M. le président. Madame Schurch, permettez-moi de vous rappeler, d’une part, que les orateurs doivent respecter leur temps de parole, et, d’autre part, que ce ne sont pas les services du Sénat qui décident l’application de l’article 40 de la Constitution, mais la commission des finances.
La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, l’article que vous avez cité tout à l’heure ne mentionne aucun nom, et je ne me souviens pas que le groupe socialiste, le groupe CRC-SPG ou les Verts aient annoncé vouloir « pourrir la semaine » ! Qu’est-ce que cette rumeur ? Se servir ainsi d’un article d’ambiance n’est pas digne d’un gouvernement,…
M. Jean-Jacques Mirassou. On n’est plus gouverné !
M. Martial Bourquin. … et nous sommes en droit d’espérer autre chose.
Monsieur le ministre, vous nous demandez comment financer l’EPIC. Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ! M. Teston vous a dit hier que, pour le transport de la presse et la présence postale sur le territoire, il était possible d’allouer des financements publics à l’accomplissement d’un service public. En outre, un « rebasage » de La Poste est possible avant l’ouverture à la concurrence, car depuis des années l’État ne contribue pas à la présence postale.
Ces questions sont sérieuses et méritent d’être discutées. Nous ne disons pas : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Lorsque notre pays assurait la présidence de l’Union, la question des services publics aurait pu être placée, avec celle de la crise financière, au cœur du sommet européen, dont l’organisation, soit dit en passant, a coûté très cher… (Murmures sur les travées de l’UMP.) C’est d’ailleurs certainement grâce aux services publics et à notre protection sociale que nous avons mieux résisté que d’autres à la crise.
Par ailleurs, la question du grand emprunt est posée, ainsi que celle des pôles publics, dont la création est proposée par M. Danglot. Et puisque l’on cherche de l’argent pour financer La Poste, monsieur le ministre, pourquoi ne pas restreindre le bouclier fiscal ? Si La Poste est vraiment le joyau que vous avez décrit toute la journée, cela vaut la peine !
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. Martial Bourquin. Sachez, monsieur Maurey, qu’il y a partout à la fois de l’archaïsme et du modernisme. Mais franchement, lorsque 2,4 millions de personnes vont voter, parfois avec la peur au ventre (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste), on ne peut pas ignorer leur démarche. Il s’est passé quelque chose de fort, et les médias ne s’y sont pas trompés. Les Français ont exprimé leur attachement au plus ancien de nos services publics. Nous ne débattrions certainement pas comme nous le faisons aujourd’hui s’il n’y avait pas eu cette votation ! (M. Hervé Maurey proteste.)
Monsieur Maurey, si vous voulez, en tant que gaulliste, un référendum en bonne et due forme, alors organisez-le !
M. Alain Fouché. Cela ne sert à rien !
M. Martial Bourquin. Enfin, je voudrais signaler à M. le ministre que, en ma qualité de maire d’une commune de 15 000 habitants, je suis assigné au tribunal administratif pour avoir pris une délibération sur La Poste… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. Sur ordre du ministère !
M. Martial Bourquin. En effet ! Cela n’est pas admissible !
M. Didier Guillaume. C’est scandaleux !
M. Martial Bourquin. Nous avons organisé un référendum de façon bénévole, en dehors des lieux publics et des heures de travail des salariés. Qu’est-ce qui nous en empêche ? Qu’est-ce qui nous empêche d’adopter une motion tendant à demander que La Poste reste un établissement public ?
Mme Jacqueline Panis. Démarche mensongère !
M. Martial Bourquin. Comment peut-on nous déférer devant le tribunal administratif pour une telle raison ? Monsieur le ministre, je demande solennellement que les préfets retirent ces assignations, afin que l’on puisse débattre en toute sérénité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 540, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 11 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 187 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d’une motion n°541.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (n° 51, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Michel Teston, auteur de la motion.
