » ;
3° Le début du quatrième alinéa est ainsi rédigé :
« La délibération du conseil général sur le droit de passage peut prévoir des tarifs différents ou la gratuité, sans préjudice de la modulation éventuelle de la redevance d’usage, selon les diverses catégories… (le reste sans changement). » ;
4° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :
« Le produit du droit départemental de passage est inscrit au budget du département après déduction des coûts liés à sa perception ainsi que des coûts liés aux opérations de gestion et de protection des espaces naturels insulaires dont le département est le maître d’ouvrage ; les sommes correspondantes sont destinées au financement de mesures de protection et de gestion des espaces naturels insulaires ainsi que du développement de transports en commun fonctionnant avec des véhicules propres, dans le cadre d’une convention conclue entre le préfet, le conseil général et les communes et les groupements de communes. La fraction du produit revenant aux communes et groupements concernés en application de cette convention leur est reversée par le département. Les collectivités peuvent rétrocéder tout ou partie de ces sommes aux gestionnaires des espaces naturels protégés mentionnés au huitième alinéa, dans le cadre d’une convention conclue à cet effet. »
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2010.
Article 23 quater (nouveau)
(Dispositions déclarées irrecevables au regard de l’article 40 de la Constitution)
Article 23 quinquies (nouveau)
La loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 précitée est ainsi modifiée :
1° Au début du premier alinéa du I de l’article 6-2, au début de la deuxième phrase du II de l’article 7 et au début du huitième alinéa de l’article 29, sont insérés les mots : « Sans préjudice de l’article 29-1, » ;
2° Après l’article 29, il est inséré un article 29-1 ainsi rédigé :
« Art. 29-1. – L’État peut autoriser, pour une durée déterminée, les entreprises de transport public routier de personnes à assurer des dessertes intérieures régulières d’intérêt national, à l’occasion d’un service régulier de transport routier international de voyageurs, à condition que l’objet principal de ce service soit le transport de voyageurs entre des arrêts situés dans des États différents.
« L’État peut limiter ou, le cas échéant, interdire ces dessertes intérieures si la condition précitée n’est pas remplie ou si leur existence compromet l’équilibre économique d’un contrat de service public de transport de personnes. Il peut être saisi à cette fin par une collectivité intéressée.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article et notamment les conditions dans lesquelles les autorités organisatrices de transport concernées sont consultées. » ;
3° Au deuxième alinéa de l’article 46, la référence : « et 28-1-2 » est remplacée par les références : « 28-1-2 et 29-1 ».
Article 23 sexies (nouveau)
I. – Une entreprise ne peut faire réaliser par une entreprise de transport routier de marchandises plus de trois prestations de cabotage par un même véhicule moteur sur une période de sept jours à compter du chargement de la première opération de cabotage.
Lorsque l’entreprise de transport justifie qu’un de ses véhicules a effectué un transport international au cours de cette période, l’entreprise co-contractante a la possibilité de faire réaliser par ce véhicule trois nouvelles opérations de cabotage dans les sept jours suivant le déchargement des marchandises ayant fait l’objet du transport international.
Le fait pour l’entreprise ayant commandé les prestations de cabotage de ne pas respecter ces dispositions est passible d’une amende de 15 000 €.
II. – Le dernier alinéa du I de l’article 25 de la loi n° 52-401du 14 avril 1952 de finances pour l’exercice 1952 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ils ont accès, entre huit heures et vingt heures, aux locaux des entreprises qui commandent des transports routiers de marchandises, à l’exclusion des locaux servant de domicile, et peuvent se faire présenter tous documents relatifs aux contrats de transport. »
Article 23 septies (nouveau)
I. – Après l’article L. 121-94 du code de la consommation, il est inséré une section 13 ainsi rédigée :
« Section 13
« Contrats de transports de déménagement
« Art. L. 121-95. – Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 133-3 du code de commerce, le délai de forclusion applicable aux contrats de transports de déménagement conclus entre un professionnel et un consommateur est fixé à dix jours calendaires à compter de la réception des objets transportés. Les protestations motivées émises par lettre recommandée dans ce délai produisent leurs effets même en l’absence de réserves formulées à la livraison. Les réserves émises par le destinataire à la livraison et non contestées par le transporteur dispensent de la protestation motivée prévue au présent alinéa.
« Lorsque la procédure à suivre pour émettre des réserves n’a pas été communiquée au consommateur dans les conditions fixées par arrêté ministériel, le délai prévu au premier alinéa est porté à trois mois.
« Art. L. 121-96. – L’action directe en paiement du transporteur prévue par l’article L. 132-8 du code de commerce ne peut être mise en œuvre à l’encontre du consommateur qui s’est déjà acquitté du paiement de la prestation de déménagement auprès d’une entreprise de déménagement. »
II. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° La dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 133-3 est supprimée ;
2° Après l’article L. 133-8, il est inséré un article L. 133-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 133-9. – Sans préjudice des articles L. 121-95 et L. 121-96 du code de la consommation, les dispositions des articles L. 133-1 à L. 133-8 relatives au voiturier s’appliquent aux entreprises de transport de déménagement dès lors que la prestation objet du contrat de déménagement comprend pour partie une prestation de transport. »
Article 23 octies (nouveau)
L’article L. 225-5 du code de la route est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° À l’organisme chargé de la délivrance et de la gestion des cartes de qualification de conducteur destinées à prouver la qualification initiale et la formation continue des conducteurs de certains véhicules routiers affectés aux transports de marchandises ou de voyageurs. »
Article 23 nonies (nouveau)
Le chapitre 4 du titre 3 du livre 2 du code de la route est complété par un article L. 234-15 ainsi rédigé :
« Art. L. 234-15. – Les éthylotests anti-démarrage dont sont équipés, à titre préventif, les véhicules des entreprises de transport permettent le traitement automatisé de données relatives à leur fonctionnement, au taux d’alcoolémie des conducteurs et au démarrage des véhicules.
« Les données relatives au taux d’alcoolémie des conducteurs ne doivent être ni consultées, ni communiquées, ni utilisées. Les autres données ne peuvent être consultées que par des personnes nommément désignées par le chef d’entreprise. »
Article 23 decies (nouveau)
Au chapitre 3 du titre 3 du livre 4 du code de la route, il est inséré un article L. 433-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 433-1. – L’accompagnement des transports exceptionnels est effectué par des conducteurs soumis à une obligation de formation professionnelle.
« Sont dispensés de cette obligation les fonctionnaires des services actifs de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale, en activité ou ayant cessé leur activité.
« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article et notamment les conditions dans lesquelles les agents mentionnés à l’alinéa précédent sont dispensés de cette obligation lorsqu’ils ont cessé leur activité. »
Article 23 undecies (nouveau)
Au 1° de l’article 2 de l’ordonnance n° 58-1310 du 23 décembre 1958 concernant les conditions de travail dans les transports routiers publics et privés en vue d’assurer la sécurité de la circulation routière, après le mot : « inspecteurs », sont insérés les mots : « et les contrôleurs ».
TITRE V
DISPOSITIONS RELATIVES À L’AVIATION CIVILE
Article 24
I. – L’article L. 422-1 du code de l’aviation civile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Afin de permettre l’organisation du transport public aérien, sans préjudice de l’application des articles L. 422-2 à L. 422-4, dans le respect des dispositions prises pour assurer la sécurité des vols, le personnel navigant est tenu, sauf cas de force majeure ou impossibilité médicale, d’assurer son service programmé entre deux passages à l’une des bases d’affectation du personnel navigant de l’entreprise. »
II. – L’article L. 422-5 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est précédé de la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Pour les salariés mentionnés au premier alinéa du I, il est admis, dans les conditions d’exploitation des entreprises de transport et de travail aériens, qu’à la durée légale du travail effectif, telle que définie au premier alinéa de l’article L. 3121-10 du code du travail, correspond un temps de travail exprimé en heures de vol d’une durée déterminée par décret en Conseil d’État par mois, trimestre ou année civils. Par exception à l’article L. 3121-22 du même code, les heures supplémentaires de vol donnent lieu à une majoration de 25 % portant sur les éléments de rémunération, à l’exclusion des remboursements de frais.
« Les articles L. 3121-33, L. 3122-29 à L. 3122-45, L. 3131-1 et L. 3131-2 du même code ne s’appliquent pas aux personnels entrant dans le champ du premier alinéa du I du présent article.
« Les articles L. 1225-47 à L. 1225-60, L. 3122-28, L. 3123-1, L. 3123-2, L. 3123-5 à L. 3123-8, L. 3123-10, L. 3123-11, L. 3123-14 à L. 3123-23 et L. 3142-78 à L. 3142-99 du code du travail sont applicables à ces mêmes personnels dans des conditions déterminées, compte tenu des adaptations rendues nécessaires par les contraintes propres aux activités aériennes, par décret en Conseil d’État. »
III (nouveau). – Le deuxième alinéa du 2° du II du présent article entre en vigueur à compter de la publication du décret en Conseil d’État prévu par ce même alinéa.
Article 24 bis (nouveau)
I. – Après l’article L. 423-6 du code de l’aviation civile, sont insérés quatre articles L. 423-7 à L. 423-10 ainsi rédigés :
« Art. L. 423-7. – Pour l’application des articles L. 423-8 à L. 423-10, le personnel navigant technique est celui qui relève des sections A, B et C mentionnées à l’article L. 421-1.
« Art. L. 423-8. – Par dérogation aux articles L. 2314-8 et L. 2324-11 du code du travail, dans les entreprises de transport et de travail aériens, lorsque le nombre de personnels navigants techniques est au moins égal à vingt-cinq au moment de la constitution ou du renouvellement des délégués du personnel, de la délégation unique du personnel ou des représentants du personnel au comité d’entreprise, cette catégorie constitue un collège spécial.
« Lorsque dans un ou plusieurs établissements de l’entreprise, il est constitué un collège électoral en application de l’alinéa précédent, un délégué titulaire et un délégué suppléant au comité central d’entreprise appartiennent à la catégorie du personnel navigant technique.
« Art. L. 423-9. – Dans les entreprises de transport et de travail aériens ou leurs établissements, lorsqu’un collège électoral spécifique est créé pour le personnel navigant technique, est représentative, à l’égard des personnels relevant de ce collège, l’organisation syndicale qui satisfait aux critères prévus à l’article L. 2121-1 du code du travail, et qui a recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel dans ce collège, quel que soit le nombre de votants.
« Dans les branches qui couvrent les activités de transport et de travail aériens, sont représentatives, à l’égard du personnel navigant technique, les organisations syndicales qui remplissent les conditions prévues à l’article L. 2122-5 du code du travail dans les collèges électoraux de personnels navigants techniques, ou bien les conditions prévues à l’article L. 2122-6 du même code.
« Art. L. 423-10. – Dans les entreprises dans lesquelles un collège électoral spécifique est créé pour les personnels navigants techniques, lorsque la convention de branche ou l’accord d’entreprise ou d’établissement ne concerne que les personnels navigants techniques, sa validité est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés dans ce collège spécifique au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel quel que soit le nombre de votants, et à l’absence d’opposition d’une ou de plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés dans ce collège à ces élections, quel que soit le nombre de votants.
« Lorsque la convention ou l’accord ne concerne que les personnels navigants techniques, sa validité est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections prises en compte pour la mesure de l’audience prévue au 3° de l’article L. 2122-5 du code du travail ou, le cas échéant, dans le cadre de la mesure de l’audience prévue à l’article L. 2122-6 du même code, au moins 30 % des suffrages exprimés dans le collège de personnels navigants techniques en faveur d’organisations reconnues représentatives à ce niveau, quel que soit le nombre de votants, et à l’absence d’opposition d’une ou de plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés dans ce collège à ces élections ou, le cas échéant, dans le cadre de la même mesure d’audience, quel que soit le nombre de votants. »
II. – La première phrase du premier alinéa de l’article L. 342-4 du même code est ainsi modifiée :
1° Les références : « L. 433-2 et L. 435-4 » sont remplacées par les références : « L. 2324-11 et L. 2327-4 » ;
2° Après les mots : « les personnels navigants professionnels », sont insérés les mots : « autres que ceux mentionnés à l’article L. 423-8 ».
III. – Les I et II entrent en vigueur à compter de la tenue, dans les entreprises concernées, des premières élections professionnelles postérieures à la date de publication de la présente loi.
Toutefois, et jusqu’à la date de ces élections, lorsque la convention de branche ou l’accord d’entreprise ou d’établissement n’intéresse que la catégorie professionnelle du personnel navigant technique, la validité de la convention ou de l’accord est subordonnée à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.
L’opposition est exprimée dans un délai de huit jours à compter de la date de notification de cette convention ou de cet accord.
Article 25
..................................................................................................................
Article 26
I. – À compter du premier jour du quatrième mois suivant la date de publication de la présente loi, le chapitre VII du titre II du livre II du code de l’aviation civile est ainsi modifié :
1° L’article L. 227-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « Il est institué, dans les six mois à compter de la promulgation de la loi n° 99-588 du 12 juillet 1999 portant création de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, une autorité administrative indépendante dénommée “Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires”, » sont remplacés par les mots : « L’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires est une autorité administrative indépendante » ;
b) Au sixième alinéa, les mots : « gêne sonore » sont remplacés par les mots : « nuisances sonores » ;
c) Les seizième et dix-septième alinéas sont supprimés ;
2° L’article L. 227-4 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est précédé de la mention : « I. – » et les mots : « Sur proposition de la Commission nationale de prévention des nuisances, » sont supprimés ;
b) Au sixième alinéa, les mots : « dont l’aéronef ne respecte » sont remplacés par les mots : « ne respectant » ;
c) Les douzième à quinzième alinéas sont remplacés par seize alinéas ainsi rédigés :
« II. – Pour l’exercice de son pouvoir de sanction, et dans les conditions fixées par son règlement intérieur, l’autorité bénéficie du concours de sept membres associés :
« – deux représentants des professions aéronautiques ;
« – deux représentants d’associations de riverains d’aérodromes ;
« – un représentant d’associations de protection de l’environnement agréées au niveau national ;
« – un représentant d’activités riveraines des aérodromes impactées par l’activité aéroportuaire ;
« – un représentant du ministre chargé de l’aviation civile.
« Ces membres associés et leurs deux suppléants respectifs sont nommés par arrêté du ministre chargé de l’aviation civile pour une période de trois ans renouvelable. Les membres associés titulaires et leurs suppléants perdent leur qualité de membre s’ils perdent la qualité en fonction de laquelle ils ont été désignés.
« III. – Les manquements aux mesures prévues au I sont constatés par les fonctionnaires et agents visés à l’article L. 150-13. Ces manquements font l’objet de procès-verbaux qui, ainsi que le montant de l’amende encourue, sont notifiés à la personne concernée et communiqués à l’autorité.
« À l’issue de l’instruction, le président de l’autorité peut classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières à la commission des faits le justifient ou que ceux-ci ne sont pas constitutifs d’un manquement pouvant donner lieu à sanction.
« L’instruction et la procédure devant l’autorité sont contradictoires.
« L’instruction est assurée par des fonctionnaires et agents visés à l’article L. 150-13 autres que ceux qui ont constaté le manquement, qui peuvent entendre toutes personnes susceptibles de contribuer à l’information et se faire communiquer tous documents nécessaires.
« Un rapporteur permanent et son suppléant sont placés auprès de l’autorité.
« Au terme de l’instruction, le rapporteur notifie le dossier complet d’instruction à la personne concernée. Celle-ci peut présenter ses observations au rapporteur.
« L’autorité met la personne concernée en mesure de se présenter devant elle ou de se faire représenter. Elle délibère valablement au cas où la personne concernée néglige de comparaître ou de se faire représenter.
« Après avoir entendu le rapporteur et, le cas échéant, la personne concernée ou son représentant, l’autorité délibère hors de leur présence.
« Les membres associés participent à la séance. Ils ne participent pas aux délibérations et ne prennent pas part au vote. » ;
d) La dernière phrase de l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigée :
« Aucune poursuite ne peut être engagée plus de deux ans après la commission des faits constitutifs d’un manquement. » ;
e) Après l’avant-dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les conditions d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. » ;
f) Le dernier alinéa est supprimé ;
3° Au troisième alinéa de l’article L. 227-5, les mots : « de la gêne sonore » sont remplacés par les mots : « des nuisances sonores » ;
4° L’article L. 227-7 est ainsi modifié :
a) La dernière phrase du premier alinéa est supprimée ;
b) Au second alinéa, après le mot : « rapport », il est inséré le mot : « public » ;
5° L’article L. 227-9 est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Celui-ci nomme le rapporteur permanent et son suppléant. » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Pour l’exécution de ses missions, l’autorité établit son règlement intérieur qui est publié au Journal officiel. »
II et III. – (Non modifiés)
Article 26 bis (nouveau)
Après l’article L. 227-10 du code de l’aviation civile, il est inséré un article L. 227-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 227-11. – I. – Le volume de protection environnementale est un volume de l’espace aérien associé à une procédure de départ ou à une procédure d’arrivée portée à la connaissance des usagers par la voie de l’information aéronautique, dans lequel le vol doit être contenu pour des raisons environnementales.
« II. – Le commandant de bord d'un aéronef volant selon les règles de vol aux instruments conduit son vol à l'intérieur du volume de protection environnementale qui est associé à la procédure déclarée en service par l'organisme de contrôle de la circulation aérienne, lorsque ce volume de protection existe.
« III. – Un arrêté du ministre chargé de l’aviation civile définit le volume de protection environnementale associé à la procédure concernée, les catégories d’aéronefs visées et les cas de dérogation, après avis de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires. »
Article 27
I. – Après l’article L. 330-10 du code de l’aviation civile, sont insérés trois articles L. 330-10-1, L. 330-10-2 et L. 330-10-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 330-10-1. – Les agents et fonctionnaires énumérés à l’article L. 330-10 sont chargés de veiller au respect des dispositions prévues par les textes communautaires entrant dans le champ de compétence de l’autorité administrative chargée de l’aviation civile et mentionnés à l’annexe du règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 27 octobre 2004, relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs. À cette fin, ils disposent des pouvoirs énumérés à l’article 4 du règlement précité.
« Pour l’exercice de leurs missions, les agents mentionnés au premier alinéa du présent article ont accès, lorsqu’ils sont à usage professionnel, aux locaux, terrains, aéronefs, à l’exclusion des domiciles et de la partie des locaux servant de domicile. Ils ne peuvent y accéder qu’entre huit heures et vingt heures, ou en dehors de ces heures, lorsque l’accès au public est autorisé ou lorsqu’une activité est en cours.
« En cas d’opposition du responsable des lieux, la visite ne peut se dérouler qu’avec l’autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter.
« Ce magistrat est saisi à la requête de l’autorité administrative chargée de l’aviation civile. Il statue par une ordonnance motivée, conformément aux articles 493 à 498 du code de procédure civile. La procédure est sans représentation obligatoire.
« La visite s’effectue sous l’autorité et le contrôle du juge qui l’a autorisée. Celui-ci peut se rendre dans les locaux durant l’intervention. À tout moment, il peut décider l’arrêt ou la suspension de la visite.
« Sous réserve du respect des données à caractère personnel, le secret professionnel ne peut être opposé aux agents et fonctionnaires agissant dans le cadre des pouvoirs visés au présent article.
« À l’issue de leurs opérations, les agents et fonctionnaires dressent procès-verbal, dont copie est remise aux parties intéressées.
« Art. L. 330-10-2. – Les agents et fonctionnaires habilités à constater les manquements aux textes mentionnés à l’article L. 330-10-1 peuvent enjoindre aux parties intéressées, en leur impartissant un délai raisonnable, de se conformer aux obligations résultant des textes mentionnés à l’article L. 330-10-1 ou de faire cesser les manquements à ces textes.
« L’autorité administrative chargée de l’aviation civile peut agir devant la juridiction civile pour demander au juge d’ordonner, s’il y a lieu sous astreinte, toute mesure de nature à mettre un terme aux manquements prévus par les textes visés à l’article L. 330-10-1.
« Art. L. 330-10-3. – Les dispositions relatives au secret professionnel ne font pas obstacle à la communication aux autorités compétentes des États membres de l’Union européenne, par l’autorité administrative chargée de l’aviation civile, selon les conditions et modalités du règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 27 octobre 2004, précité, d’informations et de documents détenus et recueillis dans l’exercice de leurs missions par les agents et fonctionnaires habilités à constater et rechercher des manquements aux dispositions de ce règlement et de ses textes d’application. »
II. – (Non modifié)
Article 28
Le premier alinéa de l’article L. 123-4 du code de l’aviation civile est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Après mise en demeure infructueuse du redevable de régulariser sa situation, la saisie conservatoire d’un aéronef exploité par le redevable ou lui appartenant peut être requise auprès du juge du lieu d’exécution de la mesure par les autorités et dans les situations suivantes :
« – le ministre chargé des transports, en cas de non-paiement ou de paiement insuffisant de la redevance de route ou de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne, ainsi qu’en cas de non-restitution d’une aide d’État ayant fait l’objet d’une décision de récupération de la part de la Commission européenne ou d’un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, sans préjudice, dans ce cas, des compétences dévolues en ce domaine aux représentants de l’État dans le département ;
« – l’exploitant d’aérodrome, en cas de non-paiement ou de paiement insuffisant des redevances aéroportuaires ;
« – l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, en cas de non-paiement ou de paiement insuffisant des amendes administratives prononcées par cette autorité. »
Article 28 bis (nouveau)
À l’échéance de la concession détenue par la chambre de commerce et d’industrie de Nantes pour la construction, l’entretien et l’exploitation des aérodromes de Nantes-Atlantique et de Saint-Nazaire-Montoir, les agents publics affectés à cette concession sont mis, pour une durée de dix ans, à la disposition du délégataire désigné par l’État à cette date pour la concession ayant pour objet les aérodromes de Nantes-Atlantique et de Saint-Nazaire-Montoir ainsi que le nouvel aérodrome du Grand Ouest Notre-Dame-des-Landes.
Pendant la durée de cette période de mise à disposition, chaque agent est pris en charge par le nouveau délégataire aux mêmes conditions que celles dont il bénéficiait dans la concession précédente et peut à tout moment demander que lui soit proposé par le nouveau délégataire un contrat de travail. La conclusion de ce contrat emporte radiation des cadres.
Au terme de la durée de dix ans prévue au premier alinéa, le délégataire propose à chacun des agents publics un contrat de travail, dont la conclusion emporte radiation des cadres. Les agents publics qui refusent ce contrat sont réintégrés de plein droit au sein de la chambre de commerce et d’industrie dont ils relèvent.
TITRE VI
DISPOSITIONS RELATIVES À LA MARINE MARCHANDE
Article 29
.........................................................................................................................
M. le président. Sur l’ensemble de ces articles, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Mais je suis saisi de demandes de parole sur certains articles.
article 1er
Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte réécrit les grandes lignes des cadres de la perception des redevances exigées pour l’accès au réseau et des autres prestations, autrement dit pour les péages.
Une première réforme des péages de Réseau ferré de France, ou RFF, a pourtant été décidée par décret, le 20 novembre dernier, mais en catimini, sans débat public. Aussi je vous demande laquelle des deux réformes est la plus importante : celle qui nous a été soumise dans ce texte ou celle qui a été adoptée par décret un mois avant l’ouverture de la discussion parlementaire ?
Si plusieurs options font consensus, les modalités techniques de la réforme auront des incidences considérables, notamment pour les régions.
Certes, le constat est partagé : en 2007, les recettes des péages s’élevaient à 2,7 milliards d’euros alors que le coût complet de l’infrastructure se montait à 6,2 milliards d’euros environ par an. Le décret a entériné une réforme des péages devenue inéluctable. Les redevances sont désormais de trois sortes : la redevance d’accès, la redevance de réservation et la redevance de circulation. Le problème est que rien, ni dans le décret ni dans le texte qui nous est soumis, ne permet de s’assurer que la réforme préserve la situation des collectivités et des lignes les plus fragiles, les moins rentables, en particulier dans les zones rurales à faible densité de population ou dans les zones de montagne.
Permettez-moi donc de me faire l’écho des inquiétudes exprimées par l’Association des régions de France, en avril 2008 : « les régions ne sauraient supporter le coût de l’entretien et de la modernisation du réseau ferré au-delà des sommes qu’elles y consacrent actuellement. [...] Les régions demandent que les modalités de financement prévoient un mécanisme de compensation pour les régions finançant des opérations d’investissement qui permette de réduire les coûts d’entretien et un mécanisme de péréquation qui permette de maintenir les lignes à vocation d’aménagement du territoire. »
Pour les régions, la nouvelle architecture des péages est certes « moins mauvaise que la précédente », mais l’augmentation des tarifs, couplée à une compensation réduite à l’existant via la dotation générale de décentralisation, ou DGD, nous fait craindre le pire.
Si seulement le Gouvernement avait traduit concrètement le principe de péréquation contenu dans la directive 2007/58/CE ! Mais tel n’est, hélas ! pas le cas. Voilà une fois encore la démonstration que ce n’est pas « la faute à l’Europe », mais bien celle du Gouvernement national. Ce dernier veut tout, mais ne se donne les moyens de rien ! Il veut tout, quitte à faire supporter le coût de ses décisions aux collectivités territoriales et, au final, au contribuable local et régional.
Monsieur le secrétaire d’État, alors que ce texte aurait pu être l’occasion d’explorer de nouvelles pistes, le Gouvernement n’en a rien fait, bien que ce sujet donne lieu à de nombreux débats depuis plusieurs années. C’est là une occasion manquée. C’est pourquoi nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Nous regrettons que, malgré nos appels répétés, vous fassiez le choix d’ouvrir à la concurrence le transport ferroviaire de voyageurs alors même qu’aucun bilan n’a été réalisé sur les précédentes directives de libéralisation.
Nous considérons que la libéralisation du transport de voyageurs n’est pas une question anodine. Elle mérite donc mieux qu’une lecture en urgence au sein de nos assemblées.
En effet, les dispositions contenues dans ce projet de loi posent directement la question du maintien d’un service public des transports, comme en témoigne votre volonté de modifier l’intitulé de la section I du chapitre Ier du titre II de la loi d’orientation des transports intérieurs, la LOTI, où la notion de service public disparaît.
Se pose également la question du maintien de l’opérateur public, la SNCF, puisque nous voyons, là encore, les prémices d’un découpage de son activité, notamment avec la séparation comptable de la gestion de l’infrastructure et de l’exploitation des services de transports, ainsi que l’isolement des gares au sein de son activité.
Pour notre part, nous considérons que le modèle d’une entreprise intégrée est un atout pour notre pays et un gage pour la sécurité.
La mission de service public confiée à la SNCF risque finalement d’être menacée par cette ouverture à la concurrence, surtout si la notion de cabotage fait l’objet d’une lecture extensive par l’ARAF.
En effet, il est à craindre que les nouveaux opérateurs ne s’emparent des lignes rentables, comme celles du TGV, et que la SNCF, n’ayant plus les ressources nécessaires pour effectuer une péréquation entre les activités rentables et celles qui le sont moins, n’abandonne progressivement – c’est d’ailleurs ce qui est en train de se passer pour le fret ferroviaire – des lignes jugées moins rentables.
Une telle dérive remettrait gravement en cause la présence d’une offre de transport sur l’ensemble du territoire. C’est la notion même de service public qui serait ainsi mise à mal.
Nous sommes également perplexes quant aux bénéfices de cette ouverture à la concurrence pour les usagers. En effet, les entreprises privées sont là pour faire des bénéfices et ne sont pas dépositaires de missions de service public. Il faudra donc que l’offre qu’elles proposent soit suffisamment rentable pour leurs actionnaires. La concurrence risque ainsi de se porter notamment sur les normes sociales pour les personnels des entreprises. À ce titre, nous savons bien que les mécanismes de dumping social sont devenus monnaie courante au sein de l’Union européenne et constituent d’ailleurs le principal avantage concurrentiel de la route sur le rail.
Cette libéralisation fait également peser des risques sur la sécurité des usagers. En effet, il est à craindre que les nouveaux entrants ne rognent sur les normes minimales de sécurité qu’ils considèrent comme un coût. Au demeurant, comme nous l’avons rappelé lors de la présentation de notre motion tendant à opposer la question préalable, il est intéressant de constater la frilosité des opérateurs privés, qui craignent de devoir se plier à des normes techniques de sécurité trop contraignantes, normes qu’ils considéreraient comme des entraves à leur compétitivité. On risque donc de voir les exigences de rentabilité financière prendre le pas sur la réponse aux besoins et à la sécurité des circulations.
Sur le fond, et dans l’esprit des objectifs du Grenelle de l’environnement, ajouter une concurrence interne au rail, en plus de celle de la route, n’est pas de bon augure pour les missions confiées à la SNCF en vue du développement de l’offre de transport, et donc dans l’objectif d’un rééquilibrage modal.
Le groupe CRC-SPG propose, pour sa part, un autre modèle, pour une Europe ferroviaire fondée sur les coopérations, l’élévation des conditions sociales des travailleurs, la sécurité des circulations et des investissements publics afin de développer durablement le transport ferroviaire et de participer au rééquilibrage multimodal ainsi qu’au maillage territorial. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. L’article 1er vise à ouvrir à la concurrence les transports internationaux de voyageurs.
Aujourd’hui, la transcription que vous proposez concerne le troisième paquet, qui touche au cœur du sujet : le transport de voyageurs, avec l’ouverture à la concurrence au 1er janvier 2010, c’est-à-dire demain. Toutefois, depuis les premiers débats, deux changements importants ont eu lieu.
Cet article modifie la LOTI sans même prévoir le minimum des garanties que permettrait pourtant d’envisager la transposition de la directive à la lettre.
D’ailleurs, c’est devenu une habitude, pour ce gouvernement, d’omettre de transposer les éléments les plus intéressants des directives européennes. Pour ce texte, vous avez omis de traduire les principes de la péréquation entre les lignes rentables et celles qui le sont moins, vous vous êtes fait prier pour la mise en place du permis de conduire européen et vous avez oublié d’encadrer l’exercice de l’ouverture du trafic voyageurs international.
La crise économique, qui touche tous les pays, a asséché les finances publiques et remis en cause le marché, lequel se trompe parfois, ne vous en déplaise !
En outre, le règlement européen relatif aux obligations de service public, adopté le 23 octobre 2007 par le Parlement européen et le Conseil, modifie sérieusement les perspectives. Ce règlement a le mérite de poser la principale question que nous devons avoir à l’esprit avant d’examiner votre texte : « Comment concilier les règles de la concurrence avec le maintien du service public ? » Or cette question, vous ne vous la posez pas : vous libéralisez encore plus qu’on ne vous le demande !
Nous commençons à avoir du recul sur la mise en concurrence de réseaux avec les télécoms, le gaz, l’électricité, le fret. Nous savons que les secteurs et services attrayants et rentables attirent sans problème les opérateurs, mais que, dans les zones éloignées moins denses, les zones « grises » ou « blanches », personne ne se précipite. Il y faut de l’argent public pour réparer, pour compenser.
Lequel d’entre nous, sur ces travées, n’a jamais fait d’intervention pour que, dans sa circonscription, les opérateurs de téléphonie mobile ou de haut débit desservent l’ensemble des habitants ?
Depuis les années quatre-vingt, nous avons l’exemple même de ce qu’il ne faut pas mettre en œuvre dans les transports ferrés : l’exemple de la Grande-Bretagne de Mme Thatcher. L’ouverture totale à la concurrence, la privatisation avec une desserte sans coordination, a laissé un goût amer aux usagers, qui ont beaucoup souffert, parfois au prix de leur vie, et peu gagné.
En effet, les transports, le rail en particulier, ont besoin d’une autorité organisatrice nationale, régionale ou locale, pour définir un schéma d’ensemble d’aménagement du territoire avec un maillage cohérent, pour répondre aux besoins des habitants, y compris sur des lignes moins rentables, et pour équilibrer les comptes par péréquation entre les lignes.
Nous sommes contre ce qui s’apparente aujourd’hui à l’amorce d’un démantèlement du réseau ferré. C’est pourquoi nous sommes opposés à cet article. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. L’article 1er prévoit de consacrer par la loi le principe de la séparation comptable entre la gestion de l’infrastructure et l’exploitation des services de transport, contre lequel nous nous sommes toujours élevés.
