Sommaire

Présidence de M. Bernard Frimat

Secrétaires :

MM. François Fortassin, Jean-Pierre Godefroy.

1. Procès-verbal

2. Création d’une commission spéciale

3. Loi de finances pour 2010. – Suite de la discussion d'un projet de loi

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

Compte d’affectation spéciale : Développement agricole et rural

MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard César, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; François Fortassin, rapporteur pour avis de la commission de l’économie.

MM. Gérard Le Cam, Gérard Bailly, Jean-Claude Merceron, Mme Odette Herviaux, MM. Yvon Collin, Jacques Blanc, Jean Boyer.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca

4. Organisme extraparlementaire

5. Modification du calendrier budgétaire

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Mme la présidente.

6. Loi de finances pour 2010. – Suite de la discussion d'un projet de loi

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

Compte d’affectation spéciale : Développement agricole et rural

(suite)

MM. Raymond Vall, Jacques Muller, Gérard César, Didier Guillaume, Charles Revet, Yannick Botrel, Antoine Lefèvre.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Questions-réponses-répliques

MM. Alain Vasselle, le ministre.

MM. Yannick Botrel, le ministre.

MM. Daniel Soulage, le ministre.

MM. Didier Guillaume, le ministre.

MM. Aymeri de Montesquiou, le ministre.

MM. Yann Gaillard, le ministre.

MM. Jean-Claude Danglot, le ministre.

MM. Jean Boyer, le ministre.

MM. Gérard Le Cam, le ministre.

Mme Anne-Marie Escoffier, le ministre.

MM. Pierre Jarlier, le ministre.

MM. Pierre-Yves Collombat, le ministre.

MM. Jean Bizet, le ministre.

MM. Jean-Pierre Sueur, le ministre.

MM. Dominique de Legge, le ministre.

Mme Odette Herviaux, M. le ministre.

État B

Amendement no II-217 du Gouvernement. – MM. le ministre, Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances. – Adoption.

Amendements nos II-124 rectifié de M. Jacques Blanc et II-133 de M. Thierry Repentin. – MM. Jacques Blanc, Jean-Pierre Sueur, le rapporteur spécial, le ministre. – Retrait de l’amendement no II-124 rectifié ; rejet de l’amendement no II-133.

Amendement no II-65 de M. Gérard César, rapporteur pour avis. – MM. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; le rapporteur spécial, le ministre. – Retrait.

Amendements nos II-132 de M. Jean-Pierre Sueur et II-125 rectifié de M. Jacques Blanc ; amendements identiques nos II-116 rectifié ter de M. Antoine Lefèvre et II-155 rectifié bis de M. Yvon Collin. – MM. Jean-Pierre Sueur, Jacques Blanc, Mme Catherine Troendle, MM. Michel Charasse, le rapporteur spécial, le ministre, Gérard César, rapporteur pour avis ; Mme Nathalie Goulet. – Retrait des amendements nos II-125, II-116 rectifié ter et II-115 rectifié bis ; rejet de l’amendement no II-132.

Amendement no II-66 de M. François Fortassin, rapporteur pour avis. – MM. Gérard César, rapporteur pour avis ; le rapporteur spécial, le ministre. – Adoption.

Adoption des crédits modifiés.

État D

Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

Articles additionnels avant l’article 51

Amendement no II-64 de M. Gérard César, rapporteur pour avis. – MM. Gérard César, rapporteur pour avis ; le rapporteur spécial, le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement no II-134 de M. Thierry Repentin. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur spécial, le ministre. – Rejet.

Sécurité

MM. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, en remplacement de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis ; Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

M. Charles Gautier, Mmes Éliane Assassi, Anne-Marie Escoffier, M. Marc Laménie, Mme Virginie Klès.

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

M. Jacques Berthou.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

État B

Adoption des crédits.

Article additionnel après l'article 59 ter

Amendement no II-193 de M. Jean Faure. – MM. Jean Faure, le rapporteur spécial, le ministre, Charles Gautier. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; le ministre.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

Relations avec les collectivités territoriales

Compte de concours financiers : Avances aux collectivités territoriales

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Catherine Troendle, en remplacement de M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois.

M. Pierre-Yves Collombat, Mmes Anne-Marie Escoffier, Josiane Mathon-Poinat, M. Jean-Pierre Sueur.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.

État B

Adoption des crédits.

État D

Adoption des crédits du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».

Articles additionnels avant l’article 55

Amendement no II-112 de M. Jean Faure. – MM. Jean Faure, le rapporteur spécial, le secrétaire d’État, le président de la commission des finances. – Retrait.

Article 55. – Adoption

Articles additionnels après l'article 55

Amendements nos II-178 et II-179 de M. Gérard Collomb. – MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur spécial, le secrétaire d’État. – Retrait de l’amendement n° II-178 ; rejet de l’amendement n° II-179.

Amendement no II-180 de Mme Nicole Bricq. – MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur spécial, le secrétaire d’État, le président de la commission des finances. – Retrait.

Article 56. – Adoption

Article 56 bis

Amendement no II-153 de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'État, Mme Josiane Mathon-Poinat. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.

Articles 57 et 58. – Adoption

Articles additionnels après l'article 58

Amendements nos II-12 rectifié de la commission et II-195 rectifié de Mme Jacqueline Alquier. – M. le rapporteur spécial, Mme Michèle André, MM. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ; le président de la commission des finances, Philippe Dominati, Jean-Pierre Sueur, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Éric Doligé. – Retrait des deux amendements.

Article 58 bis. – Adoption

Articles additionnels après l'article 58 bis

Amendements nos II-182 et II-183 rectifié de M. Georges Patient. – MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur spécial, le secrétaire d'État, Éric Doligé, Mme Josiane Mathon-Poinat. – Rejet des deux amendements.

Amendement nos II-184 et II-185 de M. Georges Patient. – MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur spécial, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.

Administration générale et territoriale de l’État

Mme Michèle André, rapporteur spécial de la commission des finances ; M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Mmes Josiane Mathon-Poinat, Anne-Marie Escoffier, M. Jean-Pierre Sueur.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.

État B

Amendement no II-48 de M. Philippe Dominati. – M. Philippe Dominati, Mme le rapporteur spécial, MM. le secrétaire d'État, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Robert del Picchia. – Rejet.

Adoption des crédits.

Sécurité civile

M. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Mmes Anne-Marie Escoffier, Éliane Assassi, M. Éric Doligé.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.

État B

Adoption des crédits.

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Bernard Frimat

vice-président

Secrétaires :

M. François Fortassin,

M. Jean-Pierre Godefroy.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Création d’une commission spéciale

M. le président. L’ordre du jour appelle, en application de l’article 16, alinéa 2 du règlement, la proposition de M. le président du Sénat tendant à créer une commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris (n° 123, 2009-2010).

Je soumets donc cette proposition au Sénat.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

4

Article 35 et état B (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Deuxième partie

Loi de finances pour 2010

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales - Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale (nos 100 et 101).

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

Compte d’affectation spéciale : Développement agricole et rural

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales - Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural (interruption de la discussion)

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les intervenants qui se succèderont ce matin au cours de la discussion des crédits de la mission « Agriculture » sont nombreux. Aussi me permettrez-vous de centrer mon intervention sur sept points principaux, concernant les crédits que vous nous demandez, monsieur le ministre, pour 2010.

Le premier point porte sur le calibrage global de la mission. Je le souligne, notre discussion a pour toile de fond une crise de l’ensemble des filières agricoles qui, comme l’a observé le Président de la République dans son discours de Poligny du 27 octobre 2009, est sans précédent par son ampleur et son caractère généralisé.

La mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » n’est pas en mesure de surmonter par elle-même cette crise. Je rappelle que les montants de ses crédits sont modestes et ne représentent qu’un peu plus de 10 % de l’ensemble des concours publics à l’agriculture.

Doté de 3,424 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 3,448 milliards d’euros en crédits de paiement, le projet de budget pour 2010 de la mission présente des évolutions contrastées par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2009 : les autorisations d’engagement progressent de 6,1 %, tandis que les crédits de paiement sont en baisse de 0,8 %.

Les crédits pour 2010 se caractérisent surtout par une forte dérogation aux plafonds fixés au niveau pluriannuel : au lieu de décroître, comme le prévoyait la loi de programmation des finances publiques, ils sont supérieurs de 10,3 % au plafond défini pour 2010. Cet écart se justifie pleinement par les difficultés traversées par l’ensemble des filières agricoles que j’évoquais à l’instant.

Surtout, j’observe que, dans le contexte de crise généralisée du monde agricole, l’Assemblée nationale a majoré de 228,89 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 163,43 millions d’euros en crédits de paiement les crédits de la mission, principalement au titre du plan exceptionnel en faveur de l’agriculture annoncé par le Président de la République.

Le budget 2010 de la mission est donc porté à 3,653 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 3,611 milliards d’euros en crédits de paiement.

Je sais que les crédits de cette mission sont, année après année, « budgétés au plus juste ». Ce plan exceptionnel devrait donc apporter un peu d’air au cours de l’exécution, même si je vous redis, monsieur le ministre, que notre commission des finances préfère une prévision la plus fiable possible plutôt que des redéploiements en cours d’exercice ; il est toujours difficile pour les parlementaires d’assurer un suivi rigoureux de ces mouvements en gestion.

Je rappelle d’ailleurs qu’il est malheureusement d’usage d’abonder de nouveau en gestion la mission « Agriculture », souvent au gré d’événements exceptionnels, comme les crises subies par le monde agricole, de nature climatique, économique ou sanitaire. L’exécution budgétaire en 2008 et en 2009 présente ainsi, une fois de plus, un profil perturbé, résultant de la survenue de crises, mais aussi de la budgétisation insuffisante de certains postes.

La question des aléas ne fait pas l’objet d’une prise en charge satisfaisante par les différents programmes de la mission. Je regrette notamment que, une fois de plus, il ne soit pas prévu de doter en loi de finances initiale le Fonds national de garantie des calamités agricoles.

Je relève que l’examen du projet de loi de modernisation agricole devrait être l’occasion d’un enrichissement des dispositifs de gestion des aléas.

Le projet de loi de finances pour 2010 a cependant déjà ouvert la voie, puisqu’un amendement de l’Assemblée nationale tend à élargir aux risques économiques la déduction pour aléas. Notre commission des finances s’est déclarée avant-hier favorable à un tel dispositif.

Le deuxième point a trait aux dépenses fiscales. En dépit de la remise au Parlement par le Gouvernement d’un rapport spécifique sur la fiscalité agricole, dont nous avons pris connaissance avec intérêt, j’observe que les dépenses fiscales, concentrées sur le programme 154, ne sont toujours pas récapitulées à l'échelle de la mission. Leur présentation doit donc encore être améliorée dans le projet annuel de performance.

De manière plus générale, il me semble que l’évaluation de ces dispositifs est lacunaire et qu’un effort considérable doit être fourni à cet égard. Leur coût, de l’ordre de 3 milliards d’euros, est sujet à caution selon la Cour des comptes. Leur efficacité reste à démontrer, à l’image du crédit d’impôt pour le remplacement des agriculteurs en congé. C’est pourquoi notre commission des finances a souhaité limiter la prorogation de ce dispositif à un an, au lieu de trois.

Le troisième point concerne le programme 154 et ses opérateurs. Monsieur le ministre, lors de votre audition devant notre commission, le 14 octobre 2009, vous êtes largement revenu sur les crédits de ce programme, qui est le support privilégié de la politique d’intervention de votre ministère et qui reçoit, à lui seul, la moitié des crédits de paiement de la mission.

Vous vous êtes montré rassurant sur l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, l’ICHN, sur la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, sur les aides à l’installation ou encore sur le fonds d’allégement des charges. Nous reviendrons sur certains de ces dispositifs lors de la discussion des amendements et je ne m’y attarderai donc pas.

Monsieur le ministre, le montant des subventions allouées aux opérateurs du programme augmente en 2010. La révision générale des politiques publiques, ou RGPP, appelait des fusions, qui ont été réalisées sous l’égide de votre ministère, mais je note l’augmentation marquée en 2010 des subventions allouées à l’Agence de services et de paiement, soit plus 11,5 millions d’euros ; à FranceAgriMer, soit plus 2,1 millions d’euros, et à l’Office de développement de l’économie agricole dans les départements d’outre-mer, l’ODEADOM, soit plus 820 000 euros.

Seule la dotation destinée aux Haras nationaux est en baisse ! Cette observation montre que la réforme des principaux opérateurs du programme doit se poursuivre et, surtout, permettre de réaliser des économies.

Le quatrième point porte sur le programme 149, « Forêt », qui vise un double objectif : valoriser la ressource « bois » et préserver la biodiversité.

Je retiens que, en 2010, le renforcement du soutien à cette filière aura principalement pour objet de surmonter les graves conséquences du passage de la tempête Klaus. Une grande partie des dépenses du programme est destinée à son opérateur principal, l’Office national des forêts, l’ONF.

Notre commission des finances a confié cette année à la Cour des comptes une enquête sur l’office. Or, comme nous avons pu le constater lors de l’audition pour suite à donner à cette enquête, le 21 octobre dernier, la situation financière de l’ONF est préoccupante.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très préoccupante !

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. J’estime toutefois qu’elle ne doit pas conduire à abandonner la trajectoire définie par la RGPP s’agissant de l’amélioration de la gestion de l’office ; nous aurons l’occasion de revenir sur ce point.

Le cinquième point a trait au programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation ». La nouvelle priorité donnée à l’alimentation par le ministère se traduit par une hausse de 33 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2009, de l’action 8 « Qualité de l’alimentation et offre alimentaire ».

J’ai cru comprendre, et vous nous le confirmerez peut-être, monsieur le ministre, que la réduction des crédits du programme, de l’ordre de 10 %, n’était qu’apparente : la plupart des actions bénéficient en fait de moyens renforcés en 2010.

Cette diminution apparente semble surtout résulter de l’extinction progressive de la dotation consacrée à l’élimination des farines animales, en raison de la baisse annuelle des stocks à détruire. Je m’inquiète tout de même du montant attendu pour la lutte contre les maladies animales, en particulier contre la fièvre catarrhale ovine.

Une somme d’un peu plus de 11 millions d’euros sera-t-elle suffisante pour assurer, en 2010, la poursuite de la politique de vaccination, que l’État s’est engagé à prendre de nouveau en charge ?

Si tel n’était pas le cas, ce serait la quatrième année que notre commission devrait regretter la sous-budgétisation affectant le financement de la lutte contre les maladies animales, en particulier contre la fièvre catarrhale ovine.

L’autre facteur de réduction des crédits du programme 206, même si c’est dans une moindre mesure, réside dans la réforme du service public de l’équarrissage, qui était réclamée depuis longtemps par notre commission des finances.

La libéralisation du service public de l’équarrissage, effective depuis le 18 juillet 2009, devait conduire les filières à assurer elles-mêmes la gestion et le financement de l’équarrissage. Or il semble que cette réforme connaisse quelques difficultés à aboutir. En 2010, L’État ne devrait rester payeur que du seul service public résiduel.

Monsieur le ministre, je serais heureux que vous puissiez éclairer le Sénat sur le calendrier de résorption de la dette du service public de l’équarrissage, ainsi que sur les négociations en cours au sein des filières concernant l’instauration des cotisations volontaires utilisées pour financer, à l’avenir, les missions d’équarrissage.

Les crédits restent assez importants en 2010, en raison de la poursuite du paiement par l’État de la dette des éleveurs auprès des équarisseurs. Pour ma part, je plaide pour que cet apurement se fasse le plus rapidement possible, de manière à réduire substantiellement les dépenses consacrées au service public de l’équarrissage.

Le sixième point concerne le programme 215, qui est en fait le programme support de la mission. Je souligne la stabilité des crédits qui lui sont consacrés, à l’exception de la hausse liée au financement du recensement général agricole, dont le coût devrait toutefois rester faible. Le plafond d’emplois baisse de 613 équivalents temps plein travaillé en 2010, après avoir été réduit de 1 124 équivalents temps plein travaillé en 2009. La démarche de suppressions d’emplois est donc poursuivie.

J’observe en outre que la concentration des crédits du titre 2 de la mission au sein d’un unique programme ne se justifie pas. Une ventilation des dépenses de personnel entre les différents programmes serait donc souhaitable pour la présentation du projet de loi de finances pour 2011.

Le septième et dernier point porte sur le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », dit « CAS-DAR ». Évaluées à 114,5 millions d’euros en 2010, ses recettes augmentent année après année, alors que les dépenses du compte leur sont toujours inférieures. Cet écart persistant plaide pour une meilleure utilisation des crédits ou pour une baisse de la fraction du produit de la taxe affectée au CAS-DAR.

Enfin, monsieur le ministre, je maintiens que la justification des crédits de ce compte d’affectation spéciale est insuffisante pour avoir l’assurance que ces ressources ne sont pas distribuées en vertu d’une logique d’abonnement des organisations par lesquelles ils transitent, en l’espèce les chambres d’agriculture et les instituts techniques agricoles. Il faut, à tout le moins, accroître la part des actions financées par le biais de procédures d’appel à projets.

En conclusion, je souhaite aborder la question de la politique agricole commune. L’accord européen sur le bilan de santé de la PAC, signé il y a un an, le 20 novembre 2008, a permis d’exprimer le refus par les États membres de l’Union européenne d’une transformation de la PAC en une simple politique de développement rural. L’accord a donc finalement garanti le maintien des instruments de régulation des marchés. Surtout, il a instauré une plus grande flexibilité dans la mise en œuvre des règles en fonction des choix nationaux. Monsieur le ministre, cette inflexion révèle-t-elle une évolution vers la renationalisation de la PAC ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela y ressemble beaucoup !

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Cette perspective peut paraître séduisante à certains qui imaginent que notre pays disposera de plus grandes marges d’action, mais je dois reconnaître que, pour ma part, elle a plutôt tendance à m’inquiéter. Je rappelle que notre pays reçoit, à lui seul, 75 % des crédits de la PAC. Nous sommes en effet, et de loin, les premiers bénéficiaires de cette politique en Europe. Au regard du montant des dépenses communautaires agricoles engagées en France, de l’ordre de 10 milliards d’euros, je me demande comment nos finances publiques pourront absorber ce choc.

La commission des finances recommande l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ». Je souligne que je préférerais que cette mission s’intitule « Alimentation et agriculture ». (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la présentation habituellement brillante du rapporteur spécial de la commission des finances, M. Joël Bourdin, je formulerai, au nom de la commission de l’économie, quelques observations sur la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

Tout d’abord, ce budget s’inscrit dans un contexte très différent du précédent. Comme vous le faites souvent remarquer, monsieur le ministre, l’agriculture française traverse certainement la plus grave crise depuis trente ans. Fait nouveau, celle-ci touche à peu près toutes les filières en même temps et se traduit par une chute spectaculaire du revenu agricole, de l’ordre de 20 % en un an, ainsi que le soulignait le Président de la République à Poligny voilà un peu plus d’un mois.

Au moment de son dépôt, le projet de budget était déjà un budget de réponse à la crise, dans la mesure où, avec 3,4 milliards d’euros, il se situait au-dessus des engagements pris dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

Certaines lignes de ce budget s’expliquaient déjà par une logique d’aide exceptionnelle en situation de crise. Ainsi, les crédits du programme 149 « Forêt » sont en forte augmentation – de l’ordre de 25 % en autorisations d’engagement –, dans le but de faire face aux conséquences de la tempête Klaus qui a balayé le sud-ouest le 24 janvier dernier : 234 000 hectares de parcelles ont été ravagés, alors même que les dégâts de la tempête de 1999 n’ont pas encore été tous réparés.

En cours de discussion à l’Assemblée nationale, ce budget a évolué avec l’adoption de 200 millions d'euros de crédits supplémentaires, sans compter quelques moyens ajoutés au programme d’opération spécifique à l’éloignement et à l’insularité des DOM, POSEIDOM, qui entrent dans le cadre du plan du Président de la République pour l’outre-mer.

Pour l’agriculture, ce sont au total 100 millions d’euros en autorisations d’engagement et 50 millions d'euros en crédits de paiement dans le cadre du dispositif AGRIDIFF et 100 millions d'euros de plus dans le cadre du fonds d’allégement des charges, le FAC, qui ont été débloqués. Toutes ces mesures pour 2010 sont complétées par des crédits de bonifications de prêts de consolidation ou de trésorerie et par des allégements de charges sociales dues à la Mutualité sociale agricole, la MSA, qui figurent dans le collectif budgétaire de 2009.

Mais le projet de budget pour 2010 n’est pas seulement conçu pour faire face à la crise. Il se fixe les objectifs traditionnels de notre politique agricole : soutien à l’installation des jeunes agriculteurs, malgré une baisse préoccupante des crédits pour les associations départementales pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, les ADASEA, appui économique aux filières, soutien à l’agriculture extensive.

Le projet de budget pour 2010 est également destiné à préparer l’avenir avec un soutien plus marqué à l’assurance récolte, dans le droit-fil de l’accord européen sur le bilan de santé de la PAC. Je note aussi que les mesures adoptées à l’Assemblée nationale permettront de renforcer le système de la déduction pour aléas en l’étendant à l’aléa économique.

Bien sûr, tout n’est pas parfait. Certes, en 2010, la nouvelle contribution carbone est redistribuée aux agriculteurs à 75 % sous forme de remboursement d’impôt et à 25 % par l’abondement des crédits du plan de performance énergétique, mais rien n’est garanti en 2011.

La fin de l’exécution du plan pêche conduit à une baisse significative des crédits de la pêche, filière qui ne se porte pourtant pas très bien en France, comme le précisera certainement Charles Revet.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Le plan de modernisation des bâtiments d’élevage voit ses crédits baisser, ce qui est surprenant en pleine crise laitière.

Cette analyse a conduit la commission de l'économie à déposer trois amendements. Le premier vise à minorer cette réduction, le deuxième tend à préserver le financement des associations foncières pastorales, le troisième a pour objet d’établir un reversement de ressources des chambres départementales d’agriculture vers les chambres régionales d’agriculture et à permettre aux chambres départementales d’agriculture, comme en 2009, d’augmenter de 1,5 % au maximum le produit de la taxe pour frais qui les finance.

Enfin, le projet de budget pour 2010, dans la continuité des précédents, fait participer le ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche aux efforts demandés à l’ensemble des administrations en termes de modernisation et de maîtrise budgétaire, mais de manière raisonnable. Il est vrai que quelques charges supplémentaires interviendront en 2010, notamment avec le recensement général agricole.

Je ne conclurai pas mon intervention sans évoquer la filière vitivinicole, durement affectée par la crise économique mondiale. Ses exportations sont en baisse de 12 % en volume et de 18 % en valeur. Des mesures énergiques, notamment un soutien à l’exportation, doivent permettre de redresser la barre.

En outre, je souhaite mettre l’accent sur deux chantiers importants pour la filière.

D’une part, il faut accroître les efforts en matière de lutte contre les aléas climatiques. Les deux épisodes de grêle du mois de mai dernier dans le Bordelais ont montré la nécessité de mettre en place une combinaison de solutions assurantielles et d’épargne individuelle, chère à M. le président de la commission de l'économie, Jean-Paul Emorine.

D’autre part, la lutte contre les maladies de la vigne, par exemple l’esca, nécessite des efforts supplémentaires de recherche de la part de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, pour aboutir à des solutions adaptées.

Monsieur le ministre, vous nous présentez un bon budget. Dans quelques semaines, vous nous soumettrez un non moins bon projet de loi de modernisation agricole. Attendu par la profession, en particulier par les jeunes, ce texte sera l’occasion de dresser des perspectives nouvelles pour le monde agricole, aujourd’hui un peu déboussolé.

La commission de l'économie émet un avis favorable sur les crédits de la mission. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis.

M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera plus spécifiquement sur les crédits du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation ».

Pour la deuxième année consécutive, ce programme est intégré pleinement au sein de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et non plus dans une mission interministérielle précédemment intitulée « Sécurité sanitaire ». Avec 540 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 560 millions d'euros de crédits de paiement, il se situe à peu près au même niveau que l’année dernière.

La sécurité sanitaire est en effet devenue un enjeu essentiel des politiques agricoles. Comme en matière de santé humaine, la santé animale est surveillée et la prévention constitue désormais un outil essentiel de gestion des risques.

Le budget pour 2010 solde la crise de la vache folle, qui avait débuté en 1996, à travers l’extinction de deux dispositifs. Le stockage des farines animales s’achèvera en 2010 par l’élimination des derniers stocks de farine, qui coûtaient 50 millions d’euros par an jusqu’en 2009, coûteront encore 15 millions d'euros en 2010 et ne coûteront plus rien en 2011.

Le transfert de la gestion de l’équarrissage aux filières, sauf outre-mer, et le recentrage de la mission de service public sur les animaux morts abandonnés sur la voie publique constituent aussi un retour à la normale, prouvant que la confiance est revenue dans ce secteur.

La vigilance est cependant toujours indispensable pour faire face à l’apparition et à la propagation de nouvelles maladies.

Plus récente que l’encéphalopathie spongiforme bovine, l’ESB, la fièvre catarrhale ovine, la FCO, qui, ne l’oublions pas, touche aussi les bovins, a eu des effets économiques dévastateurs : les pertes pour les filières ovine et bovine ont atteint 530 millions d’euros en 2008 et 97 000 têtes de bétail bovin et 70 000 caprins et ovins ont été abattus. Je salue l’efficacité de la stratégie de vaccination obligatoire mise en œuvre pour maîtriser l’épidémie, qui a donné des résultats spectaculaires : seulement 73 foyers d’infection en 2009 contre 24 000 foyers en 2008. La vaccination est une dépense intelligente, qui en évite d’autres, liées aux indemnisations pour l’abattage des troupeaux infectés.

La vaccination obligatoire est reconduite pour la campagne hivernale 2009-2010 et des crédits supplémentaires sont prévus dans le projet de loi de finances rectificative. Cependant, certaines inquiétudes ont été exprimées, qui portent notamment sur le coût des visites vétérinaires.

Pour réussir pleinement dans la lutte contre la FCO, il faudrait rassurer les éleveurs et, si cette action revenait chaque année, prévoir peut-être des crédits suffisants dès le projet de loi de finances initiale.

La gestion des risques passe aussi par une attention accrue à la santé des végétaux. Nous avons voté dans les lois Grenelle I et Grenelle II des dispositions qui transforment les conditions des productions végétales, avec un objectif de moindre usage de pesticides, ce qui signifie aussi une plus grande sensibilité aux parasites. Or nous ne pouvons laisser les producteurs sans solutions techniques. Une grande vigilance est donc également nécessaire sur les risques sanitaires touchant les végétaux.

Une part importante du budget du programme 206 est consacrée à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA, dont le ministère de l’agriculture fournit 85 % de la subvention pour charges de service public. Cette subvention augmente de 5 % pour passer à 55,5 millions d’euros. Il s’agit là d’un rattrapage de la sous-dotation de 2009 qu’il faut saluer. La fusion de l’AFSSA avec l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET, programmée par la loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, devrait intervenir l’année prochaine. Si cette fusion conduit à des économies, ce qui est souhaitable, il est tout aussi souhaitable que celles-ci ne se fassent pas au détriment des missions indispensables d’alerte et de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments, socle de la confiance des consommateurs.

Enfin, ma dernière remarque porte sur le fonds sanitaire de 40 millions d’euros de crédits communautaires créé en application de l’accord européen sur le bilan de santé de la PAC. Il est utile de prévoir des crédits en cas de crises, celles-ci étant désormais récurrentes. Aucun crédit d’État n’est prévu en complément dans le budget pour 2010. Monsieur le ministre, vous avez affirmé en commission qu’un tel fonds ne serait constitué que si une crise survenait, ce que nous pouvons parfaitement comprendre. Nous voudrions cependant en savoir un peu plus sur les conditions de gestion de ce nouveau dispositif. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le modèle agricole à la française se caractérise, outre la notion d’exploitation familiale qui est en train d’évoluer, par un amont, le monde de la production, et un aval comprenant non seulement la distribution, mais aussi des consommateurs.

Comme vous l’avez dit en commission, monsieur le ministre, l’harmonisation ne peut se faire que par une véritable régulation des marchés, une baisse des coûts d’exploitation par des équipements en commun et une sécurisation plus forte par une réassurance publique.

Ce sont là des propos nouveaux que nous prônons depuis toujours et qui, en période de crise, apparaissent comme la seule voie de sortie.

Parfait, mais où retrouve-t-on tout cela dans le budget pour 2010 ?

Ferez-vous l’impasse sur 2010 pour reprendre toutes les incantations pieuses relatives à la loi de modernisation agricole à venir sans mise en pratique immédiate, alors qu’il y a urgence dans ce domaine ?

Curieusement, vous présentez un budget très orienté sur l’alimentaire. Il est vrai que les consommateurs sont plus nombreux que les agriculteurs – je le comprends bien – et qu’évoquer la voie agricole à travers l’alimentaire n’est pas aberrant, loin de là.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est peut-être une bonne idée !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Alors quelle régulation entre agriculteurs et consommateurs, via la distribution, proposez-vous dans ce budget ? Rien !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. C’est décevant !

Certes, vous donnez des signes pour augmenter la confiance des consommateurs par des moyens supplémentaires, notamment pour les appellations d’origine contrôlée, les AOC, et les indications géographiques protégées, les IGP. Vous affectez 15,4 millions d’euros à l’Institut national de l’origine et de la qualité, somme en augmentation. Très bien, monsieur le ministre, tout comme la dotation de trois millions d’euros pour la qualité de l’alimentation et de l’offre alimentaire.

Toutefois, rien n’est prévu pour l’organisation de la relation entre agriculteurs, grande distribution et consommateurs. Car, au nom du libéralisme exacerbé, il faut laisser faire ! Et le laisser-faire dans ce domaine se traduira, une fois de plus, par la disparition d’agriculteurs.

Je n’ai pas le temps d’évoquer la disparition du deuxième pilier de la politique agricole commune, la PAC, qui estompe tous les objectifs spécifiques de la politique de développement rural.

La PAC a pu jouer, avec le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, un rôle de régulateur partiel du marché mondial : pour les céréaliers par une intervention du FEOGA ; pour les éleveurs par la possibilité de se fournir en protéines au prix du marché mondial.

Aujourd’hui, cet équilibre explose. Quelles sont les nouvelles orientations qui permettraient une première approche de régulation ? Rien !

Le revenu agricole, objectif essentiel à toute politique, passe par la formation même du prix agricole.

Je regrette fortement que le budget pour 2010 ne permette pas d’identifier clairement les crédits affectés à l’Observatoire des distorsions de concurrence et à l’Observatoire des prix et des marges.

Au moment même où les prix baissent, se rapprochant parfois des prix mondiaux, malgré des différences énormes de production d’un point à l’autre de la planète, il est nécessaire de disposer rapidement de correctifs, en favorisant au plus près l’équilibre de la production et de la consommation.

Seule la puissance publique peut assurer ce rééquilibrage, avez-vous dit en commission, monsieur le ministre, et j’ai applaudi. Malheureusement, je ne le retrouve pas dans le budget.

Il faudrait éviter qu’aucun acteur de la chaîne ne capte pour lui seul la valeur ajoutée. Qu’en est-il ?

La course aux prix aligne les pratiques agricoles sur des pratiques industrielles, en banalisant les produits et en allant à contresens de l’objectif premier.

En conclusion, monsieur le ministre, le revenu agricole passe plus que jamais par la recherche de nouveaux équilibres entre l’agriculture, la grande distribution et les consommateurs, ou même entre les éleveurs et les céréaliers.

Il passe aussi par la mise en place d’une agriculture qui couvre le territoire, ainsi que par une régulation pour la formation des prix.

De tout cela, on ne voit rien apparaître.

Mes chers collègues, telles sont les raisons qui me conduisent à vous proposer la sagesse, même si, à titre personnel, j’aurais souhaité beaucoup plus. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, rapporteur pour avis.

M. François Fortassin, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera plus spécifiquement sur les mesures environnementales et le soutien à l’agriculture extensive, en particulier dans les zones de montagne.

Depuis plusieurs années, la politique agricole est marquée par un appui substantiel aux modes de production respectueux de l’environnement.

La politique agricole commune, la PAC, impose l’éco-conditionnalité au sein même du premier pilier, celui des aides directes, désormais largement découplées.

Par ailleurs, les mesures de développement rural contenues au sein du deuxième pilier visent une agriculture durable.

Enfin, les aides nationales, comme le soutien aux mesures agro-environnementales régionales, intègrent de plus en plus la préoccupation environnementale et plus encore après le vote du Grenelle de l’environnement.

En 2010, ce sera la première année d’application du bilan de santé de la PAC. Dans ce cadre, la France a décidé, le 23 février dernier, de réorienter près de 1,4 milliard d’euros sur les 7,9 milliards d’euros perçus au titre du premier pilier, soit un prélèvement d’environ 18 % sur les aides directes. La clef de financement de plusieurs dispositifs est modifiée et le budget pour 2010 en est la traduction, avec les mesures que je vais maintenant évoquer.

La création de nouveaux dispositifs, comme la mesure d’aide à la rotation des cultures ouverte dans les départements intermédiaires, vise à encourager la diversité des assolements. Le cofinancement communautaire de cette mesure s’élève à 55 %.

En sens inverse, certaines baisses de crédits traduisent une prise en charge plus importante de l’Union européenne. Ainsi, l’enveloppe nationale des mesures agro-environnementales régionales baisse de 10 millions d’euros, qui sont compensés par l’enveloppe européenne.

Les éleveurs éprouvent cependant des inquiétudes en ce qui concerne la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE. Si la réduction des crédits de paiement s’explique par le passage de la prise en charge européenne de 55 % à 75 %, la suppression des autorisations d’engagement signifie qu’aucun contrat herbager ne pourra plus être signé en 2010, ce qui suscite une inquiétude très vive.

Or 45 % de la surface agricole est couverte par des surfaces herbagères. Sur ces surfaces, l’élevage non seulement contribue au maintien de l’activité et de l’emploi dans des zones sans autre alternative, mais aussi participe à la qualité des paysages, à la biodiversité, à la préservation des nappes phréatiques et à la qualité de l’eau. Au-delà du problème environnemental, ce sont des questions qui touchent tous nos concitoyens.

La nouvelle prime à l’herbe créée dans le cadre du bilan de santé compensera-t-elle la fin des contrats PHAE ? Il faudrait sur ce point, monsieur le ministre, répondre très précisément aux inquiétudes légitimes des éleveurs.

M. Charles Revet. Il a raison !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis. Reconnaissons, toutefois, que des efforts ont été faits pour l’agriculture de montagne dans le budget pour 2010, l’indemnité compensatoire de handicaps naturels étant augmentée de 8 %. Avec toutes ces mesures, je forme le vœu que le secteur ovin soit en situation moins difficile en 2010 qu’il ne l’a été les années précédentes. Ne l’oublions pas, sur le plan des revenus, les éleveurs ovins se situent en queue de peloton depuis vingt-cinq ans.

M. Yvon Collin. C’est vrai !

MM. Jacques Blanc et Charles Revet. Tout à fait !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis. Or l’élevage ovin reste bien souvent le dernier rempart avant la friche dans nombre de zones.

Il bénéficie de certains avantages dans le cadre des groupements pastoraux et des associations foncières pastorales. Mon collègue Gérard César défendra cet après-midi un amendement que nous soutenons visant à maintenir les crédits qui leur sont affectés.

J’ajoute qu’il serait utile de maintenir la vente directe, qui est d’un rapport très intéressant. Encore faudrait-il décider de ne pas supprimer les petits abattoirs ! Dans certaines zones, leur disparition ne permet plus de faire de la vente directe. (M. Didier Guillaume s’exclame.)

M. Gérard Le Cam. Très bien !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis. Or une clientèle existe dans ce domaine ; je ne citerai que l’exemple de la vente directe de viande d’agneau.

Je terminerai mon bref propos en soulignant que, au-delà des crédits, nos politiques agricoles doivent faire preuve d’imagination, d’inventivité et avoir une vision à long terme.

La vente directe que je viens de citer, mais aussi l’hydraulique agricole et les bâtiments d’élevage en constituent des exemples.

L’hydraulique agricole, tout d’abord, répond à ce que j’ai appelé une « logique prudentielle » : stocker l’eau lorsqu’elle est abondante, voire surabondante, permet de la réutiliser au moment où l’on en a besoin, …

M. Charles Revet. C’’est le bon sens !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis. …parfois même en dehors d’une utilisation agricole, par exemple pour le soutien aux étiages. Le stockage est une opération de long terme – il peut durer plus d’un siècle – et il est relativement bon marché, puisque le stockage d’un mètre cube d’eau coûte à peu près deux euros.

On peut donc regretter que le budget pour 2010 prolonge une fâcheuse tendance engagée l’année dernière consistant à réduire progressivement les crédits de l’hydraulique agricole.

Les bâtiments d’élevage, j’ai eu l’occasion de le souligner en commission, doivent faire l’objet d’une attention particulière. Un plan de modernisation a été mis en œuvre, mais les dotations dans ce domaine sont réduites. Espérons que quelques amendements permettent de les rétablir sensiblement !

Il existe une solution très simple. Les bâtiments d’élevage, généralement assez vastes et d’une architecture dépourvue de caractère exceptionnel, pourraient, pour la plupart, être couverts de panneaux photovoltaïques. Cela permettrait une amélioration incontestable du revenu des agriculteurs et participerait au développement de l’utilisation des énergies renouvelables. Je souhaite que les directions départementales de l'équipement et de l'agriculture, les DDEA, en relation avec les chambres d’agriculture et les syndicats d’électrification, jouent un rôle moteur en la matière afin d’éviter que circulent dans les campagnes des vendeurs peu scrupuleux et de mauvais conseil.

Telles sont les raisons, et les réserves, qui me conduisent, tout en regrettant, comme mon ami Jean-Marc Pastor, de ne pouvoir aller plus loin, à m’en remettre à la sagesse du Sénat. (Applaudissements.)

M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de vingt-cinq minutes aux groupes UMP et socialiste, de dix minutes aux groupes UC, CRC-SPG et RDSE et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Le Gouvernement répondra aux commissions et aux orateurs pour vingt minutes.

Puis nous aurons une série de questions avec la réponse immédiate du Gouvernement. La durée de la discussion de chaque question est limitée à six minutes, réparties de la manière suivante : deux minutes trente pour la question, deux minutes trente pour la réponse et une minute pour la réplique éventuelle.

La conférence des présidents a décidé d’attribuer cinq questions aux groupes UMP et socialiste, deux questions aux groupes UC, CRC-SPG et RDSE et une question à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contexte global de l’agriculture française pour ce budget 2010 est celui d’une crise quasi générale de l’ensemble des filières, venant s’ajouter à la crise mondiale économique et financière qui poursuit ses effets destructeurs.

C’est aussi avec la perspective de la loi de modernisation agricole et les multiples attentes qu’elle suscite, qu’il faut aborder ce débat budgétaire.

« Que peut faire le budget du ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, alors que la crise s’étend à tout le secteur agricole et que le revenu des exploitants devrait diminuer de 10 % en 2009, après une baisse similaire en 2008 ? », s’interroge le député Antoine Herth, dans son rapport à l’Assemblée nationale. Ce serait d’ailleurs plus juste de parler de baisse de 20 % du revenu.

Il poursuit : « La crise révèle en premier lieu un défaut de régulation européenne et mondiale auquel il est urgent de répondre. Elle révèle en second lieu des défaillances nationales réelles dans la répartition de la valeur au sein de nos filières agricoles. »

Tout est dit, même si les mots sont feutrés : le « défaut de régulation européenne et mondiale » correspond exactement à la volonté farouche de la Commission de Bruxelles et de l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, de déréguler l’ensemble des échanges agricoles, de les livrer aux lois du marché et de la concurrence libre et non faussée.

Tout cela est particulièrement scandaleux au regard de l’immoralité de la crise, qui prend ses racines dans les modes de spéculation les plus crapuleux et même les plus meurtriers quand il s’agit de nourrir le monde et quand plus d’un milliard d’humains souffrent de la faim.

Quant aux « défaillances nationales réelles dans la répartition de la valeur au sein de nos filières agricoles », il serait temps de s’en rendre compte et d’agir efficacement face aux prédateurs « margivores » que sont la grande distribution et certains segments de la transformation.

La loi de modernisation de l’économie, dite LME, a d’ailleurs contribué à aggraver les relations entre les producteurs et les distributeurs au profit de ces derniers. Les premières constatations établies par l’Observatoire des marges sont éloquentes.

Depuis 2000, les industriels restaurent dès que possible leurs marges aux dépens des éleveurs. Et la grande distribution leur fait souvent supporter les hausses de prix du lait pour préserver ses marges.

Depuis janvier 2008, le prix du litre de lait payé aux éleveurs a baissé de 15 centimes, mais seulement de 1 centime en rayon.

Le prix du lait ne représente que 15 % du prix des yaourts, 34,1 % de celui de l’emmental, 48,7 % de celui du beurre. La revue Que choisir ? évoquait ce matin, via les grands médias, une baisse de 25 centimes depuis 1992 du kilogramme de porc payé aux producteurs et une hausse de 26 centimes dans les rayons. Tous ces ratios confirment qu’il existe des marges pour augmenter le prix du lait et de l’ensemble des matières premières payé aux producteurs sans générer une inflation des prix à la consommation.

Il est également inquiétant qu’au niveau national les éléments de régulation, les filets de protection, soient tous en régression, dans le droit-fil du modèle européen de dérégulation. Ainsi, les crédits d’intervention de France AgriMer sont en baisse de plus de 13 % dans ce budget, le dispositif Agridiff voit sa dotation passer sous la barre des 4 millions d’euros, et les dispositifs d’aide à la cessation d’activité ont quasiment tous été supprimés.

Inquiétantes également, pour ne pas dire mortifères, sont les orientations communautaires en faveur de réductions drastiques des crédits de la PAC, en faveur d’une nouvelle réduction de ce qui reste des mécanismes de régulation et de la suppression des quotas laitiers.

Mais rassurons-nous, car Zorro est venu à Poligny. À quelques encablures des élections régionales, il fallait bien tenter de rassurer l’électorat paysan. Le 1,65 milliard d’euros d’aides qu’il faut rapprocher des 2,5 milliards d’euros perdus par la ferme France en 2009 sont essentiellement des mesures remboursables. Les déclinaisons régionales qui se mettent en place actuellement à partir du plan de soutien exceptionnel à l’agriculture, PSEA, consistent notamment en prêts de reconstitution de fonds de roulement et en prêts de consolidation qu’il faudra obtenir et rembourser auprès des banques.

À ce sujet, il est légitime de s’interroger sur la propension qu’auront ou non les banques à prêter à des exploitants en grande difficulté. Il y a fort à craindre qu’à nouveau la crise ne pousse des milliers de producteurs vers la porte de sortie et n’accroisse les phénomènes d’intégration et de concentration de l’agriculture au détriment d’un aménagement harmonieux et durable de nos territoires. Certes, ce plan était indispensable au regard de l’ampleur de la crise, mais il ajoute de l’endettement à l’endettement existant.

Pour Jean-Michel Lemétayer, « ce plan va dans le bon sens, mais jamais un plan d’aides, si important soit-il, ne remplacera une politique de prix ». Il est certain qu’une politique de prix digne de ce nom aurait permis d’éviter l’essentiel de la crise, qui, au-delà du pouvoir d’achat en baisse des consommateurs, trouve ses principales causes dans un système économique déséquilibré où le pillage des producteurs est organisé et toléré, où les profits indécents sont encouragés.

La crise laitière illustre à merveille mes propos, mais c’est la même chose pour les éleveurs de porcs, de bovins, de lapins, de moutons, pour les fruits et légumes, la viticulture ou la pêche.

Mardi, je me trouvais à nouveau dans une exploitation laitière en Côtes-d’Armor, où le prix de revient de la tonne se situe autour de 310 euros, 330 euros étant une moyenne départementale du prix de revient. Les prix proposés oscillent entre 260 et 290 euros. Comment voulez-vous que les exploitants puissent vivre ? Ces chiffres intègrent des salaires inférieurs à 1500 euros pour 60 à 70 heures de travail hebdomadaire. Comble du cynisme, les producteurs laitiers bretons risquent d’être amenés à payer les noces entre Entremont et Sodiaal en 2010.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous en dire davantage sur ce dossier, qui désormais semble gêner le Gouvernement ?

Qu’en est-il également du projet de contractualisation entre producteurs et transformateurs, qui semblerait être la panacée pour l’avenir ? Ces contrats seront-ils dépendants du devenir des produits transformés ou du prix de revient réel et rémunérateur des producteurs ? Quels volumes seront garantis et dans quelle proportion, au regard de la taille des exploitations ?

Cette série de questionnements m’amène tout droit au futur projet de loi de modernisation de l’agriculture, qui reste bien secret pour les parlementaires, alors que certains interlocuteurs privilégiés sont déjà en mesure de faire des propositions sur les 23 articles d’un texte non communiqué. Reconnaissez, monsieur le ministre, que la méthode n’est pas très élégante vis-à-vis du Parlement, même si ce texte n’a pas encore l’aval du Conseil constitutionnel.

La loi de modernisation de l’agriculture ne doit pas décevoir, et tout particulièrement en matière de prix rémunérateurs, faute de quoi se profileront la disparition de pans entiers de l’agriculture française, des régions sinistrées, une dépendance alimentaire accrue et des garanties sanitaires affaiblies.

Quand une activité vitale pour un pays est menacée, comme c’est le cas aujourd’hui, tous les mécanismes de sauvegarde et de subsidiarité doivent être actionnés, que cela plaise ou non à l’Europe, téléguidée par les lobbies américains. La première des agricultures durables est celle qui nourrit ses paysans et ses habitants. Les volets environnementaux doivent dépasser l’habillage du politiquement correct. Les objectifs fixés peinent en effet à décoller, dans les domaines tant des énergies que de l’agriculture biologique.

À ce titre, la région Bretagne paie au prix fort, en terme d’images et en terme financier, la prolifération des algues vertes, pour avoir répondu présente aux critères de production et d’économie agricoles. Concernant les algues vertes, le sujet est d’ailleurs récurrent depuis plus de trente ans. Pourtant, depuis, les plans de maîtrise des pollutions d’origine agricole sont passés par là.

La cour administrative d’appel de Nantes vient de condamner l’État à indemniser les associations parties prenantes pour quelques milliers d’euros seulement. C’est une décision forte au plan symbolique, mais dérisoire au plan financier.

Il vous appartient désormais de faire toute la lumière sur la part respective de chaque activité, sur le rôle du réchauffement climatique et sur les adaptations agricoles nécessaires dans les bassins versants concernés. Ce que demande la profession, c’est de conserver une activité agricole et d’en vivre. Pour l’adaptation, ils ont malheureusement l’habitude.

À propos de l’économie de terres agricoles, qui est une vraie question, prenons garde de geler le développement du milieu rural et celui des dizaines de milliers de communes qui la composent.

La loi sur les territoires s’apprête à conforter des métropoles et des pôles métropolitains, grands consommateurs de surfaces routières et industrielles. Le déséquilibre en cours ne ferait qu’accentuer une situation déjà inéquitable, au détriment de la ruralité.

Quant aux retraites, le plan global de revalorisation des petites retraites s’élève à 155 millions d’euros pour 232 000 personnes et cela pour le quinquennat, soit 5 euros par mois en moyenne ou, selon la Mutualité sociale agricole, la MSA, de 0,1 à 15 euros pour 75 % des personnes dont les retraites moyennes agricoles sont de 370 euros. Je voudrais rappeler, monsieur le ministre, que le seuil de pauvreté est de 817 euros par mois et que la moyenne du montant des retraites agricoles est de 400 euros selon la MSA.

Les revendications des associations de retraités mériteraient d’être globalement chiffrées et leur satisfaction programmée, qu’il s’agisse des 85 % du SMIC pour les carrières complètes, de la parité hommes-femmes, de l’extension de la retraite complémentaire obligatoire, RCO, aux conjoints et aides familiaux, du droit à la réversion des points de la RCO auxquels aurait eu droit le chef d’exploitation décédé.

Monsieur le ministre, le relèvement à 800 euros mensuels du plafond de ressources pour l’accès aux revalorisations et l’amélioration des années de conjoints collaborateurs entreront-ils en vigueur au 1er janvier 2010 comme prévu par décret ?

D’autres sujets liés aux revenus inquiètent particulièrement les retraités de l’agriculture : il s’agit du forfait hospitalier, des franchises médicales, des dépassements d’honoraires, de la diminution du nombre de médecins généralistes et de l’accessibilité financière aux maisons de vie pour personnes âgées, qui pénalisent lourdement le revenu des enfants du monde agricole.

En conclusion, monsieur le ministre, il apparaît qu’au regard du contexte européen et mondial la France doit regagner des marges de manœuvre pour équilibrer son marché et faire vivre son agriculture. Une adéquation doit exister entre les prix producteurs, les prix consommateurs et le niveau de vie moyen de chaque pays. Tout le reste n’est que matière à spéculation, à destruction d’emplois, à parasitisme économique et social.

Persister dans les voies du passé et du libéralisme serait suicidaire pour notre agriculture. La France, premier pays agricole d’Europe, doit montrer l’exemple. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Monsieur le président, je m’adresserai d’abord à notre collègue M. Le Cam, parce que j’ai trouvé ses propos déplacés. Il est inadmissible de traiter le Président de la République de Zorro à cette tribune. M. Sarkozy a été élu au suffrage universel avec une bonne majorité. Aussi de tels propos ne doivent pas être tenus dans cette enceinte. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. Charles Revet. C’est vrai !

M. Gérard Bailly. Monsieur le ministre, le budget de l’agriculture dont nous débattons aujourd’hui tire toutes ses conséquences des crises sans précédent traversées par le monde agricole ces derniers mois, et nous sommes heureux de constater une hausse des crédits de 5,9 % par rapport au plafond prévu dans le cadre des perspectives budgétaires pluriannuelles pour la période 2009-2011.

De plus, prenant bien en compte l’urgence créée par ces crises, le Président de la République a annoncé dans mon département, en octobre dernier, 650 millions d’euros de soutien exceptionnel aux agriculteurs. Ces derniers l’attendent, monsieur le ministre, avec impatience.

Pourtant, assistant vendredi dernier à la préfecture à une réunion avec les organismes professionnels agricoles, nous avons pu constater combien il sera complexe de définir en si peu de temps, et surtout en budget prévisionnel, quelles exploitations et quels agriculteurs pourront être aidés.

Vous savez combien j’approuve votre action, monsieur le ministre. J’ai déjà eu l’occasion de vous dire, lors de toutes les rencontres et débats que nous avons eus autour de la crise laitière, combien je vous soutenais, surtout pour les énormes efforts que vous avez déployés au niveau européen pour convaincre la grande majorité de nos partenaires de la nécessité absolue d’une régulation, bousculant au passage les tenants du statu quo de la Commission européenne.

M. Charles Revet. C’est vrai !

M. Gérard Bailly. Je pense donc que vous ne m’en voudrez pas trop de souligner, en tant que président du groupe d’études de l’élevage, quelques insuffisances dans ce budget, bien que je connaisse très bien le contexte très difficile dans lequel nous sommes et les priorités que vous avez dû privilégier.

Certaines actions ont des moyens plus réduits, ce qui est assez gênant dans ce contexte de crise. Tel est le cas, comme l’ont rappelé d’autres orateurs, du plan de modernisation des bâtiments d’élevage, ou PMBE, qui baisse de 43 %, ce qui laisse peu de moyens pour moderniser les outils de production afin de permettre aux agriculteurs de rester compétitifs et de pérenniser leurs entreprises tout en relevant le défi des exigences environnementales.

Alors que l’on en rajoute actuellement sur la surenchère pour le bien-être animal, auquel nous ne sommes pas opposés, il me semble qu’un des éléments importants du bien-être des hommes et des animaux est bien de pouvoir disposer de bâtiments d’élevage modernes et conformes aux normes en vigueur. J’appuie par conséquent l’amendement déposé par mes collègues pour abonder ces crédits « bâtiments d’élevage ».

De même, après une année positive en 2009, les crédits d’intervention alloués aux établissements départementaux d’élevage, les EDE, sont à nouveau en forte baisse avec une enveloppe divisée par deux en 2010. Ces établissements réalisent l’identification des animaux dans les élevages, et cette forte réduction des crédits est fort malvenue au moment où se met en place la troisième phase de la réforme de l’identification des ovins et caprins, et où l’État a des exigences de plus en plus grandes sur la qualité des prestations des EDE ; ce qui se traduit pour eux par un important surcoût.

J’ajouterai aussi qu’en cette période où le prix des animaux est très bas - qu’il s’agisse des veaux, des porcs, des ovins et des bovins - et où les revenus des agriculteurs sont en forte baisse, il est bien dommage de voir l’État se désengager des crédits sanitaires et augmenter encore les charges des exploitations qui, comme nous le savons tous, sont prises dans un ciseau des prix en baisse et des charges en hausse.

Vous connaissez, bien entendu, l’importance de l’herbe pour nos élevages, mais je n’interviendrai pas sur la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, car mon temps est limité et d’autres collègues le feront. Sachez cependant, monsieur le ministre, que je soutiens cette action.

Je voudrais vous poser une question sur le pastoralisme. Vous savez combien compte le pastoralisme dans nos montagnes. Un crédit de 8 millions d’euros y est alloué dans votre budget. Comme nous ne disposons pas de détails, je souhaiterais vous demander quelle est la part de ce montant réservée à l’indemnisation des dommages causés par les prédateurs.

Il y a quelques jours, à cette même tribune, à l’occasion de la discussion du budget de l’environnement, j’ai attiré l’attention de Mme la ministre sur ce problème.

D’un côté, on finance des associations pour la protection des prédateurs, comme le loup ; de l’autre, on alloue des crédits à l’indemnisation des dommages qu’ils occasionnent. De plus, on risque de décourager les éleveurs dans nos montagnes, qui deviendront demain des terrains en friche, exposés aux feux et aux avalanches.

Monsieur le ministre, ces quelques critiques ne m’empêcheront pas de vous accorder mon soutien global, car je sais bien qu’on ne peut pas faire des miracles dans un contexte d’austérité. Je vous adresse mes remerciements pour votre action. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Merceron.

M. Jean-Claude Merceron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je consacrerai mon intervention au secteur de la pêche,…

M. Charles Revet. Très bien !

M. Jean-Claude Merceron. … l’un des grands oubliés dans le contexte de la crise actuelle.

Je dirai quelques mots, tout d’abord, sur l’état de ce secteur. Aujourd’hui la consommation humaine de poissons issus de la pêche ou de l’aquaculture représente 110 millions de tonnes.

La France fait partie des grands pays pêcheurs de l’Union européenne avec le Danemark, l’Espagne et le Royaume-Uni. Le secteur représente encore 16 000 emplois à temps plein. Mais depuis 2007, le bilan des échanges commerciaux français se solde par un déficit de 2,5 milliards d’euros. La consommation française est composée de 85 % de poissons d’importation.

La raréfaction de la ressource halieutique stigmatise la surpêche. Il serait totalement injuste d’accuser les seuls pêcheurs. En effet, la pollution et les conséquences du changement climatique fragilisent les cycles naturels et provoquent la migration des espèces.

D’importants efforts ont toutefois déjà été consentis par la profession, puisque en vingt-cinq ans le nombre des navires a chuté de 54 %. Ainsi, dans mon département, la Vendée, les marins pêcheurs sont confrontés pour la quatrième année consécutive à la fermeture de la pêche à l’anchois.

C’est l’avenir même de la pêche qui est en jeu, notamment dans le port de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, puisqu’il reste seulement quatre des vingt-quatre bateaux en activité voilà quatre ans.

Quels sont les défis ?

Pour répondre à la constante augmentation de la demande des produits issus de la pêche, il convient de réconcilier la conservation des espèces et leur exploitation. Des mesures de protection doivent être prises pour protéger le milieu marin, c’est-à-dire la biodiversité et les espaces d’habitat.

Les ports de pêche développent une activité économique bien au-delà du littoral français. Les quelque 16 000 marins embarqués induisent, je tiens à le rappeler, trois fois plus d’emplois à terre, que ce soit dans la construction, le ravitaillement ou la production.

La hausse des coûts de production, en raison notamment du coût de l’énergie, impose des économies. Un programme de recherche doit être développé en direction de techniques innovantes plus économes en énergie.

En concurrence avec les importations, dont les contraintes fiscales, sociales et environnementales ne sont pas comparables, toute la filière doit se réorganiser. La pêche durable est au cœur du défi des professionnels et des pouvoirs publics. Nous devons non seulement leur apporter des moyens mais aussi les défendre dans les conseils européens dédiés et auprès des instances internationales.

L’année 2010 sera difficile pour la pêche française. La crise nous oblige à mettre en place les bonnes pratiques. Permettez-moi de vous soumettre quelques propositions.

Nous devons rapprocher les professionnels, les scientifiques et les élus. Il convient de les faire travailler ensemble : le marin est le premier observateur, le scientifique analyse à plus long terme et l’élu aménage les ports.

