M. le président. L’amendement n° 349, présenté par MM. Fischer et Autain, Mmes David, Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L’article 4 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites est ainsi rédigé :
« Art. 4. - La Nation assure à un salarié ayant travaillé à temps complet et disposant d’une durée d’assurance de 37,5 annuités, le bénéfice d’une pension garantie à au moins 75 % du salaire brut moyen. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président du Sénat, je me suis pris à rêver ! (Exclamations amusées.)
M. Guy Fischer. Nous proposons en effet, au travers de cet amendement, de rétablir un dispositif auquel nous sommes très attachés, à savoir la retraite pleine et complète à partir de 37,5 annuités de cotisation. (Ah ! sur plusieurs travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Guy Fischer. À voir la tête que fait M. le rapporteur, j’ai hâte de connaître sa réaction une fois que j’aurai précisé que la pension ainsi garantie doit représenter 75 % du salaire brut moyen !
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, mes chers collègues, laissez-moi vous démontrer que notre proposition est économiquement viable et socialement juste, surtout dans le contexte actuel.
M. Jean-Pierre Fourcade. Vous ne pourrez pas le faire en trois minutes !
M. Guy Fischer. Aujourd’hui, la France consacre un peu moins de 15 % de son produit intérieur brut aux retraites. Selon un rapport remis par le Conseil d’orientation des retraites en 2003, c’est-à-dire au lendemain de l’adoption de la loi Fillon, il serait nécessaire de porter ce pourcentage à près de 20 %.
D’après les estimations des économistes, cela représenterait une augmentation de cotisation de 0,475 point par an. À titre de comparaison, le bouclier fiscal correspond, à lui seul, à un point de PIB...
Naturellement, monsieur le ministre, vous l’aurez compris, il faudrait, pour financer ce système solidaire, réorienter l’argent, taxer les revenus financiers, boursiers et spéculatifs, ce qui, je le répète, est financièrement possible et, surtout, socialement juste.
Nous nous opposons à la logique qui est à l’œuvre aujourd’hui, à l’heure où la souffrance sociale s’aggrave.
Certes, nous sommes à la veille du grand rendez-vous des retraites de 2010. Mais, jusqu’à présent, toutes les mesures prises ont principalement visé les salariés, pour lesquels le mot « travail » a longtemps rimé avec « souffrance ». Par conséquent, nous serons très attentifs, dans le cadre du débat qui s’annonce, à la prise en compte de la pénibilité.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la retraite à soixante ans avec une pension décente doit redevenir la règle.
M. le président. Encore dix secondes de rêve, monsieur Fischer ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. En 1970, 72,8 % des richesses créées dans l’entreprise servaient à financer les dépenses salariales, en 2000, 66,2 % seulement !
À l’évidence, on pourrait faire bien mieux pour les retraites !
Mme Odette Terrade. Absolument !
M. Guy Fischer. C’est pour cela, monsieur le président, que je me suis permis de rêver quelques minutes !
M. Nicolas About. On a bien fait de venir !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ceux des amendements qu’elle n’a pas elle-même déposés ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Par l’amendement n° 252 rectifié, madame Keller, vous nous proposez une nouvelle rédaction de l’article 38, afin de garantir le bénéfice de la majoration de huit trimestres pour les mères, en prévoyant un certain nombre d’aménagements en vue d’en faire profiter les hommes à titre exceptionnel.
Ce faisant, vous remettez totalement en cause le dispositif prévu, et je ne puis malheureusement que vous opposer un avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 346, le Gouvernement et la commission partagent le souci de maintenir un maximum de garanties pour les mères,…
M. Guy Fischer. En les rognant !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. ... tout en procédant aux ajustements nécessaires pour assurer leur compatibilité avec les règles juridiques.
Pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010, la mère conservera la majoration de la durée d’assurance de huit trimestres – quatre trimestres au titre de l’accouchement et quatre autres au titre de l’éducation –, sauf, bien sûr, si le père démontre qu’il a élevé seul l’enfant.