M. Michel Teston. Le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales marque une rupture certaine dans l’organisation de nos services publics. Il constitue, à n’en pas douter, une étape de plus dans la remise en cause de notre modèle social, fondé sur des services publics correcteurs d’inégalités sociales et territoriales.
En effet, on ne saurait négliger les conséquences du basculement du statut d’EPIC vers celui de SA, tant sur le plan social et des statuts du personnel que sur le plan financier, avec la mise en œuvre de l’évaluation financière de La Poste ou encore l’attribution d’actions au personnel. Ces points méritent toute notre attention, car il s’agit là d’un véritable bouleversement de l’organisation de La Poste, consistant en un alignement sur le droit commun des SA.
Certaines questions restent sans réponse, qu’il s’agisse du régime conventionnel auquel seront soumis les personnels ou de la pérennisation du régime de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques, autrement dit l’IRCANTEC. Le projet de loi n’a rien prévu à cet égard, ce qui signifie que ce régime est condamné à terme.
Le basculement vers le droit commun des sociétés anonymes annonce l’extinction progressive des emplois de fonctionnaire. Or la cohabitation des fonctionnaires avec les contractuels soulève un certain nombre d’interrogations, dans la mesure où les contractuels devraient être régis par les conventions collectives.
Plus précisément, la coexistence de plusieurs régimes de conventions collectives, qu’il s’agisse de la convention collective de La Poste, de celle de la Banque postale, plus avantageuse, ou de celles des concurrents potentiels du fait de l’absence d’une convention commune pour les activités postales, risque de susciter de nombreuses injustices et inégalités entre les salariés. Cela est d’autant plus problématique que l’on observe, dans les postes étrangères, une nette dégradation des conditions de travail et une multiplication des emplois précaires.
Par ailleurs, la suppression dans le projet de loi d’une disposition de l’article 31 de la loi n° 90-568 faisant référence aux « conditions de travail » parmi les thèmes abordés par les instances représentatives du personnel, les IRP, est fortement symbolique : elle présage à coup sûr une diminution de la protection des salariés. Il semble pour le moins inopportun de supprimer l’expression collective des instances représentatives sur les conditions de travail à l’heure où celles-ci, sous la pression de plus en plus forte des objectifs de rentabilité, se dégradent dans toutes les entreprises.
On a pu voir, en particulier chez Renault ou France Télécom, à quel point l’évolution d’une entreprise publique était susceptible d’engendrer de fortes contraintes et ainsi d’entraîner un mal-être parmi les salariés. Les drames dont nous sommes témoins chaque jour doivent nous inciter à prendre le temps d’analyser les conséquences, pour les salariés, de la pression concurrentielle, ainsi que des exigences de productivité et de rentabilité.
Les questions et les problèmes que je viens d’évoquer auraient justifié un avis de la commission des affaires sociales et de la commission des finances, voire la mise en place d’une commission spéciale.
Pour ce qui relève, tout d’abord, de la commission des affaires sociales, l’article 9 du projet de loi vise à étendre le champ d’application des mécanismes d’épargne salariale et d’intéressement à l’ensemble des personnels de La Poste. L’intéressement, distinct de la participation, associe collectivement les salariés aux résultats ou aux performances de l’entreprise, tandis que le plan d’épargne salariale leur donne, toujours de manière collective, la faculté de participer à la constitution d’un portefeuille de valeurs mobilières. Ces dispositions, comme celles qui sont relatives à la représentation et à l’information des salariés, à la formation économique, juridique, ou encore aux conditions d’ancienneté, s’appliqueront à l’ensemble des personnels de La Poste, y compris les fonctionnaires en activité.
Par ailleurs, cet article précise les modalités selon lesquelles des augmentations de capital ou des cessions d’actions réservées pourront être réalisées dans le cadre d’un fonds commun de placement d’entreprise. Enfin, il étend le dispositif de participation aux résultats de l’entreprise.