Il nous faut définir des objectifs stratégiques clairs et à plus long terme. Les mécanismes décisionnels doivent en effet fournir une plus grande visibilité.

Un cadre responsabilisant suffisamment le secteur pour planifier les saisons de pêche doit être établi. La mise en œuvre de la politique européenne de la pêche doit être décentralisée au niveau de régions marines partagées par plusieurs États et confiée aux conseils consultatifs régionaux.

Il faudra encore assouplir la question des quotas. L’anchois a été découvert en abondance cet été dans des zones inhabituelles : le moratoire sur cette pêcherie ne s’explique pas. Le moratoire sur le thon rouge en Méditerranée s’applique de façon abusive dans l’Atlantique, alors que sa présence est abondante et qu’il se nourrit notamment d’anchois.

Il reste, et vous le savez, d’autres sujets que je tiens à rappeler : la réforme des organisations professionnelles, la destruction des navires performants, la suppression en 2010 des contrats bleus favorisant une pêche durable, la création d’un label pour les produits de la pêche française, la réorganisation des circuits de distribution, la croissance de l’algue verte, les difficultés de la conchyliculture à la suite de la mortalité des naissains et des juvéniles des huîtres, ainsi que le développement de l’aquaculture pour rendre la France plus indépendante.

Monsieur le ministre, en vous exprimant mardi à Brest devant les professionnels, vous avez présenté la pêche comme un atout majeur de l’économie française et vous avez déclaré la France chef de file en Europe.

La France s’intéresse enfin sérieusement à son économie maritime trop longtemps délaissée ! Avec le Grenelle de la mer, les assises de la mer, le Livre vert de l’Europe portant les premières réflexions sur la réforme de la politique commune de la pêche et le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la pêche se retrouve au cœur des débats et des enjeux économiques.

Monsieur le ministre, vous avez mon soutien vigilant et celui du groupe de l’Union centriste pour votre détermination à défendre la pêche, dont je vous remercie. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et sur plusieurs travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l’agriculture est maintenu en 2010 à peu près au même niveau qu’en 2009, ce qui n’est pas étonnant dans la période actuelle. Mais cette stabilité apparente ne doit pas masquer une tendance baissière structurelle de certains programmes dans le cadre de la programmation pluriannuelle.

En effet, seule la forte augmentation, de l’ordre de 10 %, des crédits de paiement du programme 149 « Forêt », rendue nécessaire après le passage de la tempête Klaus, permet de faire illusion quant au maintien des capacités budgétaires en faveur de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. Si vous me permettez ce jeu de mots, monsieur le ministre, c’est peut-être l’arbre qui cache la forêt !

M. Didier Guillaume. Très bien !

Mme Odette Herviaux. Ce budget semble donc ne pas pouvoir apporter de réponses adaptées aux défis contemporains que sont la baisse des prix agricoles, la baisse des revenus, notamment pour les producteurs de lait, pourtant si nécessaires à l’équilibre et au dynamisme de nos territoires, le non-renouvellement des générations, l’aggravation de la dette, les règles environnementales de plus en plus contraignantes et la multiplication des crises sanitaires.

Il nous faudrait pourtant valoriser notre agriculture et faire de ces contraintes des « aménités positives ». Qualité, traçabilité, sécurité sanitaire, diversité des productions, respect des normes environnementales et du bien-être animal : voilà ce que nous devons mettre en avant auprès des consommateurs en France, en Europe et même au niveau de l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, pour promouvoir et ainsi maintenir notre modèle agricole.

Les crédits de paiement du programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires » chutent également, alors que ce programme est censé contribuer au développement de la compétitivité des filières agricoles et agro-alimentaires et faciliter leur adaptation aux exigences environnementales et sociales.

Les moyens déployés pour accompagner la mise en œuvre des mesures programmées par le Grenelle de l’environnement demeurent ainsi en retrait des ambitions initialement prévues.

Tout d’abord, concernant la production biologique, avec moins de 3 % des surfaces cultivées, atteindrons-nous l’objectif de 6 % en 2012 ?

Ensuite, pour ce qui est de la performance énergétique, 38 millions d’euros ont tout de même été accordés, mais les besoins auraient été estimés à 85 millions d’euros !

Enfin, le manque d’efforts particuliers concerne la formation des agriculteurs, et ce au moment même où chacun s’accorde sur la nécessité de remettre au premier plan l’agronomie, ainsi que la recherche sur la lutte intégrée contre les ravageurs ou sur des pratiques culturales plus économes en intrants.

L’essentiel des ressources provient des aides européennes, pour plus de 10 milliards d’euros. Le budget agricole pour 2010 doit donc tenir compte des décisions prises dans le cadre du bilan de santé de la PAC, qui modifient substantiellement les équilibres entre les secteurs agricoles.

Or il est difficile pour le Parlement d’avoir une vision fine de ces affectations et de leurs évolutions. Cela ne nous permet donc pas d’appréhender globalement la politique menée par le Gouvernement et ses priorités pour le secteur agricole dans son ensemble.

Aussi, je souhaiterais donc que nous disposions, à l’avenir, lors des prochains budgets, du rappel des fléchages des financements européens. Certains de mes collègues le diront d’ailleurs tout à l’heure au sujet de la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE.

Cette exigence concerne également le secteur de la pêche et de l’aquaculture, qui génère un chiffre d’affaires de 1 milliard d’euros et représente 16 000 emplois directs et plus de 5 000 navires actifs. Ce secteur façonne l’économie littorale et permet un aménagement équilibré de territoires qui, très souvent, sont encore structurellement fragiles.

Comme le disait notre collègue Jean-Claude Merceron, 2010 sera une année de transition.

D’une part, le plan pour une pêche durable et responsable arrive à son terme. C’est pour cette raison que les crédits de paiement de l’action 16 « Gestion durable des pêches et de l’aquaculture » chutent de 36,7 %. Toutefois la situation économique du secteur ne s’est pas améliorée et rend par conséquent nécessaire l’établissement d’un bilan précis. Il conviendrait également d’étudier précisément les conditions de mise en œuvre du Fonds européen pour la pêche, le FEP, afin de mieux préparer sa révision à mi-parcours, d’ici à la fin de cette année.

D’autre part, les assises de la pêche, qui se sont achevées à la fin du mois dernier et dont vous avez présenté les premières conclusions à Brest en début de semaine, auront des conséquences budgétaires, qui ne sont bien sûr pas encore connues.

Malgré cela, de nombreux problèmes ne semblent pas avoir été réglés.

S’agissant de l’évaluation de la ressource halieutique, 6 millions d’euros de crédits de paiement financeront le recueil de données statistiques, scientifiques et économiques – heureusement, enfin en concertation entre les scientifiques et les pêcheurs.

Mais il s’agit tout de même d’une baisse d’environ 20 % par rapport au budget 2009, si l’on prend en compte les décalages engendrés par l’adoption du plan pour une pêche durable et responsable, le PPDR. Cette évolution est difficilement compréhensible.

En effet, face aux problèmes spécifiques que traverse par exemple la conchyliculture, les pouvoirs publics doivent massivement se mobiliser. Cette filière, qui compte 3 120 entreprises de la Manche à la Méditerranée, emploie en effet plus de 8 000 personnes à temps complet et 10 000 saisonniers.

L’actuelle surmortalité, qui dure depuis de longs mois, exige des réponses scientifiques rapides. Par ailleurs, je renouvelle la question que j’avais posée à votre prédécesseur, monsieur le ministre : quels sont les projets du Gouvernement pour traiter le problème récurrent de la couverture des risques dans le secteur ostréicole ?

Concernant la pêche de grands fonds, je veux ici insister sur son rôle économique et social, pour tous ceux qui, comme moi, sont originaires de départements littoraux.

Je ne reviendrai pas sur le discours du Président de la République au Havre ni sur tous les événements et les contradictions qui ont suivi. Je forme néanmoins le vœu que le groupe de travail chargé de réfléchir à la pêche au chalut formulera des propositions susceptibles de concilier le maintien de cette activité économique et les exigences du développement durable.

Un premier pas a été franchi en Europe. Les moyens déployés pour le contrôle des pêches, à hauteur de 14 millions d’euros, permettront à ce titre, je l’espère, d’encadrer concrètement cette activité.

Les dépenses d’intervention, de l’ordre de 60 millions d’euros, notamment dans le cadre de cofinancements du FEP, visent à financer des mesures sociales et de modernisation de la flotte. Il convient cependant de relativiser cette somme, près de la moitié de ce montant visant à solder les opérations du PPDR.

En proportion, les 6 millions d’euros pour le plan de sortie de flotte, auxquels s’ajoutent 14 millions d’euros au titre du PPDR, démontrent ainsi la priorité donnée à la casse.

J’exprime, encore une fois, d’importantes réserves sur cette orientation du Gouvernement. Même si elle est parfois absolument nécessaire, cette orientation a des effets pervers sur le prix de l’occasion et des effets néfastes sur l’installation, y compris par le renchérissement du prix des bateaux.

Quitte à devoir sortir de flotte des navires, il semblerait par conséquent plus pertinent de favoriser la sortie de vieux navires peu économes en énergie et peu sûrs, en permettant au contraire d’accorder une prime pour la construction de navires neufs, plus économes en énergie, sous des conditions d’engagement du patron à pratiquer une pêche responsable.

C’est une condition nécessaire pour arrêter la dégradation de l’image du secteur, notamment chez les jeunes, et pour réconcilier performances, durabilité et, surtout, sécurité.

Au moment où il importe de valoriser les productions françaises et les éco-labellisations, je veux également dénoncer la mise à contribution de FranceAgrimer au titre de la maîtrise des dépenses publiques. En effet, 70 suppressions d’emploi sont programmées. La hausse de 6,9 % du budget de cet organisme ne correspond par ailleurs qu’à un ajustement par rapport à une dotation initiale apparemment insuffisante, comme le reconnaît le rapport de nos collègues.

En conclusion, monsieur le ministre, votre budget, malgré certains aspects qui nous semblent aller dans le bon sens, n’offre pas, en dépit de votre engagement, de perspectives solides, dans un contexte international particulièrement concurrentiel, pour les filières et secteurs qui relèvent de votre ministère. Son inadaptation programmée face à la gravité de ces crises ne nous permettra donc pas de le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Charles Revet. C’est dommage !

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, une nouvelle fois l’agriculture traverse une crise affectant l’ensemble de ses filières. Après deux années consécutives de hausse des revenus agricoles, en 2006 et 2007, l’embellie fait place au marasme depuis 2008. Cette année, le recul des revenus agricoles devrait osciller entre 10 % et 20 %.

La situation est particulièrement critique pour le secteur des fruits et légumes. Ainsi, les prix agricoles de fruits frais ont baissé de 34 % par rapport à 2008. Il arrive souvent que les prix ne couvrent même plus les coûts de production.

M. Didier Guillaume. Effectivement !

M. Yvon Collin. J’assiste dans mon département à des dépôts de bilan et à des reports d’investissement. Au final, le potentiel de production s’amoindrit, les emplois disparaissent, la désertification s’installe. Et dans ce cas de figure, il serait vain de mettre en œuvre des politiques d’aménagement du territoire sans un soutien actif à l’emploi agricole.

M. Yvon Collin. Notre pays compte actuellement 350 000 actifs mais pour combien de temps encore ?

En réponse à ces difficultés, malheureusement récurrentes, le Président de la République a annoncé, en octobre dernier, un plan de soutien de 650  millions d’euros. Le projet de loi de finances pour 2010 concrétise une partie de cet effort financier, qui sera poursuivi dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2009.

Pour autant, la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » ne répond pas totalement aux attentes du monde agricole. Certes, ses crédits dépassent les plafonds prévus par la loi de programmation pluriannuelle. On pourrait y voir un volontarisme certain. En réalité, cette hausse des crédits s’explique aussi par des obligations telles que l’accroissement du cofinancement national au bilan de santé de la PAC, la gestion des conséquences de la tempête Klaus, ou encore le programme informatique et le recensement imposés par la RGPP.

Par conséquent, sans oublier la diversité des concours publics à l’agriculture qui relativise la présente mission, je m’interroge tout de même : faisons-nous suffisamment pour ces milliers d’hommes et de femmes qui sacrifient beaucoup de leur vie pour un secteur de moins en moins rentable ?

M. Yvon Collin. Faisons-nous assez pour tous ces exploitants à qui l’on impose régulièrement de nouvelles normes sanitaires et environnementales avec, en contrepartie, la promesse de revenus tout juste décents ?

M. Jean-Marc Pastor. Ce sont les bagnards de la France !

M. Yvon Collin. Hélas non ! Je crois que l’on peut aller plus loin que les prêts bonifiés et les allégements de charges sociales.

Selon moi, deux dispositifs mériteraient d’être renforcés afin de mieux sécuriser les exploitations et les revenus agricoles.

Vous connaissez sans doute, monsieur le ministre, mon attachement à la question de l’assurance récolte. Nous avons eu l’occasion d’en débattre, ici, l’année dernière, avec votre prédécesseur à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi que j’avais déposée. Je forme de nouveau aujourd’hui le vœu de voir instaurer un dispositif suffisamment incitatif pour que davantage d’exploitants soient couverts contre les aléas climatiques.

MM. Jean-Paul Emorine et Didier Guillaume. Très bien !

M. Yvon Collin. Je pense, en particulier, aux cultures fruitières, dont le taux de couverture est de seulement 11 %, contre 45 % pour les grandes cultures.

M. Michel Charasse. Très bien !

M. Yvon Collin. En attendant, je regrette que le Fonds national de garantie des calamités agricoles ne soit pas doté par le projet de finances pour 2010, alors que le code rural prévoit l’inscription de cette subvention au budget de l’État. Mes collègues rapporteurs, toujours très vigilants, le déplorent depuis trois ans.

Le problème de la formation des prix me tient également à cœur, et je salue au passage l’initiative, à laquelle je m’associe pleinement, de notre excellent collègue Didier Guillaume en faveur de la création d’une commission d’enquête sur l’organisation de la chaîne de commercialisation des produits agricoles et le mécanisme de formation des prix agricoles. En effet, il est temps de se pencher sur un système opaque qui conduit, depuis deux décennies, à un écart grandissant entre les prix agricoles et les prix en rayon. Conscient que ce sujet n’entre pas dans le cadre du budget de l’État, je souhaitais néanmoins d’ores et déjà l’évoquer dans la perspective de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture.

Mes chers collègues, les agriculteurs ont toujours su faire l’effort d’adapter leur outil de production. Quand il a fallu produire plus, ils l’ont fait. Maintenant, il faut produire mieux, ils le font. Ils acceptent, sans sourciller, les nouvelles exigences sanitaires et environnementales. Pour autant, les agriculteurs ne sont pas les diététiciens ni les jardiniers de la France. Ils sont avant tout des agents économiques qui veulent vivre de la vente de leurs produits. C’est pourquoi, sans nier les avancées du plan de Poligny, le groupe RDSE souhaiterait un effort continu et à la hauteur d’un secteur aussi vital et ne pourra malheureusement pas voter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde le sent bien, l’agriculture est en crise. Les agriculteurs souffrent et sont inquiets pour leur avenir. Sommes-nous aujourd’hui en mesure de répondre à leurs interrogations dans le cadre du débat budgétaire, qui est l’occasion de rappeler un certain nombre d’actions et de perspectives ?

Sur le plan budgétaire, chacun s’accorde à reconnaître que les crédits de la mission augmentent mais que des interrogations subsistent. Je voudrais, dans le temps qui m’est imparti, dépasser l’aspect strictement budgétaire et cibler mon intervention sur quelques points qui me paraissent essentiels.

Je commencerai par évoquer la crise laitière. Il était, certes, important de mettre en place le Fonds spécial et de mobiliser les crédits européens comme vous avez su le faire. Je salue également l’effort national concrétisé dans le plan destiné à porter remède aux situations intenables que connaissent certains agriculteurs.

Mais il y a plus que cela. Je fais allusion à l’action que vous avez initiée avec succès à Bruxelles pour lancer une vraie politique permettant de réguler le marché. Il n’était pas évident de convaincre nos partenaires de la pertinence de ce choix, compte tenu de la mentalité d’un certain nombre de responsables agricoles européens –  je pense aux représentants du nord de l’Union, en particulier. Je vous félicite, monsieur le ministre, d’avoir créé le groupe des Vingt qui soutiennent la perspective d’une régulation. Ce qui est vrai pour le lait peut valoir pour de très nombreux secteurs.

Il est donc important de répondre aux attentes des producteurs de lait, singulièrement en zone de montagne où les coûts de ramassage augmentent.

J’attire également votre attention sur l’importance des accords interprofessionnels. Les problèmes de concurrence ne doivent pas empêcher le développement de ces politiques interprofessionnelles qui, conjuguées à la régulation au niveau européen, sont sans doute les seules à même de sécuriser les prix.

Il y a donc eu une réponse immédiate à des situations dramatiques mais aussi la définition de perspectives d’avenir. Cela nous paraît essentiel, afin que ceux qui ont investi puissent continuer à faire face et pour permettre aux jeunes de s’installer.

Si nous relevons des efforts, dans le cadre budgétaire, pour encourager les installations, en revanche, des interrogations demeurent quant à l’accompagnement par les associations départementales d’aménagement des structures des exploitations agricoles, ADASEA, et par les chambres d’agriculture.

Monsieur le ministre, il faut que vous le sachiez, certaines chambres d’agriculture – celle de la Lozère est sans doute, hélas ! exemplaire dans ce domaine – ne peuvent plus trouver des ressources nouvelles. Faute de leur en apporter, la situation sera bloquée. C’est ce qui nous a conduits, pour vous interpeller, à déposer un amendement sur lequel nous reviendrons.

J’en viens au problème herbager et à politique de la montagne.

Les contrats passés au titre de la PHAE vont arriver à terme. Pour l’instant, rien n’est prévu pour que les exploitants concernés bénéficient, au moins jusqu’en 2013, d’assurances financières.

Il y a, c’est vrai, un problème de réglementation par rapport à l’Europe. Il y a également un problème de financement, afin que les titulaires de contrats arrivant à terme cette année puissent, au moins jusqu’en 2013, toucher l’équivalent de ce qu’ils perçoivent actuellement.

Élu d’un département dont la moyenne de chargement par exploitation est inférieure à 0,5, je voudrais entendre de votre part certaines confirmations. Pourriez-vous nous assurer ici très officiellement du maintien des DPU sur l’herbe pour ces exploitations dont le taux de chargement est inférieur à 0,5 car elles sont situées en zone de montagne, elles élèvent des ovins et il y a les estives ?

Je terminerai en évoquant l’avenir de la politique agricole commune, la PAC, singulièrement en montagne. Lundi prochain, se tiendra en Autriche une conférence au cours de laquelle la Commission va présenter une analyse de la politique agricole en montagne. Nous avons besoin que vous sécurisiez son avenir.

Peut-être parlera-t-on un jour de politique agricole commune durable. Encore faut-il que les acteurs économiques restent et soient reconnus. En effet, pour assurer l’avenir de notre espace rural, de nos zones de montagne et de notre territoire, il est absolument indispensable d’encourager l’activité des agriculteurs, qui sont les meilleurs garants du développement durable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et sur plusieurs travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous invite à prendre un peu de recul en remontant l’histoire.

M. Gérard César. Pas trop !

M. Jean Boyer. « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France » (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste), voilà les mots qu’aimait à répéter Sully, l’ami et le ministre du roi Henri IV il y a plusieurs siècles.

Certes, à l’époque, les vaches laitières ne produisaient pas 8 000 kilos de lait ou plus et les rendements céréaliers n’atteignaient pas 8 000 kilos de grains à l’hectare. La fertilisation chimique n’existait pas, les herbicides non plus.

II fallait nourrir la France et le monde, ce constat n’avait guère varié après la dernière grande guerre mondiale.

Depuis cinquante ans, monsieur le ministre, les évolutions techniques, humaines et sociales se sont succédé ; une mécanisation performante a remplacé la main-d’œuvre humaine et familiale.

L’agriculture a toujours cette vocation fondamentale qui est de nourrir les hommes, mais le pouvoir de production est devenu très performant et de grands espaces répartis sur tous les continents sont aujourd'hui productifs et compétitifs.

L’agriculture française évolue, nous le savons tous, mes chers collègues, dans une jungle mondiale. La bataille est sans pitié. Certes, ce n’est pas la première fois mais, si un responsable n’a pas le droit d’être désespéré, il a le devoir d’être vrai, et il faut reconnaître que c’est la première fois qu’elle est si terrible.

Monsieur le ministre, vous le savez, on ne peut pas parler d’aménagement du territoire sans évoquer l’agriculture, qui doit en particulier conserver sa vocation de production.

Aujourd'hui, l’inquiétude de nombreux agriculteurs est non pas de ne pas avoir de terres à cultiver, mais de ne plus avoir de voisins dans les villages où ils vivent.

Les agriculteurs souhaitent aussi une parité humaine et sociale.

La mécanisation a réduit la main-d’œuvre ; les hommes et leurs épouses, de plus en plus, travaillent à l’extérieur des exploitations.

Les villages, les communes n’ont souvent plus d’écoles et le ramassage scolaire, pas toujours pratique, est coûteux.

Les agriculteurs risquent de se délocaliser, malgré leur volonté de rester agriculteur.

Lorsqu’il y a un malaise de dimension nationale ou européenne, les problèmes ne sont pas obligatoirement de même gravité, car la stabilité du départ est différente, cependant, mes chers collègues, il ne faut surtout pas opposer telle ou telle filière, car l’agriculture est un tout…

M. Didier Guillaume. Exactement !

M. Jean Boyer. … et l’apport de ce tout dans la balance commerciale est déterminant.

M. Didier Guillaume. Il a raison !

M. Jean Boyer. La France est en effet le premier pays producteur végétal et animal de l’Union européenne et elle est le troisième pays exportateur agroalimentaire du monde. C’est important.

L’ancien agriculteur que je suis, éleveur en Haute-Loire, département voisin de celui de Jacques Blanc, se permettra d’évoquer dans son propos une situation spécifique, celles des zones de montagne, confrontées à des handicaps naturels supplémentaires qui aggravent la morosité.

Cette morosité repose sur une réalité : la dureté du climat et de la topographie, les surcoûts d’investissement, l’isolement, la faible rentabilité économique.

La collecte du lait est menacée dans certains secteurs où la densité est trop faible, donc génératrice de frais supplémentaires.

Les restructurations laitières, vous le savez bien, monsieur le ministre, sont inquiétantes, car les repreneurs ne sont intéressés que par les secteurs rentables, et c’est particulièrement vrai alors que la production laitière constitue un brûlant sujet d’actualité.

Monsieur le ministre, peut-on espérer un retour de l’aide à la collecte qui était allouée voilà une quinzaine d’années ?

M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez : le lait, c’est le salaire du paysan !

Par ailleurs, monsieur le ministre, je vous interrogerai tout à l’heure, et j’associerai à ma question mon collègue Jean-Paul Amoudry, sur la PHAE, dont a parlé Jacques Blanc et qui suscite de réelles inquiétudes.

Par ailleurs, nous attendons la revalorisation de l’ICHN, l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, à hauteur de 50 % pour les vingt-cinq premiers hectares : certes, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, mais je n’en regrette pas moins que cette promesse n’ait pas encore été tenue. C’est, monsieur le ministre, le moment de le faire !

Je terminerai en évoquant les inquiétudes relatives à l’autonomie des chambres d’agriculture. Ce sont des organismes de proximité, à l’échelon départemental, dont les conseils techniques mais aussi les conseils sur tout ce qui gravite autour de l’agriculture sont précieux. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales - Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Discussion générale

4

Organisme extraparlementaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil national des villes.

Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire à présenter une candidature.

Les nominations au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

5

Modification du calendrier budgétaire

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la présidente, mes chers collègues, comme vous l’avez constaté, la mission « Plan de relance de l’économie » n’a pas pu être examinée hier soir, ainsi que cela était initialement prévu par l’ordre du jour, et ce en raison du retard que nous avons pris dans l’examen des autres missions.

Après discussion avec les différentes parties intéressées, un accord se dessine pour que nous procédions demain, probablement en début d’après-midi, à l’examen des crédits de cette mission, après la discussion des crédits de la mission « Aide publique au développement » et avant l’examen des crédits de la mission « Provisions ».

M. Charles Revet. Très bien ! Merci, monsieur le président de la commission des finances !

Mme la présidente. Demain nous examinerons donc les missions suivantes :

- « Aide publique au développement » ;

- « Plan de relance de l’économie » ;

- « Provisions » ;

- « Engagements financiers de l’État » ;

- « Sport, jeunesse et vie associative » ;

- « Solidarité, insertion et égalité des chances » ;

- « Ville et logement ».

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nos débats risquent de se prolonger jusqu’à une heure avancée.

6

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales - Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Deuxième partie

Loi de finances pour 2010

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales - Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion des articles de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2010.

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

Compte d’affectation spéciale : Développement agricole et rural

(suite)

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Questions-réponses-répliques

Mme la présidente. Dans l’examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte spécial « Développement agricole et rural », la parole est à M. Raymond Vall.

M. Raymond Vall. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’examen du budget de l’agriculture intervient à un moment où la crise agricole connaît une ampleur sans précédent. Cela a été dit, toutes les filières sont concernées, et, dans nos campagnes, la détresse de beaucoup d’agriculteurs atteint son paroxysme. De fait, nous sommes dans l’obligation de les entendre et d’être solidaires.

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous parler plus particulièrement du département du Gers, que vous connaissez bien. Celui-ci, marqué par le poids de son activité agricole, qui représente plus de 20 % des emplois, n’échappe pas aux difficultés. Dans ce département, comme dans d’autres, nous avons eu à affronter, à canaliser et à comprendre la colère des agriculteurs, en particulier celle des plus jeunes d’entre eux et des producteurs laitiers.

Je n’insisterai pas sur les chiffres, qui ont été largement cités. Le département du Gers cumule les difficultés : ses productions connaissent des baisses de rendement, la fièvre catarrhale entraîne une diminution des naissances dans le cheptel ovin et la vigne subit les effets de l’esca, maladie qui détruit 10 % du vignoble chaque année.

M. Gérard César. Très juste !

M. Raymond Vall. S’agissant de ce dernier point, nous avions instamment demandé à votre prédécesseur, Michel Barnier, de tout faire pour que la recherche débouche sur des solutions nous permettant de sortir de cette dramatique impasse.

Malheureusement, les perspectives ne sont pas de nature à rassurer durablement ni les agriculteurs gersois ni ceux des autres départements. Le plan de soutien exceptionnel, annoncé par le Président de la République à Poligny, semblait prometteur. Mais, alors que les agriculteurs sont déjà très endettés et qu’ils ont du mal à rembourser leurs échéances, on leur propose 1 milliard d’euros sous forme de prêts bonifiés. Cela revient à leur demander de s’endetter pour se désendetter, ce qui est incompréhensible pour eux.

Les 650 millions d’euros restants ne suffiront pas pour les aider à se remettre des pertes enregistrées en 2009. Même s’il vous sera certainement difficile d’accéder à cette requête, monsieur le ministre, ils demandent à pouvoir bénéficier d’une exonération complète de la taxe sur le foncier non bâti. Ils fondent de grands espoirs sur cette mesure.

Je me permets de signaler que nos communes, en ce qui les concerne, ont souvent accordé des exonérations de taxe professionnelle.

Au-delà de ce plan d’urgence, on attendait du budget pour 2010 qu’il accompagne les orientations majeures pour l’avenir de l’agriculture, car la crise est bien structurelle. Or on constate une stagnation des crédits de paiement par rapport à l’exercice précédent !

Mais, rassurons-nous, car, en réalité, cette stagnation cache, nous dit-on, une hausse. La programmation 2009-2012 de la mission prévoyait en effet une diminution marquée des crédits en 2010 et en 2011. Le Gouvernement aurait donc pris la mesure de la situation puisque les crédits augmentent de 10 % par rapport aux prévisions. Soyons objectifs, cette programmation triennale n’était déjà pas réaliste l’an dernier, elle ne peut donc l’être aujourd’hui !

Quant aux majorations décidées par l’Assemblée nationale, elles sont certes positives, mais correspondent à des mesures conjoncturelles du plan annoncé, sans incidence sur le fond.

Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, vous avez été conduit à opérer certaines réductions sur des actions qui, dans un contexte de crise et, surtout, de mutation de grande ampleur, se révèlent pourtant essentielles.

Que dire, en effet, de l’insuffisance des moyens du plan de modernisation des bâtiments d’élevage, dont les crédits enregistrent une baisse de 43 %, du programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole et du plan végétal pour l’environnement ? Ces outils permettent aux agriculteurs de rester compétitifs et de pérenniser leurs entreprises, mais aussi de relever le défi des exigences environnementales. Ce n’est donc pas le moment de baisser la garde.

Que penser également de la baisse de 15 % de la dotation aux ADASEA, qui condamne la politique d’accompagnement de l’installation en agriculture ? Ainsi, mon département a enregistré, entre 2004 et 2007, 388 départs pour 134 installations et l’on sait que 26 % des exploitants cesseront leur activité dans un délai de cinq ans.

L’installation de nouvelles générations est pourtant primordiale pour notre agriculture. Rappelons qu’on ne compte plus que 350 000 agriculteurs en France !

Enfin, je dirai un mot sur la prime herbagère agro-environnementale. Celle-ci sera désormais cofinancée à 75 % par le budget européen. Les crédits pour 2010 seront-ils suffisants pour honorer les demandes éligibles en cours ? Qu’en est-il pour les nouveaux ? L’absence d’autorisation d’engagement interpelle fortement les éleveurs.

Je terminerai mon propos sur une note positive. En effet, j’ai relevé avec satisfaction la revalorisation de l’indemnité compensatoire de handicap naturel. Comme vous le savez, le Gers se trouve en zone défavorisée intermédiaire en raison de son relief de coteaux et de la qualité moyenne de ses sols. Aussi, j’espère qu’il bénéficiera de cette revalorisation.

J’ai néanmoins une inquiétude : il semble que les critères retenus par la Commission européenne pour une nouvelle classification des zones agricoles à handicaps naturels excluent ce département. Pouvez-vous rassurer les agriculteurs du Gers sur ce point, monsieur le ministre ?

Le Président de la République a fait part de son engagement à défendre sans faille une régulation rénovée. Alors qu’il nous a expliqué, pendant des années, que le marché réglerait tout, je me réjouis de ce changement de philosophie et j’espère qu’elle trouvera une traduction dans la politique agricole commune.

Monsieur le ministre, dans ces moments difficiles, en dépit du mécontentement des agriculteurs, jamais je n’ai entendu à votre égard le moindre propos désagréable.

M. Charles Revet. C’est vrai !

M. Raymond Vall. Tout le monde considère que vous êtes un homme d’écoute, que vous vous battez pour l’agriculture. Je tenais à vous le dire, même si la majorité des membres du groupe RDSE ne voteront pas votre budget.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » du projet de loi de finances pour 2010 appelle, de ma part, deux observations majeures.

Tout d’abord, une analyse attentive des propositions faites par le Gouvernement laisse à penser que la page du Grenelle de l’environnement est bel et bien tournée !

En témoigne l’absence d’efforts significatifs en direction de la recherche-action en matière d’agriculture intégrée, c’est-à-dire de systèmes de production agricole réduisant à la source leurs besoins en intrants, et dont l’optimum économique est recherché non plus en poussant les rendements, mais en réduisant les charges : rotations des cultures, variétés résistantes, pratiques culturales innovantes, etc. Il est vrai que ce concept, considéré par l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, comme fondateur de l’agriculture durable sur le plan environnemental, fait toujours figure d’épouvantail dans certains milieux professionnels agricoles, et que la majorité en a fait un véritable tabou lors des débats sur les lois Grenelle.

En témoigne également la faiblesse des crédits dédiés à la conversion des exploitations à l’agriculture biologique et au développement de celle-ci. Le déficit structurel de notre balance agroalimentaire en produits biologiques démontre pourtant, s’il en était encore besoin, que c’est au niveau de l’offre que les pouvoirs publics doivent agir en priorité.

Ensuite, dans un autre registre, je constate qu’une fois de plus les crédits européens mobilisés par le Gouvernement au profit du secteur agricole échappent au contrôle parlementaire, alors qu’ils pèsent trois fois plus lourd que ceux de la mission que nous examinons aujourd’hui.

Certes, Michel Barnier, alors ministre de l’agriculture, avait annoncé le 23 février dernier une réorientation de 18 % des aides perçues par les agriculteurs au titre de l’article 63, en prélevant indirectement sur la manne touchée par les céréaliers pour revaloriser les droits à paiement unique, les DPU, des exploitations herbagères. Je m’en félicite : sur le plan environnemental, c’est un premier pas dans la bonne direction, c’est-à-dire vers le soutien à des systèmes de production globalement moins intensifs.

Les modalités d’application retenues par le Gouvernement, dans la plus grande opacité, posent cependant un vrai problème. En effet, cette redistribution au sein du premier pilier s’est accompagnée d’une disparition implicite de la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE : s’il existe une enveloppe de 60 millions d’euros pour les contrats en cours, il n’y a aucune trace de dotation en autorisations d’engagement pour les quelque 10 000 contrats arrivant à échéance en 2010.

Ainsi, sous le prétexte que le soutien légitime aux exploitations herbagères reposerait désormais sur les nouveaux DPU revalorisés, au lieu des PHAE, le Gouvernement prend une disposition qui constitue un recul sur le plan de l’agriculture durable – l’éco-conditionnalité liée aux DPU n’étant pas à la hauteur des décisions contractualisées dans le cadre des mesures agri-environnementales, les MAE ! – et qui pénalise objectivement les exploitations herbagères extensives au détriment des autres.

Il en résulte, au final, que les zones défavorisées, notamment de montagne, seront pénalisées : c’est le monde à l’envers, notamment sur le plan de l’aménagement durable du territoire ! Le Grenelle de l’environnement est décidément bien loin...

À cet égard, je voudrais tout particulièrement attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le devenir de la politique agricole conduite au niveau de la montagne vosgienne, sous l’impulsion de la direction départementale de l’agriculture et de la forêt, la DDAF, du Haut-Rhin.

Bien avant la concertation du Grenelle de l’environnement, cette politique exemplaire avait su associer tous les acteurs du monde rural montagnard vosgien : élus, profession agricole, autres usagers de l’espace, associations de protection de l’environnement...

Cette démarche de concertation exemplaire avait permis d’élaborer une véritable politique de revitalisation de l’espace rural, en proie à la déprise agricole. Réouverture de paysages, installation des jeunes agriculteurs, développement de filières courtes de produits de qualité, généralisation de pratiques agricoles exemplaires du point de vue de l’environnement : le « plan de gestion des espaces ouverts » a tenu toutes ses promesses. La cohérence de cette démarche prenant en compte l’ensemble de l’exploitation agricole, que les terrains soient situés en zone Natura 2000 ou non, a permis la contractualisation de 90 % de la zone Natura 2000, c’est-à-dire quelque 4 300 hectares, avec un taux de renouvellement des contrats de 100 % !

Tout ce travail concerté engagé depuis une quinzaine d’années, tous ces résultats remarquables en termes de développement agricole et de préservation-valorisation de l’environnement sont aujourd’hui menacés : les estimations réalisées font apparaître que, sans les crédits équivalant à la PHAE, la moitié de la surface contractualisée dans le périmètre Natura 2000 de la montagne vosgienne haut-rhinoise, qui est la première de la région Alsace, va disparaître. Je me dois de souligner que ce véritable gâchis prendrait une dimension d’autant plus emblématique que nous sommes au seuil de l’année 2010, décrétée par l’Union européenne « année de la biodiversité »…

Monsieur le ministre, au nom des élus du massif vosgien, de l’ensemble de la profession agricole et des associations de protection de l’environnement, je me tourne vers vous : vous ne pouvez pas sacrifier l’une des plus belles opérations de développement durable concerté, située de surcroît en zone de montagne fragile, sur l’autel de quelques astuces budgétaires qui vous permettent, aujourd’hui, de baisser de 50 % les crédits de paiement consacrés par la France aux PHAE ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Gérard Le Cam applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis en service commandé, j’interviens au nom de Daniel Laurent, qui est retenu dans sa commune où il assiste aux obsèques d’une conseillère municipale.

Sa question porte sur la fiscalité des vins de liqueur à appellation d’origine contrôlée ; elle s’adresse, certes, au ministre de l’agriculture, mais elle concerne tout autant les ministres chargés du budget et de la santé.

En France, les produits issus de la vigne sont soumis à une fiscalité variable selon leur mode d’élaboration. Les produits dits intermédiaires, comme le pineau des Charentes, le floc de Gascogne, le macvin du Jura et le pommeau de Normandie,…

M. Charles Revet. C’est bon !

M. Didier Guillaume. Effectivement !

M. Gérard César. … chers à mes collègues des régions concernées, sont soumis à une fiscalité différenciée.

En revanche, les produits industriels concurrents sur ce marché des apéritifs, élaborés sans contraintes d’origine ou de production, ont su faire évoluer la fiscalité en leur faveur, en modifiant leur procédé technique, ce qui est impossible pour le pineau. Depuis 2003, certains d’entre eux sont taxés comme le vin, soit 63 fois moins que le pineau. Le résultat est que, depuis trois ans, les ventes totales ont baissé de plus de 15 %.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a mis en œuvre un principe d’indexation systématique des produits soumis à accises, contre lequel Daniel Laurent et nombre de nos collègues s’étaient élevés, mais en vain. Le résultat ne s’est pas fait attendre : en 2009, les accises ont augmenté de 1,50 %, et pour 2010, elles devraient croître de 2,80 %, comme l’a confirmé l’arrêté du 19 octobre 2009 fixant les tarifs des droits d’accises sur les alcools et les boissons alcooliques pour 2010.

La seule hausse pour 2010 de l’accise sur les produits intermédiaires équivaut au double de la taxation totale de ces apéritifs concurrents. Vous comprendrez dès lors, monsieur le ministre, l’ire de nos viticulteurs.

Depuis de nombreuses années, MM. Laurent et Doublet se battent à leurs côtés pour interpeller les pouvoirs publics sur l’iniquité de cette fiscalité. On ne compte plus les questions écrites, orales, les courriers aux ministres et les rendez-vous ministériels, dont le dernier, en date du 26 novembre, au sein de votre ministère, n’a rien apporté de concret, si ce n’est la programmation d’un nouveau rendez-vous le 16 décembre… 2009, tout au moins, je l’espère ! (Sourires.)

En 2004, lorsque Dominique Bussereau, président du conseil général de Charente-Maritime, était secrétaire d’État au budget et à la réforme budgétaire, la profession avait réussi à obtenir des aides annuelles aux vins de liqueur, preuve que la demande de la profession est légitime ; depuis, il n’y a plus aucune avancée sur le dossier.

Aujourd’hui, selon M. Laurent, nous sommes en train de perdre toute crédibilité et la profession s’exaspère. Elle évoque même l’éventualité d’un recours à la grève du paiement des taxes (Exclamations au banc des commissions), déjà expérimenté il y a sept ans, et qui priverait l’État d’une recette annuelle de 24 millions d’euros, TVA comprise.

Daniel Laurent a bien conscience que le poids économique du pineau des Charentes n’est rien à côté de celui des « géants industriels », mais vous comprendrez aisément que cet état de fait ne peut perdurer et qu’il devient impérieux de clore ce dossier et d’obtenir une réponse immédiate.

Qu’entendez-vous faire, monsieur le ministre, pour mettre fin à cette inégalité fiscale qui pénalise la compétitivité de ces produits ? Je rappelle, une nouvelle fois, que je suis intervenu au nom de Daniel Laurent. (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP. – M. Didier Guillaume applaudit également.)

M. Charles Revet. Il avait un bon représentant !

M. Didier Guillaume. Et vous, monsieur César, quel est votre point de vue ? (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’ensemble de nos territoires est concerné par la crise sans précédent que traverse actuellement le monde agricole. Ce cri d’alarme ne doit toutefois pas devenir un lieu commun, qui pourrait justifier l’inaction face à cette crise.

« Aucun secteur n’est épargné, aucune région n’est épargnée », a déclaré le Président de la République à Poligny, il y a quelques semaines.

Nous devons affirmer, dans cette enceinte, que l’agriculture, sa défense et sa modernisation, ce n’est pas un combat d’arrière-garde. Bien au contraire !

Les agriculteurs nourrissent les Français, entretiennent l’espace et accueillent les citoyens des villes stressés, qui viennent se détendre à la campagne... Sans agriculteurs, il n’y aurait plus de paysages, seulement des friches.

Dans ce contexte économique désastreux, il semble évident qu’il faille redonner aux agriculteurs espoir et optimisme dans l’avenir.

Ce budget, monsieur le ministre, aurait dû être le moyen de remobiliser toute une profession. Malheureusement, à notre avis, ce n’est pas le cas.

Le budget de l’agriculture est certes maintenu au même niveau qu’en 2009 ; mais c’est l’arbre qui cache la forêt, comme l’a dit très justement Odette Herviaux. Ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux auxquels le secteur agricole, actuellement en crise, doit faire face.

Monsieur le ministre, nous saluons tous ici votre sincérité, votre engagement et votre mobilisation au service de l’agriculture.

M. Charles Revet. Tout à fait !

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

M. Didier Guillaume. Mais nous constatons, malheureusement, que ce budget ne vous donne pas les moyens de mener la politique agricole que vous souhaitez.

Pourtant, aujourd’hui, de nombreux défis sont à relever : problème de non-renouvellement des générations ; baisse de 10 % des revenus agricoles, qui ont déjà subi une baisse de 20 % en 2008 ; déprise foncière lorsque, tous les dix ans, l’équivalent d’un département agricole disparaît.

Monsieur le ministre, cette crise n’est pas conjoncturelle, elle est structurelle. Nous devons donc rechercher des solutions sur le long terme.

Pourquoi le Gouvernement ne se donne-t-il pas véritablement les moyens d’agir ?

Les crédits de paiement du programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires » ne sont pas à la hauteur. Ce programme a pour finalité de faciliter l’adaptation des filières aux exigences environnementales et sociales. Nous pensons, pour notre part, que ces filières n’y parviendront pas seules. Cet axe devrait donc être privilégié.

De même, pourquoi les crédits de paiement de l’enseignement technique agricole, prévus dans la mission interministérielle « Enseignement scolaire », baissent-ils de 1,2 % ?

Enfin, le Grenelle de l’environnement a fixé des objectifs ambitieux en matière d’agriculture, notamment un objectif global de réduction de moitié des usages de produits phytopharmaceutiques sur dix ans et le développement de l’agriculture biologique. Je rappelle que 6 % de la surface agricole utile devront être convertis en « bio » en 2012, et 20 % en 2020.

Le Grenelle enjoint le monde agricole de modifier ses pratiques afin de s’adapter aux réalités écologiques de notre planète. Mais comment faire évoluer ces pratiques sans consacrer des moyens et sans faire d’efforts pour former les agriculteurs de demain ? Seuls 3 millions d’euros sont alloués pour la conversion des exploitations au mode de production biologique.

À la lecture de ce budget, nous ne pouvons que constater une évidence reconnue par l’ensemble de la profession : les moyens de mise en œuvre et d’accompagnement de ces objectifs sont très faibles.

Le monde agricole a besoin que soit élaborée une stratégie sur le long terme. Attention à ne pas leurrer les agriculteurs, car ils n’ont plus la force de le supporter !

Nous devons penser, aujourd’hui, à améliorer l’organisation économique du secteur agricole. Nous devons axer nos réflexions sur l’émergence de mesures structurelles. Nous devons, enfin, poser la question qui s’impose : quel type d’agriculture souhaitons-nous soutenir dans les années à venir ?

Si nous avons affaire, comme vous le dites, monsieur le ministre, « à la crise économique la plus grave qu’ait connue le monde agricole depuis ces trente dernières années », croyez-vous sincèrement que ce budget permette d’y apporter des réponses ?

Nous pensons, quant à nous, que ce budget ne permettra pas de redynamiser le monde agricole, car il ne lui alloue pas les moyens nécessaires. Les agriculteurs continueront à courber l’échine et à se battre, mais ils sont bien obligés de constater qu’ils ne parviendront plus à subvenir aux besoins de leur famille.

La loi de modernisation de l’agriculture se profile à l’horizon. Une loi de plus, diront certains.

Monsieur le ministre, notre groupe est prêt à vous accompagner s’il s’agit véritablement d’une nouvelle loi. Oui, la France agricole a besoin d’un nouvel élan pour aborder l’indispensable régulation que vous-même prônez et permettre ainsi à toutes les filières et à l’ensemble des agriculteurs de ne pas être soumis à la loi du marché !

Le Gouvernement évoque la réorganisation des filières, mais, dans le même temps, laisse quasiment à l’abandon les offices agricoles en ne leur allouant qu’un très faible financement.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’agriculture biologique est une réponse parmi d’autres à la crise du secteur agricole. Il serait cependant absurde, je le répète, d’opposer les agriculteurs conventionnels et biologiques, dans la mesure où les uns se « nourrissent » des autres. En tout état de cause, l’agriculture biologique doit permettre aux agriculteurs dans certaines filières de disposer d’un revenu supérieur à celui qu’ils perçoivent aujourd’hui.

Pour reprendre ce qu’a exposé si brillamment ce matin mon collègue Yvon Collin, il conviendra, dans le cadre de la loi de modernisation, d’envisager – enfin ! – l’instauration dans notre pays d’une assurance récolte obligatoire mutualisée.

M. Charles Revet. Absolument !

M. Didier Guillaume. Cela permettrait de donner à tous les agriculteurs les moyens de s’en sortir.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Didier Guillaume. Je n’évoquerai pas le secteur des fruits et légumes, car j’en parlerai plus tard, à l’occasion de l’exercice des questions-réponses-répliques.

Cela étant, je ne saurais terminer mon propos sans vous faire remarquer que la présence du loup est incompatible avec le pastoralisme, très développé dans notre pays. Il faudra bien un jour faire le choix qui s’impose ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun le sait, je suis très attaché à l’agriculture et j’entends participer activement aux débats qui s’annoncent sur le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche actuellement en préparation.

Toutefois, aujourd’hui, en ma qualité de président du groupe d’études du littoral et de la mer au Sénat, j’ai choisi de centrer mon propos sur l’ensemble des enjeux liés à la mer.

La France, qui possède la deuxième zone économique maritime du monde, juste derrière celle des États-Unis, en tire des responsabilités très importantes et toutes particulières, pour elle-même, bien sûr, mais également pour l’ensemble de la planète, et ce dans trois domaines à mes yeux indissociables : écologique, scientifique et économique.

Le premier a été traité de manière très approfondie lors du Grenelle de la mer. Quoi de plus légitime, dès lors qu’il convient de prendre des mesures urgentes en faveur de la protection de l’environnement ?

Les deux autres ne sont pas de moindre importance et, en tout état de cause, sont interdépendants.

Ainsi, la recherche française, avec notamment l’IFREMER, est reconnue comme l’une des plus performantes au monde, qu’elle porte sur la préservation des espèces ou le développement de l’aquaculture, activité à fort potentiel. Sur le plan économique, cela représente un gisement de plusieurs milliers d’emplois.

Pour nourrir une population mondiale qui ne cesse de croître, les productions terrestres vont atteindre leurs limites ; en revanche, nous sommes loin d’avoir exploité tout le potentiel du milieu marin, du point de vue tant de la faune que de la flore. L’IFREMER assure une production importante d’alevins, mais, d’après des informations que j’ai reçues cette nuit par courrier électronique, deux tiers des œufs et larves produits en France sont exportés. Le développement de leur utilisation sur le territoire national permettrait d’améliorer la couverture de nos besoins.

De son côté, l’INRA a mis au point une alimentation à base végétale pour les élevages piscicoles, alors qu’elle est actuellement constituée, pour l’essentiel, de farines de poissons.

Monsieur le ministre, je le répète, les domaines écologique, scientifique et économique sont étroitement imbriqués.

Si la France dispose donc de la deuxième zone économique maritime au monde, est-il vraiment acceptable, comme l’a fait remarquer M. Merceron ce matin, qu’elle ne couvre même pas 20 % de ses besoins en poissons et crustacés ?

Bien sûr, notre pays a le devoir de respecter les règlements imposant des limitations des droits de pêche dans la zone Europe. Soit dit en passant, je ne suis pas sûr que certains de nos partenaires européens aient les mêmes scrupules ! Au demeurant, si ces quotas s’imposent naturellement à nous, la protection de l’environnement, ô combien nécessaire, ne semble pas incompatible avec l’objectif de développement des activités économiques, dès lors que les sites s’y prêtent.

Ainsi la promotion de l’aquaculture est-elle de nature à entraîner la création de nombreux emplois et à participer à la couverture de nos besoins alimentaires, voire plus. En effet, non seulement notre pays doit couvrir ses besoins alimentaires en poissons et crustacés, mais il pourrait, à long terme, répondre en partie à la demande mondiale, à condition, bien sûr, de ne pas créer nous-mêmes nos propres limites en classant prématurément des sites qui se prêteraient à cette activité. Ne l’oublions pas, les parcs d’aquaculture français, loin de se développer ces dernières années, ont vu leur superficie régresser !

À cet égard, je dois l’avouer, les projets de classement concernant notre littoral et nos espaces fluviaux me préoccupent énormément. On me rétorquera que des classements de type Natura 2000 n’interdisent pas des implantations d’activités économiques. Certes, mais ils sont si contraignants que les multiples recours auxquels ils donnent lieu aboutissent, de fait, à bloquer presque tous les projets dans ce domaine ou dans d’autres. Pis encore, je l’ai dit, la superficie de nos parcs d’aquaculture a régressé au cours de ces dernières années.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je suggère qu’aucun classement ne puisse être finalisé s’il ne s’inscrit pas dans un projet global faisant ressortir, pour un territoire donné, trois types de sites : premièrement, les sites justifiant d’un classement du fait soit de leur qualité même, soit de la préservation de la faune et de la flore ; deuxièmement, les sites devant être réservés à l’activité économique sous toutes ses formes ; et, troisièmement, les sites à conserver pour un classement ultérieur, ne présentant pas de caractéristiques particulières, mais pour lesquels une destination n’est pas envisagée dans l’immédiat. Il faudrait d’ailleurs prévoir, sous réserve de compensation à surface identique, la possibilité de réviser certains classements antérieurs.

Il est temps, monsieur le ministre, mes chers collègues, de mettre fin à ce funeste paradoxe français d’une nation de marins qui a oublié la mer ! Je prendrai trois exemples emblématiques.

Premier exemple : alors que, dans les années quatre-vingt, la flotte de commerce française occupait la quatrième ou la cinquième place mondiale, elle est aujourd’hui située au vingt-neuvième ou trentième rang.

Deuxième exemple, que je ne cesserai de répéter : alors que nous jouissons du deuxième domaine maritime au monde, nous couvrons à peine 20 % de nos besoins en poissons et crustacés.

Troisième et dernier exemple : le trafic portuaire, qui, vous le savez, me tient à cœur. Je rappelle que 85 % du commerce mondial se fait par la mer. L’Europe est la première destination. La France a la meilleure position stratégique, tant au Nord qu’au Sud, mais ce sont des ports étrangers qui assurent en grande partie l’acheminement des containers à destination ou en partance de notre pays. N’oublions pas qu’Anvers est le premier port français !

Monsieur le ministre, j’en ai bien conscience, certains des dossiers que je viens d’évoquer ne ressortissent pas de votre responsabilité, ce qui prouve, d’ailleurs, que notre politique maritime, sous tous ses aspects, doit manifestement être menée avec une meilleure cohérence. C’est, me semble-t-il, ce à quoi M. le Président de la République nous a demandé de travailler. Voilà un ensemble de défis qu’il nous faut relever. Pour ce faire, monsieur le ministre, le groupe UMP vous apporte son soutien ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Monsieur le ministre, vous en avez vous-même fait le constat : la crise agricole que nous traversons est la plus grave depuis trente ans et a atteint une ampleur rarement observée jusqu’alors. Nous devrions d’ailleurs dire « les crises », au regard de la diversité des filières touchées. Que ce soient le lait, le porc, les céréales, les fruits et légumes, la viticulture, toutes ces productions sont aujourd’hui durement malmenées.

De son côté, la filière avicole, après plusieurs années très difficiles, et malgré une légère amélioration de sa situation, est toujours en panne d’investissement ; le non-renouvellement du parc de bâtiments sera fatalement pénalisant dans l’avenir.

Personne n’est donc épargné.

Chaque situation de crise, nous le savons, bouleverse le paysage et se traduit par des disparitions d’exploitations et de nouvelles concentrations. L’exemple des producteurs de lait illustre parfaitement l’inquiétude qui frappe les agriculteurs. D’après une évaluation des centres de gestion bretons, 20 % d’entre eux sont aujourd’hui au bord du gouffre. Les difficultés, aggravées localement par l’incertitude qui plane sur l’avenir des producteurs d’Entremont Alliance, engendrent des tensions au sein de la filière dont nul ne souhaite qu’elles conduisent à des dérapages.

L’inquiétude est partagée par les salariés, trop souvent oubliés, de l’industrie agroalimentaire : la restructuration en cours aboutira à la suppression de nombreux emplois. Déjà, entre 2007 et 2008, 1 200 suppressions ont été constatées dans les entreprises Gastronome, Doux et Unicopa ; dans le secteur de la salaison, Aoste a fermé son site de Saint-Étienne. Et ce ne sont là que quelques exemples parmi bien d’autres.

Il y a également lieu d’évoquer les menaces de licenciements dans les entreprises de services liées à l’agriculture, telles que les entreprises artisanales de construction, les centres de gestion, les coopératives. À l’inquiétude des exploitants répond celle des salariés. En conséquence, la crise change de nature : d’économique, elle devient sociale.

Dans le secteur du lait, la réorganisation de la filière pourrait aboutir à la concentration en quatre ou cinq grands groupes de transformation et en autant de bassins de production. Elle ne sera d’ailleurs pas sans incidence sur les territoires et sur leur aménagement, entraînant la désertification agricole de vastes régions où la masse critique de la production ne serait plus atteinte pour maintenir la collecte. Aucun élu du monde rural, quel qu’il soit, ne peut envisager une telle perspective d’abandon.

Les conséquences environnementales devront aussi être prises en compte. La concentration des activités impliquera localement leur intensification et une plus grande pression sur les milieux naturels. On exigera d’autres rendements des parcelles agricoles, ce qui poussera les agriculteurs à redimensionner leurs exploitations. Cette évolution de l’agriculture ira-t-elle dans le sens des dispositions du Grenelle de l’environnement, prônant, notamment, la réduction des produits phytosanitaires, le respect de la qualité de l’eau ou la mise en place d’une agriculture plus responsable avec la certification environnementale des exploitations ?

En cette période de crise, toutes les productions sont touchées.

C’est ainsi que les producteurs légumiers, eux aussi, nous interpellent. La profession s’est fortement structurée et organisée, au moins dans certaines régions, afin de s’adapter au marché et à ses fluctuations. Ses responsables, néanmoins, s’interrogent sur d’éventuelles distorsions de concurrence liées à une moindre application de la réglementation phytosanitaire concernant des importations en provenance de pays tiers. À cet égard, ils sont expressément demandeurs d’une réglementation européenne s’appliquant de façon homogène à tous les pays producteurs, sans exception, ce que ne sauraient démentir les consommateurs.

Monsieur le ministre, vous nous présentez un projet de budget en trompe-l’œil, malgré les modifications apportées par l’Assemblée nationale, qui nous paraît en deçà des attentes suscitées par les circonstances graves que nous connaissons. Le contexte actuel aurait justifié un engagement et une anticipation plus déterminés de l’État dans divers champs de son action. Or les crédits de l’action 13 « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles » régressent, tout comme ceux de l’action 14 « Gestion équilibrée et durable des territoires ».

Quant à ceux qui auraient pu agir sur le long terme, cela a déjà été souligné, ils sont réduits de façon drastique. Ainsi enregistre-t-on une diminution de 43 % des crédits affectés au plan de modernisation des bâtiments d’élevage, de 12 % des crédits alloués aux programmes de maîtrise des pollutions d’origine agricole, les PMPOA, et de 13,8 % des crédits consacrés aux investissements stratégiques des industries agroalimentaires.

Comment alors envisager la sortie de crise et préparer l’avenir si l’on n’aide pas les producteurs, laitiers en particulier depuis la fin annoncée des quotas, à faire face aux conditions du marché international ?

Quant au traitement de la crise elle-même, le plan de soutien de 650 millions d’euros d’intervention d’urgence, décidé au mois d’octobre dernier, peine à être opérationnel. Or une meilleure réactivité avait pu être constatée en d’autres circonstances.

Ce projet de budget apporte des palliatifs à des producteurs et à des productions en grandes difficultés. Si les agriculteurs doivent recevoir des réponses ponctuelles aux problèmes du moment, il leur faut aussi des réponses de long terme. Quand viendront les solutions pérennes ? Quelles mesures dignes de constituer un vrai plan de relance pour l’agriculture comportera le projet de loi de modernisation en préparation ?

Au plus fort de la crise financière, le Gouvernement s’est mis en capacité de réagir afin de soutenir le secteur bancaire, en allant, ce faisant, à l’encontre de la doctrine libérale, au motif que ce dernier est un vecteur de l’économie.