En revanche, pour l’avenir, ce dispositif privilégie le libre choix au sein du couple tout en restant protecteur des droits de la mère. En effet, à défaut d’option exprimée, la deuxième majoration de durée d’assurance au titre de l’éducation d’un enfant mineur sera automatiquement attribuée à la mère. Il est vraisemblable que, dans la majorité des cas, le couple désignera la mère comme bénéficiaire de cette seconde majoration. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Odette Terrade. Ce n’est pas sûr !
M. Dominique Leclerc, rapporteur L’amendement n° 347 vise à supprimer les mots « au titre de son éducation », ce qui revient à remettre en cause le dispositif, qui repose sur la double majoration.
L’article 38 tend à corriger l’incidence sur la vie professionnelle de la maternité, notamment de la grossesse et de l’accouchement, mais aussi de l’éducation des jeunes enfants. Face aux exigences juridiques actuelles, cette nouvelle architecture consolide le dispositif et préserve, on ne le dira jamais assez, les droits à la retraite des mères, y compris pour les enfants déjà nés.
L’amendement n° 206 rectifié de notre collègue Catherine Procaccia tend à apporter une précision importante. L’Assemblée nationale a introduit la disposition selon laquelle, en cas de décès de l’un des parents, les trimestres de majoration de durée d’assurance dont avait éventuellement bénéficié le parent décédé sont attribués au parent survivant.
Vous voulez préciser que le parent survivant doit avoir effectivement élevé l’enfant pour se voir octroyer ces trimestres. C’est très important, car il aurait été anormal d’attribuer ces trimestres à un parent qui aurait été, dans les faits, absent de l’éducation de l’enfant.
La commission est donc favorable à votre amendement, madame Procaccia.
S’agissant de l’amendement n° 348, je considère que, si les périodes de grossesse, d’accouchement et celles qui sont consacrées à l’éducation d’un enfant en bas âge peuvent avoir des incidences négatives sur le déroulement des carrières et méritent compensation, elles ne correspondent pas pour autant à des périodes d’activité professionnelle qui pourraient ouvrir droit à un départ anticipé. En revanche, il est sûrement nécessaire de préserver les droits acquis.
Pour les parents d’enfants nés avant le 1er janvier 2010, l’Assemblée nationale a toutefois assoupli le texte et prévu une majoration qui pourra être prise en compte pour un départ anticipé avant l’âge de soixante ans. Le même raisonnement vaut pour les parents d’enfants handicapés et pour les trimestres validés au titre du congé parental d’éducation. C’est dire combien le dispositif de l’article 38 est satisfaisant.
La commission est défavorable à l’amendement n° 348.
L’objet de l’amendement n° 205 rectifié présenté par Mme Procaccia est de prévoir qu’un décret fixe les modalités d’information des assurés sur les nouvelles règles d’attribution de la majoration de durée d’assurance par la caisse d’assurance vieillesse compétente. Cette proposition est d’autant plus pertinente qu’elle se fonde sur la loi du 21 août 2003, qui a consacré le droit pour chaque assuré d’être informé sur ses droits à la retraite.
Vous avez fait un rêve fabuleux, monsieur Fischer, celui de permettre un départ à la retraite à partir de 37,5 annuités tout en bénéficiant d’une retraite qui atteigne au moins 75 % du salaire brut moyen. Hélas, la situation actuelle des caisses de retraite rend votre proposition irréalisable.
J’en suis désolé, mais l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les seize amendements en discussion commune ?
M. Xavier Darcos, ministre. Madame Keller, je comprends la préoccupation que vous exprimez par l’amendement n° 252 rectifié. Que le Gouvernement remette un rapport au Parlement, je n’y vois pas d’inconvénient, mais je me dois de vous signaler que votre proposition ne règle pas le problème juridique auquel nous sommes confrontés.
Vous ne proposez de réformer la majoration de durée d’assurance qu’au regard du premier arrêt rendu par la Cour de cassation, celui du 21 décembre 2006, par lequel la majoration due à l’assurance a été accordée à un père ayant élevé seul son enfant. Le Gouvernement va plus loin, puisqu’il tient compte des arrêts suivants et offre une liberté nouvelle aux couples, qui pourront désormais choisir de répartir entre eux la majoration.
Vous faites valoir le risque de difficultés. Je n’en suis pas convaincu puisque, à défaut d’accord, c’est très clairement la mère qui sera le bénéficiaire.