En d’autres termes, la loi du 13 février 1997 qui a créé Réseau ferré de France avait surtout pour objet de supprimer la dette de la SNCF et de la faire porter au nouvel établissement. C’est pourquoi, à notre sens, il était indispensable de dissocier l’examen du présent texte du débat sur le système ferroviaire français en général, et sur le bilan négatif de la réforme de 1997 en particulier. Le problème est que nous n’avons jamais eu ce débat, le Gouvernement l’ayant complètement éludé.
Il serait pourtant possible de faire de RFF une filiale de la SNCF : en Allemagne, le gestionnaire du réseau, DB Netz, appartient à 100 % à la Deutsche Bahn AG, société dont le capital est détenu par l’État.
Un tel scénario est possible, et il serait d’autant plus envisageable que le schéma qui avait été imaginé en l’absence de toute autorité indépendante de régulation devient obsolète le jour de la création d’une telle autorité. Aucun obstacle juridique ne s’opposerait aujourd’hui à une filialisation de RFF. Reste que les esprits sont marqués par les relations très compliquées entre RFF et son gestionnaire délégué.
Aux termes de l’article 1er de la loi de 1997, « au plus tard le 31 décembre 2008 et tous les deux ans, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur l’évolution des relations entre Réseau ferré de France et le gestionnaire d’infrastructures délégué ».
À ce jour, aucun rapport n’a été diffusé – monsieur le secrétaire d’État, a-t-il même été rédigé ? –, lequel devrait forcer le Gouvernement à se prononcer sur une situation qu’il a lui-même créée et dont il ne parvient pas à sortir !
M. Guy Fischer. Nous attendons ce rapport !
M. Michel Teston. Pourtant, en la matière, les idées ne manquent pas. Notre collègue Hubert Haenel a rendu un rapport dans lequel il propose de créer une nouvelle entreprise qui exercerait les missions dévolues à RFF et effectuées par des agents SNCF : l’ENCF.
Tel n’est pas notre avis. Il nous semble d’ailleurs que M. Haenel contourne le problème : il propose la création d’une filiale non pour répondre à une stratégie industrielle cohérente, mais dans une logique d’évitement des conflits sociaux susceptibles de survenir en cas de changement. Cela étant, ce dispositif rendrait encore plus complexe le fonctionnement du système ferroviaire français. Nous sommes favorables à une autre solution, celle que j’ai décrite précédemment.
En matière sociale, et à l’exception de la mesure adoptée sur notre proposition et visant à créer un « permis de conduire » les trains, disposition toutefois amoindrie à l’Assemblée nationale, ce texte, à notre sens, prépare clairement un nivellement par le bas.
En outre, je rappelle que nous sommes opposés à l’ouverture à la concurrence des services internationaux de transport de voyageurs, parce que le cabotage, c’est-à-dire la possibilité pour les entreprises ferroviaires exploitant un service international de transport de voyageurs d’assurer des dessertes intérieures, nous paraît insuffisamment encadré. À cet égard, ce dispositif a été encore moins encadré à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
Telles sont les nombreuses raisons pour lesquelles nous sommes contre cet article.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite, par cette intervention, poser une nouvelle fois la question du wagon isolé.
En effet, que ce soit lors de la première lecture de ce texte ou au moment de l’examen de l’article 10 du projet de loi de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, j’avais défendu deux amendements sur ce thème.
D’abord, j’avais proposé d’inscrire à l’article 10 de ce texte que le transport de marchandises participe de l’intérêt général et revêt un caractère prioritaire, relayant ainsi une partie des conclusions du Grenelle de l’environnement qui prévoit sans aucune ambigüité que le développement du fret ferré, maritime et fluvial est déclaré d’intérêt général et inscrit dans la loi d’orientation des transports intérieurs.
Le 29 janvier 2009, en séance publique, le Gouvernement et la commission des affaires économiques avaient émis des avis défavorables sur ces amendements au motif que ceux-ci concernaient les wagons isolés dont nous discuterions une semaine plus tard dans le cadre du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires.
Malheureusement, posant cette question lors de la première lecture, aucune réponse ne m’a été apportée. Le Gouvernement a eu beau nous expliquer que l’intérêt général n’était pas un concept assez précis, je continue pour ma part de penser – et je ne suis pas la seule – que la notion d’intérêt général constitue le socle du pacte social et que sa définition relève purement et simplement de la puissance publique.
Ensuite, j’avais demandé que l’on insère, toujours à l’article 10 du projet de loi de programmation, que la SNCF reste engagée sur le trafic ferroviaire de wagons isolés. Je vous l’ai dit maintes fois, sur un territoire comme l’Auvergne, par exemple, l’état catastrophique du réseau annihile complètement toute initiative privée. Or ce trafic de wagons isolés est souvent primordial pour l’aménagement du territoire et nos entreprises locales. Il faut créer des obligations de service public pour offrir aux utilisateurs du fret et au grand public des possibilités de déplacement qui n’existeraient pas sans ces services publics.
J’avais donc défendu l’idée du maintien de la SNCF sur ce réseau afin que la création d’opérateurs ferroviaires de proximité n’entraîne pas corrélativement le désengagement de la SNCF sur une telle activité.
Cet amendement partait aussi d’un constat clair : la SNCF est aujourd’hui la seule entreprise à conserver une activité pour le trafic de wagons isolés. Ses concurrents ne se positionnent pas sur ce créneau, préférant bien évidemment se concentrer sur des activités plus rentables.
Le Gouvernement n’a donc cessé, sur cette question, de « botter en touche », renvoyant à plus tard toute prise de position sur le wagon isolé. Or nous voyons aujourd’hui, avec le plan Fret d’avenir, que ce que vous envisagez, c’est l’abandon pur et simple du wagon isolé !
Il s’agit là, comme je vous le disais au cours de la discussion générale, d’un mépris total des élus, des territoires et de l’environnement. La politique du Gouvernement a pour conséquence de remettre des millions de camions sur les routes. En 2000, la part modale du fret était de 20 % ; aujourd’hui, elle est malheureusement de 11 %. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. le président. Sur cet article, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
articles 1er bis et 1er ter
M. le président. Sur ces articles, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Le vote est réservé.
Article 2
M. Claude Jeannerot. Monsieur le secrétaire d’État, dans cet article 2, vous nous avez proposé de créer les opérateurs de proximité.
Si nous convenons avec vous qu’il est urgent de redresser la situation du fret, largement sinistrée en France, les solutions que vous nous suggérez ne nous semblent pas à la hauteur des enjeux.
Vous avez récemment annoncé un nouveau plan fret. Combien en avons-nous vu passer depuis dix ans ? Au-delà des bonnes intentions consensuelles, ce plan, comme tous les autres, manque de moyens et reste très flou sur l’origine des financements.
Il s’inscrit par ailleurs dans une logique uniquement comptable et aura des effets pervers. L’abandon programmé de 70 % de l’activité « wagon isolé », qui permet de collecter le fret au plus près des utilisateurs, au bénéfice exclusif de ses activités « trains entiers » et de transport combiné, va contribuer à diminuer le périmètre du fret ferroviaire au profit de la desserte routière.
Ce plan marque enfin la stratégie non avouée de la SNCF d’abandonner la petite maille pour privilégier les axes lourds et rentables. Mais sans le maillage qui permet d’alimenter les gares de triage, point d’axes lourds efficaces.
Le Gouvernement nous propose de construire des infrastructures pour le fret de transit : les autoroutes ferroviaires permettront de transporter les conteneurs passant par la France. Mais qu’en sera-t-il des marchandises de moindre volume et de moindre poids ? Et comment des entreprises qui envoient aujourd’hui leurs produits par le rail feront-elles le jour où les voies qu’elles empruntaient n’existeront plus ?
Vous feriez mieux de chercher à rendre le fer rentable, plutôt que de délaisser le réseau en priant le ciel pour que les régions s’en occupent. Ce que le fer perd sur la route, il ne le retrouve jamais ! Le bois et l’eau d’Auvergne sont désormais transportés par la route, du seul fait de la dernière vague de fermetures de gares au wagon isolé !
Vous ne le dites pas, mais vous comptez bien sur les régions pour apporter les financements nécessaires au maintien de dessertes locales pour le fret, dans le cadre de la mise en place des opérateurs de proximité. Alors même que l’État ne donne pas les moyens aux collectivités d’assumer leur compétence pour le transport de voyageurs, une telle orientation signifie, là encore, une forme d’abandon de la part de l’État, d’autant que le Gouvernement continue de ne pas respecter ses engagements envers Réseau ferré de France et envers les régions pour tout ce qui touche à l’entretien et à la modernisation du réseau. On va tout droit à la mort d’un réseau qui fait pourtant aujourd’hui notre force économique !
Mes chers collègues, les régions dessinent une politique alternative à la fois ambitieuse et écologique. Leur action déterminée et efficace en matière de transport régional ainsi que la proposition de réunification du système ferroviaire pour effacer la dette de la SNCF et de RFF représentent les axes d’une véritable politique cohérente du rail aussi bien pour les voyageurs que pour les marchandises.
Le parti socialiste a également proposé récemment un grand « plan de transports carbone zéro » : tous les projets de transports publics seraient financés à moitié par l’État.
Au lieu de refuser au rail les moyens de son développement, le Gouvernement aurait pu s’inspirer de ces politiques et de ces propositions.
Nous sommes résolument déçus de vos propositions, et c’est encore une raison de plus de voter contre ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Sur cet article, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
Article 2 bis A
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, une fois de plus, le Gouvernement ne respecte pas les droits des collectivités territoriales.
Comme chacun le sait dans cet hémicycle, le présent article 2 bis A est le fruit d’un amendement déposé à la hussarde par le Gouvernement quarante-huit heures avant le début de l’examen de ce projet de loi par nos collègues de l’Assemblée nationale. Outre que l’examen par l’Assemblée nationale de cet amendement extrêmement technique – il ne compte pas moins de sept pages, mes chers collègues ! – s’est déroulé dans des conditions déplorables, le Sénat n’a donc à aucun moment été consulté avant ce jour ni n’a pu donner son avis sur un dispositif qui vient modifier de fond en comble le paysage des transports franciliens par le biais d’une véritable spoliation du STIF au profit de la RATP. J’ajoute qu’à aucun moment le président de la région d’Île-de-France, également président du STIF, ni M. le maire de Paris n’ont été consultés, sur un sujet qui concerne pourtant les transports collectifs de millions de Franciliens !
M. Claude Domeizel. C’est scandaleux !
M. Serge Lagauche. Sur le fond, je l’ai dit et je le répète, cet article, issu de l’amendement déposé par le Gouvernement à l’Assemblée nationale et portant le numéro 119 rectifié – il a en effet dû être rectifié à la dernière seconde tant sa technicité est grande ! – ne constitue ni plus ni moins qu’une spoliation ! De quoi s’agit-il ?
Depuis la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, acte II de la décentralisation, le STIF est l’autorité organisatrice des transports franciliens. À ce titre, il finance, de manière directe ou indirecte, l’ensemble du matériel roulant en Île-de-France. Ces investissements se font grâce à deux actions complémentaires : d’une part, le versement par le STIF aux transporteurs d’une contribution annuelle qui couvre toutes les charges liées aux investissements ; d’autre part, le financement direct par le STIF de l’acquisition et de la rénovation de matériels roulants ferrés par le versement de subventions d’investissement aux transporteurs. Pour mener à bien cette démarche, le STIF s’est engagé, par le biais des contrats d’exploitation conclus avec la SNCF et la RATP pour la période 2008-2011, à investir pas moins de 2,5 milliards d’euros !
C’est dans ce contexte de dynamisme et de volontarisme dont fait preuve le STIF pour réaliser à l’horizon 2016 le renouvellement et la rénovation de l’ensemble du matériel roulant ferré que, par le biais de cet amendement, le Gouvernement procède en fait au retour en pleine propriété à la RATP de l’ensemble du patrimoine public exceptionnel du STIF, pourtant très largement financé par les collectivités franciliennes ! Le texte tel qu’il nous est proposé est donc d’autant plus inacceptable qu’il constitue un détournement de patrimoine public.
Le second sujet sensible concerne la position dominante conférée à la RATP en matière de maîtrise d’ouvrage et de choix techniques sur les projets. Il est clair, là encore, que le texte dessaisit le STIF de l’ensemble de ses prérogatives de puissance publique au profit d’un opérateur technique, ce qui est absolument inacceptable pour les élus que nous sommes. Un tel schéma conduira inévitablement à un mélange des genres, à une confusion des responsabilités, à un renchérissement des coûts et à une perte de maîtrise des délais, et ce alors même que, dans le cadre du groupe de travail sur le financement des transports en Île-de-France présidé par M. Gilles Carrez, nous nous sommes collégialement efforcés d’agir en sens inverse, bien au-delà des clivages politiques. L’esprit du règlement européen relatif aux obligations de service public, dit « règlement OSP », qui doit entrer en vigueur le 3 décembre 2009 – il y a donc urgence, et vous en tirez argument pour justifier une méthode aussi cavalière, et le mot est faible ! –, n’est donc pas respecté par ce transfert de propriété.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cet article subreptice ne nous surprend pas. Nous ne pouvons nous empêcher d’établir un lien entre ce transfert de propriété et la volonté affirmée par le président de la RATP de dégager des bénéfices substantiels pour les mettre à la disposition de sa stratégie de développement.
Vous souhaitez faire de la Régie autonome des transports parisiens une entreprise du champ concurrentiel intervenant, notamment, sur les marchés internationaux. Nous n’acceptons pas que cette évolution se fasse par le détournement des finances publiques locales. Ce détournement n’est pas acceptable.
Enfin, comment être surpris alors que l’État refuse depuis dix-huit mois de valider le schéma directeur de la région d’Île-de-France, le SDRIF ? Le projet de métro automatique Arc Express – il a fait, quant à lui, l’objet d’une concertation – ne semble en effet pas convenir à l’État, celui-ci lui préférant le projet que M. Christian Blanc souhaite mettre en œuvre dans le cadre du projet de loi sur le Grand Paris. De quelle manière ce dernier serait-il réalisé ? Grâce à la création d’une « Société du Grand Paris » à travers laquelle l’État projette de reprendre le contrôle direct de l’organisation des transports. Par l’intermédiaire de cette superstructure supplémentaire, potentiellement compétente à l’échelle de tout le territoire francilien, non seulement le Gouvernement complexifie l’organisation des compétences entre les collectivités, mais en outre il les dessaisit de leur compétence « Transport » au profit d’un État tout-puissant qui décidera de l’avenir de quartiers entiers dans les villes desservies par les nouvelles lignes de transport. Est-ce cela l’acte III de la décentralisation ?
Non, vraiment, nous ne sommes pas surpris d’une telle méthode. Vous affaiblissez le STIF en détournant son patrimoine public, vous organisez la privatisation rampante de la RATP et, en fin de compte, vous nous apprenez à lire entre les lignes des discours du Président de la République, qui déclarait le 29 avril dernier à Chaillot : « Le Grand Paris, […] c’est l’État qui donne l’impulsion nécessaire mais qui n’impose pas d’en haut un projet qui ne peut réussir que s’il est partagé par tous. »
Non, vraiment nous ne sommes pas surpris : scandalisés par de telles méthodes, oui, mais pas surpris…
Étant donné la gravité et l’importance des questions soulevées par cet article 2 bis A pour l’organisation des transports collectifs de 11 millions de Franciliens, rien ne peut justifier l’absence de débat approfondi au Sénat sur ce point.
J’en appelle au courage de nos collègues de la majorité, car ce seul article, sur la forme et sur le fond, justifie à lui seul le rejet de l’ensemble du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Guy Fischer. Bravo !
5
Souhaits de bienvenue à une délégation de maires maliens
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer la présence dans nos tribunes d’une délégation de maires maliens du cercle de Yélimané, invités par notre collègue Mme Dominique Voynet. (M. le secrétaire d’État, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
6
Organisation et régulation des transports ferroviaires et guidés
Suite de la discussion et adoption des conclusions du rapport d’une commission mixte paritaire
M. le président. Nous reprenons l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’organisation et à la régularisation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports.
Article 2 bis A (suite)
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, encore une fois, nous souhaitons nous élever contre ce projet de loi, en particulier contre une disposition scélérate adoptée par l’Assemblée nationale, à la demande du Gouvernement, sans que le Sénat ait pu l’examiner.
L’amendement dont l’adoption a eu pour effet d’insérer l’article 2 bis A pose la question des libertés que prend le Gouvernement avec les textes, en l’occurrence avec le règlement européen relatif aux obligations de service public.
L’article 2 bis A, nouveau, du projet de loi dont nous discutons aujourd’hui procède au dessaisissement du STIF au profit de l’État et crée une situation délicate pour la RATP au regard du règlement relatif aux obligations de service public.
Je ferai un petit rappel. La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ou loi SRU, avait marqué le commencement de la déspécialisation de la RATP. Pour pouvoir conquérir des marchés en dehors de Paris et de sa région, la régie devait s’inscrire dans un processus de transformation radicale pour, à terme, pouvoir répondre aux appels d’offres et faire face à la concurrence. Alors que le processus est largement engagé dans les autres régions et que la SNCF se prépare à la mise en concurrence, l’Île-de-France est très en retard.
Pourtant, loin d’aider à la transition, l’amendement du Gouvernement procède en fait à l’arrêt brutal de ce processus : il transforme de facto l’État en autorité organisatrice et la RATP en régie d’État, et ce jusqu’en 2039.
Attention : nous ne critiquons pas, en soi, cette prolongation de monopole ! En revanche, nous nous opposons fermement à ce que, cinq ans seulement après la décentralisation, le STIF perde au profit de l’État son statut d’autorité organisatrice.
Vous le savez comme moi : de manière insidieuse, vous avez vidé le STIF de sa substance juridique d’autorité organisatrice. Mais il y a plus grave ! En transférant à la régie le patrimoine et les infrastructures appartenant au STIF, l’État est en train de constituer une entité sans séparation fonctionnelle, en situation exorbitante du droit commun à l’égard de Réseau ferré de France, RFF. En effet, dans la situation que vous avez aménagée pour la RATP, celle-ci ne serait pas obligée de s’acquitter des péages dus à Réseau ferré de France puisqu’elle serait propriétaire de ses infrastructures. Vous avouerez qu’il est curieux de tenter de trouver une solution au cas difficile de la SNC, d’un côté, et de faire tout le contraire pour la RATP, de l’autre côté !
Ne nous méprenons pas : il serait dangereux de méconnaître à quel point ce cadeau est empoisonné pour la régie, notamment parce qu’elle risque des mesures de rétorsion en provenance de l’extérieur.
Il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures dans un même secteur : si la SNCF doit procéder à une séparation fonctionnelle et faire face à la libéralisation forcenée, je ne comprends pas par quel miracle la RATP pourrait bénéficier de la préservation de son monopole tout en profitant de l’occasion pour, en plus, consolider son bilan comptable au détriment du contribuable !
La perspective probable de cette opération est une privatisation ; nous voyons mal, en effet, comment vous pourriez longtemps nous faire croire que le Gouvernement auquel vous appartenez est favorable aux services publics aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. « Privatisation », quel gros mot !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, vous permettrez que les sénateurs socialistes franciliens mènent, au travers de ce débat sur le texte issu de la CMP, leur baroud d’honneur sur l’affaire du STIF.
J’ai récemment eu l’occasion d’interpeller le secrétaire d'État chargé des transports, lors d’un débat européen, sur la compatibilité de la situation de la RATP avec les règles européennes. Dans sa réponse, il avait évoqué le STIF. Aujourd’hui, c’est sur ce dernier que je me concentrerai.
Je voudrais rappeler à nos collègues que, dans le cadre de la décentralisation, l’Île-de-France ne s’est vu confier la compétence des transports qu’en 2006. Ce fut l’occasion de débats nourris au Parlement, au Sénat notamment, sur la compensation et sur les transferts. Il a même fallu demander l’arbitrage du comité des finances locales. Cela a duré plusieurs mois : nous n’avons pas été forcément satisfaits du résultat, mais le débat a eu lieu.
Je prends à témoin tous les collègues de l’hémicycle : serait-il normal d’expliquer aux élus de l’agglomération toulousaine, de l’agglomération bisontine …
M. le président. À ceux de l’agglomération marseillaise… (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Bien sûr, monsieur le président, mais je n’osais la citer ! (Nouveaux sourires.)
Mme Nicole Bricq. Bref, serait-il normal d’expliquer aux élus de toutes les agglomérations qui exercent enfin la compétence des transports que les choses ne vont plus être ainsi ?
Il s’agit d’une compétence territoriale par excellence ! Pour ma part, confiante dans l’engagement qu’avait pris notre président, M. Larcher, je pensais que tous les textes concernant les collectivités territoriales seraient d’abord examinés par le Sénat.
M. David Assouline. Exactement !
Mme Nicole Bricq. Non seulement ce n’est pas le cas, mais, quand a eu lieu ici le débat sur les transports ferroviaires, il n’a pas du tout été question de ce sujet, ni en février ni en mars : il a fallu attendre septembre et les débats de l’Assemblée nationale.
Aujourd’hui, j’entends le secrétaire d’État, j’entends le rapporteur évoquer une répartition qui vise à mettre à disposition des moyens compatibles avec l’ouverture à la concurrence, ou encore une répartition des actifs équilibrée.
M. Guy Fischer. Ce n’est pas vrai, cela !
Mme Nicole Bricq. Cela n’a rien d’équilibré !
Je veux rappeler un autre élément du contexte du débat qui nous réunit aujourd’hui. Mon collègue Serge Lagauche et moi-même, en compagnie notamment de notre collègue de Seine-et-Marne Michel Houel, avons participé aux discussions du groupe de travail présidé par notre collègue député Gilles Carrez, qui avait précisément reçu mission du Premier ministre de trouver les moyens d’assurer des transports corrects en Île-de-France dans les vingt années qui viennent. Nous avons donc aussi entendu le STIF, et nous avons imaginé des solutions. Or à aucun moment, alors que nous avons débattu tout l’été, à aucun moment nous n’avons eu sous les yeux le dispositif contenu à l’article 2 bis A
D’un côté, on organise une concertation à la demande du Premier ministre ; de l’autre, on voudrait que nous votions un texte qui ampute le STIF. Vous direz ce que vous voudrez, mais, quand vous allez chez votre banquier pour faire un emprunt, il regarde les garanties que vous apportez, et ce d’autant plus par les temps qui courent, qui sont difficiles. Il en ira de même pour le STIF ! En amputant le STIF au travers de cet amendement du Gouvernement, on le prive de sa capacité d’emprunt, et vous ne pouvez pas le nier ! Ma collègue Bariza Khiari a donc tout à fait raison quand elle qualifie cet amendement de scélérat.
Désormais, mes chers collègues de la majorité, vous savez ce que vous faites : vous amputez de sa capacité à emprunter une autorité organisatrice qui a la compétence d’organiser le transport sur son territoire. C’est cela que vise l’article 2 bis A ! Alors permettez que nous estimions que c’est là – le mot est peut-être fort, mais je crois qu’il est juste – une scélératesse, que c’est là une forfaiture ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Yvon Collin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut bien dire que cet article est tout à fait symbolique de votre vision du débat parlementaire.
À la dernière minute, lors du débat en commission à l’Assemblée nationale, le Gouvernement, sans mener aucune concertation avec les personnalités concernées, a transféré le patrimoine du STIF à la RATP.
Sans revenir sur le fait que ce patrimoine n’a fait l’objet d’aucune estimation – on évoque aujourd’hui des sommes allant de 1,5 milliard d’euros à 8 milliards d’euros ! –, nous estimons que les sénateurs doivent se prononcer non en quelques instants durant ce débat, mais en disposant de l’ensemble des éléments nécessaires à la formation de leur jugement.
Cette attitude démontre un mépris total de nos institutions. C’est le fait du prince qui s’exprime. Vous demandez à votre majorité d’approuver et de ne rien dire.
Vous utilisez les parlementaires, à quelques mois des élections régionales, pour mener une attaque en règle contre la majorité de gauche du conseil régional d’Île-de-France.
Sous couvert de mise en œuvre du règlement relatif aux obligations de service public, vous spoliez le STIF, qui, grâce aux contribuables de l’Île-de-de France, a investi dans les transports collectifs.
C’est une double peine que vous infligez au STIF et à la région d’Île-de-de France : non seulement ils doivent investir dans les transports pour garantir le droit à la mobilité, mais ils perdent leur patrimoine, et donc leur capacité à emprunter.
Un amendement d’une telle importance ne peut être adopté à la hussarde. Mais nous commençons à en avoir l’habitude. J’ai souvenir d’un autre débat sur le ferroviaire où la même méthode avait été employée, pour reprendre au STIF la responsabilité du projet Charles-de-gaulle Express, appelé CDG Express.
Lors du débat sur le Grenelle de l’environnement, vous avez également modifié le processus de révision du SDRIF afin de renforcer les pouvoirs du préfet qui dispose maintenant d’un véritable pouvoir de substitution en cas de non-respect d’un projet d’intérêt général, pris sur les fondements d’une directive territoriale d’aménagement conçue par l’État. On peut donc facilement voir les dérives qu’une telle disposition permet.
Cet acharnement contre la région d’Île-de-France est un déni de démocratie. Il faut respecter le vote des Franciliens.
Cette région, comme toutes les autres, va être également durement touchée par la réforme de la taxe professionnelle. C’est encore une fois la double peine !
Par ailleurs, cet article établit un échéancier concernant la mise en concurrence des différents types de transports de la région d’Île-de-France.
Or, ce sont aux autorités organisatrices de définir si elles souhaitent ou non ouvrir à la concurrence.
Bref, rien n’indique que l’autorité organisatrice des transports en Île-de-France va faire le choix d’ouvrir à la concurrence plutôt que de faire appel à des entreprises en régie. En outre, donner un calendrier mentionnant des dates comme 2039 paraît absolument délirant, si je peux m’exprimer ainsi. Comment prendre des engagements pour 2039 alors même que nous n’avons aucune idée de ce que sera la société française dans trente ans ?
Cette absurdité est le fruit d’un acharnement contre la région d’Île-de-France. Ces pratiques ne vous honorent pas, et nous considérons que cet article ne peut être voté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Le problème des transports et des déplacements en Île-de-France fait partie des toutes premières priorités des habitants. Nombre d’entre eux, toutes catégories sociales et âges confondus, expriment une réelle souffrance face à une offre de transports en commun souvent trop chère et inadaptée au regard des évolutions des modes de vie et de travail, et ce malaise serait encore aggravé par des dispositions que le Sénat a votées hier concernant d’éventuels péages.
Le texte qui nous est proposé comporte trois défauts majeurs, d’où trois reproches que je lui adresse.
Tout d’abord, sur le plan de la démocratie, il ne prévoit rien pour associer plus étroitement les usagers des transports et les citoyens à l’amélioration de l’offre de transport. Celle-ci, pourtant, ne peut plus être examinée de façon technocratique et doit, au contraire, partir des besoins qu’ils expriment et des propositions qu’ils formulent. Il est donc urgent d’imaginer des procédures de concertation permanentes, par exemple en organisant l’élection, par grandes zones géographiques, de représentants des usagers au conseil d’administration du STIF.
Par ailleurs – c’est mon deuxième reproche –, ce texte consacre le désengagement total de l’État.
S’il est indispensable que les élus départementaux et régionaux acquièrent la maîtrise, l’État ne peut pas, ne doit pas se désintéresser du réseau de transports collectifs de la région capitale, celui-ci structurant pour une grande part la vie économique de notre pays. C’est ainsi que le préfet de région pourra s’inviter, quand il le jugera nécessaire, au conseil d’administration du STIF. L’État se met donc uniquement en situation d’exprimer son « bon vouloir ». Il eût été plus sage de prévoir sa présence, avec voie consultative, sur une période donnée, le temps que les transferts de compétences et les transferts financiers soient totalement assurés.
Enfin – c’est le troisième reproche que je formule –, cette situation illustre le désengagement financier de l’État.
Il confirme que la décentralisation n’est qu’une simple opération de délestage, sur les collectivités territoriales, des budgets que l’État ne veut plus assumer.
Ce désengagement est consacré dès la modification de l’article 1er de l’ordonnance du 7 décembre 1959, portant création du STIF. La participation financière de l’État est purement et simplement supprimée. Divers mécanismes sont supposés la suppléer, dont un versement du Fonds de compensation pour la TVA, directement dépendant de la situation économique du pays, donc aléatoire. Par ce biais, les usagers, notamment les plus modestes, sont mis doublement à contribution, alors que la part des grandes firmes mondialisées, premières bénéficiaires du réseau de transports en commun, ne cesse quant à elle de baisser.
Les modalités de compensation sont également très floues et particulièrement inquiétantes. En se fondant sur l’année 2003, qui a vu le Gouvernement supprimer 20 % de ses crédits, l’État serait exonéré d’une grande partie de ses responsabilités. Voilà qui aggraverait une situation déjà préoccupante, le STIF ayant un budget en déséquilibre de 100 millions d’euros et le réseau étant dans une situation pitoyable.
En préalable au transfert de cette compétence à la région, nous proposons donc trois mesures compensatoires.
Premièrement, le Gouvernement doit décider d’un rattrapage budgétaire, ainsi que le précédent gouvernement l’avait fait lors du transfert des trains express régionaux, les TER, aux autres régions. Une telle décision ne serait que justice, puisque le réseau francilien supporte un trafic équivalent à l’ensemble des trafics de voyageurs des autres régions.
Deuxièmement, le Gouvernement doit réaliser un audit auquel sera étroitement associée la région, afin de procéder à un inventaire précis de l’infrastructure.
Je rappelle que Bercy a imposé des critères d’endettement tellement sévères à la RATP et à la SNCF qu’elles ne peuvent pratiquement plus rien financer. Les collectivités territoriales sont donc déjà contraintes de mettre la main à la poche pour offrir des conditions de transport correctes aux Franciliens.
Troisièmement, le Gouvernement doit donner des assurances concernant la pérennité et la progression de ses engagements dans les contrats de plan État-région, dont M. Delevoye a déclaré, après M. de Robien, qu’ils pourraient être supprimés. En effet, il serait inacceptable que l’État se désengage massivement, et par tous les moyens, des infrastructures de transport dans la première région économique européenne.
C’est en ces termes que, lors du débat sur la décentralisation version Raffarin, mon ancienne collègue Hélène Luc était intervenue dans le débat portant sur l’organisation des transports d’Île-de-France.
Ce rappel historique, pas si ancien, me semble utile pour que nous soyons en situation de voter comme il convient, dans le cadre de cette commission mixte paritaire.
Oui ou non, sommes-nous au clair sur la question des charges actuelles et à venir du syndicat des transports d’Île-de-France ? Oui ou non, sommes-nous au clair s’agissant du rôle que doit jouer l’État sur la question essentielle du financement de l’infrastructure comme des matériels roulants ? Oui ou non, voulons-nous continuer de confier à des entreprises publiques performantes – ici la RATP et la SNCF – la responsabilité d’assumer l’essentiel du service public du transport de voyageurs ?
Cet article, qui ne prend en compte que des préoccupations financières et, pour une part, électorales, n’y répond aucunement, et c’est pourquoi nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Il semble de bon ton ces temps-ci, du côté de l’UMP, de mettre en accusation le bilan de la gestion régionale du syndicat des transports d’Île-de-France, espérant peut-être capitaliser sur l’agacement des usagers devant la fréquence des retards, la vétusté du matériel ou encore sur l’insécurité des lieux de passage.
Mme Nathalie Goulet. On dirait le Paris-Granville !
M. Bernard Vera. La vraie question qui nous est posée dépasse en réalité les strictes considérations politiciennes, animées par les différents ministres et secrétaires d’État que l’UMP s’apprête à engager dans la campagne des élections régionales de 2010.
L’état des lieux des transports franciliens doit en effet se concevoir de deux manières : où en sommes-nous quant à la qualité des prestations fournies aux Franciliens eux-mêmes et où voulons-nous aller ?
La qualité des transports parisiens est étroitement liée à la question des financements, et le moins que l’on puisse dire est que ce que nous avions pointé en 2003 quant aux relations entre le STIF, la région et l’État demeure vrai.