L’agriculture est une activité économique essentielle à la sécurité alimentaire, à l’aménagement du territoire national, ainsi qu’à l’emploi. Cela nous ramène à une question : quel modèle d’agriculture voulons-nous réellement promouvoir demain ? Monsieur le ministre, il est urgent d’y apporter une réponse, tant le malaise est aujourd’hui profond. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Antoine Lefèvre. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, nous abordons le budget de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » dans un environnement pour le moins complexe, en pleine crise agricole, alors que tous nos agriculteurs ont vu leurs revenus baisser de 20 % à 60 % selon les filières.

Après la crise financière, voici venue la crise agricole !

Votre tâche est difficile, monsieur le ministre, car le budget pour 2010 doit à la fois tenir compte des décisions prises à partir du bilan de santé de la PAC, poursuivre les efforts entrepris en faveur d’une agriculture durable, répondre aux situations d’urgence et dégager un certain nombre d’économies.

L’ensemble des filières étant affecté, les professionnels sont extrêmement attentifs aux réponses qui leur sont proposées.

En tant qu’élus, nous sentons la détresse de nombreux agriculteurs et entendons leurs préoccupations quant à leur présent et, surtout, leur avenir. Je centrerai plus précisément mon propos sur l’installation de nos jeunes agriculteurs et l’aide susceptible de leur être apportée.

À cet égard, je m’inquiète de la diminution des crédits alloués aux associations départementales pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, les ADASEA, alors même que d’importants efforts leur sont demandés depuis plusieurs années.

En effet, en cette période de crise et alors que les besoins alimentaires mondiaux croissent, il nous faut soutenir les jeunes agriculteurs désireux de s’installer : aidons-les à franchir le pas !

Dans mon département de l’Aisne, fortement agricole, où sont touchés non seulement les éleveurs laitiers de Thiérache, les producteurs de fruits, mais aussi les céréaliers,…

M. Antoine Lefèvre. …nous avons néanmoins enregistré une cinquantaine d’installations nouvelles au cours de l’année 2009, contre 43 en 2008.

Le nouveau parcours à l’installation, plus attractif, semble avoir eu un effet accélérateur au second semestre, favorisant l’accès d’un nouveau public au métier d’agriculteur.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je présenterai tout à l’heure un amendement, largement cosigné par mes collègues, visant à transférer 700 000 euros afin d’aider les ADASEA à accomplir ce service public d’accompagnement des porteurs de projets à l’installation. J’espère que cette proposition, nécessaire, mais raisonnable, recueillera votre soutien.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Oui !

M. Antoine Lefèvre. Le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, que vous êtes en train d’élaborer, revêt, cette année, un caractère d’urgence. Nous souhaitons qu’il soit axé sur la régulation, ainsi que l’a évoqué le Président de la République dans son discours de Poligny.

Par ailleurs, je tiens à vous remercier de votre action inlassable pour tenir les parlementaires informés des progrès,…

M. Jean-Pierre Raffarin. C’est vrai !

M. Antoine Lefèvre. … mais aussi des difficultés que vous rencontrez dans le cadre des sommets agricoles européens. Je forme des vœux pour le succès de la réunion que vous avez convoquée à Paris à la mi-décembre avec vos homologues européens, en vue de préparer la politique agricole commune de l’après-2013.

À cet égard, je salue votre volonté d’introduire plus de transparence dans la fixation des prix agricoles. Il faut, en effet, instaurer une juste répartition des marges entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)

M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. Madame la présidente, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes nombreux à l’avoir souligné, le Président de la République l’a également dit avec force à Poligny, l’agriculture française traverse la crise la plus grave qu’elle ait eu à connaître depuis plus de trente ans.

Nous en avons tous conscience, le monde agricole est en plein désarroi. Cette crise se traduit par une perte de revenus et, au-delà, par des souffrances personnelles ou familiales. Une vraie inquiétude s’empare de nombreux d’exploitants, qui ne savent pas comment ils pourront boucler leur fin de mois ou poursuivre leur activité économique au début de l’année prochaine.

Face à cette situation, nous avons tous ici un double devoir de responsabilité et de vigilance. Quant au Gouvernement, il a, en outre, un devoir d’action.

À cet égard, je partage les analyses de M. le rapporteur spécial, Joël Bourdin, de M. Guillaume, parlant d’une crise structurelle, et de M. Botrel, rappelant que celle-ci touche toutes les filières. Le monde agricole souffre et les exploitants attendent de notre part des mesures concrètes, rapides et claires. Pour ma part, je suis déterminé à répondre à leurs attentes dans tous les cas.

Je prendrai l’exemple de la crise du lait, évoquée tout à l’heure par M. Le Cam.

Tout au long des derniers mois, les exploitants laitiers que j’ai rencontrés sur le terrain m’ont demandé d’intervenir sur les marchés internationaux, par l’intermédiaire de la Commission européenne, pour faire remonter les prix. Ils ont également émis le souhait que s’instaurent des relations plus structurées, sous l’autorité de l’État, entre les producteurs et les industriels, ainsi qu’une régulation européenne du marché du lait en prévision de la fin des quotas laitiers prévue en 2015.

Aujourd’hui, nous constatons une remontée des prix du lait. Les prix du beurre et du lait écrémé en poudre sont supérieurs de 30 % aux prix d’intervention sur les marchés internationaux. Une régulation européenne est concrètement engagée, avec la mise sur pied, par décision du Parlement européen et de la Commission européenne, d’un groupe à haut niveau. Lundi dernier, avec mon homologue espagnol, nous avons demandé que les premières conclusions soient rendues non pas en juin 2010, mais dès le mois de janvier,…

M. Charles Revet. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. …afin de pouvoir juger sur pièces les conclusions des travaux menés par ce groupe.

M. Charles Revet. Quelle efficacité !

M. Bruno Le Maire, ministre. Le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, sur lequel je reviendrai ultérieurement, prévoit la signature de contrats écrits, établis sous l’autorité de la puissance publique, entre industriels et producteurs. Afin de répondre à la demande d’un certain nombre d’organisations syndicales, une commission de conciliation, publique, sera chargée de veiller à leur organisation et à leur mise en place.

Par conséquent, j’estime que nous avons rempli la mission qui nous avait été assignée à la fois par les autorités de l’État et les exploitants agricoles, ce qui ne m’interdit pas de rester vigilant sur ce dossier et de surveiller, jour après jour, l’évolution de la situation.

Au regard de l’augmentation des prix que nous avons obtenue, il serait juste que les prix payés aux producteurs en 2010 soient supérieurs à ceux de 2009. Cependant, je le dis très clairement, il revient à chacun de prendre ses responsabilités, car il n’appartient pas à l’État de fixer le prix du lait en France !

M. Jean Bizet. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. Cette question mérite d’être discutée le plus rapidement possible par les organisations syndicales représentatives, que la Fédération nationale des producteurs de lait a d’ailleurs invitées à se réunir.

En état de cause, l’État a rempli sa part du contrat en obtenant une régulation européenne du marché du lait – il continuera à se battre dans ce domaine ! –, l’augmentation des prix du lait et la mise en place de contrats justes et équitables entre les industriels et les producteurs, contrats, qui, je le répète, trouveront leur concrétisation législative dans le projet de loi de modernisation en préparation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour en revenir au budget qui vous est soumis, je tiens à dire que celui-ci marque précisément la volonté du Gouvernement de prendre en considération la crise particulière traversée par le monde agricole.

Pour la première fois, le budget du ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche franchit le seuil des 5 milliards d’euros, avec 3,4 milliards d’euros pour l’agriculture, la pêche, l’alimentation et la forêt et 1,6 milliard d’euros pour l’enseignement et la recherche. Par rapport aux crédits inscrits au titre de 2010 dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, les autorisations d’engagement augmentent de plus de 10 %, et même de 13,3 % en tenant compte de l’effet financier du plan d’urgence mis en place en faveur des agriculteurs. Je tenais à apporter cette précision pour répondre à la critique formulée tout à l’heure par M. Guillaume.

Quatre événements majeurs expliquent cette forte hausse et, comme l’a souligné M. le rapporteur spécial, rendent la prévisibilité budgétaire en matière agricole aléatoire.

Premièrement, comme je l’ai déjà indiqué, les crises spécifiques apparues dans de nombreuses filières ont justifié des décrets d’avance.

Deuxièmement, l’accord conclu en novembre 2008 entre les membres de l’Union européenne, à l’occasion du bilan de santé de la PAC, a nécessité une compensation de l’État à hauteur de 234 millions d’euros en crédits de paiement.

Troisièmement, l’instauration, l’année prochaine, de la taxe carbone coûtera 172 millions d’euros, dont 43 millions d’euros seront prélevés sur le budget du ministère de l’agriculture.

Quatrièmement, enfin, le passage de la tempête Klaus dans les départements du sud-ouest de la France en janvier dernier a également entraîné un besoin de crédits supplémentaires.

Le manque de prévisibilité budgétaire est un phénomène récurrent depuis plusieurs années. Nous devons poursuivre les efforts engagés pour remédier à ce défaut.

Par ailleurs, la comparaison entre les crédits de paiement prévus pour 2010 et ceux qui ont été inscrits en loi de finances initiale pour 2009 fait apparaître une augmentation plus faible. Cela tient à deux éléments importants que je tiens à souligner.

D’une part, la réforme en cours du service public de l’équarrissage et l’élimination progressive, année après année, des stocks de farines animales permettent de dégager une économie de 41,6 millions d’euros.

À cet égard, pour répondre de façon précise à l’interrogation de M. le rapporteur spécial, je tiens à dire que nous faisons notre maximum pour rembourser le plus rapidement possible la dette de l’État, qui s’élève à 37 millions d’euros. Ainsi, il est prévu de rembourser 20 millions d’euros en 2010 et 11 millions d’euros en 2011, 9 millions d’euros ayant été remboursés par anticipation en 2009.

D’autre part, l’adoption d’un amendement déposé par votre collègue Françoise Férat dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009 a permis d’augmenter les crédits en faveur de l’enseignement technique agricole…

Mme Nathalie Goulet. On s’en souvient !

M. Bruno Le Maire, ministre. …à hauteur de 38 millions d’euros et de compenser ainsi un certain retard dans ce domaine.

La partie de ces crédits correspondant à la résorption des dettes de 2009 n’a naturellement pas été reconduite en 2010. Cela explique que l’augmentation des crédits de paiement pour 2010 par rapport à la loi de finances pour 2009 soit moindre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai eu l’occasion de présenter ici même, mardi dernier, avec mon collègue Luc Chatel, le budget de l’enseignement agricole. Sachez que ma détermination à soutenir cet enseignement est totale. Et ce ne sont pas simplement des mots ; nous traduisons notre volonté en actes !

M. Charles Revet. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. C’est ainsi que nous avons rétabli 60 équivalents temps plein travaillé à la rentrée 2009, ce qui a permis d’accueillir 400 élèves supplémentaires.

J’ai personnellement gelé toutes les évolutions de postes dans les établissements de façon à ne pas gêner les travaux des Assises nationales de l’enseignement agricole public. Je me félicite donc de l’adoption par le Sénat, lors de la discussion budgétaire il y a deux jours, d’un amendement déposé sur l’initiative du président du groupe UMP, qui a permis de rétablir 50 équivalents temps plein travaillé pour la rentrée 2010. Cela correspond, très concrètement, à 150 emplois supplémentaires.

L’effort en faveur de l’enseignement agricole est donc réel, chiffré et conforme à ma volonté politique d’offrir à l’agriculture dans son ensemble le meilleur avenir possible.

Mme Nathalie Goulet et M. Alain Vasselle. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. Au-delà de ces questions budgétaires, vous avez sans doute tous examiné avec attention le plan annoncé par le Président de la République, le 27 octobre dernier, destiné à permettre à tous les agriculteurs de France de passer dans les meilleures conditions possible cette année 2009, qui restera comme une année noire pour le secteur.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Président de la République et le Premier ministre ont donc le souci de faire en sorte que chaque agriculteur trouve une solution adaptée à sa situation. L’État a ainsi dégagé un milliard d’euros pour proposer aux agriculteurs des prêts à taux bonifié sur cinq ans, lesquels sont disponibles depuis le 9 novembre dernier. Il a par ailleurs engagé un plan de soutien exceptionnel de 650 millions d’euros.

Contrairement à ce que d’aucuns peuvent dire, il ne s’agit en aucun cas par ces mesures d’ajouter de l’endettement à l’endettement. Le plan de soutien exceptionnel prévoit au contraire l’effacement d’un certain nombre de dettes pour 2009.

Ainsi, sur les 650 millions d’euros annoncés, 210 millions d’euros sont prévus pour prendre à notre charge les intérêts d’emprunt et les cotisations sociales dus par les agriculteurs les plus en difficulté. En l’espèce, nous ne créons donc ni dettes nouvelles ni charges supplémentaires.

Pour répondre à la question de M. Vall, nous avons accepté de supprimer, au cas par cas, en fonction des difficultés des agriculteurs, la taxe sur le foncier non bâti, pour un montant de 50 millions d’euros. Voilà aussi un effort important et, comme vous pouvez l’imaginer, l’arbitrage pour obtenir un chiffrage précis de cette mesure n’a pas été évident.

Je précise que l’intégralité de la taxe sur le foncier non bâti constitue aujourd’hui une recette pour l’État de 850 millions d’euros. Par conséquent, il aurait été difficile de l’effacer totalement.

Dans le cadre des mesures budgétaires prises dans le cadre du plan de relance, nous avons débloqué 100 millions d’euros pour accompagner les agriculteurs les plus en difficulté ; c’est le dispositif AGRIDIFF. J’indique à M. Le Cam que celui-ci fera l’objet d’une dotation supplémentaire, car il permet d’aider les exploitants les plus en difficulté, ceux dont le niveau d’endettement est tel qu’aucune autre mesure ne pourrait leur convenir.

Enfin, 170 millions d’euros ont été débloqués pour prendre en charge la taxe carbone et une partie des autres taxes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà des montants engagés, je voudrais m’attarder un instant sur la méthode employée. À mes yeux, elle est tout à fait essentielle et apporte une réponse à l’une des principales interrogations que vous avez exprimées dans vos interventions.

Je l’ai dit à plusieurs reprises, ici, comme à la tribune de l’Assemblée nationale, cette méthode constitue un changement majeur dans la conduite de ce ministère. Sachez que je ne ferai jamais rien qui soit contraire aux règles européennes ! (M. Robert del Picchia applaudit.)

M. Jean Bizet. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. À la suite des critiques que j’ai entendues ici ou là, selon lesquelles le plan que nous avons engagé ne serait pas conforme à la réglementation européenne, je précise que, moins de dix jours après le dépôt de ce plan – c’est une première pour un plan de soutien à l’agriculture ! –, la Commission européenne a répondu qu’il était intégralement conforme à la réglementation européenne !

MM. Charles Revet et Alain Vasselle. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. Pour la première fois, aucun de mes successeurs ne se verra obligé de récupérer l’argent que nous allons verser aux agriculteurs au prétexte la Commission aura jugé cette aide financière contraire aux règles européennes ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean-Claude Merceron applaudit également.)

MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial, et Jean Bizet. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. J’en viens à un sujet majeur pour des milliers d’exploitants agricoles en France, la prime herbagère agroenvironnementale,…

M. Jean-Pierre Raffarin. C’est vrai !

M. Bruno Le Maire, ministre. …pour laquelle, suivant toujours la même méthode, nous nous conformons aux règles européennes. En effet, si celles-ci ne conviennent pas, mieux vaut s’efforcer de les changer. C’est ce que j’ai fait pour la régulation européenne, pour le règlement technique de la pêche, et je suis prêt à le faire aussi sur d’autres sujets.

M. Bruno Le Maire, ministre. Ma volonté est simple et claire : chaque exploitant agricole qui touche cette prime aujourd’hui doit continuer à percevoir rigoureusement le même montant jusqu’en 2014.

Pour y parvenir, il convient de surmonter un problème juridique important et un problème budgétaire qui, disons-le, l’est beaucoup moins.

Sur le plan juridique, le renouvellement des contrats contrevient aux règles européennes. Par conséquent, en l’absence de solution, il ne sert à rien d’inscrire à ce titre des crédits dans le projet de loi de finances pour 2010. Ma priorité est donc de trouver une réponse adaptée.

Pour vous raconter toute l’histoire de cette prime ô combien importante pour les agriculteurs, j’ai adressé, voilà une quinzaine de jours, à la Commission européenne, au nom du Gouvernement français, une première proposition qui a été repoussée. La Commission a jugé que cette solution n’était pas la bonne, mais, après avoir noté nos efforts pour parvenir à un accord acceptable, a fait une contre-proposition, que mes services sont en train d’examiner.

Elle consiste à remettre les compteurs à zéro pour les contrats qui doivent être renouvelés en 2010 comme pour ceux qui prennent fin en 2012, et à tous les reconduire jusqu’en 2014. Accorder un délai, remettre tous les exploitants agricoles au même niveau et leur donner une visibilité jusqu’en 2014, tout cela me semble être une solution satisfaisante.

Une fois que j’aurai obtenu l’accord définitif de la Commission et que ce sujet aura été arbitré par le Premier ministre, il sera possible de prévoir dans le projet de loi de finances rectificative pour 2010 un financement de l’ordre de 30 millions d’euros pour ce dispositif juridique.

En attendant, je m’engage, avec beaucoup de détermination, à ce que chaque agriculteur touche la prime herbagère agroenvironnementale dont le montant restera inchangé dans les années à venir. Cela s’avère indispensable à l’équilibre économique des exploitations et à l’aménagement d’un certain nombre de territoires en difficulté, en particulier à ceux de montagne.

M. Jacques Blanc. C’est une bonne nouvelle !

M. Bruno Le Maire, ministre. Ce faisant, je réponds aux propos, auxquels j’ai été sensible, de M. Muller sur l’agriculture dans les Vosges, ainsi qu’à ceux de MM. Bailly et Fortassin,...

M. Charles Revet. Et de Jacques Blanc !

M. Bruno Le Maire, ministre. ... et de M. Blanc, vous avez raison. Tous ont souligné, à juste titre, l’importance de ce sujet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, n’oublions pas les mesures complémentaires à ce plan de soutien exceptionnel décidé par le Président de la République. Elles ont été prises cet automne et entraînent de lourdes conséquences sur le plan budgétaire.

Ainsi, 30 millions d’euros de prise en charge d’intérêts d’emprunt ont été annoncés au sommet de l’élevage. De plus, plusieurs d’entre vous l’ont rappelé, 98 millions d’euros sont prévus pour le financement de la vaccination contre la fièvre catarrhale ovine, ou FCO.

Pour répondre aux remarques de M. César, le ministre de l’agriculture que je suis a fait le choix d’une vaccination effectuée par les services vétérinaires, la seule à même de garantir la crédibilité totale de la vaccination et surtout le prix de tous les produits exportés,…

M. Alain Vasselle. Et les tarifs des vétérinaires !

M. Bruno Le Maire, ministre. …faute de quoi nous aurions couru un grand risque, celui de voir s’effondrer notamment le cours du veau.

Cela permet également un remboursement total, à l’euro près, du coût de la vaccination pour les exploitants et les éleveurs, qui, ainsi, n’auront pas à supporter de charges financières supplémentaires.

Mme Nathalie Goulet et M. Gérard César, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. Ces 98 millions d’euros proviendront, pour 30 millions d’euros, du budget communautaire, pour 60 millions d’euros, de la loi de finances rectificative, les 8 millions d’euros restants étant disponibles sur le budget pour 2009.

En réponse aux remarques de M. le rapporteur spécial et de M. Soulage, je précise qu’il convient d’ajouter à cet effort financier exceptionnel 11 millions d’euros prévus dans le projet de loi de finances pour 2010 au titre des actions de surveillance biologique du virus et de l’insecte, somme qui, naturellement, participe de la volonté de lutter contre ce fléau.

J’ai également décidé d’organiser au mois de janvier prochain les États généraux du sanitaire, afin que, dans les années à venir, les éleveurs soient davantage impliqués dans ces dispositifs de vaccination.

L'ensemble de ces mesures, obéissant à des logiques différentes, seront mises en œuvre et financées selon plusieurs dispositifs appropriés.

Ainsi, 170 millions d’euros seront inscrits en loi de finances rectificative pour 2009, dont 60 millions d’euros pour la FCO, 60 millions d’euros pour la bonification de prêts et 50 millions d’euros pour l’allégement des cotisations sociales. Il s’agit de dépenses qui doivent être immédiatement engagées pour les exploitants agricoles.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. Puis, dans le projet de loi de finances pour 2010, 320 millions d’euros seront portés par amendement gouvernemental : 100 millions d’euros pour le dispositif AGRIDIFF, 100 millions d’euros pour les mesures de prises en charge d’intérêts et 120 millions d’euros pour le remboursement de la taxe carbone.

Enfin, 170 millions d’euros seront consacrés à l’allégement des charges pour les travailleurs occasionnels, mesure pérenne, qui sera donc renouvelée année après année et sur laquelle je reviendrai. Puisqu’il s’agit d’un dispositif structurel, il paraît logique de l’inscrire dans la future loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Cela étant, nous prévoirons les mécanismes techniques nécessaires pour permettre son application dès le 1er janvier 2010.

Naturellement, je veille à la bonne application de ce plan. J’entends ce qui remonte du terrain dans certains départements qui connaissent encore des difficultés, s’agissant notamment des contacts avec les réseaux bancaires.

Régulièrement, je fais un point avec Nicolas Forissier, chargé de la médiation avec les banques, qui me tient informé des différentes demandes auxquelles je suis tout à fait ouvert. Je le rencontrerai de nouveau lundi prochain.

Certains exploitants rencontrent des difficultés particulièrement sensibles et demandent des reports en fin de tableau plutôt que des prêts. Nous verrons dans quelle mesure nous pouvons employer une partie des 100 millions d’euros du dispositif AGRIDIFF pour procéder, au cas par cas, à de tels reports en faveur des exploitations qui en auraient le plus besoin.

J’entends également toutes les remarques relatives, dans nombre de départements, aux contraintes environnementales nouvelles, notamment la question des prairies pour les éleveurs.

M. Charles Revet. C’est vrai !

M. Bruno Le Maire, ministre. J’autoriserai que l’on traite les prairies permanentes comme des prairies temporaires et que l’on puisse, de la même façon, les retourner tant que la surface en herbe globale de l’exploitation reste la même. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Mme Nathalie Goulet et M. Jean Bizet. Très bien !

M. Gérard César, rapporteur pour avis. C’est le bon sens !

M. Bruno Le Maire, ministre. À partir du moment où cette surface reste identique, je ne vois pas pourquoi nous camperions sur des positions bornées et rigides, d’autant que cela garantit la même efficacité environnementale, tout en allégeant les contraintes qui pèsent sur les exploitants agricoles.

Mme la présidente. Monsieur le ministre, je vous prie de vous acheminer vers votre conclusion ! (Protestations amusées sur les travées de l’UMP.)

M. Bruno Le Maire, ministre. Vous êtes sûre, madame la présidente ? (Sourires.)

Mme la présidente. C’est ainsi !

M. Gérard César, rapporteur pour avis. C’est dommage !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Il nous faut de vraies réponses !

Mme Nathalie Goulet. Il a encore de bonnes nouvelles à nous annoncer !

M. Alain Vasselle. Nous l’écoutons avec tellement d’intérêt !

M. Bruno Le Maire, ministre. Le peuple ne va pas être content !

Au-delà de ces mesures conjoncturelles, il faut à l’évidence moderniser l’agriculture et la pêche françaises et prendre les dispositions nécessaires pour engager des réformes structurelles. Et c’est bien ce que nous avons prévu de faire dans la future loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

J’ai veillé à ce que tous les parlementaires, toutes tendances politiques confondues, soient associés à la préparation de cette loi. Prenant au mot M. Guillaume, je souhaite que nous travaillions attentivement avec le groupe socialiste pour parvenir à un accord. Ce que nous proposerons dans cette loi dépasse, en effet, de loin les clivages politiques et devrait pouvoir recueillir l’unanimité au Parlement, car il va nous permettre d’avancer dans trois directions.

Il s’agit, en premier lieu, d’encourager la stabilisation du revenu des agriculteurs. De ce point de vue, nous souhaitons instaurer des relations plus régulées entre les professionnels agricoles, les industriels et la grande distribution, sous la forme des contrats dont je parlais tout à l’heure.

À cet égard, la reprise d’Entremont Alliance par le groupe Sodiaal, que j’aurai certainement l’occasion d’évoquer plus longuement lors de l’exercice des questions-réponses-répliques, est une bonne illustration de la nécessité d’établir de meilleures relations entre industriels et producteurs.

En outre, nous interdirons les remises, rabais et ristournes en période de crise. Nous encadrerons par écrit la pratique du prix après vente. Nous imposerons des contrats écrits pour la publicité hors du lieu de vente.

Ce ne sont que quelques dispositions parmi d’autres, qui permettront de réguler les relations entre opérateurs.

Par ailleurs, l’observatoire des prix et des marges sera reconnu et généralisé à l’ensemble des filières et doté de pouvoirs plus contraignants.

Il s’agit, en deuxième lieu, de renforcer notre compétitivité et, là aussi, de donner plus de garanties aux agriculteurs.

Nous prévoirons un dispositif assurantiel qui sera, pour le monde agricole, une véritable révolution et une garantie forte en matière de revenus. (M. Gérard César, rapporteur pour avis, et M. Jean Bizet applaudissent.)

Nous étendrons la dotation pour aléas, DPA, à l’aléa économique. Nous porterons la subvention du budget européen à 65 % pour l’assurance d’ici à 2011.

Enfin, à la suite d’un arbitrage personnel du Président de la République, nous travaillerons à un dispositif d’assurance universelle porté par une garantie de l’État. C’est la première fois, en France, que nous engagerons cette véritable révolution en matière de dispositif assurantiel pour l’agriculture.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. C’est très important !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Intéressant !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très inquiétant, vous voulez dire !

M. Bruno Le Maire, ministre. Sur le plan, toujours, de la compétitivité, nous encouragerons la fédération des organisations de producteurs et nous accroîtrons la légitimité des interprofessions en renforçant leur rôle. Je me garderai d’entrer dans le détail, car je tiens à respecter les recommandations de Mme la présidente !

Nous allégerons également, toujours dans une perspective de compétitivité, le coût du travail occasionnel. Pour nous rapprocher de nos grands concurrents européens, nous porterons le coût horaire du SMIC de 12,53 euros à 9,26 euros, et ce grâce au dispositif que j’ai évoqué tout à l’heure.

Il s’agit, en troisième lieu, d’engager une véritable préservation des terres agricoles. Nous devons en effet résoudre cette contradiction fondamentale qui veut que la France, première puissance agricole européenne, accepte de perdre tous les dix ans l’équivalent d’un département en surface agricole utile !

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. Une telle situation n’est pas acceptable, notamment à proximité des grandes villes. On ne peut pas vouloir construire des circuits courts, pour limiter l’impact de l’agriculture sur l’environnement et, dans le même temps, repousser sans cesse les terres agricoles loin des zones urbanisées.

Mme Nathalie Goulet. Absolument !

M. Bruno Le Maire, ministre. Je le dis à M. le rapporteur spécial et M. Le Cam, toutes ces mesures structurelles n’ont de sens que dans le cadre d’une meilleure régulation européenne et mondiale des marchés agricoles, qu’il nous faut défendre pied à pied, avec toute la force nécessaire.

À cet égard, nous avons obtenu certains succès dans le domaine du lait. Je réunirai jeudi prochain, à l’Assemblée nationale, le G22 agricole, afin de réfléchir à la modernisation des outils d’intervention de la politique agricole commune…

M. Bruno Le Maire, ministre. …et de défendre l’idée d’une régulation européenne des marchés agricoles encore plus forte.

C’est à cette condition que nous pourrons maintenir une agriculture performante en France, comme dans les autres pays européens.

M. Jean-Pierre Raffarin. Nous plaçons beaucoup d’espoir dans cette réunion !

M. Bruno Le Maire, ministre. Il en ira de même pour le secteur de la pêche, évoqué tout à la fois par MM. Revet et Merceron, ainsi que par Mme Herviaux.

Le Premier ministre s’est rendu hier à Brest en vue de clore les Assises de la mer. J’y étais moi-même mardi, pour présenter les objectifs français en matière de réforme de la politique commune de la pêche. Les travaux conduits durant deux mois ont permis d’aboutir à une position commune forte en la matière. La France sera le premier État européen à déposer sur le bureau de la Commission européenne des propositions de réforme émanant non pas du ministère de l’agriculture, mais de l’ensemble des ONG, associations et professionnels de la mer.

Cette régulation doit être conduite à l’échelle mondiale. Personne ne peut l’ignorer, durant cette année, les prix agricoles ont varié de 30 % à 50 % sur certains produits, rendant vaine la production agricole pour des centaines de milliers de paysans à travers le monde. En 2008, 10 millions d’hectares de terres ont été vendus par des pays en voie de développement à des pays plus développés, comme la Chine, le Brésil, l’Arabie saoudite ou la Corée. En 2009, 30 millions d’hectares supplémentaires ont connu le même sort. Il n’y aura pas d’indépendance alimentaire si nous n’encadrons pas la vente des terres agricoles dans le monde. (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP et de l’Union centriste.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, la régulation mondiale des marchés agricoles est d’une impérieuse nécessité. À l’occasion du sommet de la FAO, la France et le Brésil ont pris une initiative commune pour engager la réflexion à cet égard. Dans le cadre de l’OMC, j’ai proposé à un certain nombre de nos partenaires, notamment au Canada ainsi qu’à plusieurs pays africains et européens, de s’engager dans cette voie. Cette démarche n’en est qu’à ses débuts, mais je ne doute pas que les idées défendues par la France trouveront un écho de plus en plus large ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à mes questions !

questions-réponses-répliques

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales - Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 35 et état B

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder à un échange de questions, de réponses et de répliques, exercice strictement limité dans le temps.

Je tiens en effet à rappeler que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente. Pour lui répondre, M. le ministre dispose également de deux minutes trente. L’auteur de la question dispose enfin, s’il le souhaite, d’une minute pour la réplique.

La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, vous venez de prendre, avec le Président de la République, des mesures conjoncturelles destinées essentiellement à satisfaire les besoins de trésorerie de la profession agricole.

Cette réponse de court terme ne peut suffire, compte tenu du caractère structurel de la crise, lié à une absence de régulation des marchés dont vous venez de faire état dans votre propos.

La situation des éleveurs, des viticulteurs, des producteurs de lait et de fruits et légumes a plus particulièrement retenu votre attention. Mais quelles mesures entendez-vous prendre en faveur des productions céréalières, oléagineuses et protéagineuses ? En effet, il est trop facile de dire que les producteurs céréaliers sont les nantis de l’agriculture française ! (M. Didier Guillaume ironise.)

Pour s’en convaincre, je citerai un exemple concret qui m’a été donné par le centre de comptabilité agricole de mon département. Une exploitation agricole de polyculture et d’élevage de 300 hectares verra, à la clôture de son exercice au 31 mars 2010, son revenu brut d’exploitation diminuer de 50 % par rapport à l’exercice précédent. À cela s’ajoutera l’effet du bilan de santé de la PAC mis en œuvre par M. Barnier, lequel, en œuvrant à contre-courant, a procédé à certains redéploiements de crédits vers les éleveurs de montagne, et ce au détriment des producteurs céréaliers.

Par ailleurs, comment compenserez-vous les surcoûts de production liés aux nouvelles contraintes environnementales ? Comment réussirez-vous à maintenir le pouvoir d’achat de ces producteurs tout en les incitant à diminuer leur productivité ? Comment rétablirez-vous la préférence communautaire, conforme, selon M. Sarkozy, à la volonté de la France ? Sur toutes ces questions, les producteurs attendent des réponses concrètes !

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Vasselle, je n’ignore pas les difficultés de la filière céréalière. En décidant de redistribuer les aides de la PAC, mon prédécesseur, Michel Barnier, a pris, à mon sens, une décision juste et courageuse, à un moment où le cours des céréales était particulièrement élevé. Dès lors que les prix s’effondrent, le partage opéré devient évidemment beaucoup moins acceptable pour le monde céréalier.

Nous devons avancer dans trois directions.

Tout d’abord, il faut lutter contre les conséquences négatives de la parité euro-dollar. S’il s’agit certainement d’un problème majeur, c’est malheureusement aussi celui sur laquelle l’effet de levier est le moins important, dans la mesure où les céréaliers exportent très largement leur production. Les prix observés actuellement en la matière ont des conséquences dramatiques pour eux puisqu’ils se situent aux alentours de 170 dollars la tonne, soit 120 euros.

Ensuite, il est essentiel de maintenir des instruments de régulation dans le domaine céréalier. Toute action visant à les supprimer me paraît aller dans le mauvais sens. C’est d’ailleurs pour cela que je me bats pour instaurer une telle régulation dans d’autres secteurs, au premier rang desquels celui du lait. Vous pouvez donc compter sur ma détermination pour obtenir cette avancée véritablement indispensable.

La réunion du G22 à Paris la semaine prochaine a précisément pour but d’élargir à l’ensemble des marchés agricoles européens la régulation envisagée sur le marché du lait.

Enfin, il convient de promouvoir un dispositif assurantiel. Aujourd’hui, les céréaliers sont les producteurs agricoles les plus assurés, bien que leur taux de couverture soit encore insuffisant. En ce domaine, nous le savons, ils ne pourront pas s’assurer davantage tant que de nouveaux instruments ne seront pas apparus. Or cela ne sera possible qu’à condition de mettre en place un dispositif de réassurance publique.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Voilà !

M. Bruno Le Maire, ministre. Je veux souligner à quel point l’arbitrage rendu par le Président de la République, dans le cadre de la LMA, constitue un progrès majeur. En effet, après plusieurs semaines de réflexion, nous avons décidé de réfléchir à la mise en place d’un tel dispositif, qui permettra d’élargir les instruments d’assurance. Nous pourrons ainsi passer d’un taux d’assurance de 30 % dans la filière céréalière et même nul dans de nombreuses autres filières, notamment l’élevage, à des taux qui seront, je l’espère, beaucoup plus proches de 60, 70 voire 80 %.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour la réplique.

M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier de votre réponse très claire. Vous avez indiqué les orientations qui seront prises par le Gouvernement pour répondre aux attentes de l’ensemble des producteurs, y compris céréaliers. Nous attendons avec impatience la concrétisation de ces mesures, afin que la profession agricole puisse connaître en 2010 une situation meilleure que celle à laquelle elle a été confrontée en 2009.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Monsieur le ministre, vous avez fait état d’un redressement relatif des cours du prix du lait payé aux producteurs. Du point de vue de ces derniers, le compte n’y est pas, loin s’en faut ! Ils ne partagent sûrement pas votre sentiment en la matière, de nombreuses exploitations dégageant toujours des résultats négatifs.

Vous avez regretté ne pas avoir pu fournir de plus amples informations sur le dossier Entremont-Sodiaal. J’avais prévu de vous interroger sur un autre sujet, mais je préfère revenir à cette question, qui est aujourd’hui au cœur de l’actualité.

Vous ne l’ignorez pas, la tension est extrêmement vive chez les producteurs laitiers concernés : ils ont le sentiment de ne pas être informés et de se voir imposer des décisions prises sans eux. Alors qu’ils sont les premiers concernés, ils se sentent écartés de toute discussion. Voilà, résumée en quelques mots, l’ambiance actuelle.

Par le nombre de producteurs concernés, ainsi que par le poids économique de l’entreprise dans le territoire des Côtes-d’Armor, et plus largement en Bretagne, la mesure qui sera finalement retenue, quelle qu’elle soit, affectera nécessairement l’économie régionale. L’inquiétude des agriculteurs est donc partagée par l’ensemble des responsables départementaux et régionaux.

Monsieur le ministre, puisque vous y avez fait allusion tout à l’heure, nous attendons avec intérêt que vous puissiez nous faire un point sur la situation actuelle, au regard, notamment, du rapprochement envisagé d’Entremont avec Sodiaal.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Botrel, je ferai deux remarques.

La première porte sur le prix du lait. Je n’ai jamais dit, soyons très clairs, que le prix payé aujourd’hui aux producteurs était satisfaisant.

Chacun doit prendre ses responsabilités. Il revient au ministre de l’agriculture de plaider auprès de la Commission européenne pour une intervention sur les marchés en vue de faire remonter les prix. C’est ce que j’ai fait. La Commission est intervenue – et Dieu sait que ce fut difficile à obtenir ! –, les prix ont commencé à remonter, mais doucement. Pour le moment, ils sont toujours insuffisants. Il reste maintenant à fixer le prix du lait, pour que cette hausse se répercute sur les producteurs. Je le répète, il serait juste et équitable que ces derniers en tirent bénéfice : cela suppose que les prix fixés pour 2010 soient supérieurs aux prix observés en 2009.

Toutefois, une telle décision ne relève pas de la responsabilité de l’État. Il appartient aux organisations syndicales de producteurs et aux industriels d’en discuter pour trouver les solutions les plus favorables possible.

Ma seconde remarque concerne le dossier Entremont-Sodiaal, que j’ai également étudié de près, en veillant aux intérêts des 6 000 producteurs de lait, comme à ceux des 4 600 salariés du groupe en Bretagne. Il était en effet hors de question de prendre des décisions susceptibles d’entraîner des difficultés sociales majeures.

Lorsque, en juillet, je me suis rendu en Bretagne pour rencontrer les producteurs, j’ai pris l’engagement de leur proposer une solution industrielle au début du mois de septembre. J’ai donc travaillé sur cette question pendant tout le mois d’août.

La seule proposition crédible que j’ai reçue, faut-il le rappeler, fut celle de Sodiaal. Le groupe Entremont risquait la mise en liquidation judiciaire, qui aurait entraîné une casse sociale inacceptable.

Après de nombreuses discussions, un accord d’exclusivité a été signé au début du mois d’octobre, puis renouvelé au début du mois de novembre. À la fin de ce mois, le groupe Lactalis a finalement fait état de son intérêt pour ces discussions, se déclarant prêt, pour la première fois – je le dis très clairement – à déposer une offre. Jusqu’alors, entendons-nous bien, la seule proposition formelle et constructive adressée aux pouvoirs publics émanait de Sodiaal.

Lactalis veut maintenant faire une offre. Très bien ! Nous attendons donc la proposition de ce groupe – elle reste toutefois hypothétique à ce stade –, et les parties intéressées pourront ensuite choisir, entre l’offre de Sodiaal et l’offre de Lactalis, celle qui leur semble la plus satisfaisante.

Je tiens à souligner que ce processus se déroule dans la plus totale transparence avec les producteurs, qui, selon les régions, se sont exprimés à 60 %, 70 % ou 80 % en faveur du projet de Sodiaal.

En tout état de cause, nous devons avoir d’ici à la fin de l’année 2009 une perspective industrielle claire et définitive pour la reprise du groupe Entremont. Nous la devons aux producteurs comme aux salariés du groupe.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel, pour la réplique.

M. Yannick Botrel. Je souhaiterais apporter deux précisions, monsieur le ministre.

Tout d’abord, vous avez implicitement confirmé que l’augmentation actuelle du prix du lait ne bénéficiait pas directement aux producteurs, ce qui nous ramène à la question que je souhaitais initialement vous poser sur la contractualisation. Il reste du chemin à faire pour que des relations équitables s’instaurent entre producteurs et transformateurs.

Bien évidemment, les pouvoirs publics et le Gouvernement ne peuvent pas se dédouaner de leur responsabilité, qui est grande en la matière.

Ensuite, sur le dossier Entremont-Sodiaal, dans lequel Lactalis entre maintenant en scène, vous faites état d’un certain nombre d’informations dont je prends acte. En revanche, je ne me retrouve pas complètement dans vos propos sur le sentiment qu’éprouveraient les personnes concernées par ce dossier. En effet, les agriculteurs et les producteurs laitiers ont l’impression de ne pas être associés ou, tout du moins, d’être insuffisamment informés sur la teneur des discussions et des négociations en cours.

Par conséquent, je ne sais pas quelle peut être véritablement la signification des votes qui ont eu lieu. Il y aurait sûrement beaucoup à dire à leur propos, mais, en tout cas, ils sont loin de rassurer les agriculteurs concernés.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. L’année 2009 restera une année noire pour l’agriculture française.

Le secteur des fruits et légumes est toujours en crise aujourd’hui, ce malgré le plan exceptionnel de soutien à l’agriculture présenté le 27 octobre dernier par le Président de la République, et en dépit de votre engagement et de votre détermination en faveur de l’agriculture et des agriculteurs, monsieur le ministre.

Ce secteur des fruits et légumes – production, commercialisation, transformation –, qui est l’un des piliers du développement de nos territoires, aura beaucoup de mal à retrouver sa place, son dynamisme et son rôle d’entraînement.

Les actions conjoncturelles, bien qu’importantes, ne suffiront pas. Il faut agir sur les structures et, en particulier, réorganiser la filière.

Vous avez déclaré, lors de votre intervention devant la commission de l’économie, vouloir aller au bout de la réforme programmée, qui passe par la mise en place d’AOP nationales par produit et la création d’un organisme fédérateur, dénommé Gouvernance économique des fruits et légumes, ou GEFEL, qui a vocation à représenter cette profession.

Quelle est la situation aujourd’hui ?

En matière d’AOP par produit, sept sont constituées, sur quinze programmées.

Sur le plan territorial, la représentativité des comités économiques n’ayant pas été renouvelée, les territoires ne sont pas représentés en tant que tels. Les « petites » productions locales restent donc dans la région en ordre dispersé. Les discussions avec les collectivités régionales ou locales sont plus difficiles. Surtout, les financements professionnels disparaissent et, avec eux, les possibilités d’action, en matière tant de centres de recherche que de promotion de produits.

Monsieur le ministre, j’apprécie beaucoup le fait que vous vous investissiez dans le secteur. Il y a urgence, en effet, et la création d’AOP, comme le regroupement, me semblent d’excellentes initiatives.

Je pense que ce nouvel organisme doit fédérer toute la production. Aujourd’hui, ceux qui sont structurés dans le nouveau cadre ne représentent que le quart de la production regroupée dans la précédente organisation. Il faut absolument, me semble-t-il, reconnaître les organisations territoriales. Votre prédécesseur a commencé en décembre 2008, en reconnaissant en tant qu’organisation de producteurs l’organisation économique de la Bretagne et de la Corse ; vous avez poursuivi, par arrêté du 10 novembre 2009, en leur donnant la possibilité de se doter de moyens financiers importants grâce à la mesure dite « d’extension des règles ». C’est une excellente décision, qu’il faut absolument étendre à tout le territoire.

Aujourd’hui, finalement, seuls les Bretons et les Corses pourront payer et poursuivre leurs efforts en matière de centres de recherche et de promotion de produits. C’est une bonne chose, mais le reste du territoire est aussi concerné.

La question est grave, car, avec la crise, la famille professionnelle se déchire. Cela complique votre mission déjà délicate, monsieur le ministre. Mais nous savons que vous êtes déterminé, et nous avons confiance en vous.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Je partage entièrement votre analyse, monsieur Soulage ; vous l’aviez déjà développée dans votre intervention à la tribune.

La filière des fruits et légumes en France a connu une année 2009 extraordinairement difficile. Elle a un problème conjoncturel, mais aussi, comme certains d’entre vous l’ont souligné, un véritable problème structurel de compétitivité. Il faut lui redonner de l’air ; nous l’avons fait avec le plan d’urgence. Il faut également répondre aux questions structurelles de compétitivité. Une nouvelle fois, je rejoins entièrement les propos que vous avez tenus, monsieur le sénateur.

Si nous voulons gagner en compétitivité, il faut, au moins, que nous avancions dans deux directions complémentaires.

Il convient, tout d’abord, de mieux structurer l’offre, via la constitution d’associations d’organisations de producteurs à l’échelle nationale. Sur ce plan, je me félicite des actions engagées par la filière elle-même. Nous irons au bout de la réforme qui a été proposée par les professionnels pour renforcer les associations nationales de producteurs. C’est en effet le bon échelon pour agir et la meilleure façon de défendre les productions de manière efficace.

Plusieurs rapports d’audit ont été rendus sur la filière en France. La Bretagne constitue un très bon exemple : on s’aperçoit en effet que, même sur des produits de base, avec une bonne organisation, la filière bretonne s’en sort très bien sur un certain nombre de produits.

Nous devons ensuite réussir à réduire l’écart de compétitivité entre la France et les pays européens en matière de coût du travail. Pour les fruits et légumes, ce dernier représente entre 40 % et 70 % du coût final du produit. Bien entendu, s’il existe un écart de coût trop important par rapport à nos voisins européens, on ne s’en sort pas.

Nous allons apporter une première réponse dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, par une réduction du coût du travail occasionnel pour l’ensemble des filières agricoles. On va passer de plus de 11 euros à un peu plus de 9 euros de l’heure pour le travail occasionnel, et se rapprocher ainsi de nos voisins européens, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne, qui sont aux alentours de 6 ou 7 euros de l’heure.

Se pose ensuite la question du coût du travail pour le travail permanent. J’ai indiqué que j’étais ouvert à toutes les propositions permettant d’améliorer la compétitivité de la filière en matière de coût du travail permanent sous réserve, j’y insiste, de rester dans le cadre du droit du travail français et de respecter les règles européennes.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage, pour la réplique.

M. Daniel Soulage. Une nouvelle fois, monsieur le ministre, je vous remercie de votre engagement. Je partage votre point de vue sur la Bretagne, mais je voudrais que l’organisation qui a cours dans cette région soit celle de l’ensemble du pays. Il faut absolument encourager la reconstitution de ces organisations territoriales, notamment pour les besoins de financement professionnel.

Nous devons pouvoir mener des actions au niveau régional, notamment en faveur de la recherche et de la promotion.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la filière des fruits et légumes. En 2008, cette filière a subi la plus forte baisse de revenus du secteur agricole, avec une diminution de 37 %.

En dehors des crises sanitaires ou climatiques, les prix payés aux producteurs sont scandaleusement bas, souvent inférieurs à leurs prix de revient. Ce n’est pas acceptable !

Vous pointez, à juste titre, le coût du travail saisonnier comme un facteur de distorsion de concurrence avec les autres pays européens. Vous avez proposé des mesures pour y remédier ; je m’en réjouis, car c’est un vrai pas en avant. Mais la solution à cette crise ne passe pas uniquement par la réduction du coût du travail.

Lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, en septembre dernier, je vous avais déjà interrogé sur ce sujet. Il y a quelques semaines, lors du déplacement que vous avez effectué avec le Président de la République dans la Drôme, notamment dans le canton où je suis élu, vous vous êtes adressé à la filière des fruits et légumes.

Nous constatons qu’en France les agriculteurs ne fixent pas leurs prix – c’est sans doute la seule profession à connaître une telle situation. L’écart est beaucoup trop important entre le prix payé au producteur et, en bout de chaîne, le prix payé par le consommateur.

C’est la raison pour laquelle, en concertation avec les représentants de cette filière, j’ai souhaité, avec mon groupe politique, déposer une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’organisation de la chaîne de commercialisation des produits agricoles et le mécanisme de formation des prix agricoles.

Nous ne pouvons nous résigner à la fin de la filière des fruits et légumes : elle a encore beaucoup d’avenir et, comme les autres filières, elle nourrit les Français.

Les arboriculteurs veulent vivre non pas de subventions ou de subsides, mais de prix rémunérateurs, capables de faire vivre une famille.

Monsieur le ministre, pensez-vous que l’enveloppe d’urgence de 15 millions d’euros, avec un taux de spécialisation réduit de 50 % à 30 %, sera suffisante pour permettre aux producteurs de fruits et légumes de sortir de cette crise ?

Pouvez-vous nous donner votre position sur la mise en place d’une assurance récolte obligatoire dans ce secteur des fruits et légumes ?

Pouvez-vous, enfin, faire un point d’étape précis sur le plan « sharka », et nous dire comment le Gouvernement compte, aux côtés des collectivités locales, le prolonger en 2010 ?

En tout état de cause, ne faut-il pas repenser de fond en comble la formation des prix agricoles ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Dans le prolongement de ce que disait Daniel Soulage tout à l’heure, je voudrais apporter quelques précisions complémentaires sur la filière des fruits et légumes.

Il n’existe pas de solution miracle, quelle que soit la filière ! En revanche, il y a une accumulation de bonnes décisions et de bons choix politiques qui, je l’espère, apporteront, dans les meilleurs délais possibles, des réponses à des filières qui sont effectivement en crise.

La filière fruits et légumes connaît un problème d’organisation, et je suis convaincu que les associations d’organisations de producteurs dites « nationales », ou AOPn, sont la bonne solution.

Il y a également un problème de compétitivité, sur lequel nous travaillons, en nous attaquant d’abord au coût du travail occasionnel ; toutes les propositions relatives au coût du travail permanent seront les bienvenues.

Se pose ensuite la question de la commercialisation. Il est évident que des progrès sont à réaliser dans ce domaine, d’abord pour valoriser le produit « fruits et légumes ». Dans les grands magasins, ceux-ci sont traités comme les derniers des produits. Ils sont présentés en vrac, mal valorisés, mal étiquetés, et leur origine n’est généralement pas suffisamment indiquée. Nous devons travailler sur ce dossier de l’étiquetage, de la valorisation et de la meilleure commercialisation du produit avec la grande distribution.

Il faut ensuite s’attaquer au problème des marges, qui subsiste, en particulier pour cette filière, comme chacun le sait. Pour prendre un exemple très précis, on a vu des taux de marge tout à fait inacceptables sur la carotte. Pour y répondre, il faut renforcer le statut et les capacités d’intervention de l’Observatoire des prix et des marges, ce que nous proposons de faire dans le projet de loi de modernisation.

Il faut, enfin, remédier à un certain nombre de pratiques. Les remises, rabais et autres ristournes sont inacceptables en période de crise. Lorsque les producteurs trinquent, je ne vois pas pourquoi l’effort ne serait pas plus équitablement réparti. Je suggère donc, dans le cadre de la loi, d’interdire ces pratiques en période de crise.

De la même façon, les contrats verbaux en matière de commercialisation sont trop nombreux dans la filière des fruits et légumes. Je pense qu’il faut mettre un terme à ces accords, pour leur substituer des contrats écrits. Je note d’ailleurs que tout le monde dans la filière y est favorable, aussi bien les producteurs que les distributeurs. Cela permettra en effet de clarifier un certain nombre de pratiques.

La publicité sur les lieux de vente mérite également d’être encadrée.

En prenant simultanément toutes ces décisions, tant structurelles que conjoncturelles, nous arriverons à mieux valoriser le produit « fruits et légumes », à le vendre dans de meilleures conditions, et à garantir un revenu plus stable et plus juste pour les producteurs.

J’en viens aux autres questions que vous m’avez posées.

En ce qui concerne la sharka, je me suis en effet rendu dans la Drôme avec le Président de la République, et je vous annonce que nous maintiendrons le dispositif en 2010, ce qui permettra de rembourser les producteurs.

S’agissant de l’assurance récolte, nous l’encouragerons fortement, toujours dans le cadre du dispositif de garantie d’État que je vous ai indiqué précédemment.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour la réplique.

M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses, qui vont dans la bonne direction, me semble-t-il.

Il faut que l’ensemble du monde agricole, toutes filières confondues, puisse se développer. La filière qui me tient particulièrement à cœur, parce qu’elle est très majoritaire dans mon département, est sûrement la plus touchée en termes de revenus et de situations. Les jeunes ne peuvent plus s’installer, et ceux qui sont aujourd’hui en place sont tellement endettés qu’ils ne peuvent pas s’en sortir.

Aussi, je me permets d’insister à nouveau sur l’Observatoire des prix et des marges, qui est indispensable à la survie de cette filière. Aujourd’hui, la loi ne devrait pas rendre possible la vente à perte. Les agriculteurs et les arboriculteurs sont les seuls à ne pas établir leurs prix. Il n’est pas acceptable de voir des pommes vendues sur un marché cinq à huit fois le prix de départ.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, lors du débat sur la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, nous serons très attentifs à ces questions.

Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Depuis quelques années, on observe des épisodes climatiques extrêmes : gel, sécheresse, inondations, tempêtes. Est-ce là une conséquence du réchauffement climatique ? Quoi qu’il en soit, nous en constatons les effets dévastateurs sur les récoltes et, in fine, sur les revenus des exploitants.

À ces caprices du ciel s’ajoutent d’autres aléas, sanitaires et économiques. La production agricole doit faire face à de multiples agents pathogènes émergents. Elle est aussi, depuis les réformes successives de la politique agricole commune, plus exposée aux fluctuations des marchés et à la spéculation.

Ces deux dernières années, les agriculteurs ont été mis à rude épreuve : influenza aviaire, fièvre catarrhale, esca pour la vigne, tempête Klaus, sécheresse, effondrement des prix, etc. Pour beaucoup d’entre eux se joue la survie de leur outil de travail. On assiste à de plus en plus de faillites agricoles.

Comment se fait-il que nos entreprises agricoles soient les plus exposées, les plus vulnérables et les moins bien protégées de nos entreprises ?

Nous avons mis en place, à côté de l’indemnisation publique au travers du fonds national de garantie des calamités agricoles, ou FNGCA, l’assurance récolte et l’épargne de précaution défiscalisée. À l’évidence, ces mécanismes sont encore trop limités.

Certes, l’assurance récolte s’est développée, mais elle est restée concentrée sur les productions les moins risquées. Vous avez obtenu, lors du bilan de santé de la PAC, un cofinancement communautaire qui permettra une prise en charge publique des primes jusqu’à 65 % ; je m’en félicite. Il aurait été plus équitable, géographiquement et socialement, que cette assurance soit obligatoire et mutualisée.

Quant à la dotation pour aléas, ou DPA, elle n’a pas vraiment fonctionné jusqu’à présent. Après l’avoir rénovée cette année, vous misez sur sa montée en puissance. Je doute de la capacité des exploitants à épargner en ces temps de crise. Je suis convaincu, monsieur le ministre, que nous devons saisir l’occasion du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche pour améliorer ces outils et réfléchir à un système ambitieux et juste de garantie des revenus des agriculteurs. Quelles propositions entendez-vous faire en ce sens ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur, vous venez d’un département qui est cher à mon cœur, le Gers.

M. Bruno Le Maire, ministre. Ligardes, Condom… J’écoute donc avec beaucoup d’attention ce que vous dites, et je partage totalement votre analyse. Je parlerai d’ailleurs d’un autre sujet que la récolte, à savoir celui de l’élevage, quitte à vous surprendre.

Tout à l’heure, dans son intervention, Jacques Blanc faisait allusion aux éleveurs de la Lozère : pas un seul n’est assuré, parce qu’il n’existe pas de dispositif assurantiel aujourd’hui. Par conséquent, en cas de calamité agricole, seul le FNGCA permet d’y faire face. Si, dans le département de Jacques Blanc, des centaines d’exploitants agricoles et d’éleveurs sont touchés, il faut abonder le FNGCA pour subvenir à leurs besoins, ce qui pose des problèmes budgétaires importants et, finalement, cela ne satisfait personne. Nous nous retrouvons donc systématiquement en situation de crise, et le ministre de l’agriculture est obligé de gérer la crise au lieu de tracer des perspectives pour l’avenir.

La première solution réside dans la mise en place d’un dispositif assurantiel universel pour l’ensemble des agriculteurs, que ce soit pour les grandes cultures du Gers, pour les éleveurs de la Lozère chers à Jacques Blanc,…

Mme Nathalie Goulet. Et l’Orne ?

M. Bruno Le Maire, ministre. … ou d’ailleurs pour toutes les autres filières concernées. Comment pouvons-nous y parvenir ? Nous venons de mettre sur pied un dispositif qui va porter à 65 % le taux de subvention par la Communauté européenne en 2011, ce qui va alléger considérablement la charge financière pour l’exploitant agricole.

La deuxième solution, c’est l’extension de la dotation pour aléas, qui, fiscalement, présente beaucoup d’avantages, aux aléas économiques. Mais cette DPA, j’en ai parfaitement conscience, ne concerne que les exploitants agricoles en mesure d’épargner une somme annuelle suffisamment importante. Dans la situation actuelle, malheureusement, je ne connais pas beaucoup d’agriculteurs, en particulier dans le Gers, qui soient capables d’épargner 23 000 euros dans l’année, ce qui correspond au plafond annuel ; le plafond global s’élève à 150 000 euros.

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission de l'économie. Il n’y en a pas beaucoup !

M. Bruno Le Maire, ministre. Il nous faut donc trouver une troisième solution. Et, là, je me permets d’insister sur le caractère tout à fait novateur, voire révolutionnaire, du dispositif qui sera introduit dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Il faut une réassurance publique ; je vous donne entièrement raison, monsieur de Montesquiou : c’est la clé de tout !

Si nous arrivons à réfléchir à la mise en place d’une réassurance publique dans le cadre de ce qui sera proposé dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, nous débloquerons un système assurantiel universel pour toutes les filières en France. Nous apporterons ainsi une réponse essentielle à la question des revenus agricoles en France, et nous prendrons une décision qui sera probablement aussi importante que celle qui a été prise le jour où nous avons mis en place la mutualité sociale agricole dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour la réplique.