Mme Odette Terrade. Je demande à voir !
M. Xavier Darcos, ministre. Vous évoquez les injustices faites aux femmes en matière de salaires et de retraites. Chère Fabienne Keller, vous suivez de trop près l’actualité pour ignorer que j’ai réuni la semaine dernière le Conseil national de la négociation collective et entrepris un travail très approfondi sur le sujet. J’envisage une loi destinée à garantir les principes fondamentaux d’égalité salariale entre les hommes et les femmes.
C’est dire combien le Gouvernement est mobilisé pour sauvegarder les droits des femmes en matière et de salaires et de retraites.
Voilà pourquoi je vous proposerai de retirer cet amendement. Sinon, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Je ne peux qu’être défavorable à l’amendement n° 346 de M. Fischer, qui vise à remplacer les dispositions contenues dans l’article 38 par la remise d’une étude d’impact. Je ne suis pas défavorable aux rapports, mais je suis surtout favorable à la loi, d’autant plus quand il s’agit de préserver les droits à la retraite des femmes !
L’amendement n° 347, défendu par M. Autain, tend à supprimer le lien entre l’éducation et la majoration. En faisant disparaître le fait générateur, cette proposition risque de fragiliser le dispositif. Soucieux de le protéger, j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.
M. Leclerc a déposé, en tant que rapporteur, un certain nombre d’amendements.
L’amendement n° 26 consiste à rétablir le texte initial du Gouvernement sur la période durant laquelle les parents peuvent exercer leur choix. L’Assemblée nationale l’avait réduite à trois ans. Revenir au texte du Gouvernement et à la durée de quatre ans ne me dérange pas, bien au contraire.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 26.
Les amendements nos 28, 522, 30 et 27 sont rédactionnels. J’émets, au nom du Gouvernement, un avis favorable, car ils règlent des problèmes lexicaux.
Le Gouvernement est de même favorable à l’amendement n° 523, qui règle la question, grave, de savoir si, en cas de décès, le parent survivant peut bénéficier du complément qui aurait été attribué au parent disparu.
L’amendement n° 206 rectifié, qui concerne le transfert des trimestres du parent décédé au parent survivant, rejoint la proposition de M. Leclerc. Le Gouvernement est favorable à cet amendement de cohérence.
J’en arrive à l’amendement n° 348. Tel qu’il a été conçu en 2003, le dispositif « carrières longues » permet aux assurés qui ont commencé à travailler très tôt et disposant d’une longue durée d’assurance de partir avant l’âge de soixante ans. C’est notre majorité qui a créé ce dispositif, sur lequel elle n’a nullement l’intention de revenir.
Convenez-en, monsieur Fischer, la mesure n’a pas été conçue pour profiter à des hommes qui se verraient transférer des trimestres au titre d’une majoration de durée d’assurance ! Comme son nom l’indique, ce dispositif s’adresse non aux personnes particulièrement fécondes, mais à celles qui ont exercé une carrière longue. En refusant votre amendement, je ne fais que respecter l’esprit du dispositif « carrières longues ».
Monsieur Fischer, si je vous ai bien entendu, You have a dream ! (Sourires.) Je vous estime trop et depuis trop longtemps pour vouloir vous être désagréable, mais je me dois de relever le caractère anachronique de votre proposition. Vous en conviendrez, je pense, votre amendement n’a pas le moindre rapport avec l’article 38 !
M. Guy Fischer. Je suis d’accord !
M. Xavier Darcos, ministre. Il s’agit de revenir sur une réforme menée avec courage par un certain nombre de personnes de la majorité. Je pense, en particulier, à François Fillon et à Xavier Bertrand.
De plus, votre rêve risque de tourner au cauchemar ! En effet, la loi de 2003 garantit, pour les carrières complètes qui se sont déroulées au niveau du smic, une retraite au taux non pas de 75 %, mais de 85 %. Je n’imagine pas que vous vouliez réduire les retraites de ces personnes !
M. Guy Fischer. C’était une erreur de ma part !
M. Xavier Darcos, ministre. Je ne puis vous suivre, monsieur Fischer, sur cette pente nostalgique ! (Sourires.)
Enfin, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 205 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote sur l'amendement n° 252 rectifié.
