Article 10
Après l’article 32-2 de la même loi, il est inséré un article 32-3 ainsi rédigé :
« Art. 32-3. – La Poste peut procéder à des attributions gratuites d’actions dans les conditions prévues par les articles L. 225-197-1 à L. 225-197-5 du code de commerce, sous réserve des dispositions du III. – de l’article 32 de la présente loi. Ces attributions peuvent bénéficier également aux personnels de La Poste mentionnés aux articles 29 et 44 de la présente loi. À l’expiration de la période d’acquisition mentionnée au cinquième alinéa du I de l’article L. 225-197-1 du code de commerce, les actions attribuées gratuitement sont apportées à un ou plusieurs fonds communs de placement d’entreprise. L’obligation de conservation prévue au même I est applicable aux parts du fonds commun de placement d’entreprise reçues en contrepartie de l’apport.
« Pour l'attribution gratuite d'actions mentionnée au premier alinéa, la valeur de la société est fixée et rendue publique dans les mêmes conditions que celles prévues au troisième alinéa du III de l’article 32 de la présente loi. En outre, dans le même délai d'un mois à compter de sa saisine par le ministre chargé de l'économie, la Commission des participations et des transferts peut s'opposer à l'opération si les conditions de celle-ci ne sont pas conformes aux intérêts patrimoniaux des personnes publiques. L'opposition de la Commission est rendue publique. Les actions gratuites doivent être attribuées au plus tard soixante jours après la date de l'évaluation. »
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, sur l'article.
Mme Mireille Schurch. L’article 10 du projet de loi prévoit la possibilité pour La Poste de procéder à des attributions gratuites d’actions au personnel fonctionnaire comme au personnel contractuel. Nous venons d’en débattre. Les précisions apportées par M. le ministre ne nous ont toujours pas convaincus.
Nous nous opposons à cette possibilité, non pas pour priver les salariés d’une source de revenus supplémentaires, mais parce que ce dispositif est pervers.
Ainsi, l’attribution gratuite d’actions au personnel d’une société anonyme est régie par les articles L. 225-197-1 et suivants du code de commerce. Ces articles instituent une « période d’acquisition », dont la durée est au moins égale à deux ans, au terme de laquelle l’attribution est définitive pour les bénéficiaires. L’assemblée générale extraordinaire fixe la durée minimale de l’obligation de conservation de ces actions, qui est au moins égale à deux ans, sauf si la période d’acquisition est supérieure à quatre ans. Ces actions sont ensuite apportées à un ou plusieurs fonds communs de placement d’entreprise. Ce fonds constitue un outil de gestion de l’épargne salariale.
Or, s’il est ici principalement question d’épargne salariale, nous préférons que celle-ci soit rendue possible par des augmentations de salaire et non par des dispositifs aléatoires – nous l’avons dit précédemment –, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, ces actions ouvrent la porte à la privatisation, car, à l’issue de ces périodes de « probation », rien n’empêche ces salariés de céder leurs actions à d’autres personnes, et nous n’éviterons pas alors l’arrivée de capitaux privés. C’est pour cette raison que je renouvelle la demande formulée par ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat d’inscrire dans la loi qu’un décret précisera les conditions dans lesquelles les cessions d’actions ne peuvent se faire que sous la forme d’échanges entre les salariés eux-mêmes, car, je le répète, nous n’avons pas été convaincus par les précisions qui nous ont été apportées par M. le ministre.
Ensuite, la situation salariale au sein de l’entreprise La Poste démontre la nécessité absolue d’augmenter les salaires, comme les syndicats le réclament régulièrement. Or l’actionnariat salarié justifie la plupart du temps une stagnation des salaires.
Dès lors, comment ne pas établir un lien entre actionnariat salarié et ouverture du capital ?
