M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 512 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

(M. Roger Romani remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. L'amendement n° 513, présenté par MM. Teston, Andreoni, Botrel, Bourquin, Caffet, Chastan, Courteau, Daunis, Fauconnier et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Lise, Madec, Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Pastor, Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Ries, Collombat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. L’article 10 prévoit la possibilité pour La Poste de procéder à des attributions gratuites d’actions aux personnels et son alinéa 3 traite de la valeur attribuée à la société.

Nous l’avons maintes fois répété, nous sommes opposés au changement de statut de La Poste visant à la transformer en société anonyme, au regard des risques d’une telle évolution pour l’avenir et la qualité du service public. Par conséquent, nous ne sommes pas favorables à des modalités d’actionnariat salarié, qui pourraient constituer un moyen d’ouvrir le capital à des intérêts privés.

Je le rappelle, La Poste a réalisé un milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2008, mais moitié moins en 2009, en raison du contexte de crise. En l’état actuel de la situation des marchés financiers, et alors que ses bénéfices viennent d’être divisés par deux, comment entendez-vous déterminer la valeur d’une entreprise aussi importante ? La crise actuelle ne conduira-t-elle pas à une sous-estimation de sa valeur réelle ?

Par ailleurs, La Poste est un bien collectif, dont la valeur, en soi, peut difficilement être évaluée. C’est d’autant plus vrai lorsque les bénéfices se réduisent du fait d’une conjoncture économique dégradée.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons, mes chers collègues, de supprimer l’alinéa 3 de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le troisième alinéa de l’article 10, relatif au rôle de la commission des participations et des transferts lors des attributions gratuites d’actions.

Cette commission joue un rôle essentiel pour évaluer le montant des actions, afin que le prix de vente soit juste et ne lèse ni les intérêts des acheteurs ni ceux des actionnaires.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 513.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 395, présenté par MM. Teston, Bourquin, Botrel, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les membres du conseil d'administration de La Poste ne peuvent faire l'objet d'attributions gratuites.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Selon nous, La Poste doit être une entreprise publique exemplaire.

Il s’agit d’un amendement de repli, et ce à deux titres : d’une part, nous ne faisons qu’anticiper les conséquences possibles du mode de gouvernance de La Poste transformée en société anonyme ; d’autre part, nous sommes contraints de border les effets pervers de l’actionnariat salarié.

Nous sommes attentifs à ce que l’organisation et le mode de fonctionnement du conseil d’administration soient le plus transparents possible.

Ainsi, par cet amendement, nous demandons instamment de prévoir dans la loi que les membres du conseil d’administration ne puissent faire l’objet d’attributions gratuites d’action. Il s’agit d’une question d’éthique, valeur dont notre société a bien besoin, notamment en temps de crise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement tend à interdire aux membres du conseil d’administration de La Poste de bénéficier d’actions gratuites.

Nous l’avons vu lors de l’examen des articles précédents, la plupart des membres du conseil d’administration ne pourront pas bénéficier d’actions gratuites, car, pour l’essentiel d’entre eux, ce ne sont pas des salariés de l’entreprise. Cet amendement concerne donc principalement les représentants du personnel qui siègeront au conseil d’administration. Au nom de quoi les priverions-nous d’attributions gratuites d’actions, alors qu’ils font partie de cette instance en tant que membre du personnel ? Ce n’est pas possible !

M. Daniel Raoul. Le problème n’est pas là !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Le Gouvernement rejoint la commission sur ce point.

Les membres du conseil d’administration qui sont mandataires sociaux ne peuvent normalement recevoir d’actions. Cependant, par une telle disposition, vous proposez, madame la sénatrice, d’interdire aux salariés qui siégeront au conseil d’administration de pouvoir être actionnaires. Ce serait une totale injustice !

M. Dominique Braye. Absolument !

M. Christian Estrosi, ministre. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Mme Isabelle Debré. Il n’y a pas deux catégories de salariés !