M. Aymeri de Montesquiou. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre ; vous avez conscience de la difficulté à laquelle se heurtent certains agriculteurs. Dans mon département, les volumes et les prix ont baissé de 30 % à 40 %. Cela signifie que certains agriculteurs seraient en faillite s’il n’y avait pas une solidarité familiale.

Il nous faut instaurer une véritable péréquation au niveau national, parce que des écarts gigantesques existent entre les régions, entre les productions et entre les revenus. Je suis convaincu que cette assurance doit être mutualisée.

À travail égal, on peut facilement produire cent quintaux dans certaines zones, et seulement la moitié dans d’autres ; ce n’est pas une injustice, mais il faut essayer de corriger de telles différences. Celles-ci tiennent à la qualité des sols, à laquelle nous ne pouvons rien changer. Mais nous avons la possibilité d’introduire un élément pondérateur, et l’assurance en est un.

Nous ne pouvons pas prendre le risque de voir des campagnes dévastées en raison de mauvaises récoltes une année. Les disettes du temps de Louis XV et de Louis XVI doivent appartenir au passé !

Mme la présidente. La parole est à M. Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard. Monsieur le ministre, je voudrais vous parler brièvement de la forêt, qui, elle aussi, fait partie de vos attributions.

Le programme 149 « Forêt » marque dans le projet de loi de finances pour 2010 - une fois n’est pas coutume ! - une hausse par rapport à l’année précédente : les crédits progressent de 26,8 % en autorisations d’engagement, puisqu’ils atteignent 368,7 millions d’euros, contre 290,9 millions d’euros dans la loi de finances initiale de 2009.

Mais si l’on déduit du total du programme les sommes exceptionnelles qui ont permis de venir au secours des sinistrés landais de la tempête Klaus du 24 janvier 2009, on s’aperçoit que le financement des actions forestières de fond, c’est-à-dire de la politique forestière elle-même, est en baisse de 6 %, puisque le programme est alors doté de 273,4 millions d’euros.

Notre forêt est la troisième forêt d’Europe en surface et peut-être la première - du moins nous en flattons-nous - en qualité et en diversité des peuplements. Elle mérite donc l’attention des pouvoirs publics, lesquels lui demandent beaucoup.

Dans le prolongement du Grenelle de l’environnement, des assises de la forêt, du rapport Puech, de la déclaration historique du Président de la République à Urmatt le 19 mai dernier, les promesses n’ont pas manqué.

Cependant, la forêt et le bois appellent un soutien pécuniaire davantage en phase avec les objectifs annoncés. Et ces objectifs sont nombreux : récolter plus de bois – plus 21 millions de mètres cubes par an, soit une augmentation de 40 % de la récolte actuelle en 2020 ; mieux préserver la biodiversité ; mieux valoriser nos bois dans l’énergie et la construction ; lutter contre le réchauffement climatique ; enfin, redresser le bilan de la balance commerciale « bois », qui, scandaleusement, est l’une des plus mauvaises.

L’ambition est forte ; les forestiers la saluent et sont prêts à s’y associer. Mais pour relever le défi, pour gravir toutes ces marches, il faut des moyens supplémentaires, et non pas la baisse des soutiens permanents de l’État, ce que traduit le programme 149.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur, nous avions prévu à l’origine une baisse du budget « forêt » en loi de finances initiale à hauteur de 37,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 23,9 millions d’euros en crédits de paiement.

Cela s’expliquait par un certain nombre d’éléments : la fin des aides aux chablis, les efforts de productivité qui avaient été demandés à l’Office national des forêts, la montée en puissance de nouvelles mesures fiscales, et les amendements au projet de loi de finances qui avaient été adoptés par l’Assemblée nationale et le Sénat en 2009 : un million d’euros supplémentaires en crédits de paiement pour le financement de la desserte forestière.

Toutefois, afin de tenir compte du caractère stratégique de la forêt - souligné par le Président de la République dans son discours d’Urmatt - et pour faire face aux conséquences de la tempête Klaus, 108 millions d’euros en autorisations d’engagement et 70 millions d’euros en crédits de paiement ont été ouverts par la loi de finances rectificative de 2009.

J’ai veillé très attentivement, tout au long de l’année 2009, à ce que, dans les départements concernés - je pense en particulier à votre département, monsieur Gaillard -, tous ces crédits arrivent directement aux exploitants forestiers qui en avaient besoin.

Ces efforts seront poursuivis en 2010 avec une enveloppe de 105 millions d’euros – un peu plus ! – en autorisations d’engagement et 50 millions d’euros en crédits de paiement, auxquels s’ajoutent des fonds en provenance du Fonds de solidarité de l’Union européenne, des mesures de nettoyage et de reconstitution des forêts, de bonification des prêts, de renforcement du personnel technique, qui sont indispensables pour mieux gérer la forêt : tout cela doit nous permettre de nous engager dans la politique que vous défendez, monsieur Gaillard, et que nous soutenons pleinement, celle d’une meilleure valorisation des forêts en France.

Je rappelle que les forêts représentent aujourd’hui un tiers du territoire français, ce qui constitue, en termes de puissance économique, un atout considérable pour le pays. C’est également, en matière de développement durable - je recevais hier à ce propos les représentants des différentes institutions et entreprises qui travaillent sur le lien entre le bois et le développement durable -, une filière qui peut être très valorisante pour l’ensemble de l’économie française.

Mme la présidente. La parole est à M. Yann Gaillard, pour la réplique.

M. Yann Gaillard. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. J’ajouterai simplement un petit détail : il s’agit du produit de la taxe additionnelle collectée par les chambres d’agriculture sur les terrains classés « bois ». Les forestiers souhaiteraient récupérer un peu plus que ce qu’ils paient à cet égard. C’est une négociation qui dure depuis des années, et que mènent notamment les communes forestières. Je sais que les chambres d’agriculture sont des puissances tout à fait respectables, mais si vous pouviez nous aider à progresser dans cette voie, monsieur le ministre, nous en serions très satisfaits.

Mme Nathalie Goulet. Très bonne initiative !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

M. Jean-Claude Danglot. Monsieur le ministre, face au développement de l’aquaculture industrielle intensive, on assiste en Europe à la mainmise de certains pays sur la quasi-totalité des quotas de pêche pour une même espèce de poissons.

En ce qui concerne le cabillaud, la Norvège détient 90 % des taux admissibles de captures, contre 1,22 % pour la France. Cette situation de net déséquilibre met en péril la pêche artisanale.

Par manque de quotas de soles et de cabillauds, les bateaux des pêcheurs dunkerquois et d’Étaples - pour ne citer que ces exemples sur le Nord-Pas-de-Calais - se retrouvent régulièrement à quai, et ce depuis plusieurs mois, laissant sans couverture sociale et sans ressources les professionnels du secteur, et remettant en cause plusieurs centaines d’emplois induits.

Le Président de la République avait déclaré que la présidence européenne serait une opportunité pour instaurer « un dialogue très fort avec la Commission européenne », et qu’il faudrait « une réponse plus souple sur les quotas ».

Aujourd’hui, Bruxelles préconise des quotas individuels transférables à l’échelle européenne. Cela risque de conduire à une concentration des quotas au détriment des entreprises les plus fragiles.

Il est urgent, si l’on veut sauver la pêche artisanale côtière, de mettre en place une protection particulière. Les représentants des professionnels du secteur, en s’appuyant sur des documents émanant de la Commission européenne, proposent trois mesures phares : la mise en place d’un régime côtier, la réservation de la bande des douze miles nautiques aux navires de pêche artisanale, une gestion plus fondée sur l’effort de pêche.

La réponse gouvernementale à la crise a été de proposer un plan « casse » qui consiste à adapter la flottille aux quotas en cassant des bateaux. Cela n’est acceptable ni économiquement ni socialement !

Monsieur le ministre, quelle action allez-vous engager et quelles positions défendrez-vous, notamment auprès des instances européennes, pour sauver la pêche artisanale et permettre aux professionnels concernés de vivre de leur métier ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Danglot, soyez assuré que j’accorde une importance équivalente à la pêche et à l’agriculture ; ce propos s’adresse aussi à Charles Revet, qui est très sensible à cette question. Je me bats avec la même détermination pour les intérêts de la pêche française et pour les intérêts de l’agriculture française.

Je serai à Bruxelles dans quelques jours pour participer à la négociation annuelle sur les totaux autorisés de capture, les TAC, et sur les quotas. Je suis en contact avec les organisations professionnelles depuis plusieurs jours, afin d’envisager les moyens de défendre au mieux les quotas qui seront attribués à la France, que ce soit pour la pêche de la sole, du cabillaud, de la lingue ou de toutes autres espèces.

Par ailleurs, lors des assises de la mer, qui se sont tenues à Brest, nous avons clairement défini la manière dont la France voit l’avenir de la politique commune de la pêche. Nous sommes le seul État d’Europe à avoir engagé une concertation de cette ampleur depuis le mois de septembre.

Les assises de la pêche ont été organisées sur mon initiative. Elles ont réuni tous les acteurs concernés : scientifiques, ONG, professionnels de la pêche, afin de déterminer quels axes notre pays allait défendre en matière de réforme de la politique commune de la pêche. Quatre axes essentiels se sont dégagés.

Le premier axe est notre attachement au maintien de quotas de capture. J’ai indiqué très clairement à Brest, lundi, que j’étais défavorable à des quotas individuels transférables. Ce système permettrait le transfert de quotas aux organisations de pêche industrielle au détriment de la pêche artisanale. Or la pêche artisanale fait partie de l’identité de nos ports de pêche. Il est hors de question de la fragiliser par la mise en place de quotas individuels transférables.

Je suis également défavorable à des quotas d’effort de pêche. Cela reviendrait à concentrer la pêche sur les espèces les plus valorisées et pourrait mettre en difficulté la pêcherie française.

Le deuxième axe concerne la réforme de la gouvernance. Il faut se fonder sur l’avis des pêcheurs et des professionnels plutôt que sur celui de la Commission ou des ministres qui sont, par définition, moins bien informés.

Le troisième axe est lié au développement durable, avec le lancement de certaines expérimentations telles que les aires marines protégées. Je suis très favorable à cette démarche, qui va dans le bon sens.

Le quatrième et dernier axe – et je sais que vous-même et votre groupe y serez sensibles, monsieur Danglot – tient à la prise en considération, dans la pêche européenne, de données de nature sociale qui font aujourd’hui cruellement défaut.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour la réplique.

M. Jean-Claude Danglot. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je prends acte de vos intentions et de vos prises de position.

Le monde de la pêche souffre beaucoup. Dans mon département, le Pas-de-Calais, les pêcheurs d’Étaples-sur-mer se trouvent dans une situation catastrophique. Il est grand temps de ramener Bruxelles à la raison, au respect de la France et de sa pêche artisanale traditionnelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Madame la présidente, permettez-moi d’associer à mon propos Jean-Paul Amoudry, sénateur de la Haute-Savoie, qui ne peut malheureusement être parmi nous cet après-midi.

Le budget relatif à la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » permet de garantir l’exécution des contrats relatifs à la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, en cours, mais pas de financer de nouveaux engagements ni de renouveler les anciens contrats. Ces derniers, dont le nombre est compris entre 7 000 et 10 000, représentent 10 à 15% des contrats souscrits à ce jour. J’ajoute que des agriculteurs récemment installés pourraient être intéressés par cette forme de soutien.

Le présent projet de loi de finances crée donc une fracture importante entre les agriculteurs concernant leur éligibilité à cette aide essentielle.

Une nouvelle prime à l’herbe, octroyée sur la base du premier pilier de la PAC, pourrait permettre d’assurer le relais jusqu’à la mise en œuvre d’une mesure unique pour l’ensemble des agriculteurs. Ce soutien ne sera pas du même ordre que la PHAE, ni dans son principe ni dans son montant. Le montant de cette prime devrait être compris entre 20 et 80 euros par hectare, en fonction du taux de chargement et de la surface en herbe. Pour en bénéficier, il faudra un chargement minimal de 0,5 à 0,8 unité de gros bétail, ou UGB, à l’hectare.

Ces nouveaux critères d’éligibilité écarteront d’emblée les agriculteurs de zones typiques d’élevage dans des départements de montagne fragiles présentant des taux de chargement très faibles ; c’est le cas dans les Alpes-du-Sud, avec un taux de chargement de 0,43 UGB par hectare, en Corse, en Lozère et sans doute dans le Cantal et en Haute-Loire.

Monsieur le ministre, comment le Gouvernement envisage-t-il de procéder pour financer le maintien de ce soutien à tous les agriculteurs qui bénéficiaient de la prime herbagère agro-environnementale, notamment dans les zones de montagne ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Boyer, vous soulevez une question majeure, que j’ai évoquée dans mon propos liminaire, et qui correspond aux préoccupations exprimées, entre autres, par MM. César et Jarlier. Je comprends l’inquiétude qui se fait jour dans tous les départements, ceux de montagne en particulier, quant à la reconduction de la prime herbagère agro-environnementale.

À ce stade, je peux vous donner deux garanties.

En premier lieu, les critères que nous avons retenus en ce qui concerne les taux d’unité de gros bovins par hectare resteront intéressants pour tous les agriculteurs, y compris pour ceux des zones de montagne dans lesquelles les taux de chargement sont de 0,5 UGB par hectare.

En second lieu, comme je l’ai indiqué dans mon intervention à la tribune, le versement sera maintenu pour chaque exploitant. Cette prime représente 3 000, 4 000 ou 5 000 euros par exploitation. Il s’agit d’une somme considérable ! Nous devons donc impérativement trouver les moyens de sécuriser le dispositif juridique de la PHAE.

J’ai présenté une proposition à la Commission. Dans l’échange oral qui s’est ensuivi, cette dernière nous a fait savoir que cette proposition n’était pas satisfaisante. Toutefois, la Commission a apprécié qu’on la saisisse et que l’on présente une proposition. Elle nous a alors suggéré à son tour de remettre les compteurs à zéro et de reconduire les contrats jusqu’en 2014. Je suis en train d’étudier la faisabilité de ce dispositif, qui me semble a priori constituer une très bonne option ; c’est une véritable ouverture.

J’examinerai avec la Commission les moyens de sécuriser le dispositif. Je le soumettrai ensuite à l’arbitrage du Premier ministre avant d’inscrire, dans le projet de loi de finances rectificative, les 30 millions d’euros qui sont nécessaires à son financement.

Je comprends les inquiétudes des exploitants agricoles des zones de montagne et des zones défavorisées, qui craignent la suppression de la prime. Je redis donc avec force que les versements seront maintenus.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer, pour la réplique.

M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, je crois sincèrement que chacun de nous ne peut qu’apprécier les connaissances remarquables que vous avez dans tous les domaines.

Vous souhaitez sécuriser les exploitants agricoles qui se trouvent dans des situations difficiles. C’est un message important en direction de l’agriculture.

La prime à l’herbe concerne les agriculteurs des territoires les plus défavorisés ; ce n’est ni Jacques Blanc ni Pierre Jarlier, tous deux avocats de la montagne, qui me contrediront.

La référence est d’une UGB par hectare. Lorsque le taux descend à 0,50 UGB, il ne peut que s’agir de territoires qui risqueraient de se transformer en garrigues si cette prime venait à être supprimée.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le ministre, ma question a trait à l’avenir de l’agriculture biologique.

Une enquête récente a montré que les produits issus de l’agriculture biologique sont 72 % plus chers que les produits issus de l’agriculture conventionnelle.

Les professionnels du secteur « bio » mettent en avant la faiblesse des subventions dont ils bénéficient, en précisant qu’en France 60 000 exploitations agricoles concentrent à elles seules 80 % des aides de l’Europe. Ils soulignent également, à juste titre, qu’il est essentiel de répercuter les coûts techniques et sociaux engendrés par les productions intensives : dépollution de l’eau, des sols, et traitement des conséquences sur la santé d’une alimentation surchargée en pesticides.

Au début de l’année 2009, le ministre Michel Barnier avait annoncé devant le Conseil d’orientation de l’économie agricole et alimentaire que 18 % des aides directes reçues par les agriculteurs seraient orientées en 2010 vers quatre objectifs : consolider l’économie agricole et l’emploi sur l’ensemble du territoire, instaurer un nouveau mode de soutien pour l’élevage à l’herbe, accompagner un mode de développement durable de l’agriculture, instaurer des outils de couverture des risques climatiques et sanitaires.

Ce dispositif risque d’être insuffisant pour répondre aux objectifs de développement durable.

Lors des débats sur le Grenelle de l’environnement tant le Gouvernement que les sénateurs ont affiché dans leur discours, contrairement au Président de la République qui n’a dit mot sur l’agriculture biologique, en octobre dernier, leur volonté de promouvoir cette agriculture respectueuse des objectifs de développement durable. Ainsi est-il prévu de tripler les surfaces actuelles cultivées en « bio » et de les porter à 6 % de la surface agricole française d’ici à 2012.

À l’heure actuelle, s’agissant de l’agriculture biologique, force est de constater que les agriculteurs connaissent de grandes difficultés pour se maintenir ou se lancer dans le secteur ; de leur côté, les consommateurs se trouvent découragés par les prix pratiqués.

C’est pourquoi nous vous demandons, monsieur le ministre, de bien vouloir nous indiquer les mesures financières et techniques concrètes que le Gouvernement entend prendre pour assurer le développement et la promotion de l’agriculture biologique au regard des objectifs qu’il s’est fixés.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur, nous avons fait le maximum pour soutenir l’agriculture biologique, qui reste un axe structurant de la politique du Gouvernement.

Permettez-moi de citer quelques chiffres. Notre objectif est de tripler la surface cultivée selon un mode biologique d’ici à 2012 pour la porter à 6 % de la surface agricole utile. Cet objectif, nous le tiendrons. À cette fin, nous avons pris des mesures de nature structurelle.

Tout d’abord, nous souhaitons renforcer la structuration de la filière. Nous consacrerons 3 millions d’euros par an sur cinq ans au soutien de projets de restructuration et de conversion des exploitations.

Ensuite, nous voulons encourager la recherche et l’innovation. Nous affecterons 2 millions d’euros à des projets qui nous ont été soumis et qui visent à développer l’agriculture biologique.

Enfin, il me paraît essentiel d’encourager la consommation de produits issus de l’agriculture biologique ; nous en aurons la possibilité lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. L’objectif est d’atteindre 20 % de produits biologiques dans la restauration collective de l’État d’ici à 2012.

L’alimentation sera le fil directeur du futur projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, parce que c’est le sens politique que nous donnons à l’activité agricole et à la pêche. Ce texte nous permettra aussi de nous fixer d’autres objectifs en matière de consommation de produits « bio » dans la restauration collective.

Nous avons également développé la formation. Je me suis récemment rendu au lycée agricole d’Yvetot, et j’ai constaté que la formation en matière d’enseignement « bio » faisait partie des sujets sur lesquels l’attention se focalise de plus en plus ; c’est une bonne chose !

J’en viens au soutien à la production.

Nous avons décidé, en octobre 2008, de déplafonner les aides à la conversion – le plafond est de 7 600 euros par exploitation –, et une enveloppe supplémentaire de 12 millions d’euros par an sur trois ans a été dégagée.

Enfin, le crédit d’impôt a été doublé et le plafond porté à 4 000 euros, et nous avons prévu 50 millions d’euros supplémentaires de soutien dans le cadre du bilan de santé de la PAC.

Ces aides interviennent alors que le marché est porteur et que les consommateurs suivent. Le plan que nous avons choisi pour cette filière devrait donc montrer son efficacité dans les années à venir.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour la réplique.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le ministre, je vous remercie de toutes ces précisions.

Concernant la restauration collective, nous sommes effectivement souvent confrontés, nous élus, au problème du coût, lequel se répercute sur le prix du repas des enfants à la cantine.

Je me réjouis de l’arrivée de nouveaux ménages, qui parviennent, avec l’agriculture « bio », à tirer un revenu très correct de surfaces réduites. C’est assez encourageant, et c’est pourquoi ce type d’agriculture mérite d’être pris en compte totalement.

J’espère que nous atteindrons les objectifs qui sont fixés sur le plan national. Nous venons de vivre, pendant plusieurs décennies, une course effrénée à l’agrandissement et à la concentration ; ce contre-exemple est intéressant et mérite tout l’intérêt du Parlement et du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, ma question concerne les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER.

C’est dans le contexte d’un budget agricole en grisaille, et sur fond d’inquiétude de toute une profession que je voudrais aborder un sujet qui est non pas conjoncturel, mais structurel, celui des SAFER, et ce avec l’espoir d’être utile à tous ceux de nos collègues qui, un jour ou l’autre, ont été confrontés à ces institutions.

Chacun le sait bien, les SAFER, sociétés anonymes à but non lucratif, qui comptent quelque 1000 collaborateurs et 980 membres de comités techniques départementaux, achètent et revendent chaque année environ 80 000 hectares de terres, soit 22,9 % du marché, tout en conservant 18 000 hectares pour les collectivités publiques. C’est, de ce fait, une véritable puissance économique avec laquelle il faut compter dans nos territoires.

Au reste, j’ai bien noté que, dans le projet de loi de finances pour 2010, les crédits qui leur sont attribués demeurent à peu près identiques à ce qu’ils étaient en 2009.

Je ne conteste ni le bien-fondé de l’action des SAFER ni leur utile contribution à l’économie locale, mais je m’interroge parfois, d’abord sur leur représentativité, ensuite sur le droit de préemption que leur donne la loi et qui leur permet d’acheter à la place de l’acquéreur initial pour revendre à un autre acquéreur, dont le projet leur paraît répondre mieux aux enjeux d’aménagements locaux.

Et c’est là, monsieur le ministre, que le bât blesse. Qui est véritablement le garant des enjeux d’aménagements locaux ? Les SAFER ou ceux qui portent un projet précis ? Qui possède la légitimité pour trancher en cas de litige ? Il y a, chaque année, quantité de contestations sur ce point, dès lors que la SAFER exerce ce droit, certes au bénéfice d’un agriculteur, mais aussi au détriment d’un autre.

Ma question est donc la suivante : le Gouvernement envisage-t-il de modifier un jour la loi pour permettre une plus grande transparence, en même temps qu’une plus grande équité dans la vente des terres agricoles, et éviter les trop nombreux conflits d’usage ? On ne fera pas, selon moi, l’économie d’une réforme des SAFER, surtout à l’heure où la profession agricole envisage son avenir avec inquiétude.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Madame la sénatrice, pour vous répondre très clairement, il n’est pas prévu de modifier d’une quelconque façon le statut des SAFER, ni dans le projet de loi de finances ni dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Nous avons besoin d’une régulation des terres agricoles. Les SAFER y participent et le font en concertation avec les autorités locales. Leur budget a été maintenu exactement en l’état dans le projet de loi de finances pour 2010.

Nous estimons, en revanche, que, compte tenu de ce qui s’est passé depuis plusieurs années en France, nous ne pouvons accepter une déprise agricole aussi importante et aussi rapide que celle que nous connaissons depuis tant d’années sans réagir à une échelle plus globale.

Je vous soumettrai plusieurs propositions dans le cadre du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Nous devons tout d’abord être capables d’évaluer le capital agricole français. Aujourd’hui, il n’est pas possible de savoir ce que représentent les terres agricoles en France : où sont les bonnes terres, les moins bonnes, quels sont les rendements ?

Je proposerai, dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la mise en place d’un Observatoire national des terres agricoles, qui permettra d’avoir une approche plus globale, afin d’évaluer le capital agricole français.

Il est également important que soient renforcées à l’échelle départementale les commissions qui sont chargées d’évaluer le transfert des terres agricoles et d’émettre un avis sur leur transfert.

Je proposerai que des commissions départementales soient créées autour du préfet, associant tous les acteurs concernés. Il est important que tout le monde participe à la décision, non seulement les propriétaires, mais également les associations et les élus locaux. Il faut que chacun puisse donner son avis sur le changement d’usage d’une terre.

Enfin, il conviendra d’étudier les mesures à prendre concernant la valeur ajoutée liée au transfert de ces terres. Vous savez parfaitement, dans votre département comme dans d’autres, que la valeur ajoutée d’une terre agricole rendue constructible peut parfois atteindre dix fois, vingt fois, cinquante fois, voire cent fois le prix de la terre. Cette question suscite des interrogations auxquelles nous devons répondre dans le cadre du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour la réplique.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, je vous remercie de la clarté de votre réponse.

Si j’ai posé cette question, c’est parce que nous sommes nombreux à avoir analysé les difficultés auxquelles vous apporterez des réponses dans le cadre du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Je me félicite de votre volonté de mettre en place un Observatoire national des terres agricoles et d’instituer au niveau départemental des commissions qui réuniront l’ensemble des partenaires. La représentativité au sein de ces commissions est en effet un vrai problème.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Monsieur le ministre, je souhaite, comme plusieurs de nos collègues, attirer votre attention sur le problème de la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE. C’est un sujet extrêmement préoccupant, notamment pour les agriculteurs de montagne, qui connaissent actuellement une crise sans précédent.

Si le projet de loi de finances pour 2010 a bien prévu les crédits nécessaires pour honorer les contrats PHAE en cours, les crédits budgétaires pour le renouvellement de ceux qui arrivent à échéance en 2010 n’ont, en revanche, pas été prévus.

Les agriculteurs sont très inquiets : si, dans le cadre du bilan de santé de la PAC, la réorientation d’une partie des aides du premier pilier a permis la création d’un droit à paiement en soutien à la production à l’herbe, revendiquée depuis longtemps par les éleveurs, cette nouvelle aide semble venir en substitution de la PHAE en 2010, alors que, s’agissant d’une aide à la production, elle n’est en rien assimilable à des modes d’exploitation agro-environnementales telles qu’elles sont prévues dans les conventions PHAE. Si tel était le cas, l’État reprendrait d’une main ce que l’Europe a concédé de l’autre.

Cette situation est très préoccupante, notamment en zone de montagne. Dans le Cantal, par exemple, sur 5 000 exploitations, 3 700 sont concernées par la PHAE, qui représente plus de 10 % des aides publiques allouées aux agriculteurs cantaliens ; 2 500 d’entre elles sont des exploitations laitières, dont les revenus ont baissé de plus de 25 % cette année en raison de la crise. La perte de la PHAE représenterait une chute supplémentaire de 5 % de ce revenu, ce qui pourrait leur être fatal.

Monsieur le ministre, vous avez été sensible à ce problème majeur en assurant les agriculteurs de votre volonté de répondre favorablement à leur requête. Vous avez engagé à cet effet une consultation auprès de la Commission européenne, mais force est de constater que les crédits prévus sont insuffisants pour assurer le renouvellement de ces conventions. Encore faut-il pouvoir le faire juridiquement !

Ma question est la suivante : avec quel dispositif et dans quel délai serez-vous en mesure de proposer une solution garantissant le maintien de la PHAE ? Vous avez répondu tout à l’heure à mon collègue Jean Boyer à ce sujet. Mais je souhaiterais que vous nous précisiez que ces aides seront bien distinctes des nouvelles aides à la production herbagère qui seront mises en place par l’Union européenne.

M. Jacques Blanc. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Les éleveurs de montagne pourront ériger une statue aux sénateurs qui, comme Pierre Jarlier, Jean Boyer et Jacques Blanc, ont défendu la PHAE : si vous n’aviez pas tiré la sonnette d’alarme, nous n’aurions pas pu avoir cet échange avec la Commission européenne, nous n’aurions pas trouvé les solutions juridiques que nous sommes en passe de retenir, et nous n’aurions pas alerté suffisamment tôt Matignon pour disposer des crédits budgétaires nécessaires.

Je formulerai juste deux remarques complémentaires.

En premier lieu, je souhaite que nous trouvions une solution avant la fin de l’année 2009,…

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. … et que les questions soient tranchées, aussi bien juridiquement que financièrement, avant que nous partions tous prendre des vacances bien méritées. Cela permettra de rassurer les éleveurs du Cantal, comme ceux de la Lozère ou du Jura.

En second lieu – et c’est le plus important à mes yeux –le maintien d’une agriculture de la diversité, au-delà des difficultés et d’un environnement peu favorable, est un choix politique. La valorisation des produits de qualité suppose que l’on fasse des efforts pour maintenir l’activité agricole dans ces secteurs. Ce doit être l’un des axes directeurs de notre action.

Nous ne voulons pas d’une agriculture qui serait la même partout en Europe, avec de grands ensembles industriels concentrés uniquement dans quelques bassins de production limités et clairement identifiés.

Nous défendons au contraire une agriculture compétitive, qui occupe les espaces, capable de se battre à armes égales avec ses concurrents, y compris lorsque l’environnement n’est pas favorable, parce qu’elle produit des produits de qualité, parfois tout à fait exceptionnels, qui méritent d’être valorisés et développés ; les AOC du Cantal en sont la meilleure preuve. (M. Jacques Blanc applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour la réplique.

M. Pierre Jarlier. Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier de votre réponse, qui est extrêmement claire, notamment sur le délai : nos agriculteurs pourront être rassurés, puisque ce problème sera réglé avant la fin de l’année 2009.

La seconde partie de votre réponse est aussi très importante, parce que vous nous assurez qu’il n’y aura pas d’amalgame entre la nouvelle prime à la production herbagère européenne et l’encouragement, par la prime herbagère environnementale, à des modes d’exploitation respectueux de l’environnement, comme nous y invitent les grands enjeux du Grenelle de l’environnement.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, ma question vous paraîtra peut-être un peu décalée par rapport à vos préoccupations habituelles. Elle est pourtant d’importance pour les communes du sud de la France, parce qu’elle porte sur les crédits affectés à la prévention des incendies de forêts, et plus spécialement sur ceux qui sont réservés au Conservatoire de la forêt méditerranéenne, le CFM, et sur leur utilisation.

Je ferai un bref rappel historique.

Lors de sa création en 1987, après de vastes incendies dans le sud de la France, le CFM disposait d’un budget de 100 millions de francs, soit, en monnaie constante, l’équivalent de 22,8 millions d’euros. Il était alimenté par des ressources propres : une taxe nouvelle sur les briquets et une taxe additionnelle sur les tabacs.

Ce budget a été détourné de son objectif de deux manières.

D’une part, ses crédits ont été diminués : 9 millions d’euros pour le prochain exercice, sans changement par rapport à 2009, soit deux fois et demie de moins qu’initialement.

D’autre part, ces crédits résiduels ont été affectés à un autre projet que celui du CFM, à savoir le financement dans quinze départements du sud de la France, en partenariat avec les collectivités locales, des investissements de défense des forêts contre l’incendie, ou DFCI – pistes, pare-feux, coupures agricoles –, de leur entretien, et le préfinancement de l’exécution du débroussaillement d’office, qui relève de la responsabilité des maires.

Comme l’avait déjà observé la Cour des comptes en 2000 et sans que cela ait changé, ces crédits servent désormais essentiellement à financer les missions de surveillance et l’investissement à la charge de l’État, et seulement de façon résiduelle les actions qui intéressent directement les collectivités, ce qui était pourtant l’essentiel au départ.

Or la plupart des communes forestières, qui sont des communes rurales, n’ont les moyens ni de préfinancer le débroussaillement d’office ni de faire face à leurs obligations découlant des plans de protection des risques d’incendie de forêt, ou PPRIF.

Ma question est donc très simple, monsieur le ministre : comment expliquez-vous ce détournement des fonds du CFM vers d’autres missions que celles qui devraient être les siennes ? S’agissant de ce qu’il en reste, pensez-vous le réorienter vers le financement d’opérations menées en partenariat avec les communes, notamment celles qui sont soumises à un plan de prévention des risques d’incendie de forêt ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Cette question est elle aussi tout à fait majeure et ne sort absolument pas du champ de mes responsabilités.

Notre objectif est bien de garantir, en particulier grâce au travail du Conservatoire de la forêt méditerranéenne, une défense contre les feux de forêt qui soit la plus efficace possible. Le ministère de l’agriculture est pleinement engagé dans cette tâche, aux côtés des collectivités locales.

Vous avez noté avec raison, monsieur le sénateur, une diminution des crédits de mon ministère en faveur de cet emploi, de l’ordre de 1,5 million d’euros. Je tiens à préciser que cette baisse devrait être compensée par de nouveaux moyens provenant du FEADER, le Fonds européen agricole pour le développement rural, au titre des nouveaux défis de la PAC.

Les préfets de la zone de défense sud sont chargés, dans le cadre de leur mission de coordination des politiques de prévention et de lutte contre les risques d’incendie, d’optimiser ces crédits de l’État et du FEADER, en liaison étroite avec les collectivités locales, de façon qu’ils soient employés de la manière la plus efficace possible.

Nous suivons cette question avec vigilance, et je vous remercie, monsieur le sénateur, d’avoir attiré mon attention sur ce sujet. Je le répète, nous ferons en sorte que tous les moyens soient disponibles, qu’ils soient issus du FEADER ou du ministère de l’agriculture, pour prévenir, en liaison avec les collectivités locales, les incendies de forêt dans le sud de la France.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour la réplique.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, j’aimerais vous adresser des louanges, comme l’ont fait les collègues qui m’ont précédé, car c’est plus agréable. Mais je dois dire que votre réponse me laisse sur ma faim.

Les préfets font déjà ce qui leur paraît être le mieux, mais cela ne correspond pas aux attentes des communes – communes forestières, petites communes – qui doivent faire face à des obligations exorbitantes en matière de protection. Si vous n’intervenez pas pour préciser explicitement que les crédits en question ne sont pas destinés à faire reluire les carrosseries des SDIS, mais ont pour vocation de financer des investissements de protection, cela ne bougera pas !

Je sais bien qu’il serait extrêmement difficile de récupérer les crédits utilisés, je ne suis pas naïf à ce point ; mais qu’au moins ceux qui existent encore soient employés conformément à leur destination originelle !

Je pose régulièrement cette question ; les murs de Jéricho ne sont pas encore tombés, mais je compte sur vous, monsieur le ministre. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le ministre, toutes les filières agricoles françaises sont en difficulté, chacun a pu l’exprimer au cours de ce débat. Du fait de la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs, du fait du poids des charges issues pour partie des contingences environnementales successives, mais souvent du fait, avouons-le, des choix de mécanisation décidés par les agriculteurs eux-mêmes, l’agriculture française n’a pas échappé à la crise économique et financière mondiale.

Qu’il me soit permis de me concentrer sur la seule filière laitière.

Face à la crise du lait, la Commission européenne, si souvent accusée, s’est montrée à la fois digne et maladroite. Durant toute cette période, elle est intervenue sur le marché. Son action a été relayée par des mesures gouvernementales fortes dont vous avez été, monsieur le ministre, le principal instigateur : je voulais vous en féliciter et vous en remercier.

Aujourd’hui, que constate-t-on ? La crise a amplifié et mis en lumière le mouvement d’internationalisation du marché laitier. La grève du lait a accentué la baisse des exportations françaises, qu’ont relayées celles d’autres pays, reconnaissons-le, plus compétitifs.

En définitive, si la France sort politiquement renforcée, au niveau européen, de la gestion de cette crise – et c’est à vous que nous le devons, monsieur le ministre –, sa filière laitière en sort économiquement affaiblie. Mais personne, pas plus les pouvoirs publics que d’autres, ne peut gérer les prix des marchés.

Disposant des trois leaders mondiaux de la transformation laitière, la France – qui, je le précise, ne produit que 4 % du lait mondial – doit restructurer sa filière, tant en amont qu’en aval, pour rester présente sur les marchés. Ce pays aux 365 fromages qu’est la France doit moderniser encore davantage sa filière laitière. Cette évidence ne sera pas facile à faire admettre dans nos campagnes, mais elle est incontournable. Elle doit être évoquée et réalisée dans le respect des hommes et des femmes de nos territoires, et de leurs spécificités.

Monsieur le ministre, nous arrivons au terme de ce débat, si bien que vous avez déjà répondu à certaines de mes interrogations.

À très court terme, j’aurais souhaité que vous puissiez rassurer les producteurs quant à l’évolution des prix du lait ; vous l’avez fait.

En revanche, j’aimerais savoir où vous en êtes dans l’élaboration du document devant instituer les nouveaux rapports entre les producteurs et les transformateurs, savoir aussi où en est le contentieux qui oppose les services de l’État à la grande distribution, qui n’a pas respecté certaines exigences de la loi de modernisation de l’économie, la LME.

À plus long terme, quelles seraient à votre avis les grandes lignes de la restructuration de la filière laitière qui doit permettre d’assurer la pérennité tant des éleveurs que des transformateurs français et, ne l’oublions jamais, de ces millions de salariés qui, au sein des entreprises de transformation agroalimentaire, assurent à la balance commerciale un excédent de 9 à 10 milliards d’euros chaque année ? (M. Auguste Cazalet applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Si vous le permettez, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par apporter une précision complémentaire à Pierre-Yves Collombat : nous lui transmettrons dans les meilleurs délais une réponse écrite plus détaillée à la question qu’il a posée et aux remarques qu’il a formulées dans la deuxième partie de son intervention.

Monsieur Jean Bizet, sur la question majeure du lait et de la production laitière en France, j’essaie de combiner une grande lucidité dans l’analyse de la situation et les réponses les plus appropriées et les plus immédiates qui permettent aux producteurs de s’en sortir du mieux possible.

La lucidité consiste à être capable de constater, comme vous le faites vous-même, monsieur le sénateur, que, mois après mois, la France perd des parts de marché laitier au profit de son grand voisin allemand. C’est pour moi une situation inacceptable. Nous n’avons pas vocation à voir nos industries laitières s’approvisionner en Allemagne parce que l’Allemagne est plus compétitive que nous ! Il est donc indispensable que nous fournissions des efforts afin que la production laitière reste en France et que les industries laitières françaises s’alimentent auprès de producteurs français.

Ces efforts doivent être accomplis à l’échelle de bassins régionaux. Vous êtes mieux placés que personne pour le savoir, mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui avez rédigé sur la situation de la filière laitière en France un rapport qui fait autorité : la situation de la production de lait en Bretagne n’a absolument rien à voir avec la production de lait en Savoie ou au Pays basque, où les volumes sont plus faibles et les produits fromagers plus valorisés. La réflexion doit donc être menée à l’échelle régionale, et c’est ce que je me propose de faire pour renforcer la compétitivité de la filière et améliorer la situation de la production laitière en France.

Par ailleurs, sur le long terme, je le redis avec beaucoup de force, ma politique, c’est la régulation.

La régulation, elle s’opère à l’échelle nationale, par le biais de contrats portant sur un volume, sur un prix, sur une durée. C’est le seul moyen de garantir un revenu décent aux producteurs dans les années à venir.

La régulation, ce sont aussi des instruments européens renforcés, ce sont de nouveaux instruments européens qu’il nous faut mettre en place, c’est une réflexion sur des volumes indicatifs à l’échelle européenne.

Personne ne m’ôtera de la tête l’idée que la suppression des quotas d’ici à 2015 ne nous dispense pas d’engager une réflexion sur des indications de volume à l’échelle européenne, seules à même d’éviter les surproductions que nous avons connues dans les années passées. (M. Auguste Cazalet applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, pour la réplique.

M. Jean Bizet. J’apprécie, monsieur le ministre, la clarté de vos réponses, dont je vous remercie.

J’insiste toujours sur la contractualisation entre les producteurs et les transformateurs. Je veux qu’il soit très clair qu’elle ne s’apparente absolument pas à une intégration et que, si l’État doit en être le garant, il ne doit surtout pas en être le gérant. Il est important que les agriculteurs soient rassurés : un nouveau système de régulation sera en place à l’horizon 2015.

Puisque se tiendra ici même, le 12 janvier prochain, un débat sur la loi de modernisation de l’économie, je voudrais rappeler la fermeté des services de l’État à l’égard de la grande distribution, qui a utilisé la LME pour se laisser aller à des dérives inacceptables. De nouveaux rapports de confiance doivent s’élaborer entre producteurs, transformateurs et distributeurs, et nous comptons sur vous, monsieur le ministre.

M. Auguste Cazalet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je voulais évoquer l’installation des jeunes : on répète sans cesse que c’est une ardente priorité, mais la réalité n’est pas toujours conforme aux déclarations.

Aider la cessation d’activité est une manière de faciliter l’implantation des jeunes. Or il ne vous a pas échappé, monsieur le ministre, que les aides à la cessation d’activité se réduisent à la portion congrue : l’aide à la transmission a été supprimée, le congé de formation institué par la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 a été supprimé, de même que le dispositif de préretraite.

Mais je veux en venir aux crédits qui permettent d’aider les jeunes à s’installer et de leur apporter tout le soutien pour que leur installation soit bien préparée, bien accompagnée et bien réussie.

Vous me répondrez peut-être que les crédits affectés directement à l’installation des jeunes ne diminuent pas. Optiquement, c’est vrai. Mais les crédits des ADASEA, les associations départementales pour l’amélioration des structures des exploitations agricoles, chutent dans des proportions tout à fait considérables. Monsieur le ministre, je me permettrai de rappeler ce qui s’est passé ces dernières années : en 2003, il y avait 28 millions d’euros ; on n’en comptait plus que 26,4 millions en 2004 ; 24,5 millions en 2005 ; 22,4 millions en 2006 ; 20,48 millions en 2007 ; 19,5 millions en 2008 ; 16,5 millions en 2009. Et pour cette année 2010, vous nous proposez 14 millions d’euros, c’est-à-dire exactement la moitié des crédits pour 2003. Pourquoi cet acharnement contre ces structures, qui remplissent un rôle extrêmement utile ?

Je citerai une déclaration conjointe de la FNSEA, de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, des Jeunes Agriculteurs et des ADASEA de France : « En abandonnant la politique d’accompagnement des candidats agriculteurs, l’État condamne purement et simplement la politique de renouvellement des générations dont il dit pourtant qu’elle constitue l’une de ses priorités. Cet abandon est totalement inacceptable dans la situation actuelle difficile que traverse l’agriculture. »

Monsieur le ministre, j’aurai l’honneur de présenter tout à l’heure un amendement, et je sais que d’autres collègues ont déposé des amendements allant dans le même sens : j’espère que vous pourrez alors revoir la position qui est inscrite dans le projet de loi de finances quant au financement des ADASEA.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Sueur, je suis évidemment très attentif à la question de l’installation des jeunes agriculteurs, de par mes fonctions, bien sûr, mais aussi comme ancien député d’un département, l’Eure, où cette question est particulièrement sensible.

Vous l’avez vous-même souligné, l’examen des budgets globaux consacrés à l’installation des jeunes agriculteurs montre que nous avons maintenu un effort financier très important, de l’ordre de 155 millions d’euros, qui me semble tout à fait substantiel et largement significatif.

Par ailleurs, nous avons choisi d’inclure les ADASEA dans la révision générale des politiques publiques et de les faire évoluer.

C’est un choix qui me paraît raisonnable : les structures ne peuvent pas être gardées telles quelles.

Nous avons d’abord proposé de faire évoluer la dotation en fonction du calcul de la subvention. Celui-ci s’effectue en fonction non plus de la rémunération forfaitaire du nombre d’équivalents temps plein, ce qui, mécaniquement, aboutissait à reconduire chaque fois la même subvention, mais du nombre de dossiers effectivement traités par les ADASEA. Cela me paraît un principe de bonne gestion.

Par ailleurs, nous avons prévu la fusion des structures des ADASEA et des chambres d’agriculture. Dans un département, lorsque vous allez à la chambre d’agriculture, l’ADASEA se trouve dans le bureau d’à côté. Il ne me paraît pas illogique de fusionner les deux structures et que là où cinq personnes étaient nécessaires, il n’y en ait plus que deux ou trois, de façon à être plus opérationnel à un meilleur coût. D’après mes observations sur le terrain, une telle fusion ne me paraît pas déraisonnable.

Enfin, certaines ADASEA se sont positionnées sur le marché concurrentiel ; elles fonctionnent plutôt bien et donnent de bons résultats. Cela explique aussi la baisse des crédits. Cela ne traduit pas un désengagement de l’État en faveur de l’installation des jeunes agriculteurs : il s’agit simplement d’un mouvement de rationalisation des activités de soutien à l’installation des jeunes.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, vous avez employé la formule magique : « RGPP » ! Puis vous avez évoqué la rationalisation. Mais nous connaissons bien, dans nos départements, l’action concrète des ADASEA, que vous avez quelque peu caricaturée dans votre réponse.

Dans mon département, je peux en attester, le taux de réussite de l’installation des jeunes qui ont été suivis et aidés par l’ADASEA est de 95 %. Ce n’est donc pas de l’argent mal placé !

En quelques années, les crédits sont passés de 28 millions d’euros à 14 millions d’euros, et l’on nous dit que tout va bien parce que les autres crédits restent stables. Cependant, même si les autres crédits restent stables, il s’agit indubitablement d’une diminution.

Vous dites vouloir inclure les ADASEA dans la RGPP pour rationaliser leurs moyens. Cela ne respecte pas le travail très professionnel, j’y insiste, de ces associations, qui ont permis à de nombreux jeunes, qui n’étaient pas forcément issus d’une famille d’agriculteurs, de s’implanter en milieu rural et de créer des exploitations nouvelles. Si des économies doivent être réalisées, ce n’est pas sur le dos des ADASEA qu’il faut les faire !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Monsieur le ministre, la crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine, l’ESB, de 1996 avait conduit l’État à mettre en place un service public de l’équarrissage, le SPE, destiné à sécuriser la collecte et la destruction des cadavres d’animaux, service public financé d’abord par une taxe payée par la grande distribution, puis, à partir de 2004, par des subventions d’État et par une taxe d’abattage acquittée par les abattoirs.

En 2005, les pouvoirs publics ont souhaité faire évoluer le SPE, en concertation avec les fédérations professionnelles, afin d’améliorer son fonctionnement.

La loi de finances pour 2009 a, dans son article 140, opéré un changement radical en ouvrant à la concurrence le service public de l’équarrissage, qui restait en vigueur pour la collecte des cadavres d’animaux en ferme.

Cette disposition est entrée en vigueur le 18 juillet 2009. Depuis cette date, les éleveurs doivent « être en mesure de présenter à tout moment les documents attestant qu’ils ont conclu un contrat ou qu’ils cotisent à une structure ayant un contrat leur garantissant l’enlèvement et le traitement de leurs cadavres ».

Pour permettre à des éleveurs de conclure un contrat individuel avec des équarrisseurs, anciens ou nouveaux entrants, sans s’exposer à un double paiement, il est nécessaire d’apporter des modifications au code rural et au code général des impôts.

Il conviendrait tout d’abord de modifier l’article L. 226-3 du code rural, pour poser le principe d’une exonération totale ou partielle de cotisation interprofessionnelle ou de taxe d’abattage sur le bétail et les viandes, à destination des éleveurs qui ont conclu un contrat d’enlèvement des cadavres.

Parallèlement, il est nécessaire de modifier l’article 1609 du code général des impôts, pour exonérer de la taxe d’abattage les viandes issues d’élevages ayant déjà fait l’objet d’un contrat d’enlèvement.

Je n’ignore pas les difficultés que ce nouveau dispositif pose, notamment pour assurer la pérennité et l’équilibre du financement de l’ancien service de l’équarrissage. En effet, il est à craindre que les sociétés privées ne puissent pas proposer des contrats abordables aux éleveurs situés en zone d’élevage extensif, par exemple dans les zones de montagne. Une solidarité entre les territoires est donc nécessaire.

Aussi, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir où en sont les discussions avec les filières professionnelles porcine et bovine, l’INAPORC et l’INTERBEV.

Par ailleurs, quelles dispositions envisagez-vous de prendre pour assurer une solidarité entre les territoires ?

Enfin, pensez-vous intégrer le règlement de cette question dans la future loi de modernisation agricole ? (M. Auguste Cazalet applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur, nous avons lancé cette réforme du service public de l’équarrissage en 2007. C’est un sujet à la fois complexe et très sensible. Nous pensions que seuls des systèmes collectifs et mutualisés étaient à même de répondre aux nouveaux problèmes de sécurité sanitaire – sur lesquels il n’y a évidemment aucune marge de manœuvre – et d’équilibre financier.

Nous avons progressé : chaque filière a mis en place sa structure de gestion et sera maintenant en mesure d’honorer le contrat signé avec les équarrisseurs et entré en vigueur le 18 juillet dernier.

On peut estimer que, six mois après son entrée en vigueur, cette réforme est globalement un succès. Les nouveaux marchés passés pour deux ans arriveront à terme en juillet 2011.

Pour répondre très précisément à votre question, il faut bien distinguer la cotisation de l’éleveur et le nombre d’opérateurs. Il est effectivement tout à fait envisageable que les éleveurs continuent à payer une cotisation unique et mutualisée à une interprofession nationale. Vous avez cité l’INAPORC et l’INTERBEV ; nous sommes en discussion avec ces interprofessions sur le sujet. Il faut évidemment que celles-ci puissent tirer le bénéfice d’une concurrence accrue en concluant des contrats avec un nouvel opérateur lors du prochain appel d’offres, mais à l’issue des contrats de deux ans, c’est-à-dire en 2011.

Par ailleurs, les nouveaux systèmes collectifs mis en place par ces deux filières présentent de nombreux avantages. Le premier, c’est évidemment le coût à la charge du producteur, qui est aujourd’hui inférieur à 15 %. Un éleveur qui sortirait de ce système pour essayer de se débrouiller seul se verrait dans l’obligation d’assumer un coût d’équarrissage beaucoup plus élevé et déstabiliserait, de ce fait, l’équilibre financier de son activité.

Tels sont les quelques éléments que je peux vous apporter aujourd'hui. Il faudra évidemment refaire le point au fur et à mesure, notamment à l’échéance des contrats en 2011. Mais nous avons, me semble-t-il, pris la bonne direction : la mutualisation et la sécurité sanitaire la plus grande sur tout le territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour la réplique.

M. Dominique de Legge. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je souhaite simplement insister sur le fait qu’il existe un décalage entre les dispositifs qui ont été votés en loi de finances de 2009 et la situation actuelle. J’ai pris bonne note que vous en étiez parfaitement conscient. Par conséquent, nous suivrons avec attention l’évolution du dossier.

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le ministre, je tiens d’abord à vous dire que j’ai tout particulièrement apprécié vos propos lorsque vous avez dit que vous ne prendriez pas de décisions qui ne seraient pas euro-compatibles, à la différence de certains de vos prédécesseurs.

Il convient cependant de rechercher la responsabilité de ceux qui font des promesses inconsidérées. Plusieurs d’entre nous ont fait allusion au discours prononcé le mois dernier par le Président de la République. Il n’a toutefois pas rassuré totalement un monde agricole toujours légitimement inquiet face à la baisse de ses revenus, aux incertitudes planant sur la future PAC et à l’approche « dérégulatrice » de la Commission européenne. La nomination d’un nouveau commissaire, qui connaît parfaitement les enjeux de notre modèle agricole, nous réjouit tout particulièrement. Peut-être cela permettra-t-il de revenir sur certaines décisions.

Monsieur le ministre, ma question concerne le secteur agroalimentaire. Depuis deux ans, l’État a commencé à se retirer du soutien aux investissements des PME, laissant les régions cofinancer les investissements dans le cadre du plan de développement rural hexagonal, le PDRH, en complément du financement du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER.

Les crédits du Fonds d’intervention stratégique des industries agroalimentaires, le FISIAA, s’élèvent seulement à 7,5 millions d’euros en autorisations d’engagement, contre 14,5 millions d’euros en 2009. Cette coupe dans le budget est difficilement compréhensible, car la crise que traverse le secteur devrait vous inciter, au contraire, à développer des aides visant à conforter l’ensemble de la filière, donc l’industrie agroalimentaire, et à la rendre plus compétitive.

Certes, l’État est resté présent dans quelques grands projets d’entreprises en 2007 et 2008, mais sur des montants relativement faibles. En 2009, le FISIAA a été rouvert aux PME, mais sans véritables moyens complémentaires et sans cofinancements possibles avec le FEADER.

L’État est encore présent dans le domaine de la communication, comme les assises de l’agroalimentaire. Toutefois, pour tout le reste, ce sont bien les conseils régionaux, notamment, qui soutiennent la quasi-totalité des dossiers de modernisation des PME et apportent pratiquement seuls les cofinancements.

Monsieur le ministre, ma question est la suivante : le Gouvernement continuera-t-il à se désengager sur ce dossier ? Telle est l’interrogation de nombreux élus régionaux, mais également de tous ceux qui, sur les territoires, sont porteurs de projets.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Madame la sénatrice, j’apporterai deux réponses à vos interrogations.

Tout d’abord, l’avenir de l’agriculture française – cela n’a échappé à personne, mais je le redis clairement – se joue en Europe. Les crédits d’intervention dont dispose mon ministère sont de 2 milliards d’euros environ et les crédits d’intervention de l’Union européenne versés chaque année aux agriculteurs s’élèvent à près de 10 milliards d’euros…

Si nous voulons être à la tête du mouvement de modernisation de la politique agricole commune – je le souhaite et je le manifeste en organisant une réunion le 10 décembre prochain –, il faut être irréprochable sur les règles européennes : on ne peut pas vouloir prendre la tête du mouvement de modernisation de l’agriculture européenne et ne pas respecter les règles européennes.

De ce point de vue, je me félicite que le plan de 1,6 milliard d’euros ait été validé aussi rapidement par la Commission européenne. Cela résulte du travail très important que nous avons réalisé en amont avec la Commission pour nous assurer que les décisions que nous prenions étaient conformes.

Par ailleurs, je n’hésite pas à dire que la nomination de Dacian Ciolos, le nouveau commissaire européen à l’agriculture, est une bonne chose. Il connaît parfaitement les enjeux et les différentes visions de l’agriculture en Europe ; il aura à cœur de les concilier et de moderniser la politique agricole commune. Je l’ai déjà eu à plusieurs reprises au téléphone, et encore tout à l’heure. Il sera un partenaire à la fois équitable et coopératif, qualités que l’on peut attendre d’un commissaire européen.

J’ai parfaitement conscience que l’industrie agroalimentaire représente un enjeu stratégique pour la France : elle a dégagé, en 2008, près de 9 milliards d’euros d’excédent commercial. Peu d’industries en France sont capables d’avoir le même résultat.

Il faut gagner en compétitivité ; c’est pour moi un sujet de préoccupation majeure. J’ai reçu mon homologue espagnol lundi dernier. Nous avons décidé de relancer, à l’échelon européen, le groupe chargé de réfléchir au renforcement de la compétitivité des industries agroalimentaires en Europe. La France doit y participer activement, afin de prendre les décisions nécessaires pour notre industrie agroalimentaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour la réplique.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

Je souhaite insister sur la nécessité d’aider l’ensemble des acteurs d’une même filière : bien sûr, les producteurs – ce que nous faisons ; les interventions d’aujourd’hui en témoignent –, mais également les industries agroalimentaires qui, notamment dans les régions les plus agricoles, représentent la colonne vertébrale de toute l’économie. Les petites et moyennes entreprises irriguent tout le territoire et leur disparition mettrait à mal l’ensemble de l’économie des régions agricoles.

Questions-réponses-répliques
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 37 et état D

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions-réponses-répliques.

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

3 653 281 268

3 611 160 304

Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires

1 897 879 195

1 861 085 433

Forêt

366 063 456

338 799 486

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

540 536 137

561 322 475

Dont titre 2

286 620 688

286 620 688

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

848 802 480

849 952 910

Dont titre 2

689 258 419

689 258 419

Mme la présidente. L'amendement n° II-217, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

 

 

 

 

Forêt

 

 

 

 

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

Dont Titre 2

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

Dont Titre 2

 

1 082 296

883 796

 

1 082 296

883 796

TOTAL

1 082 296

1 082 296

SOLDE

- 1 082 296

- 1 082 296

 

La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Il s'agit d’un amendement technique, qui vise à tirer les conséquences d’ajustements et de transferts de compétences aux collectivités territoriales pour l’année 2010 sur les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Les crédits du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture » seraient ainsi minorés de 1 082 296 euros en raison des transferts qui sont prévus par les articles 82 et 104 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Cette minoration correspond au transfert de la rémunération d’agents des services d’aménagement foncier qui ont opté pour l’intégration ou pour le détachement dans la fonction publique territoriale, mais dont le rattachement au département n’a pu être pris en compte au moment de l’élaboration du présent projet de loi de finances, compte tenu des délais d’exercice de leur droit d’option.

Les dépenses relatives à ces transferts de personnel sont compensées par l’attribution d’une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers, votée dans le cadre de la discussion de la première partie du projet de loi de finances.

