M. Martial Bourquin. Non !
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Bourquin, vous le savez parfaitement, et je sais que vous le savez ! (Sourires.) Il faut aussi de temps en temps pouvoir parler. C’est l’objet de nos débats.
Oui, La Poste a un statut de société anonyme…
M. Martial Bourquin. Non, c’est un EPIC !
M. Guy Fischer. Vous anticipez, monsieur le ministre !
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Fischer, si vous ne me laissez pas terminer mes phrases, comment allons-nous pouvoir dialoguer ? Après, vous me direz que je ne vous parle pas !
M. Guy Fischer. Cela fait deux fois que vous parler de « société anonyme » !
M. Michel Mercier, ministre. Cet après-midi, le Sénat a voté l’article 1er, qui prévoit la transformation de La Poste en société anonyme.
M. Martial Bourquin. Ce n’est pas fait !
M. Michel Mercier, ministre. Ce texte doit bien entendu être soumis à l’Assemblée nationale, mais on retrouve ces dispositions dans de nombreux services publics, et il n’y a rien là de très novateur.
M. Repentin nous a dit que la concurrence ne nécessitait pas un changement de statut. Je ne veux pas revenir sur cette question parce que M. Repentin, qui est remarquablement intelligent…
M. Alain Fouché. C’est vrai !
M. Michel Mercier, ministre. … et au courant de toutes les choses de la vie publique, sait parfaitement que ce qui nous pousse à changer de statut, c’est non pas un problème de concurrence mais le régime des aides européennes. La Poste ayant besoin d’argent…
M. Martial Bourquin. Non !
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Bourquin, acceptez-vous de dialoguer ? Si vous devez être le seul à parler, je peux me taire !
M. Jean-Jacques Mirassou. Mais non !
M. Michel Mercier, ministre. Ce sera votre choix ! Mais vous avez exposé votre thèse, et j’expose maintenant la mienne. Si vous n’écoutez que la vôtre, vous penserez que vous avez raison même quand vous aurez tort ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
Il faut accepter d’écouter, de dialoguer, sinon cela ne marche jamais. Je suis pour le dialogue, je vous explique ma thèse, car vous avez déjà exposé la vôtre !
M. Martial Bourquin. Je ferai l’antithèse et quelqu’un fera la synthèse !
M. Michel Mercier, ministre. Moi, je suis toujours pour la synthèse, et c’est ce qui vous manque en ce moment ! (Sourires.)
M. Martial Bourquin. Nous, nous savons ce que c’est, la synthèse ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Mercier, ministre. Je voudrais simplement ajouter deux ou trois choses, qui marquent bien le caractère de service public de La Poste.
Vous nous avez dit que la Banque postale ne devait pas être une banque comme les autres.
M. Guy Fischer. Oui !
M. Michel Mercier, ministre. Je suis content du soutien de M. Fischer ! Oui, cette banque n’est pas comme les autres : 50 % de sa clientèle perçoit des minima sociaux. Elle est la seule à remplir cette mission d’accessibilité bancaire, et elle va continuer à le faire. Cette mission de service public sera en effet poursuivie.
Monsieur Teston, le financement des missions de service public est assuré ; nous en discuterons lors de l’examen des trois articles que j’ai rappelés tout à l'heure, notamment l’article 2 ter. La commission, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet, formulera des propositions, et nous trouverons une solution.
M. Michel Teston. Laquelle ?
M. Michel Mercier, ministre. Si vous voulez la connaître, il faut vous dépêcher d’arriver à l’examen de l’article 2 ter ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Nous sommes impatients !
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Patient, il est vrai que certains problèmes se posent dans les départements d’outre-mer, notamment en Guyane. Mais il y a tout de même au moins un bureau de poste par commune !