La question de l’actionnariat salarié suppose un préalable : l’ouverture du capital. Or, l’entrée d’intérêts privés dans une entreprise publique s’accompagne toujours de l’arrivée de nouveaux objectifs : rentabilité financière, retour rapide sur investissements, focalisation sur le court terme, hausse du cours de Bourse. Ces critères entraînent leur lot de suppressions d’emploi, d’externalisations, de délocalisations, de remise en cause des garanties sociales, de détérioration du service public, notamment en termes de continuité de fourniture et de sécurité. Les exemples sont très nombreux, ils vont de la dérive de France Télécom au retard du remplacement des canalisations de gaz en fonte pour GDF.
De plus, la possibilité ouverte par cet article de faire des salariés de petits actionnaires ne permettra pas de donner une dimension citoyenne à cette entreprise. Ceux-ci ne seront pas mieux associés à la politique de l’entreprise parce qu’ils deviendront, de manière minoritaire, actionnaires de l’entreprise.
Pour toutes ces raisons, nous demanderons la suppression de cet article.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 70 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 308 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L'amendement n° 510 rectifié est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Le Cam, pour présenter l’amendement n° 70.
M. Gérard Le Cam. Par cet amendement, nous entendons nous opposer à l’article 10, qui prévoit l’attribution d’actions de la société anonyme La Poste aux agents contractuels et aux fonctionnaires.
Quelle vieille lune que ce mécanisme d’intéressement – car c’est de cela qu’il s’agit ! – selon lequel on valoriserait le mérite des salariés en leur attribuant des actions, qui ont, par nature, une valeur fluctuante !
Agir ainsi, c’est, d’abord et avant tout, méconnaître les aspirations réelles des salariés, à commencer par la première d’entre elles : la reconnaissance du travail qu’ils effectuent à sa juste valeur au travers d’une revalorisation de leurs salaires.
Monsieur le ministre, les salariés ne sont pas dupes, ils savent que l’intéressement, au moyen de l’attribution d’actions gratuites, est synonyme, pour l’avenir, de gel des salaires. Ces mécanismes, très inspirés du secteur privé, attestent de votre volonté réelle de privatiser progressivement La Poste.
Par ailleurs, cette disposition nous semble incompatible avec l’engagement de préserver le caractère 100 % public du capital de la société anonyme La Poste.
Certes, nous nous en doutions, les salariés ne peuvent pas être titulaires de la majorité des actions de La Poste, mais je vous précise, monsieur le ministre, que cette disposition fait sourire ceux que nous avons rencontrés, quand elle ne les offense pas !
En réalité, vous ne prévoyez pas, et c’est significatif, ce qui se passera après la période de deux ans durant laquelle les salariés ne peuvent pas céder leurs actions. Pourtant, c’est une question importante. Pourront-ils céder leurs actions à des tiers non salariés ? Cette question vient d’ailleurs à l’instant d’être débattue. Pourront-ils les céder demain à des entreprises commerciales qui pourraient progressivement devenir majoritaires dans le capital de la société anonyme La Poste ?
Bref, au delà de notre opposition à l’attribution d’actions gratuites, qui va contre l’intérêt des comptes sociaux et celui des salariés, nous sommes hostiles à la privatisation complète de La Poste.
Vous auriez dû prévoir un mécanisme de rachat des actions par l’État ou par La Poste elle-même. En tout cas, il aurait été un peu plus rassurant de prévoir qu’il sera impossible de céder des actions à des personnes physiques autres que les salariés de La Poste. Certes, vous avez tenté tout à l'heure de nous apporter des garanties concernant le rachat d’actions, en nous renvoyant à un décret, mais, monsieur le ministre, il serait souhaitable de le mentionner clairement dans la loi.
L’ambiguïté de cette disposition n’est pas acceptable, et l’article 10 va à contre-courant des besoins de notre protection sociale, qui veut que l’ensemble des éléments directs ou indirects du travail soient soumis à l’ensemble des contributions sociales. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 10.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 308.
M. Jean Desessard. L’article 10 tel qu’il est rédigé permet à La Poste d’attribuer gratuitement des actions à ses personnels, conformément aux dispositions du code de commerce.
