M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Mme la présidente, je confirme ma demande de suspension de séance pour que la commission se réunisse.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre maintenant nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Jean Milhau.
M. Jean Milhau. Monsieur le président, je souhaite, au nom du groupe du RDSE, faire une mise au point à propos du scrutin public n° 59, qui a eu lieu, avant la suspension, sur l’article 26 du projet de loi et au cours duquel s’est produite une erreur matérielle telle que les votes des membres de notre groupe n’ont pas été comptabilisés de manière conforme au souhait de chacun d’entre eux.
Nos votes sur l’article 26 se répartissent en fait comme suit : 13 contre, 2 pour et 2 abstentions.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. La rectification nécessaire sera apportée par les services et il en sera tenu compte dans les analyses du vote publiées au Journal officiel.
Seconde délibération (suite)
M. le président. Le Gouvernement a demandé, avant la suspension de séance, à ce qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 2 du projet de loi.
Je rappelle au Sénat les termes de l’article 43, alinéa 6 du règlement :
« Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d’amendements et sur les sous-amendements s’appliquant à ces amendements. »
Article 2
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’article 2 dans cette rédaction :
L'article 2 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 2. – La Poste et ses filiales constituent un groupe entièrement public unique qui remplit des missions de service public et d'intérêt général et exerce d'autres activités dans les conditions définies par la présente loi et par les textes qui régissent chacun de ses domaines d'activité. Ces missions de service public s'exercent du lundi au samedi, dans le respect des intérêts des usagers. Dans les conditions fixées par la présente loi, le financement intégral et pérenne des missions de service public remplies par La Poste est garanti.
« Les réseaux postaux ont une dimension territoriale et sociale importante qui permet l'accès universel à des services locaux essentiels.
« I. – Les missions de service public sont :
« 1° Le service universel postal, dans les conditions définies par le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 1 et L. 2 ;
« 2° La contribution, par son réseau de points de contact, à l'aménagement et au développement du territoire dans les conditions fixées à l'article 6 de la présente loi ;
« 3° Le transport et la distribution de la presse dans le cadre du régime spécifique prévu par le code des postes et des communications électroniques ;
« 4° L'accessibilité bancaire dans les conditions prévues par les articles L. 221-2 et suivants et L. 518-25-1 du code monétaire et financier.
« II. – La Poste assure selon les règles de droit commun toute autre activité de collecte, de tri, de transport et de distribution d'envois postaux, de courrier sous toutes ses formes, d'objets et de marchandises.
« La Poste exerce, à travers sa filiale La Banque Postale, des activités dans les domaines bancaire, financier et des assurances, dans les conditions prévues notamment au code monétaire et financier.
« La Poste est habilitée à exercer en France et à l'étranger, elle-même et par l'intermédiaire de filiales ou participations, toutes activités qui se rattachent directement ou indirectement à ses missions et activités telles que définies par la loi, ainsi que toute autre activité prévue par ses statuts.
« Le groupe La Poste tel que défini au premier alinéa du présent article est soumis aux dispositions législatives applicables au droit commun des sociétés dans la mesure où elles ne sont pas contraires à la présente loi. »
L'amendement n° A-1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 2. - La Poste et ses filiales constituent un groupe public qui remplit des missions de service public et d'intérêt général et exerce d'autres activités dans les conditions définies par la présente loi et par les textes qui régissent chacun de ses domaines d'activité.
La parole est à M. le ministre.
M. Christian Estrosi, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a effectivement été conduit à demander, avant la suspension de séance, une seconde délibération sur l’article 2 du projet de loi afin d’apporter, à l’alinéa 2 de cet article, les correctifs nécessaires à la cohérence des dispositions qui ont été adoptées au cours de ce débat.
Nous entendons clarifier la rédaction de cet alinéa, qui définit la nature du groupe La Poste et introduit le champ des missions de service public exercées par ce groupe.
La notion de « groupe entièrement public unique » n'existe pas en droit et manque de clarté. C'est pourquoi le présent amendement tend à supprimer les mots « entièrement » et « unique », difficilement compréhensibles dans ce membre de phrase, pour retenir la notion de groupe public.