Monsieur Repentin, il y a montagne et montagne ! Vous le savez bien, en Savoie, c’est en haute montagne que La Poste fait ses meilleurs chiffres ! Elle n’a donc pas du tout envie d’en partir. D’ailleurs, je ne vous vois pas protester…
Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les éléments de réponse que je tenais à vous apporter. J’aborde toutes ces questions dans un esprit de dialogue et d’ouverture, et je suis certain que nous parviendrons tous ensemble à faire en sorte que La Poste, société anonyme, …
M. Martial Bourquin. Ah non !
M. Michel Mercier, ministre. … détenue uniquement par l’État et ses « excroissances », assure totalement ses missions de service public. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Nous demandons la suppression de l’article 2, article essentiel du projet de loi, qui consacre La Poste non plus comme un service public, mais comme une entreprise gérant, pour une partie de son activité, des missions de service public. Nous refusons cette transformation.
À y regarder de plus près, des raisons particulières justifient également notre demande de suppression, surtout lorsque l’on prend connaissance de vos propos sur les missions de service public, monsieur le ministre.
Tout d’abord, nous notons que les fameuses missions de service public sont placées au même niveau que les autres activités de La Poste. Nous aurions pu penser que, pour mettre l’accent sur ces missions, vous ayez décidé de les détailler dans un article spécifique. Eh bien non, ce n’est pas ce que vous avez fait ! Vous placez sur un pied d’égalité les missions de service public et les activités concurrentielles, financièrement rentables, de La Poste. Le risque de dérive est donc réel.
Ensuite, dans un langage froid et technocratique, vous réduisez la notion de service public à des missions, faisant l’impasse complète sur les objectifs et les moyens à mettre en œuvre pour les assurer.
En outre, cet article est rédigé comme si la définition du service universel relevait de la loi. Or, vous le savez bien, ce n’est pas si simple.
Si le service universel postal relève bien des articles L. 1 et L. 2 du code des postes et des communications électroniques, ceux-ci restent relativement généralistes et peu précis, à tel point d’ailleurs que le cinquième alinéa de l’article L. 2 prévoit qu’« un décret en Conseil d’État, pris après consultation de La Poste, et après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, précise les caractéristiques de l’offre de service universel que La Poste est tenue d’assurer ».
Ainsi, La Poste devenue entreprise privée, avec bientôt des actionnaires privés, participera à la définition des activités relevant du service universel ; il vous suffira donc de restreindre, par décret, le service universel. C’est dire les garanties de service public que vous nous donnez dans ce projet de loi !
Nous pourrions également détailler, point par point, toutes les dispositions incohérentes, imprécises et dangereuses que contient cet article, mais le temps qui nous est imparti pour défendre un amendement est trop court pour ce faire. Aussi y reviendrons-nous dans le cadre des explications de vote.
Quoi qu’il en soit, nous demandons à bon droit la suppression de l’article 2.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. L’article 2 vise à conforter les quatre missions de service public de La Poste, en les regroupant dans un même article. Pourquoi vouloir supprimer l’article 2 quand on est attaché au service public ?
Comme M. le ministre vient de le souligner, les missions de service public de La Poste sont au nombre de quatre : le service universel postal, le service public du transport et de la distribution de la presse, la mission d’accessibilité bancaire et la mission d’aménagement du territoire.
Elles permettent à La Poste de ne pas être une entreprise comme les autres ; elle est l’emblème du service public à la française.
Le contenu de ces missions est défini dans diverses dispositions législatives, notamment dans l’article 2 de la loi du 2 juillet 1990. Comme l’a souligné voilà quelques instants M. le ministre, le Gouvernement n’avait nullement l’obligation de les rappeler ici ! Pourtant, il a fait le choix de renforcer et de sécuriser les missions de service public !
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui n’est pas nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Danglot, j’ai envie de vous dire : Chiche ! Supprimons l’article 2, ne faisons plus référence aux 17 000 points de contact et ne précisons plus le contrat de service public de La Poste !
Mais nous avons tous ici, me semble-t-il, envie d’approfondir ces questions, en garantissant notamment le maintien des 17 000 points de contact et en prévoyant le financement de la mission d’aménagement du territoire.
Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut être que défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Danglot. À mon avis, il faut surtout supprimer votre projet de loi, monsieur le ministre ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Fouché. C’est un peu rapide…
M. Jean-Claude Danglot. En défendant cet amendement, j’ai insisté sur la définition froide et technocratique des missions de service public et sur le fait que vous faites complètement l’impasse, monsieur le ministre, sur les moyens à garantir pour mettre en œuvre le service universel postal. Ce n’est pas un oubli, nous vous le concédons.