Cet article de la commission paritaire mixte le montre d’ailleurs.
Pour résoudre les problèmes posés, on prive le STIF de moyens pour garantir ses investissements futurs et on valorise les opérateurs publics de transport, sans doute dans la perspective d’en modifier, à plus ou moins long terme, la structure et – pourquoi pas ? – la propriété.
Ce que nous disions en 2003 sur le fait que la question des transports franciliens est une préoccupation que l’État doit prendre en compte est plus que jamais vrai.
Comment va-t-on répondre aux objectifs de développement de nouvelles infrastructures de transport, notamment au travers de la réalisation de sites d’interconnexion multimodale, comme cela est plus ou moins prévu dans le projet de loi relatif au Grand Paris, si l’on décide de mettre en œuvre la procédure de séparation entre infrastructure et exploitation, rendant le STIF incapable de financer ses propres investissements ?
Il serait paradoxal que le « grand huit » de Christian Blanc, largement tourné vers l’ouest de la capitale – une fois encore –, proposant dessertes modernes et absence de rupture de charge, se double, dans le quotidien des Franciliens, de la persistance d’un service public de transports au rabais, notamment sur les réseaux de bus et un réseau ferré où ne seraient privilégiées que les lignes d’ores et déjà modernisées.
Quand Valérie Pécresse vient compatir aux difficultés que rencontrent les usagers de la ligne 13, confrontés à la suroccupation permanente des rames, elle essaie sans doute de faire oublier qu’elle participe à un gouvernement qui n’a rien fait, depuis deux ans et demi, pour avancer une solution sur ce problème et qui ne semble pas décidé à le faire plus avant, avec cet article du présent projet de loi.
Pour ma part, partisan d’une véritable modernisation des transports franciliens et très attentif notamment au dossier de la ligne 13, je ne peux qu’être très opposé à cet article du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Le Gouvernement nous place dans une situation particulièrement délicate, parce que cet amendement est, à l’évidence, pour un certain nombre d’élus de la majorité, critiquable tant sur la forme que sur le fond. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
Sur la forme, lorsque ce texte a été présenté à la commission de l’économie, j’ai demandé au président de cette dernière, M. Jean-Paul Emorine, s’il concernait l’Île-de-France. Il m’a répondu que tel n’était pas le cas, que la problématique des transports en Île-de-France serait étudiée lors de l’examen du projet de loi relatif au Grand Paris. Par conséquent, vouloir régler la question par un amendement de plusieurs pages déposé quelques jours avant l’examen du texte à l’Assemblée nationale, dans les conditions qui ont été évoquées par d’autres orateurs dans cet hémicycle, est tout à fait inacceptable pour les élus franciliens, des élus qui sont attachés au fait que l’État n’exerce pas d’une manière déficiente le monopole des transports en Île-de-France, monopole qu’il détient depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le Sénat n’a donc pas été consulté.
J’avais eu l’occasion de dire, lors d’un précédent débat sur l’ouverture des commerces le dimanche, que des dispositions spécifiques à la Ville de Paris pouvaient être censurées par le Conseil constitutionnel. Vous prenez le même risque ici, et ce risque est important dans la mesure où le projet de loi qui nous a été présenté ne mentionnait, à aucun moment, cette problématique spécifique à l’Île-de-France.
Sur le fond, ce texte est critiquable pour la raison suivante. Depuis des années, de nombreux élus ont fait le diagnostic de la particularité francilienne de ce monopole d’État avec un régime unique et l’affrontement de deux sociétés nationales, la SNCF et la RATP, puis d’une troisième, RFF, pour entreprendre des projets, ne jamais les terminer, rendre un service de qualité moyenne, souvent critiqué par les usagers des transports d’Île-de-France.
C’est ce qui justifie la création, après des années de combat, du Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF. Mieux prendre en compte les usagers, les citoyens, dans la problématique des transports, casser les situations de monopole, notamment le monopole des syndicats : voilà pourquoi le STIF a été créé !
Avec de nombreux élus de droite, je revendique ce combat pour la création du STIF : nous jugeons cette avancée positive. Certes, une déficience conjoncturelle est constatée à la tête du syndicat, sur la politique menée en Île-de-France. Ce n’est pas une raison suffisante pour revenir à un système qui appartient au passé.
Ce n’est donc pas ainsi qu’il fallait procéder pour tenter de résoudre la problématique des transports en Île-de-France. La région a besoin de plus de concurrence : au nom de la modernisation, il faut faire en sorte qu’on n’attende pas 2039 pour permettre la création de lignes de bus par des collectivités territoriales et des élus locaux.
En réalité, monsieur le secrétaire d’État, vous faites là un compromis historique. Au nom de la paix sociale dans les entreprises publiques, vous optez pour un régime dérogatoire au régime européen, ce que vous ne dites pas, pas plus que les autres orateurs, d’ailleurs. Un régime d’exception a en effet été négocié, allongeant la durée du monopole des services publics, comme vous dites, de 50 %.
Le Gouvernement n’aurait pas dû accepter un tel régime dérogatoire et il ne devrait pas mettre quinze ans pour instaurer un système de concurrence. Telle est la réalité que vous ne mentionnez pas ! En outre, vous nous privez de pouvoir en débattre, ici, au Sénat. C’est tout à fait anormal !
Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, tant sur la forme que sur le fond, je ne peux pas vous suivre dans cette affaire.
Nous reprendrons ce débat, afin de pouvoir construire un système moderne et adapté, qui ne soit pas un système de compromis avec les syndicats. Nous reprendrons ce débat, afin d’éviter que, jusqu’en 2029, les usagers de cette région, unique en France et en Europe, aient à payer 20 % de plus pour l’exploitation d’une ligne de bus ou de tramway, qui, partout ailleurs, aurait pu être mise en place avec plus de souplesse et de liberté.
C’est donc au nom des élus locaux, au nom de ce pour quoi nous avons combattu, que je ne voterai pas ce texte, et j’espère que nous pourrons reprendre très prochainement ce débat.
Rappel au règlement
M. Michel Teston. Monsieur le président, une délégation souhaite rencontrer certains parlementaires à propos non pas de ce projet de loi, mais du texte que nous examinerons ensuite. Serait-il possible d’interrompre nos travaux pendant une demi-heure ?
M. le président. Monsieur Teston, vous connaissez ma façon assez souple de présider. Nous avons bien compris que vous ne souhaitez pas que le Sénat entame dès ce soir l’examen du projet de loi soumis à notre assemblée. (Sourires sur les travées de l’UMP. –Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Pour autant, je suis au regret de vous refuser cette suspension de séance.
Mme Marie-France Beaufils. J’adhère totalement à la demande de notre collègue socialiste.
Je souhaite revenir sur la création des opérateurs de proximité, question abordée tout à l’heure par ma collègue Mireille Schurch. Cette création ne correspond nullement à une obligation communautaire : elle résulte bien d’une volonté délibérée, portée par le Gouvernement.
Cette disposition ne date d’ailleurs pas d’aujourd’hui. Elle est « rampante » depuis quelque temps. Ainsi, le rapport Chauvineau, dont les premiers travaux remontent à octobre 2005, avait proposé de confier à des « PME ferroviaires » locales le soin d’organiser les flux régionaux.
Ce rapport s’appuyait sur le constat suivant : « Pour surmonter le recul de l’offre ferroviaire résultant du plan fret SNCF, les chargeurs veulent susciter la création en France d’opérateurs ferroviaires de proximité, inspirés des short lines créées dans d’autres pays, en les adaptant aux conditions françaises. Ils veulent également associer la relance du trafic fret à une remise en état des infrastructures. »
La création de ces opérateurs de proximité est donc d’abord « justifiée » par l’échec du plan fret, qui a jeté sur les routes plus d’un million de camions, comme l’a rappelé ma collègue Mireille Schurch, et qui a abouti à une contraction du réseau et de l’offre de transport de marchandises. Mais on la « justifie » aussi par les attentes des régions et des entreprises pour le renforcement du dynamisme économique des territoires.
Sans préjuger l’intérêt que ce dispositif pourrait peut-être avoir pour certaines lignes présentant un très fort particularisme local, le principal reproche que nous faisons à la mise en place de ces opérateurs est qu’elle concrétise clairement le désengagement de l’État au regard des missions d’aménagement du territoire qu’il est censé remplir par le biais des entreprises publiques que sont la SNCF et RFF.
De plus, les expériences conduites ne sont pas particulièrement concluantes, à l’image de celle de Proxirail en région Centre. La rentabilité n’est pas au rendez-vous et on peut même parler de véritable fiasco, puisque l’opérateur s’est très vite montré intéressé par les trains entiers, en particulier de céréales, mais non par les wagons isolés.
On en revient ainsi aux problèmes de fond : certaines lignes ne sont pas rentables, mais participent à l’aménagement du territoire et au maintien du tissu économique. Leur exploitation relève donc de l’intérêt général et, partant, d’une mission de service public.
Or les réponses aux interrogations portant sur les moyens à mettre en œuvre pour assurer la gestion de ces lignes ne sont pas satisfaisantes.
Monsieur le secrétaire d’État, non content de confier l’exploitation de service à ces nouveaux opérateurs, vous indiquez que RFF pourra, par voie de convention, leur confier également la gestion des infrastructures.
Cet article 2 induit donc la menace d’un désengagement supplémentaire à l’égard de l’infrastructure ferroviaire, avec le risque d’un transfert, voire d’un abandon, de tout ou partie des charges d’infrastructures des lignes déficitaires, nommées UIC 7 à 9, soit près de la moitié de la consistance du réseau.
Le plus probable, c’est que RFF, pour se dédouaner de la responsabilité de fermer des lignes jugées trop dégradées ou insuffisamment fréquentées, pourra proposer aux régions de se constituer opérateurs de proximité, afin de maintenir une offre de service dans des lieux très enclavés. Il s’agit donc de transférer à la collectivité une nouvelle compétence, sans débat préalable, et de lui faire prendre – de manière particulièrement habile, reconnaissons-le – la responsabilité de la fermeture d’une ligne sur son territoire.
Pourtant, les collectivités ont déjà été lourdement sollicitées dans le cadre de la décentralisation des transports de voyageurs, pour la reprise des TER. Elles ont énormément investi pour garantir aux usagers un service performant et de qualité.
Je signale d’ailleurs que les régions réclament depuis longtemps la possibilité de bénéficier de nouveaux financements pour leur politique de transport. Je pense, par exemple, à la généralisation du versement transport, que nous avons régulièrement proposée par voie d’amendement, mais qui n’a, pour le moment, jamais reçu un écho favorable de la part du Gouvernement.
Nous craignons donc que cette nouvelle disposition ne conduise une fois de plus, après le plan fret et le plan fret d’avenir, à une contraction importante du réseau.
Nous continuons de penser que la politique d’abandon du service de wagons isolés de la SNCF est une erreur. C’est justement ce service d’intérêt général qui pouvait répondre aux ambitions affichées.
Il s’agit donc aujourd’hui de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que la réponse ferroviaire apportée à la problématique du transport de marchandises corresponde bien à une mission de service public et réponde aux exigences du Grenelle de l’environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Sur cet article, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
Article 2 bis
Mme Isabelle Pasquet. J’estime qu’un tel article aurait dû légitimement être débattu au Sénat. Ce ne sera pas le cas, puisque le Gouvernement considère, comme mon collègue Guy Fischer l’a indiqué tout à l’heure, que la procédure accélérée doit devenir la procédure de droit commun.
Cet article, inséré par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, vise à favoriser l’émergence d’opérateurs ferroviaires de proximité spécialisés dans le fret.
À cet effet, il est demandé au Gouvernement de remettre au Parlement, sous six mois à compter de la promulgation du présent texte, un rapport relatif aux modalités et à l’impact d’un transfert à Réseau ferré de France des gares de fret, y compris les voies de débord, les entrepôts et les cours de marchandises, dans le but de rendre ce transfert effectif avant le 31 décembre 2010.
Les gares de fret appartiennent à l’État. Elles sont aujourd’hui gérées par la SNCF, qui doit en permettre l’accès aux entreprises actives sur le marché du fret, en application de la « théorie des facilités essentielles ». Les conditions d’accès à ces installations et aux services qui y sont rendus sont fixées dans un décret de 2003 et présentées de manière détaillée dans le document de référence du réseau, le DRR.
En vue de faciliter cet accès, dans des conditions transparentes et non discriminatoires, et afin de favoriser l’émergence d’opérateurs ferroviaires de proximité, ces biens pourraient être transférés à RFF.
Il s’agit donc, une nouvelle fois, de priver la SNCF de ses outils et de démanteler une entreprise publique au nom de l’ouverture à la concurrence. Comment la SNCF pourra-t-elle assurer un service de fret digne de ce nom, compétitif, si elle n’a pas la main sur son patrimoine ?
Nous ne pouvons que nous inscrire en faux par rapport à une telle vision réductrice des enjeux en matière de développement du transport ferroviaire.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, pensez-vous réellement – mais nous reviendrons ultérieurement sur ce sujet – que RFF, déjà écrasé par le poids de la dette, pourra assumer la gestion de ces gares ? N’est-il pas ici question de permettre par la suite à l’établissement, de la même manière qu’il pourra céder son réseau aux opérateurs de proximité, de céder également les gares ?
Nous voyons bien que votre position est dogmatique et ne répond en rien aux besoins de mobilité et à l’urgence de rééquilibrer les modes de transports, puisqu’il s’agit avant tout de créer les conditions d’un repli de la présence ferroviaire sur le territoire national. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Robert Tropeano applaudit également. )
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Les deux assemblées ont donc exigé que soit inscrite dans la loi la nécessité de trouver une solution concernant la dette que porte RFF, cette injonction ayant d’ailleurs été renforcée à l’Assemblée nationale.
Je souhaite néanmoins rappeler que nous avions proposé en première lecture un amendement qui tendait non pas à ce que le Gouvernement fasse des propositions au Parlement dans un horizon de temps plus ou moins long, mais tout simplement à ce que l’État s’engage à reprendre la dette de l’entreprise publique.
À travers cette intervention, nous souhaitons revenir sur une question qui nous semble essentielle, notamment pour le développement de l’offre de transport dans notre pays.
Ainsi, je vous le rappelle, l’enjeu principal pour le secteur ferroviaire est non pas l’instauration d’une concurrence libre et non faussée, mais bien le financement des infrastructures de transport.
En effet, le sous-financement se fait sentir depuis de nombreuses années.
En 2005, déjà, les auteurs d’un audit réalisé par l’École polytechnique de Lausanne estimaient que, si rien n’était fait, de 30 % à 60 % des lignes ne seraient plus utilisables à très brève échéance. Ils affirmaient que les subventions de l’État devraient augmenter de 400 millions d’euros par an pendant dix ans pour que le réseau ferré national soit remis à niveau.
Malgré les effets d’annonce du Gouvernement, aucune somme n’est réellement consacrée à cette problématique. Le projet de loi de finances pour 2010 est encore en recul dans le domaine des transports ; pis, il prévoit d’imposer aux entreprises de réseau une nouvelle cotisation pour compenser la suppression de la taxe professionnelle.
D’autres pays ne font pas ce choix. L’Allemagne, en particulier, s’est engagée dans un processus de désendettement de son système ferroviaire.
En outre, au moment où l’engagement porté par les lois sur le Grenelle de l’environnement est censé permettre l’essor des transports collectifs, notamment ferrés, nous estimons qu’il est grand temps que le Gouvernement s’engage à reprendre la dette de RFF, afin de permettre à l’établissement de réaliser les investissements nécessaires dans les infrastructures.
Monsieur le secrétaire d’État, il s’agit d’un préalable à toute ouverture à la concurrence, dans votre logique libérale, que nous ne partageons pas ! En effet, le dynamisme des opérateurs ferroviaires, mais aussi, bien plus largement, de l’ensemble du tissu économique, dépend de la qualité des infrastructures ferroviaires et de leur accessibilité.
Par ailleurs, le désengagement massif de l’État au regard des besoins de financement de RFF a conduit l’entreprise publique à mettre en œuvre une hausse exponentielle – et non une modulation, contrairement à ce qui est soutenu dans le rapport – des péages, financée par la SNCF, et à céder son patrimoine immobilier. Nous connaissons tous les conséquences que cela a pu avoir sur le budget des régions et sur les usagers.
Le rapport d’information du Sénat qui a été remis l’année dernière a également dressé un constat unanime et alarmant de la situation. Mes chers collègues, permettez-moi d’en citer un passage particulièrement éclairant :
« Votre mission d’information rappelle [...] que RFF comptabilisait en 2006 une dette nette de 26 milliards d’euros. Celle-ci a pesé très lourd sur les comptes de l’établissement dès sa création, et a même progressé de 30 % depuis 1997.
« Dès lors, il n’est guère étonnant de constater que, sur les 2,5 milliards d’euros de dépenses en capital de l’État versés en 2004 à RFF et à la SNCF, seuls 320 millions d’euros étaient destinés à de nouveaux investissements (TGV Est notamment).
« Le poids de la dette de RFF et les coûts d’entretien d’un réseau ferré à bout de souffle obèrent les capacités d’investissement de l’établissement public. Il en résulte que RFF est réduit à n’être qu’un simple "compte d’enregistrement" de la dette, ce qui l’empêche en fait de jouer son rôle de constructeur et de gardien du réseau ferroviaire français. Cette situation ne peut perdurer et nécessite qu’une solution soit rapidement apportée par les pouvoirs publics. »
Nous souhaitons donc que cette position de la commission des affaires économiques, qui semble faire consensus dans la classe politique, se traduise concrètement. Nous serons extrêmement vigilants lors de la remise de ce rapport dans quelques mois. Nous attendons de vous, monsieur le secrétaire d’État, un acte significatif, conforme à l’esprit du Grenelle de l’environnement, pour que soient, enfin, dégagées des marges d’investissement dans les transports publics, qui en ont tant besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais vous faire part d’une remarque de forme et d’une réflexion de fond.
Sur la forme, il est tout de même assez incroyable que, en raison de la déclaration d’urgence, devenue aujourd’hui procédure accélérée – c’est maintenant pratiquement la règle –, le Sénat soit amené à voter des articles qui n’ont pas été examinés en commission. Le débat parlementaire ne peut pas s’effectuer dans de bonnes conditions, ce qui est détestable aussi bien pour la démocratie que pour le Parlement.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Martial Bourquin. Sur le fond, il est impossible de répondre correctement aux grands enjeux de société si l’on ne se pose pas les bonnes questions : ce projet de loi en est l’illustration.
Nous le savons tous, les problèmes actuels – le dérèglement climatique et l’engorgement routier – ne peuvent être résolus que d’une seule façon : il faut reporter massivement le transport routier vers le rail.
Qu’apporte le projet de loi dans ce domaine ? Quelques améliorations sont effectivement prévues, certaines propositions sont extrêmement dangereuses, mes collègues les ont évoquées. Surtout, c’est une grande occasion manquée : je pense à l’instauration d’un bonus fiscal pour les entreprises qui privilégieraient le rail à la route.
L’ouverture à la concurrence est présentée comme la mesure magique qui réglera tout et qui permettra d’opérer le report de la route vers le rail. Mais nous savons très bien que les choses ne se passeront pas ainsi ! Avec les nouveaux arrivants de l’Est, l’ouverture à la concurrence tirera encore les prix vers le bas, sans parler des systèmes de protection sociale des salariés routiers, et mettra en difficulté nos entreprises. Il aurait fallu prévoir une incitation fiscale pour les sociétés qui utilisent le rail.
Par ailleurs, il faut mieux organiser le rail en s’appuyant sur des opérateurs locaux de qualité. Le Sénat avait commandité un rapport, très intéressant, qui a été réalisé par Jacques Chauvineau, lequel insistait sur l’importance de la mise en adéquation de l’offre disponible et des attentes des entreprises. Les opérateurs locaux peuvent nous permettre d’atteindre cet objectif tout en s’appuyant sur les territoires pour prendre de l’envergure. Une telle politique fonctionne bien, je pense notamment à l’exemple des États-Unis sur lequel Jacques Chauvineau a travaillé. Or, le projet de loi ne prend quasiment pas en compte cette proposition. Quel dommage !
Les régions sont compétentes en matière de transport des voyageurs : elles ont lourdement investi et obtenu des résultats très importants, avec une augmentation du nombre des voyageurs de l’ordre de 25 % à 30 %. Elles n’ont pas attendu la mise en concurrence pour mettre à l’ordre du jour les calculs de trajets et d’itinéraire, les transports multimodaux et pour faire en sorte que les plans de déplacements urbains soient en accord avec les transports régionaux.
Nous devons mener la même politique en ce qui concerne le fret routier. Pour cela, il faut une volonté politique et il ne faut pas déréguler là où des investissements publics sont nécessaires.
Monsieur le secrétaire d’État, je prendrai un exemple pour illustrer mon propos.
La mise au gabarit européen de la ligne Mulhouse-Besançon-Dijon attend depuis dix ans. Régulièrement inscrite au budget de l’État, elle finit par en être systématiquement retirée. Aujourd’hui, les conteneurs ne peuvent emprunter les tunnels. On ne peut pas avoir de politique de ferroutage sans les investissements correspondants.
Monsieur le secrétaire d'État, avec ce texte, vous ne faites que jeter de la poudre aux yeux ! Vous pensez encore, comme avant la crise financière, que la mise en concurrence va tout régler, alors qu’il faut de grandes politiques publiques : C’est bien ce qui manque à votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
article 3 a
M. Michel Teston. Monsieur le secrétaire d’État, un rapport parlementaire a été réalisé en 2004 par la mission d’évaluation et de contrôle sur la clarification des relations financières entre le système ferroviaire et ses partenaires publics. Ce rapport, dont les conclusions sont alarmantes, stigmatisait le « poids colossal » de la dette des transports ferroviaires, critiquait les « circuits de financement […] incroyablement complexes » mis en place pour la financer, s’inquiétait des « raisonnements économiques […] la plupart du temps incertains » élaborés pour justifier une fuite en avant, et préconisait l’application de trente-cinq mesures pour « tenter de désamorcer cette menace pour les finances publiques ».
La dette colossale de RFF, qui était alors de 25 milliards d’euros, représente aujourd'hui plus de 27 milliards d’euros. Le Gouvernement continue d’éluder la question, pourtant soulevée maintes et maintes fois ici même, à l'Assemblée nationale et par tous les experts des questions ferroviaires.
Alors que la dette de RFF constitue, tout le monde le sait, le principal frein à l’investissement dans le système ferroviaire français, nous voulons pousser le Gouvernement à s’attaquer à cette tâche par l’élaboration d’un rapport clair, dans lequel il exposera les solutions qu’il entend mettre en œuvre pour résoudre cet épineux problème.
Nous avons déposé un amendement lors de l’examen de ce projet de loi en février et mars derniers. Une fois n’est pas coutume, la majorité de l’Assemblée nationale, sur proposition du député Hervé Mariton, nous a soutenus, renforçant nos ambitions, alors même que la majorité du Sénat les avait amoindries.
Nous attendons avec impatience, monsieur le secrétaire d’État, les conclusions du rapport prévu pour la fin de cette année. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard Le Cam. Mes propos s’inscrivent dans le droit fil de ceux de Mme Beaufils concernant les enjeux de la dette de RFF. Les éventuelles préconisations du rapport pour mettre fin à cette situation résident, pour une grande part, en toutes lettres dans le rapport de la mission sénatoriale sur le devenir des transports.
Je ne peux évidemment manquer de rappeler ici les termes du débat, qui est d’ailleurs né au moment de la séparation juridique de la SNCF et de RFF, l’entreprise chargée de gérer l’infrastructure, conformément aux orientations imposées par une directive européenne déjà ancienne.
Car, à bien y réfléchir, on ne peut et on ne doit jamais oublier que l’existence de RFF est la traduction concrète d’une organisation des transports résultant des choix des instances européennes. L’état et la qualité du service, dans la plupart des pays où ils ont été mis en œuvre, montrent toute leur pertinence. Gestionnaires en déficit chronique, retard constant dans les investissements, dégradation du service rendu, tel est le bilan des directives européennes en matière de transport, tout comme dans d’autres services publics, à commencer par les services postaux.
En un temps pas si lointain, c’est-à-dire en janvier 1997, peu de temps avant une dissolution inattendue, notre collègue Claude Billard indiquait, lors de l’examen par le Sénat du projet de loi portant création de l’établissement public « Réseau Ferré de France » en vue du renouveau du transport ferroviaire : « Le Gouvernement nous propose aujourd'hui de mettre, en quelque sorte, la dette sur une voie de garage, dans le cadre d’une entité – RFN – dont on se doute qu’elle sera doublement en difficulté financière, le compte d’infrastructure n’ayant jamais été en excédent depuis vingt ans. La raison en est simple : son déficit est “organique”, structurel. II ne peut donc en être autrement. […]
« Cet établissement aurait vocation, sous des formes que nous nous proposons de préciser par ailleurs, à assurer à la fois l’apurement nécessaire du passif, c’est-à-dire l’ensemble de la dette obligataire de long terme de la SNCF, et de devenir l’interface entre la société nationale et les “marchés financiers” dans le cadre de son développement futur. »
Le constat de l’époque est évidemment toujours d’actualité – hélas ! – puisque le « train fantôme » de la dette de RFF est resté en gare et que ses wagons sont toujours aussi lourdement chargés.
Quant à la solution préconisée, celle de la constitution d’un établissement de défaisance ou de cantonnement de la dette ferroviaire, elle devrait à notre avis être examinée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Monsieur le président, je m’étais inscrit pour prendre la parole sur l’article 2 bis A, mais je n’ai pas pu être présent au moment de la discussion de cet article. Toutefois, mon propos est valable pour l’ensemble des articles de ce projet de loi.
Monsieur le secrétaire d’État, ce que j’ai à dire, je l’aurais dit avec plus de force encore à M. de Raincourt, s’il était resté.
Il est possible de juger du fond d’un texte en examinant la méthode employée et la forme utilisée. Cet amendement de plusieurs pages, présenté par le Gouvernement à l'Assemblée nationale après le débat au Sénat, est l’un de ces camouflets qui sont si souvent infligés à notre assemblée. Ici, le débat parlementaire est mené dans l’urgence, en catimini, et à la baguette. Parfois, les sénateurs, quelle que soit leur appartenance politique, réagissent et se révoltent. Le Gouvernement a dû se dire que tel ne serait pas le cas avec cet amendement, puisqu’il ne traite que de l’Île-de-France et ne concerne donc pas toutes les collectivités.
Quoi qu’il en soit, il est inadmissible pour tous les élus qu’un amendement concernant les collectivités de l’Île-de-France n’ait pas été discuté au Sénat, assemblée qui est censée représenter les territoires et où les textes relatifs aux collectivités territoriales doivent d’abord être examinés. En l'occurrence, la Haute Assemblée est juste bonne à dire « amen » alors que cet amendement change beaucoup de choses !
Monsieur Apparu, le terme que vous avez utilisé tout à l’heure était absolument à contre emploi. Pour justifier cet amendement, vous avez parlé d’un échange entre la RATP et le STIF. Or, vous le savez bien, un échange entre deux partenaires suppose une discussion, puis un accord. Dans le cas présent, il s’agit non pas de donner quelque chose pour recevoir autre chose, mais d’imposer la volonté du Gouvernement.
Nous refusons cette méthode, qui nous laisse augurer de votre vision du Grand Paris. Avec ce gigantesque projet, qui pourrait pourtant être porteur d’avenir, on sait bien que Nicolas Sarkozy a une volonté de recentralisation. Il suffit de voir l’amendement qui a été adopté à la hussarde, de nuit, et qui permet à l’État de passer en force, sans débat avec les collectivités territoriales. Or le STIF, c’est d’abord la voix des collectivités territoriales en ce qui concerne le réseau de transport dans l’ensemble de l’Île-de-France. Nous reparlerons d’ailleurs de ces questions dans les jours, les semaines ou les mois à venir dans le débat sur La Poste, puis dans celui sur la réforme des collectivités territoriales.
Il y a ici même des élus locaux qui, indépendamment de leur appartenance politique, de gauche ou de droite, vous le disent : vous touchez au cœur de la décentralisation, au rôle même du Sénat et vous foulez aux pieds les collectivités. D’ailleurs, on le voit bien avec la suppression de la taxe professionnelle, dont certains s’émeuvent déjà. Car ce sont toutes les collectivités et pas seulement celles de gauche qui ne pourront plus faire face à leurs responsabilités et protéger les citoyens ! Une fois qu’elles auront assuré le minimum obligatoire, elles ne pourront plus, contrairement à aujourd’hui, financer les associations culturelles ou les clubs sportifs ; elles seront étouffées.
Il est bien que le Sénat puisse mettre le holà à ces abus. C’est pourquoi je souscris totalement aux propos qui ont été tenus par certains de mes collègues. Ils ne sont aucunement outranciers. En effet, on ne peut pas continuer à marcher de cette façon sur la région d’Île-de-France ! On ne peut pas continuer à marcher sur la Ville de Paris ! On ne peut pas continuer à marcher sur les collectivités territoriales ! On ne peut pas continuer à marcher sur tous ces élus qui se battent chaque jour pour qu’on respecte la vie de nos concitoyens franciliens !
Cet amendement donne le ton de ce qu’est l’ensemble du projet de loi : encore une fois, on affaiblit le service public, on affaiblit les territoires, et tout cela au nom de la réforme. Pourtant, nous voulons des réformes, nous sommes pour la modernisation. Malheureusement, les vôtres aboutissent chaque fois à une régression à tel point que, dans ce pays, qui a toujours été avide de progrès, vous commencez à installer dans les têtes de nos concitoyens que réforme veut dire régression.
M. Nicolas About. Au contraire !
M. David Assouline. Ainsi, ceux qui veulent maintenir le statu quo sont certainement confortés dans leur idée.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. David Assouline. Les partis de gauche et le parti socialiste continueront à se battre en faveur de toute forme de modernisation, à condition de ne pas détruire les progrès qui ont été accomplis, notamment la décentralisation.
La décentralisation, elle s’incarnait dans les prérogatives du STIF et non, je le répète, dans l’amendement que vous avez fait voter nuitamment à la hussarde à l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Sur ces articles, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Le vote est réservé.
article 4
M. Roland Courteau. L’ouverture du secteur ferroviaire à la concurrence a imposé la mise en place d’un « organisme de régulation et de contrôle ». En France, ce rôle était jusqu’à présent confié au ministère des transports, assisté par la mission de contrôle des activités ferroviaires.
Le projet de loi a créé l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, l’ARAF. Cette autorité pourra instruire des plaintes, lancer des enquêtes et des investigations, et infliger des sanctions comme une interdiction temporaire d’accès et/ou une amende pouvant atteindre 5 % du chiffre d’affaires de l’opérateur.
Ce texte, attendu depuis longtemps, a pu être, sous certains aspects, l’arbre qui cache la forêt. En effet, tous les regards extérieurs s’étant focalisés sur la création de l’ARAF, certains de nos interlocuteurs en ont presque oublié les autres articles du projet de loi.
Le contexte européen nous y obligeant, il était difficile de nous opposer à cette création. Néanmoins, je souhaite revenir sur un point fondamental.
Comme cela est prévu aux termes du nouvel article 17-2 de la LOTI – article auquel nous nous sommes opposés –, l’Autorité veillera au respect des conditions ouvrant droit au cabotage pour les entreprises ferroviaires proposant du transport international de voyageurs. Elle devra vérifier que les dessertes intérieures sont réellement accessoires et ne perturbent pas l’équilibre des contrats existants.
Ce sont donc les critères définis par décret qui seront déterminants. Sur ce point, nous trouvons le texte bien flou.
Il m’eût été agréable, par exemple, d’avoir une idée du type de dessertes susceptibles de porter préjudice à certains contrats. Il eût de même été important d’avoir une idée des unités de mesure qui permettront de définir le caractère accessoire d’une desserte : le voyageur ? Le nombre de voyageurs par kilomètre ? Le rapport entre le « nombre de voyageurs sur desserte interne » et le nombre de voyageurs total ? Le rapport entre le chiffre d’affaires généré par la desserte interne et le chiffre d’affaires global ?