Ainsi bascule-t-on concrètement dans le droit commun des SA, que ce soit avec l’intéressement du personnel de La Poste à la réalisation des objectifs de productivité et de performance de l’entreprise ou avec ces autres formes de rétribution, telles que les primes, qui ne font pas partie de la rémunération. Il s’agit de permettre aux salariés de constituer un portefeuille de titres émis par La Poste SA, pour les faire bénéficier d’un régime fiscal favorable, ce qui devrait, au demeurant, les inciter à agir pour faire monter le cours des actions de leur entreprise. Espérons que le changement de statut de La Poste, s’il intervient, ne préfigure rien de comparable à ce qui s’est passé dans d’anciennes entreprises publiques, comme GDF, avec l’instauration de mécanismes d’allocation et de distribution de stock-options aux dirigeants.
L’article 18 vise à compléter l’article L. 3-2 du code des postes et télécommunications en transposant des dispositions de la troisième directive européenne concernant, notamment, les « exigences essentielles ». Il s’agit de mettre en place des procédures transparentes et peu coûteuses de traitement des réclamations, de garantir l’accès aux services et aux installations des personnes handicapées, d’assurer la neutralité des envois postaux concernant l’identité de l’expéditeur. À cela s’ajoute une disposition introduite par le Parlement européen pour protéger les salariés, qui impose que « les obligations légales et conventionnelles » en matière de conditions de travail et de sécurité sociale soient respectées.
En outre, selon le considérant 53 de la directive, les dispositions adoptées ne doivent pas affecter le droit du travail, c’est-à-dire les dispositions légales ou contractuelles « concernant les conditions d’emploi, les conditions de travail, y compris la santé et la sécurité au travail, et les relations entre les employeurs et les travailleurs ».
Ces exigences essentielles devraient donc s’imposer à tous les prestataires de services postaux, sans préjudice du statut de fonctionnaire du personnel de La Poste. Encore faudrait-il qu’une harmonisation vers le haut des diverses conventions puisse être réalisée dans toute la branche ou le secteur des activités postales, afin d’éviter tout « dumping social » !
Or des incertitudes demeurent à cet égard. Comme je l’ai déjà indiqué, la mise en place d’une convention collective dans le secteur des activités postales est loin d’avoir abouti. En l’absence d’une telle convention, nous avons de bonnes raisons de penser que, après l’ouverture totale à la concurrence, les concurrents de La Poste continueront à appliquer des conventions moins avantageuses.
Enfin, ce projet de loi compromet l’équilibre financier du régime de I’IRCANTEC. Or, à ce jour, rien n’a été prévu pour pallier les conséquences de cette réforme. En effet, alors que les fonctionnaires conserveront leur statut et les garanties d’emploi et de retraite afférentes, il n’en ira pas de même pour les 160 000 salariés contractuels, dont le régime va être modifié et qui vont, par conséquent, perdre le bénéfice de leur régime de retraite complémentaire. Que va-t-il se passer pour tous ces salariés ? La question reste sans réponse. Ils seront a priori affiliés à un régime beaucoup moins avantageux, avec des cotisations plus élevées pour des pensions plus faibles. De plus, l’affiliation de ces salariés à l’AGIRC-ARRCO aura des conséquences financières défavorables pour l’IRCANTEC, dont les contractuels de La Poste représentent environ 6 % de l’effectif cotisant et près de 30 % de la marge technique. L’IRCANTEC se trouvera donc gravement fragilisée, ce qui aura pour effet de remettre en cause les bénéfices escomptés de la réforme de 2008. Les conséquences du changement de régime risquent d’être désastreuses pour l’IRCANTEC si l’on devait transférer les agents concernés vers l’AGIRC et l’ARRCO.