Mme Fabienne Keller. Je voudrais poursuivre le débat entamé avec M. le ministre et répondre aux arguments qu’il a avancés.
Vous soulignez, monsieur le ministre, que mon amendement ne résout pas le problème juridique. Je ne suis pas juriste, je vous le concède, mais je pense que le débat juridique est, de toute manière, loin d’être clos. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme n’interdit pas à un État membre « de traiter des groupes de manière différenciée pour corriger les inégalités factuelles entre eux ».
Mme Fabienne Keller. Le débat juridique reste ouvert. L’enjeu mérite que l’on se donne la peine d’aller au niveau européen. Son souci d’établir l’égalité dans les faits conduira la Cour européenne à ne pas prendre la décision que vous présupposez.
Quant à la liberté que vous entendez donner au couple, c’est en vérité aux hommes que vous la donnez, au détriment d’un droit acquis par les femmes !
Je voudrais dire à M. Leclerc qu’il ne faut pas balayer trop vite ce sujet du choix. Nous sommes en train d’ouvrir un champ de tensions intrafamiliales. Vous qui avez été maire, monsieur le ministre, vous savez ce que sont les violences à l’intérieur des familles. Nous touchons à un sujet extrêmement sensible, qui s’inscrit au cœur des relations intrafamiliales, puisqu’il s’agit, en fait, de désigner, au sein du couple, le parent qui a éduqué l’enfant.
Permettez-moi de souligner l’importance qui s’attache à la protection du droit des femmes. Dans un rapport remarquable, Mme Brigitte Grésy rappelle que 1,5 % des pères cessent ou réduisent leur activité à la naissance d’un enfant contre 35 % des femmes. Le ratio est de un à vingt !
Mme Odette Terrade. Vous avez tout à fait raison !
Mme Fabienne Keller. En moyenne, la pension des femmes qui partent à la retraite est de 1 000 euros, contre 1 600 pour les hommes. L’écart des salaires entre les hommes et les femmes est de 25 %. Voilà pour les faits !
Cette inégalité, monsieur le ministre, mes chers collègues, résulte d’un cumul de facteurs qui sont tous pénalisants pour les femmes, et je l’affirme, moi qui fais partie de l’infime pourcentage de celles qui n’ont pas eu à la subir.
Les femmes ont des carrières plus courtes, elles travaillent plus fréquemment à temps partiel, elles ont des carrières plus lentes. C’est un fait ; cela s’appelle le « plafond de verre ». Cette réalité s’observe sans que personne puisse l’expliciter.
C’est pourquoi je vous propose de voter cet amendement. Il est à mon avis urgent de sauvegarder l’essentiel de ce dispositif et de chercher tous ensemble à améliorer l’égalité entre les hommes et les femmes.
M. François Autain. Elle est très convaincante !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je comprends parfaitement la proposition du Gouvernement sur cette question de la majoration de la durée d’assurance, ou MDA, laquelle fait suite à une décision de justice. Je salue même, comme cela a été fait avant moi d’ailleurs, le fait que le Gouvernement se soit saisi de cette question sans attendre.
Toutefois, j’ai la conviction profonde que la majoration de la durée d’assurance retraite des mères de famille, telle qu’elle existe aujourd’hui, doit être maintenue, et ce à condition de bien spécifier que le dispositif provisoire vise à compenser l’inégalité persistante que subissent les femmes dans leur vie professionnelle. Dans ce cas précis, d’ailleurs, monsieur le ministre, le problème juridique serait réglé. Si nous prenons bien la précaution de préciser cet élément dans le texte, le problème ne se pose plus, à condition évidemment de prendre le soin ensuite de l’ouvrir aux hommes dans certains cas exceptionnels.
Je voterai l’amendement n° 252 rectifié parce qu’il me semble équilibré et qu’il prend en compte la situation professionnelle actuelle des femmes, lesquelles – il faut le dire – ne sont pas traitées avec égalité sur ce plan. L’option prévue par le Gouvernement dans le projet de loi actuellement en discussion pourrait être satisfaisante si cette inégalité n’existait pas. Or, ce n’est pas le cas.