Les débats ne nous ont permis aucune avancée sur ce point. C’est pourquoi nous sommes contre cet article. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste - Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard Le Cam. Nous tenons à revenir sur les critères selon lesquels sont choisis les membres de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires.
En effet, selon le texte initial du projet de loi, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires « est composée de sept membres nommés en raison de leur compétence en matière ferroviaire, économique ou juridique, ou pour leur expertise en matière de concurrence. Leur mandat est de six ans non renouvelable ».
Nous considérons qu’il n’est pas pensable que les compétences sociales ne soient pas représentées via les organisations syndicales au sein de cette autorité. En effet, la présence des représentants syndicaux est d’autant plus importante que, selon l’article 4 du projet de loi, une telle instance « est associée à la préparation de la position française dans les négociations ou les actions de coopération internationales [...] ».
En donnant aux représentants syndicaux une telle possibilité de présence, il s’agirait également de donner un signe clair en faveur du dialogue social prôné par le Gouvernement.
Par ailleurs, je rappelle que les organisations syndicales sont présentes dans d’autres autorités de régulation sectorielles telles que la CRE, la Commission de régulation de l’énergie, au titre des personnalités qualifiées désignées par le Gouvernement. Nous pourrions donc nous inspirer de la composition de la CRE pour définir celle de l’ARAF. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Je tiens à vous faire part de nos hésitations et de nos critiques sur cet article, en particulier en qui concerne l’Autorité de régulation des activités ferroviaires.
Tout d’abord, nous craignons que cette autorité ne dispose pas des ressources suffisantes. En effet, dans la mesure où elle est directement financée par le budget de l’État, et non par une redevance – ce qui serait plus neutre –, l’ARAF pourrait voir sa dotation diminuer avec le temps si elle n’est pas tout à fait dans la ligne. Elle n’aura alors plus les moyens d’effectuer pleinement son travail.
Ensuite, nous notons un autre fait marquant : l’absence totale des collectivités locales dans ce texte. Pourquoi avez-vous refusé nos propositions pour que, notamment, les régions puissent nommer une partie des membres de l’ARAF ?
Tout au long de l’examen du projet de loi, nous avons dénoncé le peu de place que faisait le Gouvernement aux collectivités alors même qu’elles ont de plus en plus de responsabilités en matière de transports ferroviaires sur le plan régional.
Mme Nicole Bricq. C’est vrai !
M. Richard Yung. Il a longuement été question du STIF tout à l’heure, mais n’oublions pas les autres régions.
Nous avions proposé que l’un des membres de l’ARAF soit nommé par l’Association des régions de France. Libre à vous de choisir un autre organisme. Reste qu’il est nécessaire qu’un représentant des régions siège au sein de l’ARAF.
Cette autorité aurait ainsi pu devenir un véritable organe de conciliation où auraient été présents à la fois des parlementaires, des membres du Conseil économique, social et environnemental ainsi qu’une personnalité qualifiée régionale spécialisée dans le transport ferroviaire. Ne provenant pas du même environnement que les autres, cette dernière aurait pu apporter un éclairage local.
Puisque vous n’avez pas voulu suivre nos propositions, je ne vous surprendrai pas en vous indiquant que nous sommes contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Sur cet article, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Le vote est réservé.
article 8
M. Simon Sutour. Cet article précise les missions et les pouvoirs de l’ARAF.
L’article 8 concrétise le rôle dévolu à cette nouvelle autorité par le nouvel article 17-2 de la LOTI, à savoir la surveillance du respect des conditions ouvrant droit au cabotage pour les entreprises ferroviaires proposant du transport international de voyageurs. Il s’agira de déterminer si les dessertes intérieures convoitées sont réellement accessoires et si elles ne viennent pas perturber l’équilibre des contrats existants. Dans ce cas, ces liaisons intérieures seraient interdites, car elles contourneraient directement la loi.
Malheureusement, nous l’avons vu lors de l’examen des précédents articles, le texte du Gouvernement a été assoupli. Il précise désormais que les entreprises internationales sont autorisées à ce cabotage, « à condition que l’objet principal du service exploité par l’entreprise ferroviaire soit le transport de voyageurs entre des gares situées dans des États membres de l’Union européenne différents ».
Bien évidemment, ce sont les critères définis par décret qui seront déterminants – c’est très souvent le cas en la matière –, d’autant plus que le texte ne donne aucune indication précise et ne se rapporte même plus à la directive transposée. En l’état, le cabotage est loin d’être encadré et, même si l’ARAF peut s’y opposer, cela présente tout de même un sérieux risque pour la SNCF, qui pourrait se voir concurrencer de manière indirecte, ce que nous regrettons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Richard Yung. Bravo !
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le traitement des litiges devient une mission essentielle de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, mission qui était jusqu’à présent confiée au ministre chargé des transports. Cette autorité peut être saisie de toute réclamation sur des sujets entrant dans son domaine de compétence et afférent à ses missions définies à l’article précédent.
La rédaction de cet article va bien plus loin que l’obligation communautaire, qui prévoit que l’instance de régulation des activités ferroviaires doit avant tout garantir que l’accès au secteur s’effectue de façon équitable et non discriminatoire.
Comme il est souligné dans le rapport, cet article soulève certaines difficultés, notamment en ce qui concerne le lien entre l’autorité de régulation et l’Établissement public de sécurité ferroviaire, l’EPSF.
Pourtant, l’Assemblée nationale a estimé que la surveillance exercée en matière de sécurité ferroviaire pouvait être source de discrimination. L’amendement ainsi adopté à l’Assemblée nationale, et confirmé par la commission mixte paritaire, vise donc à préciser que l’application et le contrôle des règles en matière de sécurité ferroviaire ne sauraient avoir pour effet d’entraver le bon fonctionnement du marché concurrentiel des transports ferroviaires.
Aux termes de l’article 30 de la directive 2001/14/CE, l’instance de régulation doit intervenir pour prévenir toute forme de discrimination. Elle sera compétente pour apprécier, à l’appui d’un litige, si l’EPSF a bien appliqué la réglementation en matière de sécurité.
Pourtant, je vous le rappelle, l’EPSF est une autorité chargée d’une mission régalienne, qui plus est dans le domaine sensible de la sécurité. On se retrouve donc dans un cas de figure où l’on confie à l’autorité de régulation des pouvoirs régaliens de sécurité.
Nous considérons qu’il s’agit d’une dérive particulièrement grave qui pourrait faire peser des risques importants sur l’application de la réglementation en termes de sécurité. En effet, il est fort à craindre que cette réglementation ne soit appréciée a minima afin de ne pas enfreindre la compétitivité des opérateurs ferroviaires.
Nous sommes absolument opposés à une telle conception, qui fait passer les principes de concurrence libre et non faussée devant les impératifs de sécurité !
De plus, il apparaît incohérent que l’autorité de régulation ait à se prononcer sur les discriminations pouvant résulter de la tarification ferroviaire, et ce alors même qu’elle est amenée, par l’article précédent, à participer à sa définition.
Par ailleurs, l’autorité de régulation est habilitée à substituer sa décision à celle de l’auteur de l’acte en cause. Elle peut ainsi enjoindre l’adoption de nouvelles conditions financières, mesure assortie, le cas échéant, d’astreintes financières. Même si cette possibilité est confiée à d’autres autorités de régulation, nous continuons de considérer qu’il s’agit de pouvoirs trop importants qui doivent rester du ressort de la puissance publique.
Mettre entre les mains d’une autorité administrative dont les membres ne sont pas des élus des pouvoirs quasi juridictionnels ne permet pas de garantir la séparation entre juge et partie : lui confier à la fois le pouvoir réglementaire, le pouvoir de décision et le pouvoir juridictionnel contrevient en tout au principe constitutionnellement reconnu de séparation des pouvoirs.
C’est pourquoi nous sommes contre cet article ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Sur ces articles, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Le vote est réservé.
article 14
M. Michel Boutant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article vise à prévoir le versement d’une redevance à Réseau ferré de France. Lors de l’examen de ce texte, nous avions présenté des améliorations de la péréquation ferroviaire, et notamment deux propositions fortes, attendues par les élus de terrain.
Nous avions d’abord souhaité élargir le champ de la concertation prévue pour les futures lignes à grande vitesse à la compensation des préjudices socio-économiques et fiscaux que l’implantation des lignes à grande vitesse engendre pour les communes traversées. Nous avions en effet souhaité que les concessionnaires d’infrastructures ferroviaires paient une taxe au profit des communes traversées, au prorata des emprises de ces infrastructures sur leur territoire.
Compte tenu des incidences financières engendrées pour les communes traversées par les lignes à grande vitesse et du fait que le marché des voies de chemin de fer s’ouvre à la concurrence et peut donc être assimilé à une activité économique, cette mesure nous semble normale et justifiée.
Elle était demandée par l’ensemble des maires des communes traversées par les lignes à grande vitesse ; elle l’est toujours. Elle permettrait de compenser les pertes de revenus et de recettes fiscales relatives à la disparition d’autres taxes.
Par ailleurs, nous avions aussi proposé de fixer à 10 000 euros par kilomètre la valeur locative des lignes de TGV. Le Gouvernement avait même souhaité étudier notre proposition.
Rien de semblable n’a été fait, c’est pourquoi si nous avions eu à nous prononcer, nous nous serions abstenus sur cet article, bien qu’il contienne une disposition intéressante. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par mon collègue Michel Boutant. Pour ma part, je tiens à préciser que l’article 1er tend à transposer plusieurs directives qui ne satisfont pas les élus socialistes que nous sommes.
En effet, la directive 2007/58/CE modifiant la directive 91/440/CEE propose l’ouverture à la concurrence, au plus tard en 2010, des services ferroviaires de transport international de passagers, avec la possibilité de prendre et de laisser des voyageurs en cours de route dans un même pays. Par conséquent, il suffit qu’un train relie Bruxelles à Vintimille pour qu’il puisse entrer dans la concurrence et prendre des passagers en France.
Les États membres avaient la possibilité de restreindre ce cabotage, qui ne doit être qu’accessoire au service international, s’il met en péril l’équilibre économique d’un service exercé dans le cadre d’un contrat de service public.
Mais surtout, ils auraient dû pouvoir autoriser une autorité compétente à effectuer un prélèvement sur tous les services ferroviaires de transport de passagers dans le but de contribuer au financement des compensations d’obligations de service public. Un tel dispositif permettrait de réaliser une péréquation, si tant est que nous obtenions à terme un schéma national des infrastructures ferroviaires, promis dans le cadre du Grenelle.
En fait de péréquation, le Gouvernement ne nous propose rien dans cet article 14, sinon un faible prélèvement qui n’est rien à côté des propositions que nous lui avions faites par voie d’amendement.
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Claude Domeizel. C’est la raison pour laquelle nous sommes inquiets, nous qui souhaitons développer, voire rouvrir des lignes, certes désaffectées pour les unes, encore déficitaires pour les autres, mais pleines de potentiel si l’on en croit les récentes expériences de réouvertures de lignes en France.
Je voudrais vous citer un exemple. Dans mon département, nous nous sommes mis d’accord sur la réouverture de la ligne reliant Saint-Auban à la préfecture, Digne. Depuis des années, le conseil général, le conseil régional, les communes desservies et les élus nationaux se battent pour faire aboutir ce projet nécessaire à l’essor de la ville préfecture et de l’essentiel du département.
Si nous avons bien compris, monsieur le ministre, devant l’indigence de la redevance prévue à l’article 14, les grandes lignes seront privilégiées, au détriment du trafic ferroviaire local.
M. Roland Courteau. Eh voilà !
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Claude Domeizel. Dans ces conditions, il n’est pas besoin d’être grand clerc pour deviner que les collectivités territoriales seront laissées seules pour assurer le financement de ce type de projet. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Simon Sutour. C’est dramatique !
M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, vous comprendrez mon inquiétude et celle de mes collègues du groupe socialiste, car l’étude qui va être engagée pour la réouverture de la ligne que j’évoquais, à laquelle participent financièrement le conseil général, le conseil régional, RFF et l’État, risque d’être un marché de dupes.
Plus généralement, mes chers collègues, comment peut-on imaginer que les collectivités, à qui vous coupez les vivres, seront en mesure de suivre le mouvement de la demande en matière de transports collectifs ? Les moyens que vous leur consentez sont loin d’être à la hauteur des ambitions affichées dans le Grenelle.
Vous comprendrez, dans ces conditions, notre opposition à l’article 14 du projet de loi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Sur ces articles, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Le vote est réservé.
Article 23 quinquies
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a adopté, sur la proposition de son rapporteur, ce nouvel article 23 quinquies définissant le régime d’autorisation de services réguliers de transport routier d’intérêt national exploités à l’occasion de services réguliers de transport routier international de voyageurs.
Je regrette une nouvelle fois, après de nombreux orateurs, que le Gouvernement n’ait pas jugé utile que ce texte fasse l’objet de deux lectures par chacune des assemblées.
Cette disposition est importante et il est dommage que les parlementaires qui n’ont pas fait partie de la commission mixte paritaire n’aient pu en prendre connaissance. En effet, ce dispositif reprend, pour le transport routier de personnes, les dispositions introduites à l’article 1er sur le cabotage à l’occasion d’un service de transport ferroviaire international.
L’autorisation de prendre et de déposer des voyageurs à des arrêts situés en France sur le trajet d’un service international pourra être délivrée à condition que ces dessertes intérieures « de cabotage » présentent un caractère « accessoire » au regard de l’ensemble du trajet et qu’elles ne portent pas atteinte à l’équilibre économique d’un contrat de service public de transport de personnes.
L’État, le cas échéant sur saisine d’une collectivité intéressée, pourra limiter voire interdire des services de cabotage s’ils compromettent cet équilibre économique. Un décret définira la procédure d’autorisation, notamment les modalités de consultation des autorités organisatrices de transport qui pourraient être concernées – les régions, les départements, le Syndicat des transports d’Île-de-France, etc.
Cette disposition s’intègre dans un titre additionnel totalement nouveau par rapport au projet de loi initialement déposé par le Gouvernement ayant trait au transport routier.
C’est l’illustration parfaite du double langage qui prévaut en matière écologique : préservation de la planète et libéralisme poussé à son paroxysme ! Vous oubliez que les deux sont antagoniques, que le libéralisme pousse au pillage des ressources naturelles et que la maîtrise publique dans le secteur des transports constitue un levier majeur en termes d’environnement.
M. Jean Desessard. Absolument !
Mme Mireille Schurch. Nous souhaitons que le Gouvernement soit vigilant sur toutes les mesures qui permettront de lutter contre l’avantage concurrentiel de la route résultant de conditions sociales déplorables et de l’absence de prise en compte des externalités négatives. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Sur ces articles, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Le vote est réservé.
Article 26
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec les articles 26 à 28 du projet de loi, nous abordons la réforme de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, l’ACNUSA. C’est l’irruption du trafic aérien dans une discussion jusqu’à présent centrée sur le trafic ferroviaire…
Il était effectivement urgent de réformer l’ACNUSA afin de lui permettre d’exercer son autorité et de sanctionner de manière effective et incontestable les méfaits de la pollution sonore à proximité des aéroports.
Nous nous étions déjà mobilisés sur ce sujet à l’occasion du Grenelle II. Le texte qui nous avait alors été proposé nous avait semblé beaucoup plus cohérent que celui qui nous est soumis aujourd'hui.
Il n’aura échappé à personne que, à quelques semaines d’intervalle, dans deux textes différents, nous sommes amenés à prendre, sur un même sujet, l’ACNUSA, des mesures qui ne se ressemblent que très peu. Nous attribuons ce dysfonctionnement à la précipitation qui a présidé à l’examen de ce texte, précipitation qu’ont déjà dénoncée mes collègues.
Le groupe socialiste est donc contre cet article, qu’il juge moins satisfaisant que les dispositions du Grenelle II et qui, en outre, traduit un dysfonctionnement.
M. le président. Sur ces articles, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Le vote est réservé.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Le projet de loi qui nous est soumis vise à transcrire une série de dispositions du troisième paquet ferroviaire, ainsi qu’une partie d’une directive relevant du premier paquet. Il prévoit d’abord l’ouverture à la concurrence des services internationaux de transport de voyageurs, à compter du service d’hiver, c'est-à-dire le 13 décembre 2009, ainsi que la possibilité, sous certaines conditions, de prendre et de déposer des voyageurs dans les gares françaises situées sur le trajet d’un service international.
Le texte crée également les conditions de développement des opérateurs ferroviaires de proximité, ce qui se traduit notamment par la fin du monopole de la SNCF en matière d’entretien des lignes à faible trafic, réservées aux transports de marchandises.
Le projet de loi prévoit en outre la création d’une autorité administrative indépendante chargée de la régulation. Son rôle sera de garantir un accès équitable et non discriminatoire de tous les opérateurs aux réseaux.
Les deux derniers titres du projet de loi contiennent des dispositions relatives à des concessions routières et aux conditions de travail des personnels navigants de l’aviation civile.
Je rappelle d’abord que le groupe socialiste a voté contre ce texte le 9 mars dernier. En effet, malgré l’adoption de quelques-uns de nos amendements – je rappelle qu’ils visaient respectivement à instaurer la certification des conducteurs de train, à réintégrer dans la loi d’orientation des transports intérieurs l’expression « service public de transport ferroviaire » et à affirmer le rôle de RFF en tant que gestionnaire du réseau ferré national –, ce texte ne contient pas d’avancée réelle sur l’importante question des relations entre RFF et la SNCF. Pis, l’adoption en mars dernier de l’amendement n° 131 du Gouvernement fait craindre une filialisation, à terme, des missions de gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national.
Seule la mise en place d’une organisation différente, en particulier le fait de faire de RFF une filiale de la SNCF, pourrait constituer une solution, sans introduire un nouveau morcellement du système ferroviaire. Cela suppose toutefois la reprise progressive par l’État de la dette de RFF. Je rappelle que nous attendons un rapport du Gouvernement sur les solutions à mettre en place pour y parvenir, puis des signes concrets de mise en œuvre de la solution retenue.
Cela dit, l’ouverture à la concurrence des services internationaux de transport de voyageurs prévue dans le présent projet de loi constitue le point de désaccord majeur pour le groupe socialiste. À l’instar de la directive qu’elle vise à transcrire, cette disposition est inspirée par la croyance absolue qu’il n’y aurait pas d’autre solution pour développer ces services. Le groupe socialiste est en total désaccord avec cette orientation. Nous redoutons en effet un écrémage des lignes considérées comme rentables, avec une forte concurrence sur ces quelques linéaires, alors que les opérateurs historiques devront continuer, partout en Europe, à assurer le transport sur des lignes peu ou non rentables.
Pour nous, la solution est la coopération entre les grands opérateurs ferroviaires européens. Ces services existent. Il s’agit d’Eurostar, de Thalys, de Lyria, d’Alleo, d’Artesia et d’Elipsos. D’autres partenariats de ce type sont possibles.
En septembre dernier, l’Assemblée nationale a apporté un certain nombre de modifications au projet de loi, lesquelles ne répondent pas à nos attentes.
En outre, le 22 septembre, en totale violation des droits du Parlement, le Gouvernement a fait adopter un amendement visant à transférer des actifs du STIF, le Syndicat des transports parisiens et de la région d’Île-de-France, à la RATP, plaçant celle-ci en situation délicate par rapport au règlement OSP.
Cet amendement a été adopté à l’Assemblée nationale alors que le projet de loi avait déjà été examiné au Sénat. Or ce texte ayant été déclaré d’urgence, le Sénat a été privé de la possibilité d’examiner la disposition introduite par l’amendement incriminé avant la réunion de la commission mixte paritaire.
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
Mme Annie David. C’est inacceptable ! (Mme Catherine Procaccia proteste.)
M. Michel Teston. Certains représentants de la majorité sénatoriale ont l’air de trouver que le débat n’est pas assez long !
Mme Catherine Procaccia. Il est surtout répétitif !
M. Simon Sutour. Et ce n’est pas fini !
Mme Annie David. Prenez donc la parole si vous ne voulez pas qu’il soit répétitif !
M. Michel Teston. Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, le 27 octobre dernier, les parlementaires du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG ont défendu des amendements visant à supprimer cette disposition. Ils ont tous été rejetés.
Monsieur le ministre, le groupe socialiste avait décidé de voter contre ce projet de loi pour les raisons que j’ai évoquées dans cet hémicycle en mars dernier et que je viens de rappeler brièvement. Ce n’est pas ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale, sur l’initiative du Gouvernement, qui va nous faire changer d’avis, bien au contraire ! Nous voterons donc contre les conclusions du rapport de la commission mixte paritaire. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en trente-deux ans de vie sénatoriale, je n’avais jamais vu l’examen des conclusions d’un rapport d’une commission mixte paritaire donner lieu à autant d’étincelantes démonstrations (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), …
M. Guy Fischer. Dont acte !
M. Jean-Pierre Fourcade. … et à autant d’avis argumentés sur le fond. Tous les problèmes de transport ont été abordés, ainsi que la question de la dette et celle de la concurrence… J’en donne acte volontiers à mes collègues de l’opposition.
Pour ma part, je tiens à dire trois choses précises.
Premièrement, le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Alors que la France prétend être tout à fait favorable à la construction européenne, elle est dans les tout derniers – elle est le vingt-cinquième ou le vingt-sixième des vingt-sept États de l’Union européenne – à transposer les directives européennes en droit interne.
Chers collègues de l’opposition, les reproches que vous faites au texte du Gouvernement s’adressent en fait au Conseil européen et à la Commission, …
M. Guy Fischer. Pas seulement !
M. Jean-Pierre Fourcade. … dont les conceptions sont différentes des vôtres. C’est bien naturel. Parce que nous n’avons pas les mêmes conceptions que vous, nous voterons ce texte.
Deuxièmement, monsieur le ministre, j’ai été sensible à un certain nombre des arguments avancés par mes collègues d’Île-de-France sur l’adoption à l’Assemblée nationale de l’amendement concernant la RATP. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Une telle pratique ne doit pas se renouveler, car elle est mauvaise. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) En tant qu’ancien élu régional ayant une certaine expérience, comme l’a rappelé M. Dominati, je me permettrai de vous dire qu’il n’est pas convenable d’introduire dans un texte déclaré d’urgence une disposition aussi importante par voie d’amendement.
M. Guy Fischer. Le Sénat n’a pas pu l’examiner !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous disiez au Premier ministre de la part du groupe UMP que, sur un sujet aussi sensible que les transports, cela ne se fait pas d’introduire une nouvelle disposition dans le texte …
Mme Annie David. Il n’en demeure pas moins que vous allez voter ce texte !
M. Jean-Pierre Fourcade. … dans des conditions aussi peu convenables pour le Parlement. Et c’est un élu du groupe UMP qui vous charge de le lui dire ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Troisièmement, la grande différence entre vous et nous, mes chers collègues, porte sur l’introduction de la concurrence au sein de nos systèmes de transport. Vous pensez, vous, qu’une coopération oligopolistique entre les grandes organisations européennes est préférable. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) C’est ce que M. Teston a déclaré à quatre reprises !
Vous préférez la coopération oligopolistique entre les grands systèmes européens plutôt que l’introduction de la concurrence. Il me semble malheureusement que vous avez oublié un élément essentiel, c’est que nous ne sommes pas seuls en Europe ! Il faudra bien vous faire à la concurrence lorsque des sociétés hollandaises, allemandes, italiennes et espagnoles s’empareront de parts de marché. Il va bien falloir que vous compreniez que l’introduction de la concurrence dans le secteur des transports internationaux est nécessaire à l’évolution de nos ensembles de transport.
Je veux bien que l’on cherche à protéger les collectivités territoriales – comme je l’ai entendu dire – et à ne pas leur imposer de charges supplémentaires – comme l’a souvent dit notre ami M. Haenel –, je veux bien également que l’on cherche à ne pas laisser les usagers sur le quai, parce qu’une grève est annoncée trop tardivement (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG) ou en raison de dysfonctionnements du système. Mais l’introduction de la concurrence tant dans le domaine du fret que dans celui des transports internationaux de voyageurs me paraît importante. Le Gouvernement a accepté de remettre un rapport sur ces questions au Parlement, nous verrons dans quelques années ce qu’il en est.
Comme je l’ai déjà dit, nous voterons ce texte, monsieur le ministre, mais n’oubliez pas l’adresse au Premier ministre que je vous prie de transmettre au nom du groupe UMP. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Comme je l’ai dit tout à l’heure, si nous ne devions avancer qu’une seule raison – il y en a bien sûr plusieurs – pour justifier notre opposition à ce projet de loi, nous évoquerions l’adoption à l’Assemblée nationale de l’amendement sur le STIF et sur la RATP, comme vient de le dire M. Fourcade, dont je salue l’intervention. Si je tiens à nouveau à évoquer l’adoption de cet amendement, c’est parce qu’elle est la raison essentielle de mon opposition résolue, en tant qu’élu parisien, à ce projet de loi.
Monsieur Fourcade, même si je salue votre intervention, je dois dire que j’ai déjà entendu le discours que vous avez tenu. Je ne suis pas un ancien sénateur, mais, depuis 2004, année où je suis devenu membre de cette assemblée, j’ai souvent entendu les parlementaires de la majorité protester auprès du Premier ministre et s’élever contre le fait de devoir perpétuellement jouer les godillots. Ainsi, vos protestations figurent au Journal officiel et vous pouvez les montrer à vos électeurs, mais cela ne vous empêche pas de voter des deux mains les textes qui vous sont soumis. Si vous voulez que cela cesse un jour, ne les votez pas !
Mme Nicole Bricq. Ne votez pas la suppression de la taxe professionnelle !
M. David Assouline. Vous servirez ainsi non pas l’UMP ou la gauche, mais le Parlement et la démocratie.
Mme Nicole Bricq. Ne votez pas le lancement du grand emprunt non plus !
M. David Assouline. Monsieur le président, je rappelle que l’article 2 bis A, que le Sénat n’a pas pu examiner, a été inséré à l’Assemblée nationale en cours d’examen du projet de loi par voie d’amendement et que cet amendement faisait sept pages. Ce n’est pas rien ! L’article ainsi inséré modifie profondément le paysage des transports en commun de toute l’Île de France. Je suis indigné !
J’ai cherché à comprendre les raisons d’un procédé aussi brutal. La seule raison qui nous a été donnée, c’est qu’il fallait aller vite et qu’il était urgent de transposer les directives européennes.
Or je constate que l’échéance d’entrée en vigueur du règlement dit « OSP » sur l’ouverture à la concurrence des services publics de transport était connue depuis le 3 décembre 2007. Et vous voulez nous faire croire que vous ne l’avez découverte que récemment, une nuit, à l’Assemblée nationale !
À la veille de l’entrée en vigueur de ce règlement, vous bouleversez de fond en comble les principes de gouvernance des transports en Île-de-France, et ce sans aucune concertation, ni avec le président du STIF, également président du conseil régional d’Île-de-France, ni avec les départements, ni avec la Ville de Paris, ni avec les associations d’usagers !
Mes chers collègues, avec ce texte, le Gouvernement dépouille le STIF, et à travers lui les collectivités locales franciliennes, de ses missions et de ses moyens, notamment des capacités d’emprunt qui lui permettraient d’investir massivement dans les transports publics dans l’intérêt de tous.
J’ai bien entendu l’argument qui a été avancé par M. Fourcade. Selon lui, pour les Européens convaincus que nous sommes, il est très regrettable que notre pays soit dans les tout derniers à transposer les directives communautaires en droit interne.
M. Jean-Pierre Fourcade. C’est vrai !
M. David Assouline. Mais vous savez, monsieur Fourcade, c’est beaucoup plus simple dans les pays où il n’y a pas de services publics !
En France, nous avons des services publics. Et lorsque certains envisagent de les remettre en cause, il est normal que nous réclamions un véritable débat et la mise en place de garde-fous !
Mon cher collègue, j’espère que vous êtes comme nous attaché à la défense du service public. Se déplacer, recevoir du courrier, aller à l’école ou bénéficier de soins sont des enjeux très importants, et ce n’est pas parce qu’il existe une directive européenne que nous devrions obtempérer aveuglément.
Le service public est notre identité fondamentale ! Nous sommes connus dans le monde entier, notamment en Europe, pour avoir quelque chose de plus que les autres sur ce point. D’ailleurs – tout le monde s’accorde pour le reconnaître –, si notre pays a plutôt mieux résisté que d’autres à la crise financière internationale, c’est grâce à son modèle social ! (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)
Le règlement OSP vise avant tout les modalités d’exploitation des services de transport de voyageurs, en prévoyant à terme l’ouverture des réseaux à la concurrence.
Mme Catherine Procaccia. Le temps de parole est terminé !
M. David Assouline. Mais est-ce une raison pour bouleverser en profondeur l’organisation des transports en Île-de-France ?
Car, monsieur le ministre, telles seront bien les conséquences de l’amendement du Gouvernement, qui concerne des sujets fondamentaux, comme la gestion de l’infrastructure et la propriété des biens, dont il n’est nullement question dans le règlement OSP. Avec cet amendement, la RATP devient le gestionnaire de l’infrastructure pour les lignes de métro et pour les lignes de RER qu’elle exploite, ainsi que le bénéficiaire de l’essentiel des biens affectés au réseau de transport. Les modalités financières de ce transfert de propriété sont renvoyées pour l’essentiel à un décret en Conseil d’État, ce qui laisse peu de visibilité sur l’amputation du budget du STIF.
Mme Catherine Procaccia. Le règlement vaut pour tout le monde, monsieur Assouline !
M. David Assouline. Après le coup de force qui s’est produit nuitamment à l’Assemblée nationale, vous pouvez bien me laisser m’exprimer encore deux minutes !
Le fait que les modalités financières du transfert de propriété soient renvoyées à un décret en Conseil d’État est l’un des principaux griefs que nous formulons aujourd’hui à l’encontre de ce projet de loi. D’ailleurs, nous envisageons de le déférer au Conseil constitutionnel. (Vives marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. David Assouline. Je conclus, monsieur le président, car je préfère répondre positivement à votre demande plutôt qu’à celle d’une majorité vociférant, refusant le débat et se bornant à voter tous les textes présentés par le Gouvernement !
Monsieur le ministre, en présentant ce projet de loi, vous déclarez la guerre aux élus franciliens. C’est pourquoi nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite m’exprimer à la fois sur la forme et sur le fond.
Sur la forme, je ferai remarquer, comme cela a été souligné par plusieurs orateurs, que le recours à la procédure d’urgence nous a privés d’un débat en deuxième lecture, notamment sur la disposition relative au STIF, qui a fait tant couler d’encre et tant dépenser de salive aujourd'hui. La frustration de tous les sénateurs, de gauche comme de droite, était perceptible, et la nôtre est très vive.
Le recours à une telle procédure a empêché une nouvelle discussion et le fait que le Gouvernement ait déposé un amendement extraordinairement long sur un sujet d’une telle ampleur…
Mme Annie David. Est inacceptable !
Mme Mireille Schurch. … nous interpelle. En soi, cela justifie déjà un vote négatif de notre part.
J’en viens au fond du débat. Au mois de février dernier, nous vous avions déjà fait part d’un certain nombre de réflexions et nous avions formulé plusieurs propositions, notamment sous forme d’amendements. Aujourd'hui encore, nous sommes intervenus très souvent pour tenter de vous convaincre, monsieur le ministre, que ce projet de loi n’était pas un bon texte pour les transports.
Vous le savez, nous ne sommes pas favorables à une Europe de la concurrence libre et non faussée ; nous n’avons donc pas d’états d’âme avec cette Europe-là. En revanche, nous sommes favorables à une Europe des coopérations, dans laquelle nous pourrions discuter ensemble de la construction de grandes relations ferroviaires. Nous aurions préféré un grand débat sur un service ferroviaire intégré, parce que c’est un bien public que nous avons en France. Nous devons protéger à la fois ce bien commun et nos cheminots, qui nous attendaient et qui seront déçus par votre attitude. Nous sommes garants de leur devenir.