Je rappelle que la notion de « groupe entièrement public » interdirait en outre aux salariés de La Poste de devenir actionnaires de leur entreprise.
Par ailleurs, l'alinéa 2 fait mention des missions de service public de La Poste et n'a pas pour objet de définir les modalités d'exécution du service postal en matière de durée hebdomadaire, car celles-ci relèvent du contrat d'entreprise signé entre l'État et La Poste.
Concernant les modalités de financement des missions de service public, le montant de la compensation de La Poste est modulé et adapté pour chaque mission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Je ne reprendrai pas le long débat qui a eu lieu tout à l'heure en commission : celle-ci a émis un avis favorable sur cet amendement. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Franchement, c’est le service minimum !
Mme Michelle Demessine. C’est pourtant une sacrée reculade !
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Je tiens à revenir sur les circonstances de l’examen des amendements à l’article 2 du projet de loi.
Nous tenons beaucoup, je le répète, à un financement intégral et pérenne des quatre missions de service public confiées à La Poste, tout comme à l’unité du groupe La Poste. Rien ne serait pire qu’une loi permettant une vente par appartements, car, on le sait très bien, chaque mission du groupe La Poste sert à alimenter les autres.
Par ailleurs, nous sommes très attachés au caractère public à 100 % du groupe et persistons à défendre son statut d’EPIC. Nous verrons bien, chers collègues de la majorité sénatoriale, si vous confirmez ce que vous avez voté à l’article 1er.
Pour notre part, nous nous sommes mobilisés pour faire adopter, à l’article 2, plusieurs amendements correspondant aux principales orientations que je viens de rappeler.
Avant la suspension de séance, nous avons été surpris d’apprendre que le Gouvernement voulait revenir sur ces votes en déposant un amendement, amendement que nous venons d’examiner en commission.
Si nous ne pouvons nous opposer à la procédure puisque celle-ci est prévue par notre règlement, nous entendons, je le dis clairement, dénoncer un procédé particulièrement inélégant !
M. Roland Courteau. Bien dit !
M. Michel Teston. Si la majorité sénatoriale n’a pas su se mobiliser pour faire en sorte que ces amendements ne soient pas adoptés, elle aurait au moins pu avoir la délicatesse de ne pas remettre en cause ces dispositions. Le Gouvernement aurait tout aussi bien pu déposer un amendement sur cet article lors de l’examen de ce projet de loi par l'Assemblée nationale.
Tout de même, quelle attitude à l’égard de l’opposition, alors que M. le ministre prétend la respecter !
Nous voterons contre cet amendement, considérant que les dispositions visées ont été adoptées de manière tout à fait régulière et estimant qu’il n’est pas correct de les remettre ainsi en cause ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Danglot. Même si l’on peut opposer à cet amendement de seconde délibération déposé à la dernière minute des remarques de forme, c’est d’abord sur le fond qu’il est évidemment discutable.
Au-delà des rodomontades de fin de débat, c’est l’aveu patent des objectifs réels de ce texte.
Merci, monsieur le ministre, de nous dire où vous souhaitez emmener La Poste avec cette réécriture de dernière minute de l’article 2 !
Par votre amendement, vous faites notamment disparaître le membre de phrase : « La Poste et ses filiales constituent un groupe entièrement public unique qui remplit des missions de service public et d’intérêt général », ainsi que les phrases : « Ces missions de service public s’exercent du lundi au samedi, dans le respect des intérêts des usagers. Dans les conditions fixées par la présente loi, le financement intégral et pérenne des missions de service public remplies par La Poste est garanti. » On ne saurait être plus clair !
Les quelques garanties que le texte offrait, au moins sur le papier, étaient encore de trop pour vous…
L’exercice des missions de service public, prévu dans la directive postale de 2008 elle-même, qui doit être assuré pendant les jours ouvrables ? Un détail superflu ! Le respect des intérêts des usagers ? Question secondaire ! La garantie du financement pérenne des missions de service public de La Poste ? Précision inutile !