Par coordination avec le présent amendement, le plafond des autorisations d’emploi du ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche figurant à l’article 39 du projet de loi de finances pour 2010 fera l’objet d’une réduction de vingt-cinq équivalents temps plein travaillés par voie d’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances. La commission n’a pas émis d’avis particulier sur cet amendement, puisqu’il a été déposé seulement hier soir. Toutefois, à titre personnel, je suis tout à fait favorable à cette mesure de coordination, qui est neutre pour l’équilibre budgétaire.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-217.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-124 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Gouteyron, Amoudry et Carle, Mme Bruguière et MM. Huré, Faure, Juilhard, Laménie, B. Fournier et Alduy, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires

60 000 000

 

20 000 000

 

Forêt

 

 

 

 

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

Dont Titre 2

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

Dont Titre 2

 

60 000 000

 

20 000 000

TOTAL

 60 000 000

 60 000 000

20 000 000

 20 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Cet amendement vise à traduire les sentiments exprimés par plusieurs intervenants, notamment nos collègues Pierre Jarlier, Jean Boyer et d’autres membres du groupe d’études sur le développement économique de la montagne.

Des dispositions ont été adoptées en faveur de la production herbagère ; à l’époque, il fallait être courageux pour les mettre en place, et nous rendons donc hommage à M. Barnier, qui a pris ces décisions.

Toutefois, dans le présent projet de budget, les moyens financiers ne sont pas à la hauteur des objectifs fixés ; ils ne permettent pas de soutenir ceux dont les contrats arriveront à terme cette année ou les jeunes susceptibles de s’installer.

Le droit à paiement unique, ou DPU, sur les surfaces en herbe constitue une mesure positive, certes, mais il ne se substitue pas à la prime herbagère. Surtout, il nous inquiète quelque peu, d’une part, parce que le niveau de l’aide est trop faible, et, d'autre part, parce que n’y sont pas éligibles les exploitations dont le taux de chargement est inférieur à 0,5 unité de gros bétail à l’hectare, comme l’a souligné tout à l'heure notre collègue Jean Boyer dans sa question.

Certes, monsieur le ministre, vous nous avez déjà apporté un certain nombre d’éléments de réponse. En outre, je sais bien que vous ne faites pas ce que vous voulez, que vous devez respecter certaines règles et qu’il vous faut négocier avec nos partenaires, dès lors que 75 % de ces crédits sont versés par l’Union européenne – pour une fois, rendons à l’Europe ce que nous lui devons ! (Sourires.) –, dont vous avez déjà obtenu ces aides.

Cependant, nous ne voulons pas que soient créées des distorsions entre les agriculteurs. Ceux qui bénéficiaient de cette prime doivent continuer à la percevoir jusqu’en 2014 et l’entrée en vigueur de la nouvelle PAC. Il faut aussi que les jeunes souhaitant s’installer puissent toucher cette aide, qui ne doit pas disparaître quand le DPU s’appliquera, sauf si d’autres solutions sont trouvées.

Enfin, monsieur le ministre, en répondant tout à l'heure à notre collègue Pierre Jarlier, vous avez souligné, à juste titre, que ces interventions financières attestaient d’une volonté politique de maintenir une activité agricole authentique et diversifiée dans ces territoires, en particulier dans les zones de montagne, où les paysages ne pourront être sauvés et où il ne pourra y avoir de développement durable sans agriculture. Les enjeux de l’économie, de l’aménagement du territoire et du développement durable sont ici indissociables !

Nous espérons donc, monsieur le ministre, que vous nous confirmerez les intentions que vous avez exprimées. Il est capital de rassurer nos agriculteurs, en particulier ceux du Massif Central.

Mme la présidente. L'amendement n° II-133, présenté par M. Repentin, Mme Herviaux, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Fauconnier, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

60 000 000

 

 

 

Forêt

 

 

 

 

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

Dont Titre 2

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

Dont Titre 2

 

60 000 000

 

 

TOTAL

60 000 000

60 000 000

 

 

SOLDE

0

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. M. le ministre s’est longuement expliqué tout à l’heure sur ce sujet. Il s’agit de prendre en compte les conséquences d’un nouveau dispositif ; des engagements ont été pris.

Je souhaite entendre l’avis du Gouvernement sur ces amendements, mais j’imagine qu’en une demi-heure il n’aura pas changé de point de vue et que je vous demanderai donc, mes chers collègues, de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne suis pas hostile sur le fond à ces amendements, vous le comprendrez aisément.

Toutefois, je m’engage à maintenir le même dispositif d’aide jusqu’en 2014, sur la base de l’accord juridique donné par la Commission. Dans cette perspective, la loi de finances sera rectifiée en 2010, un abondement de crédits permettant alors de maintenir ces primes jusqu’en 2014.

Le Gouvernement demande donc le retrait de ces amendements, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Jacques Blanc, l'amendement n° II-124 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Blanc. Monsieur le ministre, vous venez de prendre un engagement très fort (M. le ministre acquiesce.), et c’était tout le sens de notre démarche.

Nous comptons sur vous, nous vous faisons confiance. Vous nous avez d’ailleurs donné des délais, ce qui nous permettra de rassurer les exploitants agricoles, et même le monde rural dans son ensemble, car ces aides ont des retombées importantes dans ces zones, où elles permettent de maintenir la vie.

N’oublions pas que pour être éleveur en zone de montagne, aujourd'hui, il faut bien du courage et de l’audace ! Nous devons accompagner ces agriculteurs, qui accomplissent des efforts importants. Ils sont aujourd'hui souvent traumatisés, mais nous les rassurerons grâce à cet engagement.

Je retire donc cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° II-124 rectifié est retiré.

Monsieur Sueur, l'amendement n° II-133 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Sueur. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-133.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-65, présenté par MM. César, Soulage, Pastor et Fortassin, au nom de la commission de l'économie, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes : 

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

11 250 000

 

11 250 000

 

Forêt

 

 

 

 

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

Dont Titre 2

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

Dont Titre 2

 

11 250 000

 

11 250 000

TOTAL

11 250 000

11 250 000

11 250 000

11 250 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Cet amendement, déposé par les quatre rapporteurs pour avis de la commission de l’économie, vise les crédits consacrés au plan de modernisation des bâtiments d’élevage, qui s’inscrivent en nette baisse dans le projet de budget pour 2010, et ce au moment même où la crise du lait frappe durement les exploitations.

C'est pourquoi la commission propose de diviser par deux la réduction de crédits envisagée à cette ligne budgétaire. Ainsi offrirons-nous aux éleveurs, qui croient encore en leur avenir, un soutien public important, qui leur permettra d’investir de nouveau dans les bâtiments d’élevage.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Les dispositions de cet amendement sont intéressantes. Toutefois, d’après nos évaluations, le nombre des demandes de subventions au titre du PMBE, c'est-à-dire du plan de modernisation des bâtiments d’élevage, serait en forte diminution, après une période de sollicitation assez intense.

Les 30 millions d'euros prévus dans le budget pour 2010 correspondent, selon nos estimations, au respect de la programmation pluriannuelle du dispositif. Il faut également observer que les 38 millions d'euros consacrés au plan de performance énergétique des exploitations permettront normalement aux exploitants agricoles de bénéficier d’un dispositif d’aide à l’investissement lié à la performance énergétique.

Avant de donner mon avis, je souhaiterais entendre celui du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le rapporteur pour avis, ce plan de modernisation pluriannuel répondait à une réelle nécessité. Toutefois, nous avons observé une bosse dans les statistiques de mise en œuvre de ce plan : alors que plus de 200 millions d'euros avaient été dépensés au cours des deux premières années, le nombre des demandes a connu ensuite un très net fléchissement. Nous estimons donc que les 30 millions d'euros budgétés permettront de répondre à la demande.

J’ajoute que les 38 millions d'euros du plan « Énergie » doivent également permettre de moderniser les bâtiments d’élevage.

Pour ces deux raisons, il me semble nécessaire de nous en tenir à la proposition du Gouvernement. Je demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je demande moi aussi à l’excellent rapporteur pour avis de la commission de l’économie de bien vouloir retirer son amendement, même s’il est d’une qualité exceptionnelle. (Sourires.)

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-65 est-il maintenu ?

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Je n’ignore pas que cet amendement est d’une qualité exceptionnelle. (Nouveaux sourires.) Néanmoins, compte tenu des engagements pris par M. le ministre et de la position de M. le rapporteur spécial, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° II-65 est retiré.

Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-132, présenté par M. Sueur, Mmes Herviaux et Bourzai, MM. Bourquin, Courteau, Chastan, Guillaume, Fauconnier, Peyronnet, Mazuir et Marc, Mme Blondin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

2 500 000

 

2 500 000

 

Forêt

 

 

 

 

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

Dont Titre 2

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

Dont Titre 2

 

2 500 000

 

2 500 000

TOTAL

2 500 000

2 500 000

2 500 000

2 500 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Les quatre amendements en discussion commune vont dans le même sens, me semble-t-il. J’espère donc qu’une suite favorable leur sera réservée.

De toutes parts, on affirme qu’il faut maintenir les crédits destinés aux ADASEA, parce que celles-ci constituent des outils essentiels de la politique des structures agricoles : elles aident les jeunes à s’installer, elles les accompagnent et contribuent à leur formation.

Je vous rappelle, monsieur le ministre, que vous avez subrepticement revu à la baisse vos objectifs en matière d’établissement des jeunes : alors qu’il était question, il y a encore peu de temps, de 7 000 installations, vous en évoquez à présent 6 000...

J’ai souligné tout à l'heure combien les financements permettant la transmission des exploitations étaient aujourd'hui fortement en baisse.

Or il est vraiment nécessaire d’aider les ADASEA à accomplir leurs missions, tout simplement pour lutter contre la concentration et l’agrandissement des exploitations agricoles, qui sont malheureusement des tendances naturelles dans certains secteurs. Toute la profession agricole, si j’en crois les grandes organisations nationales, considère qu’il vaut mieux aider des jeunes à s’installer de manière viable et efficace plutôt que d’augmenter les surfaces de ceux qui sont déjà établis.

Monsieur le ministre, nous vous demandons donc de prendre en considération le travail réalisé par les ADASEA ; nous pouvons témoigner de l’efficacité de leur action sur le terrain.

Mme la présidente. L'amendement n° II-125 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Gouteyron, Amoudry, Faure et Huré, Mme Bruguière et MM. Juilhard, Laménie, B. Fournier, Couderc et Alduy, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires

1 800 000

 

1 800 000

 

Forêt

 

 

 

 

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

Dont Titre 2

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

Dont Titre 2

 

1 800 000

 

1 800 000

TOTAL

1 800 000

1 800 000 

1 800 000

1 800 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Chacun reconnaît l’action positive des ADASEA, en particulier l’accompagnement des agriculteurs qui s’installent et la reconnaissance de pratiques agricoles de qualité. Peut-être existera-t-il demain un label « qualité environnementale » ou « haute qualité naturelle ».

Nous comprenons les contraintes budgétaires. Il n’en reste pas moins, monsieur le ministre, qu’il faut veiller à créer une dynamique nouvelle entre les chambres d’agriculture et les ADASEA.

Certaines chambres d’agriculture ont les moyens de faire face, et personne ne peut s’opposer à cette logique d’action partagée avec les ADASEA. En revanche, il est des chambres d’agriculture – et le sénateur de la Lozère ne peut manquer de le souligner – qui sont dans l’impossibilité totale d’apporter les financements nécessaires : alors qu’elles comptent un grand nombre d’exploitations, elles ne peuvent augmenter les cotisations, car elles sont déjà au plafond, et elles voient leur capacité de ressources complètement bloquée.

Monsieur le ministre, nous souhaitons tous que soient maintenus les crédits alloués à la mission des ADASEA. Tel est l’objet de l’ensemble de ces amendements. Mais l'amendement n° II-125 rectifié tend également à provoquer une prise de conscience des mesures qu’il convient de mettre en place afin de permettre à l’ensemble des chambres d’agriculture de remplir leurs missions vis-à-vis des ADASEA.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

Mme la présidente. Les amendements nos II-116 rectifié ter et II-155 rectifié bis sont identiques.

L'amendement n° II-116 rectifié ter est présenté par MM. Lefèvre, Frassa, P. André et Trillard, Mme Malovry, MM. Dulait, Bizet et Milon, Mme Henneron, MM. Doublet, Laurent, J.P. Fournier, Juilhard, Gouteyron, Pierre, Couderc et Chauveau, Mme Bruguière, MM. Bécot et Faure, Mmes Des Esgaulx et N. Goulet, M. de Montesquiou, Mme Papon, MM. Martin, Carle, Fouché et Lardeux, Mme Hummel, M. Pinton, Mmes Bout et Panis, M. Pointereau, Mme Troendle, M. Mayet, Mme Sittler, MM. Cléach, Beaumont, Laménie, Zocchetto et Détraigne, Mme Desmarescaux, MM. Deneux, Vasselle et Paul et Mlle Joissains.

L'amendement n° II-155 rectifié bis est présenté par MM. Mézard, Collin, Charasse, Plancade et Tropeano.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

700 000

 

 

Forêt

 

 

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

Dont Titre 2

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

Dont Titre 2

 

700 000

 

 

TOTAL

700 000 

700 000 

 

 

SOLDE

0

La parole est à Mme Catherine Troendle, pour présenter l'amendement n° II-116 rectifié ter.

Mme Catherine Troendle. Comme l’a évoqué notre collègue Antoine Lefèvre lors de son intervention dans la discussion générale, cet amendement vise à abonder de 700 000 euros les crédits affectés à l’installation agricole au bénéfice des ADASEA, ce pour les raisons qui viennent d’être évoquées.

Cet amendement, qui compte un grand nombre de cosignataires, présente l’avantage d’être plus raisonnable que les deux amendements précédents.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l'amendement n° II-155 rectifié bis.

M. Michel Charasse. Cet amendement a exactement le même objet que celui qui vient d’être présenté. Il vise à soutenir financièrement l’installation des jeunes agriculteurs en abondant de 700 000 euros les crédits prévus à cet effet, par prélèvement sur des dépenses administratives dont on nous dit qu’elles ne sont pas véritablement indispensables. Quand on modernise et informatise des services et des procédures, il faut savoir en tirer les conséquences au niveau des dépenses de fonctionnement. Si cela ne se traduit pas par des économies, ce n’est pas la peine d’engraisser les sociétés américaines d’informatique ! (Sourires.)

Par conséquent, nous proposons le transfert de ces 700 000 euros. Puisque nombreux sont les jeunes qui souhaitent se lancer dans ce métier difficile et de souffrance qu’est l’agriculture, on ne va pas les décourager ! Plus les paysans sont malheureux, plus les jeunes veulent s’installer !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Ces quatre amendements ont le même objet, mais l'amendement n° II-132 prévoit un abondement des crédits de 2,5 millions d'euros, l'amendement n° II-125 rectifié de 1,8 million d'euros, et les amendements identiques nos II-116 rectifié ter et II-155 rectifié bis de 700 000 euros.

M. le ministre s’est déjà largement exprimé sur le fond. Malheureusement, l’installation des jeunes agriculteurs a plutôt tendance à diminuer. Vouloir à tout prix augmenter les crédits sans avoir la certitude que ceux-ci seront utilisés n’est pas opportun, d’autant que, M. le ministre l’a affirmé tout à l’heure, s’il y avait un rebond d’installations de jeunes agriculteurs en cours d’année, un effort serait consenti pour faciliter leur établissement. En outre, dans le cadre de la RGPP, le rapprochement qui est souhaité entre les ADASEA et les chambres d’agriculture va dans le bon sens.

L'amendement que nous examinerons tout à l’heure et qui porte sur le financement des chambres d’agriculture s’inscrit dans cette logique. Son adoption permettra de soutenir différentes actions, notamment l’aide à l’installation des jeunes agriculteurs.

Avant de me prononcer définitivement, je souhaite connaître l’avis du Gouvernement. M. le ministre apportera sans doute des précisions.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements. Je souhaite expliquer la logique qui sous-tend cet avis.

Jean-Pierre Sueur l’a souligné, l’installation des jeunes agriculteurs reste un objectif essentiel. J’en veux pour preuve la dotation pour les prêts à l’installation des jeunes agriculteurs, qui augmente de 4,5 millions d’euros en crédits de paiement pour 2010. Le Gouvernement fait des efforts en la matière. C’est un choix clairement affirmé !

Par ailleurs, il faut garder un point de contact dans les chambres d’agriculture – je l’ai constaté dans mon département de l’Eure – pour que les jeunes agriculteurs qui souhaitent s’installer puissent disposer d’un interlocuteur qui suive leur dossier et les aide dans leurs choix. Une telle démarche prend plusieurs mois.

Cela étant, il importe d’améliorer l’organisation actuelle. Aujourd'hui, un tiers des chambres d’agriculture ont déjà opéré ce processus de rapprochement et de fusion avec les ADASEA. Il est donc possible d’agir différemment et de manière beaucoup plus efficace en économisant l’argent public.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. Par cohérence, j’annonce d’emblée que le Gouvernement émettra un avis favorable sur l’amendement que présentera tout à l’heure Gérard César et qui vise à augmenter de 1,5 % les moyens de fonctionnement des chambres d’agriculture. Mais on ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et la crémière ! (Sourires.)

M. Gérard César, rapporteur pour avis. C’est dommage ! (Rires.)

M. Bruno Le Maire, ministre. On ne peut pas augmenter le budget des chambres d’agriculture sans demander, dans le même temps, un effort de regroupement des services de celles-ci et de ceux des ADASEA afin de réduire les coûts.

De surcroît, prendre de l’argent dans le programme 215 me pose problème. Je demande énormément aux services de mon ministère. Ainsi, le 1er octobre dernier, il a été procédé au versement anticipé de 70 % des aides de la PAC, ce qui a permis un soulagement majeur pour les exploitants. Cela a exigé des traitements informatiques accélérés et un travail supplémentaire de la part des agents de mon ministère. Il m’est impossible de leur expliquer que nous sommes en période de crise, qu’ils doivent travailler plus et plus rapidement et que je retire néanmoins 2,5 millions d’euros ou 700 000 euros sur les crédits qui leur sont consacrés !

M. Michel Charasse. Mais ce n’est rien du tout 700 000 euros !

M. Bruno Le Maire, ministre. Pour répondre aux demandes qui ont été formulées et pour témoigner de l’état d’esprit constructif qui est le mien, je m’engage à prendre, pour 2010, 700 000 euros au bénéfice des ADASEA sur le programme 154, pour solde de tout compte, plutôt que sur le programme 215, au regard des efforts accomplis par les agents de mon ministère.

Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

M. Charles Gautier. Quel suspens ! (Sourires.)

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Dans la mesure où M. le ministre vient d’accepter d’accorder des crédits supplémentaires pour améliorer le fonctionnement des ADASEA, je ne puis qu’être d’accord avec lui.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Dans une vie antérieure, j’ai été président d’une chambre d’agriculture. Dans une vie plus antérieure encore, j’ai été président des jeunes agriculteurs de mon département. (Sourires.)

M. Michel Charasse. C’était il y a longtemps ! (Nouveaux sourires.)

M. Gérard César, rapporteur pour avis. J’ai été membre du centre départemental des jeunes agriculteurs et du centre national des jeunes agriculteurs.

Aujourd'hui, compte tenu des difficultés du monde agricole, il convient de rationaliser les services relatifs à l’agriculture. La dotation jeune agriculteur a été augmentée voilà plusieurs années. Il faut un rapprochement entre les chambres d’agriculture et les ADASEA afin d’offrir un meilleur service aux agriculteurs.

M. le ministre vient de prendre un engagement important. C'est la raison pour laquelle je demande le retrait de ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je tiens à saluer les efforts de M. le ministre, aidé par Françoise Férat, en matière d’enseignement agricole. La filière a été renforcée, qu’il s’agisse de l’enseignement agricole ou de la fiscalité, notamment grâce à un certain nombre d’amendements déposés par M. Gérard César dans la première partie du projet de loi de finances pour 2010.

J’en viens à l’installation des jeunes agriculteurs. Dans les contributions des jeunes agriculteurs au projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche qui doit nous être prochainement soumis, le premier point porte sur les moyens de faciliter l’installation des jeunes ; les procédures doivent être simplifiées.

La proposition que vient de formuler M. le ministre devrait satisfaire les auteurs de ces amendements et donner un signal très positif aux jeunes qui s’engagent dans cette voie difficile.

Mme la présidente. Monsieur Charasse, l'amendement n° II-155 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Michel Charasse. Les membres du groupe du RDSE, qui souhaitent une augmentation de 700 000 euros des crédits d’aides à l’installation des jeunes agriculteurs, ont proposé un amendement visant à permettre ce transfert de crédits. M. le ministre donne son accord, mais en procédant d’une autre manière. Pour ma part, je considère que les auteurs de cet amendement ont satisfaction.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Michel Charasse. Si M. le ministre nous le confirme, nous pourrons dès ce soir annoncer à celles et ceux qui nous ont saisis de cette question que 700 000 euros de moyens supplémentaires seront bien mis en œuvre dans le cadre de l’exécution du budget pour 2010. (M. le ministre acquiesce.) Dans ce cas, je retire l’amendement ! Si j’avais su, j’aurais demandé un million d'euros ! (Sourires.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-155 rectifié bis est retiré.

Monsieur Jacques Blanc, l'amendement n° II-125 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Blanc. Cet amendement visait à permettre l’échange et le dialogue, mais surtout à vous sensibiliser, monsieur le ministre. Vous avez répondu positivement. Je souhaite malgré tout que les problèmes des chambres d’agriculture qui disposent de peu de ressources soient pris en compte.

Cela étant, je retire cet amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° II-125 rectifié est retiré.

Madame Troendle, l'amendement n° II-116 rectifié ter est-il maintenu ?

Mme Catherine Troendle. La raison l’a emporté et je vous en remercie, monsieur le ministre.

Par conséquent, je retire cet amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° II-116 rectifié ter est retiré.

Monsieur Sueur, l'amendement n° II-132 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Sueur. Je salue le geste de M. le ministre. Il eût été tout aussi simple d’adopter les amendements identiques.

L'amendement n° II-132 vise à maintenir les crédits au niveau de l’année dernière, sans même tenir compte de l’inflation, afin que les moyens accordés aux ADASEA soient constants.

Pour le principe, je le maintiens, tout en soulignant le pas positif qui vient d’être franchi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-132.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-66, présenté par MM. Fortassin, César, Soulage et Pastor, au nom de la commission de l'économie, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

200 000

 

200 000

 

Forêt

 

 

 

 

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

Dont Titre 2

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture

Dont Titre 2

 

200 000

 

200 000

TOTAL

200 000

200 000

200 000

200 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission de l’économie. Cet amendement, qui a été déposé sur l’initiative de notre collègue François Fortassin, vise à abonder de 200 000 euros les crédits destinés au soutien aux associations foncières pastorales.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Les associations foncières pastorales jouent un rôle important dans certaines régions en mettant à disposition des éleveurs des terrains. La commission émet un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Là encore, j’aurais préféré que les crédits soient pris sur un autre programme. Je ne saurais trop insister sur les efforts que je demande à mon administration ! Néanmoins, convaincu par l’argumentation de M. César et étant moi-même sensible à la question des associations foncières pastorales, je donne un avis favorable.

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission de l’économie. Merci, monsieur le ministre !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-66.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

compte d’affectation spéciale : développement agricole et rural

Article 35 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Articles additionnels avant l’article 51

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », figurant à l’état D.

État D

(en euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Développement agricole et rural

114 500 000

119 500 000

Développement et transfert en agriculture

52 100 000

51 600 000

Recherche appliquée et innovation en agriculture

62 400 000

67 900 000

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. J’appelle en discussion les amendements tendant à insérer un article additionnel avant l’article 51, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Article 37 et état D
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Sécurité

Articles additionnels avant l’article 51

Mme la présidente. L'amendement n° II-64, présenté par MM. César, Soulage, Fortassin et Pastor, au nom de la commission de l'économie, est ainsi libellé :

Avant l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le II de l'article 1604 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Au titre de l'exercice budgétaire 2010, une part du produit de la taxe est reversée par les chambres départementales d'agriculture aux chambres régionales d'agriculture à hauteur de 4 % minimum de la recette fiscale totale régionale, déduction faite des versements au fonds national de péréquation des chambres d'agriculture. Cette part est portée à 7 % minimum à compter de l'exercice 2011 et 10 % minimum en 2012. »

II. - Les sixième à dernier alinéas de l'article L. 221-9 du code forestier sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« Une part du produit de la taxe perçue sur tous les immeubles classés au cadastre en nature de bois est reversée par les chambres départementales d'agriculture aux chambres régionales d'agriculture à hauteur de 33 % de la recette fiscale, déduction faite des versements au fonds national de péréquation et d'action professionnelle des chambres d'agriculture mentionnés au deuxième alinéa du présent article et à l'article L. 141-4.

« Cette part est portée à 43 % en 2011.

« Ces crédits sont affectés à la réalisation d'un plan pluriannuel régional de développement forestier établi et mis en œuvre par les acteurs de la production forestière et par les chambres d'agriculture. Le contenu de ce plan et les modalités de sa validation par l'autorité administrative sont fixés par décret. »

III. - Au deuxième alinéa de l'article L. 514-1 du code rural, après les mots : « pour 2009 » sont insérés les mots : « et pour 2010 ».

IV. - En conséquence faire précéder cet article de l'intitulé :

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission de l’économie. Nous souhaitons donner aux chambres d’agriculture les moyens d’exercer leurs missions. À cette fin, nous proposons d’augmenter de 1,5 % le taux de la taxe afférente, qui, je le rappelle, est payée par les agriculteurs. C’est une mesure très raisonnable, mais nécessaire pour tenir compte de l’inflation.

M. Michel Charasse. Pour une fois que M. César propose d’augmenter les taxes payées par les paysans ! (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Le présent amendement a un double objet.

Il s’agit, d’une part, de fixer le taux d’augmentation maximal de la taxe que chaque chambre départementale d’agriculture peut inscrire à son budget. Le dispositif tend, en fait, à reconduire le taux d’augmentation existant, qui est déjà de 1,5 %.

Il s’agit, d’autre part, d’accroître le taux de reversement du produit de la taxe aux chambres régionales d’agriculture. Le choix de le porter à 4 % en 2010, à 7 % en 2011 puis à 10 % en 2012 répond à une montée en puissance de l’échelon régional au sein des chambres d’agriculture. Le degré de mutualisation a été négocié par les professionnels et il correspond à l’approche du Gouvernement.

La commission émet un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Pour les raisons indiquées par M. César et par M. le rapporteur spécial, le Gouvernement émet un avis favorable.

Cet amendement est d’autant plus justifié que des missions nouvelles sont confiées aux chambres d’agriculture, liées au Grenelle de l’environnement ou relatives à la collecte de la taxe d’équarrissage.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-64.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 51.

L'amendement n° II-134, présenté par M. Repentin, Mme Herviaux, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Fauconnier, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Avant l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente au Parlement avant le 31 mars 2010 un rapport sur les conditions de mise en œuvre sur le territoire national de la prime à la surface herbagère et sur les conséquences de sa décision de non renouvellement des contrats de prime herbagère agroenvironnementale sur la situation économique des exploitations notamment celles situées en zones de montagne.

II. - En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé :

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Dans le cadre du bilan de santé de la politique agricole commune, le Gouvernement français a pris la décision d’augmenter les soutiens à l’élevage à l’herbe et aux zones fragiles.

Comme nous l’avons déjà vu au cours de ce débat, le Gouvernement devait d’abord prélever à cette fin 760 millions d’euros sur les aides découplées en 2010, 700 millions d’euros étant destinés à revaloriser les droits à paiement unique sur les surfaces en herbe.

Il devait également faire en sorte que l’augmentation progressive de la modulation des fonds du premier au deuxième pilier libère des moyens supplémentaires, de l’ordre de 584 millions d’euros, pour la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, soit 110 millions d’euros pour 2009 et 474 millions d’euros au total pour 2010, 2011 et 2012.

Or, monsieur le ministre, contrairement à ce qui avait été annoncé, vous avez décidé de ne plus renouveler les contrats PHAE à partir de 2010 et de les remplacer par la nouvelle prime à l’herbe, sur laquelle nous n’avons malheureusement que très peu d’informations.

C’est déjà plutôt une mauvaise nouvelle, puisque nous attendions des moyens supplémentaires.

Le remplacement de la prime herbagère agro-environnementale par cette prime à l’herbe risque, de surcroît, de désavantager les zones d’élevage extensif, notamment, mais non exclusivement, dans les départements de montagne, puisque la surface et le taux de chargement en bétail seront pris en compte.

Ainsi, on prévoirait un taux maximal pour un seuil de chargement égal ou supérieur à 0,8 unité de gros bétail par hectare sur les cinquante premiers hectares, soit 75 euros par hectare, puis un taux dégressif au-delà.

Certains départements ont déjà fait leurs comptes et estiment que l’entretien des prairies permanentes risque d’en souffrir et que l’équilibre économique de certaines exploitations pourrait être compromis.

Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé, lors de votre audition par la commission au Sénat, le 24 novembre dernier, à ce que les exploitants qui touchaient la prime herbagère agro-environnementale ne perdent pas un euro avec la nouvelle prime. Mais ce genre de promesses, comme dans le cas de la taxe professionnelle, nous laisse quelque peu méfiants…

Selon vous, monsieur le ministre, la revalorisation de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, ou ICHN, devrait, par ailleurs, permettre de maintenir les grands équilibres dans les zones de montagne.

Des doutes et des incertitudes subsistant, nous pensons qu’il serait salutaire et utile que le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur les conditions de mise en œuvre de ce nouveau paiement à l’herbe et sur les conséquences de la suppression de la prime herbagère agro-environnementale, notamment dans les zones d’élevage extensif.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Ce sujet a été évoqué à plusieurs reprises cet après-midi. Quelque bonne que soit l’intention de faire procéder à une évaluation de l’application du nouveau dispositif, il me paraît difficile et pour le moins prématuré de fixer l’échéance au 31 mars 2010, soit dans trois mois. De surcroît, nous venons de réduire les crédits de l’administration centrale du ministère.

M. Jean-Pierre Sueur. On peut sous-amender !

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Néanmoins, c’est un sujet qui mériterait d’être réexaminé lors de la discussion budgétaire de l’année prochaine. En tant que rapporteur spécial, je suis disposé à inclure les résultats d’une enquête sur pièces et sur place dans le prochain rapport de la commission des finances.

Pour l’heure, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Sur cette question sensible et importante de la PHAE, j’ai pris un engagement lourd, et les actes plaideront mieux qu’un rapport.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-134.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et des crédits du compte spécial « Développement agricole et rural ».

Sécurité

Articles additionnels avant l’article 51
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article additionnel après l'article 59 ter

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Sécurité » est dotée, pour 2010, de 16,649 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et de 16,397 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 1,3 % par rapport à 2009.

Avec 14,084 milliards d’euros, les dépenses de personnel constituent 85,9 % de ces crédits. La mission « Sécurité » est donc, avant tout, une mission de personnel, et cette caractéristique forte induit une vraie rigidité de son pilotage.

En 2009, la mission a connu une évolution importante avec le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur. Cette évolution ne remet en cause ni le statut militaire de la gendarmerie ni le dualisme policier ; elle consiste en un rattachement organique et opérationnel en vue d’améliorer l’efficacité de la politique de sécurité.

Du point de vue de la lutte contre la délinquance, un infléchissement notable de la performance doit être relevé depuis les mois de mars et d’avril 2009.

En effet, le nombre de crimes et délits constatés entre janvier 2009 et septembre 2009 a crû de 0,45 % par rapport à la même période de 2008.

Plus particulièrement, sur la même période, le nombre des atteintes volontaires à l’intégrité physique a progressé de 4,08 %. En zone police, cet indicateur s’est plus fortement dégradé, avec une augmentation de 4,61 %, qu’en zone gendarmerie, où elle a atteint 2,12 %.

Ces résultats rompent certes avec la tendance à l’amélioration continue et incontestable des résultats depuis 2002, mais il est encore trop tôt pour savoir si cette dégradation est passagère ou destinée à être durable. Les données tout récemment rendues publiques par l’Observatoire national de la délinquance, l’OND, incitent d’ailleurs à beaucoup de mesure dans le jugement.

Ainsi, en octobre 2009, la délinquance générale a de nouveau reculé, de 5,94 %, par rapport au mois d’octobre 2008, tandis que le nombre des escroqueries et des infractions économiques et financières, notamment, a chuté de 9,75 %.

Concernant cette mission, je veux une nouvelle fois souligner l’importance de la coopération internationale qu’elle sous-entend, via le service de coopération technique internationale de police, le SCTIP. Le savoir-faire, l’expérience et la maîtrise technologique des forces de sécurité françaises constituent un atout à valoriser à l’échelon international. La coopération en matière de sécurité produit non seulement des conséquences positives sur la sécurité intérieure, mais elle permet aussi de créer ou d’entretenir des relations avec des pays qui sont parfois tenus en marge des relations internationales. Il s’agit donc là d’un levier diplomatique à ne pas sous-estimer.

Le programme « Police nationale » comporte 8,915 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une hausse de 1,9 %. Ce programme enregistre une réduction de ses effectifs de 1 390 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, avec un plafond d’emplois fixé à 144 790 ETPT. Cette baisse des effectifs s’inscrit dans une programmation triennale portant sur la période 2009-2011 et prévoyant, à son terme, la suppression de 4 000 postes de policier.

Un motif de satisfaction réside dans la reprise de l’effort d’investissement au sein du programme : les crédits de paiement progressent de 5,8 % et les autorisations d’engagement enregistrent une très forte hausse, de 88,2 %.

Cette augmentation des autorisations d’engagement s’explique essentiellement par la mobilisation de 61 millions d’euros supplémentaires pour l’investissement immobilier et de 88 millions d’euros supplémentaires consacrés à la modernisation technologique de la police.

Il faut souhaiter que ces mesures soient de nature à dissiper un certain malaise au sein de la profession de policier, malaise qui s’est encore aujourd’hui même exprimé par des rassemblements syndicaux, monsieur le ministre.

Le programme « Gendarmerie nationale » est doté de 7,665 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une légère hausse de 0,7 %.

Comme la police, la gendarmerie connaîtra, en 2010, une réduction de ses effectifs : son plafond d’emplois est fixé à 98 155 ETPT, soit une baisse de 1 354 ETPT. Ici aussi, ce mouvement s’inscrit dans une programmation triennale prévoyant, à son terme, la suppression de 3 000 emplois de gendarme.

Il faut toutefois le souligner, le projet de loi de finances pour 2010 prévoit les mesures nécessaires permettant un déroulement de carrière identique pour les sous-officiers et les officiers de gendarmerie et pour les fonctionnaires des corps actifs de la police nationale.

La réalisation du plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées, le PAGRE, rénové, débouchera sur un équilibre entre la police et la gendarmerie en 2012, date de la mise en œuvre complète du protocole « corps et carrières » de la police nationale. Cette information me semble tout à fait importante.

Par ailleurs, l’opération en Afghanistan explique, pour une très large part, les surcoûts prévisionnels des opérations extérieures, les OPEX, pour la gendarmerie nationale en 2009. Alors que l’autorisation initiale de dépense était fixée à 15 millions d’euros, un surcoût de 21,7 millions d’euros est à déplorer.

En matière de sécurité, il convient de sortir des querelles sémantiques qui ont trop souvent brouillé la réflexion sur la question de la police de proximité. La récente mise en place des unités territoriales de quartier, les UTEQ, et des compagnies de sécurisation illustre une façon plus moderne d’aborder ce sujet : de manière dépassionnée et essentiellement pragmatique.

Les premiers résultats de ces unités sont d’ailleurs encourageants. À l’inverse de la police de proximité telle qu’on a pu la connaître dans sa version précédente, dont le fonctionnement induisait, en particulier, la création de locaux de police coûteux en effectifs et peu utiles au regard, notamment, du nombre de plaintes, ce nouveau mode d’action ne fige pas la capacité opérationnelle des forces de police. Il ne la disperse pas non plus ! Or la police de proximité doit avant tout être évaluée du point de vue de l’efficacité opérationnelle.

Les crédits consentis aux programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » contribueront d’autant plus à l’efficacité de nos forces de sécurité que celles-ci continueront d’avancer sur la voie de la rationalisation de leurs moyens. Je veux ici insister très fortement sur ce point. En effet, le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur ne peut en aucun cas être une fin en soi : il constitue une étape sur un chemin encore long.

Dans le cadre du rapprochement entre les deux forces, la priorité doit désormais être donnée à la chasse aux doublons. Les gains espérés du rattachement de la gendarmerie ne pourront être pleinement perçus qu’à cette seule condition, impérative.

Dans le domaine du renseignement et de la collecte de l’information, par exemple, est-il encore judicieux d’éparpiller nos moyens entre deux structures parallèles ?

De même, en matière de police scientifique et technique, est-il rationnel de conserver six laboratoires de police nationale et un laboratoire de gendarmerie nationale, l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, l’IRCGN ? Une plus grande concentration des moyens s’imposerait pourtant dans ce domaine particulièrement sensible et porteur de résultats en termes d’amélioration du taux d’élucidation des affaires.

Nos forces de sécurité s’appuient aujourd’hui sur des unités d’intervention de très haut niveau, qui ont su faire, à maintes reprises, la démonstration de leur efficacité, de leur maîtrise technique et de leur sang-froid. Mais comment justifier aujourd’hui la superposition redondante de l’unité « Recherche, assistance, intervention, dissuasion », ou RAID, et du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale, le GIGN ? Je sais que de tels propos blessent certaines oreilles, mais il faut rationnaliser l’organisation et ne pas s’attacher uniquement aux symboles !

La police et la gendarmerie ne sont pas au terme de leur processus de mutation. En aucun cas elles ne peuvent rester au milieu du gué. Le scénario souhaitable me paraît être, au minimum, une spécialisation de ces deux forces sur des secteurs géographiques et de compétences distincts : à la police, par exemple, la police judiciaire et le renseignement ; à la gendarmerie, la sécurisation des zones non urbaines et la lutte contre la délinquance routière.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je ne suis pas du tout d’accord !

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. La réflexion mérite certes d’être poursuivie, mais le statu quo n’est pas permis. Au-delà des traditions et des situations historiquement établies, il s’agit aujourd’hui d’imaginer une nouvelle étape dans la modernisation de nos forces de sécurité, de faire bouger les lignes en fonction d’une analyse précise et objective des besoins et, finalement, de concevoir une gendarmerie encore plus efficace dans des missions repensées.

En conclusion, la commission des finances propose au Sénat l’adoption des crédits proposés pour la mission « Sécurité » et pour chacun de ses deux programmes. (M. le président de la commission des finances applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois, en remplacement de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, en remplacement de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Sécurité » seront encadrés en 2010, comme ils l’étaient déjà en 2009, par trois textes : la loi de programmation des finances publiques, qui tend à plafonner, à l’horizon de 2011, les dotations en autorisations d’engagement et en crédits de paiement de la mission ; la révision générale des politiques publiques, la RGPP, qui implique une participation de l’ensemble des services de l’État à l’objectif de maîtrise des dépenses publiques ; le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit LOPPSI.

Monsieur le ministre, ce dernier texte, qui encadre les moyens de la sécurité intérieure pour la période 2009-2013, a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 27 mai 2009, mais n’a toujours pas été inscrit à l’ordre du jour ! Pourtant, 2010 est sa deuxième année d’exécution et une partie importante des crédits d’investissement de cet exercice est adossée à ce projet de loi.

Le projet annuel de performance du budget pour 2010 renvoie ainsi à de nombreuses reprises à un texte que nous sommes encore loin de connaître sous sa forme définitive. Je sais que vous n’y êtes pour rien, monsieur le ministre, mais il serait fort souhaitable qu’il puisse être enfin examiné par le Parlement le plus rapidement possible. Sinon, il faudra élaborer un nouveau texte !

Les crédits de la mission ayant déjà été exposés, j’insisterai sur trois points particuliers.

Tout d’abord, le contexte actuel de contrainte budgétaire implique, pour maintenir de bons résultats, davantage d’efficacité encore dans l’action des forces de l’ordre. Cela passe nécessairement par une collaboration plus approfondie entre la gendarmerie et la police. À cet égard, il ne me semble pas souhaitable, je tiens à le dire, d’aller au-delà de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale, qui est un texte d’équilibre. Pour ma part, monsieur le rapporteur spécial, je m’oppose à ce qu’il y ait une seule force de police judiciaire. Cela ne me semble pas correspondre à la volonté du Gouvernement et du Parlement. (M. Jean Faure, rapporteur pour avis, applaudit.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La loi de finances de 2009 et la loi du 3 août 2009 ont organisé le rattachement budgétaire, organique et fonctionnel de la gendarmerie nationale au ministre de l’intérieur. La coopération passe déjà par une mutualisation de plus en plus poussée des moyens.

Cependant, comme j’ai pu le constater, il existe encore des incompréhensions entre policiers et gendarmes sur le rapprochement qui est en train de s’opérer. Regrouper, comme vous envisagez de le faire, monsieur le ministre, les forces d’intervention de la police nationale serait déjà un grand progrès.

Tout en allant plus loin dans la coopération sur le terrain, il conviendra donc de poser clairement les limites du rapprochement, afin qu’aucune des deux forces ne se sente menacée dans sa spécificité.

Par ailleurs, je voudrais insister sur la nécessité d’une amélioration des outils technologiques dont disposent la police et la gendarmerie pour lutter contre la délinquance.

Le constat en a été fait : la période de janvier à septembre 2009 a été marquée par une légère augmentation des faits de délinquance – la situation s’est toutefois améliorée depuis – et la délinquance de proximité a également cessé de baisser cette même année.

Cette stabilisation n’est pas particulièrement étonnante, tant la baisse a été forte au cours des dernières années. Néanmoins, il faut y voir le signe qu’il est nécessaire de poursuivre dans la voie de la modernisation des moyens employés par la police et la gendarmerie. M. Courtois met l’accent sur le recours aux moyens modernes, notamment l’utilisation des empreintes digitales et des empreintes génétiques, pour améliorer le taux d’élucidation des délits et des crimes.

Bien entendu, une telle évolution implique davantage de moyens. Il convient d’explorer la possibilité d’instaurer une taxe sur les assurances, qui permettrait à la police scientifique et technique, lorsqu’elle retrouve le butin d’un cambriolage, par exemple, de récupérer une partie de la somme que les assurances, sans son intervention, auraient eu à débourser. Comme M. Courtois a pu le constater, les compagnies d’assurances elles-mêmes ne sont pas hostiles à cette idée. Un tel dispositif pourrait-il être prochainement élaboré, monsieur le ministre ?

Je voudrais enfin évoquer la vidéosurveillance. Comme le montre le rapport d’information élaboré par MM. Jean-Patrick Courtois et Charles Gautier, la vidéosurveillance a trop souvent été développée de manière empirique, voire anarchique, sans réflexion approfondie sur son utilisation et sans que les images filmées soient suffisamment exploitées dans des procédures judiciaires.

C’est pourquoi je note avec satisfaction que les futures mises en œuvre de cette technologie s’appuieront sur des principes de bon sens, tels qu’un maillage suffisant du territoire surveillé et une liaison systématique avec les forces de l’ordre. Seront ainsi déployés, en 2010, soixante-quinze systèmes municipaux « types » de vidéosurveillance urbaine, raccordés à des centres de supervision eux-mêmes reliés au commissariat ou à la gendarmerie.

Le rapport précité concluait également à la nécessité d’informer davantage le public de l’existence des systèmes de vidéosurveillance, afin que le contrôle démocratique indispensable à la préservation des libertés publiques puisse s’exercer.

Il préconisait, enfin, de confier à la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la mission d’autoriser et de contrôler l’ensemble de ces systèmes. Le rapport d’information de M. Yves Détraigne et de Mme Anne-Marie Escoffier sur la vie privée et les mémoires numériques a également repris cette préconisation. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, de quelle manière il sera tenu compte de ces recommandations ?

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Faure, rapporteur pour avis.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir perdu 1 200 emplois en 2009, la gendarmerie devrait encore en perdre 1 300 en 2010, par la stricte application de la révision générale des politiques publiques. Cette évolution nous inquiète pour le maillage du territoire, qui nous paraît essentiel, et certains d’entre nous se sont déjà fait l’écho de réductions d’effectifs ou de menaces de fermeture de brigades. Il ne faudrait pas mettre en péril l’équilibre actuel, même si nous ne nous opposons nullement à la RGPP.

En ce qui concerne la participation de la gendarmerie aux opérations extérieures, les OPEX, il est de tradition d’inscrire au budget des sommes qui ne correspondent pas à la réalité des dépenses, monsieur le ministre. Les effectifs concernés sont nombreux : actuellement, près de 430 gendarmes français participent à des OPEX, notamment dans les Balkans, en Afrique ou en Géorgie. De plus, 150 gendarmes vont partir en Afghanistan. Or, 15 millions d’euros de crédits sont prévus au titre des OPEX, et l’on sait très bien que cette dotation sera tout à fait insuffisante pour couvrir les dépenses. En effet, pour la seule mission en Afghanistan, on prévoit déjà un surcoût de 15 millions d’euros en 2009 et de 12 millions d’euros en 2010. Faute de financement suffisant, ces crédits seront prélevés sur d’autres postes, par redéploiements.

Je considère donc, monsieur le ministre, qu’il serait souhaitable de mieux évaluer le coût prévisible des OPEX et, en cas de dépassement, de les financer sur un fonds interministériel, à l’image de ce qui est prévu pour les armées.

Enfin, j’évoquerai la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane. J’ai eu la chance d’effectuer un « stage d’immersion » d’une semaine dans ce département français grand comme le Portugal ou le Népal, recouvert à 96 % par la forêt amazonienne et qui accueille la base spatiale de Kourou. Les quelque 900 gendarmes présents sur place accomplissent un travail colossal. Je tiens à saluer leur dévouement, leur humanisme et leur compétence, d’autant que les moyens dont ils disposent ne me semblent pas être à la mesure de leur mission.

Si l’opération « Harpie » a donné des résultats, on ne détruit qu’une dizaine de sites d’orpaillage illégaux par an alors que 800 ont été dénombrés. De plus, les orpailleurs illégaux reviennent quelques jours après avoir été chassés. Un véritable problème de souveraineté se pose donc, et le retrait des 350 soldats chargés d’accompagner la mission « Harpie » et de participer à la surveillance de la base de Kourou constituerait à mon sens un signal très négatif.

Je terminerai en exprimant mon désaccord avec certaines des conclusions de M. de Montesquiou. Si j’approuve pleinement votre jugement sur les crédits, mon cher collègue, votre analyse me paraît ne pas tenir compte de tout le travail accompli par le Sénat lors de l’élaboration de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale. L’encre de ce texte n’est pas encore sèche que déjà sont remises en cause un certain nombre des dispositions que nous avions réussi à imposer, notamment au travers de l’adoption ou de la reprise des dix-huit amendements qu’avait déposés la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Certes, vous avez raison de dénoncer les doublons, mais l’exercice a ses limites : à force d’en voir partout, on pourrait en venir à remettre en cause le bicaméralisme ! Il faut savoir que la démocratie a un prix et qu’il est très important d’avoir une force de sécurité à statut militaire et une force de sécurité à statut civil. La gendarmerie ne doit pas être cantonnée à sanctionner les excès de vitesse : l’exercice de la police judiciaire, qui a toujours fait partie de ses missions, doit lui être conservé. Une authentique démocratie doit laisser à l’autorité judiciaire le libre choix entre deux services ! (Applaudissements au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année encore, le budget de la sécurité n’augmente pas.

Même si les rapporteurs pour avis se félicitent de la légère hausse du budget de la mission «  Sécurité », ils reconnaissent néanmoins qu’elle est absorbée immédiatement par l’augmentation du poste des pensions, étant donné le nombre important de policiers partant à la retraite. Certes, l’année qui vient de s’écouler appartient à une période de crise, mais la prévention de la délinquance et la sécurité relèvent essentiellement de politiques de long terme, pour lesquelles les efforts consentis ne devraient pas faiblir.

J’avais tenté de démontrer, lors de l’examen du projet de budget pour 2009 de la mission « Sécurité », pourquoi cette politique n’était plus une priorité pour le Gouvernement. Il apparaît aujourd’hui clairement qu’il en va de même cette année. Malgré les annonces du Gouvernement et du Président de la République, l’État ne manifeste pas de réelle volonté politique d’assurer la sécurité des Français dans les années à venir.

Cette année encore, le Gouvernement se félicite de la suppression de postes de policier et de gendarme, alors que les chiffres de la délinquance ne montrent aucune amélioration de la situation.

S’il est déjà paradoxal de réduire les effectifs des forces de l’ordre tandis que les chiffres de la délinquance tendent à augmenter – je ne reviendrai pas sur l’éternel débat de la véracité des chiffres –, il est surtout assez incompréhensible que cette réduction des effectifs intervienne alors que de nouvelles missions sont attribuées aux forces de l’ordre !

Ainsi, prenons l’exemple des unités territoriales de quartier : si nous nous félicitons de ce que, après avoir supprimé la police de proximité, vous la rétablissiez sous une autre dénomination, il est curieux de le faire dans un contexte de réduction des effectifs !

Mais par-dessus tout, monsieur le ministre, les fonctionnaires de police souffrent, ce qui les amène à descendre dans la rue, comme hier à Toulouse et aujourd’hui dans toute la France.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. C’est le fait d’un seul syndicat…

M. Charles Gautier. Ils vous disent régulièrement le malaise qu’ils ressentent au quotidien. Ils nous alertent nous aussi, parlementaires !

Les policiers en ont assez de la politique du chiffre – ils parlent d’ailleurs de « bâtonite » ! Cela pourrait prêter à sourire si le sujet n’était aussi grave. De plus en plus de fonctionnaires s’interrogent sur leur utilité sociale et sur la manière dont on leur demande d’accomplir leurs missions. Ils déplorent la logique de production imposée depuis sept ans, qui laisse très peu de temps à l’investigation, creuse le fossé avec la population et finit même par saper l’efficacité des services de police. En 2010, les policiers devront continuer à faire toujours plus avec moins d’effectifs, pour gagner la même chose, contrairement à ce qui avait été promis…

La situation est alarmante. Cette année encore, le projet de budget qui nous est soumis nie, dans sa présentation, l’existence du Parlement. En effet, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure est censé encadrer les moyens alloués à la sécurité intérieure pour la période 2009-2013. Or ce texte n’a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale que le 27 mai dernier et, qui pis est, il n’a même pas encore été inscrit à l’ordre du jour ! Nous devons donc nous prononcer sur la deuxième année d’exercice d’un projet de loi qui n’a pas encore été adopté par le Parlement ! Cette absurdité est assez révélatrice de la façon dont le Gouvernement considère les travaux des parlementaires !

Cette année encore, le Gouvernement se repose sur la bonne volonté des maires des communes les plus défavorisées, qui doivent faire face au quotidien aux violences. Les élus locaux sont de plus en plus seuls face aux citoyens qui les sollicitent sur ces questions. Les maires sont les pivots des politiques de prévention de la délinquance, et vous avez renforcé leur rôle en la matière. Lorsqu’ils constatent que les effectifs de police sont insuffisants, ils créent une police municipale !

À cet égard, les chiffres sont éloquents : en 2008, les forces de l’ordre ont perdu 6 000 agents ; dans le même temps, les communes se sont dotées de 6 000 agents affectés à la sécurité publique… Vous pouvez bien vous féliciter de la meilleure répartition des effectifs sur le territoire : dans les faits, ce sont les municipalités qui subissent les baisses d’effectifs qui sont obligées de pallier les carences de l’État. En cette période de réforme des collectivités territoriales, ces chiffres sont tout à fait frappants !

Et c’est aussi vrai pour la vidéosurveillance ! Les élus répondent à la pression du Gouvernement, qui présente la vidéosurveillance comme l’outil magique en matière de sécurité. Ils se dotent donc de tels systèmes, mais qui les finance ? Certes, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD, va encore servir à 80 %, comme l’année passée, à financer ces installations, bien qu’il ait été créé à d’autres fins, désormais négligées ! Mais qui financera l’entretien du matériel ? Qui financera les emplois qui doivent nécessairement accompagner la mise en place de la vidéosurveillance ? Là encore, les collectivités locales financent des politiques essentielles pour les citoyens, mais dont l’État se désengage presque totalement !

Le Gouvernement continue d’annoncer la multiplication du nombre de caméras de vidéosurveillance, le Président de la République s’étant exprimé en ces termes le 24 novembre dernier : « Le ministre de l’intérieur a prévu, et je le soutiens totalement, […] que si un maire refuse l’installation de vidéosurveillance sur son territoire, le préfet puisse se substituer à ce maire. »

La question n’est plus, aujourd’hui, de savoir si l’on est pour ou contre la vidéosurveillance, mais de savoir comment nous la mettons en œuvre en France.

Plusieurs études montrent que c’est non pas le nombre de caméras qui assure son efficacité, mais l’intelligence des systèmes mis en place.

Le rapport d’information que M. Courtois et moi-même avons rédigé démontre aussi que l’encadrement juridique actuel de la vidéosurveillance est totalement désuet. Il est donc urgent, avant de pousser les élus locaux à se doter de systèmes de vidéosurveillance, de réformer les textes afin de garantir tous les droits de nos concitoyens.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, notre groupe est en désaccord avec vos orientations politiques en matière de sécurité et votera donc contre les crédits de la mission « Sécurité ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Sécurité » est en hausse, avec 16,6 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 16,3 milliards d’euros de crédits de paiement.

Si l’on ne constate pas la baisse de la délinquance que vous ne cessez de mettre en avant et qui est l’objectif premier de cette mission, monsieur le ministre, on observe en revanche une forte baisse des effectifs de policiers.

Aujourd’hui, chose suffisamment rare pour être relevée, les policiers manifestent dans plusieurs grandes villes de notre pays : c’est dire l’ampleur de leur mécontentement ! Ils expriment ainsi leur colère d’être sacrifiés sur l’autel de la RGPP et des réductions d’effectifs qui l’accompagnent, mais ils manifestent aussi pour dire qu’ils refusent votre politique du chiffre qui transforme le policier en « un robot qui doit placer en garde à vue et verbaliser de manière automatique », selon les mots de M. Nicolas Comte, secrétaire général du premier syndicat de gardiens de la paix.

Ainsi, votre projet de budget prévoit la suppression de 1 390 équivalents temps plein travaillé dans la police nationale et de 1 354 dans la gendarmerie nationale. Or, comme vous le dites, monsieur le ministre, malgré la baisse des effectifs, les dépenses de personnel augmentent encore. De nouvelles suppressions d’emplois sont donc à attendre pour l’année prochaine…

En effet, la baisse des effectifs s’inscrit dans un processus triennal qui vise à supprimer environ 4 000 ETPT de policier, en particulier dans le corps d’encadrement et d’application, et 3 000 de gendarme, essentiellement parmi les sous-officiers.

Nous allons d’ailleurs nous prononcer sur des crédits qui vont servir à l’application de la LOPPSI 2, alors même que ce texte n’a pas été examiné par les assemblées, ce qui montre au passage votre profond attachement aux prérogatives du Parlement, que vous avez prétendument renforcées.

Vous avez donc pour objectif d’améliorer la productivité des policiers, mais même le syndicat Alliance a dénoncé cette politique du chiffre, qu’il juge, fort justement, contre-productive. Votre politique visant à « faire mieux pour moins cher » ne peut réussir en supprimant massivement les postes.

Or, lorsque vous mettez en avant l’objectif de mutualisation des structures et des formations, la politique d’achats groupés, le regroupement des fichiers, c’est bien vers une réduction des moyens offerts aux forces de l’ordre que l’on s’achemine.

Il est ainsi incroyable que votre budget, qui suit donc le plan triennal de réduction des effectifs, supprime tous les emplois créés à la suite de la LOPSI 1 : le manque de cohérence est flagrant.

Comment pouvez-vous, dans ces conditions, prétendre faire durablement baisser la délinquance et renforcer la lutte contre les violences aux personnes, ainsi que contre le phénomène des bandes ?

S’agissant de l’extension de l’utilisation de la vidéosurveillance – pudiquement appelée « vidéo-protection » –, qui serait, selon certains, une « technique d’avenir », le projet de budget prévoit notamment l’installation de 1 200 caméras dans Paris, pour un coût de 120 millions d’euros. À mon avis, monsieur le ministre, vous devriez écouter les critiques que formulent ceux qui ont expérimenté la vidéosurveillance, en particulier les policiers britanniques, qui soulignent son inefficacité !

Votre projet de budget, qui fait une grande place à l’utilisation de la technologie, néglige le contact avec la population, alors même que celui-ci est essentiel pour trouver des remèdes durables – mais encore faut-il en avoir la volonté – aux problèmes liés à la délinquance.

Dans cette optique, le développement d’une police de quartier, proche des préoccupations des populations, doit prévaloir sur l’organisation occasionnelle d’opérations « coup de poing », largement médiatisées mais qui se révèlent inefficaces dans la durée.

Je profite de cette occasion, monsieur le ministre, pour vous demander où en est la mise en place de la police d’agglomération parisienne. Pouvez-vous nous donner quelques précisions sur ses missions, notamment en matière de lutte contre les trafics de drogue, sur le territoire dont elle a désormais la charge ?

La police technique et scientifique est le seul secteur qui voie ses effectifs augmenter, avec 249 ETPT supplémentaires. À première vue, cela peut paraître une bonne chose, à ceci près que cette augmentation d’effectifs aura manifestement pour conséquence un développement des fichiers d’identification, y compris pour lutter contre la petite et moyenne délinquance. Des dérives pouvant porter atteinte aux libertés individuelles sont donc à craindre.