En réalité, vous ne souhaitez pas du tout engager le débat sur ce terrain, qui, je le sais, ne relève pas de la loi ; mais celui-ci concerne pourtant la vie de nos concitoyens et la qualité des services que La Poste est appelée à leur rendre.
Aussi importante que soit la nécessaire définition des actes que recouvrent ces missions, un service public ne saurait se définir seulement ainsi. Il importe également de prévoir la manière de le mettre en œuvre. Il s’agit, par exemple, de prendre en considération le fait que les acteurs de ce service public sont bien en permanence au service de leur public, c'est-à-dire des usagers et non des clients, auxquels on ne fait que rendre le service qu’ils ont payé.
Être à la disposition d’un usager, dans le cadre d’un service public, c’est être à son écoute et être disponible pour l’aider. Ainsi, tant dans les campagnes qu’en ville, nous savons tous que le facteur joue un rôle essentiel. Il fait bien plus que de distribuer le courrier six jours sur sept, comme le prévoit le service universel. Il ne se contente pas toujours de glisser la lettre dans la boîte ; parfois, il sonne et attend que le citoyen habitant à cette adresse vienne à sa rencontre, parce qu’il sait que celui-ci a, par exemple, des problèmes de vue. Aussi, pour lui rendre service – ce fameux service désintéressé et non rentable –, il lui lira quelquefois la lettre ou la carte qu’il lui a apportée. S’agit-il là d’une mission de service universel ? Non, nous le savons ! Cette pratique existe-t-elle encore à La Poste ? Oui, nous pouvons en témoigner, et c’est ce lien social qui est indispensable ! Est-elle appelée à perdurer dans le cadre du changement de statut de La Poste ? Non, car la recherche de l’efficacité et de la rentabilité imposera sa disparition !
Au nom du maintien et du développement d’un vrai service public, disposant des moyens permettant sa mise en œuvre au plus près des besoins et des attentes de nos concitoyens, de tous nos concitoyens, je refuse d’entériner cette restriction du service public postal enfermé dans les définitions froides d’un service universel, totalement déshumanisé.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. Ce projet de loi s’inscrit dans un contexte de libéralisation totale des activités postales, et l’article 2 en tire les conséquences.
La mention « service public des envois postaux » disparaît. On bascule du service public au service universel, en nous faisant croire que l’on parle de la même chose. Or, en réalité, on remplace le service public par des groupes privés en concurrence et aux marges du marché, qui assureront quelques prestations obligées, mais minimales, au titre du service universel.
Le service universel, c’est en réalité le service au rabais pour les plus démunis.
Monsieur le ministre, les missions de service public de La Poste sont rappelées dans l’article 2 du projet de loi, mais la question de leur financement n’est jamais abordée. Croyez-vous que les opérateurs privés s’en soucieront ? Croyez-vous que La Poste, société anonyme, privilégiera la rentabilité sociale au détriment de la rentabilité financière ?
Avec ce projet de loi, vous mettez encore une fois en œuvre votre projet politique, qui ne se soucie pas de satisfaire les intérêts de notre pays et de la majorité de la population.
Votre objectif est de couler notre pays dans le moule libéral, celui où s’appliquent, sans entrave, les orientations de l’Organisation mondiale du commerce pour la libéralisation des services, celui qui obéit à l’Accord général sur le commerce des services, en vertu duquel toutes les activités humaines doivent être soumises à la concurrence.
L’entreprise publique, débridée par les politiques communautaires et encouragée par le Gouvernement, a commencé à mener une politique néfaste pour les usagers et les personnels.
La mission de contribution de La Poste à l’aménagement et au développement du territoire constitue un exemple inquiétant de la dégradation du service public postal. Il est de la responsabilité du Gouvernement d’assurer un contenu substantiel aux services publics. Or les politiques qu’il conduit ne cessent, au contraire, de les vider de leur contenu !