Nous regrettons en outre que la commission des finances n’ait pas été saisie pour avis sur un projet de loi qui crée une société anonyme par actions, avec à la clé l’annonce d’une augmentation de capital de 2,7 milliards d’euros, dont 1,2 milliard d’euros seraient apportés par l’État et 1,5 milliard d’euros par la Caisse des dépôts et consignations.
Nous nous interrogeons, par ailleurs, sur la provenance des fonds mobilisés par l’État, à l’heure où les contraintes qui pèsent sur son budget, d’un côté, et les charges de la dette, de l’autre, laissent peu de marges de manœuvre financières. Dans l’hypothèse où la Caisse des dépôts et consignations participerait à l’augmentation de capital pour répondre aux besoins de financement de La Poste et assurer ainsi son développement, rien ne l’empêcherait de revendre sa part d’actions à tout moment. Il est d’ailleurs perceptible, au travers de ses dernières interventions, que la CDC semble cantonner son rôle à l’apport d’une aide transitoire à certaines entreprises en difficulté et/ou présentant un intérêt stratégique pour la France ; en aucun cas elle n’a vocation à demeurer perpétuellement au capital de l’entreprise à laquelle elle apporte des moyens de financement.
La commission des finances aurait encore eu son mot à dire sur la mise en place du fonds de compensation alimenté par l’ensemble des opérateurs postaux, au prorata de leur chiffre d’affaires. Son avis nous paraît tout aussi nécessaire sur l’amendement portant l’abattement, au titre de la taxe professionnelle, de 85 % à 100 % pour financer le fonds de péréquation, puisqu’il est prévu que la différence soit compensée, à due concurrence, par la dotation globale de fonctionnement.
De plus, de sérieux doutes existent quant à la possibilité de préserver le caractère public du capital de l’entreprise en cas d’abandon du statut d’établissement public. En effet, nous savons bien quelle évolution ont connue les grandes entreprises publiques ayant été soumises au même processus de transformation en SA : à terme, cela a abouti à leur privatisation. La fusion intervenue entre GDF et Suez illustre bien ce mouvement de privatisation. Le Gouvernement se défend de vouloir suivre cet exemple, arguant que la comparaison avec GDF n’est pas pertinente ; nous dirons simplement, à ce stade, que nous ne sommes pas dupes. J’ajouterai, en guise de démonstration supplémentaire, que de nombreux États ayant privatisé leur poste ont vu dans cette opération le moyen de récupérer des fonds destinés à alléger leur dette. Est-ce que ce projet de loi concernant La Poste le permettrait aussi à terme ? La question est posée.
M. le rapporteur affirme que La Poste sera certes une entreprise, mais « pas comme les autres », avec un capital à 100 % public. Or, face au jeu de la concurrence et des marchés, difficilement contrôlable, comment garantir effectivement que cette entreprise demeurera « pas comme les autres » ?
Par ailleurs, quelle sera la rémunération des nouveaux actionnaires ? L’État, en tant qu’actionnaire, percevra-t-il des dividendes, alors qu’il ne compense pas intégralement, comme il le devrait, le surcoût lié aux missions de service public ? Comment utilisera-t-il ces nouveaux dividendes ponctionnés sur la société anonyme ? Quel sera le retour sur investissement exigé par la Caisse des dépôts et consignations ? Toutes ces questions mériteraient un débat.
Dans ce contexte, comment La Poste, devenue société anonyme, pourra-t-elle garantir le financement de ses quatre missions de service public, à savoir le service universel postal, la présence postale, le transport et la distribution de la presse, l’accessibilité bancaire ? Aucune garantie n’est en effet donnée quant à un financement suffisant et pérenne de La Poste.
Si le projet de loi maintient La Poste comme le prestataire du service universel pour une durée de quinze ans, on relève l’absence de moyens nouveaux pour assurer cette mission. La nouvelle société anonyme risque de se voir contrainte à réduire ses coûts, ce qui se traduira probablement par des suppressions d’emplois, ainsi que par un recul de la présence postale et de la distribution du courrier. Les exemples ne manquent pas à cet égard en Europe, où nombre de services publics voient leurs missions se réduire du fait d’un environnement concurrentiel.