L’autre nouvelle « grande idée » est l’instauration d’un couvre-feu pour les mineurs délinquants de moins de treize ans, alors même que de nombreux tribunaux administratifs ont invalidé les arrêtés municipaux instituant un couvre-feu pour les mineurs.

Nous voici donc devant un exemple typique de votre politique de pur affichage pour occuper le terrain sécuritaire ! Si elle devait être adoptée, cette idée, vous le savez, serait inapplicable. Surtout, elle aurait pour conséquence, sur le terrain, de détourner les policiers de tâches plus importantes, alors même qu’ils ont déjà reçu pour mission prioritaire, de votre part, de faire la chasse aux étrangers et aux sans-papiers. En détournant la police de ses missions premières, c’est vous, monsieur le ministre, qui permettez la hausse de la délinquance !

Vous continuez ainsi votre offensive sur le terrain sécuritaire avec des propositions qui remettent en cause les libertés publiques, mais n’apportent rien sur le plan de la lutte contre la délinquance. D’ailleurs, les chiffres que vous avancez pour démontrer une baisse de la délinquance nous laissent aussi dubitatifs que nombre de magistrats et de policiers.

On est donc en droit de s’inquiéter lorsque l’on vous entend dire, monsieur le ministre, que vous reportez l’examen de la LOPPSI 2 pour « la muscler dans sa partie normative »…

La délinquance trouve ses racines dans les difficultés sociales et économiques que nos concitoyens endurent. Or vous ne faites rien pour remédier à ces difficultés. Bien au contraire, votre politique détruit le lien social et le désengagement de l’État dans tous les secteurs de la vie quotidienne en est devenu le symbole. Surtout, elle ne cesse d’aggraver les inégalités, en favorisant les plus riches.

Bien sûr, nous n’excusons pas les délinquants, mais, pour traquer la délinquance, il faut d’abord, nous semble-t-il, en définir les causes et s’y attaquer. Puisque vous faites fi d’une telle démarche, votre politique, dont ce projet de budget est une illustration, ne pourra qu’échouer. C’est pourquoi, sans grande surprise, notre groupe votera contre les crédits alloués à la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Sécurité », cela ne fait nul doute, est au cœur des problématiques de société les plus actuelles, non pas seulement sur notre territoire, mais aussi, de façon plus large et plus globale, bien au-delà des frontières européennes. Chaque pays cherche à appliquer à ces phénomènes, avec sa culture, ses traditions, ses appareils juridiques, sa propre conception de la sécurité.

Je voudrais pouvoir me féliciter de l’application, au pays des droits de l’homme, d’une politique équilibrée, généreuse, forte des valeurs de respect de la dignité de tout un chacun. Ce vœu me paraît être pleinement partagé, mais sa mise en œuvre trouve des voies divergentes.

En premier lieu, je veux relever, monsieur le ministre, la détermination de votre administration à donner une meilleure cohérence et, dès lors, une meilleure efficience aux structures.

La fusion entre la Direction de la surveillance du territoire et les Renseignements généraux, par exemple, est effective à l’échelon central, même si, dans les départements et les régions, il semble bien que chacun cherche encore à définir son nouveau cœur de métier.

Le rapprochement – vous m’aviez reprise, monsieur le ministre, lorsque j’avais utilisé de façon erronée le mot « fusion » – entre police et gendarmerie s’est opéré sans grand retentissement. Il est vrai que la police et la gendarmerie avaient pris, depuis plusieurs années déjà, l’habitude de mieux coopérer, selon une meilleure complémentarité, dans leurs domaines communs d’intervention. La loi du 3 août dernier, dont on peut regretter la promulgation tardive, ne faisait en fait que rendre effectives les mesures arrêtées dans la loi de finances de 2009.

La réorganisation en cours des structures de police à Paris et dans les départements de la petite couronne vient conclure une réflexion depuis longtemps engagée et qui a pour mérite de s’adapter aux nouvelles modalités de la délinquance.

Comment ne pas se satisfaire, également, du retour de ce que l’on appelait, dans les années 1997-2002, la police de proximité, et qui a été rebaptisée « unités territoriales de quartier » ? Aujourd'hui comme hier, les policiers affectés à ces entités ont pour mission de développer la connaissance des quartiers et de leur population, et de créer des liens de confiance.

En deuxième lieu, je voudrais saluer les efforts faits par votre ministère pour donner, tant à la police qu’à la gendarmerie, les moyens techniques modernes nécessaires pour assurer leurs missions : développement de la vidéosurveillance, équipement des voitures de patrouille pour participer à la lutte contre la criminalité routière, amélioration des capacités d’investigation par l’utilisation de nouvelles technologies, renouvellement du parc automobile et du parc de motos… Autant d’outils qui améliorent le fonctionnement des services, mais aussi qui se voient et donnent une meilleure image de la police à l’extérieur.

Mais, en troisième lieu – il faut bien, monsieur le ministre, que j’en vienne à ce « mais » –, le budget de la mission « Sécurité » est-il à la hauteur de vos ambitions ?

Je mesure pleinement les contorsions auxquelles donne lieu l’élaboration du budget de l’État et j’imagine qu’aucun ministre n’accepte de gaité de cœur de voir brider ses moyens : tous les domaines sont essentiels pour le développement harmonieux de notre territoire. C’est notamment le cas de la sécurité, mais l’augmentation de 1,3 % des crédits de paiement qui y sont affectés par rapport à l’exercice 2009 est bien faible rapportée à des projets qui impliquent, avant tout, la mobilisation des hommes.

Tout d’abord, comment concilier le principe de réduction des effectifs inscrit dans la RGPP avec la nécessité de déployer, dans le même temps, des moyens nouveaux pour faire fonctionner les unités territoriales de quartier, les compagnies de sécurisation des banlieues, la nouvelle police d’agglomération, les brigades de protection des familles ? Dans ce contexte, la suppression de plus de 2 600 emplois de policier ou de gendarme est très durement ressentie au sein des services.

Ensuite, ces projets nécessitent le développement de tous les moyens technologiques adaptés aux nouvelles formes de délinquance. Le déploiement du réseau de radiocommunication ACROPOL, qui a connu bien des vicissitudes, arrive à cet égard fort opportunément, moyennant 8 millions d'euros supplémentaires. C’est l’outil incontournable pour permettre à la police et à la gendarmerie, mais aussi aux services départementaux d’incendie et de secours et aux services d’aide médicale urgente, de bénéficier d’un degré de sécurisation optimal de leurs moyens de communication.

Les services de police ne disposent pas encore des moyens embarqués leur permettant de consulter efficacement les fichiers des contrevenants aux règles de la sécurité routière. Pourtant, les atteintes à cette sécurité-là constituent bien un des plus grands fléaux pour notre pays.

Parmi les nouvelles formes de délinquance, je ne voudrais pas manquer de citer la cybercriminalité.

Police et gendarmerie ont créé des services d’enquête adaptés à la traque des dévoiements de l’utilisation d’internet, outil dont on ne saurait nier l’intérêt. Mais, pour faire rendre raison à d’ingénieux criminels qui détournent l’outil informatique de sa vocation, il faut des hommes formés, ingénieux eux aussi et dotés de moyens performants. Quels moyens ont été réservés à cette mission, monsieur le ministre ?

Je pourrais bien entendu allonger la liste des domaines dans lesquels les besoins de financement sont criants, mais je suis sûre que vous disposez déjà de cette liste, sur laquelle vous avez dû cocher des priorités, « au cas où », et que vous saurez défendre vos ambitions.

Je voudrais, en dernier lieu, évoquer non pas tant des chiffres que des comportements, des habitudes de gestion, des modes de réflexion, et en particulier l’utilisation des statistiques. Qui pourrait nier que l’on fait dire aux statistiques ce que l’on veut, comme on le veut et quand on le veut ? Sur ce point, les statistiques de la délinquance sont éclairantes. La façon dont on « entre » les données, l’interprétation que l’on donne des notions de « fait constaté » et de « fait élucidé », l’importance accordée aux diverses catégories d’infractions, les outils statistiques utilisés, qu’ils appartiennent à la police ou à la gendarmerie : autant d’éléments qui peuvent jeter la suspicion sur les résultats présentés.

Je ne peux donc que me féliciter de ce que la collecte, la mise en cohérence et l’harmonisation des statistiques de la délinquance aient été confiées à l’Observatoire national de la délinquance. Je ne peux que me féliciter, également, de la volonté de cet observatoire de partager et d’échanger les analyses avec les autres administrations de l’État, en particulier l’éducation nationale. Je me demande, néanmoins, s’il n’y aurait pas intérêt à donner à cet instrument d’analyse un véritable statut indépendant, qui le mettrait à l’abri des critiques.

Les fichiers sont une autre source de préoccupation. Certes, ce thème est récurrent, mais il faut bien admettre que depuis l’affaire du trop fameux fichier EDVIGE, la vigilance est de mise. Nous sommes tous attachés à notre sécurité, mais aussi à notre liberté ; d’où les débats sur la vidéosurveillance, opportunément rebaptisée « vidéo-protection ». La multiplication des fichiers de police pose problème : ils étaient au nombre de cinquante-huit, l’an dernier ; on en compte sans doute soixante aujourd’hui. Ces fichiers, nous les voudrions tous nécessaires, tous opérants, mais pas tous interopérables ! C’est la raison pour laquelle nous sommes nombreux à nous interroger sur les protections juridiques à mettre en œuvre avant toute création de fichier. Je sais que ce problème fait aujourd’hui débat, et je suis de celles et de ceux qui souhaitent ardemment que l’on sorte d’un flou nuisible aux valeurs républicaines de liberté et de justice. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, le groupe RDSE, particulièrement attaché à ces valeurs, n’ignore pas pour autant les contraintes et les contradictions auxquelles vous être confronté. Nous aurions tous souhaité un meilleur budget, qui soit à la hauteur de l’estime et du respect que nous portons aux personnels placés sous votre autorité. Certains d’entre nous s’abstiendront pour exprimer leur insatisfaction, d’autres n’approuveront pas les crédits pour dire leur déception. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à associer à mes propos M. Antoine Lefèvre, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence.

Je souhaite tout d’abord saluer le travail des trois rapporteurs et de M. le président de la commission des lois, ainsi que celui de l’ensemble des gendarmes et des policiers, dont les missions sont de plus en plus difficiles. Ces professionnels assurent au quotidien, avec dévouement et courage, souvent au péril de leur vie, la sécurité des personnes et des biens.

Le nombre des gendarmes et des policiers décédés en mission ne peut que nous interpeller. Ainsi, dans mon département des Ardennes, deux motards de la gendarmerie ont trouvé la mort, en 2007 et 2008, à cause de l’irresponsabilité et de l’inconscience de certains individus. Avant-hier, deux gendarmes ardennais de l’escadron de Vouziers ont été grièvement blessés au cours d’une mission à Mayotte. Incontestablement, l’aspect humain doit être privilégié, en insistant sur le respect et la reconnaissance dus à ceux qui se mettent au service des autres, de la collectivité tout entière.

L’examen des crédits de la mission « Sécurité » est pour nous l’occasion de constater que les engagements pris par le Président de la République alors qu’il était encore ministre de l’intérieur sont tenus. Nous nous approchons concrètement de cette sécurité durable que les Français ont appelée de leurs vœux lors de l’élection présidentielle.

Grâce à votre détermination, monsieur le ministre, la délinquance a diminué, au mois d’octobre 2009, de 6,21 % par rapport à octobre 2008. Mais si les chiffres sont résolument encourageants, si les choses vont mieux, nous avons encore du chemin à parcourir pour garantir une vie paisible et tranquille à tous les honnêtes gens dans nos villes, dans nos quartiers et dans nos campagnes.

Le projet de budget pour 2010 atteste que la sécurité est toujours une priorité de l’action gouvernementale, puisque plus de 16 milliards d’euros sont prévus pour financer cette mission budgétaire qui regroupe les crédits de la police et de la gendarmerie nationales.

Le projet de budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, est équilibré. Tout en augmentant les autorisations d’engagement de 3,29 %, vous avez su vous adapter à un contexte budgétaire difficile. Avec la crise sans précédent que nous connaissons, l’effort de rigueur doit être partagé par tous. Aussi les objectifs prioritaires sont-ils la réorganisation et la mutualisation des moyens, dans la perspective d’une optimisation de la dépense publique.

Ce projet de budget témoigne, en effet, de votre volonté de participer pleinement à la révision générale des politiques publiques et de votre engagement dans la dynamique du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, qui se traduit par la suppression de 2 632 postes cette année. Malgré cela, le nombre de recrutements demeure particulièrement satisfaisant en 2009, avec 4 400 emplois, dont 900 de cadet.

Ainsi, sans jamais affecter la capacité des forces de l’ordre, ce projet de budget répond à l’objectif essentiel de faire mieux à moindre coût. Force est de constater que les représentants de l’ordre l’ont bien compris, les syndicats de la police nationale étant globalement satisfaits. (M. Charles Gautier sourit.)

Ce projet de budget de la sécurité pour 2010 est bon, monsieur le ministre, car il vous donnera les moyens d’atteindre l’objectif que vous vous êtes assigné : garantir la sécurité partout et pour tous.

Votre politique de sécurité intérieure a pour ambition de faire reculer durablement toutes les formes de délinquance et de criminalité. Pour cela, elle tend à renforcer la lutte contre les violences faites aux personnes, notamment les violences intrafamiliales ou en milieu scolaire, ainsi que celles commises par les bandes, visées par la proposition de loi de M. Christian Estrosi que nous venons d’adopter.

Votre politique, par ailleurs, a pour objet de mieux réprimer les dégradations de biens, les cambriolages, les trafics de drogue, et de mieux prévenir l’insécurité routière, qui demeure un véritable fléau.

Votre projet de budget dote notre pays des moyens humains, de fonctionnement et d’équipement nécessaires pour lutter contre ces formes de violences.

La première ambition est d’amorcer les évolutions envisagées dans le cadre de la LOPPSI 2, qui est centrée sur la recherche de la performance.

Les moyens alloués à la sécurité, grâce à la LOPSI 1, adoptée le 29 août 2002, ont permis sur le terrain une réussite incontestable en matière de lutte contre la délinquance. Les objectifs quantitatifs de la LOPSI 1 ayant été remplis, il est donc légitime qu’ils cèdent désormais la place aux objectifs plus qualitatifs prévus dans le cadre de la LOPPSI 2. Le groupe UMP se réjouit de la présentation prochaine de ce nouveau projet de loi d’orientation et de programmation, qui mettra l’accent sur la modernisation, la mutualisation et le management, avec une dotation de 2,5 milliards d’euros.

La seconde ambition est de poursuivre les efforts engagés en termes de modernisation de la sécurité intérieure.

Nous nous félicitons du recours intensif aux nouvelles technologies, qui permettra de renforcer l’efficacité des forces de sécurité. Les systèmes d’information et de communication doivent être améliorés en permanence pour répondre aux performances croissantes des criminels, comme l’a rappelé Mme Escoffier.

À cet égard, le programme de développement accéléré de la vidéosurveillance apporte une pierre supplémentaire à un édifice d’une importance majeure pour la sécurité de nos concitoyens. L’efficacité de tels dispositifs pour améliorer de façon significative la sécurité quotidienne n’est plus à démontrer ; des expériences étrangères l’ont largement prouvée et des expériences locales menées en France l’attestent quotidiennement. L’opinion publique est d’autant plus prête à les accepter que de nombreux progrès ont été accomplis pour protéger la vie privée.

C’est pourquoi nous soutenons la volonté affirmée par le Président de la République, lors de son discours du 24 novembre dernier prononcé au Perreux-sur-Marne, de tripler d’ici à 2012 le nombre de caméras de vidéosurveillance sur la voie publique. L’utilisation de la vidéo-protection constitue un véritable instrument de prévention, puisqu’elle intervient avant que les faits de violence ou les dégradations ne surviennent.

Le projet de budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, concilie ainsi les deux impératifs de prévention et de répression sur lesquels toute politique de sécurité doit se fonder.

Nous nous félicitons en outre des efforts engagés pour poursuivre la modernisation de la police technique et scientifique de masse afin d’accroître les capacités d’investigation et d’améliorer ainsi le taux d’élucidation.

Pour cette deuxième annuité de programmation, le projet de loi de finances privilégie les programmes d’investissement, notamment en matière de modernisation technologique, d’équipement et de logistique. Dans cette perspective, la police est dotée de 133 millions d’euros et la gendarmerie de 111 millions d’euros.

Une autre ambition majeure est le regroupement des moyens humains qui sont au service de la protection des Français, ainsi que le renforcement des coopérations entre la police et la gendarmerie.

La loi du 3 août 2009 consacre le rattachement organique et opérationnel de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. Pour des raisons d’efficacité, mais aussi de bonne utilisation de l’argent public, des synergies devaient être recherchées afin que l’unité de commandement des forces de l’ordre se trouve placée entre les mains d’un seul ministre. Ce rapprochement s’est opéré, dans le respect toutefois des spécificités propres à chacun de ces deux corps, qui doivent demeurer. Il ne remet en aucun cas en cause les missions, la répartition territoriale et le statut militaire de la gendarmerie,…

Mme Nathalie Goulet. Grâce au Sénat !

M. Marc Laménie. … auxquels les sénateurs de notre groupe sont particulièrement attachés.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

M. Marc Laménie. La gendarmerie représente désormais 34 % du personnel du ministère. Nous nous réjouissons que lui soit reconnue, dans le cadre de ce projet de budget, une véritable place, avec une répartition équilibrée des crédits entre les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », dotés respectivement de 8,8 milliards d’euros et de 7,6 milliards d’euros.

S’agissant de la gendarmerie nationale, il convient d’apporter des assurances sur le maintien de ses missions de renseignement et de police judiciaire. Je rappelle également que les élus ruraux, souvent isolés face aux actes d’incivilité, sont très attachés aux petites brigades, qui doivent conserver leurs moyens humains afin de pouvoir leur apporter une aide.

Je me félicite de ce que le Gouvernement ait respecté, à l’occasion de cette deuxième année d’exécution du budget triennal, le cadre défini, démontrant ainsi sa volonté de conforter la place qui revient à chacun des deux corps. Le présent projet de budget met en cohérence les cadres d’action de la police et de la gendarmerie, dans la continuité du travail en commun engagé depuis 2002 afin de mieux s’adapter aux nouveaux enjeux de la délinquance.

Votre projet de budget est bon, enfin, parce qu’il prévoit un effort important en faveur de la formation permanente, du déroulement des carrières et d’un recentrage des missions sur les tâches qui ne peuvent être assurées que par des agents en uniforme. Ce volet est particulièrement important, car la police et la gendarmerie sont composées de femmes et d’hommes dont les compétences doivent être renforcées et valorisées.

Le personnel est au cœur des priorités du ministère, puisque 85 % des crédits de la mission, soit 14 milliards d’euros, sont alloués aux charges de personnel. Dans le cadre de la LOPPSI 2, 30 % des dépenses seront consacrées à celui-ci. Nous nous réjouissons qu’une attention particulière soit portée, au travers de ce projet de budget, au déroulement des carrières, aux rémunérations, à l’accompagnement dans l’exercice des missions. Il prévoit, en outre, une amélioration de l’équipement, afin de garantir une meilleure protection des policiers et des gendarmes. Comme vous l’avez souligné à juste titre, monsieur le ministre, nous ne saurions accepter « qu’ils puissent être agressés, dans l’exercice de leurs missions ou en dehors de leur service ».

Mme Éliane Assassi. Personne ne le souhaite !

M. Marc Laménie. Nous devons constamment rappeler que l’ensemble des policiers et des gendarmes qui, tous les jours, assurent la tranquillité publique et la sécurité de nos concitoyens, garantissent ainsi l’unité de notre République.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Marc Laménie. Comme vous le souligniez avec force, monsieur le ministre, la baisse de la délinquance générale est « le fruit de l’action de près de 300 000 hommes et femmes, qui ont le service public chevillé au corps, qui sont les garants de nos vies, de nos biens et de nos institutions, et dont le seul et unique souci, jour comme nuit, est de protéger nos concitoyens ».

Pour conclure, je souhaite insister sur le fait que le recentrage des missions est absolument nécessaire, car trop de policiers et de gendarmes exercent aujourd’hui des tâches administratives qui ne relèvent pas de leur compétence.

Fondé sur une optimisation de la gestion des ressources humaines, ce projet de budget a ainsi pour objet de permettre aux forces de l’ordre de se recentrer sur leur cœur de métier, la protection des citoyens, en réduisant leurs missions périphériques et en renforçant leur présence dans les quartiers difficiles.

Au bénéfice de ces quelques observations, le groupe UMP votera naturellement les crédits de la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à adresser un hommage appuyé à nos deux forces de sécurité, aux femmes et aux hommes qui se dévouent tous les jours pour assurer notre sécurité.

J’axerai mon propos sur le programme qui regroupe les dotations dévolues à la gendarmerie nationale. Que dire de ce projet de budget ?

Avant tout, je veux encore croire, monsieur le ministre, qu’il ne reflète pas la considération que vous affirmez avoir pour nos gendarmes, car cette considération serait alors bien faible…

Je veux croire que vous êtes seulement atteint de surdité ou de cécité, ou encore que vous êtes simplement mal informé quand vous affirmez que le présent projet de budget, le premier exercice que nous ayons à examiner depuis le rattachement de la gendarmerie nationale à votre ministère, est présenté à des militaires sereins, confiants dans leur avenir, œuvrant dans un climat apaisé de mutualisation et de rapprochement avec leurs collègues civils de la police nationale,…

M. Paul Blanc. C’est vrai !

Mme Virginie Klès. … et que, qui plus est, il fixe en toute transparence à chacun des objectifs, des priorités et des missions clairement définis, pour lesquels les moyens nécessaires seront mis en œuvre.

Il me semble que le dévouement des personnels et les risques qu’ils prennent mériteraient beaucoup mieux que ce projet de budget en trompe-l’œil, fondé sur une analyse tronquée tant de leurs interrogations et de leurs inquiétudes légitimes que de la réelle évolution de la délinquance.

Les gendarmes mériteraient mieux que ce projet de budget, non sincère eu égard à l’évaluation selon des critères éminemment discutables de l’efficacité des mesures présentées, en matière de vidéosurveillance notamment. (M. Paul Blanc proteste.)

Ils mériteraient mieux, enfin, que ce projet de budget dont les économies attendues ne sont que de court, voire de très court terme. Ainsi, les coûts sociaux et financiers de l’abandon progressif de la prévention par la proximité ne sont pas pris en compte.

Les investissements nécessaires au renouvellement ou à l’entretien tant du patrimoine immobilier que du matériel lourd étant toujours repoussés à demain – les véhicules blindés à roues de la gendarmerie auraient dû être remplacés voilà deux ans –, ils deviennent de plus en plus inaccessibles aux finances publiques, dont on connaît l’état. Cela remet gravement en cause la sécurité comme l’efficacité de nos gendarmes.

Certes, le contexte budgétaire est difficile ; certes, il importe de se préoccuper de l’essentiel. Mais qu’est-ce que l’essentiel ? Qui, au sein du Gouvernement, peut définir précisément ce qu’est le cœur de métier des gendarmes ? Selon une tradition que l’on peut trouver bonne ou mauvaise, la gendarmerie nationale fait ce que les services relevant d’autres ministères ne peuvent ou ne veulent pas faire.

Supprimer certaines missions est sans doute souhaitable, mais surtout pas celles qui relèvent des fonctions régaliennes de l’État ou de l’obligation de réussite imposée, de façon générale, aux militaires, au nombre desquels comptent encore les gendarmes. L’essentiel est-il, pour ces derniers, de tout mettre en œuvre pour que ni sifflets ni quolibets ne parviennent aux oreilles du Président de la République lors de ses déplacements, ou d’assurer la sécurité de tout citoyen, en tout temps et en tout lieu ?

Le projet de budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, est une accumulation de chiffres.

Mme Catherine Troendle. C’est un budget !

Mme Virginie Klès. Ce n’est pas une anomalie en soi, mais cela devient un défaut majeur quand ces chiffres ne sont pas adossés à un vrai projet politique. Cela devient même un défaut rédhibitoire, en matière de sécurité, quand ils sont l’application d’un dogme, celui de la suppression d’un poste de fonctionnaire partant à la retraite sur deux.

Monsieur le ministre, les défenseurs de la LOPSI 1, qui militent aujourd’hui pour la LOPPSI 2, argumentaient à l’époque de l’examen de ce texte avec force détails sur la nécessité de créer 7 000 emplois dans la gendarmerie nationale. Mais voilà, les vents et la girouette ont tourné, sans doute, et la LOPPSI 2 prévoit que l’évolution de la délinquance permettra la suppression de 3 500 postes de gendarme d’ici à 2012 !

Ah, la LOPPSI 2, monstre du Loch Ness dont on parle beaucoup, sans jamais la voir ! Espérons qu’elle finira par montrer le bout de son nez avant 2013…

Mais laissons de côté, pour l’heure, ce problème de forme, et revenons au fond.

J’ai beaucoup de mal à comprendre l’évolution de la délinquance telle que vous nous la présentez. On fait dire aux chiffres ce que l’on veut, selon l’adage. Aussi rigueur et honnêteté sont-elles indispensables quand on commence à manier les statistiques.

Il reste pour moi surprenant d’entendre soutenir à l’approche d’une échéance électorale, chiffres à l’appui, que l’insécurité augmente et qu’il est urgent de confier les rênes du pays à un gouvernement qui s’en préoccupe vraiment, prônant la tolérance zéro, ainsi que des créations de postes et l’attribution de moyens, puis de voir, en période de discussion budgétaire, que les mêmes chiffres servent à démontrer que l’efficacité se conjugue désormais avec une diminution d’effectifs et de moyens… Lorsque la discussion budgétaire est proche d’une échéance électorale, le discours devient totalement inaudible : comprenne qui pourra ce que signifie un « ralentissement d’augmentation » de la délinquance, évalué sur un seul mois qui plus est – une unité de temps qui est totalement inadéquate en l’espèce –, cette appréciation ne concernant en outre ni les mêmes infractions, ni les mêmes territoires, ni les mêmes moyens, et étant exprimée parfois en pourcentage, parfois en valeur absolue.

Enfin, en matière de statistiques, la moindre des honnêtetés consisterait à rappeler que, en tout état de cause, une corrélation significative n’est pas synonyme d’un lien de cause à effet. Mais vous ou vos services, monsieur le ministre, le savez certainement bien mieux que moi…

Mme Virginie Klès. Il serait intéressant, par ailleurs, de vérifier l’incidence réelle de l’inflation législative en la matière, que vous brandissez souvent comme l’étendard de la sécurité : quel critère d’efficacité, en effet, que le simple dénombrement de gardes à vue dont nul ne sait combien étaient utiles, sinon indispensables !

Comment, dès lors, engager le vrai débat auquel nos concitoyens, mais plus encore nos gendarmes, ont pourtant droit, si, dès le premier mot, votre discours est empreint de subjectivité flagrante, voire de mauvaise foi ? (Protestations sur les travées de lUMP.)

Monsieur le ministre, même la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a voté contre les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010 pour la gendarmerie nationale, le 25 novembre dernier ! C’était une première ! Comment pouvez-vous ne pas entendre cet avertissement, ce sérieux coup de semonce à votre gouvernement et à sa politique de sécurité, très insuffisante et insatisfaisante ?

Les postes supprimés, nous dites-vous parfois, étaient affectés à des missions administratives générales qui seront désormais confiées à des agents civils dépendant du ministère de l’intérieur. Admettons ! Ce ministère sera donc épargné par la RGPP et la dure loi du « un poste sur deux » ? Ces missions ne seront donc pas remises à la charge, comme par un effet de boomerang, des gendarmes, dont les effectifs auront été réduits et auxquels auront été fixés des objectifs nouveaux, comme la constitution d’unités territoriales de quartier, l’exploitation des données de la vidéosurveillance, la lutte contre les violences familiales, les interventions en centres de rétention, etc. ? Ne s’agirait-il pas plutôt une nouvelle fois de promesses qui, comme tant d’autres, de plan Marshall en plan « Espoir banlieues », ne seront jamais tenues ?

Comment expliquer que le général Roland Gilles ait lui-même hésité, lors de son audition à l’Assemblée nationale, sur l’ampleur et la répartition des suppressions de postes ? Toucheront-elles, pour plus de la moitié d’entre elles, les brigades territoriales, les états-majors, les zones sous contrôle de la police ? Combien de brigades territoriales seront affectées, voire fermées ? Leur nombre sera-t-il égal, supérieur ou inférieur à 175 ? N’oublions pas non plus la suppression annoncée de 15 escadrons de gendarmerie mobile sur 123. Mais toutes ces mesures, bien entendu, n’altéreront pas la capacité opérationnelle de la gendarmerie nationale, ni le maillage territorial !

La précipitation qui prévaut dans votre recherche d’économies à court terme, appelée « accroissement des complémentarités et mise en commun des compétences », a provoqué, force est de le constater une fois de plus, des dysfonctionnements. Ainsi, Mme Bourzai a indiqué que certains gendarmes ne pratiquaient qu’une séance d’entraînement au tir par an, ce qui nous semble tout aussi insuffisant qu’aux instructeurs. Est-ce le temps ou les stands de tir qui manquent ?

Autre exemple de politique de gribouille : pourquoi fermer quatre écoles, celles du Mans, de Montargis, de Châtellerault et de Libourne, alors qu’elles avaient été inaugurées en grande pompe voilà peu de temps, au titre de la réutilisation efficace de sites militaires désertés ?

Ainsi, tant la formation que les investissements immobiliers, qui devraient faire l’objet d’une politique de long terme, sont encore laissés pour compte.

Outre leur insuffisance évidente, témoignant d’un manque de considération criant pour les conditions de logement et de travail des gendarmes, les crédits affectés à l’immobilier non seulement ne tiennent pas compte de la vétusté unanimement reconnue des locaux, mais encore font l’objet d’une présentation très opaque. La disparition du régime particulier lié aux cessions du ministère de la défense, depuis le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, rend en effet impossibles les comparaisons avec les années antérieures ! Les seules certitudes sont l’insuffisance des moyens et la délégation aux collectivités locales dans des conditions extrêmement désavantageuses pour elles : enfin de la constance dans votre politique !

Les experts nous ont expliqué que les crédits de paiement augmentent de 0,61 %. Certes ! Cependant, il n’a pas pu vous échapper que les charges de personnel représentent près de 83 % des crédits en 2010. Hors titre 2, les crédits de paiement pour les missions de sécurité elles-mêmes sont en baisse de 0,88 %, et encore cette analyse ne tient-elle pas compte de la complexité supplémentaire induite, pour toute comparaison, par l’élargissement du périmètre des crédits du titre 3.

Monsieur le ministre, je ne crois pas qu’un tel projet de budget puisse être de nature à rassurer les gendarmes, les élus et les citoyens quant à la volonté réelle du Gouvernement d’améliorer la sécurité de tous. Vous ne vous étonnerez donc pas que le groupe auquel j’appartiens vote contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Paul Blanc. Quelle surprise !

(M. Roger Romani remplace Mme Catherine Tasca au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou.

M. Jacques Berthou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à exprimer l’inquiétude que m’inspire le programme 152 « Gendarmerie nationale » du projet de loi de finances pour 2010. En effet, il semble qu’il y ait une inadéquation flagrante entre les besoins et les moyens consentis.

Les derniers résultats parus montrent que la période de janvier à septembre 2009 a été marquée par une augmentation de la criminalité et de la délinquance de 0,45 %. Fait particulièrement significatif, le nombre d’atteintes volontaires à l’intégrité physique, qui avait déjà augmenté de 2,40 % en 2008, progresse de 4,08 % en 2009. Les vols à main armée, la violence scolaire ou encore la violence de proximité augmentent également. J’arrêterai là cette énumération, car, en réalité, la plupart des indicateurs sont au rouge, et ce pas seulement dans les zones urbaines, mais également dans les zones rurales, qui connaissent à leur tour une dégradation de la situation en matière de sécurité.

Alors même que le Gouvernement se sert de ces chiffres pour rejouer le thème de l’insécurité, il décide de réduire les effectifs de la gendarmerie, en appliquant la règle mécanique du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Sur trois ans, 3 500 postes disparaîtront, dont 1 303 en 2010, s’ajoutant aux 1 426 postes supprimés en 2009. Il faut, de plus, prendre en compte les transformations d’emplois qui interviendront, notamment dans la gendarmerie. Il paraît évident que ce n’est pas le moment de procéder à de tels allégements. Il y a là, me semble-t-il, un véritable hiatus.

Outre la réduction des effectifs, le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, résultant de la loi du 3 août 2009, est préoccupant. Ce rattachement met en danger l’existence même de la gendarmerie. Dans les prochaines années, la tentation sera forte de regrouper au sein de ce ministère l’organisation de la sécurité et les moyens qui y sont consacrés.

Ma préoccupation s’accroît encore lorsque je constate le mécontentement de la police urbaine, qui manifeste aujourd’hui partout en France pour dénoncer la culture du chiffre et l’obligation de résultats. Ces manifestations, peu courantes de la part des forces de l’ordre, traduisent un malaise profond. L’état d’esprit actuel, contre lequel les policiers se mobilisent aujourd’hui, ne manquera pas de gagner demain la gendarmerie.

On peut craindre en outre que la réduction des effectifs et le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur ne remettent en cause la présence vingt-quatre heures sur vingt-quatre de la gendarmerie sur certains territoires. Déjà, on constate des regroupements d’activités dans certaines brigades : certaines sont spécialisées dans l’enregistrement des plaintes, d’autres dans la circulation routière, etc. Ainsi se perd déjà en partie cette proximité qui fait la force et l’efficacité de la gendarmerie.

Je tiens à souligner le rôle précieux des gendarmes, proches à la fois des élus et des populations, ce qui leur permet de savoir tout ce qui se passe sur un territoire.

Cette connaissance, permise par la proximité et la présence continue de la gendarmerie sur le terrain, est très efficace pour assurer la sécurité et la résolution d’un grand nombre d’affaires.

Le maillage des brigades sur l’ensemble du territoire sera remis en cause. Certaines seront fermées, tandis que d’autres se verront regroupées, alors même que l’ensemble des élus locaux des différentes collectivités ne cessent de réclamer des effectifs supplémentaires.

Les maires des petites communes et les populations des territoires ruraux s’inquiètent des fortes inégalités entre ruraux et urbains qui découleront de ces mesures. Il s’agit d’une rupture d’égalité dans le service de proximité de la sécurité.

En fait de complémentarité entre deux forces de sécurité, si chère à M. le ministre de l’intérieur, on assiste à une rationalisation des moyens et à la suppression de services publics, notamment en milieu rural.

D’ailleurs, point n’est besoin d’être devin pour affirmer qu’il est vraisemblable que l’on assistera à de grandes joutes et à des parties de cache-cache entre le ministère de l’intérieur, chargé de l’organisation de la sécurité, et le ministère de la défense, chargé de la gestion des ressources humaines.

Enfin, si les crédits pour 2010 de la mission « Sécurité » sont pratiquement constants, ils masquent des disparités.

En matière d’investissement, pour ne parler que de ce poste, je déplore que l’accent soit mis sur les nouvelles technologies, en particulier la vidéosurveillance, rebaptisée « vidéo-protection », alors que le renouvellement des matériels lourds, qui permettent le maintien en condition opérationnelle de la gendarmerie, est encore repoussé. Monsieur le ministre, une caméra n’a jamais remplacé, et ne remplacera jamais, l’action d’un gendarme présent sur le terrain !

Alors que la gendarmerie est confrontée à une aggravation de la délinquance, vous lui donnez, pour répondre à cet enjeu de société, moins de moyens et moins d’effectifs ! Cela est contradictoire, et les élus locaux que nous sommes sont inquiets des conséquences de ces mesures.

Une fois de plus, sous couvert du dogme de l’efficacité, la logique comptable l’emporte sur toute autre considération. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste ne votera pas les crédits de la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Paul Blanc. Eh bien tant pis !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord rappeler brièvement quelques éléments de contexte.

Outre la révision générale des politiques publiques, à laquelle beaucoup d’entre vous ont fait référence, mon action doit intégrer trois données fondamentales.

Premièrement, elle s’inscrit dans le cadre fixé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009-2012. Pour l’année 2010, il était prévu d’affecter près de 24 milliards d’euros aux missions « Sécurité », « Sécurité civile », « Administration générale et territoriale de l’État », « Outre-mer » et « Relations avec les collectivités territoriales ». C’est exactement la somme qui figure dans ce projet de loi de finances : le Gouvernement a donc respecté le cadre fixé par la loi de programmation.

Deuxièmement, mon action doit tenir compte de la LOPPSI 2. Ainsi que plusieurs intervenants l’ont relevé, je souhaite, en étroite collaboration avec la commission des lois, « muscler » la partie normative de ce projet de loi, que j’aimerais voir venir en discussion devant le Parlement le plus tôt possible en 2010, vraisemblablement au cours de la dernière semaine de janvier ou de la première semaine de février.

Le projet de loi de finances intègre exactement, pour la police, la tranche 2010 de la LOPPSI 2, c’est-à-dire 133 millions d’euros de crédits de paiement fléchés vers la modernisation technologique, l’équipement et la logistique. Il en va de même pour la gendarmerie, avec 111 millions d’euros.

Troisièmement, ce projet de budget est marqué par le rattachement de la gendarmerie nationale à mon ministère. Je sais, madame Klès, que vous suivez activement ce dossier. Il me semble d’ailleurs que la construction d’une nouvelle caserne pour la brigade de Châteaubourg est un projet qui vous tient à cœur. Je puis vous confirmer que mon cabinet est attentif à ce dossier. (Murmures sur les travées de l’UMP.)

M. Jacques Gautier. C’est le Père Noël !

M. Brice Hortefeux, ministre. Vous aurez remarqué, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce fait, connu de Mme Klès, n’a eu aucune incidence sur la conclusion de son intervention ! (Rires sur les travées de lUMP.)

M. Paul Blanc. À votre place, Georges Frêche lui aurait coupé les crédits ! (Sourires.)

M. Brice Hortefeux, ministre. Un bienfait n’est pas toujours récompensé ! (Nouveaux sourires.)

Mme Virginie Klès. Ce n’est pas pour moi !

M. Brice Hortefeux, ministre. Plusieurs sénateurs l’ont souligné, les militaires de la gendarmerie représentent désormais plus d’un tiers du personnel du ministère de l’intérieur, avec très exactement 98 155 gendarmes sur 283 449 agents, soit 34 % des effectifs.

Ce rapprochement ne remet aucunement en cause le principe de répartition territoriale des compétences entre la police et la gendarmerie, ni le maillage territorial de celle-ci, qui couvre 95 % du territoire national. Il implique, en revanche, la recherche permanente de rapprochements et de mutualisations.

À cet égard, je voudrais rassurer M. le rapporteur spécial, qui a évoqué la « redondance » du RAID et du GIGN.

J’ai inauguré avant-hier la nouvelle force d’intervention de la police nationale, qui réunit désormais le RAID, les groupes d’intervention de la police nationale et la brigade anti-commando de la préfecture de police, soit 500 policiers qui seront placés sous le commandement unique de M. Amaury de Hautecloque. Le GIGN avait procédé à la même démarche l’an dernier, pour réunir en son sein plus de 400 gendarmes d’élite sous l’autorité d’un seul chef.

Cette nouvelle organisation s’explique par l’évolution des formes de terrorisme. Autrefois, un acte de terrorisme était généralement centré sur une cible unique. Aujourd’hui, outre l’apparition de kamikazes, on observe, notamment depuis les attentats de Bombay, que le terrorisme peut frapper simultanément en des lieux multiples. Il était donc devenu nécessaire d’adapter la taille des unités aux mutations de la menace, d’où cette évolution de l’organisation.

J’ai demandé aux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie de me faire des propositions pour développer de nouvelles synergies, avant peut-être d’envisager, ultérieurement, des mutualisations.

Je ne reviendrai pas sur la politique menée, car j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet, devant la commission des lois notamment.

Notre objectif est de faire baisser significativement et durablement la délinquance. La mission qui m’a été confiée par le Président de la République et le Premier ministre est claire : assurer la sécurité de nos compatriotes partout et pour tous. Cela signifie qu’il ne doit y avoir ni population oubliée, ni territoire négligé, ni forme de délinquance tolérée.

Face aux nouvelles formes de délinquance, nous devons nous donner les moyens d’agir. Pour ce faire, j’ai mobilisé l’ensemble des acteurs de la sécurité en leur fixant des objectifs, mais aussi en étant à leur écoute. Ces objectifs sont simples mais élevés : d’ici à la fin de l’année, ils doivent faire mieux, chacun dans son département, que sur la période correspondante de 2008. Il sera facile de juger du résultat.

Je relève avec amusement que les orateurs qui dénoncent les statistiques dont j’ai fait état en produisent eux-mêmes beaucoup dans leurs interventions ! Celles qui proviennent de l’Observatoire national de la délinquance – et non pas du Gouvernement, je le souligne – seraient sujettes à caution, mais les leurs, c’est du « béton » ! Soyons raisonnables !

En réalité, les agrégats de la délinquance n’ont pas évolué, ce qui serait d’ailleurs sans doute souhaitable. En effet, les opérations assez lourdes que nous avons lancées contre les trafiquants de drogue ont eu pour conséquence de gonfler les statistiques de la délinquance !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Brice Hortefeux, ministre. Quoi qu’il en soit, les agrégats statistiques, pour l’heure, n’ont pas été modifiés, et il me paraît donc difficile, dans ces conditions, de considérer que les données seraient fiables dans un cas mais pas dans un autre : vous pourrez aisément juger si les objectifs fixés par le Gouvernement ont été ou non atteints. Si d’aventure ils étaient atteints – je compte naturellement sur l’honnêteté intellectuelle, dont je ne doute pas une seule seconde, de l’ensemble des intervenants –, cela signifierait que la délinquance a diminué pour la huitième année consécutive. Mais nous n’en sommes pas encore là : donnons-nous rendez-vous au début de l’année prochaine !

Pour mieux lutter contre la délinquance, nous avons aussi perfectionné notre organisation.

Devant la recrudescence préoccupante des cambriolages, en particulier de résidences principales, qui ont connu une hausse de 14 % en juillet dernier et de 13 % au mois d’août – ces statistiques sont peu favorables, je le reconnais bien volontiers –, nous avons mis en place, à partir du début du mois d’octobre dernier, des cellules anti-cambriolages, qui sont aujourd’hui présentes dans chaque département. Ce dispositif commence à donner des résultats.

Par ailleurs, nous avons créé une division nationale de lutte contre le hooliganisme, afin de réprimer les agissements des cinglés qui viennent au stade non pour assister à un match de football, mais pour casser. La situation était devenue totalement inacceptable, aussi avons-nous pris des mesures. Certes, tous les problèmes ne sont pas réglés, mais le match OM-PSG qui s’est déroulé voilà quelques jours à Marseille, par exemple, n’a pas donné lieu à des débordements.

Les premiers résultats sont donc là. La tendance à la hausse de la délinquance que l’on enregistrait depuis le mois de mars, pour des raisons multiples, a été cassée dans un premier temps, en septembre dernier, puis inversée au mois d’octobre, avec une baisse de 5,94 % de la délinquance générale, ainsi qu’une baisse très nette, de 6,56 %, de la délinquance de proximité, et un recul du nombre des cambriolages de résidences principales de 5,13 % par rapport au mois d’octobre 2008.

Oui, nous le revendiquons et l’assumons sereinement, mais avec une grande détermination : nous avons la culture de la performance et du résultat ! Cela me paraît plus satisfaisant que d’avoir celle de l’échec absolu…

Nous voulons non seulement conforter ces bons résultats, mais les amplifier grâce à cinq chantiers prioritaires.

Le premier d’entre eux est de parvenir à une plus grande efficacité opérationnelle. À cet égard, j’ai été particulièrement sensible aux propos de M. Laménie. Le Premier ministre m’a chargé de piloter le plan gouvernemental de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes, qui porte notamment sur le développement de la vidéo-protection, en association, bien sûr, avec les maires. Nos concitoyens sont totalement favorables à cette action, monsieur Gautier : selon une enquête parue en août dernier, 81 % d’entre eux estiment que l’installation de caméras est de nature à améliorer la sécurité.

Mme Catherine Troendle. Tout à fait !

M. Brice Hortefeux, ministre. Cela est en effet assez clair : un rapport de l’Inspection générale de l’administration montre que la délinquance diminue deux fois plus vite dans les communes équipées d’un système de vidéo-protection que dans les autres. Je tiens naturellement cette étude à votre disposition.

Bien évidemment, la vidéo-protection doit être utilisée dans le respect des droits et libertés individuels. Je crois que nous sommes tous d’accord sur ce point.

Un autre objectif du plan gouvernemental de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes est d’assurer la sécurité de nos enfants dans les collèges et les lycées. C’est dans cette perspective que j’ai mis en place, en liaison avec Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, un nouveau dispositif destiné à sécuriser l’intérieur et les abords des établissements scolaires. Concrètement, 1 058 correspondants sécurité-école ont été désignés dans tous les établissements scolaires du second degré et dans certains du premier degré.

De la même manière, Éric Woerth et moi-même avons décidé de frapper les délinquants au portefeuille. L’objectif est simple et clair ! Pour cela, une cinquantaine d’agents du fisc ont été affectés sur quarante-trois sites sensibles, répartis entre dix-sept départements. Ces agents ne travaillent pas de façon isolée : ils sont installés au sein des directions départementales de la sécurité publique et se déplaceront sur le terrain pour repérer et surtout sanctionner ceux dont le train de vie ne correspond manifestement pas aux revenus déclarés. Lorsqu’un « caïd » se lève à midi, ne travaille pas de la journée et roule le soir en 4x4, il est légitime de s’interroger sur la source de ses revenus.

Par ailleurs, monsieur Gautier, je suis pour ma part favorable à une collaboration opérationnelle renforcée avec les polices municipales. Cela passe notamment par une professionnalisation de la filière, j’en ai bien conscience, qui pourra être obtenue grâce à une amélioration de la formation des agents et par le développement de la coopération au quotidien.

Le renforcement de la sécurité passe aussi par une coordination avec nos partenaires étrangers, surtout européens. L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne permettra de nouvelles collaborations et offre de nouvelles chances pour l’Europe de la sécurité.

Lorsque j’étais ministre chargé de l’immigration, j’avais proposé la création d’un pacte européen sur l’immigration et l’asile. Nous avions alors abouti avec nos partenaires, lors de la présidence française de l’Union européenne, à une position commune assez juste, efficace et équilibrée. Je serais assez favorable à l’idée d’appliquer au domaine de la sécurité intérieure une démarche similaire.

Le deuxième chantier consiste à adapter notre approche aux bassins de vie et aux territoires.

J’ai lancé la police d’agglomération, point sur lequel je reviendrai tout à l’heure. À la lumière des résultats obtenus à Paris, peut-être conviendra-t-il d’étendre cette expérience à d’autres collectivités, toujours en partenariat avec les élus locaux : je pense notamment à Lyon, à Lille, à Marseille ou à Nice.

Dans le même esprit, la gendarmerie nationale va développer une « police des territoires ». Je voudrais rassurer MM. Faure et Berthou : le maillage territorial assuré par les brigades territoriales continuera à être adapté pour garantir l’efficacité opérationnelle de la gendarmerie. La rationalisation que vous avez évoquée, monsieur Berthou, n’est nullement incompatible avec l’efficacité, au contraire : elle peut permettre une amélioration, dans le respect du maillage.

Le troisième chantier concerne la lutte contre les trafics de drogue.

Depuis quelques semaines, nous donnons des coups de pied dans la fourmilière. Nous arrêtons actuellement environ quatre-vingts dealers par jour, et nous allons renforcer encore notre action, notamment en nous appuyant sur les groupes d’intervention régionaux, les GIR, qui peuvent être très efficaces dans ce combat.

J’ai confié au préfet Jean-Paul Bonnetain la mission de coordonner la lutte contre les trafics de drogue. Conformément aux décisions du Président de la République, il coordonnera, sous mon autorité, l’ensemble des services qui contribuent à cette lutte, notamment contre les trafics de proximité.

Le quatrième chantier consiste à faire reculer de manière significative les différentes sortes de violences contre les personnes.

Il est vrai que nous sommes confrontés à un phénomène de société avec l’augmentation de la délinquance des mineurs, qui représente aujourd’hui près d’un acte de délinquance sur cinq. Elle est de plus en plus violente et se féminise : le nombre de filles mises en cause pour atteinte aux personnes a augmenté de 408 % entre 1996 et 2008.

Face à ce constat, j’ai avancé l’idée d’un couvre-feu ciblé sur les mineurs délinquants de moins de treize ans. J’observe que, selon une enquête récente, 68 % de nos concitoyens y seraient favorables. Je préciserai les modalités d’application de ce couvre-feu dans le cadre de la LOPPSI 2.

Parallèlement, nous renforçons aussi notre lutte contre l’insécurité routière. Entre 2002 et 2008, le nombre de décès sur les routes avait baissé de 44 %. Si les chiffres du mois de septembre n’étaient pas bons, ils ont été meilleurs au mois d’octobre, avec une baisse de 4,5 % du nombre de tués. J’attends de connaître les chiffres de novembre, qui seront rendus publics dans quelques jours, pour pouvoir apprécier la tendance générale.

Le cinquième et dernier chantier est celui de la préparation de l’avenir.

Cela passe, tout d’abord, par la modernisation des moyens des services de police. Je suis très attaché au développement de la police technique et scientifique de masse. La modernisation des moyens des services de police passe aussi par les équipements des véhicules. En 2010, 500 véhicules seront équipés d'un lecteur automatisé des plaques d’immatriculation, dit LAPI. Dans le cadre de vos mandats, je vous encourage à participer à des opérations avec les services qui en sont équipés ; vous constaterez que ce système est extrêmement performant !

Préparer l’avenir, c’est ensuite nous protéger contre les menaces extrémistes ou terroristes. Par exemple, je suis avec la plus grande attention la résurgence d’une ultragauche de plus en plus violente. Les opérations de guérilla urbaine conduites à Strasbourg, lors du sommet de l’OTAN, les événements de Poitiers, plus récemment, ou encore l’alerte à la bombe à l’Assemblée nationale, hier, nous ont montré que nous devons être vigilants.

Vigilants, nous devons également l’être à l’égard des mouvements racistes, antisémites et xénophobes qui menacent la cohésion de notre société. Après ma prise de fonctions, l’une de mes premières actions a d’ailleurs été de dissoudre un groupement de fait dénommé « Jeunesse Kémi Séba », qui était en fait une résurgence de la « Tribu Ka ».

M. Brice Hortefeux, ministre. Dans la même optique, Bernard Kouchner et moi-même avons confié à M. Patrick Lozès, président du Conseil représentatif des associations noires, le CRAN, une mission de réflexion sur la lutte contre le racisme et le communautarisme.

Je le dis très sincèrement, je disposerai des moyens humains et financiers nécessaires pour mener cette politique.

Je remercie M. de Montesquiou d’avoir souligné la rupture avec la tendance à la hausse de la délinquance enregistrée ces derniers mois.

En ce qui concerne la police technique et scientifique, 800 experts de haut niveau travaillent au sein des laboratoires de la police et de la gendarmerie. La Cour des comptes a affirmé, dans son rapport de 2009, qu’elle n’était pas convaincue que la concentration et le regroupement des structures soient synonymes d’efficacité et d’économie. Peut-être le maintien de structures distinctes est-il même source d’émulation ? Mon ambition, très simplement, est d’amener la police technique et scientifique au meilleur niveau, en améliorant la complémentarité et la coordination des laboratoires. J’ai d’ailleurs demandé aux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie de me faire des propositions pour développer les synergies et améliorer les mutualisations.

Je confirme à M. Hyest mon souhait que la LOPPSI 2 soit examinée le plus tôt possible, dès les premières semaines de 2010. Nous avons retravaillé le texte pour l’adapter, car le domaine de la sécurité, loin d’être figé, évolue. Dès ma prise de fonctions, j’ai donc voulu le muscler, le « bodybuilder », même si le terme n’est pas très beau…

En ce qui concerne le rapprochement de la police et de la gendarmerie, il ne s’agit ni d’une fusion ni d’un statu quo. Notre démarche est pragmatique et se fonde notamment sur une réflexion conjointe des deux directions générales. L’objectif est d’obtenir une amélioration dans tous les domaines.

J’ai pris bonne note de l’idée, qui avait été présentée par M. Courtois, d’associer les compagnies d’assurances au financement de la police scientifique et technique. Nous devons y travailler, en liaison avec la Fédération française des sociétés d’assurances. Je ne suis pas sûr que ces sociétés manifesteront un enthousiasme délirant, mais j’aborde cette question sans tabous. La réflexion n’est pas encore aboutie, mais je prends en compte cette suggestion.

Monsieur Faure, je vous remercie encore une fois de votre soutien. Je tiens à vous rassurer à nouveau : le dispositif territorial continuera à être adapté pour garantir l’efficacité de la gendarmerie départementale. Il y a, d’un côté, le concept de police d’agglomération, et, de l’autre, celui de police des territoires, auquel nous sommes très attachés. Quelques ajustements peuvent effectivement être opérés, ici ou là, en termes d’effectifs, d’implantation ou de zone de compétence des unités, mais, en tout état de cause, j’ai demandé qu’ils soient décidés en concertation avec les élus concernés.

S’agissant des OPEX, 525 gendarmes participent actuellement à des opérations extérieures, principalement en Afghanistan, où ils prennent part à des missions extrêmement complexes, dans les Balkans et en Afrique. Nous avons prévu 15 millions d’euros pour financer les OPEX. Cette dotation ne sera pas suffisante, car l’engagement des gendarmes en Afghanistan voulu par le Président de la République engendre un important surcoût, qui est en cours de compensation.

Monsieur Charles Gautier, je vous le dis sans esprit polémique : en dénonçant l’évolution de l’insécurité, vous vous êtes trompé de gouvernement et de régime !

M. Brice Hortefeux, ministre. C’est bien au cours de la période 1997-2002, sous le gouvernement de Lionel Jospin, qu’il y a eu aggravation de l’insécurité, avec une augmentation de 15 % de la délinquance. Pour notre part, nous l’avons fait reculer de 14 % !

M. Charles Gautier. Pour quelqu’un qui ne voulait pas polémiquer, c’est réussi !

M. Brice Hortefeux, ministre. On peut discuter à l’infini de bien des choses, mais, en termes de statistiques pures, avec les mêmes agrégats, les choses sont très claires ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

En ce qui concerne la LOPPSI 2, monsieur le sénateur, je me réjouis de votre impatience : j’espère que votre attente sera de courte durée et, surtout, que vous voterez ce texte !

S’agissant de la police municipale, vous êtes très réservé, pour dire le moins. Cela étant, notre pays compte 25 000 policiers municipaux, qui jouent un rôle tout à fait important. L’action des 3 500 polices municipales est très utile, surtout lorsqu’elle est coordonnée avec celle de la police nationale. Vous le savez certainement, 800 conventions ont déjà été signées entre police nationale et polices municipales.

Concernant la vidéo-protection, je me réjouis très sincèrement que les références idéologiques aient évolué. En disant cela, je me tourne naturellement vers Mme Assassi, dont j’apprécie l’enthousiasme, bien qu’il se focalise exclusivement sur la critique de toutes les actions du Gouvernement ! (Rires sur les travées de lUMP.) Cela me ramène, quelques années en arrière, aux échanges très directs que nous avions lorsque j’étais ministre chargé de l’immigration.

S’agissant des effectifs, le ministre de l’intérieur ne peut se dispenser de l’effort qu’impose la RGPP, mais la mutualisation et une meilleure organisation permettront d’améliorer l’efficacité des services.

Vous m’avez en outre interrogé sur la lutte contre le trafic de drogue. Cela fait deux mois que le plan drogue en vigueur à Paris depuis octobre 2007 a été étendu aux départements de la petite couronne, dans le cadre de la police d’agglomération.

Madame Escoffier, je vous remercie d’avoir souligné que l’action des forces de sécurité intérieure s’inscrivait dans un cadre républicain. Vous avez parfaitement raison : cette action est au service des valeurs portées par la République. La police de la République respecte naturellement les droits de l’homme.

Je vous remercie également d’avoir insisté sur l’effort technologique majeur effectué par le ministère de l’intérieur dans un cadre budgétaire que vous avez, à juste titre, qualifié de contraint. La crise économique mondiale pèse effectivement sur notre pays, et il faut avoir à l’esprit que les ressources de l’État ont diminué de 20 %. Or la mission « Sécurité » bénéficie néanmoins de moyens stabilisés.

J’ai bien noté le dépôt récent de votre proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique. Dans le même ordre d’idées, le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, M. Jean-Luc Warsmann, a fait adopter un nouvel encadrement juridique auquel j’ai donné mon accord, car il respecte les exigences opérationnelles, ce dont je suis garant en tant que ministre de l’intérieur. Dès lors que ces exigences ne sont pas remises en cause, je suis tout à fait favorable à un encadrement protecteur qui apporte des garanties et assure le respect des libertés.