De notre point de vue, ce texte est mauvais pour les usagers, alourdit les charges qui pèsent sur les collectivités locales et inquiète les salariés de ce grand service public. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12 du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 9:
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 185 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
La parole est à M. le président de la commission de l’économie.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’informe les membres de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire que celle-ci se réunira à vingt heures trente, afin d’examiner les amendements, de telle sorte que la séance publique puisse reprendre à vingt-deux heures.
7
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. M. Hérisson, le rapporteur UMP du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales, a qualifié à plusieurs reprises cet établissement de « joyau national ».
M. Pierre Hérisson. Oui, et je vais le redire tout à l’heure !
M. Guy Fischer. Une fois n’est pas coutume, nous l’approuvons lorsqu’il définit ainsi une institution pilier de notre société. Mais nous divergeons sur la manière de traiter La Poste et d’envisager son avenir !
Nicolas Sarkozy et sa majorité entendent transformer cet établissement en société anonyme, terme juridique qui porte en lui-même tous les travers de la financiarisation : absence de transparence, jeu trouble au sein de l’actionnariat…
Le groupe CRC-SPG estime que ce « joyau national » doit conserver un statut pleinement public. Nous refusons l’idée d’une société de droit privé à capitaux publics, pour le moment.
Le Gouvernement et vous-même, monsieur Hérisson, cherchez le moyen de tromper l’opinion en affirmant que toutes les dispositions seront prises pour préserver le statut public.
M. Robert del Picchia. C’est un rappel au règlement, ça ?
M. Guy Fischer. Mais alors, pourquoi changer le statut ?
M. Pierre Hérisson. Nous allons en parler !
M. Guy Fischer. Comment faire confiance à un pouvoir qui a déjà tant promis et qui a déjà tant trahi ses engagements ?
Je tiens à le répéter une nouvelle fois, ce que nous dénonçons, c’est non pas une privatisation dès aujourd’hui, mais l’enclenchement du processus inéluctable vers la privatisation !
M. Robert del Picchia. C’est un communiqué de presse !
M. Guy Fischer. Nous sommes vaccinés. Notre peuple est vacciné par de tels procédés, de telles manœuvres, qui visent, comme l’indique M. Pierre Hérisson, à « réformer en douceur ».
Comment ne pas percevoir la marche forcée que vous souhaitez imposer aux sénateurs et députés pour l’examen de ce texte comme l’aveu d’un mauvais coup en préparation ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Guy Fischer. Je conclus, monsieur le président.
Le Gouvernement souhaite entamer le débat sur l’avenir d’un tel « joyau national » un lundi soir en catimini.
Le souci et la volonté de prouver par tous les moyens l’absence de projet de privatisation nous inquiètent et inquiètent les citoyens, qui sont, dans leur immense majorité, viscéralement attachés à un service public gouverné par la collectivité pour l’intérêt général, et non pour quelques intérêts privés.
Monsieur le président, je demande donc avec insistance que le Sénat soit consulté sur le report de cette séance à demain, pour manifester l’intérêt qu’il porte à l’avenir de La Poste. Refusons d’entamer l’examen de ce texte fondamental dans des conditions aussi méprisantes pour les salariés, les usagers et l’histoire sociale de notre pays ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Mon cher collègue, je n’ai pas très bien compris sur quelle disposition règlementaire portait votre rappel au règlement. (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Toutefois, je vais vous répondre : l’ordre du jour a été fixé par la conférence des présidents. Par conséquent, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures sur le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
8
Entreprise publique La Poste et activités postales
Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (projet n° 599 rectifié, 2008-2009 ; texte de la commission n° 51 ; rapport n° 50).
Rappels au règlement
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant d’entamer l’examen du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales, je souhaite soulever la question du rôle du Parlement et du processus d’élaboration de la loi dans ce domaine qui accentue au plus haut point l’organisation sociale et économique de notre pays.
La méthode de M. Sarkozy et de ses amis est celle du fait accompli. Que ce soit sur la taxe professionnelle, sur la réforme des collectivités, notamment sur les modalités d’élection des futurs conseillers territoriaux ou, dès aujourd’hui, sur La Poste, le message adressé aux parlementaires est clair : circulez, il n’y a rien à voir !
Le débat parlementaire devrait, pour le Président de la République, être une formalité.
L’objectif n’est pas de confronter les points de vue, d’examiner au plus près la loi et ses conséquences, mais il est d’aller plus vite pour éviter la mobilisation et satisfaire, dans les meilleurs délais, les desiderata des milieux patronaux et financiers : procédure accélérée ; pas d’examen par le Sénat du projet de loi modifié par l’Assemblée nationale à la mi-décembre ; délais imposés très courts, soit cinq jours pour examiner la mise à mal du « joyau national », si cher au rapporteur, M. Hérisson, et pour débattre d’un texte de 29 articles sur lesquels sont déposés 620 amendements. Ce chiffre illustre, d’ailleurs, la densité du débat à venir, mais aussi la volonté et le sérieux de l’opposition parlementaire.
Pourtant, la mobilisation citoyenne contre ce projet de loi, l’exigence grandissante d’un référendum sur l’avenir d’un service public qui relève d’une certaine idée de la France, bien loin des inepties nauséabondes de M. Besson, devrait inciter le Gouvernement à organiser un grand débat national et à abandonner la voie dangereuse du passage en force.
Monsieur le ministre, que vaut le fait d’inscrire dans le texte le caractère non privatisable de La Poste par voie d’amendement gouvernemental ? Le Président de la République n’a-t-il pas démontré par A plus B qu’il était possible de jurer la main sur le cœur que GDF ne serait pas privatisé et de privatiser cette entreprise deux ans plus tard ?
De telles galéjades n’ont pas leur place dans un débat qui se veut sérieux. Cette annonce relève de la désinformation et de la manipulation.
Il faudra un second texte de loi pour privatiser la Poste. Chacun sait, en particulier M. Hérisson, qui parle de « réforme en douceur », que le changement de statut est une marche décisive dans la libéralisation d’une entreprise, et que la mise sur le marché aboutit fatalement à la privatisation. C’est l’unique objectif de ce projet de loi : toute autre allégation est mensongère.
M. Bailly lui-même, le 23 août dernier, ne déclarait-il pas que l’État resterait largement majoritaire de La Poste ? Cet aveu n’est pas le moindre. M. Bailly, président de La Poste, confirme lui-même ses plans : vendre au plus vite au privé une partie des actions de La Poste.
La contre-vérité et la précipitation sont donc la méthode du pouvoir pour faire adopter l’abandon du statut d’entreprise publique de La Poste.
La campagne de presse menée à grands frais par le Gouvernement au début du mois d’octobre – 700 000 euros de dépenses – est claire : La Poste change de statut, mais reste un service public à 100%.
À quoi sert le débat ? Pour le Gouvernement, la décision est prise en faisant fi de la discussion parlementaire.
Les sénateurs du groupe CRC-SPG tenteront tout au long de ce débat, avec l’ensemble de l’opposition sénatoriale, et avec le mouvement social et citoyen, de contrer cette stratégie du passage en force de ceux qui veulent tuer le service public de La Poste.
Commencer l’examen de ce texte le jour des trépassés est d’ailleurs un symbole de très mauvais augure ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Robert Tropeano applaudit également.)
M. Gérard Longuet. Et la laïcité ?
M. Guy Fischer. Monsieur le président, j’ai déjà fait un rappel au règlement avant la suspension de séance pour demander que soit soumise au vote la décision de surseoir à nos travaux car nous commençons aujourd'hui bien tardivement l’examen de ce projet de loi.
M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. À qui la faute ?
M. Guy Fischer. Le débat sur le fret ferroviaire, monsieur Hérisson, devait avoir lieu dans les meilleures conditions. Vous n’allez pas reprocher à l’opposition d’avoir tenu sa place, toute sa place (Ça oui ! sur les travées de l’UMP.), alors que vous êtes en train de tout brader ! (Plusieurs sénateurs de l’UMP s’esclaffent.)
Ne provoquez pas ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
Monsieur le président, je souhaite, à tout le moins, que vous soumettiez à l’approbation de notre assemblée ma demande de reporter à demain après-midi l’examen de ce projet de loi afin que nous puissions entamer dignement le débat sur La Poste. Il y aura alors bien plus de monde dans l’hémicycle. Certes, la gauche est très bien représentée ce soir,…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. La droite aussi !
M. Guy Fischer. … mais ce n’est pas le cas de la majorité.
M. Robert del Picchia. La qualité est là !
M. Jackie Pierre. Ce n’est pas la quantité qui fait la valeur !
M. le président. Acte vous est donné de ces rappels au règlement, mes chers collègues.
Nous en venons maintenant à la discussion générale.
Discussion générale
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Michel Teston. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Je vous donnerai la parole une fois que M. le ministre se sera exprimé, monsieur Teston.
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui, avec Michel Mercier, au nom du Gouvernement, le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales, qui vise à garantir la modernisation et l’avenir de La Poste.
L’objectif visé au travers de ce projet de loi est d’apporter à La Poste les moyens financiers qu’elle réclame pour son développement, soit 2,7 milliards d’euros – c’est un engagement financier qu’aucun gouvernement n’a pris jusqu’ici – tout en lui garantissant son caractère 100% public.
M. Guy Fischer. Ce n’est pas vrai !
M. Christian Estrosi, ministre. Nous voulons donner à cette belle entreprise les moyens de son avenir tout en préservant son identité à laquelle les Français sont attachés.
Pourquoi La Poste a-t-elle besoin de 2,7 milliards d’euros ?
La Poste est aujourd’hui confrontée à deux défis majeurs.
Premièrement, elle doit faire face à l’ouverture à la concurrence au 1er janvier 2011. Ce n’est pas un sujet théorique, c’est une préoccupation bien réelle ! La Poste sera très bientôt concurrencée non seulement par les grands opérateurs européens de courrier – la Deutsche Post, la TNT néerlandaise –, mais aussi par les petits opérateurs alternatifs qui se sont d’ores et déjà réunis.
Ces opérateurs de petite taille, souvent uniquement implantés au niveau local, et dont personne ne se méfiait jusqu’ici sont, eux aussi, prêts à concurrencer La Poste !
Deuxièmement, elle est confrontée à la montée en puissance d’internet : les volumes de courrier de La Poste diminuent de jour en jour. Nous enregistrons depuis deux ans une baisse de 10 % des volumes de courrier.
M. Roland Courteau. Ce sera pire demain !
M. Christian Estrosi, ministre. Dans quatre à cinq ans, la baisse se situera entre 30% et 50%. C’est un choc rapide et violent sur le cœur de métier historique de La Poste !
Le Gouvernement ne pouvait pas priver La Poste des moyens de réagir. Il ne pouvait pas la laisser attendre que ces évolutions lui tombent dessus de manière inéluctable.
Nous avons tout simplement pour ambition de donner sa chance à La Poste.
Tout d’abord, nous voulons lui donner la chance de faire face aux deux chocs majeurs que sont la disparition totale du monopole et l’essor du courrier électronique. C’est d’ailleurs afin d’être capable d’affronter la concurrence et de résister à la montée en puissance d’Internet que le président de La Poste a sollicité du Gouvernement cette réforme.
M. Roland Courteau. La ficelle est grosse !
M. Christian Estrosi, ministre. Car, oui, le projet de modernisation de La Poste, ne l’oublions pas, répond à une demande de ses dirigeants ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Ensuite, nous voulons donner à La Poste sa chance de montrer qu’un modèle postal public à 100 %, au service de tous, présent sur l’ensemble du territoire, et en même temps rentable, cela fonctionne !
Enfin, nous voulons lui donner sa chance de continuer à faire ce qu’elle fait aujourd’hui, en le faisant même encore mieux ! Les 2,7 milliards d’euros vont servir à conforter les activités et missions de service public de La Poste, notamment ses quatre missions que sont le service universel postal, l’aménagement du territoire, le transport de la presse et l’accessibilité bancaire.
Le projet du Gouvernement est donc un projet d’avenir, réformateur,…
M. Didier Guillaume. Libéral !
M. Roland Courteau. Ultralibéral !
M. Christian Estrosi, ministre. … un projet responsable, qui donnera à La Poste les moyens financiers de sa modernisation et de son développement.
Toutefois, avant de donner ces moyens financiers à La Poste, il faut passer par la case « changement de statut ».
M. Roland Courteau. Nous y voilà !
M. Christian Estrosi, ministre. Le changement de statut n’est pas une fin en soi, il est un moyen au service d’un projet de développement. En effet, comme vous le savez, un établissement public ne peut pas réaliser d’augmentation de capital. Il est donc nécessaire de transformer La Poste en société anonyme pour permettre ensuite une augmentation de capital.
Mais je précise bien que cette augmentation de capital sera souscrite uniquement par l’État et la Caisse des dépôts…
M. Guy Fischer. Pour un instant !
M. Christian Estrosi, ministre. … et que le capital de La Poste restera donc public à 100 %, même après le changement de statut ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui peut vous croire ?
M. Christian Estrosi, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous demander, au passage, si vous connaissez un seul pays au monde qui aurait la volonté de privatiser un tel établissement en commençant par y injecter 2,7 millions d’euros d’argent public… (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Plusieurs sénateurs socialistes. La France !
M. Christian Estrosi, ministre. Attendez, quand ça va vous tomber dessus, ça va faire mal ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des menaces, maintenant ?
Un sénateur du groupe socialiste. À préparer la privatisation !
M. Christian Estrosi, ministre. … à développer les quatre métiers de La Poste.
Dans le métier du courrier, l’enjeu est de donner à La Poste les moyens de faire face à l’essor d’Internet en se lançant dans le courrier électronique : qui mieux que La Poste, avec sa connaissance fine du courrier papier, pourrait se lancer dans l’activité de gestion du courrier électronique ?
Dans le domaine du colis et de l’express, La Poste doit devenir une grande entreprise de logistique, voire un leader européen dans ce domaine.
Dans le domaine financier, La Banque Postale doit rester une « banque pas comme les autres », au service des plus modestes.
M. Christian Estrosi, ministre. Cela signifie que nous devons lui donner les moyens d’atteindre le niveau de performance des autres banques.
Enfin, le réseau des bureaux de poste doit continuer à améliorer la qualité du service rendu : rénovation des locaux, amélioration de l’accueil...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On voit ce que cela donne : il n’y a plus personne au guichet !
M. Christian Estrosi, ministre. C’est précisément pour cette raison qu’il faut continuer à améliorer la qualité du service et, pour y parvenir, donner des moyens à La Poste !
En effet, si vous trouvez que tout va bien à La Poste et qu’il ne faut surtout rien changer, je n’ai pas le sentiment que les Françaises et les Français partagent cet avis ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Didier Guillaume. Nous n’avons jamais dit cela !
M. Christian Estrosi, ministre. Si le Gouvernement propose au Parlement d’apporter 2,7 milliards d’euros à La Poste pour se moderniser, c’est donc aussi pour fournir un meilleur service aux Français.
Voilà pourquoi, dans l’esprit du Gouvernement – et je suis convaincu qu’il en va de même pour tous les parlementaires, où qu’ils siègent –, si ces 2,7 milliards d’euros doivent servir à financer les quatre métiers de La Poste, cela ne veut pas dire pour autant qu’ils constituent un chèque en blanc.
Dans cette optique, j’ai fixé trois objectifs aux 300 cadres dirigeants de La Poste que j’ai invités récemment au ministère de l’industrie.
Le premier objectif concerne les postiers : face à des changements aussi considérables que ceux que La Poste connaît en ce moment, la dimension humaine est plus que jamais essentielle. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On vous croit !
M. Christian Estrosi, ministre. Les femmes et les hommes ne doivent pas être la variable d’ajustement de la performance de l’entreprise.
M. Guy Fischer. Pourtant, c’est ce qui se passe ! Dans le huitième arrondissement de Lyon, un tiers des postes de facteur a été supprimé !
M. Christian Estrosi, ministre. La dimension humaine doit être le préalable à toute décision stratégique. La Poste doit garantir des conditions de travail exemplaires et mettre en œuvre des mesures pour garantir le bien-être au travail.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme à France Télécom ?
M. Didier Guillaume. Incantations !
M. Christian Estrosi, ministre. Le deuxième objectif concerne les relations de la Poste avec les élus, dont vous êtes. J’ai rappelé aux cadres dirigeants de La Poste que les élus sont les représentants du peuple français !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et le peuple français veut être consulté, les sénateurs devront se le rappeler !
M. Christian Estrosi, ministre. Souvent, sur toutes ces travées, vous m’avez fait part de votre sentiment de ne pas être vraiment consultés, même si vous étiez informés, et de rester en dehors de la prise de décision.
M. Guy Fischer. Ce n’est pas seulement un sentiment : c’est la réalité !
M. Christian Estrosi, ministre. Organiser une concertation ne se limite pas à informer, mais consiste aussi à discuter, échanger et, au final, trouver un accord.
Mme Raymonde Le Texier. Il faudrait le dire à vos collègues ministres !
M. Christian Estrosi, ministre. J’ai aussi demandé à ces cadres de réfléchir à des mesures simples : pourquoi ne pas étendre la compétence des commissions départementales, dans lesquelles sont représentés les élus, aux transformations affectant les centres de tri ?
M. Guy Fischer. Parlez-en aux postiers de l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry !
M. Christian Estrosi, ministre. Les élus sont consultés sur les transformations de bureaux de poste, mais pas sur les transformations de centres de tri, qui, pourtant, emploient souvent des centaines de personnes.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils sont déjà privatisés !
M. Christian Estrosi, ministre. Les consulter aussi sur ces transformations-là serait un moyen d’associer encore mieux les élus.
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Christian Estrosi, ministre. Enfin, troisième et dernier objectif : j’ai demandé aux dirigeants de La Poste d’améliorer le service aux Français.
Mme Marie-Thérèse Bruguière et Mme Catherine Dumas. Très bien !
M. Christian Estrosi, ministre. J’entends des gens se plaindre de devoir attendre vingt-cinq minutes lorsqu’ils vont chercher un recommandé le samedi matin.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
M. Christian Estrosi, ministre. J’entends des gens expliquer que les colis n’arrivent pas toujours à temps, notamment dans les moments où l’on en a pourtant le plus besoin, par exemple pendant les fêtes de fin d’année : on attend un colis le 24 décembre et il n’arrive que le 29 !
M. Guy Fischer. Ces activités ont été privatisées ! C’est Adrexo qui les assure !
M. Christian Estrosi, ministre. Sur ces points, il faut que La Poste change ! Je le répète, les 2,7 milliards d’euros que vont apporter l’État et la Caisse des dépôts ne sont pas un chèque blanc.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il se prend pour le père Noël, Estrosi !
M. Christian Estrosi, ministre. Le projet du Gouvernement est équilibré et responsable : il consiste à donner à La Poste les moyens financiers d’affronter un nouvel environnement beaucoup plus concurrentiel, sans rien toucher à ce qui fait sa force et son identité.
Ce projet de loi a, par ailleurs, été amélioré grâce au travail de votre commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, lors de ses réunions des 20 et 21 octobre dernier, qui ont notamment permis d’apporter deux clarifications primordiales au texte du Gouvernement.
S’agissant de la détention du capital, tout d’abord, je sais que beaucoup ont craint une éventuelle privatisation de La Poste et se sont émus d’une potentielle ouverture de capital à des actionnaires privés.
Plusieurs sénateurs du groupe CRC-SPG. C’est ce qui va se passer !
M. Christian Estrosi, ministre. La clarification apportée par votre rapporteur ne laisse désormais plus subsister le moindre doute : le capital de La Poste sera intégralement détenu par l’État et par des personnes de droit public. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Michel Teston. C’est faux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Jean-Pierre Bel. On nous avait dit la même chose pour GDF !
M. Christian Estrosi, ministre. Le Gouvernement a même décidé d’aller plus loin encore et acceptera un amendement qui vise à préciser que La Poste est un « service public à caractère national », ce qui, en application du préambule de la Constitution de 1946, rend La Poste « imprivatisable », j’utilise ce néologisme à dessein !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux ! Le Conseil constitutionnel a déjà tranché !
M. Guy Fischer. Le Conseil constitutionnel dit le contraire, et vous le savez !
M. Christian Estrosi, ministre. Cette avancée majeure apporte la garantie constitutionnelle que La Poste ne pourra jamais être privatisée ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
MM. Martial Bourquin et Jean-Pierre Bel. Comme GDF !
M. Christian Estrosi, ministre. Maintenant, si les sénateurs de l’opposition, pour se refaire une santé morale, agitent la menace de la privatisation, je leur rappellerai les privatisations d’Air France, de France Télécom,…
M. Alain Fouché. Avec Jospin !
M. Christian Estrosi, ministre. … de Thomson, d’EADS, d’Autoroutes du Sud de la France, dont ils sont les seuls responsables. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Didier Guillaume. Pour vous, Thomson ne valait plus qu’un euro !
M. Christian Estrosi, ministre. Aujourd’hui, vous vous trouvez en grande difficulté (Rires sur les travées du groupe socialiste.) parce que nous faisons le contraire de ce que vous avez fait dans la mesure où nous garantissons, nous, que La Poste ne sera pas privatisable ! Nous préférons prendre toutes nos précautions !
Je citerai un autre exemple, concernant les missions de service public, notamment la mission d’aménagement du territoire. Michel Mercier peut le confirmer, le projet de loi du Gouvernement est très clair sur ce point puisqu’il « sanctuarise » les quatre missions de service public de La Poste, dont celle d’aménagement du territoire.
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Christian Estrosi, ministre. La commission de l’économie est d’ailleurs allée plus loin encore à cet égard puisque les 17 000 points de contact sont désormais inscrits dans le texte, grâce au groupe de l’Union centriste. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. Dans les boulangeries et les épiceries !
M. Christian Estrosi, ministre. C’est une garantie majeure pour ceux qui s’inquiétaient – à tort – du maintien de la présence postale sur l’ensemble du territoire !
Michel Mercier et moi-même sommes satisfaits que cet amendement, qui inscrit clairement les 17 000 points de contact dans la loi, ait pu être adopté par votre commission.
Celle-ci s’est aussi préoccupée du financement de la mission d’aménagement du territoire de La Poste. Le Gouvernement partage sa volonté de veiller à une juste compensation de cette mission de service public, mais sur la base d’une évaluation incontestable.
Au total, je me présente aujourd’hui devant vous avec un projet de loi qui a d’ores et déjà été amélioré par votre commission, et qui pourra l’être encore plus en séance.
Je sais que les sénateurs du groupe UMP ont déposé un amendement prévoyant que les salariés actuels de La Poste resteront affiliés à l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques, l’IRCANTEC, même après le changement de statut de La Poste.
Mme Marie-France Beaufils. Et les nouveaux salariés ?
M. Christian Estrosi, ministre. C’est un point très important pour les salariés, et le Gouvernement sera naturellement favorable à ce dispositif, comme je l’avais d’ailleurs annoncé dès le mois de juillet.
De la même manière, je sais que certains sénateurs du groupe RDSE ont déposé un amendement prévoyant que les fonctionnaires de La Poste, à l’instar des salariés de La Poste, pourront bénéficier d’un dispositif de prévoyance santé. Cette avancée importante pour les fonctionnaires de La Poste témoigne, elle aussi, du fait que ce projet de loi ne remet nullement en cause les droits et statuts des agents de La Poste. Au contraire, il les conforte et les améliore, qu’il s’agisse des salariés de La Poste, avec l’IRCANTEC, ou des fonctionnaires de La Poste, avec la prévoyance santé !
Tel est, en définitive, mesdames, messieurs les sénateurs, l’esprit avec lequel nous nous présentons devant vous : notre texte est équilibré et, sans rien toucher à ce qui fait la force et l’identité de La Poste, il permet de lui apporter les moyens de sa modernisation ; l’État s’engage clairement sur le maintien des quatre missions de service public, le maintien du statut des agents, le maintien du caractère intégralement public de l’entreprise.
Nous abordons le débat dans un esprit d’ouverture, car La Poste appartient à tous les Français,…
M. Roland Courteau. Eh bien alors, faites donc un référendum !
M. Christian Estrosi, ministre. … et le Gouvernement a d’ores et déjà accepté plusieurs amendements significatifs en commission.
Le Gouvernement est prêt à accepter d’autres amendements encore, quelle que soit la couleur politique de leurs auteurs, s’ils vont dans le sens des intérêts des agents de La Poste, de ses clients et, plus généralement, de son avenir !
En revanche, mesdames, messieurs les sénateurs, après les garanties que je viens de vous offrir, je regretterais que, sur certaines travées, on continue de s’enfermer dans une attitude consistant, au mieux, à avoir le seul souci de l’obstruction, en déclarant par exemple : « On va leur pourrir la semaine ! » (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Bel. Qui a dit ça ?
M. Christian Estrosi, ministre. Ce sont là des propos des représentants mêmes de l’opposition !
Telle n’est pas ma conception du débat démocratique !
Au pire, une telle attitude manifesterait une volonté clairement affichée de nuire à La Poste, aux postiers et aux missions de service public qu’ils remplissent. Certains amendements, hélas, tendent à le démontrer. J’en mentionnerai quelques-uns, qui me paraissent emblématiques.
L’amendement n° 99 du groupe CRC-SPG vise à supprimer le prix unique du timbre, qui est pourtant une garantie à laquelle les Français sont très attachés !
L’amendement n° 96 du groupe CRC-SPG tend à supprimer l’obligation faite à La Poste de distribuer le courrier six jours sur sept. Si cet amendement était adopté, La Poste pourrait distribuer le courrier uniquement cinq, voire quatre jours par semaine, voire encore moins !
Les amendements nos 69 et 503 des groupes socialiste et CRC-SPG visent à supprimer la possibilité pour les fonctionnaires et salariés de La Poste d’être actionnaires de leur entreprise : on prive ainsi les postiers d’un droit que leur ouvre le projet du Gouvernement !
Les amendements nos 70, 308, 510 et 599 des groupes socialiste et Vert, CRC-SPG, et de certains sénateurs du groupe RDSE tendent à priver les salariés et fonctionnaires de La Poste de la possibilité de recevoir des actions gratuites qui seraient susceptibles de leur être offertes par l’établissement et qu’ils pourraient revendre ensuite. (Augmentez plutôt les salaires ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Hourvari.)
Quant à l’amendement n° 598 de certains sénateurs du groupe RDSE, il tend à prévoir que les salariés de La Poste qui achèteraient des actions de La Poste seraient privés de droits de vote sur ces actions, ce qui est contraire à tous les principes du droit du commerce !
M. Guy Fischer. Vous travestissez la vérité !
M. Christian Estrosi, ministre. Ce ne sont que quelques exemples, mais il y en a encore beaucoup d’autres.
Mesdames, messieurs les sénateurs, une logique politicienne conduit ceux qui déposent des amendements d’obstruction à supprimer des dispositions essentielles pour les missions de service public de La Poste et les droits de ses agents. Je leur réponds qu’il faut être responsable et donner à La Poste les moyens de faire face à l’avenir. Comme l’écrivait M. François Ailleret dans son rapport, La Poste a « encore un bel avenir ». Ce projet de loi est là pour le montrer et, surtout, pour lui garantir cet avenir. (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, qui a souhaité réagir à certains propos de M. le ministre et a bien voulu attendre la fin de son intervention.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je me permets d’intervenir pour éclairer le débat, et je le crois d’autant plus nécessaire que M. le ministre chargé de l’industrie s’est permis de faire état de certains de nos amendements en les tronquant.
Monsieur le ministre, vous nous dites que, grâce à vous et à M. le rapporteur, le texte garantira que La Poste demeurera un service public national.
Or le Conseil constitutionnel, dans une décision du 30 novembre 2006 relative à Gaz de France, a très clairement précisé que le fait d’inscrire dans une loi qu’un service public est national, dès lors que cela ne figure pas dans la Constitution, n’empêche en rien son transfert vers le secteur privé. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Il faut rétablir la vérité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Autrement dit, monsieur le ministre, la disposition à laquelle vous avez fait allusion est nulle et non avenue et ne garantit en aucun cas le caractère de service public de La Poste. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Rappel au règlement
M. Michel Teston. J’avais effectivement souhaité, monsieur le président, faire un rappel au règlement, à la suite de ceux de MM. Le Cam et Fischer, avant que M. le ministre ne prenne la parole, mais vous m’avez fait comprendre que je m’étais manifesté un peu trop tard.
Je me suis déjà exprimé, à l’ouverture de la séance, sur le contexte dans lequel nous examinons ce projet de loi et sur les choix effectués par le Gouvernement : d’une part, celui-ci a décidé de recourir à la procédure accélérée ; d’autre part, nous avons été contraints d’examiner ce texte en une seule semaine quand deux auraient été nécessaires.
M. Guy Fischer. Le Gouvernement bâcle le débat !
M. Michel Teston. En conséquence, à chaque suspension de séance, nous sommes obligés de participer à des réunions de commission pour examiner les amendements, si bien que ceux-ci sont examinés trop rapidement.
M. Guy Fischer. À la mitraillette !
M. Michel Teston. Voilà ce que je voulais dire d’emblée.
Mais comment ne pas réagir à l’emportement dont a fait preuve M. le ministre ?
M. Jean-Pierre Bel. C’était inacceptable !
M. Jean Desessard. Il nous a « pourri la semaine » ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Michel Teston. On ne peut pas entamer ce débat autrement que dans la sérénité. Or, depuis déjà quelques semaines, le Gouvernement fait preuve d’un manque total de sérénité. Je rappellerai certaines réactions peu amènes à l’égard du résultat de la votation citoyenne, résultat pourtant particulièrement probant.
Je crois que Christian Estrosi,…
M. Roland Courteau. Manque de sang-froid !
M. Michel Teston. … qui est par ailleurs un homme charmant, doit « garder ses nerfs°», afin que nous puissions avoir un vrai débat. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.). Je vois d’ailleurs qu’il se tourne vers moi en souriant, ce qui me paraît de meilleur augure !
Je voudrais également réagir à ce qu’il a indiqué à propos des privatisations. Mais qui diable a privatisé Gaz de France après avoir indiqué que l’État conserverait au moins 70 % du capital ? N’est-ce pas votre majorité, après qu’un certain Nicolas Sarkozy eut solennellement déclaré ici même, au banc du Gouvernement, que cet engagement ne serait jamais remis en cause ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La main sur le cœur !
M. Guy Fischer. Il nous a menti !
M. Michel Teston. Quant à France Télécom, c’est en 1996 que sa privatisation a été décidée. Or, à ma connaissance, en 1996, la gauche n’était pas au Gouvernement...
Je souhaite à mon tour évoquer l’amendement de Bruno Retailleau, qui a beaucoup agité le Landerneau politique et médiatique et auquel M. le ministre chargé de l’industrie a fait allusion dans son intervention.
Comme l’a dit Nicole Borvo Cohen-Seat, selon la décision du Conseil constitutionnel, le fait « qu’une activité ait été érigée en service public national sans que la Constitution l’ait exigé, ne fait pas obstacle au transfert au secteur privé de l’entreprise qui en est chargée ». Toutefois, ce transfert suppose que « le législateur prive ladite entreprise des caractéristiques qui en faisaient un service public national ».
En effet, mes chers collègues, il n’existe pas de supra-légalité. (Protestations sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ou alors il faut alors constitutionnaliser La Poste !
M. Michel Teston. Ainsi, ce que le Parlement décide un jour, il peut le changer le lendemain. Quand bien même cette formule serait inscrite dans le texte, elle ne fournirait donc aucune garantie pour l’avenir !
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Michel Teston. Du reste, si l’on analyse ce texte et si l’on envisage, notamment, les conséquences de l’ouverture totale à la concurrence, la suppression du monopole est certaine. Dès lors, le risque de privatisation est évident, si bien qu’il est impossible de se retrancher derrière le préambule de la Constitution de 1946.
J’aurai l’occasion de revenir sur ces différents points tout à l'heure, dans la discussion générale, mais je tenais à indiquer dès à présent qu’il ne faut pas faire croire à l’opinion que nous allons fixer pour l’avenir et de façon définitive un statut public national alors que le Parlement est libre, à tout moment, de changer le cadre législatif. La supra-légalité n’existe pas en droit public français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.).
Discussion générale (suite)
M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous entamons l’examen d’un texte aussi politisé que médiatisé, sur un sujet capital, La Poste et les activités postales, que le Sénat suit depuis longtemps.