M. le président. L’amendement n° 395 est-il maintenu ?

M. Michel Teston. Après avoir entendu les arguments exposés par M. le rapporteur et M. le ministre, nous le retirons.

M. le président. L’amendement n° 395 est retiré.

L'amendement n° 396, présenté par MM. Teston, Bourquin, Botrel, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Ces attributions sont librement consenties et ne peuvent être assimilées à des rémunérations.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Cet amendement vise à encadrer davantage les attributions gratuites d’actions. En effet, nous craignons que celles-ci ne constituent un moyen subtil, habile, de bâillonner les revendications salariales et, éventuellement, les contestations sociales.

J’y vois également un biais pour l’État d’imposer le principe d’actions bloquées, en l’absence d’augmentation de salaire ou de salaire suffisant à l’embauche. Ce n’est évidemment pas acceptable, parce que ce n’est pas une bonne politique sociale.

Nous devons aussi penser à la retraite des fonctionnaires de La Poste. Ces derniers ont en effet le droit de choisir le mode d’investissement dans le plan retraite qui leur convient le mieux. Nous le répéterons dans quelques mois, au moment du débat sur les retraites : le fonds commun de placement entreprise, de même que l’investissement dans des fonds de pension, n’est pas obligatoire.

Les personnels de La Poste que nous avons auditionnés avant ce débat nous ont fait part de leur circonspection sur ce sujet.

Par conséquent, nous souhaitons limiter les effets éventuels des distributions gratuites d’actions sur le niveau des rémunérations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Chacun garde sa propre logique ! Dans la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation, en particulier de sa chambre sociale, le salaire est distingué de la rémunération, qui est une notion plus large.

En aucun cas un employeur qui distribue des actions gratuites ne peut prétendre échapper aux règles en matière de SMIC ni aux classifications fixées par les conventions collectives.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela, c’est sûr !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Quant au partage de la valeur ajoutée, c'est-à-dire la répartition du bénéfice dégagé par l’entreprise, il revient aux négociations salariales entre employeurs et syndicats de déterminer la part revenant au facteur capital et celle qui est distribuée au facteur travail. (Sourires.)

Les craintes des auteurs de l’amendement étant largement infondées, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 396.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l'article.

Mme Bariza Khiari. Le 24 mars dernier, à Saint-Quentin, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, s’exprimait ainsi : « Il ne peut pas y avoir d’économie sans morale. […] Alors il ne doit plus y avoir […] de distribution d’actions gratuites […] dans une entreprise qui reçoit une aide de l’État ».

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dommage pour vous !

M. Daniel Raoul. Cela vous cloue le bec, non ?

Mme Bariza Khiari. À partir du moment où La Poste bénéficiera d’une dotation publique de près de 3,2 milliards d’euros provenant de la Caisse des dépôts et consignations, bras armé de l’État, et de l’État lui-même, nous estimons qu’il n’est pas concevable que ses cadres dirigeants, qu’ils soient méritants ou pas – là n’est pas la question ! –, perçoivent des actions gratuites.

Il n’est pas moral que les dirigeants de La Poste bénéficient indirectement, dans leur rémunération, des résultats positifs de l’intervention publique.

Il n’est pas normal que la société anonyme La Poste puisse déduire de ses résultats fiscaux les charges entraînées par ce dispositif, notamment les moins-values.

Chère collègue Isabelle Debré, je voudrais vous rassurer : nous ne sommes pas hostiles par principe à l’actionnariat salarié.

Mme Isabelle Debré. Je m’en félicite !

Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, vous avez évoqué Laurent Fabius, à juste titre. Il insistait pour que l’actionnariat salarié soit un outil de croissance pour les jeunes entreprises, les start-up. C’est un moyen de capter les compétences et de permettre des traitements différés dans les entreprises faisant preuve de créativité et d’innovation.

Nous estimons que les attributions gratuites d’actions d’une société qui bénéficie de fonds publics ne peuvent pas être consenties à une personne rémunérée par cette même société. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre l’article 10.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Les salariés apprécieront !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. On leur transmettra !