En tant que parlementaires, nous devons défendre ces territoires et leur avenir. La Poste n’est pas une entreprise comme les autres. Sa force, c’est son réseau ! Son atout, c’est la proximité ! Quelle entreprise peut s’appuyer sur un tel réseau ?
Ce projet de loi acte l’ouverture totale à la concurrence, la fin du secteur réservé, et prépare la privatisation de l’exploitant public La Poste. Il pèse donc lourd sur l’avenir du service public postal français.
Dans ce contexte de libéralisation totale et de marchandisation des activités postales, l’article 2 n’a plus beaucoup de sens. (Très bien ! sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 33 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 224 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 113 |
Pour l’adoption | 37 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 195 rectifié, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 2 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 2. - La Poste a pour objet, selon les règles propres à chacun de ses domaines d'activité, contenues notamment dans le code des postes et des communications électroniques :
« - d'assurer, dans les relations intérieures et internationales, le service public du courrier sous toutes ses formes, ainsi que celui du transport et de la distribution de la presse bénéficiant du régime spécifique prévu par le code des postes et télécommunications ;
« - d'assurer, dans le respect des règles de la concurrence, tout autre service de collecte, de transport et de distribution d'objets et de marchandises ;
« - d'offrir, dans le respect des règles de la concurrence, des prestations relatives aux moyens de paiement et de transferts de fonds, aux produits de placement et d'épargne, à la gestion des patrimoines, à des prêts d'épargne-logement et à tous produits d'assurance. La Poste gère le service des chèques postaux et contribue au développement de l'épargne populaire, notamment par la collecte du Livret A. Elle participe ainsi à la lutte contre l'exclusion bancaire et à la mise en place du droit au compte défini au titre Ier du livre III du code monétaire et financier. À cet effet, elle est partie prenante d'un pôle financier public l'associant à la Caisse des dépôts et consignations, au réseau des caisses d'épargne, à OSEO et à tout établissement financier doté d'une mission de service public. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Avec cet amendement, nous procédons en fait à la réécriture intégrale du texte de l’article 2 pour revenir au texte originel de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et à France Télécom.
Dans un premier temps, je me limiterai à un exemple, compte tenu du temps qui nous est imparti, mais je reviendrai sur ce sujet à l’occasion d’une explication de vote.
Mon exemple concerne l’un des aspects du service attendu pour La Poste : celui de la distribution de la presse.
Tel qu’il nous est proposé sur cette question, le texte de l’article 2 est ainsi rédigé : « La Poste et ses filiales constituent un groupe public qui remplit des missions de service public et exerce d’autres activités dans les conditions définies par la présente loi et par les textes qui régissent chacun de ses domaines d’activité. ».
Sous ces dehors apparemment simples se dissimule, en fait, une certaine conception du rôle et des missions de La Poste qui s’éloigne, lentement mais sûrement, des critères habituels du service public tels que soixante années les ont précisés depuis l’adoption de la Constitution de 1946 et la traduction, dans les faits, d’une bonne part du programme du Conseil national de la Résistance.
En effet, dans sa rédaction encore en vigueur, l’article 2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et à France Télécom est ainsi libellé : « La Poste et ses filiales constituent un groupe public qui remplit, dans les conditions définies par les textes qui régissent chacun de ses domaines d’activité, des missions d’intérêt général et exerce des activités concurrentielles. ».
Je ne peux évidemment que vous inviter à vous référer au texte initial de la loi de 1990, qui indiquait encore : « La Poste a pour objet, selon les règles propres à chacun de ses domaines d’activité, contenues notamment dans le code des postes et télécommunications […] ».
Nous sommes donc passés d’une législation sur mesure, en quelque sorte, tenant compte des spécificités de La Poste et s’appuyant sur les termes du code des postes et télécommunications, à une rédaction – celle qui nous est aujourd’hui proposée – dans laquelle les missions de service public deviennent l’accessoire et où, de fait, l’essentiel réside dans les activités strictement et totalement ouvertes à la concurrence, avec l’application du code du commerce, avant toute autre considération.