Pourtant, le capital de La Poste n’a pas vocation à faire l’objet de quelque ouverture que ce soit, tant la nature de sa mission est par essence publique.
En effet, comment concilier actionnariat – et donc rentabilité – avec les missions de service public de cet établissement ? À mon sens, c’est tout simplement impossible. En intégrant une notion de rentabilité, on supprime la dimension sociale et sociétale de La Poste.
Monsieur le ministre, votre proposition peut sembler louable, mais pensez-vous que les salariés de La Poste, dont le salaire moyen s’élève à environ 1 200 euros, auront à cœur de faire fructifier leurs actions ? Ils souhaiteraient plutôt avoir une augmentation de salaire et poursuivre leur mission de lien social en offrant aux usagers un service public digne de ce nom et efficace.
Avec l’adoption de cet article, les fonctionnaires employés par La Poste pourront bénéficier de l’attribution d’actions dans les mêmes conditions que les salariés.
À première vue, et dans un souci d’équité, cette disposition peut paraître positive, mais, comme je viens de l’indiquer, comment croire que des employés aux revenus modestes seront plus intéressés par des actions placées sur des fonds communs de placement d’entreprise, où les conditions de récupération des fonds sont plus que draconiennes, que par des augmentations de salaire ?
Sous couvert d’intentions louables, il ne faudrait pas que ces actions soient, pour le fonctionnaire ou le salarié, un motif de non-augmentation du salaire ou de négociation du salaire lors d’une embauche.
L’ensemble des obligations qui pèsent sur La Poste – un service continu, égal sur tout le territoire, sans distinction d’origine, d’appartenance sociale ou politique ou syndicale – impose un statut public et de fortes garanties déontologiques, incompatibles avec la notion de rentabilité.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour présenter l'amendement n° 510 rectifié.
M. Daniel Raoul. Conséquence directe de l’article 1er de ce projet de loi, l’article 10 prévoit les modalités relatives à l’actionnariat salarié.
Avec le dispositif proposé, La Poste pourra procéder à des attributions gratuites d’actions à ses salariés. Toutefois, la deuxième phrase de l’alinéa 2 mentionne que « ces attributions peuvent bénéficier également aux personnels de La Poste mentionnés aux articles 29 et 44 de la présente loi ». Quid de ces autres personnels ? Quelles sont les modalités d’attribution ? Selon quelles conditions ?
Nous nous opposons à cet article pour deux raisons principales.
Tout d’abord, le fait de réserver une part du montant du capital – dont nous n’avons aucune idée précise – aux salariés du groupe va à l’encontre du principe même du capital détenu à 100 % par des personnes morales publiques, mais je ne reviens pas sur cette question.
Vous reconnaîtrez avec moi, monsieur le ministre, que les salariés de La Poste ne sont ni l’État ni des personnes morales de droit public, et encore moins leurs ayants droit.
À l’issue de la période obligatoire de conservation, que se passe-t-il ? À qui ces titres vont-ils aller ? Quelle garantie avons-nous qu’ils appartiendront, de nouveau, à l’État ou à une personne morale de droit public ?
Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l'heure que ces questions relèvent du domaine réglementaire. Alors, afin d’éviter la fameuse dissémination d’actions que j’ai évoquée tout à l'heure, inscrivons dans la loi qu’un décret fixera les conditions de transmission de ces actions.
Tel est le sens de l’amendement rectifié que nous déposons suite à l’engagement pris par M. le ministre de régler le problème par voie réglementaire.
Il nous semble que l’actionnariat salarié présente plus de danger que de sécurité, à la fois pour l’entreprise et pour les salariés concernés.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à la mise en place de la cession gratuite d’actions, et cela quel que soit l’attributaire.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements identiques ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Ces trois amendements visent à supprimer l’article 10.
Je ne reviens pas sur les garanties que nous souhaitons apporter à l’intéressement.