M. le président. Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Article 10
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Article 12

Article 11

Il est rétabli dans la même loi un article 48 ainsi rédigé :

« Art. 48. – I. – Les statuts initiaux de la société anonyme La Poste et les modalités transitoires de sa gestion jusqu’à l’installation des organes statutaires sont déterminés par un décret en Conseil d’État. Ce décret est publié au plus tard le 31 décembre 2009. À compter de l’installation des organes statutaires, ces statuts pourront être modifiés dans les conditions prévues par le code de commerce pour les sociétés anonymes.

« II. – Les comptes du dernier exercice de l’exploitant public La Poste sont approuvés dans les conditions du droit commun par l’assemblée générale de la société La Poste.

 « III. – Les représentants du personnel élus en fonction à la date du 31 décembre 2009 restent en fonction jusqu’au terme de leur mandat et dans les conditions prévues par la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

« IV. – La transformation de La Poste en société anonyme n’affecte pas le mandat de ses commissaires aux comptes en cours à la date de cette transformation. »

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur ministre, vous avez indiqué à plusieurs reprises que, pour vous, La Poste était « imprivatisable ». Mais chaque fois que nous essayons de border, en quelque sorte, le projet de loi, ce qui permettrait de donner une certaine crédibilité à vos affirmations, vous rejetez nos propositions ! En réalité, nous nourrissons les plus grandes craintes.

L’article 11 prévoit les dispositions relatives à la transition entre l’exploitant public actuel et la nouvelle société anonyme. Nous avons de nombreuses raisons de croire que ce projet de loi est un premier pas vers la privatisation de La Poste. Pour l’instant, son capital reste entièrement public, mais nous ne doutons pas que, comme pour France Télécom et GDF, vous ferez bientôt adopter de nouvelles lois qui amèneront l’État à devenir un actionnaire minoritaire.

Par parenthèses, s’agissant de l’intéressement, je vous signale que jamais un patron ne reconnaîtra qu’il s’en sert pour ne pas augmenter les salaires ! Cela ne se dit pas, mais cela se fait !

L’introduction de capitaux privés entraîne des exigences de rentabilité qui sont contradictoires avec les missions de service public. Ces fonds ne placeront pas l’entreprise sur la voie de l’innovation et de l’amélioration qualitative des services rendus : ils lui permettront de participer au grand jeu de Monopoly consistant à racheter d’autres opérateurs européens ; cela apparaît en filigrane !

Si La Poste se consacrait plutôt à la modernisation de ses centres de tri, à la mise en place d’un réseau de distribution expresse par TGV ou, tout simplement, à la satisfaction des besoins des usagers, on pourrait alors parler d’un développement utile de l’entreprise. Ce n’est pourtant pas la voie qui a été choisie !

Toutes les missions de service public de La Poste se dégraderont, qu’il s’agisse de l’accessibilité bancaire, de la distribution de la presse, du service universel postal ou de l’aménagement du territoire.

Nous avons toutes les raisons de penser que la privatisation de l’exploitant public pourrait amener La Poste à abandonner purement et simplement, dans le futur, certaines missions. L’objectif sera la rentabilité et non plus le service. Cela apparaît également en filigrane, puisqu’il s’agit pour La Poste d’affronter la concurrence.

Si La Poste a besoin de fonds pour moderniser et améliorer le service public, pourquoi ne pas lancer, par exemple, un emprunt obligataire ? Si La Poste doit se restructurer pour se développer, pourquoi ne pas créer un grand pôle public des postes et télécommunications, activités complémentaires et non pas concurrentes ? Vous voyez, monsieur le ministre, nous vous faisons des propositions ! Mais, hélas ! vous ne pouvez nous répondre, et pour cause !

Encore une fois, nous sommes contre le changement de statut de la Poste. Votre attitude nous conforte dans notre opposition à la voie que vous voulez emprunter. Nous présenterons donc des amendements visant à supprimer l’article 11.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 71 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 310 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

L'amendement n° 514 rectifié est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour défendre l’amendement n° 71.