Vous-même, monsieur le président, en êtes un grand connaisseur puisque, dès 1997, vous avez produit des rapports qui ont fait date et ont incité La Poste à « prendre le train de la réforme ».
Beaucoup de choses ont été dites à propos de ce texte, dont certaines ne correspondent pas à la réalité. Aussi, je voudrais le resituer dans son contexte et rétablir quelques vérités, avant de vous présenter les apports de la commission sur ses principaux enjeux.
Nous sommes tous, me semble-t-il, très attachés à La Poste et aux services qu’elle nous rend quotidiennement, et ce depuis Louis XI. Mais au-delà de l’image d’Épinal du timbre-poste et du facteur, La Poste est avant tout un groupe d’envergure européenne, comptant près de 300 000 salariés, ce qui en fait le deuxième employeur français, après l’État. La Poste intervient dans des domaines d’activité économique des plus variés – courrier, colis express et, dernièrement, activités bancaires – et dégage plus de 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires chaque année.
La Poste est aussi une entreprise chargée par la loi de missions de service public : le service universel postal, sans doute le plus large au sein de l’Union européenne, c’est-à-dire des services postaux de base rendus de façon permanente en tout point du territoire et à des tarifs abordables ; le service public du transport et de la distribution de la presse, indirectement abordé par le projet de loi, et qui fait l’objet d’un accord de financement tripartite ; la mission d’accessibilité bancaire, qui consiste à proposer des produits et services financiers pour le plus grand nombre, notamment le livret A ; enfin, celle à laquelle nous sommes le plus sensibles en tant qu’élus locaux, la mission d’aménagement du territoire.
L’objectif de cohésion sociale assigné à La Poste lui impose une très large présence, dont elle s’acquitte à travers 17°091 points de contact.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a que 10 000 bureaux de poste !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il y a très précisément 10°778 bureaux de poste, 4°446 agences postales communales ou intercommunales et 1°758 relais poste.
Devant ce «°joyau national » – oui, monsieur Fischer, monsieur Le Cam, j’assume cette formule ! – qu’est notre poste se profilent aujourd’hui plusieurs obstacles d’importance.
Le premier réside dans la concurrence de nouveaux modes de correspondance, résultant de la dématérialisation des moyens de communication. Cette évolution devrait certes permettre à La Poste de tirer profit de nouveaux relais de croissance, avec le développement intensif du e-commerce et des services en ligne. À court terme, cependant, ce changement touche de plein fouet l’activité « courrier » du groupe, qui s’est réduite de 3,5°% en 2008 et devrait diminuer de 20 % à 40°% au cours des prochaines années.
L’ouverture du marché à la concurrence constitue un second obstacle. Les directives postales de 1997, 2002 et 2008 ont prévu une libéralisation progressive du secteur postal, qui doit être parachevée au 31 décembre 2010, exception faite des nouveaux États membres. À cette date, que la France a réussi à repousser de deux ans, en partie grâce au Sénat, La Poste perdra le monopole dont elle jouit aujourd’hui sur le « secteur réservé », soit essentiellement les courriers de moins de 50 grammes, et devra affronter des opérateurs puissants, animés de grandes ambitions.
Le troisième obstacle découle en réalité des deux précédents : la difficulté à financer certaines missions de service public.
Le problème est à peu près réglé pour la mission de service universel postal, qui, a fait l’objet d’un fonds de compensation dans la loi de 2005 et sera mis en place le jour de la suppression du secteur réservé, pour celle de l’acheminement de la presse, grâce à l’accord tripartite précité, ainsi que pour celle de l’accessibilité bancaire, par le biais de la rémunération complémentaire que perçoit La Poste.
En revanche, le problème demeure pour la mission d’aménagement du territoire. Selon la loi de 1990, modifiée en 2005, cette mission est financée par un fonds national de péréquation. Or le surcoût net, évalué pour l’instant à 250 millions d’euros environ, n’est couvert qu’en partie, à hauteur de 137 millions d’euros, au travers de l’allégement de fiscalité locale dont bénéficie La Poste.
Pour permettre à La Poste de faire face à l’ensemble de ces nouveaux défis, le présent projet de loi prévoit notamment d’en changer le statut juridique en le faisant passer de celui d’établissement public industriel et commercial à celui de société anonyme. Il s’agit par là de la doter d’un capital social afin qu’elle puisse faire appel à de nouveaux investisseurs, à hauteur de 2,7 milliards d’euros dans l’immédiat.
Je rappellerai ici quelques éléments fondamentaux.
Tout d’abord, c’est à la demande du président de La Poste qu’a été envisagé ce changement de statut. Cet argument peut paraître formel, mais il l’est moins lorsque l’on connaît la personnalité et le parcours, dans le secteur public, de l’intéressé : M. Jean-Paul Bailly.
Ensuite, cette évolution semble naturelle. D’ailleurs, elle a été constatée dans vingt-cinq des vingt-sept pays de l’Union européenne.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils s’en mordent les doigts !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. La France est l’avant-dernier pays de l’Union européenne à transformer le statut de La Poste en société anonyme. Si nous en décidons ainsi, le Luxembourg restera l’exception.
En outre, ce changement de statut s’accompagne de garanties plus que solides : le capital de La Poste restera entièrement public et ne donnera donc absolument pas lieu à quelque privatisation que ce soit.
Mme Évelyne Didier. Jusqu’à quand ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. D’ailleurs, si tel était l’objet de ce projet de loi, je serais le premier à voter contre !
M. Jean Desessard. Eh bien, faites-le tout de suite !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Prenez vos précautions dès maintenant !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Mes chers collègues, il vous sera difficile de me prendre en défaut sur les choix et les votes que j’ai exprimés ici depuis 1996 à propos de cette grande entreprise publique ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Les quatre missions de service public de La Poste seront maintenues et même consacrées dans un article spécifique. La Poste restera prestataire du service universel postal pendant quinze ans. Sa présence territoriale ne sera en aucune manière affectée.
M. Jean Desessard. Mais bien sûr…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Le statut des agents de La Poste restera inchangé, qu’ils soient fonctionnaires ou salariés, et une solution équilibrée sera présentée pour le régime de retraite complémentaire de ces derniers.
J’ajoute que, très clairement, il n’y avait pas d’autre solution envisageable que cette transformation en société anonyme : ni le statu quo, qui aurait conduit à renoncer à des investissements et aurait entraîné un déclin assuré du groupe, ni une dotation directe de l’État à l’établissement public, qui aurait été qualifiée d’aide publique par Bruxelles, ni encore un recours à l’endettement, qui s’élève déjà aujourd'hui à plus de 6 milliards d’euros pour le groupe.
Au final, cette réforme devrait permettre à La Poste de se moderniser, de s’affirmer sur les secteurs matures et de conquérir de nouveaux marchés. Car c’est bien de cela qu’il s’agit !
Très concrètement, il lui sera possible d’améliorer l’accueil du public ou encore de financer des projets de développement durable tels que le recours à des véhicules électriques, le transport par TGV ou par conteneur.
Outre son titre Ier ô combien fondamental et qui a, ces derniers temps, cristallisé l’attention, le texte vise, dans son titre II – on l’oublie un peu trop ! – à transposer la troisième directive postale du 20 février 2008. Celle-ci comporte deux éléments d’une importance capitale, bien que moins médiatisés.
D’une part, il s’agit de l’ouverture totale des marchés postaux au 1er janvier 2011, qui correspond à la fin du « secteur réservé », pour ne pas dire du monopole, dont bénéficiait La Poste pour financer ses obligations de service universel. Il n’y a, sur ce point, aucune marge de manœuvre ; le texte se contente de reprendre le calendrier fixé par la directive. Cependant, cet horizon nous appelle à nous mobiliser d’urgence.
M. Roland Courteau. Il faut refuser !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il faut donner aussi tôt que possible à La Poste les moyens juridiques et financiers de se moderniser en vue du grand rendez-vous de 2011.
D’autre part, la directive exige une régulation équilibrée. Il s’agit d’empêcher l’opérateur historique La Poste d’user d’une position naturellement dominante sur le marché postal pour empêcher l’entrée ou la concurrence accrue d’opérateurs alternatifs, tout en le laissant capable d’assurer la mission de service universel qui lui est reconnue par la loi.
M. Roland Courteau. La directive est mauvaise !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Pour le titre Ier relatif au changement de statut de La Poste, la commission a cherché à mettre au point des propositions concrètes de nature à apaiser les craintes soulevées par la transformation de l’opérateur en société anonyme. C’est ainsi que nous avons garanti un système qui empêche un désengagement de l’État et assure le caractère 100 % public du capital de La Poste.
Concernant la présence postale territoriale, nous avons inscrit noir sur blanc le maintien des 17 000 points de contact.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au bazar du village, à l’épicerie, à la boulangerie, dans les stations de métro…
M. Guy Fischer. À la boucherie !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. En outre, la commission a prévu que chacun des points de contact offrirait un socle de prestations adapté, alors que la politique conduite dans tous les autres pays de l’Union européenne a consisté à réduire par milliers les points de présence postale sur leur territoire : 5 000 en Allemagne, 1 000 en Suisse (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), et je pourrais vous citer, mes chers collègues, bien d’autres exemples encore !
Je profite de cette occasion pour souligner les témoignages de satisfaction qui nous sont parvenus des élus, de toute appartenance politique, à l’égard du développement des agences postales communales. J’ajoute que celles-ci sont considérées dans les autres pays de l’Union européenne comme une réussite ; on s’y intéresse d’ailleurs beaucoup à la façon dont nous avons organisé la présence postale sur le territoire français ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Paul Blanc. C’est tout à fait vrai !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Du reste, nous avons inscrit dans le texte une disposition permettant d’assurer intégralement le financement de cette présence au travers d’une exonération totale de taxe professionnelle. Ce système mérite cependant d’être affiné et nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.
Enfin, la commission a modifié la composition du conseil d’administration afin que les actionnaires, y compris l’État bien entendu, aient la majorité des droits de vote, ce qui est bien normal dans une société anonyme.
Pour le titre II, consacré à la transposition de la troisième directive postale, nous avons eu pour objectif d’assurer un meilleur équilibre dans la régulation entre La Poste et les opérateurs alternatifs, de renforcer le mécanisme de financement du fonds de compensation du service universel et de mieux informer le Parlement sur les conditions d’exécution de ce dernier.
Mes chers collègues, telle est l’économie générale du texte qui vous est proposé. Des progrès ont été réalisés et d’autres avancées seront possibles au cours de la discussion des articles. Nous avons examiné ce projet de loi de façon très ouverte au sein du groupe d’études « Postes et communications électroniques », dans le cadre duquel ont été menées les auditions ; puis en commission, où les débats ont été intéressants et constructifs avec tous les membres de celle-ci, et ce quelle que soit leur appartenance politique. J’espère qu’il en sera de même en séance publique, car ce texte représente une chance de salut réelle, mais ultime, pour La Poste. S’il est toujours risqué d’agir, il l’est plus encore de ne rien faire !
Aussi sommes-nous aujourd’hui appelés à « bouger avec La Poste » ! J’espère, à ce titre, que nous saurons prendre nos responsabilités en votant ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Roland Courteau. Nous aussi, nous prenons nos responsabilités !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a pas écrit : « La Poste » sur nos fronts !
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier et à féliciter M. le rapporteur pour le travail considérable qu’il a réalisé au cours des derniers mois et des dernières semaines,…
M. Jean-Claude Carle. Absolument !
M. Hervé Maurey. … notamment en procédant à de très nombreuses auditions, ce qui prouve une fois de plus sa compétence et son esprit de dialogue.
M. Jean-Pierre Plancade. C’est vrai !
M. Hervé Maurey. Je tiens également à remercier M. le président de la commission, Jean-Paul Emorine, ainsi que les collaborateurs de la commission qui se sont montrés, comme toujours, aussi disponibles qu’avertis.
Cela étant dit, je m’étonne de la polémique, totalement artificielle, qui a été savamment organisée autour de ce texte.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les salariés apprécieront !
M. Hervé Maurey. Depuis des mois, l’opposition joue à se faire peur ou, plutôt, tente de faire peur à nos concitoyens en agitant le spectre d’une privatisation qui n’existe pas ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons l’expérience du passé !
M. Hervé Maurey. À cet égard, je profite de cette tribune pour dénoncer les conditions scandaleuses de la pseudo-votation qui a été organisée sur notre territoire. (Huées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlez-en à vos concitoyens !
M. Roland Courteau. Propos scandaleux !
M. Hervé Maurey. Que n’a-t-on raconté à nos concitoyens ? Qu’on allait privatiser La Poste ! Mais soit vous n’avez pas lu le projet de loi, soit vous êtes d’une parfaite mauvaise foi ! (Hourvari.)
M. Roland Courteau. Respectez les 2 millions et quelques personnes qui ont participé à la votation citoyenne !
M. Jean-Pierre Bel. Il y a d’autres scandales que celui-là à dénoncer !
M. Hervé Maurey. Dans la ville de 12 000 habitants que j’administre, où le bureau de poste n’est évidemment pas menacé, les organisateurs de cette pseudo-consultation, les mêmes d’ailleurs qui avaient perdu les élections municipales quinze jours auparavant, ont expliqué à mes concitoyens qu’ils devaient aller voter car le bureau de poste risquait de fermer.
M. Roland Courteau. En tout cas, dans beaucoup d’endroits, c’est ce qui va se passer !
M. Martial Bourquin. Faites un référendum, un vrai !
M. Hervé Maurey. C’est dire la malhonnêteté intellectuelle dont l’opposition fait preuve dans cette affaire depuis des semaines !
Je comprends que l’opposition tente d’exister et de se refaire une santé en menant des combats contre des ennemis qui n’existent pas,…
M. Roland Courteau. Ça vole bas !
M. Hervé Maurey. … à moins, comme l’a très justement souligné M. le ministre chargé de l’industrie, que ce soit pour faire oublier les privatisations qu’elle a elle-même organisées dans le passé. (MM. Jacques Blanc et Jean-Claude Carle applaudissent.)
Je tiens également à dire combien je trouve regrettable la bataille d’obstruction à laquelle l’opposition a commencé à se livrer avant même le commencement de l’examen de ce texte. En effet, elle s’est arrangée pour que notre débat, qui devait s’ouvrir en milieu d’après-midi, ne commence que ce soir !
M. Jean Desessard. C’est le recours à la procédure accélérée qui est regrettable !
M. Hervé Maurey. De plus, nous avons maintenant 600 amendements à examiner alors que l’opposition n’en avait déposé aucun en commission ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes au Parlement, cher monsieur, pas dans un meeting !
M. Hervé Maurey. En quinze jours, 600 amendements ont éclos, uniquement pour pratiquer cette obstruction ! Eh bien, je le dis, cela n’est pas digne des enjeux de ce débat…
M. Jean-Pierre Bel. On n’a plus le droit de déposer des amendements ?
M. Hervé Maurey. … ni des 300 000 salariés de l’entreprise publique qui en est l’objet ! (Applaudissements sur les mêmes travées. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. À quoi jouez-vous ?
M. Hervé Maurey. Je joue à rétablir la vérité et à dénoncer une attitude scandaleuse ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.).
En effet, comme l’ont excellemment précisé M. le ministre et M. le rapporteur, le texte qui nous est proposé vise à transformer le statut de La Poste, qui deviendra une société anonyme, une société anonyme de droit public,…
Mme Marie-France Beaufils. Jusqu’à quand ?
M. Jean-Claude Danglot. Une société anonyme de droit public, cela n’existe pas !
M. Hervé Maurey. … à ceci près que les salariés qui le souhaitent pourront prendre part à l’augmentation du capital qui leur sera réservée pour devenir actionnaires.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les sociétés anonymes de droit public sont devenues privées !
M. Hervé Maurey. Comme l’a rappelé M. le rapporteur, ce système prévaut dans tous les pays européens, à l’exception du Luxembourg. Mais je n’avais pas compris que le Luxembourg était l’idéal économique de l’opposition ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel est votre idéal à vous ?
M. Hervé Maurey. Cette réforme est nécessaire pour que La Poste puisse faire face aux défis qu’elle a à relever, que ce soit en termes d’ouverture totale à la concurrence ou de dématérialisation du courrier.
À cet égard, je salue d’ailleurs les formidables évolutions que l’entreprise a connues au cours de la dernière décennie, grâce à ses dirigeants et à ses salariés. C’est ainsi que La Poste a réussi à développer ses métiers – je rappelle qu’elle est aujourd’hui le deuxième opérateur pour les colis – et à créer de nouveaux services.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Elle a aussi développé la précarité !
M. Hervé Maurey. Par ailleurs, elle a compensé, avec succès, la diminution de l’activité courrier. Fort heureusement, est aujourd'hui révolu le temps où le président Larcher déplorait, à juste titre, l’immobilisme de La Poste !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui avez défendu le travail le dimanche ! C’est vous qui allez faire vos emplettes à Rome le dimanche !
M. Hervé Maurey. Aujourd’hui, La Poste a besoin de 2,7 milliards d’euros pour investir et se moderniser, afin d’être un acteur européen majeur. Or, pour ne pas enfreindre les règles européennes ni accroître l’endettement de l’entreprise, la seule solution est de créer une société anonyme.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas parce que vous allez le répéter sans cesse que vous allez convaincre !
M. Hervé Maurey. Là encore, le conservatisme dont fait preuve l’opposition risquerait, ni plus ni moins, de mettre l’entreprise en péril. (MM. Jacques Blanc, Paul Blanc et Jean-Claude Carle applaudissent.) On ne sauve pas un service public en le momifiant ! Le propre d’un service public est de savoir s’adapter !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlez-en aux usagers des établissements qui ont été privatisés !
M. Hervé Maurey. Naturellement, le changement de statut ne doit pas remettre en cause les missions de service public de La Poste. Cette entreprise n’est pas et ne doit pas être une entreprise comme les autres. Nous sommes d’ailleurs fermement attachés à ses missions de service universel postal, de distribution de la presse, d’accessibilité bancaire et d’aménagement du territoire.
C’est pourquoi le groupe de l’Union centriste est extrêmement fier d’avoir fait inscrire dans le projet de loi qui nous est soumis le nombre de 17 000 points de contact postal en France : ce n’est pas rien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne veut rien dire ! Beaucoup sont des bureaux de tabac ou des guichets de la RATP !
M. Hervé Maurey. Et, même si le système mérite d’être revu à l’occasion de nos débats, nous sommes très heureux d’avoir également contribué à augmenter les moyens du fonds postal national de péréquation territoriale.
Nous avons en outre permis que les commissions compétentes du Parlement soient consultées sur la nomination du président du conseil d’administration de La Poste, ou encore que soit remis un rapport annuel sur le financement de l’aménagement du territoire.
Au cours de la discussion qui va commencer – une vraie discussion, je l’espère, et non de l’obstruction politicienne en permanence (Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) – ...
M. Jean-Claude Danglot. Ça commence bien !
M. Jean Desessard. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Hervé Maurey. ... nous proposerons d’améliorer encore le texte, et je suis très heureux que le ministre soit dans cette disposition d’esprit.
Nous proposerons notamment d’affirmer que l’État a vocation à rester actionnaire majoritaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme dans le capital de GDF ?
M. Hervé Maurey. Les autres personnes morales de droit public ne pourront donc être que des actionnaires minoritaires.
Nous proposerons aussi de conforter les différentes missions de service public de La Poste.
M. Jean-Claude Danglot. Mensonge !
M. Hervé Maurey. S’agissant du service universel, nous proposerons d’instituer une obligation de distribution au plus tard le surlendemain, ainsi que de renforcer les pouvoirs de l’ARCEP sur les différents tarifs qui en relèvent.
Nous souhaitons également que soit réaffirmée la mission de service public de La Poste en matière bancaire et nous proposerons que soit inscrite dans la loi la possibilité d’effectuer des dépôts et des retraits dans les points de contact, et non pas seulement dans les bureaux.
En matière d’aménagement du territoire, sur l’initiative de notre collègue Daniel Dubois, nous avons déposé un amendement destiné à conforter la présence postale en milieu rural.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlons-en !
M. Hervé Maurey. Nous avons également déposé un amendement tendant à inscrire dans la loi la participation financière de La Poste au fonctionnement des agences postales, de manière à éviter tout désengagement à l’avenir.
Nous reviendrons sur la question du financement parce qu’il nous semble très important que le coût de l’aménagement du territoire soit désormais évalué non plus par La Poste, comme c’est le cas aujourd’hui, mais par un organisme indépendant ; nous proposerons que ce soit l’ARCEP. Nous souhaitons que cette évaluation ait lieu périodiquement et que l’affectation des moyens dont La Poste a besoin soit déterminée au vu de cette évaluation fiable et transparente.
Nous avions déposé un amendement prévoyant une dotation de l’État, comme cela se fait, par exemple, pour le service public de l’audiovisuel. Cela n’a pas été possible en application de l’article 40, mais je pense que nous y reviendrons au cours des débats.
Telle est, mes chers collègues, l’attitude du groupe centriste. Loin de l’attitude doctrinaire que je déplorais tout à l’heure…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Paroles ! La vôtre est totalement doctrinaire !
M. Jean-Claude Danglot. Ultralibérale !
M. Hervé Maurey. Je comprends que cela vous dérange ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Mais votre réaction atteste la justesse de mon propos ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’UMP vous applaudit, c’est bon signe !
M. Hervé Maurey. Loin, disais-je, de cette attitude doctrinaire, la nôtre vise à apporter notre soutien à une réforme qui est indispensable à l’entreprise pour lui permettre de remplir ses missions de service public, et, au terme de l’adoption de ce projet de loi, nous veillerons à ce que celles-ci soient confirmées et confortées.
J’espère que nous bénéficierons d’un large soutien dans cet hémicycle, car c’est, je crois, ce qu’attendent très sincèrement de nos travaux les élus locaux et nos concitoyens (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.),…
M. Roland Courteau. Ils attendent un référendum !
M. Hervé Maurey. … qui, nous le savons, sont attachés à l’entreprise nationale qu’est La Poste. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Écoutez vos concitoyens ! Demandez-leur ce qu’ils en pensent ; ils vous le diront !
M. le président. La parole est à M. Michel Teston. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Teston. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’examen du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales ne débute pas au Sénat dans une ambiance de grande sérénité du côté du Gouvernement.
M. Michel Teston. En témoignent le choix de la procédure accélérée, d’un débat organisé sur une seule semaine et son refus d’organiser un référendum sur la question du statut de La Poste...
M. Jacques Blanc. Pour quoi faire ? D’ailleurs, ce n’était pas possible !
M. Michel Teston. ... en se retranchant derrière l’argument de l’absence d’une loi organique d’application de l’article 11 révisé de la Constitution.
Comment ne pas y voir du cynisme lorsque l’on sait que, depuis quinze mois, aucun projet de loi organique de mise en œuvre de cet article n’a été déposé ni même programmé ou annoncé ?
M. Michel Teston. Le manque de sérénité du Gouvernement apparaît aussi clairement dans la réunion organisée à Bercy, le 19 octobre dernier, par Christian Estrosi, pour plus de 300 cadres, avec comme objectif, selon le compte rendu du Figaro, de faire partager à ces derniers sa vision de La Poste.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Absolument !
M. Michel Teston. Les commentaires peu amènes d’un certain nombre de membres du Gouvernement sur la votation citoyenne au cours de laquelle plus de 2,2 millions citoyens se sont prononcés pour le maintien du statut actuel dissimulent mal une réelle inquiétude du pouvoir exécutif.
Le Premier ministre est même monté en première ligne en adressant à tous les maires une lettre qui se veut rassurante. Dans ce courrier, il présente le changement de statut comme la seule solution pour donner à La Poste les moyens de répondre aux défis qui lui sont lancés, dans un environnement marqué par un usage grandissant des techniques de l’information et de la communication, l’ouverture complète à la concurrence du secteur postal au 1er janvier 2011 et un endettement du groupe de 6 milliards d’euros.
Pour avoir participé, depuis l’automne dernier, à de très nombreuses auditions sur la situation et l’avenir de La Poste au sein de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, la CSSPPCE,…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Du groupe de ladite commission dont vous êtes vice-président !
M. Michel Teston. … au sein du groupe d’études Postes et communications électroniques du Sénat ou encore à des auditions organisées par le groupe socialiste du Sénat, j’ai acquis la conviction, partagée par tous les parlementaires de gauche, que le changement de statut n’est pas la solution pour assurer l’avenir du groupe La Poste, lequel est non seulement le plus ancien et le plus emblématique de nos services publics, le premier employeur de France après l’État, un maillon essentiel du lien social par sa présence sur tout le territoire avec la distribution du courrier six jours sur sept et ses 17 000 points de contact, mais aussi un acteur essentiel de péréquation avec le prix unique du timbre.
Pour nous, la seule solution consiste dans le maintien du statut actuel, celui d’exploitant autonome de droit public,…
M. Jean-Claude Carle. Faux !
M. Jacques Blanc. Qui mettra l’argent ?
M. Michel Teston. … qui a été assimilé par la jurisprudence à celui d’établissement public à caractère industriel et commercial, ou EPIC.
Notre groupe est donc opposé à l’adoption du premier volet de ce projet de loi, comme d’ailleurs du second, relatif à la suppression du secteur réservé.
La première partie de mon intervention sera consacrée à l’exposé des principales raisons de notre opposition à ce texte. La seconde partie consistera à présenter une série de propositions constituant une solution alternative à celle du Gouvernement.
Nos critiques s’appuient sur des constats et sur une analyse prospective des conséquences prévisibles d’un changement de statut.
S’agissant des constats, aucune législation-cadre européenne n’oblige à changer le statut de La Poste.
M. Roland Courteau. Très bien, il fallait le rappeler !
M. Michel Teston. Ensuite, si le constat peut être fait d’une insuffisance des fonds propres de La Poste, il est nécessaire de se poser la question suivante : à qui la faute ?
La responsabilité de cette situation incombe à l’État,…
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Alain Fouché. Elle incombe à Jospin !
M. Michel Teston. … qui n’assume pas ses obligations à l’égard du groupe La Poste (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.) en ne l’accompagnant pas financièrement pour le maintien d’un peu plus de 17 000 points de contact et en ne le faisant qu’insuffisamment pour le transport et la distribution de la presse.
Je tiens à rappeler que de telles interventions financières sont parfaitement possibles dans la mesure où ces deux missions de service public sont considérées par la Commission européenne comme relevant de la compétence des États membres.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Michel Teston. Comment ne pas rappeler aussi que, chaque année depuis cinq ans, lors de l’examen du projet de loi de finances initial, je propose l’inscription de davantage de crédits pour ces deux missions de service public ? Si le Gouvernement n’avait pas fait la sourde oreille, les fonds propres de La Poste auraient été progressivement augmentés et le rapport fonds propres/dette serait bien meilleur. Évidemment, en cas de réponse à cette demande, le Gouvernement n’aurait pas pu tirer argument du niveau insuffisant des fonds propres pour tenter de justifier un changement de statut ! (Et voilà ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. CQFD !
M. Michel Teston. Alors, parlons-en du changement de statut et de ses conséquences !
Le premier risque, parfaitement identifié par nombre de nos concitoyens, notamment dans un récent sondage, est celui d’une privatisation progressive de La Poste. La formule figurant à l’article 1er du projet de loi initial, à savoir : « Le capital de la société est détenu par l’État ou par d’autres personnes morales appartenant au secteur public », ne laissait planer aucun doute sur ce qui allait se passer.
Un sénateur socialiste. Bien sûr !
M. Michel Teston. Écrire « l’État ou » signifiait clairement que celui-ci se réservait la possibilité de sortir du capital.
Quant à la formule : « d’autres personnes morales appartenant au secteur public », elle laissait à penser qu’il pourrait s’agir de personnes morales exerçant des missions de service public au sens fonctionnel et non organique du terme, c’est-à-dire dont le capital pouvait ne pas être entièrement public.
La nouvelle formulation adoptée par la commission, à savoir : « Le capital de la société est détenu par l’État et par d’autres personnes morales de droit public », a le mérite d’obliger l’État à demeurer dans le capital.
Toutefois, il ne vous a pas échappé qu’aucun plancher n’est fixé au sujet de sa participation.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Évidemment !
M. Michel Teston. Celle-ci pourrait donc, à terme, se réduire très sensiblement, avec pour objectif l’affectation du produit de la vente d’actions à la réduction de sa colossale dette.
Mme Maryvonne Blondin et M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Michel Teston. En outre, la nouvelle formulation n’apporte pas toutes les garanties nécessaires. En effet, par les termes : « autres personnes morales de droit public », il faut entendre essentiellement les collectivités territoriales et les entreprises publiques. Or, en application d’une loi du 2 juillet 1986, une entreprise du secteur public est une entreprise dont au moins 51 % du capital social est détenu par l’État, les administrations nationales, régionales ou locales.
Par conséquent, la formule adoptée par la commission n’apporte pas la garantie que les autres actionnaires que l’État seront des personnes morales – des entreprises publiques, notamment – dont le capital est à 100 % public.
Nous sommes donc clairement face à une logique, celle du Gouvernement, bien assisté par le rapporteur, qui consiste à faire le dos rond face aux nombreuses réactions que suscite le texte, en adoptant une position de repli qui permet de faire sauter le verrou que constitue le statut actuel.
Il restera à attendre patiemment une « lucarne de tir » pour proposer un nouveau projet de loi ouvrant le capital de La Poste, à l’instar de ce qui a été fait pour France Télécom et GDF. Cette opportunité est offerte par le second volet du projet de loi, c’est-à-dire la suppression du secteur réservé, en réalité la suppression du monopole résiduel pour la levée, le tri et la distribution des plis de moins de 50 grammes, suppression dont il ne faut pas sous-estimer les conséquences.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. La suppression du monopole, ce n’est pas nous, c’est une obligation !
M. Michel Teston. En effet, le texte actuel, s’il est adopté – y compris avec l’amendement de Bruno Retailleau –, permettra, avec la disparition du monopole, d’élargir le nombre d’opérateurs dans la distribution du courrier. Une autre loi pourra alors faire descendre en dessous de 50 % la part du capital public,…
M. Michel Teston. …et cela sans enfreindre le préambule de la Constitution de 1946, qui prévoit qu’un service public national doit devenir mais aussi rester la propriété de la collectivité.
Un sénateur socialiste. Au contraire, c’est une belle démonstration !
M. Michel Teston. Cette décision sera évidemment politique ! Mais elle pourra s’appuyer, notamment, sur le constat de la nécessité de renforcer à nouveau, à l’avenir, les fonds propres de La Poste.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. Michel Teston. Cette hypothèse est crédible, car le mode de financement retenu pour le fonds de compensation du service universel postal n’est pas suffisant. L’expérience que nous en avons dans le domaine de la téléphonie fixe nous laisse dubitatifs quant à son efficacité. L’opérateur historique supporte l’essentiel du financement, les autres opérateurs contestant bien souvent, y compris par voie judiciaire, la quote-part mise à leur charge par I’ARCEP. Même Pierre Hérisson a récemment qualifié « d’usine à gaz » ce dispositif de financement.
Par ailleurs, l’ouverture totale à la concurrence risque de laminer les résultats de La Poste, du fait que la concurrence ne sera réelle que sur les secteurs d’activité les plus lucratifs.
Qui peut penser que, si une augmentation de capital s’avérait nécessaire, l’État et la Caisse des dépôts et consignations seraient en mesure ou accepteraient d’y consentir ? La Caisse des dépôts a-t-elle d’ailleurs vocation à demeurer très longtemps au capital d’une entreprise ?
M. Roland Courteau. Bonne question !
M. Michel Teston. Il nous sera alors expliqué qu’une « ouverture limitée » du capital est nécessaire…
J’arrête là, tout le monde connaît la suite, on nous a déjà fait le coup avec France Télécom et GDF !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Michel Teston. Pensez seulement, mes chers collègues, aux conséquences en matière de présence postale, de levée et de distribution du courrier. Et qu’en sera-t-il du prix unique du timbre ?
Quels autres risques un changement de statut pourrait-il induire ?