Cet article a simplement pour objet de permettre à La Poste de procéder à des attributions gratuites d’actions. Pourquoi supprimer une telle possibilité, prévue pour le plus grand bénéfice des personnels et permettant à ces derniers de profiter du développement de l’entreprise ?
Par l’adverbe « également », monsieur Raoul, il faut peut-être comprendre que ces attributions gratuites d’actions peuvent bénéficier aussi aux fonctionnaires, ce qui n’est pas prévu par le code du commerce. Mais ces attributions visent exclusivement ces deux catégories de personnel. Les actions ne pourront bénéficier à d’autres. Je vous demande de nous faire confiance sur ce point. (M. Daniel Raoul fait un signe de dénégation.)
Il n’est pas possible de supprimer l’article 10, car cela reviendrait à supprimer l’actionnariat salarié par les attributions gratuites.
M. Daniel Raoul. Et alors ?
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. C’est ce qui nous différencie, monsieur Raoul !
M. Daniel Raoul. C’est exact !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre. Par ces trois amendements, vous proposez de supprimer l’article 10, qui prévoit la possibilité pour La Poste de réaliser des attributions gratuites d’actions à ses salariés. Le qualificatif est important et j’insiste sur la gratuité à l’intention de ceux qui affirment qu’il vaut mieux améliorer la rémunération. Il s’agit de deux sujets qui ne sont pas comparables !
M. Alain Gournac. Évidemment !
M. Christian Estrosi, ministre. Ces actions gratuites seront attribuées gratuitement aux salariés, qui pourront, ensuite, en disposer librement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ceux qui le pourront seulement ; c’est ce qui s’est passé à France Télécom !
M. Christian Estrosi, ministre. Je suis donc très surpris que vous proposiez de supprimer ce droit ouvert par le Gouvernement aux salariés et aux fonctionnaires de La Poste.
M. Alain Gournac. Moi aussi !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Dans cette discussion, il est vrai que nos collègues communistes font preuve de cohérence !
M. Alain Gournac. C’est sûr !
Mme Isabelle Debré. Permettez-moi de vous lire l’objet de l’amendement n° 70 : « Les auteurs de cet amendement sont opposés à l’intéressement des personnels. » Allez dire cela aux salariés de La Poste ; je ne suis pas certaine qu’ils seront d’accord !
Monsieur Desessard, vous avez parlé d’exploitation de l’homme par l’homme.
M. Jean Desessard. Oui, madame !
Mme Isabelle Debré. Permettez-moi de m’insurger contre de pareils termes.
L’actionnariat salarié a été mis en place voilà très longtemps par un homme qui s’appelait le général de Gaulle et qui, à mon avis, n’a jamais voulu exploiter les hommes ! Très franchement, je ne peux imaginer un seul instant qu’il ait voulu exploiter les autres.
M. Dominique Braye. C’est demain que l’on va fêter le vingtième anniversaire de la fin de l’exploitation de l’homme par l’homme !
Mme Isabelle Debré. Monsieur Raoul, cela m’a fait chaud au cœur de vous entendre dans cet hémicycle dire que vous étiez pour l’intéressement. J’en prends acte et j’espère que nous travaillerons ensemble lorsque le Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié, COPIESAS, qui a succédé au Conseil supérieur de la participation, CSP, continuera ses travaux.
Bien évidemment, le groupe UMP, dans son ensemble, votera contre la suppression de cet article. Dans les grandes sociétés, qu’elles soient cotées ou non, l’intéressement n’a pas vocation à se substituer à l’augmentation de salaire. D’ailleurs, dans les très grandes sociétés, les salaires sont augmentés alors qu’intéressement, participation, plan d’épargne pour la retraite collectif, ou PERCO, sont mis en place.
M. Alain Gournac. Eh voilà !
Mme Isabelle Debré. Enfin, les salariés de La Poste sont très heureux de pouvoir profiter de l’attribution d’actions gratuites. Je ne vois donc pas vraiment pourquoi nous voterions contre cette possibilité que nous donne le Gouvernement aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – MM. Hervé Maurey et Adrien Giraud applaudissent également.)