Monsieur Laménie, je vous remercie de votre soutien affirmé. Vous avez eu parfaitement raison de souligner la qualité du dialogue social au sein du ministère de l’intérieur. Je note d’ailleurs que c’est à l’appel d’un seul syndicat que certains policiers ont fait part aujourd’hui de leurs préoccupations. Ce mouvement s’explique aussi, très normalement, par le fait que nous entrons dans une période d’élections syndicales… J’ai reçu, hier encore, les syndicats, avec lesquels je suis en contact permanent.

Madame Klès, les remerciements que je vous adresserai seront plus ténus ! (Rires sur les travées de lUMP.) Vous avez parlé de cécité, de budget en trompe-l’œil, de surdité : merci de tous ces termes particulièrement aimables !

En ce qui concerne l’investissement immobilier en faveur de la gendarmerie nationale, j’ai personnellement veillé à ce que 140 millions d’euros d’autorisations d’engagement y soient consacrés en 2010, ce qui permettra notamment la livraison de 2 300 logements neufs pour les militaires de la gendarmerie et leurs familles. Voilà qui devrait vous faire plaisir !

Pour le reste, il serait trop long de répondre à tous vos propos polémiques. En tout état de cause, il n’y a aucun plan de fermeture de brigades, les évolutions étant décidées au cas par cas.

Pour les escadrons de gendarmerie mobile, nous travaillons selon des hypothèses, mais aucune décision n’est arrêtée ce jour. Par conséquent, n’anticipez pas ! Les principes sont simples : pas de suppression sur des sites déjà touchés par des restructurations ; préservation des unités ayant bénéficié récemment d’une évolution immobilière ; respect absolu des besoins opérationnels.

Par ailleurs, si nous avons effectivement procédé, en 2009, à la fermeture des écoles de gendarmerie de Montargis, de Libourne, du Mans et de Châtellerault, je vous dis très directement qu’aucune autre fermeture n’est envisagée, l’adaptation des structures de formation nous paraissant aujourd’hui pertinente et satisfaisante. J’espère vous avoir rassurée sur ce point, mais ne cherchez pas en tout cas à faire peur.

Monsieur Berthou, il me semble avoir répondu à vos interrogations au fil de mon intervention.

En conclusion, nous avons des réformes très importantes à mettre en œuvre, des objectifs à atteindre et, surtout, des résultats à obtenir. Mesdames, messieurs les sénateurs, ces résultats, nous les obtiendrons ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Sécurité », figurant à l’état B.

État B

(en euros)

Missions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Sécurité

16 630 776 206

16 384 300 457

Police nationale

8 886 993 085

8 750 500 124

Dont titre 2

7 717 769 783

7 717 769 783

Gendarmerie nationale

7 743 783 121

7 633 800 333

Dont titre 2

6 366 860 977

6 366 860 977

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission.

(Ces crédits sont adoptés.)

Sécurité
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Relations avec les collectivités territoriales - Compte de concours financiers : Avances aux collectivités territoriales

Article additionnel après l'article 59 ter

M. le président. J’appelle en discussion l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 59 ter, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Sécurité ».

L'amendement n° II-193, présenté par M. Faure, est ainsi libellé :

I. - Après l'article 59 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la fin de l'article 119 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, l'année : « 2009 » est remplacée par l'année : « 2010 ».

II. - En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé :

Sécurité

La parole est à M. Jean Faure.

M. Jean Faure. Un certain nombre de nos collègues ont fait part de leurs inquiétudes sur les difficultés de logement rencontrées par les gendarmes. Ces inquiétudes me semblent fondées.

Cet amendement vise précisément à permettre la mise sur le marché, sur l’initiative des collectivités territoriales, de cinquante-trois projets immobiliers, qui seront mis à disposition par le biais de baux emphytéotiques.

Il s’agit de proroger le dispositif ad hoc, qui devait initialement prendre fin au 31 décembre 2007. Cela permettra de régler une petite partie des problèmes d’hébergement auxquels les gendarmes sont actuellement confrontés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Cet amendement vise à permettre de lisser les financements et de maintenir en état des gendarmeries qui sont souvent, hélas, très dégradées.

La commission est, par conséquent, tout à fait favorable à cette mesure, qui pourra éventuellement être reconduite l’année prochaine.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Cet amendement vise à sécuriser un certain nombre d’opérations qui ont été agréées. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour saluer l’engagement des collectivités territoriales en faveur de l’habitat destiné aux gendarmes.

Le Gouvernement a donc émis un avis tout à fait favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour explication de vote.

M. Charles Gautier. Si j’ai bonne mémoire, c’est la troisième fois que nous prolongeons d’un an ce dispositif ! Devons-nous prendre un abonnement ou bien tenter de régler définitivement la question ?

Monsieur le ministre, ma question est directe, simple et technique. Au demeurant, nous ne sommes pas opposés à cet amendement.

M. Jean Faure. Il s’agit de réaliser cinquante-trois projets !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Gautier, j’entends bien votre remarque. Cette disposition pourra être utilement inscrite dans la LOPPSI 2, que nous examinerons à la fin du mois de janvier prochain.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-193.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 59 ter.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, vous avez évoqué l’arrivée d’agents du fisc au sein des directions départementales de la sécurité publique. Auront-ils la qualité d’officier de police judiciaire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Ce n’est pas le cas à ce stade.

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, ces agents seront déployés dans un certain nombre de départements sensibles. L’idée est en fait assez ancienne ; la nouveauté consiste en ce que ces fonctionnaires seront physiquement présents aux sièges des directions départementales de la sécurité publique.

La semaine dernière, le Président de la République, que j’ai accompagné à cette occasion, s’est rendu à Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Au sein du nouvel hôtel de police sont prévus des espaces destinés à un certain nombre d’inspecteurs du fisc.

M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Sécurité ».

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

Article additionnel après l'article 59 ter
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 35 et état B

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale.

Relations avec les collectivités territoriales

Compte de concours financiers : Avances aux collectivités territoriales

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 55, 56, 56 bis, 57, 58 et 58 bis) et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » ne sont pas le cœur des relations entre l’État et les collectivités territoriales ; ils ne sont que la traduction budgétaire des grandes orientations dont nous avons débattu en première partie et qui « impactent » très fortement ces deux missions.

Quels en sont les axes majeurs ?

À l’évidence, il faut d’abord citer la suppression de la taxe professionnelle, actée par l’article 2 du présent projet de loi de finances, et qui va nous occuper une partie du week-end. M. le rapporteur général ainsi que l’ensemble de la commission des finances ont beaucoup travaillé pour répondre aux légitimes inquiétudes des élus, qui comptent sur le Sénat pour les rassurer. Le dispositif adopté hier en commission devrait y contribuer fortement, mais il ne m’appartient pas d’en dire plus maintenant.

D’ailleurs, le débat suscité par cette réforme a fait passer au second plan un autre axe majeur de ce projet de budget, celui de l’évolution des concours de l’État aux collectivités pour 2010, qui est toujours aussi contrainte.

Je m’y arrêterai donc un instant. Le rythme de progression des concours sera indexé sur l’inflation prévisionnelle, soit 1,2 %, pour atteindre 97,5 milliards d’euros à périmètre constant.

Au sein de cette enveloppe, la dotation globale de fonctionnement, la DGF, enregistrera un taux de progression égal à la moitié, soit 0,6 %. Cette évolution intègre les nouveaux effets du recensement et les dotations nécessaires aux nouvelles intercommunalités.

Par conséquent, la dotation de garantie des communes baissera de 2 %, et les variables d’ajustement de 6,8 %, compte tenu des modifications apportées par l’Assemblée nationale.

Il faut donc s’attendre, malgré cet ajustement apporté par les députés, à une progression très faible, voire à une stagnation ou à une baisse de la DGF pour de nombreuses collectivités.

Le fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, progressera de 6,4 % entre 2009 et 2010. Cette augmentation de 375 millions d’euros le portera à 6,3 milliards d’euros en 2010. Son versement anticipé, décidé en 2009 dans le cadre du plan de relance, est un succès, tant pour les collectivités locales que pour le soutien à notre économie.

Le dispositif, en l’état actuel, a toutefois suscité l’inquiétude des élus.

En réponse à ces préoccupations, nous avons adopté deux amendements tendant, d’une part, à faire bénéficier les collectivités du versement anticipé, alors même que la dépense sera engagée mais pas impérativement mandatée cette année et, d’autre part, à reconduire le dispositif en 2010.

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne représente qu’une part très limitée de l’effort financier total de l’État en direction des collectivités. Elle ne représente, en effet, que 2,5 milliards d’euros.

Dans le temps limité qui m’est imparti, je m’en tiendrai donc aux évolutions les plus marquantes des nouvelles dotations : la dotation forfaitaire « titres sécurisés », la dotation de développement urbain, ou DDU, et l’aide exceptionnelle aux communes concernées par les restructurations de la défense.

Toutes ces dotations ont en effet été créées par la loi de finances pour 2009.

Les crédits prévus en faveur des communes au titre de la dotation pour les titres sécurisés s’élèvent à 18,86 millions d’euros, en progression de 197,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2009. Ils correspondent à l’indemnisation de 3 750 stations. Je rappelle que cette indemnisation est fixée à 5 000 euros par an pour chaque station en fonction au 1er janvier 2009. Elle est indexée sur la DGF et s’élèvera donc à 5 030 euros par station en 2010.

Ce montant reste insuffisant, et apparemment peu conforme aux dépenses réelles des collectivités. Le rapport de la mission de contrôle exercée par la commission des finances, signé de Michèle André, est éclairant sur ce point.

J’en viens à la DDU : il est prévu une simple reconduction, en euros courants, du montant fixé en 2009, soit 50 millions d’euros. Nous en prenons acte, mais il faudra améliorer et accélérer les procédures en 2010, car la définition de la liste des communes bénéficiaires et la conclusion des conventions ont été très tardives en 2009.

Le fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées a été créé par la loi de finances pour 2009, qui l’a doté de 5 millions d’euros. Pour 2010, le projet de loi de finances prévoit de doubler son montant, qui serait donc porté à 10 millions d’euros.

Un mot de l’évaluation de la performance de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », pour rappeler que deux programmes de la mission sont dépourvus de toute mesure de la performance.

Néanmoins, c’est sur l’action qui regroupe les crédits de fonctionnement de la direction générale des collectivités locales que l’on peut mesurer le plus justement la qualité des services rendus par l’administration chargée des relations avec les collectivités.

De ce point de vue, les très bons résultats des indicateurs de performance sont l’illustration de l’efficacité de cette administration, qu’il s’agisse des délais réels de parution des textes réglementaires relevant de la responsabilité de la DGCL, ou du respect des dates de communication des dotations. Je souhaite donc rendre hommage à cette administration pour la qualité de ses travaux.

Les crédits inscrits au titre du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales » appellent deux observations de la commission des finances.

La première pour s’étonner de l’absence d’évolution de la position du Gouvernement quant au remboursement de la somme de 289,65 millions d’euros dont la Nouvelle-Calédonie est débitrice au titre d’une avance consentie depuis 1990. Nous souhaiterions qu’une « issue comptable » soit trouvée s’agissant de cette créance de l’État.

La seconde pour constater la très forte baisse des montants inscrits au programme qui retrace les avances sur les recettes fiscales des collectivités territoriales. Cette diminution de 26 milliards d’euros est imputable au fait que, dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, il est prévu que la compensation aux collectivités locales s’effectuera en 2010 à partir d’un prélèvement sur recettes du budget général.

J’en terminerai par les articles rattachés.

L’article 55 prévoit une diminution du complément de garantie des communes au sein de la dotation forfaitaire, qui a été ramenée de 3,5 % à 2 % par l’Assemblée nationale.

La commission des finances a approuvé le compromis trouvé par nos collègues députés, qui ont dégagé des marges de manœuvre pour la péréquation, grâce à un éventail d’autres recettes que nous avons examinées en première partie, comme la diminution plus importante des variables d’ajustement – de 6,8 % en moyenne, contre 3,6 % dans la version initiale du projet de loi de finances –, le gel des dotations d’équipement et l’augmentation réduite du fonds de solidarité en faveur des collectivités territoriales touchées par des catastrophes naturelles.

Sur l’article 56, fixant les modalités de répartition de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, la commission des finances a approuvé le texte issu des délibérations de l’Assemblée nationale. Un effort particulier est consacré pour cette dotation de solidarité, qui augmente de 70 millions d’euros.

Comme en 2009, cette augmentation sera concentrée sur les collectivités dont les besoins sont les plus forts, sans pénaliser les autres, qui ne verront pas baisser leur dotation.

L’ouverture de la liste des prioritaires aux 250 premières communes évitera l’effet de seuil pour celles qui sont les plus fragiles.

Cette augmentation de la DSU devrait aussi conduire à un taux de progression identique de la dotation de solidarité rurale, la DSR, soit 6 %, si le Comité des finances locales reste fidèle à sa doctrine de liaison entre le taux de progression de la DSU et celui de la DSR. C’est donc aussi un point positif pour les communes rurales.

L’Assemblée nationale a également adopté un article 56 bis, modifiant la définition des logements sociaux pris en compte pour l’attribution de la DSU, en intégrant les logements appartenant à une société d’économie mixte nationale, et non locale.

La commission des finances avait adopté un amendement de suppression de cet article, dans l’attente d’informations complémentaires et d’une rédaction plus précise qu’elle vous proposera de retenir dans un nouvel amendement.

Enfin, l’article 58 bis, visant à faire bénéficier les surfaces maritimes classées en cœur de parc national de la dotation « cœur de parc naturel national », a également été adopté sans modification par la commission.

Sous réserve de ces observations, la commission des finances vous demande d’adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ». (Applaudissements sur les travées de lUMP et de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, en remplacement de M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Mme Catherine Troendle, en remplacement de M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à préciser que la paternité de ce rapport revient à M. Bernard Saugey, que j’ai l’honneur de remplacer ce soir.

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » et le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » ne retracent que très imparfaitement la réalité et la complexité des relations financières entre l’État et les territoires.

En effet, avec 2,5 milliards d’euros de crédits, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » n’a qu’un poids marginal, puisqu’elle représente moins de 3 % de l’effort financier de l’État en faveur des collectivités.

Le compte d’avances aux collectivités, quant à lui, ne fait pas partie des concours financiers de l’État stricto sensu : bien que doté de près de 65 milliards d’euros, il se borne à matérialiser la fonction de « fermier général » que l’État assure auprès des collectivités.

Ces deux lignes budgétaires paraissent donc peu significatives, et peu représentatives des choix de gestion opérés par l’État dans ses relations avec les collectivités territoriales.

Aussi, plutôt que de me livrer à une description exhaustive des crédits alloués à la mission et au compte de concours financiers, j’aimerais profiter de cette occasion pour exprimer devant vous les préoccupations et les souhaits de la commission des lois.

Cette dernière a tout d’abord émis des craintes sur le ralentissement des dépenses d’investissement des collectivités territoriales.

En effet, l’investissement local a diminué de 3,2 % en 2008, et il devrait encore reculer en 2009 sous l’effet cumulé de la crise économique et du cycle électoral. Ce constat est inquiétant, dans la mesure où les collectivités territoriales réalisent près des deux tiers de l’investissement public civil et jouent un rôle crucial pour le développement de notre pays : cette tendance à la baisse doit donc être combattue.

Or, force est de constater que le projet de loi de finances pour 2010 ne va pas assez loin dans la promotion de l’investissement local.

Certes, des mesures ambitieuses ont été prises par le Gouvernement. Je pense notamment aux « conventions FCTVA », lancées au début de l’année 2009, et qui ont rencontré un indéniable succès. Ainsi, ce sont plus de 20 000 collectivités qui se sont engagées, malgré la crise économique, à investir davantage en 2009 qu’elles ne l’avaient fait entre 2004 et 2007, pour un montant prévisionnel de dépenses d’environ 55 milliards d’euros.

Le Sénat a d’ailleurs sensiblement amélioré ce dispositif. D’une part, il l’a assoupli, en prévoyant que les restes à réaliser seraient pris en compte pour le calcul des dépenses réelles d’équipement des collectivités signataires ; d’autre part, il a reconduit le mécanisme de versement anticipé du FCTVA en 2010, donnant ainsi une « seconde chance » aux 20 000 collectivités qui n’ont pas encore souscrit une convention.

Malgré cette avancée considérable, la commission des lois a marqué son inquiétude face à certaines dispositions du projet de loi de finances pour 2010 qui pourraient freiner l’investissement des collectivités territoriales.

Tout d’abord, comme l’année passée, je m’interroge sur la légitimité de l’inclusion du FCTVA dans l’enveloppe normée. En effet, le FCTVA n’est pas une dotation de l’État, c’est un remboursement acquitté par ce dernier auprès des collectivités territoriales : son montant ne saurait, dès lors, être encadré. Le projet de loi de finances ne limite d’ailleurs pas la croissance du FCTVA, qui n’est soumise à aucun plafonnement.

En revanche, puisque le FCTVA est inclus dans l’enveloppe normée, son augmentation pèse sur les autres concours sous enveloppe : à la progression de l’investissement, correspond mécaniquement une contraction des crédits consacrés au financement des dotations de fonctionnement.

Votre commission des lois a émis des doutes sur l’efficacité de ce mécanisme. Dans un contexte économique difficile, il est en effet discutable - voire impossible - d’imposer aux collectivités territoriales de réduire leurs dépenses, tout en leur demandant d’investir pour pallier les carences de l’initiative privée.

En outre, les collectivités sont actuellement confrontées à de nombreuses incertitudes sur le montant et les caractéristiques des ressources dont elles bénéficieront à l’avenir. Ces incertitudes ne sont pas sans conséquence sur leurs décisions de dépenses. Face à ce manque de visibilité, les collectivités risquent d’être plus prudentes, et donc de repousser l’engagement de leurs programmes d’investissement au cours des mois prochains.

L’attitude de l’État a donc un impact direct sur les dépenses des collectivités : plus il saura inspirer confiance aux décideurs locaux en adoptant une attitude de transparence et en associant les élus aux réformes qu’il entend mener, plus son action de soutien de l’investissement sera efficace.

Pour finir, je voudrais rappeler qu’une large partie des dépenses des collectivités territoriales résultent des normes obligatoires qui leur sont imposées. En 2009, ces normes ont représenté un surcoût de près de 500 millions d’euros, ce qui est considérable.

Répondant à ce constat, la commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN, présidée par notre excellent collègue Alain Lambert,...

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Catherine Troendle, en remplacement de M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois. ... a été instituée à la fin de l’année 2008 pour se prononcer sur les projets de normes nationales ou communautaires ayant vocation à s’appliquer aux collectivités.

Après avoir salué sa création l’année dernière, nous pouvons désormais saluer le bilan de la commission, qui a pleinement répondu aux objectifs qui lui étaient assignés : non seulement elle a réussi à diffuser une véritable culture de l’évaluation financière au niveau central, mais, surtout, elle a eu un effet régulateur sur l’activité des administrations centrales et a apaisé leur « réflexe prescriptif ».

La commission des lois appelle le Gouvernement à renforcer et à développer ce type d’initiatives, afin de fluidifier les relations entre l’État et les collectivités territoriales.

Alors que la décentralisation arrive à maturité, les élus locaux doivent être parties prenantes dans l’élaboration des normes qui les concernent, et avoir leur mot à dire sur les réformes dont ils sont les destinataires. Consultés et informés, ils doivent surtout être écoutés et entendus : ce n’est qu’à cette condition que les nouvelles responsabilités données aux collectivités territoriales au titre de la maîtrise des finances publiques et de la relance de l’économie apparaîtront dans leur pleine légitimité. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, Bertold Brecht disait : « Il y a un certain nombre de choses qui sont proprement irréalisables pour l’homme s’il ne les fait pas dans les règles : les choses absurdes ». Nous voilà donc au cœur de notre sujet : l’examen nocturne d’une mission absurdement dénommée « Relations avec les collectivités territoriales ».

Rituellement, notre rapporteur pour avis, Bernard Saugey, et les intervenants à cette tribune, rappellent en effet que cette mission ne donne qu’une idée très partielle, sinon inexacte, des sommes réellement en jeu. Ils rappellent l’absence totale de lisibilité des relations financières entre l’État et les collectivités locales. Et c’est de pire en pire.

Je cite Bernard Saugey : « On assiste ainsi à une marginalisation des crédits budgétaires, et donc de la mission “ Relations avec les collectivités territoriales ”, au profit des prélèvements sur recettes, des avances et des transferts de fiscalité ». Le montant total des dotations budgétaires de la mission n’est fixé qu’à 2,541 milliards d’euros sur 88,864 milliards d’euros, soit moins de 3 % des prétendus « concours de l’État aux collectivités territoriales », contre 4,3 % en 2009.

Dans ce brouillard, les contreparties d’impôts payés par les collectivités locales – comme le FCTVA - les compensations de captations d’impôts locaux dont on a oublié qu’ils le furent – je pense à l’essentiel de la dotation globale de fonctionnement - les compensations de suppressions d’impôts - comme la taxe professionnelle – ainsi que la compensation de charges transférées prennent des allures de « concours », autrement dit d’« aides » de l’État aux collectivités territoriales.

Ce mode de présentation est si commode pour les gouvernements qu’on ne les voit pas renoncer à une technique de camouflage d’une telle efficacité avant longtemps.

Et cette année, avec la suppression de la taxe professionnelle, l’allégement de 4,5 milliards d’euros de l’impôt économique territorial, avec l’invention de la « compensation relais de la réforme de la taxe professionnelle » - une dénomination qui ne s’invente pas ! - tous les records sont battus : les concours de l’État aux collectivités territoriales augmentent de 31,558 milliards d’euros, soit près de 58 % ; 44,1 % de ce qui restait aux collectivités de ressources fiscales sont remplacés par une perfusion : vive l’autonomie locale !

L’année 2010, nous a dit Philippe Marini, sera pour les collectivités une « année blanche ». Il parle, évidemment, des recettes, car, pour les dépenses, particulièrement les dépenses à caractère social, il risque d’en être autrement. Année blanche, peut-être, mais, pour être équitable, la compensation devrait être calculée sur les bases et les taux 2010 ou, au minimum, sur des bases 2010 et des taux 2009.

Or, après l’effort signalé du Sénat, nous en sommes à base 2010 et taux 2008 majoré, au plus, de 0,6 %, avec l’assurance d’une recette plancher au moins égale au produit 2009.

Autrement dit, en 2010, les collectivités sont même privées du pouvoir de modifier le taux de ce qui leur reste d’impôt économique local, la cotisation locale d’activité, la CLA.

Et ce n’est pas qu’un mauvais moment à passer.

Certes, en 2011, la « compensation relais » disparaîtra, mais pour être remplacée par des dotations qui disent leur nom et des dotations déguisées en impôts. Comment appeler autrement en effet des contributions dont l’État définit et l’assiette et le taux ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. C’est le Parlement qui l’a faite, pas le Gouvernement !

M. Pierre-Yves Collombat. Augmentation des « vraies dotations » puisqu’en 2011, selon l’étude d’impact annexée au projet de loi de finances, « l’autonomie financière » passe, pour les communes, de 62,5 % à 61,7 %, pour les départements, de 66,4 % à 62,9 %, et, pour les régions,  de 54,3 % à 49,7 %.

Augmentation des « faux impôts » et, avec elle, effondrement de « l’autonomie fiscale » des collectivités locales. La seule marge de manœuvre - d’ailleurs précaire - des régions est un bricolage de la taxe intérieure sur les produits pétroliers ; celle des départements, le foncier bâti.

Et tout ce dispositif a été mis place pour financer une promesse du candidat Nicolas Sarkozy faite au patronat, sur le dos des collectivités locales, sans effet constatable sur la compétitivité de nos entreprises.

Je ne me lasserai pas de le répéter, dussé-je vous lasser : l’impôt économique territorial n’a qu’une influence marginale sur la compétitivité des entreprises françaises.

« Les analyses économiques », dit, après beaucoup d’autres, le Conseil des prélèvements obligatoires dans un récent rapport, « tendent à montrer que la localisation d’un investissement dépend principalement de critères économiques, géographiques et humains ».

En 2008, 95 500 entreprises françaises seulement ont été exportatrices, soit 3,2 % des entreprises payant la taxe professionnelle. Ces exportations ont représenté 410 milliards d’euros, soit presque cent fois plus que la baisse de l’impôt économique dont bénéficiera la totalité des entreprises ! Réduire la contribution de l’ensemble des entreprises pour, au mieux, améliorer à la marge la compétitivité de 3,2 % d’entre elles, voilà l’exploit!

L’observation de l’indice des prix industriels en sortie d’usine montre la même chose. Le comble, c’est que même l’étude d’impact montre que ce n’est pas le secteur industriel qui bénéficiera le plus de la mesure ; en bénéficieront, dans l’ordre, les secteurs de la construction, de l’agriculture, des services aux particuliers, dont chacun sait qu’ils sont particulièrement exposés à la concurrence internationale ! (Sourires.)

Étrangler des collectivités qui, malgré leurs insuffisances, réalisent les trois quarts de l’investissement public, remplacer un système complexe par une usine à gaz dont personne ne connaît ni le plan ni ce qu’elle produira, pour un cadeau fiscal de 4,5 milliards d’euros, sans effet sur la compétitivité de nos entreprises, c’est absurde, aussi absurde que de prétendre redresser les finances publiques en multipliant les cadeaux fiscaux.

En effet, selon le rapport, l’engagement de l’État serait « structuré par l’impératif de redressement des finances publiques ». On aurait souhaité que ce ne soit pas seulement sur le dos des collectivités !

Et j’en reviens à mon propos initial : ce qui est absurde doit impérativement être fait dans les règles ; d’où le luxe de chiffres, de taux, de normes circonstancielles dans la présentation de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », cette chambre de bonne d’un immeuble « finances locales » en état de péril imminent.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Sept milliards d’euros ce n’est pas mal, tout de même !

M. Pierre-Yves Collombat. Pour donner un air de cohérence à ce qui n’en a pas, lui donner un air présentable, le Gouvernement alterne faux motifs de satisfaction et vrais motifs d’inquiétude.

Côté face, le FCTVA n’est soumis à aucun plafond et évoluera de 6,4 %. On ne voit d’ailleurs pas comment le Gouvernement aurait pu faire autrement, compte tenu des engagements du plan de relance. Côté pile, cela se fait au prix d’une limitation à 0,6 % de la progression de la dotation globale de fonctionnement - soit la moitié du taux de l’inflation officielle – DGF qui devient clairement la variable d’ajustement du dispositif.

Autant dire que l’avenir, pour le « contrat de stabilité » c’est d’être de plus en plus stable, et à la baisse.

Côté face, la péréquation poursuit sa marche victorieuse ; 70 millions d’euros de plus pour la dotation de solidarité urbaine, répartie selon des critères que je renonce à vous exposer puisque je n’y ai rien compris, et 50 millions d’euros supplémentaires pour la dotation de solidarité rurale. Côté pile, le complément de garantie de la dotation forfaitaire des communes est rogné, et ne garantira donc plus rien.

Côté face, les dotations d’investissement, en incluant le FCTVA, augmentent de 5,4 %. Côté pile, l’augmentation, hors FCTVA qui, encore une fois, est non une aide mais le remboursement partiel d’une taxe payée par les collectivités,…

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ce n’est pas ce que disait M. Jospin !

M. Pierre-Yves Collombat. Je ne suis pas toujours d’accord avec ce qu’a dit M. Jospin, vous savez ! J’essaie de penser, même mal, mais par moi-même.

M. le président. Veuillez poursuivre, mon cher collègue, et ne pas vous laisser distraire !

M. Pierre-Yves Collombat. Cette augmentation, donc, à considérer uniquement les subventions de l’État, dotation globale d’équipement communale et départementale – c’est effectivement une vraie dotation -, dotation de développement rural, produit des amendes de radars, dotation « collèges », ne dépasse pas 12 millions d’euros.

C’est à se demander si le Gouvernement réalise bien le rôle économique des collectivités locales, s’il réalise bien ce qui se passera lorsqu’elles ne pourront plus assurer les trois quarts de l’investissement public !

Tel est l’enjeu fondamental du remplacement de la taxe professionnelle par un ensemble d’impôts économiques rapportant globalement 4,5 milliards d’euros de moins et, CLA mise à part, transformés en quasi-dotations.

Échanger un impôt stupide contre un système fiscal catastrophe, il paraît que c’est une réforme ! Ce n’est pas vraiment notre avis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Paul Blanc. En d’autres termes, ne changeons rien !

M. Pierre-Yves Collombat. Si c’est pour faire pire...

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » offre, cette année, une connotation particulière, puisqu’elle intervient à quelques semaines à peine de la suppression de la taxe professionnelle, telle que définie à l’article 2 du projet de loi de finances pour 2010.

Il me paraît donc extrêmement difficile de ne pas aborder cette question dès lors que, faute d’éléments nouveaux que le Gouvernement pourrait nous fournir, on peut légitimement se demander ce que deviendra cette partie de la loi de finances.

Il est également difficile de ne pas relever que la norme d’évolution des concours de l’État est toujours aussi contrainte en matière de prélèvements sur recettes - dotations et FCTVA - et que le rythme de progression des concours de l’État aux collectivités locales est fixé pour 2010 à 1,2 % et celui de la DGF, à 0,6 %.

Une fois encore, je tiens à souligner que ses quatre programmes – le périmètre concernant l’outre-mer, la dotation forfaitaire accordée aux communes concernées par la délivrance des titres sécurisés, la dotation de développement urbain et le fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées – respectent globalement les engagements pris par l’État.

Cependant, même si les crédits de cette mission constituent une très faible part des sommes versées par l’État aux collectivités locales, et même si je reconnais qu’il faut aller vers la réduction des dépenses publiques, il n’en reste pas moins que c’est un service minimum qui nous est proposé : 0,6 % d’augmentation de la DGF, c’est la moitié de l’inflation prévisionnelle pour 2010.

Il en résultera que les autorisations d’engagement seront probablement inférieures, en 2010, à ce qu’elles ont été en 2009, ce que nous ne pouvons tous que regretter.

Je veux bien, à titre personnel, donner quitus au Gouvernement de ce budget. Comment ne pas le faire ? Je vois mal comment on pourrait demander l’interruption de programmes qui sont commencés sauf à mettre davantage en péril des finances locales qui, pour certaines, ne le sont déjà que trop.

Toutefois, je ne puis m’empêcher de me demander, comme nous tous, quelles que soient nos sensibilités politiques, ce qu’il reste aujourd’hui et, surtout, ce qu’il restera demain de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ainsi que du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » si la taxe professionnelle n’est pas remplacée par un dispositif précis et abouti. Mais peut-être serons-nous fixés, samedi prochain, quant au mode de compensation prévu.

Certes, d’ores et déjà, des grandes lignes se dessinent. Les collectivités percevront 15,5 milliards d’euros, dont 11,4 milliards d’euros fournis par la valeur ajoutée sur la base des entreprises soumises au barème progressif à partir de 500 000 euros, la différence étant compensée par l’État, par des dégrèvements opérés sur les entreprises non soumises audit barème de 500 000 euros. Soit !

Mais qui garantira la pérennité de ce système dans l’avenir ? Il a été dit et répété, ici et ailleurs, qu’il était paradoxal de commencer une réforme des collectivités territoriales par la suppression de leur principale recette. Cela revient à mettre la charrue devant les bœufs, comme le dit la sagesse populaire, ou, pour reprendre l’excellente formule de Jean-Pierre Chevènement à cette même tribune il y a quelques jours, ajouter du fouillis au fouillis.

Comment dès lors ne pas avouer ma perplexité devant ce budget dont on ne sait même pas s’il pourra être appliqué dans quelques semaines ? Comment se prononcer, monsieur le secrétaire d’État, alors que chacun est ici dans l’incertitude ?

L’abstention de mon groupe sur les crédits de cette mission me paraît être la sagesse.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette année encore, le projet de loi de finances, sous couvert de vouloir « maîtriser la dépense publique », étrangle toujours un peu plus les finances locales.

En premier lieu, en 2010 comme en 2009, les compensations apportées par les dotations sont très nettement insuffisantes.

Pour ce qui est des dotations liées aux compétences transférées par les dernières lois de décentralisation, l’ensemble des concours aux collectivités territoriales ne devrait augmenter que de 0,70 % cette année, alors que l’inflation prévisible est estimée par la Banque centrale européenne à 1,2 % et pourrait même atteindre 1,4 %.

L’évolution de la dotation générale de décentralisation sera donc inférieure à l’inflation, avec des taux de 0,56 % pour les départements et 0,60 % pour les collectivités locales.

Si l’on additionne les manques à gagner résultant de la non-indexation de la dotation de décentralisation sur l’évolution de l’inflation et de la non-indexation de la dotation générale de fonctionnement, dont l’augmentation est plafonnée pour 2010 à 0,6 % – soit la moitié de l’inflation prévisionnelle –, ce sont environ 300 millions d’euros qui font défaut pour compenser comme il serait nécessaire les charges liées à la décentralisation.

Ces 300 millions d’euros s’ajoutent aux effets de la décentralisation telle qu’elle a été conçue en 2004 qui, en prenant pour référence le coût historique des transferts, n’a pas prévu d’instrument de stabilisation permettant de tenir compte des évolutions, notamment économiques et démographiques, observées dans certains territoires.

Ensuite, la suppression de la taxe professionnelle aura des conséquences désastreuses sur les capacités de financement des collectivités.

La taxe professionnelle représente 22,6 milliards d’euros de ressources nettes en 2008 pour les collectivités territoriales. Le nouvel impôt leur procurera 12,7 milliards d’euros. Il y aura donc une perte de 9,9 milliards d’euros que l’État s’est engagé à compenser, pour 2010 seulement à l’heure actuelle. Mais peut-être la commission des finances modifiera-t-elle ce dispositif samedi.

Si tel n’est pas le cas, le manque à gagner dans les années à venir conduira inéluctablement les collectivités locales à reporter la charge des dépenses sur des ménages déjà fortement touchés par des hausses souvent importantes des impôts locaux.

La taxe professionnelle représente la moitié des ressources fiscales des collectivités locales. À l’heure actuelle, 48 % des ressources proviennent des ménages et 52 % des entreprises. Après la réforme, la proportion sera de 75 % pour les ménages et de 25 % pour les entreprises. Cette réforme risque donc de provoquer l’asphyxie financière des communes, placées dans l’incapacité d’équilibrer leurs budgets.

En outre, la suppression de la taxe professionnelle coupera le lien entre les entreprises et les territoires, et plus précisément entre communes et activité économique. À terme, ce sont les équipements publics et les investissements dans les services publics qui seront restreints et, par ricochet, les populations qui seront pénalisées.

C’est une sorte de double peine pour les familles, qui auront moins de services publics, mais qui paieront plus d’impôts locaux.

Si, aux termes de l’article 72-2 de la Constitution, la loi « prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales», ces dispositifs ne sont pas satisfaisants. La réforme de la dotation de solidarité urbaine est « gelée » et le montant de la dotation de développement urbain est limité à sa valeur de l’année dernière, ce qui laisse très peu de marges de manœuvre pour une véritable péréquation.

Comme on peut le constater, le projet de budget pour 2010 s’inscrit dans une politique de réduction drastique des ressources des collectivités locales, appuyée par un discours centralisateur de dénigrement de l’échelon local.

À vous écouter, monsieur le secrétaire d’État, les élus seraient trop nombreux et les collectivités formeraient un « millefeuille » coûteux et incompréhensible pour nos concitoyens. Autant d’idées battues en brèche dès que l’on dresse un bilan de l’action des collectivités, et de leurs élus !

Les collectivités réalisent en effet 73 % de l’investissement public – chiffre qui n’est contesté par personne –, alors que, depuis les lois de décentralisation de 1982, 2003 et 2004, on leur transfère toujours plus de compétences, qui ne sont d’ailleurs pas systématiquement compensées.

Malgré cela, les collectivités ne contribuent au déficit public qu’à hauteur de 10 %, et ce de façon quasi constante depuis 1982. N’oublions pas que, contrairement à l’État, elles sont soumises à l’obligation de voter leur budget en équilibre.

Les financements croisés sont, eux aussi, accusés d’être une source de complexité, alors qu’ils ne représentent que 5 % des dépenses globales et sont indispensables à la réalisation de nombreux projets.

La question du coût des collectivités mérite donc d’être réexaminée.

Quant aux 500 000 élus que compte la France, il faut rappeler que ce sont en très grande majorité des bénévoles qui s’investissent chaque jour pour assurer la mise en œuvre de leur programme d’actions au plus près de nos concitoyens.

Avec le projet de budget pour 2010 et la réforme des collectivités locales, le Gouvernement veut, par une politique centralisatrice inégalitaire, couper court à une démocratie locale qui, depuis longtemps, ne lui est plus électoralement favorable.

L’attaque est d’ailleurs si frontale qu’aucune association représentative n’est pour cette réforme et que de nombreux élus de la majorité sont troublés, comme l’ont si bien montré les réactions des maires réunis voilà peu à l’occasion de leur congrès annuel.

Le Gouvernement louvoie pour tenter d’atteindre son objectif de recentralisation et de réduction des services publics locaux. Il avance masqué, en découpant la réforme en cinq projets de loi et en étranglant financièrement les collectivités locales.

Après avoir réduit leurs ressources, le Gouvernement nous demandera de réformer ces institutions, et ce n’est que in fine que nous débattrons des compétences des collectivités territoriales. La logique aurait voulu que nous procédions tout autrement.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je n’aborderai qu’un seul thème, celui de la péréquation.

La façon dont le sujet est traité depuis plusieurs années me rappelle Faust, l’opéra célèbre de Gounod, dans lequel un chœur entonne « Marchons, marchons », alors que tous les figurants restent sur place. (Sourires.)

Nous vivons un paradoxe absolu. La France est l’un des pays où la part des dotations de l’État dans le financement des collectivités locales est la plus élevée.

M. Jean-Jacques Hyest. Vous y avez largement contribué !

M. Jean-Pierre Sueur. Je n’en disconviens pas, monsieur Hyest. Chaque gouvernement a contribué à l’augmentation des dotations de l’État. Il n’en demeure pas moins que cette spécificité risque de s’accentuer avec la réforme liée à la suppression de la taxe professionnelle.

À l’heure où chacun parle de l’autonomie financière, voire fiscale des collectivités locales, on peut se demander quel est l’intérêt d’un si grand nombre de dotations de l’État pour contribuer au financement des collectivités locales.

La bonne réponse à cette question, ce serait la péréquation. Dans la mesure où l’État finance très largement les collectivités locales, il peut assurer une meilleure répartition des ressources en fonction de la disparité des situations.

En effet, nous le savons tous, il n’y a pas de relation entre les charges et les ressources des collectivités locales. Certaines collectivités disposent de recettes élevées et supportent moins de charges que d’autres, qui, au contraire, assument de lourdes charges, mais perçoivent des ressources plus faibles.

Voilà déjà de nombreuses années que je plaide pour la péréquation. Force est malheureusement de constater que nous sommes, à cet égard, dans un quasi-immobilisme. Cela soulève une vraie difficulté, car la péréquation est une question de simple justice et d’efficacité, aussi.

Tout le monde s’accorde sur un présupposé en vertu duquel les dotations d’une collectivité ne pourraient pas baisser d’une année sur l’autre.

La difficulté tient au fait qu’il est très malaisé, dans une période où l’enveloppe augmente peu, voire régresse, d’appliquer le principe de la péréquation si chacun revendique au moins autant que l’année précédente.

Si l’on veut afficher des priorités, il faut avoir le courage de dire que tout le monde ne peut pas être prioritaire. Prétendre le contraire relève de la pure démagogie.

Certes, monsieur le secrétaire d’État, il est plus facile d’agir lorsque l’enveloppe globale augmente. Or, cette année, la DGF ne progresse que de 0,6 %, soit la moitié de l’inflation prévisible. Les conditions ne sont donc pas très favorables.

Lorsque j’évoque les vertus de la péréquation, on me répond souvent qu’il existe des dotations de péréquation : la DSR, la DSU, et même la DDU. Mais, dans la DGF, le poids de tout ce qui est forfaitaire, donc stable, est si lourd que l’inertie du système l’emporte sur la dynamique de la péréquation.

M. Jarlier écrit, à la page 28 de son rapport, que « le poids relatif des dotations de péréquation est extrêmement modéré au sein de la DGF des communes. La DSR et la DSU représentent ainsi respectivement 3,2 % et 5 % du montant global de la DGF. »

C’est pourquoi, mes chers collègues, il est possible de plaider que, à l’intérieur de la masse de la DGF, la péréquation réelle est inférieure à 10 %. Je sais qu’un rapport a dit le contraire, mais je maintiens ce chiffre. Pourquoi ? Parce que, si l’on examine les deux dotations en question, on s’aperçoit qu’elles ne sont pas aussi péréquatrices qu’on pourrait le souhaiter.

La DSR, monsieur le secrétaire d’État, reste un considérable saupoudrage. Chaque commune est contente, sans doute, de recevoir sa petite part, encore qu’elle ne s’en rend pas tellement compte, disons la vérité.

Ne serait-il pas préférable, dans le cadre d’une politique péréquatrice active en faveur de l’espace rural, de concentrer les crédits sur des projets de développement économique ou d’aménagement dynamiques, plutôt que de continuer l’éternel, le perpétuel saupoudrage de cette DSR ?

La DSU, nous ne cessons de le dire depuis des années, n’est pas assez sélective. Je ne vous l’apprendrai pas, monsieur le secrétaire d’État – les excellents services de la DGCL le savent –, 75 % des communes de plus de 10 000 habitants touchent la DSU.

Un remarquable amendement de nos collègues députés François Pupponi et Pierre Cardo a prévu d’abonder de 70 millions d’euros la DSU, pour la cibler sur la première moitié des communes dans le classement, celles qui sont les plus défavorisées. Pour ces communes, savez-vous de combien augmentera la DSU à la suite du vote de cet amendement ? De 1,2 %, mes chers collègues, soit l’augmentation du montant de l’inflation... Autant dire qu’il n’y aura pas d’augmentation.

Je sais que nos collègues ont dû guerroyer pour arriver à ce résultat, car le Gouvernement n’était pas tout à fait d’accord, mais, franchement, il faut faire beaucoup plus !

Certes, vous pourrez nous rétorquer : « Non seulement il existe la DSU, mais nous avons, de surcroît, créé la DDU. » Extraordinaire ! Entre nous, on aurait pu faire plus simple… Mais nous avons la manie des dotations. Plus on crée de dotations, moins il y a d’argent dans les dotations. C’est merveilleux…

La DDU a représenté 50 millions d’euros en 2008 pour 2009. Il est prévu naturellement pour 2010 une simple reconduction du montant fixé en 2009, qui bénéficiera à 100 communes.

Permettez-moi à cet égard de citer l’excellent rapport de M. Jarlier. Il y est écrit, page 36 : « Si 100 % des autorisations d’engagements 2009 – 50 millions d’euros –, ont effectivement été déléguées, seuls 26 millions de crédits de paiement – dont une large part risque de n’être pas effectivement consommée – ont été délégués à la même date sur un total voté en loi de finances initiale 2009 de 40,79 millions d’euros. »

Vous le voyez, mes chers collègues, si on fait le bilan, il n’y a pas de véritable effort de péréquation. Je le dis avec gravité, parce que cela n’est pas acceptable ! La manière dont on continue, année après année, à ne pas vouloir réformer dans le sens de la péréquation est particulièrement néfaste.

Je citerai également le rapport de M. Saugey, pour ne pas faire de jaloux. (Sourires.) Il est indiqué, page 38 : « Le constat : la baisse de l’effet péréquateur des dotations de l’État. »

Je terminerai, mes chers collègues, puisque j’ai presque achevé mon temps,…

M. Robert del Picchia. Vous l’avez dépassé !

M. Jean-Pierre Sueur. … en citant simplement l’un de nos collègues, Claude Dilain.

Voici ce que dit le maire de Clichy-sous-Bois: « Je continue. Le jour où je serai découragé, j’arrêterai d’être maire. Mais je suis fatigué, parfois, et en colère, souvent. »

Il ajoute : « Nous, les maires, en avons ras-le-bol de parler dans l’indifférence. J’alerte ainsi, depuis des mois, les pouvoirs publics sur la situation [...].»

Et encore : « [Ces quartiers] constituent une véritable bombe à retardement. Si on ne fait rien, on va vers la catastrophe. Je sonne à toutes les portes et on me répond qu’il n’existe pas d’outils adaptés. Va-t-il falloir que cela explose pour qu’on s’y intéresse ? »

Ce discours, cela fait trop longtemps que nous l’entendons. Mes chers collègues, il y a une impérieuse urgence à la péréquation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, dans la suite des interventions que nous venons d’écouter, je souhaiterais vous présenter le cadre d’ensemble de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

L’examen de cette mission est toujours particulier, car, cela a été dit, elle ne retrace qu’une petite partie de l’effort financier de l’État en faveur des collectivités territoriales, effort qui figure majoritairement dans la première partie de la loi de finances. M. Pierre Jarlier l’a d’ailleurs souligné.

En effet, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » « pèse » à peine 2,6 milliards d’euros, alors que l’enveloppe normée des dotations de l’État atteint 57 milliards d’euros et que l’effort financier global, intégrant la compensation des dégrèvements et la fiscalité transférée, représente un total de 97,5 milliards d’euros.

Ce chiffre devrait rassurer Mme Escoffier, car il témoigne d’un effort constant et substantiel de l’État.

De plus, ce projet de loi de finances s’inscrit cette année dans un contexte particulier, outre la crise : celui de la réforme de la taxe professionnelle.

C’est pourquoi je voudrais insister sur trois points : l’impact de la réforme de la taxe professionnelle sur les collectivités territoriales, la poursuite de l’effort de péréquation et la prise en charge des situations spécifiques, à travers les articles rattachés à cette mission, enfin, l’ajustement des compensations financières des transferts de compétences.

Permettez-moi de vous donner quelques indications supplémentaires sur la taxe professionnelle.

Je veux d’abord vous rappeler qu’il y avait urgence, chacun en a conscience, à réformer la taxe professionnelle (Rires sur les travées du groupe socialiste), urgence pour les entreprises, afin d’améliorer au plus vite leur compétitivité et sauver l’investissement productif – des délocalisations ont cependant eu lieu dans les pays de Loire voilà quelques jours, parlez-en à votre collègue Jean-Marc Ayrault ! –,...

M. Pierre-Yves Collombat. Mais bien sûr....

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. ... mais aussi urgence pour les collectivités territoriales elles-mêmes, puisque certaines d’entre elles sont confrontées à de lourdes pertes de bases de taxe professionnelle à cause de la fermeture de leurs établissements industriels. Les exemples sont, hélas ! légion.

Dans cette réforme, le Gouvernement a défendu depuis l’origine un certain nombre de principes : une compensation intégrale de la perte de ressources pour chaque collectivité ; une compensation assurée essentiellement par des ressources fiscales, ce qui n’a pas toujours été le cas dans les années récentes, notamment avec la suppression de la part sur les salaires, en 2000 ; une compensation conforme au principe d’autonomie financière des collectivités territoriales, constitutionnel depuis 2003.

Ces principes sortent renforcés du débat parlementaire : après les avancées votées par l’Assemblée nationale, vous avez amélioré les modalités de la compensation pour 2010. Je sais que vous aurez à cœur de déterminer, dans quelques jours, la meilleure affectation possible des nouvelles recettes fiscales que percevront les différents niveaux de collectivités à compter de 2011.

C’était un vœu du Premier ministre de voir le Parlement se saisir pleinement de ce travail, et je fais confiance à votre rapporteur général et à votre assemblée pour trouver le meilleur équilibre possible.

Bien entendu, je sais que toutes les difficultés ne sont pas levées pour autant, et qu’il faudra apporter des ajustements dans les prochains mois. C’est la raison d’être de la clause de revoyure, proposée par Philippe Marini et acceptée par le Gouvernement.

Mais je peux d’ores et déjà vous dire que les collectivités territoriales seront assurées de recevoir à l’avenir des ressources fiscales dynamiques, qui leur permettront de poursuivre le financement de leurs compétences et de leurs grands projets, sans rompre pour autant le lien entre activités économiques et territoires.

C’est à mon sens un très bel objectif, en passe d’être réalisé grâce à un immense travail collectif, porté à la fois par le Gouvernement et par le Parlement.

Ce grand chantier ne doit pas occulter nos efforts concernant les finances locales, et plus particulièrement en matière de péréquation, efforts poursuivis au sein de l’enveloppe normée. C’est un sujet essentiel pour le Gouvernement.

Je reviens tout d’abord sur cette notion d’enveloppe normée, après Pierre Jarlier et Catherine Troendle.

Je rappelle que le total des concours de l’État aux collectivités territoriales évolue dans ce budget au même rythme que l’inflation, soit une augmentation de 1,2 %.

Au sein de cette enveloppe, il est vrai que le FCTVA progresse de manière dynamique, avec une hausse de 6,4 % en 2010. Déduction faite de cette augmentation du FCTVA, il reste 300 millions d’euros supplémentaires à répartir, ce qui représente une augmentation de 0,6 % pour la DGF, soit la moitié de l’inflation.

Mais je vous précise aussi que, si le FCTVA doit évoluer encore plus l’an prochain en raison du dynamisme des investissements locaux, nous l’abonderons de manière à rembourser aux collectivités territoriales les sommes dues, sans revenir sur les autres variables de l’enveloppe.

Dans ce contexte, il est effectivement séduisant de sortir le FCTVA de l’enveloppe normée. M. le ministre du budget semble prêt à se rallier à cette solution ; en tout cas, nous l’y aiderons. Mais il faudra ensuite s’accorder sur l’indexation de cette enveloppe « hors FCTVA ». C’est, à mon sens, un sujet important pour 2011.

Permettez-moi également de répondre à Mme Troendle, qui a excellemment présenté le rapport de M. Saugey, au sujet de l’effort financier de l’État en faveur de l’investissement local.

Certes, les dotations d’investissement n’ont pas été indexées en 2009, et elles ne le seront pas plus en 2010, compte tenu des choix effectués par les députés, visant à abonder la DGF. Cependant, l’État a entendu les craintes des élus locaux sur le ralentissement de l’investissement local.

Je vous rappelle à ce titre l’effort considérable consenti dans le cadre du plan de relance. Ainsi, en 2009, pas moins de 3,8 milliards d’euros de remboursement anticipé de FCTVA ont été déboursés par l’État et comptabilisés en dehors de l’enveloppe 2009, afin de soutenir efficacement l’investissement local. Je remercie à cette occasion les collectivités locales de l’effort substantiel qu’elles ont accompli pour participer au plan de relance, à travers les 20 000 conventions qui ont été conclues cette année.

Il en est de même, madame Troendle, monsieur Collombat, pour le FCTVA versé aux collectivités qui vont s’engager en 2010, à la suite de l’amendement que vous avez adopté en première partie. Cela représente un effort supplémentaire estimé, à ce stade, à 1 milliard d’euros pour la prochaine année budgétaire.

Venons-en à présent à la péréquation, abordée dans plusieurs articles rattachés à cette mission.

L’effort de progression des masses financières pour la péréquation a été plus contraint cette année, en raison du choix fait, comme je le disais, d’associer les collectivités territoriales à l’effort de maîtrise des dépenses publiques.

C’est pourquoi l’article 55 reconduit la mesure d’écrêtement du complément de garantie de 2 % initiée l’an dernier. Cette mesure se combine avec l’abondement de 131 millions d’euros de la DGF des communes opéré à l’Assemblée nationale, de manière à afficher une augmentation de la péréquation communale sans abaisser trop fortement le complément de garantie des communes.

Ainsi, en 2010, le Comité des finances locales disposera des marges d’indexation nécessaires pour faire progresser les dotations de péréquation.

Je voudrais en particulier répondre à M. Sueur, qui a longuement parlé, et avec talent, de la péréquation, que l’effort global de péréquation approche désormais les 7 milliards d’euros, ce qui, vous en conviendrez, est tout de même une masse financière très importante et tout à fait significative.

S’agissant de la dotation de solidarité urbaine, le Gouvernement avait choisi de reporter la réforme de fond la concernant à l’an prochain, de manière à la mener en cohérence avec la révision du zonage prioritaire de la politique de la ville. Il avait donc proposé, à l’article 56, de reconduire les attributions individuelles, en les indexant selon les choix du Comité des finances locales.

Or les députés ont amendé ce texte, afin de poursuivre les principes de répartition adoptés en 2009, sans attendre la réforme du zonage prioritaire de la politique de la ville, et de cibler l’augmentation de la DSU sur les 250 premières communes du classement de la DSU.

Madame Mathon-Poinat, je me permets de vous rappeler que cette augmentation sera de 70 millions d’euros dans le prochain exercice budgétaire.

Je suis prêt à me rallier à la proposition des députés Pierre Cardo et François Pupponi, à la condition que cette augmentation ne se fasse pas au détriment de la dotation de solidarité rurale. C’est pourquoi je souhaite que la DSR augmente également de 6 % l’an prochain. Le monde rural n’est donc pas négligé. (M. Jean-Pierre Sueur s’exclame.)

Le Gouvernement reconduit enfin la nouvelle dotation de développement urbain, qui bénéficiera d’une nouvelle tranche de 50 millions d’euros en crédits budgétaires ; c’est l’article 57 du projet de loi de finances.

J’en profite pour vous préciser que cette dotation a connu, c’est vrai, une mise en place un peu longue en 2009. En effet, elle n’a été créée qu’en loi de finances pour 2009, et il a fallu attendre la publication du décret d’application, après consultation de plusieurs instances, pour répartir la dotation entre les 100 communes éligibles. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.) Les crédits n’ont donc été disponibles qu’en juin, mais il avait été demandé aux préfets de prendre rapidement contact avec les communes éligibles afin de déterminer les projets pouvant être retenus pour 2009.

L’objectif du Gouvernement est que la totalité des autorisations d’engagement soit mobilisées cette année et, l’an prochain, nous mettrons des crédits plus rapidement en place, dès que l’éligibilité des communes aura été calculée.

Pour être exhaustif, je dirai encore quelques mots de la reconduction du fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées, que le rapporteur spécial a également évoqué.

L’article 58 prévoit d’attribuer à ce fonds 10 millions d’euros, qui s’ajouteront aux 5 millions d’euros ouverts en 2009. Là encore, la mise en place des crédits est très tardive, mais pour une raison simple : le redéploiement territorial des armées ne s’est pas traduit en 2009 par des pertes significatives de population ou de recettes fiscales pour les collectivités concernées. Or ce sont les pertes qui conditionnent l’octroi de cette aide. Au demeurant, seuls cinq contrats de redynamisation des sites de défense, ou CRSD, ont été signés depuis cet été, alors qu’une dizaine de villes et de sites étaient ciblés.

Sachez cependant que je suis ce dossier en liaison permanente avec Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Nous avons d’ailleurs récemment adressé une circulaire commune aux préfets concernés.

Je voudrais, mesdames, messieurs les sénateurs, terminer par quelques précisions sur la compensation financière des transferts de compétences.

Vous avez adopté en première partie deux articles, les articles 17 et 18, désormais traditionnels, qui attribuent aux départements et aux régions une fraction du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, en compensation des transferts de compétences. Au total, la fiscalité transférée pour compenser les charges de l’Acte II de la décentralisation s’élève à 2,78 milliards d’euros pour les départements et à 3,18 milliards d’euros pour les régions.

Le fonds de mobilisation départementale pour l’insertion, le FMDI, a également été reconduit à l’article 15 ; il est doté de 500 millions d’euros pour 2010.

Je précise en outre que plusieurs ajustements sont effectués en loi de finances rectificative pour 2009 au profit des régions, notamment au titre du transfert des formations sanitaires et de la formation professionnelle des jeunes de moins de vingt-six ans.

Par ailleurs, je vous présenterai également un amendement qui ajuste les montants de la dotation générale de décentralisation des départements et des régions.

Ces ajustements me permettent de saluer le remarquable travail de la Commission consultative sur l’évaluation des charges, présidée par le député Thierry Carcenac, qui prend soin d’affiner rigoureusement le coût exact de ces transferts de compétences avec les ministères concernés.

Je n’aurais garde, bien évidemment, d’oublier la Commission consultative d’évaluation des normes, présidée par le sénateur Alain Lambert,…

Mme Nathalie Goulet. Remarquable !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … qui est aujourd’hui devenue incontournable.

Je précise au passage que l’État, lui aussi, réorganise fortement ses administrations, notamment au niveau local. Ainsi, le conseil des ministres qui s’est tenu hier a examiné le projet de décret relatif aux directions départementales interministérielles, qui a pour objet de regrouper les administrations départementales autour de deux, voire trois pôles.

Enfin, le Gouvernement a tenu compte du contexte particulier de la généralisation du revenu de solidarité active pour les départements. Il a décidé de ne pas appliquer l’ajustement de la compensation qui avait été prévu sur la base des données d’exécution de l’année 2008. Cela conduit à accorder un versement exceptionnel de 45 millions d’euros en 2010.