Mme Éliane Assassi. En vous demandant la suppression de cet article 11, nous avons bien conscience de toucher à une disposition essentielle de ce projet de loi. Non seulement celle-ci tend à créer les conditions de la transition entre l’entreprise publique La Poste et la société anonyme du même nom, mais elle est également symptomatique des conditions de préparation de ce projet de loi, notamment de la précipitation de son examen et des dangers que cette urgence laisse planer sur les conditions de transfert.

Ainsi, vous prévoyez qu’un décret sera pris avant le 31 décembre pour déterminer les modalités transitoires de gestion de cette nouvelle entreprise privée, en attendant l’installation des organes prévus dans ses statuts. Comme nous l’avons déjà souligné, tout est prêt mais rien n’est dit, ou plutôt tout est caché.

Vous ne nous ferez pas croire qu’en moins de soixante jours il est possible, même en utilisant la procédure accélérée, de mener un débat ouvert avec le Parlement, dans des conditions d’écoute dignes de notre démocratie, et de préparer simultanément tous les décrets d’application à partir d’une concertation véritable menée avec l’ensemble des partenaires, actuels et futurs, de La Poste. Non, tout cela est impossible, et vous le savez bien, monsieur le ministre !

Pourriez-vous nous informer des modifications de statut qui sont d’ores et déjà envisagées dans le cadre de la mise en œuvre de la troisième phrase du deuxième alinéa de cet article ? La représentation nationale est en droit de connaître le contenu des statuts de cette nouvelle société créée par ce projet de loi, discutés et validés par elle, mais dont la modification est d’ores et déjà planifiée, au mépris de l’avis du Parlement.

Pourriez-vous également nous dire sur la base de quels arguments juridiques vous comptez faire approuver les comptes 2009 de l’entreprise nationale La Poste par l’assemblée générale des actionnaires de la future société privée La Poste ? Comment une assemblée d’actionnaires pourra-t-elle juger des résultats économiques, financiers et comptables d’une entreprise publique dont les résultats engagent directement la nation ?

En fait, cet article est révélateur de la précipitation dont vous avez fait preuve sur ce projet et, finalement, d’une certaine forme d’impréparation ou d’une volonté d’opacité sur les conditions réelles de mise en œuvre de ce changement de statut.

Toujours aussi farouchement attachés à combattre ce projet de loi, nous demandons tout naturellement la suppression de cet article, notamment en raison de tous les non-dits qu’il contient.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour défendre l’amendement n° 310.

M. Jean Desessard. Avec cet amendement de suppression de l’article 11, je réaffirme ma vive opposition à toutes les dispositions transitoires relatives au passage d’un EPIC à une société anonyme en ce qui concerne La Poste.

Je souhaite dire de nouveau ma profonde consternation face à ce projet de loi qui, malgré les prétendus impératifs européens auxquels vous voulez nous faire croire, monsieur le ministre, est anachronique et complètement déconnecté du contexte de la crise financière.

Cette crise nous a montré la nécessité de nous recentrer sur l’humain et de privilégier les mesures protectrices – celles qui rendent les Français fiers de leurs services publics – à la toute puissance du marché.

D’autres gouvernements ont pourtant pris la mesure de ce qui se passe actuellement. Vendredi dernier, le gouvernement japonais récemment élu a approuvé un projet de loi ayant pour effet de geler toute vente de titres de la poste publique japonaise, empêchant donc la privatisation voulue par le gouvernement précédent. La poste japonaise était pourtant promise à une introduction en bourse graduelle, qui devait commencer en 2010 pour s’achever en 2017. L’objectif qui sous-tendait la volonté de privatiser était de doper les bénéfices de la poste japonaise, en l’orientant notamment vers les actions et les obligations, pour mieux financer les entreprises.