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Merci, madame Debré, de nous écouter aussi attentivement et de répondre à chacune des expressions que nous avons employées.
En parlant d’exploitation de l’homme par l’homme, je pensais non pas spécialement à La Poste, mais plutôt à la société dans laquelle nous vivons. Je considère même, au risque d’être traité d’archaïque, que nous nous acheminons maintenant vers une exploitation de l’homme par l’homme beaucoup plus importante qu’il y a dix ou quinze ans !
En effet, la précarité et la pauvreté se développent dans notre pays. Il en va de même, mais sous une forme différente de la pénibilité industrielle, de la souffrance au travail qui prend la forme d’une taylorisation des services. Je crains vraiment une très grande souffrance et une très grande précarité pour les années à venir.
L’actionnariat salarié n’est pas pour tout le monde, chère collègue du banc opposé ; j’allais dire de l’opposition ! (Sourires.)
M. Daniel Raoul. Cela viendra !
M. Jean Desessard. Ce n’est pas pour tout le monde ! Des dirigeants d’entreprise tirent quand même leur épingle du jeu. Il existe bien un problème de redistribution dans notre pays.
J’ai beaucoup apprécié que vous ayez pris le temps de nous écouter et de nous répondre, madame Isabelle Debré, et j’en viens maintenant à l’objet de mon intervention.
Monsieur le rapporteur ou monsieur le ministre, peu importe… Non – car j’ai peur quand je dis « peu importe » (Sourires) –, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ensemble !
M. Jean Desessard. ... je serais content que vous répondiez à la question suivante : est-ce la première fois que l’on va donner des actions gratuites...
M. Gérard Longuet. Non !
M. Jean Desessard. ... à des personnels fonctionnaires ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. À des fonctionnaires, oui !
M. Jean Desessard. Si c’est la première fois,… c’est donc la première fois. (Rires.)
M. Alain Gournac. Ah bon ?
M. Jean Desessard. Cela paraît bête mais, si l’on y réfléchit, cela veut dire non seulement que l’on privatise La Poste,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme France Télécom !
M. Jean Desessard. ... mais que l’on met le doigt dans un engrenage très dangereux !
M. Alain Gournac. Mais non !
M. Jean Desessard. En effet, on va maintenant juger le fonctionnaire, garant du service public, en fonction de la rentabilité qu’il permettra à l’entreprise d’avoir,...
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Mais non !
M. André Dulait. N’importe quoi !
M. Jean Desessard. ... et non pas sur le service qu’il rendra !
En un mot, on ne lui demandera pas d’être socialement utile, même si ce n’est pas rentable financièrement, on lui demandera d’être rentable financièrement, même si ce n’est pas socialement utile !
Comme je l’ai indiqué, pour la première fois nous mettons le doigt dans un engrenage qui est très dangereux.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 70, 308 et 510 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 414, présenté par MM. Teston, Bourquin, Botrel, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les personnels de La Poste et de ses filiales ne peuvent céder leurs participations au capital de La Poste qu'à l'État.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Par cet amendement, nous voulons préciser que les personnels de La Poste ne peuvent céder leur participation au capital de La Poste qu’à l’État. Nous en revenons au débat qui a été engagé tout à l’heure.
Monsieur le ministre, vous nous avez relu la partie concernée de l’article 1er, mais nous n’avons pas été entièrement convaincus par la lecture que vous en faites.
En effet, vous comprenez, vous, que l’ouverture à d’autres que l’État ou à des actionnaires publics ne sera pas possible. Pour nous, même si nous sommes favorables au développement de l’actionnariat salarié – j’appartiens moi-même à une génération qui a beaucoup milité en ce sens –, nous pensons, contrairement à vous, qu’il y aura des fuites dans le système, c’est-à-dire que l’ouverture sera possible, des actionnaires salariés de La Poste pouvant céder leurs actions, gratuites ou non d’ailleurs, peu importe, à des entités privées.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. J’ai déjà répondu sur ce point !