L’accessibilité bancaire est en option, d’autant qu’elle se rapproche de plus en plus d’une mission symbolique au regard des masses financières gérées par La Banque Postale et vers lesquelles lorgne de plus en plus une Société générale à peine remise de l’affaire Kerviel.
Le service universel postal va souffrir, sans que cela émeuve qui que ce soit au sein de ce gouvernement, de la généralisation du j+2, en lieu et place de la qualité de service que La Poste établissement public assure encore à peu près aujourd'hui !
M. Hervé Maurey. À peu près !
M. Jean-Claude Danglot. Nul doute que la modernisation de La Poste telle que vous la concevez n’est rien d’autre qu’une perversion du service public !
Ce texte, qui fait fi de l’intérêt général, aboutit en dernière analyse à faire de La Poste une monnaie d’échange pour justifier la politique industrielle et économique désastreuse qui est en place depuis 2002 et qui s’est singulièrement accélérée depuis 2007.
Nous refusons ces sombres perspectives et vous invitons, mes chers collègues, à rejeter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Estrosi, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’attendais de connaître précisément la réaction des membres des groupes socialiste et CRC-SPG pour les mettre face à leurs contradictions. (Exclamations sur les travées desdits groupes.)
Mme Michelle Demessine. Vous n’avez quand même pas déposé un amendement dans ce seul but !
M. Christian Estrosi, ministre. Celles et ceux qui ont suivi le débat tout au long de cette semaine vont parfaitement mesurer quel était en réalité le dessein du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Bel. Nous n’allons tout de même pas nous excuser !
M. Christian Estrosi, ministre. Pourquoi le Gouvernement est-il en droit de demander une seconde délibération ?
Deux amendements importants ont été adoptés en séance publique vendredi dernier, au matin, alors qu’ils avaient recueilli l’avis défavorable de la commission et du Gouvernement par la voix de mon collègue Michel Mercier.
M. Jacques Mahéas. Vous étiez en minorité !
M. Jean-Pierre Bel. Mais oui !
M. Christian Estrosi, ministre. Monsieur Bel, j’écouterai les arguments que vous m’opposerez lorsque vous me répondrez. Mais laissez-moi d’abord répondre à ceux de vos collègues qui se sont déjà exprimés. Le sujet est important. Alors, montrez-vous responsable : vous êtes président de groupe !
M. Jean-Pierre Bel. Et vous, vous êtes ministre !
M. Christian Estrosi, ministre. L’amendement n° 378 de M. Michel Teston, en prévoyant, à l’alinéa 2 de l’article 2, que le groupe La Poste sera « entièrement public », annule de fait la possibilité, pour les salariés de La Poste, d’être actionnaires de leur entreprise. Voilà un premier amendement qui a été adopté avec l’avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
M. Jacques Mahéas. Il n’y a pas de contradiction de notre part !
M. Christian Estrosi, ministre. Quant à l’amendement n° 542, également adopté à l’alinéa 2 de l’article 2 sur proposition M. Michel Teston et contre l’avis de la commission comme du Gouvernement, il prévoit que « le financement intégral et pérenne des missions de service public remplies par La Poste est garanti ».
Ces amendements ont donc été adoptés mardi matin. Ont par la suite été abordés l’article 2 ter, relatif au financement de la mission d’aménagement du territoire, puis les articles 9 et 10, qui concernent l’actionnariat salarié.
Lorsque nous en sommes parvenus à ces deux derniers articles, vous avez défendu je ne sais combien de dizaines d’amendements (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) pour faire en sorte que les salariés de La Poste ne puissent pas être actionnaires, et tous ceux qui ont participé à la discussion s’en souviennent parfaitement.
M. Jean-Pierre Bel. On dérange !
M. Christian Estrosi, ministre. Je me suis demandé à quel moment l’opposition allait me rappeler qu’il n’était pas possible de discuter les articles 9 et 10, les amendements nos 378 et 542 adoptés à l’article 2 empêchant tout actionnariat salarié au sein de La Poste ! Pour l’opposition, qui avait réussi à ce que les salariés de La Poste ne puissent pas devenir actionnaires de leur entreprise, il n’y avait aucune logique à ne pas le rappeler !