Ils concernent, tout d’abord, le personnel. Avec le basculement de La Poste dans le droit commun, l’emploi de personnels contractuels, qui était une possibilité, devient la règle. En l’absence de convention collective des activités postales, les opérateurs concurrents risquent de pratiquer une politique de dumping social, dangereuse non seulement pour leurs salariés, mais aussi pour ceux de La Poste.
Par ailleurs, le texte ne prévoyant pas de dispositif idoine, les agents de La Poste vont automatiquement basculer du régime complémentaire de retraite de l’IRCANTEC à celui de l’AGIRC-ARRCO, moins favorable aux agents. Et cette évolution remet de surcroît en cause l’équilibre financier de l’IRCANTEC.
Force est de constater que, ces dernières années, les suppressions d’emplois se sont multipliées à La Poste. Nous avons de bonnes raisons de penser que, avec le changement de statut et l’ouverture à la concurrence du secteur postal, leur rythme pourrait s’accélérer. Dès lors, une question se pose : les 2,7 milliards d’euros promis par l’État et la Caisse des dépôts et consignations ne vont-ils pas surtout servir à financer un plan social ?
Par ailleurs, quelle sera l’incidence de ce texte sur le cadre contractuel prévu avec les communes ? Des fonctionnaires territoriaux pourront-ils exercer des missions de service public pour le compte d’une société anonyme ? Quelles seront les réactions des concurrents de La Poste ? Quant aux nouvelles conventions relatives à l’organisation des agences postales communales, ne seront-elles pas soumises à l’obligation d’un appel d’offres, mode normal de choix d’un prestataire en cas de délégation de service public ? Si tel est le cas, nous n’avons aucune garantie que les communes seront systématiquement retenues pour exercer ces délégations.
J’en viens à nos propositions alternatives.
À notre sens, l’avenir de La Poste passe par une bonne identification des besoins des usagers et des territoires auxquels doit répondre le service public postal, par la mise en place d’un financement suffisant et pérenne et par une bonne régulation de son fonctionnement.
Cette analyse nous conduit d’abord à renouveler notre demande d’un référendum sur le service public postal. Messieurs les ministres, il n’y a aucune urgence à se prononcer sur ce texte. La date butoir prévue par la directive postale est fixée non pas au 1er janvier 2010, mais bien au 1er janvier 2011.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Au 31 décembre 2010 !
M. Michel Teston. Il appartient au Gouvernement de préparer un projet de loi organique rendant possible l’organisation d’un tel référendum, de le soumettre au Parlement et, une fois ce texte adopté, d’organiser effectivement le référendum sur le service public postal.
Sur le fond, notre groupe est favorable au maintien du statut d’établissement public à caractère industriel et commercial, personne morale de droit public, dotée d’une autonomie financière et chargée d’exercer, à la place de l’État ou des collectivités locales, mais sous leur contrôle, la gestion d’un service dans un but d’intérêt général. Ce statut nous paraît totalement adapté, y compris au contexte créé par la prochaine ouverture totale à la concurrence du secteur postal. Il n’interdit pas, je le répète, les aides financières de l’État dans certains cas.
Aussi, en attendant que l’État se décide à accompagner l’EPIC La Poste en matière de présence postale et à le soutenir véritablement pour ce qui concerne le transport de la presse, nous vous proposons de prévoir l’alimentation du fonds postal national de péréquation territoriale par tous les prestataires de services postaux et d’en confier la gestion à la Caisse des dépôts et consignations.
Il nous paraît également nécessaire de prolonger le moratoire relatif à l’application de l’accord État–presse–Poste, inadapté dans le contexte actuel.
Il convient, en outre, de mieux définir les critères d’accessibilité aux points de contact, ainsi que les amplitudes horaires d’ouverture au public. Un moratoire sur les suppressions de postes devrait également être mis en place par le groupe.
Un autre moratoire s’impose concernant l’entrée en vigueur de la directive supprimant le secteur réservé. Il vous est proposé, mes chers collègues, de donner un signal fort au Gouvernement à ce sujet. En effet, un certain nombre d’États de l’Union européenne seraient prêts à croiser le fer avec la Commission sur ce point, considérant à juste titre qu’en période de très grave crise financière, économique et sociale il est inopportun de supprimer un mode de financement adapté et efficace du service universel.
La jurisprudence constante de la Cour de justice des communautés européennes – je vous épargnerai la liste des arrêts en cause – donne des arguments en ce sens, en reconnaissant la possibilité, pour les États membres, de conférer à des entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général des droits exclusifs qui peuvent faire obstacle à l’application des règles de la concurrence.
Enfin, quel que soit le sort réservé à ce projet de loi, les associations d’usagers devraient pouvoir siéger au sein des instances décisionnelles de La Poste.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Michel Teston. Pour le cas où la majorité sénatoriale se laisserait aller à voter le changement de statut et la suppression du secteur réservé, il nous a semblé indispensable de déposer des amendements de repli.
L’un d’eux vise à maintenir les contractuels dans le régime complémentaire de retraite géré par l’IRCANTEC. Un autre tend à limiter les pouvoirs conférés à l’ARCEP, le rôle du politique devant être réaffirmé face à la multiplication des autorités indépendantes. Le ministère, la CSSPPCE et l’Observatoire national de la présence postale doivent avoir leur mot à dire sur la manière dont fonctionne le service universel postal. Un troisième amendement prévoit l’élargissement du champ des activités pour le calcul de la contribution au fonds de compensation.
Au cours des nombreux débats et échanges qui ont précédé l’examen de ce projet de loi, aucun argument solide n’a été présenté par le Gouvernement pour justifier l’abandon du statut d’EPIC. Nous affirmons qu’il est adapté, y compris à l’ouverture totale à la concurrence du secteur postal.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Michel Teston. En réalité, cette réforme est dogmatique.
M. Jacky Le Menn. C’est sûr !
M. Michel Teston. Le Gouvernement veut rapidement faire sauter le verrou que constitue le statut actuel pour pouvoir ouvrir le capital de La Poste lors de l’examen d’un texte de loi ultérieur. S’il était décidé, le changement de statut interviendrait au plus mauvais moment, en pleine crise économique.
Face à cette réforme qui pose plus de questions qu’elle n’apporte de solutions, notre groupe, mais aussi l’ensemble de la gauche, propose une alternative : elle consiste en un maintien du statut actuel, accompagné d’une bonne identification des besoins des usagers et des territoires auxquels doit répondre le service public postal, de la mise en place d’un financement enfin suffisant et pérenne et d’une régulation efficace.
Cette solution alternative n’est pas seulement celle de la gauche parlementaire. Elle est aussi et avant tout celle des plus de 2,2 millions de citoyens qui se sont exprimés et dont tous les élus de gauche seront les interprètes lors des débats.
Contrairement à ce qu’affirment certains membres du Gouvernement, notre position n’est pas conservatrice. Pour reprendre la terminologie gouvernementale, elle est au contraire moderne, au bon sens du terme, car elle tient compte non seulement de notre culture du service public, mais aussi d’une bonne compréhension de la profonde crise actuelle, qui devrait conduire le Gouvernement à mettre en veilleuse, pour le moins, l’idéologie libérale qui inspire son action.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Curieuse conception du modernisme !
M. Michel Teston. En adoptant cette position, nous sommes fidèles à nos valeurs et nous défendons le plus ancien et le plus emblématique des services publics, lesquels constituent dans leur ensemble le patrimoine de tous, et particulièrement de celles et ceux qui n’en ont pas ! (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste se lèvent et congratulent l’orateur.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’avenir de La Poste est, bien sûr, un sujet de préoccupation pour chaque citoyen. En effet, cela a été rappelé sur toutes les travées, nous sommes tous particulièrement attachés à cette entreprise. Cet attachement s’explique non seulement par des raisons symboliques, La Poste étant l’un des plus anciens de nos services publics, mais aussi par des raisons concrètes, car il s’agit d’un service public de proximité indispensable, qui crée du lien social.
Messieurs les ministres, réformer La Poste est aujourd’hui, j’en conviens, une nécessité imposée par le contexte juridique et économique, notamment européen. Mais reconnaître cette nécessité ne nous autorise pas pour autant à donner un blanc-seing à toute réforme et à accepter comme tel un texte de loi qui, de notre point de vue – même si vous avez évoqué, monsieur le ministre chargé de l’industrie, l’adoption en commission d’un amendement déposé par le groupe du RDSE –, n’est pas suffisamment « bordé » pour empêcher la dérive à laquelle est déjà confronté cet établissement, à savoir la primauté absolue des exigences économiques sur les missions du service public.
En écoutant les interventions des uns et des autres, je me suis souvenu du soir où, alors que je venais d’être élu au Sénat, un de mes amis, beaucoup plus ancien dans cette assemblée, me donna cet avertissement : « Fais attention à ce que tu vas dire ! On dit dans l’opposition des choses que l’on ne fait pas quand on arrive au gouvernement et on fait au gouvernement des choses que l’on n’avait pas dites lorsqu’on était dans l’opposition. » (Sourires.) Moi qui arrivais avec la ferme croyance que l’on a dans ses principes quand on est jeune, je le trouvais bien sévère, me disant qu’il était tout de même possible de changer le monde ! Mais je dois avouer que j’ai peu à peu révisé mon jugement… Au demeurant, il suffit d’observer ce qui se passe depuis vingt ans s’agissant des activités postales.
Selon moi, il s’agit d’un débat quelque peu dépassé. En effet, depuis 1986, on constate un véritable consensus national en faveur de la libéralisation des services publics : à droite, à gauche, au centre, partout on est d’accord ! C’est un processus continu, poursuivi sous tous les gouvernements. En 1986, sous la présidence de François Mitterrand, Laurent Fabius étant Premier ministre, la France a signé l’Acte unique européen. Toute une série de directives, conformes à la politique que nous avions choisie de façon quasi unanime, s’est ensuivie. Faire croire que l’on peut agir autrement aujourd’hui, c’est manquer d’honnêteté politique !
Toutefois, la pensée politique elle-même a évolué. Ainsi, au moment de la création des établissements publics, le ministre de gauche de l’époque avait insisté sur leur nécessaire autonomie. Il considérait en effet, et à juste titre, que le Gouvernement n’avait pas à se mêler de la politique commerciale des établissements publics, en particulier de La Poste.
Il y a eu ensuite la période où l’on a décidé que, pour accomplir des missions de service public, il convenait de créer des sociétés d’économie mixte, sociétés de droit privé associant capitaux privés et publics.
Aujourd’hui, vous prévoyez de constituer une société à capitaux exclusivement publics, monsieur le ministre, et l’on vous accuse de vouloir privatiser La Poste ! En ce sens, il est vrai que vous n’avez guère de chance et que l’on vous fait un procès assez injuste. Mais ne vous réjouissez pas trop vite, monsieur le ministre, car j’ai aussi des choses moins plaisantes à vous dire ! (Sourires.)
M. le président. Il vous faudra les dire dans les trois minutes qui vous restent, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Plancade. Nous considérons que la forme juridique de l’entreprise qui accomplira la mission de service public n’est pas fondamentale. La preuve en est que le statut actuel de La Poste n’a pas empêché les mesures de compression du personnel et la fermeture de nombreux guichets et bureaux de poste.
S’il est vrai que la défense du statut juridique ne saurait donc être une religion, la satisfaction des besoins de nos concitoyens doit, en revanche, être intangible. Une entreprise de droit privé peut parfaitement remplir une mission de service public, mais il appartient alors au politique de fixer les conditions de sa réalisation, ce que le projet de loi ne fait pas.
Vous pourriez nous accuser, nous aussi, de vous faire un procès d’intention, monsieur le ministre, mais les exemples sont malheureusement nombreux où, après avoir créé des sociétés de droit privé pour exercer une ou plusieurs missions de service public, le politique s’est cru dégagé de toute responsabilité à l’égard du contenu de cette mission, oubliant trop souvent que transférer une mission ne veut pas dire transférer la responsabilité politique.
C’est pourquoi nos concitoyens sont perdus : ils ne savent plus où se situe réellement le centre de décision et finissent par douter de l’État et de sa classe politique. Ce sentiment est renforcé par le fait que ces sociétés, selon un mécanisme aisément compréhensible, s’enferment trop souvent dans une logique gestionnaire, commerciale et concurrentielle, en oubliant le service public qu’elles ont la charge d’assurer.
L’État, aujourd’hui contraint par l’histoire de mettre la mission du service public postal en concurrence, a la responsabilité de définir précisément les besoins et les missions qui s’imposeront à ce nouvel organisme, et d’établir un cahier des charges précis afin de pouvoir choisir l’organisme qui sera à même d’exploiter au meilleur coût le service public postal. C’est précisément là que le bât blesse : si le projet de loi énumère effectivement les missions du service public postal, il ne détaille pas suffisamment les conditions d’exploitation de ce dernier.
Je tiens à remercier le rapporteur de ses engagements, de sa conviction et de sa sincérité dans ce débat, même si nous ne partageons pas toujours ses positions.
M. Jean-Claude Carle. Il mérite qu’on lui rende hommage !
M. Jean-Pierre Plancade. Parmi les amendements déposés par le groupe du RDSE, un seul a été retenu en commission. Nous continuons donc à penser que, en l’état, ce texte est insuffisant et n’offre pas toutes les garanties nécessaires. Notre groupe souhaite que le contenu de la mission de service public soit plus précisément défini et que les conditions d’exploitation de ce service soient nettement plus détaillées et formalisées qu’elles ne le sont actuellement. Nous allons donc suivre avec grand d’intérêt l’évolution que connaîtra ce texte au cours du débat. (Applaudissements sur les travées du RDSE - M. Jacques Blanc applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Demain mardi, comme tous les jours ouvrés, près de 2 millions de Français franchiront le seuil de l’un des 17 000 points de contact du réseau postal.
Demain mardi, 100 000 facteurs distribueront le courrier dans 30 millions de boîtes aux lettres. Ils apporteront bien sûr des lettres ou des colis, mais aussi une présence humaine, un sourire ou un regard à des gens qui en manquent, et souvent dans des lieux de profonde solitude.
C’est dire que, dans notre inconscient collectif, au-delà des services qu’elle rend, La Poste incarne sans doute la conception que nous nous faisons du service public à la française.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean Desessard. Pas mal…
M. Bruno Retailleau. Puisque le sujet est d’actualité, il se peut que le service postal, notamment à travers le service universel et sa mission d’aménagement du territoire, apporte une réponse concrète aux deux grandes passions françaises que sont l’égalité et son frère jumeau : l’universalisme.
Le lien affectif et objectif qui unit les Français au service postal est bien réel. Dès lors, notre mandat ne consiste certainement pas à jeter aux orties ce socle de services et de valeurs que représente La Poste,…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !
M. Bruno Retailleau. … mais au contraire à le pérenniser et à le renforcer, et cela plus encore dans le monde de demain, fort différent de celui d’hier.
Hier, abritée derrière le monopole, La Poste agissait dans un univers centré sur la distribution d’objets matériels. Dans le monde de demain, celui de l’ouverture à la concurrence, de la révolution numérique et de la dématérialisation, La Poste distribuera toujours moins de courrier et toujours plus de courriels. Chaque jour, mes chers collègues, 150 milliards de courriels sont échangés à travers le monde, et la crise contribue paradoxalement à accélérer un peu plus cette mutation.
La modernisation de La Poste n’est donc pas une option : c’est une nécessité. Pour que La Poste puisse lutter à armes égales avec ses principaux concurrents et offrir un service de grande qualité à nos concitoyens, qui sont aussi ses clients, cette nécessité doit devenir une grande ambition. Celle-ci suppose de donner à La Poste suffisamment de moyens pour rénover son réseau et ses bureaux de poste, ainsi que pour industrialiser ses outils et ses systèmes de traitement du courrier.
Aujourd’hui, deux questions se posent principalement.
Premièrement, fallait-il un changement de statut ? Je le pense. Les autres solutions constituaient de fausses pistes, qu’il s’agisse d’alourdir encore la dette de l’établissement public, alors qu’il supporte déjà un endettement deux fois supérieur à tous les ratios prudentiels classiques…
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Exact !
M. Jean Desessard. C’est un mauvais critère pour un service public !
M. Bruno Retailleau. … ou de capitaliser ses filiales, au risque de faire imploser l’unité du groupe et de l’affaiblir, ou encore d’accorder des subventions puisque celles-ci sont interdites par Bruxelles au titre de la réglementation sur les aides d’État.
Pour renforcer les capitaux propres de La Poste, la modification du statut était donc inévitable.
Deuxièmement, la modernisation de La Poste est-elle compatible avec une très haute exigence pour le service public postal ?
Je le crois, à condition que La Poste ne soit pas privatisée. À cet égard, je me réjouis du verrou posé par la commission, et je félicite son président, M. Jean-Paul Emorine, ainsi que son rapporteur, M. Pierre Hérisson. Nous pourrions d’ailleurs en poser un second, sous la forme d’une référence à la jurisprudence de 2006 du Conseil constitutionnel, qui interdit a contrario de privatiser un service public de caractère national.
Une autre garantie consisterait à financer les missions de service public à la juste hauteur de ce qu’elles coûtent. Sur ce point également, le travail en commission a permis de progresser. Tous les élus locaux attendent désormais un robuste processus de financement de la présence territoriale. Celui-ci passe par la réaffirmation du principe de compensation à l’euro près, par une évaluation annuelle effectuée par une autorité indépendante et, enfin, par une actualisation du financement de la compensation en fonction des résultats de l’évaluation. Ainsi, les choses seraient claires, et la présence postale sur le territoire s’en trouverait renforcée.
Le statu quo est intenable, car il conduirait à un déclin inévitable, comme l’a souligné Pierre Hérisson. À l’opposé, nous nous renierions en voulant copier des modèles qui se contentent d’une ouverture à la concurrence. La voie française du service public me semble passer par la combinaison d’une modernisation audacieuse et d’une forte exigence pour le service public postal. Merci de nous aider à suivre ce chemin, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur le banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Claude Danglot. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, 2 300 000 citoyens se sont déplacés dans toute la France pour se faire entendre du Gouvernement et du Président de la République ; 2 300 000 citoyens ont exprimé leur refus de voir ce projet de loi examiné en urgence et au pas de charge par le Parlement ; 2 300 000 citoyens ont exigé que l’avenir du service public postal fasse l’objet d’un référendum institutionnel !
Pourtant, nous sommes réunis, en ce 2 novembre – quel symbole ! –, pour engager le processus mortifère de transformation de l’entreprise publique en société anonyme. Utiliser les élus du peuple contre le peuple, voilà un bel usage de la démocratie parlementaire !
Le Gouvernement et la majorité n’ont pas trouvé de mots assez durs pour combattre l’organisation d’une votation citoyenne sur ce projet : « pantalonnade », « tromperie », « simulacre de démocratie »… Bref, une honte pour la République, rappelant « les plus belles heures de l’Union soviétique », selon M. Estrosi. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
M. Sarkozy, lui, pour conduire sa politique, multiplie les sondages établis sur la base d’échantillons de 1 000 personnes ! Est-ce que le peuple que le peuple peut se résumer à 1 000 personnes ?
La question était tronquée, nous dit-on, puisqu’elle portait sur la privatisation et non sur le changement de statut. Notre éminent rapporteur a d’ailleurs fait savoir à cette occasion que lui-même n’était pas partisan de la privatisation de La Poste, mais que, en l’occurrence, il n’en était nullement question.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Je le confirme !
M. Jean-Claude Danglot. Sur tous les tons, les ministres ont fait savoir dans les médias qu’il ne s’agissait pas de privatisation. Quiconque prétendrait le contraire serait un menteur et un manipulateur, y compris les élus locaux qui ont soutenu cette votation. Celle-ci n’a peut-être aucune valeur à vos yeux, mais elle en a suffisamment aux yeux des préfets pour traîner les maires devant les tribunaux !
M. Roland Courteau. Bien dit !
M. Jean-Claude Danglot. Avez-vous donc si peur de l’expression citoyenne pour que vous vous sentiez ainsi obligés d’afficher un tel mépris ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça, c’est sûr !
M. Jean-Claude Danglot. Monsieur Maurey, vous avez insulté non seulement l’opposition sénatoriale, mais aussi les nombreux élus qui ont participé à cette votation citoyenne aux côtés de leurs administrés. Vous préférez faire comme si personne dans ce pays ne se souvenait de ces entreprises qui, d’abord transformées en société anonyme, ont été ensuite privatisées : GDF, France Télécom et tant d’autres.
Puisqu’il le faut, je vais donc entreprendre un bref rappel historique, comme d’autres de mes collègues le feront ou l’ont déjà fait.
M. Roland Courteau. C’est nécessaire !
M. Jean-Claude Danglot. Nous verrons bien alors qui se rend coupable de manipulations et de mensonges.
Ainsi, Jacques Chirac affirmait le 19 mai 2004 : « EDF et GDF sont de grands services publics, ce qui signifie qu’ils ne seront pas privatisés. »
Sarkozy, alors ministre de l’économie, le 6 avril 2004, s’exprimait en ces termes : « Je redis qu’EDF et GDF ne seront pas privatisés. »
François Fillon, actuel Premier ministre, s’agaçait le 11 juin 1996 : « Devrais-je le répéter encore et encore, le caractère public de France Télécom est préservé dès lors que l’État détient plus de la moitié du capital social. »
Je ne saurais omettre, dans ce florilège, les propos que vous teniez, monsieur le président du Sénat, en tant que rapporteur de la loi sur France Télécom : le 10 juin 1996, vous nous exhortiez « à ne pas affirmer qu’il s’agit d’une loi de privatisation ». Aujourd’hui, l’État ne détient plus que 26 % du capital de France Télécom !
M. Roland Courteau. Voilà la vérité !
M. Jean-Claude Danglot. Vous l’aurez compris, on pourrait en sourire s’il ne s’agissait pas de sujets aussi graves. Les accusations de malhonnêteté formulées par la majorité sur la démarche entreprise par le comité national de défense de La Poste sont, au mieux, mal placées, au pis, scandaleuses.
Nous maintenons donc qu’il s’agit d’un projet de loi de privatisation ou, s’il faut jouer sur les mots, d’un projet de loi qui appelle la privatisation à plus ou moins long terme de La Poste.
M. Roland Courteau. En effet !
M. Jean-Claude Danglot. Vous vous en défendez en arguant que le capital sera détenu par l’État et des personnes morales de droit public. Vous nous dites que par « personnes morales de droit public », vous entendez la Caisse des dépôts et consignations. Mais quand des amendements déposés en commission visent à dire les choses aussi clairement, vous incitez leurs auteurs à les retirer.
Comment donc ne pas croire qu’une fois le verrou symbolique du statut envolé, vous n’allez pas très vite enclencher l’étape suivante en cédant une partie du capital au privé ?
M. Roland Courteau. C’est sûr !
M. Jean-Claude Danglot. Les faits sont têtus ; nous pensons donc que ce projet de loi n’est qu’un prélude à la privatisation de La Poste.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Jean-Claude Danglot. Le rapport remis par la commission Ailleret en décembre 2008 a servi de base à la rédaction de ce projet de loi. Je rappelle que, à cette époque, le président de La Poste appelait de ses vœux une introduction en bourse pure et simple de l’opérateur public.
De façon intéressante, l’étude d’impact fait d’ailleurs écho à cette intention première. Il y est en effet affirmé qu’un « EPIC n’a pas d’actionnariat » et que « les investisseurs qui lui apporteraient des fonds propres n’auraient droit ni à participer au conseil d’administration ni à versement de bénéfices ».
Là est bien le problème : la possibilité pour les investisseurs de pouvoir prétendre à un retour sur investissement.
M. Jean Desessard. Bien sûr !
M. Jean-Claude Danglot. Il faut dire que La Poste a des arguments : voilà une entreprise, malgré tout ce que nous pouvons entendre, qui a vu sa rentabilité augmenter de 10 % entre 2002 et 2007.
M. Jean Desessard. Exactement !
M. Jean-Claude Danglot. Il s’agit d’un argument de taille pour changer le capital de La Poste : que la Caisse des dépôts puisse en tirer des dividendes. Je vise la Caisse des dépôts, car l’État, selon la législation actuelle, en a déjà le droit.
Malheureusement, la qualité publique d’un actionnaire n’induit pas toujours une action désintéressée. Mais, pour justifier le changement de statut d’un grand service public national, cet argument est irrecevable.
Officiellement, le changement de statut part d’un constat simple : La Poste a besoin d’être modernisée pour faire face à la concurrence organisée par les directives européennes et transposées en droit interne par ce projet de loi. Cette modernisation oblige l’entreprise à se doter de nouveaux fonds propres pour financer les investissements à réaliser. L’État et la Caisse des dépôts sont donc appelés à souscrire à une augmentation de capital à hauteur, respectivement, de 1,2 milliard d’euros et de 1,5 milliard d’euros.
Ainsi, vous nous soutenez, au regard de la législation européenne, que, pour moderniser La Poste, l’État ne pourra lui apporter son aide que si l’opérateur public change de statut. Pourtant, vous oubliez que l’Europe ne préjuge en rien le régime de propriété et que peu importe la forme juridique du destinataire, toute aide d’État étant simplement prohibée.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Jean-Claude Danglot. À cet égard, le point 39 de la directive de 1998 est particulièrement clair puisqu’il dispose que « cette directive n’entache pas le respect de la réglementation relative aux aides d’État ». Il s’agit donc d’un mauvais argument. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Jean Desessard applaudit également.)
À l’inverse, le rôle des services publics est reconnu par les traités, qui laissent aux États membres le soin de les définir et de prévoir leur financement.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Jean-Claude Danglot. Je ne crois pas que la France, à aucun moment, ait fait l’objet de quelconques poursuites pour la compensation par l’État des charges de service public supportées par l’opérateur public.
Une véritable modernisation aurait pu passer par une meilleure définition des obligations de service public dans le sens de leur extension et, par conséquent, d’une meilleure compensation par l’État. Ce n’est qu’un exemple qui montre que d’autres solutions existaient.
Si vous souhaitez ouvrir le capital de La Poste, c’est donc bien dans une logique de privatisation de l’entreprise publique.
Certes, nous vous concédons que les politiques de libéralisation et de déréglementation menées par l’Union européenne et les gouvernements encouragent la perte de maîtrise publique. Les institutions européennes n’ont cessé, en effet, de prôner la concurrence libre et non faussée, contraignant les opérateurs à se lancer comme des prédateurs économiques dans de vastes opérations de fusion-acquisition à l’international.
Rappelons, par exemple, que cette course à l’international s’est soldée chez France Télécom par une dette abyssale atteignant 70 milliards en 2000.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il s’agit de francs !
M. Jean-Claude Danglot. Tout cela pour quoi ? Ces entreprises concurrentielles rendent-elles aujourd’hui un meilleur service aux usagers ? Cette pseudo-modernisation est-elle bien utile ?
Partout en Europe, les services postaux ont été dégradés ainsi que les conditions de travail des agents du service public. Je vous parlais il y a quelques instants de France Télécom : la situation de cette entreprise devrait nous inciter à la prudence concernant l’avenir de La Poste.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Martial Bourquin. Certains ont eu droit à deux minutes supplémentaires, monsieur le président !
M. Jean Desessard. Si tu tapes sur l’opposition, tu auras droit à ces deux minutes ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Danglot. En Europe, rien que dans le domaine postal, 300 000 emplois ont été supprimés. En Allemagne, en Suède, les bureaux de poste ont fermé. La Grande-Bretagne, qui s’était séparée de la filiale bancaire, a été obligée de la racheter à prix d’or.
En France, depuis 2004, La Poste a supprimé 40 000 emplois au nom de la modernité. En revanche, le prix des services ne cesse d’augmenter.
Cela ne vous suffit donc pas ? Aimer La Poste, ce n’est donc pas la privatiser, c’est conforter ses missions de service public !
Vous justifiez également ce besoin de fonds propres par la dette supportée par l’entreprise publique, qui atteint les 6 milliards d’euros. Je souligne à cette occasion l’amalgame qui est régulièrement fait entre dette et déficit. Premièrement, l’entreprise n’est pas déficitaire en raison de la dette.
M. le président. Mon cher collègue, je vous demande instamment de conclure.
M. Jean-Claude Danglot. Je conclus, monsieur le président.
Il faut s’interroger non seulement sur l’origine de cette dette, mais également sur son utilité. Cette dette, rappelons-le, est en grande partie le fruit de la non-compensation par l’État des obligations de service public de La Poste. En outre, celle-ci a servi à financer la modernisation de l’entreprise et de ses bureaux.
Pour conclure mon intervention, monsieur le président, je formulerai quelques rapides propositions. (Rires.)
Nous ne voulons ni changement de statut ni statu quo. Notre logique est différente. À votre exigence de rentabilité maximum, nous opposons les complémentarités et les coopérations comme base du service public et de la cohésion nationale.
M. le président. Monsieur Danglot, vous n’allez guère laisser de temps de parole aux autres orateurs de votre groupe !
M. Jean-Claude Danglot. Je conclus, monsieur le président !
Mettre en œuvre des réseaux transeuropéens, cela a du sens. En revanche, organiser une guerre fratricide entre les services publics nationaux n’aboutit, à l’inverse, qu’à un gâchis humain et financier épouvantable.
À l’échelon national, nous opposons à votre projet le chantier de création d’un pôle public financier s’articulant autour de la Banque de France, de La Poste, de la Caisse des dépôts et consignations et d’OSÉO. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Robert Tropeano applaudit également.)
M. le président. Monsieur Danglot, je vous signale que vous avez dépassé votre temps de parole de près de trois minutes.
La parole est à M. Jackie Pierre.
M. Jackie Pierre. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui est imprégné des grands principes que le rapport de la commission Ailleret pour le développement de la Poste a consacrés.
Je cite ce dernier : « L’avenir de La Poste passe par un confortement de son identité profonde et de l’unité du groupe cimenté par le réseau postal. Elle doit demeurer une entité publique, ancrée sur des services publics et universels de qualité, mais avec une adaptation de son modèle économique cohérente avec son ambition de croissance en France et en Europe, de modernisation, de compétitivité et de progrès social. »
Certes, La Poste n’est pas une entreprise publique comme les autres ; elle est avant tout le symbole du service public de proximité. Ce symbole, illustré par la vie d’un bureau de poste d’une commune rurale dans le film Bienvenue chez les Ch’tis, a sans aucun doute contribué au formidable succès que ce dernier a rencontré.
En fait, nous sommes autant attachés au passage régulier du facteur qu’au bureau de poste proprement dit. Le passage du facteur six jours sur sept et la présence sur l’ensemble du territoire à travers un réseau de plus de 17 000 points de contact constituent un lien social indiscutable, assurant à La Poste une notoriété et une image auprès de l’ensemble des Français.
Si La Poste n’est pas une entreprise publique comme les autres, elle n’en est pas moins soumise à l’obligation de faire évoluer ses structures et ses métiers pour garantir la qualité de ses services dans la durée ainsi que l’emploi de ses personnels.
Parce que le 1er janvier 2011 le marché postal européen n’aura plus de frontières, La Poste va devoir fournir un effort considérable pour se hisser au niveau de ses grands concurrents, allemand ou néerlandais notamment, qui ont entamé de longue date leur métamorphose.
En Europe, en effet, seuls deux pays n’ont pas transformé le statut de leur poste : le Luxembourg et la France.
L’ouverture totale à la concurrence le 1er janvier 2011 du marché du courrier, sur lequel La Poste bénéficie aujourd’hui d’une situation de monopole, est un vrai défi qu’il va falloir relever. Le colis express, la banque postale et la diversification des services courrier recèlent d’importants potentiels de croissance, qui supposent néanmoins que l’entreprise investisse des montants supérieurs à sa capacité d’autofinancement.
La Poste a donc besoin d’argent pour réaliser ces investissements indispensables et le changement de statut est tout simplement juridiquement obligatoire pour faire entrer la Caisse des dépôts et consignations dans son capital.
Le président de La Poste réclame donc légitimement un traitement identique à l’ensemble des postes européennes, qui ont un statut de société anonyme, et ce au nom de l’égalité des chances dans l’ouverture à la concurrence.
Le changement de statut en société anonyme – à capitaux uniquement publics – ne modifiera en rien la situation des personnels, fonctionnaires et contractuels, qui conserveront leur statut de fonctionnaires de l’État, ainsi que les garanties d’emploi et de retraite qui y sont associées. Le Gouvernement s’y est engagé et le texte est clair sur ce point, sans aucune ambiguïté, contrairement à ce que certains voudraient faire croire.