M. Richard Yung. Vous avez peut-être répondu, mais nous constatons que vous refusez d’insérer dans le texte la phrase qui permettrait de verrouiller le système. C’est la raison pour laquelle je demande que ce point soit spécifié dans la loi.
M. le président. L'amendement n° 511, présenté par MM. Teston, Andreoni, Botrel, Bourquin, Caffet, Chastan, Courteau, Daunis, Fauconnier et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Lise, Madec, Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Pastor, Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Ries, Collombat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Au terme de la durée minimale d'obligation de conservation prévue par le I, les parts du fonds commun de placement ne sont cessibles qu'à l'État.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Même contenu ; il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 512 rectifié, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Au terme de la durée minimale d'obligation de conservation prévue par le I, les parts du fonds commun de placement ne peuvent être cédées qu'à l'État ou aux personnes morales de droit public détenant le capital de la société anonyme prévu à l'article 1er. Ces dispositions feront l'objet d'un décret en Conseil d'État.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Nous avons eu précédemment un débat sur les dispositions à prendre pour éviter la dissémination des actions détenues par du personnel.
L’amendement que nous proposions pour compléter l’alinéa 2 de l’article 10 par les mots « Au terme de la durée minimale d’obligation de conservation prévue par le I, les parts du fonds commun de placement ne peuvent être cédées qu’à l’État ou aux personnes morales de droit public détenant le capital de la société anonyme prévu à l’article 1er » a été rectifié afin d’ajouter que « Ces dispositions feront l’objet d’un décret en Conseil d’État ».
Cela permettra effectivement de s’assurer que l’engagement pris par le ministre et surtout la disposition de l’article 1er du texte seront respectés.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Vous avez votre logique, nous avons la nôtre. La discussion pourrait donc être sans fin, les uns ajoutant des articles et les autres présentant des amendements de suppression de ces articles.
Notre logique est parfaitement encadrée et les différentes façons dont le capital peut être détenu sont explicitées notamment à l’article 1er.
L’amendement n° 414 porte sur l’interdiction pour les personnels de La Poste et de ses filiales de vendre leurs participations à un autre organisme que l’État. Pourquoi les salariés ne pourraient-ils pas vendre leurs actions, comme le prévoit la loi, à une personne morale de droit public ou à d’autres salariés ? C’est en ces termes que le problème est posé. La commission est défavorable à cet amendement.
Elle est également défavorable à l’amendement n° 511 pour les mêmes raisons.
Elle est encore défavorable à l’amendement n° 512 rectifié, qui prévoit l’interdiction, à l’issue d’une durée minimale, pour les personnels de La Poste et de ses filiales de vendre leurs actions à des organismes autres que les personnes publiques qui détiennent la majorité du capital de La Poste.
Pourquoi compliquer les choses ? Le projet de loi indique noir sur blanc que le capital est entièrement détenu par l’État et par d’autres personnes publiques, hors actionnariat du personnel. Cette disposition est donc inutile, car les personnels ne pourront pas revendre leurs actions à d’autres investisseurs privés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l'amendement n° 512 rectifié.
M. Daniel Raoul. La rectification apportée par mon collègue Michel Teston à l’amendement n° 512 ne fait que prendre en compte l’engagement pris par le ministre lors de la discussion de l’article 9. Autrement dit, nous demandons qu’un décret fixe les modes de transaction et de transmission des actions.
J’ai quelques capacités de raisonnement qui me permettent d’intégrer votre logique. Je la prends au pied de la lettre, tout comme l’engagement du ministre. C’est pourquoi je demande qu’un décret fixe les conditions de transmission, précisément pour éviter la dissémination.
Je ne comprends pas ce qui vous choque aussi profondément : je ne fais que reprendre des engagements qui ont été pris dans cet hémicycle voilà à peine une heure !