Alors, bien évidemment, en fin de discussion du texte, il convient de rétablir la cohérence entre l’article 2, d’un côté, et les articles 9 et 10, de l’autre, afin de ne pas prendre le moindre risque juridique, car, à défaut, nous nous exposerions à un éventuel recours. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
M. Roland Courteau. C’est plutôt tiré par les cheveux !
Mme Michelle Demessine. C’est de l’enfumage !
M. Christian Estrosi, ministre. De la même manière, à l’article 2 ter, l’opposition a voté – je lui en suis d’ailleurs très reconnaissant ! – les sous-amendements du rapporteur nos 631 rectifié bis et 632 rectifié bis, présentés par le rapporteur, au point que ceux-ci ont recueilli une belle majorité de 315 voix, et qui prévoient notamment le financement de l’aménagement du territoire « sur la base » de l’évaluation réalisée par l’ARCEP, mais sans jamais faire référence au « financement intégral et pérenne » adopté précédemment !
Je suis fondé à me demander pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous avez voté aussi massivement le financement intégral et pérenne de la mission de service public d’aménagement du territoire sur la base de l’évaluation de l’ARCEP sans rappeler qu’un certain nombre de mesures avaient été inscrites à l’article 2.
Mme Michelle Demessine. Il en a pour longtemps comme ça ?...
M. Christian Estrosi, ministre. Mon sentiment est que, en réalité, l’opposition savait très bien que des amendements avaient été adoptés à l’article 2, mais elle n’en a pas parlé, car elle souhaitait probablement se réserver la possibilité de faire un recours devant le juge en montrant que les dispositions supprimant l’actionnariat salarié à l’article 2 étaient incompatibles avec les dispositions créant l’actionnariat salarié aux articles 9 et 10. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
De la même manière, le dispositif voté à 315 voix sur l’aménagement du territoire devrait « tomber » au bénéfice de la formule, très vague, évoquant le « financement intégral et pérenne des missions de service public remplies par La Poste ».
Entre nous, où est l’intérêt des maires ? Du côté de cette formule vague et vide de sens ou du côté d’une mission d’aménagement du territoire financée sur la base d’une évaluation réalisée chaque année par l’ARCEP ?
M. Roland Courteau. C’est laborieux !
M. Christian Estrosi, ministre. Si cet amendement n° A-1 est adopté, il sera très clair qu’en matière d’actionnariat salarié ce sont bien les articles 9 et 10 créant un dispositif d’actionnariat salarié qui s’appliquent et qu’en matière d’aménagement du territoire c’est bien le dispositif voté par 315 voix par la Haute Assemblée qui s’applique.
La seconde délibération que le Gouvernement a demandée vise donc à sécuriser le texte face à d’éventuelles tentatives contentieuses de remise en cause des dispositifs adoptés par votre assemblée !
Voilà la raison qui m’amène à vous inviter à adopter cet amendement n° A-1 sur l’alinéa 2 de l’article 2.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est long !
M. Christian Estrosi, ministre. Il s’agit de sécuriser un texte sur lequel vous avez débattu pendant près de soixante-dix heures (Manifestations d’impatience sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) et qui va nous permettre enfin, non seulement de lancer cette modernisation de La Poste française dont nous avons besoin en garantissant à 100 % son statut public,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est long et pas convaincant du tout !
M. Christian Estrosi, ministre. ... mais en même temps d’ouvrir à chacune et à chacun de ses salariés la possibilité de devenir eux-mêmes acteurs de leur entreprise. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Jacques Blanc. Bravo !
M. Roland Courteau. Les applaudissements ne sont guère nourris !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. En complément de ce qui vient d’être excellemment dit par M. le ministre (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), ...