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Je suis tout à fait d’accord avec mes collègues qui viennent de s’exprimer, même si nous ne siégeons pas sur les mêmes travées. Monsieur le ministre, l’article 38 est la porte ouverte à tout recours juridique et à toute nouvelle jurisprudence. À en juger par le nombre de divorces et de séparations en France, nous ne sommes pas à l’abri de conflits sur une décision prise par les parents un certain nombre d’années avant leur séparation. Une fois encore, les mères se trouveront pénalisées du fait d’une érosion de leurs droits. Vous évoquez la jurisprudence à l’origine de cet article, mais, au vu de la complexité de votre proposition, les jurisprudences risquent à mon avis de se multiplier !
Pour répondre à Mme Catherine Procaccia, je dirai que le système prévu pour les mères ayant travaillé dans le privé fonctionne très bien, comme j’ai pu le vérifier. Il doit donc être maintenu. C’est pourquoi le groupe socialiste votera l’amendement n° 252 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. La proposition que fait Mme Keller paraît tout à fait équilibrée, alors que le texte que vous nous proposez est source de conflits, monsieur le ministre.
Tant que tout se passe bien au sein d’un couple, le problème ne se pose pas. Mais nous avons tous rencontré dans nos villes – et je m’adresse à tous ceux qui, parmi vous, ont administré des collectivités locales – des cas de drames familiaux. Et, disons-le, nous savons parfaitement qu’une domination s’exerce souvent dans le couple. Au moment du choix, un certain nombre d’arguments économiques seront pris en compte. Cette MDA ne sera-t-elle pas attribuée plutôt au mari parce que l’on préjuge pour lui une retraite supérieure et donc une meilleure rentabilité ?
Mme Keller a eu raison de mentionner également le libre choix. Nous connaissons malheureusement les statistiques relatives aux violences conjugales. Y a-t-il vraiment libre choix dans ce type de situation ? Ce texte est donc déséquilibré : il est en défaveur des femmes.
Ce n’est pas un vote politique que nous allons émettre. Nous pensions qu’une majorité pouvait se dégager dans cet hémicycle. Mais je vois des petits cartons qui se préparent pour un scrutin public, et c’est tout à fait regrettable ! Une fois de plus, ce sont les absents qui vont faire la loi, et les présents qui vont être battus ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Yves Daudigny. Ce n’est pas de la bonne démocratie !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous avons clairement marqué notre position par le dépôt d’un amendement de suppression de l’article 38. Et nous allons voter l’amendement n° 252 rectifié de Mme Fabienne Keller.
Bon sens et expérience apparaissent sur cette question dans cet hémicycle : cet article 38 est perçu par nombre d’entre nous comme source de conflits futurs et de difficultés. Il faut véritablement laisser la MDA en l’état, et c’est pourquoi, opposés à l’article 38, nous voterons l’amendement n° 252 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Les MDA – faut-il le rappeler ? – avaient été mises en place pour régler des inégalités, lesquelles n’ont hélas ! pas disparu. En trente ans, la participation des hommes aux tâches ménagères n’a augmenté que de six minutes par vingt-quatre heures. Des progrès doivent encore être réalisés pour parvenir à la parité ! On a mentionné le « plafond de verre » qui bloque les carrières professionnelles des femmes, les obstacles auxquelles ces dernières sont confrontées du fait de l’éducation des enfants, du travail à temps partiel, des bas salaires. Il est donc essentiel que ces MDA puissent être maintenues.
Nous avons par ailleurs rappelé la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, laquelle prévoit la possibilité de traiter des groupes de manière différenciée pour corriger des inégalités factuelles entre eux. Nous avons également souligné que les autorités nationales se trouvent en principe mieux placées que le juge international pour déterminer ce qui est d’utilité publique en matière économique ou sociale. Nous ne comprenons donc pas la précipitation du Gouvernement dans cette affaire, à moins que celle-ci ne soit motivée par des raisons d’ordre budgétaire.
Dans le cas qui nous occupe, il y a de toute façon une remise en cause des droits acquis aux femmes. Nous ne pouvons donc pas aller dans votre sens. C’est pourquoi – et c’est un moindre mal – nous voterons l’amendement n° 252 rectifié de notre collègue Mme Fabienne Keller.