Le gouvernement de Yukio Hatoyama a souhaité préserver l’un des fondements des institutions japonaises et garantir la fonction sociale qu’occupe la poste dans l’archipel. Cette décision me semble sage, même si je n’y ai pris aucune part, en dépit de mon récent voyage au Japon avec des membres de la commission de l'économie, dont le président Jean-Paul Emorine, voyage au cours duquel nous avons d’ailleurs pu établir un parallèle entre l’économie française et l’économie japonaise.

Mettre l’économie au service de l’humain, et non l’inverse, ce n’est pas un aveu de faiblesse, monsieur le ministre. Offrir à nos concitoyens des services publics de qualité, qui remplissent une véritable mission sociale, c’est à mes yeux une nécessité absolue.

C’est pourquoi je vous demande de supprimer ces dispositions transitoires et de conserver le statut public de La Poste.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour défendre l’amendement n° 514 rectifié.

M. Michel Teston. L’article 11, relatif aux statuts initiaux de l’entreprise, et contenant par ailleurs des dispositions transitoires, entérine donc les conséquences du changement de statut de La Poste en une société anonyme.

Il prévoit, notamment, que les statuts initiaux de la société anonyme sont déterminés par décret en Conseil d'État, publié au plus tard le 31 décembre 2009. Comme pour toute société anonyme, ces statuts pourront être modifiés postérieurement, dans le respect du droit commun des sociétés.

Étant donné que nous nous opposons au changement de statut de La Poste et aux conséquences qui en découlent, nous sommes tout naturellement favorables à la suppression de l’article 11. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Si le texte est définitivement adopté et que La Poste change de statut, les dispositions transitoires prévues par l’article 11 seront nécessaires.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques n os71, 310 et 514 rectifié, qui tendent à supprimer cet article, indispensable à la mise en œuvre de notre projet commun.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Même avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le rapporteur, comme M. le président de la commission, comme M. Giraud et M. Braye, vous étiez avec moi au Japon ! Vous avez pu constater les similitudes de nos économies en termes de démographie, de vieillissement de la population et de services publics. Que pensez-vous donc de la décision du Gouvernement japonais, centriste qui plus est, d’opérer un retour en arrière, c'est-à-dire de renoncer à la privatisation et de conserver un service public postal ?

Je ne veux pas abuser de mon temps de parole, monsieur le président, mais il me semble intéressant de recueillir sur ce point l’avis du spécialiste de La Poste et de l’économie japonaise qu’est M. Hérisson !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 71, 310 et 514 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 256, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 1 et 2

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Le deuxième alinéa de l’article 11 organise le passage d’EPIC en société anonyme. Aujourd’hui, il s’agit de préparer le terrain sur le plan juridique pour que, demain, la nouvelle société anonyme se constitue autour de statuts privés. Le processus a déjà été utilisé pour Aéroports de Paris, un décret en Conseil d’État ayant reformulé les statuts pour que cette entreprise rejoigne le droit commun des sociétés commerciales. C’est le même processus qui est enclenché avec cet alinéa 2 de l’article 11.

Ce désengagement de l’État dans certains secteurs de notre économie, ceux qui participent à l’égalité entre les citoyens sur l’ensemble de notre territoire, ne sert qu’à engager toujours un peu plus la privatisation à outrance. Le statut d’EPIC ne vous convient pas et les entreprises publiques qui y sont soumises ne peuvent aujourd’hui que se poser des questions sur leur avenir.

Le passage en force pour le changement de statut de La Poste est la porte ouverte à d’autres changements futurs. La logique de rentabilité, la volonté de diviser le capital et l’obstination de privilégier l’intérêt privé, alors que l’intérêt général devrait être la règle, seront omniprésentes avec ces nouveaux statuts de société anonyme.

L’article 11 illustre la stratégie mise en œuvre pour déposséder la collectivité et offrir un service public à des intérêts privés. C’est bien la privatisation qui est en ligne de mire, et cet article participe à ce néfaste projet.