Mes collègues du groupe UMP et moi-même sommes convaincus de l’impérieuse nécessité de cette réforme, qui va permettre à La Poste d’éviter un déclin et un démantèlement. Ce nouveau contexte, dicté par les obligations européennes, est en fait une formidable opportunité, qui va redonner un élan et un dynamisme inespérés à l’un des plus anciens services publics de notre pays.
L’annonce d’un changement de statut de La Poste a suscité de nombreuses et légitimes inquiétudes. Il apparaît néanmoins que les garanties apportées par le Gouvernement y répondent pleinement.
J’ai reçu de nombreux courriers, par lesquels leurs auteurs s’expriment « contre la privatisation de La Poste » et me demandent de voter contre ce projet de loi parce qu’ils « sont persuadés de mon attachement à la défense et au développement des services publics ». Or c’est précisément la force de cet attachement qui me fera voter pour la réforme engagée.
M. Jacques Gautier. Bien !
M. Jackie Pierre. Tout le monde sait que l’activité du courrier diminue depuis dix ans ; les courriels et Internet font chuter chaque jour un peu plus le chiffre d’affaires de l’activité courrier de La Poste. Celle-ci doit réagir vigoureusement, notamment par la mise en œuvre d’un projet de développement ambitieux. Tel est l’objectif du projet de loi que nous discutons aujourd’hui.
La Poste a donc besoin d’investir dans de nouveaux centres de tri, de moderniser le service Chronopost, de se mettre à l’heure du courrier électronique, de diversifier ses missions, notamment dans le domaine logistique, et de développer ses services de proximité, en particulier dans les territoires ruraux. Elle doit surtout ne pas se faire « manger », le 1er janvier 2011, par les gros opérateurs étrangers qui bénéficient d’une position dominante et qui mènent une stratégie de croissance mondiale.
La présence postale territoriale en zone rurale reste une préoccupation majeure, que je partage largement. Dans les zones de montagne ou dans les zones à faible densité démographique, la présence postale est non seulement un vecteur de cohésion sociale, mais également un facteur essentiel d’attractivité et d’ancrage de la population du territoire.
Dans mon département, les Vosges, 92,6 % de la population est à moins de cinq kilomètres d’un point de contact de La Poste, c'est-à-dire à moins de vingt minutes de trajet automobile, comme l’exige la loi relative au développement des territoires ruraux. C’est tout à fait acceptable pour un département de montagne.
Mais sait-on que 1 522 bureaux de poste sont ouverts moins de trente minutes par jour et que 1 080 sont ouverts entre trente minutes et une heure ? Prévoyante et prudente, La Poste a déjà entrepris une transformation progressive de ses bureaux de poste ruraux très peu fréquentés et aux horaires d’ouverture réduits pour s’adapter à la demande réelle des usagers et à leurs nouveaux besoins, mais également pour limiter ses coûts.
Quand on déplore la fermeture d’un bureau de poste, on oublie de préciser que, parallèlement, un ou plusieurs points poste ont été ouverts afin de maintenir à l’identique la présence postale dans les territoires ruraux. Il s’agit d’agences postales communales hébergées en mairie ou de relais poste commerçant implantés dans les commerces des villages.
La grande différence entre les bureaux traditionnels qui ont été fermés et les nouveaux points poste est que les premiers étaient largement déficitaires alors que les seconds sont aujourd’hui bénéficiaires, notamment en raison des plages horaires d’ouverture beaucoup plus larges qui correspondent mieux aux nouveaux besoins de la population.
Les enquêtes réalisées par TNS Sofres pour La Poste en juin 2006 attestent des niveaux de satisfaction très élevés sur les deux nouvelles formes de présence postale.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Exactement !
M. Jackie Pierre. Cela ne signifie pas que des améliorations ne soient pas attendues. Il faut sans doute envisager d’augmenter le nombre des opérations prises en charge par les agences postales et les relais poste et d’assurer davantage de confidentialité et de sécurité lors des retraits d’argent. Pour cela, il sera probablement nécessaire de compléter la formation des personnels en contact avec le public, sans oublier d’améliorer l’équipement des relais poste. Ce sont les objectifs poursuivis par La Poste.
Le relais poste commerçant a aussi le grand avantage de maintenir en activité le dernier commerce présent dans les petites communes rurales. Ce que nous souhaitons, c’est que les relais poste se multiplient en fonction des besoins de la population.
La Poste a aussi pour mission de garantir l’accessibilité bancaire. L’État a confié à La Poste des missions financières dans les zones les plus reculées du territoire, non desservies par les banques privées. On peut rappeler, pour mémoire, le rôle tenu par La Poste dans la création des mandats et de l’épargne populaire à la fin du xixe siècle. Il s’agit d’une mission séculaire, qui a été un vecteur de promotion et d’élargissement de l’accès aux services bancaires de tous les citoyens : elle doit être garantie.
La modernisation de La Poste est un impératif qui a été trop longtemps différé. Il faut le dire clairement : sans réforme, La Poste est condamnée à voir dépérir son fabuleux réseau de proximité, condamnée à ne plus jouer de rôle majeur en Europe et à être, en France, sous perfusion d’aides publiques. Elle ne serait donc plus, dans ce cas, en mesure d’offrir un avenir aux postiers ni d’assurer ses missions de service public ni d’apporter à ses clients les services qu’ils attendent. Est-ce cela que l’on veut ? Je me tourne vers mes collègues socialistes et communistes : est-ce cela que vous voulez ? Il faut arrêter de voir le diable là où il n’est pas !
Les inquiétudes sur la pérennité des missions de service public de La Poste sont totalement infondées. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Des garanties supplémentaires ont été apportées par la commission quant à la mission de service public : le service universel postal six jours sur sept, le transport et la distribution de la presse sur tout le territoire, l’accessibilité bancaire et la présence postale territoriale à travers le maintien des 17 000 points de contact existants.
La commission a aussi confirmé le caractère entièrement public du capital de La Poste. Elle a en outre amélioré le financement du réseau de points de contact en portant de 85 % à 100 % l’abattement dont bénéficie La Poste sur ses bases d’imposition locale, accroissement dont le coût ne sera pas supporté par les collectivités territoriales. La commission a ainsi voulu assurer la compensation de la mission d’aménagement du territoire qui est assignée à La Poste.
Avec mes collègues du groupe UMP, nous aimerions, monsieur le ministre, que vous vous engagiez sur ce point devant notre Haute Assemblée.
La commission a enfin apporté des garanties sur le maintien de la présence postale territoriale à travers un réseau comptant au moins 17 000 points de contact, équitablement répartis sur le territoire. Je me permets d’insister sur ce point, car la présence postale doit être maintenue à l’identique dans les zones rurales. Monsieur le ministre, nous souhaitons que vous vous déclariez favorable à l’inscription de ces 17 000 points de contact dans le projet de loi.
Le réseau de La Poste est sans nul doute unique en Europe. Le service public français de La Poste est une richesse. Il possède deux atouts principaux sur lesquels il doit s’appuyer pour renforcer et élargir son potentiel : ses réseaux et son personnel. Il faut donc en assurer l’avenir et garantir, c’est indispensable, le financement de ses missions dans la durée.
La poste française, au quatrième rang des postes européennes en 2000, a réussi aujourd’hui à se hisser à la deuxième place, derrière la poste allemande.
M. Jean Desessard. Eh bien alors, pourquoi changer ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quand cela va bien, il faut changer !
M. Jackie Pierre. Que pouvons-nous souhaiter sinon qu’elle devienne la première poste européenne ?
Développer La Poste, c’est financer le service public postal. Il n’est pas envisageable, et encore moins responsable de refuser d’accompagner un grand service public dans sa modernisation.
Messieurs les ministres, pour toutes ces raisons, l’ensemble du groupe UMP apportera son total soutien à ce projet de loi, enrichi des amendements de la commission de l’économie.
Permettez-moi en conclusion d’évoquer les travaux de la commission, auxquels j’ai participé. Très constructifs, ils ont permis de compléter, de préciser et d’améliorer le projet de loi du Gouvernement. Je tiens personnellement à rendre hommage au rapporteur, mon collègue et ami Pierre Hérisson, pour ses grandes compétences et l’important travail qu’il a réalisé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission de l’économie, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à en croire certains, le facteur et sa voiture jaune, présents six jours sur sept dans le moindre petit village de France, distribuant le courrier jusque dans la moindre ferme isolée, symboles s’il en est du service public à la française, seraient menacés.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Daniel Dubois. Les mêmes prétendent que faire évoluer le statut juridique du groupe La Poste, d’établissement public à caractère industriel et commercial en société anonyme à fonds exclusivement publics, signerait la fin de ce grand service public.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est l’évidence !
M. Daniel Dubois. Sachez que nous voulons, nous aussi, que La Poste reste un grand service public proche de ses clients et ancrée dans les territoires.
M. Jean Desessard. Vous avez dit « clients » !
M. Daniel Dubois. Volontairement, mon cher collègue, car les citoyens sont aussi des clients.
M. Marc Daunis. Ce sont aussi des contribuables !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlez-en à ceux qui ont pris part au référendum.
M. Daniel Dubois. Nous considérons également que La Poste, qui a déjà beaucoup changé depuis dix ans, doit, face à l’évolution de ces marchés, poursuivre sa modernisation. Il faut donc lui en donner les moyens.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous direz cela à vos électeurs lorsque La Poste aura été privatisée !
M. Daniel Dubois. Ces deux enjeux stratégiques sont-ils antinomiques ou, au contraire, complémentaires ?
M. Jean Desessard. Antinomiques ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Daniel Dubois. Y a-t-il aujourd’hui une autre solution viable à terme dans le concert de la concurrence européenne ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Jean Desessard. Oui !
M. Didier Guillaume. Et Michel Teston l’a très bien dit tout à l’heure !
M. Daniel Dubois. C’est toute la question ! Nous le savons tous, l’environnement de La Poste a profondément évolué depuis dix ans. Il a changé avec l’arrivée de la concurrence, qui sera totale dès le 1er janvier 2011, avec l’émergence de géants européens comme l’allemand DHL ou le néerlandais TNT sur certains segments du marché, en particulier le colis et l’express. Il a également changé avec le développement d’Internet, qui a contribué à l’affaiblissement du volume du courrier traité : le rythme de diminution de celui-ci est passé de 1 % en 2007 à 6 % en 2009 ; certains spécialistes s’accordent pour dire que, d’ici à 2015, le volume du courrier pourrait avoir baissé de 30 %.
La Poste a déjà apporté des réponses à ces deux évolutions majeures. Elle a diversifié ses activités avec, entre autres, la création de la Banque Postale, mais elle a aussi et surtout modernisé son activité courrier et su lancer, en 2004, le programme ambitieux Cap Qualité Courrier.
Toutefois, pour résister à la concurrence qui s’annonce, La Poste doit achever cette évolution industrielle et commerciale afin de se battre à armes égales avec des géants européens constitués depuis quelque temps déjà tout en gardant son entité globale de groupe, j’insiste sur ce point.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La Poste est déjà un géant !
M. Daniel Dubois. Il lui faut donc trouver des financements, à hauteur de 3 milliards d’euros.
Comment l’État peut-il apporter son soutien financier sans être en contradiction avec le droit européen ? Il apparaît que le changement de statut d’établissement public en société anonyme est le seul moyen régulier d’y parvenir, d’autant que la Caisse des dépôts et consignations ne peut doter un établissement public en capital.
La levée de ces fonds, nous le savons tous, est indispensable pour permettre à La Poste de finaliser son programme de modernisation. C’est pourquoi le groupe Union centriste ne souhaite pas réduire le débat au seul changement de statut de La Poste.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !
M. Didier Guillaume. Il a tort !
M. Daniel Dubois. Nous serons particulièrement vigilants sur la préservation de la qualité du service public et la présence territoriale de La Poste.
M. Marc Daunis. Nous verrons !
M. Daniel Dubois. Le groupe de l’Union centriste se félicite d’ailleurs d’avoir pu garantir, en commission, la présence postale dans nos territoires en gravant dans le marbre le nombre minimum de 17 000 points de contact.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !
M. Daniel Dubois. Nous souhaitons aller encore plus loin, en proposant de renforcer l’irrigation postale de nos territoires ruraux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les boulangeries ouvrent tôt le matin !
M. Daniel Dubois. Encore faut-il qu’elles aient des clients !
Ce sont non seulement les exigences de maillage territorial, mais aussi ses modalités d’exécution qui doivent être garanties. C’est pourquoi nous proposons de renforcer la transparence dans la détermination du surcoût lié à cette mission en la confiant à l’ARCEP.
Bref, sur ce sujet et, plus généralement, tout au long du débat sur les missions de service public, le groupe Union centriste entend défendre des positions constructives qui vont dans le sens d’une garantie des missions de service public.
La Poste est un service universel, dont la qualité doit être maintenue et garantie financièrement par l’État, et ce en toute transparence. Notre exigence va vers un contrôle accru de la tarification des produits relevant du service universel pour que La Poste reste financièrement accessible à tous et qu’elle ne soit pas tentée d’abuser de la position dominante qui sera la sienne sur ce segment. Nous souhaitons donc préciser et améliorer la rédaction du présent projet de loi afin de donner l’ARCEP les moyens de remplir pleinement sa mission de régulation.
Le soutien que nous apportons à ce projet de loi vise non seulement à préserver l’existant, mais aussi à renforcer et à garantir le service public postal afin de répondre à l’ensemble des besoins et attentes de la population en tout lieu du territoire, tout en donnant à notre première entreprise nationale les moyens de réaliser ses ambitions économiques.
Alors oui, en tenant compte de modifications apportées à ce texte, la transformation de La Poste en société anonyme à fonds exclusivement publics, qui lui permettra de terminer sa modernisation, peut être complémentaire de ses missions de service public et de son véritable ancrage territorial. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, M. Michel Teston a fort bien mis au jour les chausse-trappes du présent projet de loi en ce qui concerne les aspects réglementaire et financier. Je m’efforcerai pour ma part de traduire devant notre assemblée le sentiment de l’opinion publique sur ce sujet.
Le débat sur le devenir de La Poste a été lancé voilà maintenant un an, à l’occasion de la publication du rapport Ailleret. Depuis, ce débat a mobilisé et continue à mobiliser beaucoup d’énergie et, le moins que l’on puisse dire, c’est que les lignes n’ont pas bougé, bien au contraire.
Certains ont eu la tentation d’en minimiser les enjeux, en expliquant qu’il se résumait à une querelle entre les « modernes », regroupant ceux qui sont favorables au changement de statut de La Poste, et les « archaïques », attachés au maintien du statut de droit public de cet établissement public à caractère industriel et commercial.
Notons au passage que les prétendus « archaïques » doivent être nombreux dans ce pays puisque pas moins de 2,3 millions de Françaises et de Français se sont clairement exprimés, lors de la votation citoyenne, en faveur du maintien du statut actuel de La Poste. Et ce n’est pas fini !
L’intérêt manifesté à cette occasion par la population aurait dû légitimement, monsieur le ministre, inciter le Gouvernement à organiser une consultation nationale par le biais d’un référendum, du reste réclamé aujourd’hui par beaucoup d’entre nous, pour évaluer en grandeur réelle le sentiment de nos concitoyens à ce sujet.
Manifestement, il n’est pas dans les intentions du Gouvernement de jouer la carte de la démocratie alors que, dans le même temps, le ministre de l’immigration n’hésite pas à engager un grand débat national dans un registre, il faut bien le dire, plus que « douteux » et chargé d’arrière-pensées, celui de l’identité nationale.
M. Roland Courteau. Et à la veille des élections régionales ! On ne fait pas mieux en matière de dignité républicaine !
M. Jean-Jacques Mirassou. Au total, et malgré la tentative qui est la vôtre de travestir la nature du clivage qui va immanquablement se faire jour ici, il y aura bien – ce n’est pas une surprise – une nette ligne de partage entre les positions de la gauche et les vôtres. Elle se manifestera aussi sûrement qu’apparaissent aux yeux des Françaises et des Français les véritables enjeux du projet de loi que vous nous soumettez aujourd’hui.
Nos concitoyens sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à redouter que le changement de statut de La Poste ne constitue la première étape de sa privatisation.
M. Roland Courteau. C’est bien vrai !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Chat échaudé craint l’eau froide !
M. Jean-Jacques Mirassou. Pourtant, le Gouvernement ne cesse de répéter que ce texte n’a rien à voir avec un tel objectif et il essaie de nous faire croire que ses intentions se limitent à un simple ajustement technique. Vous comprendrez que nous ne pouvons pas nous cantonner à une lecture crédule des textes que vous nous soumettez, car les faits ne plaident pas en votre faveur !
Souvenons-nous des promesses faites le 15 juin 2004 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie et des finances, à l’Assemblée nationale : « Je l’affirme parce que c’est un engagement du Gouvernement : EDF et GDF ne seront pas privatisés. [...] Le Président de la République l’a rappelé solennellement lors du conseil des ministres au cours duquel fut adopté le projet. » (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
M. Guy Fischer. Il avait menti !
M. Jean-Jacques Mirassou. On sait où nous en sommes cinq ans plus tard !
Ne soyez donc pas surpris, messieurs les membres du Gouvernement, si nous faisons peu de cas de vos promesses en ce qui concerne la pérennité des institutions publiques transformées en sociétés anonymes.
Nous sommes, quant à nous, fermement opposés à ce qui est au cœur du présent projet de loi : le changement de statut de La Poste en société anonyme, qui tournerait alors définitivement le dos à une institution ayant franchi, vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, les siècles et les régimes, et qui est considérée, à juste titre, comme l’emblème du service public « à la française ».
L’EPIC garantit jusqu’à présent un service qui rythme le fonctionnement de notre société grâce, notamment, à la distribution du courrier six jours sur sept et à j+1.
Malgré tous vos efforts, vous n’arriverez pas à nous faire croire qu’une société anonyme, fût-elle transitoirement à capitaux publics, est programmée pour répondre à cette exigence, en assurant par ailleurs l’aménagement du territoire et en tissant du lien social.
Une fois déchue de son statut d’EPIC, La Poste serait à la merci des pulsions de « réformateurs zélés » – il y en a quelques-uns ici. Le caractère public de cette entreprise ne serait alors plus qu’un simulacre à l’espérance de vie limitée.
Pour autant, il faut bien le constater, La Poste se porte mal aujourd’hui : le recours aux contractuels, le non-remplacement des départs à la retraite ont contribué à la perte de 7 400 emplois. Le diagnostic se voit donc ainsi, malheureusement, confirmé.
Mais nous refusons catégoriquement pour La Poste la perspective d’une entreprise recherchant, à toute force, la rentabilité au détriment de sa mission essentielle, celle qui garantit l’intérêt général et l’égalité de traitement pour tous ses usagers, quel que soit leur statut social ou leur situation géographique.
Qu’il me soit par ailleurs permis de relever que le diagnostic que j’évoquais tout à l’heure résulte d’un désengagement coupable de l’État, qui s’exerce du reste dans bien des registres.
À coup de révision générale des politiques publiques et de refontes budgétaires, on saccage depuis quelques années le pacte républicain, et nous subissons de plein fouet l’avalanche des fermetures de centres de perception, de brigades de gendarmerie et autres tribunaux.
L’ancrage territorial de l’État, pilier de la péréquation et de la solidarité nationale, nous le voulons quant à nous dynamisant pour la collectivité, protecteur et garant des institutions construites au fil de l’histoire de notre République, singulièrement à travers le programme du Conseil national de la Résistance.
Le service universel postal, l’aménagement du territoire, le transport et la distribution de la presse, l’accessibilité bancaire sont autant de services publics et d’amortisseurs sociaux devant être assurés par des acteurs publics, régis par des règles de droit public.
Vos protestations de bonne foi ne peuvent pas nous convaincre. Rappelons que le groupe majoritaire, lors de l’examen du texte en commission, a voté l’amendement proposé par Pierre Hérisson dans lequel il est précisé que « le capital de la société est détenu par l’État et par d’autres personnes morales de droit public ». Cet amendement décrédibilise vos affirmations, monsieur le ministre, puisqu’il inscrit dans le texte ce que vous affirmiez y lire depuis le début !
Soyons clairs : le groupe socialiste a parfaitement conscience de la nécessite d’aider La Poste à mettre toutes les chances de son côté pour lui permettre de remplir ses tâches de service public et de franchir les difficultés qu’elle rencontre, à plus forte raison dans la perspective de l’ouverture du marché à la concurrence. Mais nous considérons comme une dérive ou un pis-aller la multiplication des agences postales communales et des relais postes commerçants, qui se substituent peu à peu aux vrais bureaux de poste.
C’est la raison pour laquelle cette fixation sur la conservation des 17 000 points de contact ne veut rien dire, car, ce qui compte, c’est le ratio entre ces différentes structures.
M. le président. Mon cher collègue, veuillez conclure !
M. Jean-Jacques Mirassou. Dans la population, la crainte est grande de voir cette dérive s’accélérer.
Il faut donner les moyens à La Poste de sortir par le haut, et c’est en respectant son statut d’EPIC que les pouvoirs publics doivent proposer à cette institution les réformes et les ressources financières lui permettant d’affronter, au service de la collectivité, les enjeux du xxie siècle.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je conclurai en constatant que nous sommes bien loin du débat que vous avez tenté de nous imposer en nous faisant un faux procès. D’ailleurs, aux obsédés de la modernité, nous demandons de ne pas se cacher derrière le président de La Poste, qui serait, selon eux, à l’origine du projet de loi de réforme de cet établissement. Qu’ils ne désignent pas non plus l’Union européenne comme bouc émissaire, cette dernière n’ayant rien à voir avec la disparition, programmée par l’exécutif français, d’un EPIC qui appartient aux citoyens.
M. le président. Mon cher collègue, il est vraiment temps de conclure, maintenant !
M. Jean-Jacques Mirassou. Le Gouvernement doit prendre la mesure de sa responsabilité dans une fuite en avant, qui consiste à démanteler le service public en s’attaquant à l’établissement public qui le fait vivre.
En ce qui nous concerne, nous mettrons tout en œuvre pour empêcher cela. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’automne est arrivé avec son wagon de réformes.
Alors même que la crise financière impose la solidarité de la puissance publique, le Président de la République a réussi, dans un ordre du jour plus que chargé, à introduire successivement la transformation de La Poste, la suppression de la taxe professionnelle et la réforme des collectivités territoriales.
M. Roland Courteau. Ça fait beaucoup !
M. Robert Tropeano. Préparons-nous à un hiver rude, mes chers collègues, car, en janvier, nos collectivités se retrouveront fort peu vêtues, c'est-à-dire privées d’une grande part de leurs ressources, et elles le seront aussi bientôt de l’un de leurs derniers services publics : je veux parler de leur bureau de poste.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Robert Tropeano. L’acheminement du courrier est le service public par excellence ; il est le plus ancien de tous. La Poste est l’administration historique, qui reste encore dans les esprits comme les PTT, Postes Télégraphes et Téléphones, alors que l’entreprise publique a débuté son adaptation au monde du numérique et communique par « spots » publicitaires.
La Poste est une administration ancrée dans le cœur des Français, une grande maison autrefois vecteur d’ascension sociale. Bien plus qu’une entreprise, La Poste est, dans notre inconscient collectif, l’un des piliers de la vie communale, au même titre que l’école et la mairie. Le postier, à l’instar du maire et de l’instituteur, est bien souvent le dernier lien avec le monde extérieur, que ce soit dans le monde rural ou dans les zones urbaines où la solidarité fait défaut.
Le président Yvon Collin l’a annoncé le 20 octobre, la majorité du groupe du RDSE défend l’idée selon laquelle les citoyens doivent avoir la possibilité d’intervenir sur cette réforme touchant leur service public. Plus de soixante organisations politiques, syndicales et associatives collaborant à cette démarche ont permis à une partie d’entre eux de s’exprimer lors de la votation citoyenne organisée le 4 octobre dernier.
Le Gouvernement, mes chers collègues, nous oppose une impossibilité législative à l’organisation d’un référendum d’initiative populaire. Cependant, les dispositions de l’article 11, issues de la révision constitutionnelle de 1995, demeurent applicables et nous permettent l’adoption d’une motion référendaire. La population ne doit pas être écartée d’un choix aussi déterminant pour l’avenir.
Pour diminuer de moitié le nombre d’élus sur notre territoire, le Gouvernement se targue d’avoir le soutien de l’opinion publique. M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, a affirmé ici même, mercredi dernier : « Nous ne craignons rien, la réforme des collectivités est populaire auprès de l’opinion. »
Mme Annie David. Ce n’est pas vrai !
M. Robert Tropeano. Deux poids, deux mesures !
Vous vous exemptez de sondages, d’enquêtes d’opinion, et vous ignorez le déplacement de 2,3 millions de personnes qui ont montré l’attachement qu’elles portaient à leur service public postal.
Alors, monsieur le ministre, afin que vous puissiez une nouvelle fois asseoir votre réforme sur le soutien de l’opinion, dès demain, nous proposerons une motion référendaire allant en ce sens.
J’en reviens à la teneur même de la réforme.
La longue période de stabilité juridique a associé La Poste à l’avènement du service public dans l’imaginaire collectif. Pourtant, même si elle est une incarnation emblématique du service public, La Poste est avant tout, et depuis 1991, une entreprise publique qui a déjà démontré ses capacités d’adaptation, d’évolution et de mutation au fil des directives et de la libéralisation du secteur. On l’a vu, La Poste s’est adaptée à chaque directive, à chaque nouvelle percée de la libre concurrence. Pourquoi subordonner toute perspective d’avenir à sa transformation en société anonyme ?
Ni les directives européennes ni la situation financière de La Poste ne justifient le changement de statut.
Nous aurions pu renégocier le maintien du monopole, compte tenu de l’évolution des mentalités de nombreux États membres. Ces derniers penchent désormais vers le maintien du monopole résiduel des postes nationales pour la levée, le tri et la distribution des plis de moins de 50 grammes.
Le statut d’EPIC n’est en rien un frein à l’ouverture à la concurrence. La transformation en société anonyme, en définitive, est plus symptomatique de la situation d’un État « ruiné » nourrissant l’ambition d’ouvrir le capital de son entreprise publique pour faire face à ses dettes.
Si le but n’est pas l’ouverture à la concurrence, alors il n’y a aucun intérêt à modifier le statut juridique de La Poste.
L’article 9 de notre Constitution protège La Poste tant qu’elle exerce une mission de service public. Monsieur le ministre, a été signé en juillet de l’année dernière avec La Poste, pour la période 2008-2012, un contrat dénommé « contrat de service public ». Je ne doute donc pas que vous soutiendrez l’amendement déposé par mon groupe visant à formaliser définitivement le service public national de La Poste.
Plusieurs points me tiennent à cœur.
Tout d’abord, le sort du personnel, qui est trop souvent stigmatisé, doit être au centre de nos préoccupations.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Robert Tropeano. La Poste, en effet, a longtemps incarné l’État, l’« administration bureaucratique » au sens que Max Weber donne à cette expression. Cela tient également au fait que ses salariés, en majorité issus des classes populaires ou moyennes, ont pu réaliser une certaine forme d’ascension sociale.
Fort de cet esprit et du sentiment d’appartenance à un corps public, le personnel a accompagné La Poste, « son entreprise », dans toutes ses transformations. Oui, les postiers font bien leur travail ! Et même si, quelquefois, monsieur le ministre, le courrier arrive en retard ou si les colis sont distribués après le jour de Noël, ce n’est pas toujours la faute des postiers : c’est peut-être aussi parce qu’il manque du personnel dans les bureaux de poste !
M. Marc Daunis. Voilà !
M. Robert Tropeano. Comment remercie-t-on ces salariés ? En proposant aujourd’hui un projet de loi ayant pour objet une réforme qui ignore le maintien de leurs droits, prive certains d’entre eux de régime de mutuelle complémentaire, fait basculer les autres dans un régime de retraite moins favorable.
La transformation de La Poste en société anonyme aura une incidence certaine sur le statut du personnel, notamment sur le régime de retraite complémentaire des salariés, comme l’a expliqué mon collègue Michel Teston.
M. Guy Fischer. C’est la vérité !
M. Robert Tropeano. En effet, 140 000 d’entre eux sont affiliés à l’IRCANTEC, régime concernant les agents publics non-fonctionnaires. La création de la société anonyme La Poste entraînerait leur basculement vers le régime AGIRC-ARRCO.
Mes chers collègues, La Poste a prouvé qu’elle pouvait s’adapter, et son intervention dans les secteurs concurrentiels a été réalisée avec succès. Le débat doit porter sur la nécessaire compatibilité de sa modernisation avec le maintien de sa capacité à assurer ses missions de service public.
La Poste doit maintenir le maillage territorial. Il est vrai que le maintien des 17 000 points de contact nous a été confirmé. Mais je suis, comme de nombreux élus locaux, attaché aux bureaux de plein exercice. Or ceux-ci sont peu à peu transformés en agences postales communales ou en relais poste. C’est par ce biais que seront conservés les 17 000 points de contact !
M. Marc Daunis. Eh oui !
Mme Annie David. Voilà l’astuce !
M. Robert Tropeano. Cela ne nous convient pas, car les services rendus ne seront pas les mêmes. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
De ce fait, la présence postale, lien social unique et indispensable, en particulier dans les zones rurales ou dans les quartiers populaires, est de plus en plus menacée.
Ce service public est notre bien commun, enraciné au plus profond de la vie des villages et des quartiers, où la question de la présence postale prend une dimension particulière.
Même si la loi de 2005 fixe certains critères, le débat sur la nature de la présence postale rebondit avec la prise de conscience que l’on ne trouvera pas les mêmes prestations en fonction de la nature des points de contact.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Robert Tropeano. Monsieur le ministre, la transformation de La Poste en société anonyme est inutile et néfaste tant pour ses usagers que pour ses salariés.
M. Roland Courteau. Néfaste, c’est le mot !
M. Robert Tropeano. La Poste dispose à l’heure actuelle de tout l’outillage juridique pour se défendre face à ses concurrents.
Aujourd’hui, l’avenir de La Poste ne peut se concevoir que dans le cadre d’un service public national maîtrisé par l’État. Il est bien évident que, si ces principes ne sont pas respectés, je voterai contre ce projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales, qui vise à transformer l’établissement public de La Poste en société anonyme. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Organisation des débats
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous entamerons demain la discussion des articles du projet de loi, sur lesquels de nombreux amendements ont été déposés.
En application de l’article 49, alinéa 2, du règlement, et pour la clarté du débat, je propose d’éviter que, lorsqu’un amendement tend à supprimer ou à rédiger complètement un article ou une disposition, tous ceux qui suivent ne soient mis en discussion commune. Bien sûr, il ne s’agit aucunement de faire tomber l’un ou l’autre de ces amendements,…
M. Guy Fischer. On espère bien !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. … et les présidents des groupes politiques du Sénat, que j’ai pris le soin de consulter, sont d’accord pour que nous procédions ainsi.
Mes propositions concernent, au titre Ier, les articles 1er, 2 et 2 bis.
À l’article 1er, je demande l’examen séparé des amendements de rédaction globale nos 439 et 443, ainsi que des amendements de suppression partielle nos 24, 25, 28 et 445.
À l’article 2, je propose l’examen séparé de l’amendement n° 195 de rédaction globale de cet article.
Enfin, à l’article 2 bis, je demande l’examen séparé de l’amendement n° 52, qui est également de rédaction globale.
M. le président. Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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Retrait d'une proposition de loi
M. le président. Par lettre en date du 29 octobre 2009, M. Richard Yung m’a fait connaître qu’il retirait la proposition de loi tendant à élargir le collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France (n° 308, 2008-2009), déposée le 31 mars 2009.
Acte est donné de ce retrait.
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Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 3 novembre 2009 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales.
(Le texte des questions figure en annexe).
À quatorze heures trente et le soir :
2. Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (Procédure accélérée) (n° 599 rectifié, 2008-2009).
Rapport de M. Pierre Hérisson, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 50, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 51, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 3 novembre 2009, à zéro heure trente-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD