M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Cette proposition, qui vise en fait à exonérer de contribution carbone les carburants utilisés par les exploitants de taxis dans la limite de 10 000 litres par an de gaz naturel ou de gaz de pétrole liquéfié, et de 5 000 litres par an pour les autres carburants, soulève deux difficultés.
Nous le savons tous, les tarifs des taxis sont fixés par le ministère de l’intérieur. Ils avaient été fortement augmentés au moment de la hausse du prix du carburant en 2008. Depuis, ce prix a baissé, mais les tarifs n’ont pas été modifiés pour autant. On ne peut pas parler de rente, mais la fixation des tarifs a été effectuée sur la base de paramètres différents de ceux qui sont en vigueur actuellement.
Dans la mesure où la contribution carbone sera applicable à tous les carburants versés à la pompe, quelle que soit la voiture, taxi ou autre, qui prend le carburant, il ne serait pas raisonnable d’envisager une exonération. On ne peut pas prévoir un mécanisme de distribution propre, qui permettrait à certains véhicules de bénéficier de l’exonération de la contribution et à d’autres de la subir.
Il convient donc de maintenir le principe, tout en sachant que le ministère de l’intérieur, lorsqu’il fixera les tarifs, tiendra évidemment compte de l’augmentation du prix du carburant qui serait supportée par cette respectable profession.
J’ajoute que, même si nous avons un peu « écharpé » le projet depuis le début de l’après-midi, nous voulons tendre vers une contribution carbone universelle : soustraire une catégorie à ce principe d’universalité n’est pas une bonne idée, car nous souhaitons que la contribution s’applique à toutes les catégories. En outre, une telle exonération poserait problème au regard de l’égalité devant l’impôt, d’autant que la contrainte internationale que l’on peut éventuellement évoquer pour certaines autres professions ne peut ici se justifier.
Sous le bénéfice de ces explications, je vous proposerai de retirer cet amendement.
Si je n’ai pas répondu à votre question, monsieur le rapporteur général, ce n’est pas parce que je cherche à l’éviter. En fait, je ne suis pas sûre d’avoir les éléments de réponse, dans la mesure où un taxi peut éventuellement, lorsqu’il est requis, lorsqu’il est utilisé comme ambulance, par exemple, servir de transport collectif.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il existe, dans un certain nombre de départements, des taxis qui participent à des systèmes de transport « à la demande », lesquels fonctionnent selon un tarif fixe établi par la collectivité, sur une ligne déterminée, et sont accessibles à plusieurs personnes en fonction de leur contenance. C’est un mode de transport qui est très apprécié en zone rurale ou semi-rurale.
MM. Yann Gaillard et Gérard Longuet. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. J’en parle en connaissance de cause, car un tel système a été mis en place dans l’agglomération dont j’ai la charge. À l’époque, j’avais été chercher un précédent dans les Côtes-d’Armor, à Saint-Brieuc, si je ne me trompe. Cela doit exister dans de nombreuses villes ou agglomérations.
Dans ce cas, on propose une convention aux artisans taxis, ce qui leur permet d’avoir un plan de charge auquel ils ne sont pas indifférents, et on participe en même temps à la satisfaction d’un besoin collectif.
Il me semble que l’on a oublié ces cas de figure en exonérant à 100 % le transport collectif de voyageurs, et je me demande si nous ne devrions pas, peut-être pour le projet de loi de finances rectificative, préparer un dispositif d’alignement. Ce serait un bon signal adressé à cette profession. Évidemment, même si cela ne s’adresse pas aux taxis parisiens, ce seraient néanmoins des artisans taxis qui seraient concernés.
Il serait en tout cas inéquitable que le transport à la demande organisé par une collectivité, comme je viens de l’indiquer, ne bénéficie pas de la même exonération que le transport classique par car, alors que c’est un mode plus économe. Le véhicule ne se déplace que si la demande existe, alors que le car peut rouler même s’il est vide.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Nous avons décidé que le transport collectif commençait à partir de huit passagers.
M. Philippe Marini, rapporteur général la commission des finances. C’est arbitraire !
Mme Christine Lagarde, ministre. Ce mode de fixation est effectivement un peu arbitraire. Nous pourrions réexaminer cette question dans le cadre du collectif budgétaire, ou demander au secrétaire d’État aux transports de l’inclure dans les négociations qu’il mène actuellement en matière de transport de voyageurs.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le transport scolaire sera-t-il considéré comme un transport public collectif, madame le ministre ?
M. Gérard César. Et voilà ! C’est une bonne question !
M. le président. Monsieur Charasse, l’amendement n° I-426 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. J’ai écouté avec attention le rapporteur général, puis le ministre.
Si j’ai bien compris, monsieur le rapporteur général, nous pourrions, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, essayer de trouver une solution, en liaison avec le Gouvernement.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je pense, oui ! Il faudrait le faire !
M. Michel Charasse. Dans ces conditions, je retire l’amendement, car je fais confiance à la commission des finances pour nous proposer, en liaison avec le ministre, un dispositif qui soit non pas une dérogation supplémentaire mais un système d’assimilation, de façon que des professions qui exercent de la même manière un transport collectif soient traitées de la même façon.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous le ferons ensemble !
M. Michel Charasse. D’accord !
M. le président. L’amendement n° I-426 rectifié est retiré.
L’amendement n° I-343 rectifié, présenté par M. Botrel, Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Après l’article 266 quinquies B du code des douanes, il est inséré un article 266 quinquies D ainsi rédigé :
« Art. 266 quinquies D. - Sont exonérées de la contribution carbone prévue par l’article 266 quinquies C, les associations prévues par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. »
II. - La perte de recettes pour l’État résultant de l’exonération de contribution carbone pour les associations de la taxe carbone, est compensée à due concurrence par l’institution d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Sur l’initiative de notre collègue Yannick Botrel, nous souhaiterions, par cet amendement, attirer l’attention du Gouvernement sur la situation des associations, qui, à compter du 1er janvier prochain, seront elles aussi soumises à la contribution carbone.
Pour nombre d’entre elles, par exemple pour les associations sportives, mais également pour les associations d’accompagnement, de maintien et d’aide à domicile des personnes âgées ou dépendantes, l’instauration de la contribution carbone entraînera une hausse des charges, notamment de transport.
Nous le savons, ces associations, qu’elles soient sportives ou à vocation sociale, sont très largement aidées, subventionnées par les collectivités territoriales. Quelquefois même, elles profitent de locaux mis à leur disposition par la collectivité.
Le risque pour les collectivités locales est donc double : soit elles devront assumer une hausse de leurs charges au titre des équipements qu’elles mettent à la disposition des associations, soit elles auront affaire à une augmentation des demandes de subventions de la part desdites associations.
De leur côté, les associations, notamment de services, pourraient être amenées à augmenter le tarif de leurs prestations, au détriment du public, déjà défavorisé ou isolé, auquel elles s’adressent.
Le Gouvernement a fait le choix d’une compensation aveugle à tous. Je le dis, tel n’aurait certainement pas été notre choix. Il aurait été important, au contraire, de cibler une partie du produit de la recette issue de la contribution carbone pour aider les ménages en difficulté, et une autre partie pour financer la mutation écologique de nos transports, logements et entreprises en difficulté.
Aujourd’hui, néanmoins, c’est du choix du Gouvernement que nous discutons. Ainsi, pour les entreprises, la compensation se fera par la suppression concomitante de la taxe professionnelle. Pour les ménages, elle se fera par le biais du crédit d’impôt, dont nous discuterons tout à l’heure. Pour les collectivités locales, une solution semble avoir été trouvée. L’État, quant à lui, percevra le produit de la taxe que ses services acquitteront.
Mais, dans ce dispositif, rien n’est prévu pour les associations. Celles-ci n’étant pas assujetties à la taxe professionnelle, elles s’acquitteront de la contribution carbone sans pour autant bénéficier de compensation.
Pour que cette nouvelle taxe ne pèse pas sur leur budget et ne mette pas en péril leurs activités, essentielles pour nos concitoyens et pour le maintien du lien social dans les territoires, notre amendement a pour objet d’exonérer les associations de contribution carbone.
Nous anticipons un peu votre réponse, monsieur le rapporteur général, madame la ministre : nous savons que le redevable de la contribution n’est pas le consommateur final, puisque c’est le fournisseur du produit taxé qui l’acquittera, puis la répercutera sur le prix du produit vendu. Par conséquent, il est difficile, dans les faits, de mettre en pratique l’exonération que nous vous proposons.
Nous aurions pu proposer une solution alternative, reposant sur un crédit d’impôt. Mais il paraît difficile de prévoir un remboursement forfaitaire alors que les missions et les budgets de ces associations sont aussi divers que multiples.
Par conséquent, il s’agit surtout, par cet amendement, d’alerter le Gouvernement sur la situation des associations, de connaître sa position et la solution qu’il compte éventuellement nous proposer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mon cher collègue, outre que la niche est tout de même d’une taille assez considérable, au demeurant difficile à déterminer par avance, il faudrait, comme vous l’avez vous-même indiqué, que les carburants utilisés par les associations soient fléchés dès la sortie de l’entrepôt et bénéficient, par exemple, de points de distribution spécifiques. Assurément, cela ne va pas de soi.
La commission ne pense donc pas que ce dispositif puisse être opérationnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. J’attendais cette réponse. Mais, madame la ministre, ces associations jouent un rôle essentiel, indispensable dans nos territoires, en particulier ruraux : je pense spécialement aux associations d’aide à domicile. Or celles-ci sont souvent dans une situation financière très difficile, si bien que, immanquablement, le coût de leurs prestations va augmenter alors qu’elles s’adressent à des populations qui sont dans le besoin, qui, la plupart du temps, ont de faibles revenus !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mais que fait le conseil général ?
M. Gérard Miquel. Qui sera amené à compenser ? Bien entendu, dans le cas d’espèce, ce sont les conseils généraux, alors qu’ils n’auront pas les moyens d’assumer cette nouvelle charge.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Je voudrais préciser que, lorsqu’une association effectue des transports collectifs à titre régulier – je pense par exemple à des associations sportives qui transportent de manière régulière des sportifs vers un lieu de match –, elle bénéficie de l’exonération.
M. le président. L’amendement n° I-411 rectifié bis, présenté par MM. Doligé, du Luart, Poncelet, Leroy et Fouché, est ainsi libellé :
Après l’article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Il est institué un prélèvement sur les recettes de l’État destiné à compenser les effets de la contribution carbone sur les dépenses exposées par les collectivités territoriales au titre de l’enseignement et du transport scolaires.
II. - Il est institué un prélèvement sur les recettes de l’État en faveur des services départementaux d’incendie et de secours, destiné à compenser les effets de la contribution carbone prélevée sur certaines charges relevant de leurs compétences : véhicules et chauffage de leurs locaux.
III. - Les pertes de recettes résultant, pour l’État, des I et II sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Demande de priorité
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président, en application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, le Gouvernement souhaite que soient examinés par priorité les amendements nos I-181, I-182, I-184 et I-183 tendant à insérer des articles additionnels après l’article 8 bis.
Il s’agit des amendements portant sur le taux de TVA applicable à la restauration. Nous souhaiterions que leur examen ait lieu à une heure où nous pouvons en débattre en toute sérénité et bénéficier de la présence efficace du secrétaire d’État chargé du sujet auprès de la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité formulée par le Gouvernement ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission est prête à débattre de ces amendements, que M. Jégou lui a soumis cet après-midi.
M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de priorité.
(La priorité est ordonnée.)
Articles additionnels après l’article 8 bis (priorité)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-181, présenté par MM. Jégou, Badré et Détraigne et Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le m. de l’article 279 du code général des impôts est supprimé.
II. - L’article 279 bis du code général des impôts est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Les ventes à consommer sur place, à l’exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques. »
L’amendement n° I-182, présenté par MM. Jégou, Badré et Détraigne et Mme N. Goulet, qui est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 279 bis du code général des impôts, il est inséré un article 279 ter ainsi rédigé :
« Art. 279 ter. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 12 % sur les ventes à consommer sur place, à l’exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques. »
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les quatre amendements, puisqu’ils forment un tout, ce qui évitera que je ne reprenne la parole trop souvent. Je pense que cela ne déplaira pas à M. le ministre en dépit du souhait qu’il a paru exprimer en demandant la priorité d’examen de ces amendements à cette heure très propice, selon lui, à un débat de fond…
M. le président. J’appelle donc en discussion les deux amendements suivants.
L’amendement n° I-184, présenté par MM. Jégou, Badré et Détraigne et Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 279 bis du code général des impôts, il est inséré un article 279 ter ainsi rédigé :
« Art. 279 ter. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 19,6 % sur les produits ayant fait l’objet d’une vente à emporter par un établissement de restauration, à l’exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques. »
L’amendement n° I-183, présenté par MM. Jégou, Badré et Détraigne et Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 279 bis du code général des impôts, il est inséré un article 279 ter ainsi rédigé :
« Art. 279 ter. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 12 % sur les produits ayant fait l’objet d’une vente à emporter par un établissement de restauration, à l’exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques. »
Vous avez la parole, mon cher collègue.
M. Jean-Jacques Jégou. L’affaire est très ancienne ! Je me rappelle avoir assisté à plusieurs reprises, sur les bancs de l’Assemblée nationale, aux tentatives de mes collègues pour soutenir cette demande de M. André Daguin, alors président de l’Union des métiers de l'industrie hôtelière.
Jusqu’au changement du mois de juillet dernier, M. Daguin considérait qu’il existait une distorsion de concurrence entre la restauration dite traditionnelle et la restauration rapide, qui pratique la vente à emporter. En effet, par une facétie fiscale comme seul notre pays en connaît, vous acquittiez une TVA à 19,6 % lorsque vous preniez le temps de vous asseoir à la table d’un restaurant et à seulement 5,5 % si vous alliez dans un établissement de restauration rapide pour acheter un repas « à emporter ».
Ceux qui fréquentent les lieux de restauration rapide – ce n’est pas encore mon cas, bien que je sois déjà grand-père ! (Sourires.) – m’ont même raconté une curiosité dans cette application des différents taux de TVA. Il paraît que, lorsqu’on mange dans ce genre de restaurant, une heure après, on a de nouveau faim. On y retourne donc racheter le même produit, mais cette fois on se contente du drive-in. Et voilà comment on consommait une première fois un produit taxé à 19,6 % et, quelques instants plus tard, le même produit taxé à 5,5 %. Rien que de très normal, me direz-vous. À ceci près que le prix payé, lui, était le même dans les deux cas…
M. Daguin avait remarqué cette curiosité. Aussi, dix années durant, il n’eut de cesse de réclamer à cor et à cri que soit tenue la promesse faite aux restaurateurs par le président Chirac à l’occasion de l’élection présidentielle de 2002, promesse qui n’avait pu être honorée parce que Bruxelles avait refusé à la France, qui avait à l’époque choisi d’appliquer le taux réduit de TVA au secteur du bâtiment,…
Mme Christine Lagarde, ministre. Seulement pour les travaux sur les locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans !
M. Jean-Jacques Jégou. … la possibilité d’en faire bénéficier un second secteur.
La crise aidant, peut-être aussi à cause de l’obstination de M. Daguin, le Gouvernement a obtenu de Bruxelles l’autorisation tant attendue, en même temps d’ailleurs que d’autres pays pour d’autres secteurs de leur économie. Et voilà comment, au détour d’un projet de loi traitant du tourisme – c’est d’ailleurs ce qui explique pourquoi la commission des finances s’est prononcée aujourd’hui pour la première fois sur ce sujet –, satisfaction a été donnée à la restauration traditionnelle, qui s’est enfin vu appliquer une TVA à 5,5 %.
Madame, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, compte tenu de la situation dans laquelle se trouve notre budget, qui accuse un déficit de 146 milliards d’euros, c’est un cadeau fiscal pur et simple que le Gouvernement a donné à la restauration ! Comme d’ailleurs l’affaire faisait grand bruit, je comprends que le Gouvernement ait demandé une contrepartie en forme de triptyque : les restaurateurs devaient embaucher, réduire les additions à due concurrence, et enfin investir dans leurs établissements.
Force est de constater que le cadeau fiscal, exorbitant, de 2,5 milliards d’euros…
Mme Nicole Bricq. Et même de 3 milliards d’euros !
M. Jean-Jacques Jégou. Effectivement, si l’on tient compte des mesures prises avant même que l’autorisation ait été obtenue, ce qui a coûté entre 500 millions et 600 millions d’euros.
M. Jean-Jacques Jégou. … que le cadeau fiscal, disais-je, ne s’est pas accompagné de la compensation demandée par le Gouvernement.
M. Michel Charasse. Les restaurateurs avaient pourtant pris des engagements !
M. Jean-Jacques Jégou. Selon le Gouvernement lui-même, les engagements pris n’ont pas été tenus.
Vous pourrez m’objecter, madame, messieurs les ministres, que, la mesure n’étant entrée en vigueur qu’au mois de juillet, nous n’avons peut-être pas eu le temps de constater convenablement les efforts consentis par la restauration.
Cependant, nous considérons aussi, et je tiens à l’affirmer dans cet hémicycle, même peu rempli, qu’il y a tout de même méprise. Qui paie la TVA lorsqu’on va au restaurant ? Est-ce le restaurateur ou est-ce le consommateur ? C’est bien le client, c’est bien le consommateur final qui paie la TVA, ce que ne comprennent pas toujours les restaurateurs, qui n’ont pas tous un sens aigu de la comptabilité ou de la finance. Pour en fréquenter moi-même quelques-uns, je peux vous dire que j’ai eu sur le sujet des conversations tout à fait… savoureuses.
Alors que le Parlement est là pour aider le Gouvernement à trouver des recettes et que l’on peine parfois à trouver quelques dizaines de millions d’euros, je m’interroge sur le bien-fondé du cadeau consenti aux restaurateurs, car on ne constate ni créations d’emploi, ni investissements, ni baisse des prix ! À l’heure où les collectivités locales vont rencontrer quelques difficultés avec la « suppression » de la taxe professionnelle, croyez bien qu’elles aimeraient profiter de ces 2,5 milliards d’euros !
Vraiment, je ne vois pas de raison objective au maintien de ce cadeau, sauf à vouloir faire plaisir à une corporation qui fait grand bruit et a souvent brandi des menaces. D’ailleurs, M. Daguin n’était-il pas présent dans les tribunes de l'Assemblée nationale lors du débat pour vérifier qui votait pour et qui votait contre ?...
Aujourd'hui, le Parlement a tendance à céder à la pression ! Ne pas y céder reviendrait finalement à rendre au contribuable les 2,5 milliards d’euros qui ont été amputés des recettes de l’État.
Les quatre amendements que j’ai déposés comprennent différentes propositions, dont l’une avait été faite l’an dernier par M. le président de la commission.