Ce sera un changement radical dans la gestion de l’entreprise puisque, comme dans toute société anonyme, les actionnaires et les profits financiers seront privilégiés ; à l’inverse, les usagers et les personnels, qui verront leur avenir se calquer sur celui des clients et des salariés de France Télécom, seront les grands perdants de cette transformation. Quelques exceptions seront faites, bien entendu, pour le président de cette nouvelle société, qui verra ses revenus augmenter substantiellement, et pour les nouveaux actionnaires.

Rien n’oblige pourtant à changer le statut de La Poste. Le statut d’EPIC n’a jamais empêché la modernisation de cette entreprise ; il n’a pas freiné sa rentabilité ; il ne remet pas en cause sa pérennité. Le nouveau statut aura des effets négatifs, y compris sur la présence postale sur notre territoire.

Certes, vous inscrivez dans le projet de loi les 17 000 points de contact. Mais vous ne dites pas qu’ils pourraient être réduits à des relais Poste chez les commerçants. La grande majorité des bureaux de plein exercice, qui représentent pourtant le seul format correspondant à la notion de service public, pourraient ainsi disparaître.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons la suppression de ces alinéas.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. L’alinéa 2 de l’article 11 prévoit qu’un décret en Conseil d'État, publié au plus tard le 31 décembre 2009, détermine les statuts de la société anonyme La Poste et les modalités transitoires de sa gestion jusqu’à l’installation des organes statutaires. Il n’y a pas lieu de supprimer cette disposition, qui nous semble efficace.

En conséquence, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 256.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 257, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. L’Assemblée générale de La Poste va pouvoir examiner les comptes du dernier exercice de La Poste. C’est donc une structure publique, liée à une mission d’intérêt général, qui va préparer le budget d’une société anonyme, car celui-ci s’appuiera sur l’analyse qui sera faite, entre autres éléments, des comptes du précédent exercice. Vous pouvez aller jusqu’à ce stade dans la mesure où la transformation de l’administration des PTT en EPIC a soumis La Poste, de fait, à des règles de fonctionnement privé.

La comptabilité, le management du personnel, mais aussi son recrutement suivent les règles du privé. Ce glissement progressif entre ces différentes structures juridiques peut aller jusqu’à la privatisation, et c’est le sort qui est aujourd’hui réservé à La Poste.

L’assemblée générale de La Poste va pouvoir transférer à un conseil d’administration ou de surveillance de société anonyme les comptes de cette structure publique, selon les seuls intérêts privés. Tout changement de statut n’est pas neutre, même s’il est motivé par des arguments tous orientés vers le même but.

Pour prouver que la privatisation est obligatoire, votre méthode est bien rôdée : vous vous appuyez sur des difficultés financières, réelles ou organisées, pour nous démontrer que le statut public est coûteux et qu’il est temps de retrouver un modèle de gestion rentable.

Après l’année 2007, où La Poste a réalisé un bénéfice de près de 1 milliard d’euros et versé 15 % de son bénéfice net à l’État, soit 141 millions d’euros, après l’année 2008, où elle a fait un bénéfice de 700 millions d’euros, La Poste a, comme par hasard, communiqué sur la chute de son chiffre d’affaires de 2,9 % par rapport à l’objectif, et ce à quelques jours de l’examen au Sénat du présent projet de loi ! Tout cela ne tient évidemment pas compte de l’absence de compensation par l’État de la mission de service public assurée par La Poste, pourtant décidée dans la loi relative à la régulation des activités postales.

Après le passage à l’EPIC, la transformation de La Poste en société anonyme est la deuxième marche vers la privatisation. Vous n’hésitez pas non plus à vous servir des directives européennes, même si elles n’apportent pas de précisions en la matière, pour modifier le statut des entreprises publiques. On le voit bien, vous n’hésitez pas à user d’arguties toutes aussi faibles les unes que les autres pour atteindre un seul objectif : la privatisation de La Poste.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous invitons, mes chers collègues, à supprimer l’alinéa 3 de l’article 11.