Pour toutes ces raisons, nous demandons le renvoi de ce projet de loi à la commission des affaires sociales et à la commission des finances, compétentes pour donner leur avis sur les dispositions que je viens de rappeler.
Enfin, compte tenu de l’incidence que peut avoir le changement du statut sur l’aptitude de La Poste à exercer ses quatre missions de service public, nous considérons que le projet de loi devrait être renvoyé en commission spéciale, s’il devait advenir que les commission des affaires sociales et des finances ne soient pas saisies, comme nous le demandons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Je voudrais d’abord apporter une précision sur le mode de fonctionnement de notre assemblée : la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire est pleinement compétente en matière de services postaux. Elle a mené dans la plus grande transparence des auditions auxquelles les sénateurs membres du groupe d’étude postes et communications électroniques, que j’ai l’honneur de présider, ont participé. Je remercie d’ailleurs ceux de nos collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, qui ont assisté à ces nombreuses auditions ; ils ont ainsi pu se forger une opinion très précise sur les diverses questions abordées, notamment celle des retraites. Il aurait été bon que tous les intervenants sur ce sujet aient entendu les représentants de l’IRCANTEC et de l’AGIRC-ARRCO, car cela aurait peut-être permis que les appréciations soient un peu plus nuancées…
Le temps est maintenant venu de passer à l’examen du projet de loi et des amendements.
M. Guy Fischer. Ah non !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. La commission ne pouvant souscrire à la motion présentée par le groupe socialiste, elle émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre. Je souhaite formuler une remarque de fond.
Monsieur Teston, l’équilibre financier de l’IRCANTEC ne sera nullement mis en péril. En effet, un amendement déposé par le groupe UMP prévoit expressément un mécanisme financier de compensation au profit de cet organisme, afin de prendre en compte le fait que s’il conservera les salariés actuels de La Poste, les nouveaux salariés relèveront pour leur part de l’AGIRC-ARRCO.
Mme Annie David. Et voilà !
M. Christian Estrosi, ministre. Par ailleurs, en ce qui concerne les droits des fonctionnaires, le groupe du RDSE a déposé un amendement tendant à créer un dispositif de prévoyance santé au bénéfice de ces derniers, ce qui représente une garantie supplémentaire pour les agents de La Poste.
Au bénéfice de ces éclaircissements, il me semble que la motion tendant au renvoi à la commission n’a plus de raison d’être. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 541, tendant au renvoi à la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 12 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.
M. Guy Fischer. Ce rappel au règlement porte sur l’organisation de nos travaux.
Selon les indications fournies par M. le président Larcher sur la suite de nos travaux, le Sénat devrait débuter la discussion des articles du présent projet de loi avant l’examen de la motion référendaire, demain matin. Cette proposition me semble incongrue, monsieur le président : il s’agit d’un non-sens constitutionnel évident.
Vous me rétorquerez que le règlement le permet. Mais comment imaginer que l’on puisse commencer l’examen du corps d’un texte alors que le Sénat n’a pas encore décidé de sa propre compétence pour débattre de ce dernier et surtout pour le voter ?
En effet, l’adoption de la motion référendaire déposée sur le présent projet de loi signifierait que le Sénat a décidé que le peuple est souverain pour engager l’avenir de La Poste et que ni un individu, ni une institution ne saurait le faire à sa place.
Le débat parlementaire n’est pas un jeu de dupes. L’opposition sénatoriale a pris une décision rare, visant à permettre au Sénat de se dessaisir au profit du peuple tout entier. Une telle initiative mérite respect : il s’agit non pas d’une manœuvre procédurière pour gagner une heure ou deux de débat, mais d’un acte citoyen répondant à l’attente d’une population qui rejette massivement ce projet gouvernemental de libéralisation de La Poste.