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.
M. Nicolas About. Personnellement, je ne voterai pas l’amendement n° 252 rectifié, lui préférant l’amendement de la commission, qui me semble plus équilibré. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Le législateur n’a pas à créer des inégalités entre les citoyens, ou à essayer de compenser une inégalité de fait ! Le droit, c’est le droit ! Or, on nous propose de créer deux types de citoyens n’ayant pas les mêmes droits ! (Mmes Odette Terrade et Annie Jarraud-Vergnolle protestent.)
Je ne suis pas intervenu de tout l’après-midi ! Permettez-moi donc d’user de mon droit d’expression, droit de tous les parlementaires, qu’ils soient femme ou homme.
Autant nous devons, comme l’a rappelé M. le ministre tout à l’heure, lutter contre les inégalités professionnelles, notamment salariales, entre les hommes et les femmes, autant nous ne devons pas répondre à la condamnation dont nous avons fait l’objet par le maintien d’une situation qui n’est pas respectueuse du droit.
L’amendement n° 252 rectifié prévoit, en fait, deux droits pour les femmes : il y a d’abord l’attribution de la majoration ; mais, en outre, le paragraphe II prévoit que « si la preuve est néanmoins rapportée que c’est le père qui a seul assuré effectivement la charger de cette éducation, celui-ci pourra bénéficier des dispositions du I ».
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. C’est très rare !
M. Nicolas About. Cela signifie que, quand les choses se font ensemble, l’accord entre les personnes n’est même pas nécessaire. Il y a donc une inégalité de droit !
Alors que vous demandez d’habitude que le droit soit respecté pour tous les citoyens, cette proposition ne vous choque pas ! Je ne pense pas que le rôle du législateur soit de créer, au travers d’un texte de loi, des inégalités. Nous avons au contraire à lutter pour faire en sorte qu’il n’y en ait plus.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. En tout cas moins !
M. Nicolas About. Il ne serait pas correct de la part du législateur de créer une telle inégalité. Il lui faut agir avec plus d’élégance. C’est ce qu’a fait la commission, et je l’en remercie.
M. Gilbert Barbier. La commission a bien travaillé !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 252 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 73 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 162 |
Contre | 175 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Guy Fischer. C’est dommage !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cela aurait été mieux si seuls les présents avaient voté !
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l’amendement n° 347.
Mme Odette Terrade. Nous considérons que la majoration de durée d’assurance est une mesure non pas familiale, mais politique et sociale, destinée à compenser les inégalités salariales dont sont victimes les femmes.
Pour justifier cette mesure, il vous faut, monsieur le ministre, changer la portée de ces droits. Pour ouvrir le bénéfice de la MDA aux hommes, vous devez en changer la base légale : cette majoration ne peut plus être attribuée au titre de la maternité, car elle ne se partage pas, mais au titre de l’éducation, qui peut se partager.
Votre technique de changement de base est tellement complexe que vous en venez vous-même à vous tromper ! En effet, mardi 10 novembre dernier, vous avez d’abord présenté la MDA comme relevant de la branche vieillesse : « En ce qui concerne la branche retraites, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 consolide nos mécanismes de solidarité et poursuit l’action que mène le Gouvernement pour revaloriser le travail », avez-vous dit. Puis vous avez ajouté ceci : « Tout d’abord, nous avons voulu agir pour sauvegarder le dispositif de majoration de durée d’assurance des mères de famille. Le Gouvernement est très attaché à cet élément fondamental de notre politique familiale ».
Il est clair que, pour vous, la MDA est une mesure sociale qui devient une mesure de politique familiale. Il faudrait alors aller jusqu’au bout et en réorienter le financement ; ce sera peut-être la prochaine étape de votre programme.
Par ailleurs, attribuer la MDA au titre de l’éducation revient, de fait, à renvoyer les femmes au foyer pour s’occuper de leurs enfants, car il est évident qu’elles chercheront le moyen d’accumuler les huit trimestres dans leur totalité pour tenter de compenser les écarts de salaire, et donc de pension, dont elles sont victimes.