Nous ne voulons aucunement de cette apparence de service public, de ce qui semble avoir l’aspect du service public mais qui ne fait que consacrer la réduction des missions de service public au strict minimum et laisse la porte ouverte à sa disparition programmée.
Nous vous proposons également, dans cette nouvelle rédaction, la participation de La Poste avec la Banque postale à ce que l’on appelle un pôle public financier ; mais j’y reviendrai lors de mon explication de vote !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cette rédaction soulève deux difficultés.
D’abord, s’agissant notamment des références aux autres dispositions législatives, elle est moins précise que celle qui a été adoptée par la commission.
Ensuite, elle supprime la mention de la mission d’aménagement du territoire de La Poste.
Je suis, pour ma part, très attaché au réseau de points de contact de La Poste ; aussi, je ne peux être qu’opposé à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Je partage tout à fait l’avis du rapporteur. Je suis hostile à cet amendement, car il ne reprend pas la mission d’aménagement du territoire de La Poste, pourtant essentielle.
Mme Éliane Assassi. Ah, si cela ne tient qu’à ça !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Sans doute aurait-il fallu rectifier à nouveau cet amendement. Cela prouve bien que nous n’avons pas eu assez de temps pour travailler sur ce texte…
Cet amendement, qui porte aussi sur l’intégration de la Banque postale dans le périmètre de la société mère, La Poste, comporte quelques aspects particuliers sur lesquels je souhaite revenir.
La Banque postale a une mission de service public qui est résumée, au sein de cet article 2, par un alinéa très bref.
La mission de service public de la Banque postale, telle qu’elle peut lui être déléguée par La Poste, ne porte pas sur la gestion de comptes courants sécurisés et liquides pour une clientèle d’entreprises et de particuliers.
M. Claude Biwer. Heureusement !
Mme Marie-France Beaufils. Elle ne porte pas sur la mise à disposition du public de prêts immobiliers à vocation écologique, de prêts particuliers, de conventions d’assurance au moindre coût.
Elle ne porte pas plus sur le développement des produits d’épargne-logement, alors même que l’acquisition de logements constitue un facteur essentiel de la politique gouvernementale.
En fait, dans le projet de loi, le service public assumé par la Banque postale est strictement limité à une accessibilité bancaire qui s’arrête à la prise en compte, par La Poste, de l’ensemble des déposants de l’épargne populaire dont personne d’autre ne veut « gérer » la clientèle. Pour aller vite, même si l’on peut s’enorgueillir de cet état de choses, c’est l’accueil des clients effectuant des retraits bien souvent inférieurs à dix euros qui constitue la mission de service public de la Banque postale !
Nous n’avons pas la même conception du service public de la Banque postale. Nous souhaiterions une vision moins rabougrie et misérabiliste du service public. Aujourd’hui, en effet, on laisse au public ce qui ne « rapporte » pas et l’on ouvre à la concurrence ce qui peut « rapporter », en attendant que la concurrence finisse par racheter les activités dites « profitables » !
Nous défendons aussi pour la Banque postale, et plus précisément pour les services publics financiers de La Poste, une autre vision.
Il existe, niché dans notre droit financier, et pratiquement inconnu du grand public, un droit au compte pour les personnes qui, encore aujourd’hui, dans notre pays, sont dépourvues de compte bancaire.
Nous estimons que la nature publique de La Poste peut pleinement justifier qu’une mission de service public lui soit accordée pour lui permettre d’être le dépositaire naturel de l’exercice de ce droit au compte. C’est là une différence entre la conception que vous présentez et la nôtre.
Nous voulons également faire de La Poste l’élément d’un véritable pôle public financier, lequel associerait, entre autres, La Poste, la Caisse des dépôts et consignations, le réseau des Caisses d’épargne et celui de l’établissement public industriel et commercial destiné au financement des PME, OSEO, pour accomplir des missions de service public et d’intérêt général.
Outre les missions de service public que La Poste assume pour l’heure et assumera demain, j’en viens à quelques observations sur les champs dans lesquels cette intervention de service public doit intervenir.