Monsieur le président, mes chers collègues, il n’est donc ni sérieux, ni légitime, ni conforme à l’esprit de la Constitution et de notre règlement de débuter maintenant la discussion des articles. Je demande solennellement, par conséquent, la suspension de ce débat jusqu’après l’examen de la motion référendaire. En tout état de cause, je sollicite une suspension de séance immédiate, afin de permettre à chacun des groupes, mais plus particulièrement à ceux de l’opposition, de faire le point sur les arguments avancés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour un rappel au règlement.
M. Patrice Gélard. Je suis en total désaccord avec l’interprétation de M. Fischer, qui ne repose sur aucun argument juridique fondé.
M. Adrien Gouteyron. Évidemment !
M. Patrice Gélard. Des précédents existent. Par le passé, sous le gouvernement de M. Jospin, nous avons nous aussi, alors que nous étions dans l’opposition, déposé des motions référendaires, qui n’ont même pas été examinées par l’Assemblée nationale après avoir été adoptées par le Sénat… En tout état de cause, nos travaux s’étaient poursuivis jusqu’à ce que ces motions puissent être discutées. Je demande donc simplement que cette jurisprudence s’applique aujourd'hui. Dans l’hypothèse où la motion référendaire serait adoptée, nous devrions naturellement suspendre nos travaux sur le présent texte.
Je rappelle en outre qu’il n’appartient pas au Sénat de décider seul dans cette affaire ; l’Assemblée nationale doit aussi se prononcer.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne change rien !
M. Patrice Gélard. Le Sénat peut certes demander l’organisation d’un référendum, mais pas seul !
Je demande donc que nous poursuivions nos travaux. Demain matin, nous examinerons la motion référendaire : si elle est adoptée, l’examen du projet de loi sera interrompu. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour un rappel au règlement.
M. Michel Teston. J’ai bien écouté les propos de nos collègues Guy Fischer et Patrice Gélard, et c’est avec le premier d’entre eux que je me sens en phase. (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard César. Quelle surprise !
M. Michel Teston. J’espère que vous m’accordez ce droit, chers collègues de la majorité !
Nous allons aborder l’examen des articles du projet de loi. Or, si demain matin, au terme de nos débats, un certain nombre de membres de la majorité sénatoriale, convaincus qu’il faut s’en remettre au peuple, acceptent de voter avec nous, nous aurons travaillé pour rien ce soir,…
M. Adrien Gouteyron. Ce ne serait pas dramatique ! Le travail ne nous fait pas peur !
M. Michel Teston. … et surtout montré que nous ne faisons guère cas de l’avis du peuple.
Il me semble donc absolument indispensable de satisfaire la demande formulée par M. Fischer. En tout cas, pour ce qui nous concerne, nous la soutenons pleinement. J’ignore si le règlement du Sénat prévoit que nous puissions voter sur ce point, mais cette proposition me paraît excellente. Monsieur le président, pour que nous puissions en discuter entre nous, ne serait-il pas opportun de suspendre quelques instants la séance ?
M. le président. Mes chers collègues, je vous ai écoutés avec intérêt. En tant que président de séance, je ne vois pas de raison d’interrompre nos travaux. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) M. le président du Sénat m’a indiqué tout à l’heure qu’il avait fait valider par les présidents des groupes politiques les modalités suivantes d’organisation de nos débats : à la suite du rejet des trois motions de procédure s’engagerait la discussion du titre Ier du projet de loi, commençant par l’examen de vingt-sept amendements portant articles additionnels avant l’article 1er et par douze interventions sur celui-ci. M. le président du Sénat m’a demandé de respecter ce schéma et de lever la séance vers minuit, pour qu’elle puisse s’ouvrir demain matin à neuf heures trente. Je vous rappelle, monsieur Fischer, que nous avons évoqué cette question lors de notre déjeuner commun… (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)