Comprenant bien la distorsion qui existe entre les deux types de restauration, je propose, dans l’amendement n° I-181, de revenir au taux de 19,6 % pour tout le secteur de la restauration et, dans l’amendement n° I-182, de fixer un taux de TVA de 12 % sur les ventes à consommer sur place. Les deux autres amendements sont des amendements de repli.
Madame la ministre, messieurs les ministres, l’amendement n° I-181 a été voté, pour la première fois, je le rappelle, à l’unanimité des membres de la commission des finances, …
M. Michel Charasse. Et dans l’enthousiasme !
M. Jean-Jacques Jégou. … et même dans l’enthousiasme, …
M. Gérard Longuet. Ils sortaient du restaurant ! (Rires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En cette période, nos agapes sont très modérées !
M. Jean-Jacques Jégou. … non pas parce qu’ils sortaient du restaurant, mon cher collègue, mais parce que la commission des finances du Sénat est pleinement dans son rôle en essayant d’alléger la dette fabuleuse que notre pays connaît aujourd'hui. L’adoption de cet amendement serait le signe qu’un coup d’arrêt est donné au déficit que nous creusons sans cesse, chaque année, au détour des projets de loi de finances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, à défaut de coup d’arrêt, disons plutôt que nous voulons donner un coup de semonce !
Permettez-moi de rapprocher deux chiffres.
La réforme de la taxe professionnelle, qui est très structurante,…
Mme Nicole Bricq. Elle est plutôt déstructurante !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … et dont nous n’avons pas fini de débattre, porte une réelle ambition pour le tissu de nos entreprises, et elle aura des effets induits sur l’ensemble de nos collectivités territoriales. Son coût en année pleine est de l’ordre de 4 milliards d’euros. En comparaison, le poids que pèse la mesure catégorielle pour l’hôtellerie et la restauration est beaucoup trop élevé.
M. Michel Charasse. 3 milliards d’euros !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En effet, si l’on met en balance les 4 milliards d’euros prévus pour la réforme de la taxe professionnelle, qui, quoi qu’on en pense, est une opération de nature stratégique et structurante, et les 3 milliards d’euros consentis au bénéfice d’une seule profession, on ne peut que constater combien les sommes engagées sont disproportionnées au regard des enjeux ! Tel est le premier point que je tenais à souligner.
Bien entendu, nous le savons fort bien, et spécialement dans ce domaine, quand le vin est tiré, il faut le boire ! (Sourires.)
M. Michel Charasse. Sauf quand c’est de la piquette !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mais il faut le boire sans trop de culpabilité !
Or, notre souci est de comprendre quels engagements professionnels ont été pris en contrepartie de cette mesure catégorielle obtenue après des années d’un lobbying d’une efficacité considérable.
Au travers de son vote, la commission a souhaité que l’on fasse le point, que le respect de ces engagements professionnels soit évalué, car nous voulons qu’ils soient tenus.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Qu’en est-il de la baisse des prix de 11,8 % sur au moins sept produits ? Comment cette baisse s’apprécie-t-elle ? Comment est-ce contrôlé ? Les services de la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, s’en sont-ils préoccupés ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Comment opèrent-ils ? Quels comptes rendus pourrez-vous nous remettre à ce sujet ?
Par ailleurs, qu’en est-il de la création de 40 000 emplois en deux ans, dont 20 000 emplois pérennes et 20 000 contrats d’apprentissage, en alternance ou de professionnalisation ?
Vous l’imaginez bien, nous sommes particulièrement attachés à ces questions, notamment à celle de la formation des jeunes, car nous sommes nombreux ici à croire à l’apprentissage, à l’alternance et à la professionnalisation. Si cet engagement n’est pas tenu, l’effort de 3 milliards d’euros n’a aucun sens !
Certes, nous savons bien que le recrutement de personnels dans les métiers de l’hôtellerie et surtout de la restauration ne va pas de soi.