M. Guy Fischer. Il prépare l’avenir !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. ... et afin que tout le monde soit bien conscient de ce que nous avons voté, permettez-moi, mes chers collègues, de faire quelques rappels, en tant que président de l’Observatoire national de la présence postale et de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, dont vous avez d’ailleurs dit que vous souhaitiez la voir dotée de plus de pouvoirs.
Notamment pour ceux d’entre vous qui, sur toutes les travées, sont familiers de ce sujet depuis un certain nombre d’années, je voudrais revenir sur la disposition adoptée par 315 voix sur 338. Il s’agit d’une avancée considérable quant à la mission de service public confiée à La Poste concernant l’aménagement du territoire. Observez ce qui se passe ou ce qui va se passer dans les autres pays de l’Union européenne pour bien apprécier la volonté du législateur dans notre pays.
Autre avancée considérable à noter en matière de financement du service public, à l’article 2 ter :
« L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est chargée d’évaluer chaque année le coût du maillage complémentaire permettant d’assurer la mission d’aménagement du territoire confiée à La Poste au I du présent article. »
Mme Michelle Demessine. Deuxième épisode d’enfumage !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. « L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, après avis de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, remet chaque année un rapport au Gouvernement et au Parlement sur le coût de ce maillage. »
« Le fonds mentionné au premier alinéa du II est alimenté par l’allégement de fiscalité locale dont La Poste bénéficie en application du 3° du II de l’article 1635 sexies du code général des impôts. Cet allégement est révisé chaque année sur la base de l’évaluation réalisée par l’Autorité de régulation des postes et des communications électroniques. »
« Chaque année, à partir de l’exercice 2011, le taux des abattements mentionnés dans les deux précédents alinéas est fixé, dans la limite de 95 %, de manière à ce que le produit de ces abattements contribue au financement du coût du maillage territorial complémentaire de La Poste tel qu’il est évalué par l’Autorité de régulation des postes et des communications électroniques, conformément aux dispositions du IV de l’article 6 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et à France Télécom et dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. »
La base est bien là !
Cette avancée considérable est telle que nous la souhaitions, telle que la souhaitait la grande majorité des élus locaux, et surtout telle que la souhaitaient non seulement les usagers ou clients, mais aussi l’ensemble du personnel de cette grande entreprise de main-d’œuvre qui, je vous le rappelle, est le deuxième employeur en France après l’État. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jacques Mahéas. Cela ne va pas durer !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bel. Ce que nous venons d’entendre est révélateur – quasiment jusqu’à la caricature – de ce que nous avons vécu ici pendant à peu près une semaine.
M. Josselin de Rohan. Nous, nous avons vécu la torture !
M. Jean-Pierre Bel. À l’occasion de l’examen de ce texte, deux attitudes étaient possibles : soit une écoute et la prise en compte des préoccupations qui se faisaient jour sur les travées non seulement de l’opposition, mais aussi de la majorité, soit l’affrontement idéologique entre ce que nous sommes censés représenter et votre projet politique.
Depuis le début de la discussion, nous avons tout vécu.
M. Marcel-Pierre Cléach. Et nous alors !
M. Jean-Pierre Bel. Nous avons connu la provocation et le mépris.
M. Nicolas About. Oh !
M. Jean-Pierre Bel. Ce soir, on nous apprend que nous avons emprunté je ne sais quel parcours machiavélique ou pervers pour réussir, malgré l’avis du ministre et du rapporteur, à faire voter dans cet hémicycle par la majorité des sénateurs présents deux ou trois amendements...
M. Nicolas About. Même plus !
M. Jean-Pierre Bel. ... qui tiendraient finalement de l’entourloupe !
Lorsque c’était nécessaire et, à nos yeux, conforme à l’intérêt général, nous avons cru bon d’approuver un certain nombre de principes. Je prendrai l’exemple de la péréquation pour favoriser la présence postale. Depuis que nous l’avons votée, M. le ministre, selon un raisonnement dans lequel je ne me reconnais pas, utilise notre approbation pour clamer que l’opposition, malgré la guérilla parlementaire annoncée, a voté un principe essentiel à 315 voix sur 338 ! Entre M. le rapporteur et vous-même, monsieur le ministre, vous l’avez dit au moins trois fois !