Le premier champ est celui de la construction de logements, notamment de logements locatifs sociaux comme de logements en accession sociale. Ce qui est déjà en grande partie accompli avec la centralisation des dépôts du Livret A dans le fonds d’épargne géré par la Caisse des dépôts et consignations serait encore plus pertinent si l’on pouvait, dans le droit fil de la constitution de ce pôle, permettre aux ménages de disposer d’un volume de prêts immobiliers d’accession moins coûteux qu’aujourd’hui.
Le deuxième champ est celui du financement des petites et moyennes entreprises. Il peut se faire dans le cadre de la mise à disposition d’une enveloppe de prêts à taux d’intérêt réduit distribués sur des ressources centralisées dans le même fonds d’épargne que précédemment.
Le troisième champ, que nous estimons bienvenu pour ce pôle public financier, c’est celui des économies d’énergie et de la réalisation des objectifs du Grenelle de l’environnement, notamment pour les bâtiments publics et pour les logements privés.
Nous pourrions évidemment assigner à ce pôle public financier des missions précises de service public : par exemple, gérer l’encours de 40 milliards, 50 milliards ou encore 100 milliards d’euros du fameux grand emprunt, idée reprise par le Président de la République, notamment pour financer les projets de grandes infrastructures dont notre pays a besoin pour connaître un nouveau développement économique et social.
Voilà ce que je voulais ajouter sur cet amendement, auquel il manque peut-être la dimension d’aménagement du territoire, je le reconnais, mais qui a surtout pour objet d’insister sur la création du pôle public financier.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Cet article 2 consacre la réduction des missions de service public de La Poste au strict minimum.
Si nous devions nous résumer quant à la situation posée par le projet de loi, nous pourrions le faire ainsi.
Nous allons avoir demain, en lieu et place d’un exploitant public dont on aura transformé la nature juridique, une société anonyme dont le capital sera, dans un premier temps, totalement détenu par l’État et d’autres personnes morales de droit public.
Cette définition vise évidemment, de manière expresse, la Caisse des dépôts et consignations, bras séculier de l’État en bien des situations, Caisse dont on attend, le moment venu, qu’elle apporte pour 1,2 milliard d’euros de capital dans la nouvelle entité.
Au moment de la création de la société anonyme à capitaux publics, appliquant évidemment les règles du code du commerce avant toute autre règle – et c’est là que les ennuis commencent ! –, une partie du capital définie comme minoritaire sera distribuée auprès du personnel de la Poste et de ses filiales. On peut supposer que cet actionnariat populaire obligé, appelé à renforcer le noyau dur des détenteurs du capital, sera fort heureux de traduire les gains de productivité qui lui seront imposés en dividendes particulièrement généreux plutôt qu’en augmentations de salaires ou de primes. On peut objectivement s’attendre à quelque chose comme 3 % ou 4 % de la valeur de l’action de La Poste SA en dividendes, ce qui laisse augurer une haute profitabilité !
Après ces considérations, parlons un peu des missions de service public.
Le service public universel du courrier ? Il est apparemment limité à la seule circulation du courrier de caractère administratif.
L’accessibilité bancaire et la prévention de l’exclusion ? Elles sont manifestement limitées à la seule diffusion d’une sorte de Livret A du pauvre, sans même prise en compte de l’application du droit au compte.
Le réseau des points de contact ? Il est de plus en plus appelé à se généraliser en agences postales communales ou en simples Relais Poste chez les commerçants, avec le risque évident de réduction de la qualité et de la quotité des opérations que les usagers pourront accomplir dans ces points de contact.
Le transport et la distribution de la presse ? Il est de plus en plus à la charge quasi exclusive de La Poste, du simple fait que l’État a décidé, dans les années à venir, de réduire la part du budget de la mission Médias destinée à financer cette mission d’intérêt général pourtant évident.
Tant pis pour la démocratie et la diffusion de toutes les idées : la régulation budgétaire passe avant tout le reste !
Nous ne voulons pas d’un statut public pour un service public rabougri et réduit à sa plus simple expression, nous n’en voulons pas ! C’est aussi pour ces motifs que nous vous proposons d’adopter cet amendement 195 rectifié.