Pourtant, vous savez bien que le problème n’est pas là. Bien sûr que nous sommes favorables à la présence postale et au fait que La Poste obtienne les moyens de continuer à remplir sa mission de service public ! En revanche, ce que nous dénonçons, ce à quoi nous sommes fermement opposés, c’est le changement de statut. Nous vous avons expliqué à maintes reprises que, selon nous, cet engrenage allait, lorsque vous le décideriez, conduire à la privatisation !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le ministre, il ne faut pas continuer à jouer ce jeu-là ! Sur les sujets qu’il a été amené à traiter, Michel Teston a toujours incarné ici le sérieux et la compétence. Nous aurions mérité mieux que ces réactions de fin de débat, sans rapport avec les préoccupations que nous avons voulu exprimer et surtout avec ce que nous devons, les uns et les autres, défendre si, véritablement, comme vous le dites, nous sommes attachés au service public de La Poste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, nous n’aurions jamais pensé que, à vingt-deux heures, avant le vote sur l’ensemble de ce projet de loi, vous oseriez nous présenter un amendement en totale contradiction avec ce que vous avez tenté de nous faire croire pendant huit jours !
Nous l’avons bien compris, ce texte ouvre la voie à la libéralisation du service postal, c'est-à-dire à sa privatisation. Ne pouvant afficher un tel objectif devant nos concitoyens ni devant les salariés de l’entreprise, vous n’avez cessé de répéter que La Poste était « imprivatisable ».
Chaque fois que nous avons essayé, amendement après amendement, de poser des garanties pour faire en sorte que le capital de l’entreprise reste entièrement public, vous avez réussi, avec votre majorité, qui est toute dévouée, à les repousser. Au demeurant, l’opération s’annonçait quasi impossible : dès lors que La Poste est transformée en société anonyme, il ne fait aucun doute qu’elle sera privatisée, morceau par morceau.
Néanmoins, l’adoption d’un certain nombre d’amendements aurait permis d’éviter que, de l’actionnariat – pour notre part, nous préférons de bons salaires à l’actionnariat.des salarié – on passe à la vente au secteur privé d’actions, notamment par l’intermédiaire des partenaires aujourd’hui publics de La Poste, mais qui, demain, seront peut-être privatisés.
Tout en rejetant nos amendements, vous avez affirmé que vous étiez contre une telle évolution. Votre majorité, aussi attachée qu’elle se dise au service public, s’est empressée de vous suivre. J’y vois une première contradiction.
Et, par surcroît, vous demandez maintenant au Sénat de procéder à une seconde délibération. Nous pensions que vous attendriez l’examen du texte par l’Assemblée nationale pour obtenir ce que vous souhaitiez : c’eût été plus correct à l’égard du Sénat… Quoi qu'il en soit, apparaît là toute votre contradiction ! Évidemment, vous tentez de revenir sur ce qui vous aurait été arraché, à savoir la garantie d’un groupe entièrement public. En défendant l’amendement n° A-1 vous nous donnez la clef pour comprendre vos intentions puisque vous nous expliquez que, « s’agissant des modalités de financement des missions de service public, le montant de la compensation de La Poste est modulé et adapté pour chaque mission ».
Or le Conseil constitutionnel l’a affirmé, pour faire disparaître le caractère public d’un service public, il faut en changer les missions. Vous nous l’avez rappelé vous-même, monsieur le ministre, nous présentant ce principe comme l’arme absolue contre la privatisation. Par cet amendement, vous montrez justement que vous souhaitez avoir les mains libres pour modifier le financement des missions de l’entreprise, c'est-à-dire pour mettre fin à l’unité du groupe et le privatiser tranquillement, dès que vous le déciderez.
Monsieur le ministre, si votre manière d’agir est effectivement inélégante, elle nous éclaire parfaitement sur ce que vous voulez cacher à nos concitoyens, à savoir le fait que vous ouvrez la voie à la privatisation de La Poste ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)