Toutes ces mesures témoignent des efforts consentis par le Gouvernement en faveur d’une juste compensation des charges de décentralisation. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

relations avec les collectivités territoriales

Relations avec les collectivités territoriales - Compte de concours financiers : Avances aux collectivités territoriales
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 37 et état D

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Relations avec les collectivités territoriales

2 615 297 179

2 564 621 190

Concours financiers aux communes et groupements de communes

814 483 066

774 198 686

Concours financiers aux départements

489 158 867

486 945 729

Concours financiers aux régions

887 684 813

887 684 813

Concours spécifiques et administration

423 970 433

415 791 962

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission.

(Ces crédits sont adoptés.)

compte de concours financiers : avances aux collectivités territoriales

Article 35 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Articles additionnels avant l’article 55

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales », figurant à l’état D.

État D

(En euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de Paiement

Avances aux collectivités territoriales

59 991 800 000

59 991 800 000

Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie

6 800 000

6 800 000

Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements,

communes, établissements et divers organismes

59 985 000 000

59 985 000 000

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits du compte de concours financiers.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion les articles 55, 56, 56 bis, 57, 58 et 58 bis ainsi que les amendements portant articles additionnels, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Article 37 et état D
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 55

Articles additionnels avant l’article 55

M. le président. L’amendement n° II-112, présenté par M. Faure, est ainsi libellé :

Avant l’article 55, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L’article L. 2333-52 du code général des collectivités territoriales est abrogé.

II. - La perte de recettes pour les collectivités territoriales résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. - La perte de recettes résultant pour l’État résultant du paragraphe précédent est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean Faure.

M. Jean Faure. Nous avions voté en 1984, dans la loi relative au développement et à la protection de la montagne, dite loi Montagne, une disposition donnant aux communes la faculté d’instituer une taxe de 3 % sur le chiffre d’affaires des remontées mécaniques et de disposer ainsi d’une ressource leur permettant de faire face à certaines dépenses.

Nous avions également ouvert aux départements la possibilité de créer pour eux-mêmes une taxe supplémentaire de 2 %, toujours sur le chiffre d’affaires des remontées mécaniques, et d’être ainsi en mesure d’exercer une forme de solidarité entre toutes les communes de montagne. Le produit de cette taxe était affecté, c’est-à-dire qu’il ne pouvait pas être utilisé dans n’importe quelles conditions et tomber dans le budget général du département. Bien au contraire, il ne pouvait être affecté qu’à cinq types de dépenses, la formation des personnels des stations et l’octroi, au titre de la solidarité, d’aides à des communes qui souhaitaient intégrer des équipements dans l’environnement ou créer, notamment en moyenne montagne, des activités de substitution au « tout-ski » ou au « tout-neige ».

C’était donc, je le répète, une possibilité ouverte aux conseils généraux d’aider ces petites communes et d’exercer une forme de solidarité.

Il se trouve que certaines communes, les plus importantes, celles qui accueillaient les plus grandes stations, avaient très opportunément anticipé la création de cette taxe et prélevaient déjà ce que l’on avait appelé la « taxe Ravanel », du nom du commissaire du Gouvernement qui en avait permis la création, au taux de 5 %. La loi Montagne fixant le taux de la taxe communale à 3 %, les départements se sont vus contraints de reverser à ces grandes stations la différence, c’est-à-dire 2 %, parce que le taux de 5 % était pour elles un droit acquis.

Que s’est-il passé durant ces vingt-cinq ans ? Lorsque les grandes stations avaient instauré la taxe Ravanel, donc avant 1984, leurs équipements n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui. Depuis, elles les ont démultipliés, et ont démultiplié le chiffre d’affaires. Elles ont donc considérablement bénéficié de l’avantage que leur procure l’antériorité puisqu’elles perçoivent depuis longtemps la totalité des 5 %, c’est-à-dire, aujourd’hui, les 3 % de la taxe communale et les 2 % que le département est obligé de leur reverser.

C’est donc une forme d’injustice qui frappe les petites stations, car les départements se trouvent privés d’une manne importante qui représente parfois plus de la moitié, voire les deux tiers de la somme dont ils pourraient disposer pour mener une politique de péréquation, de redistribution aux petites communes, par exemple en soutenant la création de commerces – car ils sont en voie de disparition ! –, ce que l’on appelle les commerces multiples.

Je propose donc aujourd’hui que toutes les communes participent à la solidarité et aident les plus petites à s’équiper.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Cet amendement vise à supprimer la dotation « remontées mécaniques » versée aux communes qui avaient institué avant le 31 décembre 1983 la taxe spéciale dite Ravanel, comme cela a été parfaitement expliqué par M. Jean Faure.

La commission des finances n’a pas eu le temps d’examiner cet amendement. Il est vrai que ce mécanisme repose sur la prise en compte de situations anciennes, mais il serait utile de connaître les collectivités et les montants concernés.

Nous souhaiterions en conséquence entendre l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, vous proposez la suppression de cette dotation, qui, me semble-t-il, ne saurait être valablement remplacée par la DGF, et ce pour deux raisons essentielles.

D’une part, la DGF ne peut servir à compenser la suppression d’une dotation versée par les départements à des communes. D’autre part, elle ne peut pas être utilisée pour compenser les pertes de fiscalité que subiraient certaines communes parce qu’elle est répartie entre toutes les communes en fonction de critères qui sont les mêmes pour toutes, qui sont objectifs, linéaires, et qui doivent être relativement constants dans le temps si l’on veut éviter que les budgets locaux ne se trouvent déstabilisés d’une année sur l’autre par l’agrégation de données étrangères à celles auxquelles on recourt traditionnellement pour la répartition de la DGF.

C’est pourquoi, monsieur le sénateur, je vous invite à retirer votre amendement, faute de quoi je serais malheureusement obligé d’en demander le rejet.

M. le président. Monsieur Faure, l’amendement n° II-112 est-il maintenu ?

M. Jean Faure. Monsieur le secrétaire d’État, il ne vous aura pas échappé que, si j’ai gagé mon amendement, c’est pour qu’il soit recevable et puisse être discuté. Mais, bien entendu, rien ne vous oblige à garder ce gage !

Non seulement les communes qui avaient instauré la taxe spéciale il y a plus de trente ans en ont largement bénéficié, comparées à celles qui n’ont pas eu la possibilité de l’instituer à ce moment-là, d’autant plus que l’assiette de la taxe s’est considérablement développée. L’avantage dont ces communes bénéficient par rapport aux petites communes est tout à fait indécent. La répartition que pourrait faire le département de ces sommes permettrait de compenser ces injustices.

Il est bien certain, monsieur le secrétaire d’État, que, si vous levez le gage, ces grosses stations, dont le budget est plus important que celui du chef-lieu du département, y perdront un peu, puisqu’elles ne toucheront plus la subvention de 2 % des départements, mais les départements, eux, pourront mener une action beaucoup plus importante en matière de redistribution entre les communes, bref, en matière de solidarité.

Voilà ce que je voulais défendre, voilà pourquoi aussi, monsieur le secrétaire d’État, je vous demande de revoir votre position et de lever le gage.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si les deux gages que notre collègue Jean Faure a effectivement trouvés pour éviter l’irrecevabilité constitutionnelle étaient levés par le Gouvernement, l’amendement ne pourrait plus se voir reprocher d’affecter la DGF.

Si j’ai bien compris l’économie du dispositif, certaines communes recevraient un peu moins, mais les départements percevraient l’intégralité du produit de la taxe que la loi les autorise à décider et, dans ces conditions, pourraient procéder à une sorte de péréquation au profit de l’ensemble des communes des départements.

De ce fait, monsieur Faure, la commission des finances considère votre amendement avec une relative faveur.

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, acceptez-vous de lever le gage et de revoir votre position sur cet amendement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Je ne lève pas le gage.

Le Gouvernement a besoin d’un temps supplémentaire pour procéder à l’étude du problème et recenser les communes concernées.

En revanche, je prends l’engagement, au nom du Gouvernement, de revoir la question et éventuellement d’y apporter une réponse favorable lors du prochain examen du budget.

M. Paul Blanc. Du budget ? D’un budget !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous avons rendez-vous les 17 et 18 décembre pour l’examen du collectif budgétaire. Il serait peut-être possible d’ici là, monsieur le secrétaire d’État, de faire toute la lumière sur cette question des communes et des départements concernés pour que nous puissions nous prononcer en pleine connaissance de cause.

Si l’engagement est pris que cet amendement fera l’objet d’un nouveau dépôt et d’un nouvel examen lors de la discussion du collectif budgétaire de 2009 et qu’il pourra recevoir un avis éclairé du Gouvernement, notre collègue Jean Faure peut sans doute le retirer.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J’en prends l’engagement devant le Sénat.

M. le président. Monsieur Faure, l'amendement n° II-112 est-il maintenu ?

M. Jean Faure. C’est le cœur déchiré que je me rends à la raison, mais je prends acte de l’engagement de M. le président de la commission des finances et de M. le secrétaire d’État, pour mieux revenir à la charge dans quelques semaines !

Je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-112 est retiré.

L'amendement n° II-181, présenté par M. Reiner, est ainsi libellé :

Avant l'article 55, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le huitième alinéa (d) de l'article L. 2334-6 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« e) La redevance spéciale prévue à l'article L. 2333-78 lorsqu'elle ne s'applique pas à une activité artisanale ou commerciale. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Relations avec les collectivités territoriales

Articles additionnels avant l’article 55
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Articles additionnels après l'article 55

Article 55

I. – Le onzième alinéa de l’article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :

« En 2010, le complément de garantie dû à chaque commune correspond à son montant de 2009 diminué de 2 %. »

II. – Au cinquième alinéa de l’article L. 2334-13 du même code, après l’année : « 2009 », sont insérés les mots : « et en 2010. » – (Adopté.)

Article 55
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 56

Articles additionnels après l'article 55

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-178, présenté par M. Collomb et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 55, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Au septième alinéa de l'article L. 5211-30 du code général des collectivités territoriales, les mots : « selon un taux fixé par le comité des finances locales dans la limite du taux d'évolution de la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7 » sont remplacés par les mots : « selon un taux égal à celui retenu par le comité des finances locales pour les communautés d'agglomération dans les limites prévues au premier alinéa du II de l'article L. 5211-29 ».

II. - Au neuvième alinéa du II de l'article L. 5211-33 du code général des collectivités territoriales, les mots : « selon un taux fixé par le comité des finances locales au plus égal au taux d'évolution de la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7 » sont remplacés par les mots : « selon un taux égal à celui retenu par le comité des finances locales pour les communautés d'agglomération dans les limites prévues au premier alinéa du II de l'article L. 5211-29 ».

L'amendement n° II-179, présenté par M. Collomb et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 55, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Au septième alinéa de l'article L. 5211-30 du code général des collectivités territoriales, les mots : « selon un taux fixé par le comité des finances locales dans la limite du taux d'évolution de la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7 » sont remplacés par les mots : « selon un taux fixé par le comité des finances locales au minimum égal à zéro et au maximum égal au taux d'évolution de la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7 ».

II. - Au neuvième alinéa du II de l'article L. 5211-33 du code général des collectivités territoriales, les mots : «  selon un taux fixé par le comité des finances locales au plus égal au taux d'évolution de la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7 » sont remplacés par les mots : « selon un taux fixé par le comité des finances locales au minimum égal à zéro et au maximum égal au taux d'évolution de la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7 ».

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter ces deux amendements.

M. Pierre-Yves Collombat. Je présente ces amendements au nom de mon collègue Gérard Collomb.

Il s’agit de revenir sur l’une des spécificités d’un système particulièrement complexe qui veut que les dotations d’intercommunalité des communautés urbaines et des syndicats d’agglomérations nouvelles, ou SAN, soient indexées sur la dotation forfaitaire des communes.

Or la faible progression des dotations de base et de péréquation combinées à une réduction du complément de garantie se traduira par une diminution globale de la dotation forfaitaire des communes.

L’amendement n° II-178 vise à aligner la situation des communautés urbaines et des SAN sur celle des communautés d’agglomération, pour lesquelles il est prévu que la progression de la dotation soit au moins égale à l’inflation prévisionnelle telle que prévue dans la loi de finances.

L’amendement n° II-179 est un peu en retrait, puisqu’il vise à éviter la baisse de la dotation d’intercommunalité, quelle que soit l’évolution de la dotation forfaitaire des communes.

En espérant ne pas trahir mon collègue Gérard Collomb, voilà, présenté de la façon la plus simple possible, l’objet de ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. On a beaucoup parlé de péréquation tout à l’heure et je crains que l’amendement n° II-178 n’aille à l’inverse de l’objectif poursuivi en la matière.

En effet, si l’on assure une évolution de la dotation d’intercommunalité des communautés urbaines, on risque du même coup de contrarier l’évolution de la dotation forfaitaire des communes, puisque nous sommes dans le même périmètre et que nous raisonnons sur une enveloppe fermée.

À l’Assemblée nationale, un effort a été fait en faveur de la DSU, qui augmente de 70 millions d’euros. Cet effort permettra peut-être, si le Comité des finances locales s’aligne, d’augmenter également la dotation de solidarité rurale, mais, si l’on vous suit que ce soit sur l’amendement n° II-178 ou sur l’amendement n° II-179, on ne pourra pas maintenir cet effort en faveur de la péréquation.

La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° II-178.

Le même raisonnement vaut pour l’amendement n° II-179. J’ajoute que je ne vois pas comment on pourrait garantir une évolution au-dessus de zéro pour les intercommunalités, alors que, compte tenu des tensions sur la DGF, nous ne pourrons peut-être pas assurer une évolution positive pour certaines des communes.

Les intercommunalités et les communes doivent être sur le même plan. Donc, au nom de l’équité, la commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° II-179.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement demande le rejet de l’amendement n° II-178. Les arguments de M. le rapporteur spécial rejoignent ceux que le Gouvernement pourrait développer.

Pour ce qui est de l’amendement n° II-179, la dotation d’intercommunalité étant prélevée sur la dotation d’aménagement des communes et des EPCI, cette proposition reviendrait à minorer la péréquation communale.

Cependant, la possibilité d’une évolution négative de la dotation forfaitaire des communes ne peut être entièrement écartée. En effet, il est possible que l’indexation de la dotation de base et des dotations de superficie et « parc national » ne suffisent pas à compenser l’évolution négative du complément de garantie.

Par conséquent, dans cette hypothèse, la dotation d’intercommunalité des communautés urbaines et des SAN connaîtrait une évolution légèrement négative, ce qui n’est pas l’objectif, vous en conviendrez.

Pour ces raisons, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n°II-179.

M. le président. Monsieur Collombat, les amendements sont-ils maintenus ?

M. Pierre-Yves Collombat. M. le rapporteur spécial me crucifie ! (Sourires.) C’est que, d’habitude, je ne défends pas spécialement les communautés urbaines. Mais j’espère que, lorsque nous en viendrons à discuter de la répartition du produit de ce qui va remplacer la taxe professionnelle, vous tiendrez le même raisonnement en disant que la péréquation est difficile si l’on maintient la même dotation pour tout le monde. Mais c’est un autre débat…

Cela dit, j’apprécie la position exprimée par M. le secrétaire d’État. Si on pouvait au moins garantir que la dotation ne baisse pas, ce serait, me semble-t-il, une solution de compromis qui satisferait à peu près tout le monde.

Dans ces conditions, je retire le premier amendement, mais je maintiens le second, en espérant que nous pourrons ce soir nous accorder sur un dispositif raisonnable.

M. le président. L’amendement n° II-178 est retiré.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Si nous votions la stabilité pour les intercommunalités, cela ne manquerait pas d’avoir un effet négatif pour les communes : je souhaite vous rendre attentifs à cette remarque, mes chers collègues.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-179.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-180, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 55, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2010, un rapport relatif aux modalités de prises en compte, pour la répartition de la dotation globale de fonctionnement, des personnes détenues dans les établissements pénitentiaires dès la date d'achèvement du centre, au nombre de place effectivement construites, sans attendre l'arrivée effective des prisonniers.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, qui est à la peine, ce soir.

M. Pierre-Yves Collombat. Il est vrai que je suis chargé des missions difficiles, mais en l’occurrence ma tâche est plus simple puisqu’il s’agit d’essayer de faire disparaître une des difficultés que pose le calcul de nos dotations.

Sont ici concernées les communes qui comptent une population carcérale.

Actuellement, dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement, la prise en compte de cette population s’effectue avec un décalage de quatre ans minimum à partir du recensement. Les communes sont pourtant confrontées aux mêmes difficultés avant l’expiration des quatre ans !

L’amendement vise donc à prendre en compte la population correspondant au nombre de places effectivement construites dans l’établissement pénitentiaire.

M. le président. Je crois savoir d’où vient cet amendement...

Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Les auteurs de cet amendement demandent au Gouvernement d’établir un rapport sur les modalités de prise en compte, pour la répartition de la DGF, des personnes détenues dans les établissements pénitentiaires dès la date d’achèvement du centre.

La question se pose effectivement du fait de la création de nouveaux centres pénitentiaires. Elle a d’ailleurs été évoquée le 27 novembre dernier par Roland du Luart, rapporteur spécial de la mission « Justice », et aujourd'hui président de séance.

L’article R. 2151-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que la population de la commune comprend, au titre des communautés qui font partie de la population comptée à part, les personnes détenues dans les établissements pénitentiaires dont le siège est situé sur le territoire de la commune.

Cette population compte donc pour le calcul de la DGF, mais il existe effectivement un décalage dans la prise en compte de cette population.

La commission des finances n’a pas pu examiner l’amendement, mais à titre personnel, comme Roland du Luart, rapporteur spécial de la mission « Justice », je pense qu’il faut faire le point sur ce sujet et j’émets un avis plutôt favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le mode de recensement vise à empêcher que ne soient comptés les habitants fictifs non résidents d’une commune, par exemple, ou des habitants déjà recensés sur le territoire d’une autre commune.

Une partie de la population est donc comptabilisée à part – c’est traditionnel – afin d’éviter une double prise en compte. D’ailleurs, l’INSEE assure directement la collecte des informations auprès des personnes qui résident dans ces communautés : les militaires dans les casernes, les internes dans les établissements d’enseignement, les détenus en prison, les personnes âgées en maison de retraite…

Un établissement pénitentiaire étant considéré légalement comme une communauté, sa population est recensée à part.

Par conséquent, il semble peu opportun de recenser la population carcérale en fonction du nombre de places construites, ce qui reviendrait de surcroît, en anticipant l’occupation de l’établissement, à prendre en compte une population fictive et non encore avérée, dont chacun souhaite au demeurant qu’elle soit la moins nombreuse possible.

Pour ces raisons, il ne semble pas opportun d’amorcer une réflexion sur les modalités de prise en compte de la population des établissements carcéraux.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Généralement, les établissements pénitentiaires se remplissent bien...

M. Robert del Picchia. Même un peu trop, parfois !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission des finances est perplexe, parce que les rapports s’accumulent et, en matière de justice, elle a le privilège d’avoir un rapporteur spécial dont les rapports font autorité.

M. le président. Vous allez me faire rougir !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ne pourrait-il pas y avoir une démarche commune du Gouvernement et du rapporteur spécial pour nous rendre compte des meilleures réflexions sur le problème posé ?

Faut-il pour autant l’inscrire dans la loi ?

Si le Gouvernement prenait l’engagement de nous aider à conduire cette réflexion, je ne doute pas que M. du Luart serait particulièrement diligent pour apporter sa propre contribution et mettre à la disposition de la représentation nationale un rapport d’ici au 30 juin.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement prend cet engagement.

M. le président. Monsieur Collombat, l’amendement n° II-180 est-il maintenu ?

M. Pierre-Yves Collombat. La multiplication des rapports n’est pas forcément la solution, mais je retiendrai du débat de ce soir que les populations carcérales sont des populations fictives : c’est assez intéressant...

Cela étant, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-180 est retiré, mais je remercie M. Pierre-Yves Collombat d’avoir ainsi porté mes idées.

Articles additionnels après l'article 55
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 56 bis (Nouveau)

Article 56

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° À la dernière phrase du dernier alinéa de l’article L. 2334-1, après l’année : « 2009 », sont insérés les mots : « et pour 2010 » ;

2° La dernière phrase du dernier alinéa de l’article L. 2334-18-1 est complétée par les mots : « et en 2010 » ;

3° L’article L. 2334-18-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En 2010, les communes éligibles au titre de l’article L. 2334-16 perçoivent une dotation égale à celle perçue en 2009, majorée, le cas échéant, de l’augmentation prévue à l’article L. 2334-18-4. Pour les communes situées dans la première moitié des communes de la catégorie des communes de 10 000 habitants et plus, classées en fonction de l’indice synthétique de ressources et de charges défini à l’article L. 2334-17, la dotation est égale à celle perçue en 2009, augmentée de 1,2 % et majorée, le cas échéant, de l’augmentation prévue à l’article L. 2334-18-4. Les communes qui n’étaient pas éligibles à la dotation en 2009 mais le deviennent en 2010 bénéficient d’une attribution calculée en application du présent article. » ;

4° Au premier alinéa de l’article L. 2334-18-4, après l’année : « 2009 », sont insérés les mots : « et en 2010 » ;

5° Au 1° du même article, le mot : « cent cinquante » est remplacé par le mot : « deux cent cinquante ». – (Adopté.)

Article 56
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 57

Article 56 bis (nouveau)

I. – À la première phrase du sixième alinéa de l’article L. 2334-17 du code général des collectivités territoriales, les mots : « locales et aux filiales de la Société centrale immobilière » sont remplacés par les mots : « de construction et de gestion de logements sociaux et aux filiales immobilières ».

II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2011.

M. le président. L'amendement n° II-153, présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le sixième alinéa de l'article L. 2334-17 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase, les mots : « la Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations » sont remplacés par les mots : « la société ICADE » ;

2° Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Sont aussi retenus comme des logements sociaux pour l'application du présent article les logements de la Société Nationale Immobilière ou de ses filiales qui appartenaient au 1er janvier 2006 à la société ICADE et qui sont financés dans les conditions fixées par le dernier alinéa de l'article L. 2335-3, le dernier alinéa de l'article L. 5214-23-2, le dernier alinéa de l'article L. 5215-35 et le dernier alinéa de l'article L. 5216-8-1 du présent code. »

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Le logement social constitue l'un des critères de répartition de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et du Fonds de solidarité de la région des communes d'Île-de-France. La définition de ce critère est posée par l'article L. 2334-17 du code général des collectivités territoriales.

Le secteur du logement social connaît depuis quelques années de profondes évolutions, notamment avec les mouvements de patrimoine constatés entre les filiales de la Caisse des dépôts et consignations, la CDC. Ce phénomène devrait s'accroître au cours des prochains mois : ICADE, filiale de la CDC, a annoncé la cession au cours de l'année 2010 de son pôle « logements » à un consortium constitué de plusieurs bailleurs sociaux de la région d’Île-de-France et à la Société nationale immobilière, autre filiale de la CDC.

Les effets de ces cessions ont été pris en compte en ce qui concerne les exonérations de taxe foncière pour le foncier bâti. Dans le cadre de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2010, l'Assemblée nationale et le Sénat ont élargi l'application des modalités de compensation de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties aux logements anciens acquis à l'aide de prêts locatifs sociaux..

Cet amendement vise donc à permettre aux collectivités sur lesquelles se trouve le parc, de continuer à bénéficier de l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties et, surtout, de la compensation de l’État.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Au cours du débat parlementaire, il est apparu que certaines communes pourraient se trouver financièrement pénalisées par le changement de propriétaire de logements sociaux situés sur leur territoire.

En effet, la reconfiguration du patrimoine engagée notamment par la Caisse des dépôts et consignations de l’ensemble de ces filiales aurait dû aboutir, à terme, à des pertes fiscales pour les communes où sont implantés ces logements sociaux qui sont exonérés de certains impôts locaux, cette exonération étant jusqu’alors compensée par l’État.

Or cette compensation aurait parfois dû être remise en cause non en raison de la perte du caractère social du logement, mais du seul fait du changement de statut juridique de son propriétaire.

Nous avons déjà, à l’Assemblée nationale, remédié aux aspects fiscaux du problème.

Vous proposez maintenant d’y remédier pour les aspects touchant aux dotations de solidarité urbaine et au fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France. Cette coordination nous paraît tout à fait justifiée, et c’est pourquoi nous sommes favorables à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous allons voter cet amendement rédactionnel.

L’article 56 bis, indépendamment d’ailleurs de la petite modification rédactionnelle apportée par la commission, pose en effet la question des logements vendus par ICADE, la filiale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations, sous la double exigence de la modification du statut de l’entreprise et de l’alimentation du capital du fonds stratégique d’investissement.

ICADE, en se recentrant sur des activités de promotion immobilière et de location de locaux d’activité industrielle et commerciale, a pu accéder au statut fiscal privilégié de société d’investissement immobilière cotée, pour le plus grand bonheur de la Caisse des dépôts et consignations.

Le produit de la vente des 35 000 logements concernés a permis à la Caisse des dépôts d’apporter en cash plusieurs milliards d’euros au capital du FSI. Un débat récent a montré d’ailleurs que les interventions de ce fonds étaient pour le moins critiquables, puisque servant dans de nombreux cas à payer des plans sociaux...

Néanmoins, que les logements anciennement détenus par ICADE demeurent considérés comme des logements sociaux, comme semble nous y inviter cet article 56 bis, participe de la nécessité de préserver un minimum les intérêts et les ressources des villes les plus frappées par les opérations de transfert de patrimoine.

Par conséquent, nous voterons cet amendement rédigeant l’article.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-153.

(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)

M. le président. En conséquence, l'article 56 bis est ainsi rédigé.

Article 56 bis (Nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 58

Article 57

Le montant de la dotation de développement urbain prévue à l’article L. 2334-41 du code général des collectivités territoriales est fixé à 50 millions d’euros en 2010. – (Adopté.)

Article 57
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Articles additionnels après l'article 58

Article 58

Le montant du fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées prévu à l’article L. 2335-2-1 du code général des collectivités territoriales est fixé à 10 millions d’euros en 2010. – (Adopté.)

Article 58
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 58 bis (nouveau)

Articles additionnels après l'article 58

M. le président. L'amendement n° II-12 rectifié, présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'article 58, insérer un article additionnel ainsi rédigé : 

Le premier alinéa de l'article L. 4332-8 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Bénéficient d'une dotation de péréquation les régions d'outre-mer et les régions métropolitaines dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur d'au moins 15 % au potentiel fiscal moyen par habitant de l'ensemble des régions ou dont le potentiel fiscal par kilomètre carré est inférieur au potentiel fiscal par kilomètre carré de l'ensemble des régions dans une proportion définie par décret sur avis du comité des finances locales. »

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Cet amendement mérite quelques explications.

Dans un contexte budgétaire tendu, la péréquation prend une importance particulière. L’État, le Parlement et le Comité des finances locales y ont été sensibles. Il faut en effet rappeler, monsieur Sueur, que les dotations de péréquation ont augmenté de près de 45 % entre 2004 et 2009.

Il n’en demeure pas moins que la part des volumes financiers consacrée à la péréquation ne conduit pas toujours à réduire les écarts de richesse entre les différentes collectivités. Le rapport de 2006 des professeurs Guy Gilbert et Alain Guengant est très éclairant sur ce sujet. Il montre en effet que, sur la période 2000-2006, les régions ont vu leur inégalité de pouvoir d’achat s’atténuer, ce qui n’a pas été le cas pour les communes et pour les départements.

Encore faut-il que les régions les plus fragiles puissent bénéficier de cette péréquation. C’est tout l’objet de cet amendement.

En effet, les critères actuels d’éligibilité des régions à cette dotation ne prennent pas en compte la spécificité des territoires régionaux et pénalisent les régions dont la démographie augmente le moins.

Ce mode de calcul conduit peu à peu à des incohérences qui se manifestent par le risque d’exclusion de certaines régions fragiles, ce qui est déjà le cas pour l’Auvergne et qui pourrait aussi concerner d’autres régions si de nouvelles règles ne sont pas mises en place.

Le débat n’est pas nouveau puisqu’il a déjà été évoqué ici même, l’année dernière, lors de la discussion de loi de finances pour 2009.

Un groupe de travail constitué au sein du Comité des finances locales n’a pu aboutir à un consensus. L’exercice est en effet difficile, car la répartition s’entend à enveloppe fermée. Or, nous le savons, plus on est nombreux autour de la table, moins les parts de gâteau sont généreuses...

Cette situation m’a donc conduit à mener, durant l’année 2009, une mission de contrôle, au nom de la commission des finances, sur l’efficacité de la péréquation régionale. C’est sur la base des conclusions de ce rapport que la commission des finances vous propose un amendement visant à faire un pas vers une péréquation plus juste, en modifiant les critères d’éligibilité à la dotation de péréquation des régions sans affecter les critères de la répartition.

En effet, actuellement, les critères d’éligibilité sont fondés uniquement sur la comparaison des potentiels fiscaux par habitant, alors que, paradoxalement, ceux de la répartition entre régions prennent en compte les spécificités du territoire régional comme le potentiel fiscal superficiaire.

En d’autres termes, la notion de territoire est absente dans les critères de sélection des régions et, de surcroît, une région peut être exclue de la dotation de péréquation du fait d’une évolution démographique plus faible que celle des autres régions.

En effet, une croissance démographique moins rapide induit une augmentation du potentiel fiscal par habitant plus importante que la moyenne de référence qui sert de base au seuil d’éligibilité à la dotation.

Une région peut ainsi se trouver exclue du dispositif de péréquation, alors même qu’elle aura à supporter des charges fixes par habitant plus fortes. C’est alors le régime de la double peine qu’elle subit.

Nous proposons donc de rapprocher les critères de l’éligibilité de ceux de la répartition, en intégrant un nouvel élément fondé sur le potentiel fiscal superficiaire des régions. Au critère de potentiel fiscal moyen par habitant on ajouterait ainsi un critère ouvrant l’éligibilité aux régions dont le potentiel fiscal par kilomètre carré est inférieur au potentiel fiscal par kilomètre carré de l’ensemble des régions.

La commission a estimé qu’il revenait au Comité des finances locales et au Gouvernement de déterminer la place du curseur pour ce critère, en fonction des informations et des simulations qu’ils seront à même de réaliser. Il leur reviendra de déterminer la bonne mesure permettant de retenir un nombre raisonnable de régions pour l’éligibilité, en limitant les effets à la marge sur les dotations des régions déjà éligibles.

Par le vote de cet amendement, nous vous invitons à poser le principe de la prise en compte de la diversité des territoires dans les critères de l’éligibilité à la dotation de péréquation régionale pour évoluer vers une péréquation plus juste.

M. le président. Pour la clarté du débat, j’appelle en discussion l'amendement n° II-195 rectifié, présenté par Mmes Alquier et André, et ainsi libellé :

Après l'article 58, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 4332-8 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'année 2010, il est alloué à la région Auvergne le montant résultant de la totalité de l'évolution de la part "péréquation" de la dotation globale de fonctionnement. »

La parole est à Mme Michèle André, pour présenter cet amendement et traiter du même problème de péréquation, sous l’angle, toujours intéressant, de ce qui peut sembler être une spécificité auvergnate. (Sourires.)

Mme Michèle André. Mon collègue Jean-Pierre Sueur me faisait déjà remarquer qu’il s’agissait peut-être d’une spécificité auvergnate, monsieur le président. (Nouveaux sourires.)

Par cet amendement nous proposons non pas de bouleverser le dispositif de péréquation régionale comme le propose M. le rapporteur spécial, mais simplement d’attribuer l’évolution de la DGF en 2010 à la région Auvergne.

Le problème de la péréquation régionale, qui agite nos débats depuis deux ans, est dû principalement à la sortie de notre région Auvergne du dispositif en 2008.

Comment, lorsqu’on connaît les spécificités de notre région, l’enclavement de son territoire, ses difficultés économiques et l’importance de ses charges, peut-on comprendre que, depuis deux ans, cette région soit exclue du bénéfice de la péréquation régionale ?

L’absence de prise en compte de la superficie régionale dans les critères d’éligibilité est à l’origine de cette inégalité. C’est la raison pour laquelle nous vous sollicitons.

Les présidents des régions de France sont parvenus à un accord unanime, que je propose de reprendre par cet amendement. À deux reprises en effet, lors de leur assemblée générale, qui s’est tenue le 13 mai et le 16 septembre derniers, les présidents de région ont adopté le principe de l’attribution à la région Auvergne de l’évolution de la dotation de péréquation.

Cette solution permettrait de répondre à l’injustice actuelle, tout en ne faisant pas perdre de recettes aux régions déjà bénéficiaires, puisque leur montant serait identique à celui qui a été versé en 2009.

Cette proposition, si elle était retenue, ne saurait être naturellement que temporaire, et ne peut en aucune manière nous soustraire à la réflexion indispensable que nous devons avoir l’année prochaine pour réformer globalement les mécanismes de péréquation au profit des collectivités locales.

Il faudrait alors réfléchir à la définition de la richesse pour un territoire, mais également à de nouveaux critères d’éligibilité et de répartition. Tout en n’obérant pas l’avenir, cette solution éviterait néanmoins l’implosion de la péréquation régionale, au risque, sinon, de mettre en péril les budgets de nos collectivités.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons d’adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° II-195 rectifié ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Sur le principe, l’Auvergnat que je suis ne peut pas être contre cet amendement (Sourires),...

M. Jean-Jacques Hyest. Vous êtes parlementaire avant tout !

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. ... mais le dispositif ici proposé est à l’évidence inconstitutionnel.

Pour cette raison, la commission des finances ne peut émettre un avis favorable sur cet amendement.

Nous nous en remettrons donc à l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement sur les amendements n° II-12 et n° II-195 rectifié?

Nous allons entendre un troisième Auvergnat sur le sujet. (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest. On peut peut-être les laisser entre eux et aller à la buvette !

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Restez, monsieur Hyest, car vous serez tout de même amené à trancher !

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je rappelle simplement que, en 2009, 12 régions ont bénéficié d’une attribution au titre de la péréquation régionale, dont l’éligibilité est effectivement déterminée en fonction du potentiel fiscal par habitant. L’amendement de M. le rapporteur spécial a pour objet de compléter ce critère d’éligibilité en y ajoutant un critère de potentiel fiscal superficiaire.

Concrètement, et je m’adresse ici aux non-Auvergnats de cette assemblée (Nouveaux sourires), il s’agit d’élargir l’éligibilité à de nouvelles régions, et plus spécifiquement à la région Auvergne, ce qui est également l’objet de l’amendement de Mme André.

M. Marleix et moi-même avons étudié avec beaucoup d’attention la proposition faite par M. Jarlier, au nom de la commission des finances. Elle présente beaucoup d’avantages mais également au moins un inconvénient, que la Haute Assemblée doit connaître puisque cela concerne beaucoup d’autres régions françaises.

En effet, ce mécanisme risque, à mon sens, de perturber tout le dispositif de péréquation régionale. À la lumière de chiffres calculés sur la base de l’année 2009, cela entraînerait effectivement l’entrée de l’Auvergne dans la péréquation, mais cela ferait perdre 9,3 millions d’euros à la Corse, 6,9 millions d’euros au Limousin, 4,9 millions d’euros au Poitou-Charentes, 8,2 millions d’euros à Midi-Pyrénées,...

Mme Nathalie Goulet. Et la Basse-Normandie !

M. Brice Hortefeux, ministre. ... soit une très forte décroissance pour toutes les régions.

Je pourrais continuer et vous donner les chiffres pour la Bretagne, l’Aquitaine, le Nord-Pas-de-Calais et ainsi de suite.

Si l’on retient, conformément au souhait de M. Jarlier, un seuil à 50 %, qui est celui qui permet de faire rentrer l’Auvergne dans la péréquation, cela ferait effectivement rentrer deux nouvelles régions, mais cela entraînerait tout de même des diminutions de dotation pour les régions actuellement éligibles dont j’ai cité certaines.

J’ajoute que l’amendement renvoie concrètement à un décret, pris après avis du Comité des finances locales. Or M. Alain Marleix et moi-même pensons qu’il semble juridiquement assez peu sûr de proposer une mesure d’ordre réglementaire, alors que l’article 72 de la Constitution précise que la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales, et que tous les critères de répartition des dotations entre les collectivités locales, notamment ceux qui sont relatifs à la péréquation régionale, sont déterminés par la loi.

M. Brice Hortefeux, ministre. Au surplus, il paraît très nécessaire que le Comité des finances locales puisse se prononcer sur cette question.

L’amendement du rapporteur est donc intéressant et l’objectif tout à fait louable ; au reste, nous le partageons, Alain Marleix et moi-même. Il me paraît cependant difficile d’application compte tenu des conséquences pour les autres régions. C’est pour cela, monsieur le rapporteur spécial, que je vous invite à retirer votre amendement, faute de quoi j’en demanderai le rejet.

Je terminerai sur l’amendement présenté par Mme André.

Madame la sénatrice, vous présentez un amendement qui a été examiné par l’Association des régions de France, et que vous présentez en son nom. Il a le même objectif que celui qu’a présenté M. Jarlier. Cet amendement utilise, pour alimenter la région Auvergne, la seule progression de la péréquation 2010. C’est donc un gain pour l’Auvergne, ce qui, en soi, est très positif. (Sourires.)

Néanmoins, je ne suis pas loin de tomber d’accord avec M. le rapporteur spécial pour dire que cet amendement est sans doute contraire au principe d’égalité. Il présente donc un risque constitutionnel qui nous paraît assez élevé.

Cela étant, s’agissant d’un objectif auquel nous souscrivons et d’un amendement proposé par l’ARF, c’est-à-dire, après tout, une institution responsable, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, je vous remercie de nous indiquer que c’est l’Association des régions de France qui a conçu l’amendement n° II-195 rectifié, mais le Sénat n’est pas le notaire de l’ARF !

M. Brice Hortefeux, ministre. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il nous appartient de porter sereinement une appréciation sur un dispositif qui paraît, en effet, à la limite de la constitutionnalité.

Comment peut-on écrire dans la loi qu’une seule région récupérera l’intégralité de la progression de la péréquation ?

M. Pierre-Yves Collombat. Oui, mais c’est l’Auvergne ! (Sourires.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Certes, mon cher collègue, et, dans cette région, on a le sens de l’épargne… (Nouveaux sourires.)

Toutefois, pour ma part, je ne pourrai pas voter l’amendement n° II-195 rectifié, déposé par Mme Alquier avec les encouragements de l’Association des régions de France.

Quant à l’amendement n° II-12 rectifié, présenté par M. le rapporteur spécial au nom de la commission des finances, il me semble qu’il offre des marges de discussion. Peut-être, d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, pourrions-nous, grâce à vous, monsieur le ministre, et à vos services, notamment la direction générale des collectivités locales, expertiser ce dispositif et lui donner une forme permettant d’éviter les inconvénients qui ont été soulignés ?

M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.

Mme Michèle André. Monsieur le président de la commission des finances, je voudrais vous rassurer : l’amendement n° II-195 rectifié n’est pas un amendement de l’ARF !

Je suis parlementaire du Puy-de-Dôme et porte à ce titre la problématique de la région dont je suis issue, dans laquelle je vis et où je suis élue.

Faites-moi donc le crédit d’être parfaitement dans mon rôle de sénatrice lorsque je défends cet amendement.

Si j’ai fait allusion à l’ARF, c’est tout simplement parce que cette association, lorsque nous l’avons interrogée, a répondu qu’elle ne voyait pas d’inconvénient à l’adoption d’une telle disposition.

M. le ministre a souligné qu’il avait reçu lui aussi de l’ARF un courrier en ce sens, qui a également été adressé à M. Gilles Carrez, le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, ainsi qu’au Comité des finances locales, et voilà tout.

Je tenais à le préciser.

Encore une fois, en tant que sénatrice du Puy-de-Dôme, je suis ici dans mon rôle.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pour ma part, je considère que tout ce qui n’est pas interdit par la loi est autorisé ; par conséquent, si les régions de France sont d’accord pour donner de l’argent à l’Auvergne, elles peuvent le faire par voie conventionnelle !

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.

M. Philippe Dominati. Ce débat sur la péréquation est très intéressant, même s’il me semble quelque peu situé géographiquement (Sourires sur les travées de lUMP) et, surtout, gênant si l’on en juge aux simulations.

À quelques mois d’un scrutin régional, je trouve déplaisant d’adopter des dispositions dont nous ne savons pas quelles conséquences financières elles auront sur les autres collectivités territoriales. Qui plus est, prendre une telle décision dans ces conditions, au milieu d’un débat budgétaire, me semble quelque peu choquant sur le plan de la méthode…

La prochaine fois, mes chers collègues, je vous proposerai des dispositifs en faveur de tel ou tel arrondissement de Paris, le IVe, par exemple, à quelques mois du scrutin municipal, en arguant que nous aurons toujours le temps de nous adapter une fois que le Gouvernement aura réalisé les simulations nécessaires !

De grâce, retrouvons notre sérénité et prenons le temps d’examiner attentivement ce dossier. Certes, le mécanisme de péréquation pose un sérieux problème, puisqu’il peut créer des déséquilibres entre les régions. Toutefois, nous ne pouvons le modifier dans ces conditions, à cette heure-ci et à une date aussi proche de celle des élections de mars 2010.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Mon explication de vote ne portera que sur l’amendement n° II-12 rectifié de la commission des finances.

Monsieur le rapporteur spécial, je ne suis pas tout à fait d’accord avec les chiffres que vous avez cités sur l’évolution de la péréquation au cours des dernières années. En effet, tout dépend de ce que l’on qualifie de « péréquation », et c’est un vaste débat.

En outre, nous ne pourrons pas voter cet amendement parce que nous nous méfions de cette accumulation de critères, qui a fait les beaux jours de la DGF. À une certaine époque, nous avions additionné jusqu’à soixante paramètres, me semble-t-il…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait ! De tels dispositifs sont illisibles !

M. Jean-Pierre Sueur. En effet, mon cher collègue.

Par ailleurs, pour estimer le potentiel fiscal, le critère du kilomètre carré me semble dangereux. Il y aura toujours quelqu'un pour déposer ensuite un amendement tendant à valoriser les surfaces de montagne, par exemple ! Et nous aurons ainsi toute une série de critères supplémentaires.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela suscite inévitablement des effets pervers !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous devons donc être très attentifs aux mécanismes que nous instituons.

Par ailleurs, comme M. le ministre l’a souligné à juste titre, d'une part, ni l’ARF ni aucune autre association n’ont été interrogées sur cette disposition, ce qui, pour le coup, fait une différence avec l’amendement n° II-195 rectifié, et, d'autre part, le Comité des finances locales n’a pas été consulté (M. le rapporteur spécial se récrie) ou du moins n’a pas donné son accord, même s’il a beaucoup travaillé sur ce sujet difficile, tout comme vous d'ailleurs, monsieur le rapporteur spécial, je vous en donne acte.

Enfin, et je rejoins ici les propos de M. le ministre, il me paraît très difficilement acceptable, en l’espèce, qu’un décret définisse les modalités d’une péréquation censée bénéficier à quatorze régions mais pas aux huit autres.

Les critères en la matière relèvent de la loi et non du décret : ce doit être pour nous une exigence absolue.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Dans certains cas, le législateur ne peut déléguer sa compétence au pouvoir réglementaire, et l’inverse est vrai aussi.

En l’occurrence, le législateur doit fixer la proportion de cette péréquation et ne pas se contenter de renvoyer à un décret. De ce point de vue, l’amendement n° II-12 rectifié ne me semble pas conforme aux règles constitutionnelles aujourd'hui en vigueur.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Comme nous devons nous réunir samedi prochain pour évoquer un certain nombre de sujets, j’ai pris le soin de relire un amendement, qui doit être présenté par M. Philippe Marini, au nom de la commission des finances, et dont l’une des dispositions est ainsi rédigée :

« Avant le 1er juin 2010, le Gouvernement transmet à l’Assemblée nationale et au Sénat un rapport qui […] étudie l’architecture et l’articulation des dispositifs de péréquation verticale abondés par des dotations de l’État et de péréquation horizontale entre collectivités […] ».

Ne serait-il pas dommageable de traiter de cas particuliers aujourd'hui, alors que nous allons demander au Gouvernement de réaliser pour nous une analyse générale des problèmes de péréquation tant horizontale que verticale dont, si j’ai bien compris, M. le ministre nous a déjà apporté quelques éléments, notamment en termes de simulations ?

Dans le même amendement, nous préciserons également que : « Au vu de ce rapport, et avant le 31 juillet 2010, la loi précise et adapte le dispositif de répartition des ressources des collectivités territoriales […] »

Mes chers collègues, peut-être faudrait-il patienter encore six mois pour régler les problèmes de l’Auvergne ! (Sourires.)

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-12 rectifié est-il maintenu ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. J’ai bien entendu les arguments tenant à l’inconstitutionnalité du dispositif. Surtout, je comprends le point de vue de M. le président de la commission des lois, pour qui il faudrait éviter de renvoyer au décret le soin de fixer une telle proportion.

Toutefois, je le rappelle, cet amendement de la commission des finances est issu d’un rapport parlementaire, qui s’appuyait sur six mois de travaux au cours desquels nous avons pu constater que les critères d’attribution posaient de véritables difficultés !

Mes chers collègues, aujourd'hui, c’est l’Auvergne qui est perdante, mais, demain, avec les critères actuels, d’autres régions seront victimes de ce dispositif : si elles ont le malheur de voir leur population augmenter plus lentement que la moyenne nationale, elles bénéficieront d’une moindre péréquation régionale. C’est un simple constat auquel je voudrais vous rendre attentifs.

Il faut donc trouver une solution, me semble-t-il. Monsieur le ministre, n’oublions pas que nous aurons aussi à examiner bientôt un collectif budgétaire. Peut-être pourrions-nous, ensemble, en lien avec vos services, réfléchir à une solution viable, qui pourrait être proposée à cette occasion ?

Comme j’ai entendu les arguments qui m’étaient opposés, je retire cet amendement, monsieur le président, mais le problème subsiste et, pour l’Auvergne, ce sont 11 millions d'euros de perdus !

M. le président. L'amendement n° II-12 rectifié est retiré.

Madame André, l'amendement n° II-195 rectifié est-il maintenu ?

Mme Michèle André. D’ici à six mois, nous aurons peut-être eu le temps de réfléchir utilement.

Je retire donc cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-195 rectifié est retiré.

Articles additionnels après l'article 58
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Articles additionnels après l'article 58 bis

Article 58 bis (nouveau)

Le 5° de l’article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° La première phrase est complétée par les mots : «, y compris, le cas échéant, les communes insulaires situées dans les surfaces maritimes classées en parc naturel marin, mentionné à l’article L. 334-3 du code de l’environnement » ;

2° La deuxième phrase est complétée par les mots : « ou lorsqu’il s’agit de la part d’une commune insulaire située dans une surface maritime classée en parc naturel marin, mentionné à l’article L. 334-3 du code de l’environnement ». – (Adopté.)

Article 58 bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Administration générale et territoriale de l'État

Articles additionnels après l'article 58 bis

M. le président. L'amendement n° II-182, présenté par MM. Patient, Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 58 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2010, un rapport relatif aux modalités de prises en compte, pour la répartition de la dotation de base de la dotation globale de fonctionnement, de la population réelle des départements d'outre mer. Le rapport précise les possibilités de prise en compte des populations habitants dans des logements illégaux et des personnes en situations irrégulières.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Je suis pour l’occasion spécialiste de l’outre-mer, puisque, comme vous le savez, nos collègues originaires de ces territoires sont retenus par des débats dans leurs collectivités !

D'ailleurs, si vous le voulez bien, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos II-182 et II-183 rectifié, dont les dispositions sont proches.

M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.

J’appelle donc également en discussion l’amendement n° II-183 rectifié, présenté par MM. Patient, Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Après l'article 58 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2010, un rapport précisant les possibilités de prise en compte, pour la répartition de la dotation forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement des collectivités territoriales de Guyane, du revenu moyen par habitant, des dépenses scolaires ainsi que des particularités géographiques de ces collectivités.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Pierre-Yves Collombat. Je vais m’attirer les foudres de M. Sueur et de M. Doligé, puisqu’il sera question ici, une fois de plus, de critères et, nous le savons, il y en a déjà beaucoup. Mais nous nous efforçons de tenir compte des particularités territoriales, qui sont fortes outre-mer.

Si l’amendement n° II-82 était adopté, un rapport serait établi, afin de nous éclairer sur la meilleure prise en compte de la population de ces territoires, où de nombreuses personnes vivent dans des logements plus ou moins légaux. Cette situation n’est pas propre à ces territoires, mais le phénomène prend là-bas des proportions tout à fait considérables.

L’amendement n° II-183 traite de manière plus spécifique de la situation de la Guyane, puisque ce département présente la particularité, malheureusement, d’être celui où le produit intérieur brut par habitant est le plus faible et le taux de pauvreté le plus élevé.

Il s'agirait donc de retenir des critères plus spécifiques, comme le revenu moyen par habitant, les dépenses scolaires, compte tenu de l’augmentation forte de la population en âge d’aller à l’école, et certaines particularités géographiques, puisque 58 % de la population guyanaise sont concentrés sur 6 % du territoire, les autres habitants du département se trouvant dispersés dans des zones très difficiles d’accès, que l’on rejoint essentiellement par voie fluviale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos II-182 et II-183 rectifié ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Les auteurs de l’amendement n° II-182 proposent que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les modalités de recensement de la population réelle des départements d’outre-mer, qui sert notamment de base au calcul de la DGF.

En soulevant ce problème, les auteurs de cet amendement reprennent l’une des propositions de la mission commune d’information sénatoriale sur la situation des DOM, dont notre collègue Éric Doligé était le rapporteur.

Dans ses conclusions, cette mission préconisait en effet d’améliorer les modalités de recensement de la population, afin de garantir que les dotations de l’État soient ajustées à la situation réelle des collectivités territoriales.

De fait, la remise d’un rapport par le Gouvernement serait de nature à éclairer la représentation nationale sur la situation et les moyens de remédier aux problèmes de recensement des populations en situation irrégulière ou vivant dans des logements illégaux.

La commission des finances n’a pu examiner cet amendement. Toutefois, à titre personnel, j’estime qu’il convient d’y être favorable.

J’en viens à l’amendement n° II-183 rectifié. S’il était adopté, le Gouvernement devrait remettre au Parlement un rapport sur les possibilités de prise en compte de critères de répartition de la DGF propres aux collectivités territoriales de Guyane.

La mission sénatoriale sur la situation des DOM a formulé des propositions sur deux questions : d'une part, le recensement exhaustif de la population ; d'autre part, le plafonnement de la dotation superficiaire des communes de Guyane.

La commission des finances n’a pas pu examiner cet amendement. Cependant, à titre personnel, il me semble qu’il convient à ce stade d’en rester aux demandes précises formulées à travers l’amendement n° II-182 et l’amendement n° II-185, qui va être présenté dans quelques instants, plutôt que d’ouvrir un débat infini sur la prise en compte de critères spécifiques pour la répartition de la DGF, alors que nous ne disposons d’aucun élément chiffré sur les conséquences d’une telle réforme.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Comme le Comité des finances locales l’a rappelé à plusieurs reprises, notamment dans son rapport du mois de mai 2004, la DGF, dotation globale et libre d’emploi, n’a vocation ni à répondre à des politiques particulières, si légitimes soient-elles, ni à couvrir des charges également particulières. Il a également insisté sur la nécessité de faire reposer la répartition de la DGF sur des critères simples, fiables et suffisamment significatifs.

Ce sont ces principes qui ont guidé le Comité des finances locales sur la réforme des dotations. Le rapport du mois de mai 2004 souligne qu’il est impératif de restaurer la lisibilité de la dotation forfaitaire ainsi que la simplicité et « l’équité des dotations de péréquation ». Or, par définition, ni la population en situation irrégulière ni celle qui habite des logements illégaux ne peuvent être connues de façon fiable et incontestable.

En conséquence, la prise en compte d’un tel critère, et d’une population aussi difficile à recenser, nuirait à la lisibilité de la DGF et à la fiabilité de sa répartition. En effet, les critères de population pris en compte pour la répartition de la DGF sont fondés sur les données fournies par l’INSEE.

En outre, modifier la définition de la population prise en compte pour la répartition de la DGF induirait des effets de transfert potentiellement importants entre collectivités, en particulier entre les collectivités d’outre-mer qui se partagent une quote-part spécifique de la DGF, répartie notamment en fonction de leurs populations respectives.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. J’ai participé à l’élaboration de deux rapports d’information, l’un sur la situation des départements d'outre-mer, l’autre sur la sécheresse. Tous deux ont été l’occasion de formuler un certain nombre de propositions, jusqu’à cent pour l’outre-mer.

Au fil des budgets, ces préconisations sont égrenées les unes après les autres, alors qu’elles forment un tout.

Les dispositions que visent à instaurer ces amendements sont intéressantes. Il va de soi qu’il faut prendre en compte les spécificités locales : il suffit de se rendre outre-mer pour en saisir l’ampleur. C’est d’ailleurs pour cette raison que M. le président du Sénat a souhaité un comité de suivi du rapport d’information sur la situation des départements d'outre-mer, qui s’intéressera sans doute également aux réflexions du comité interministériel de l’outre-mer, le CIOM.

Il ne faut pas prendre ces préconisations isolément, pour tenter d’apporter une réponse limitée à un problème précis, en laissant les autres dans l’ombre : il faut les envisager comme un ensemble indissociable. Je souhaite que, au cours de l’année à venir, nous leur donnions une traduction globale.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Ces deux amendements, comme les deux amendements suivants, posent une question essentielle, celle des dotations aux collectivités territoriales et, surtout, de l’évidente inadaptation des critères de répartition au regard des situations particulières, notamment en Guyane, département à l’immense superficie et à la très faible densité de population.

Dès lors que ne sont pas suffisamment prises en compte les réalités locales, les règles propres aux dotations budgétaires sont difficiles à appliquer.

M. le président. Monsieur Collombat, les amendements nos II-182 et II-183 rectifié sont-ils maintenus ?

M. Pierre-Yves Collombat. Il faut un peu de cohérence. Nous ne pouvons pas multiplier les rapports, formuler des préconisations dont tout le monde reconnaît la pertinence et ne pas en tenir compte !

Certes, je suis d’accord avec M. le secrétaire d'État, la DGF n’est peut-être pas le meilleur support pour régler ce type de problème. Il n’en reste pas moins qu’il faut trouver le dispositif adéquat, fonds ou dotation.

L’argument de la complexité de la DGF est un peu court. Certes, c’est une difficulté réelle, mais, au point où nous en sommes, un peu plus ou un peu moins, cela ne changerait pas grand-chose.

À quoi bon rédiger des rapports s’ils ne trouvent pas leur traduction en actes ?

Je maintiens ces deux amendements, parce que je les ai présentés au nom de mes collègues domiens, mais, sur le fond, M. Doligé a raison, il faut trouver des véhicules plus satisfaisants pour sinon régler tous les problèmes du moins améliorer la situation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-182.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-183 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-184, présenté par MM. Patient, Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 58 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans la dernière phrase du 2° de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, le mot : « triple » est remplacé par le mot : « quadruple ».

II. - Ce même 2° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le solde est attribué à l'établissement public de coopération intercommunale dont la commune est membre. »

III. - Les conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales de l'augmentation de la part de la dotation forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement proportionnelle à la superficie, sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

IV. - Les conséquences financières résultant pour l'État du III ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai également l’amendement nII-185.

M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.

J’appelle donc en discussion l’amendement n° II-185, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Après l'article 58 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 1er octobre 2010, un rapport présentant le bilan du plafonnement de la part de la dotation globale de fonctionnement proportionnelle à la superficie, applicable aux communes de Guyane ainsi que les propositions d'adaptation de ce dispositif dans un sens plus favorable aux communes disposant de faibles ressources.

Veuillez poursuivre, monsieur Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Ces amendements portent sur la dotation globale de fonctionnement, en particulier sa part superficiaire, c'est-à-dire proportionnelle à la superficie.

En Guyane, où les communes peuvent avoir des superficies extrêmement importantes, ce problème se pose avec une acuité particulière.

En moyenne, la superficie des communes guyanaises est de cinquante kilomètres carrés, contre quinze kilomètres carrés en métropole. Mais la commune de Maripasoula s’étend sur plus d’un million d’hectares, ce qui n’est pas rien !

Pour éviter que ces communes ne perçoivent des dotations trop importantes, la dotation globale de fonctionnement a été plafonnée à trois fois la dotation forfaitaire, ce qui constitue un manque à gagner pour les communes concernées.

L'amendement n° II-184 vise à porter ce plafonnement de trois fois à quatre fois la dotation forfaitaire. L'amendement n° II-185, amendement de repli, tend à demander que soit soumis au Parlement un rapport présentant le bilan du plafonnement de la part de la dotation globale de fonctionnement proportionnelle à la superficie, applicable aux communes de Guyane, ainsi que les propositions d’adaptation de ce dispositif dans un sens plus favorable aux communes disposant de faibles ressources.

Si le dispositif de la DGF fonctionne à peu près en métropole, ce n’est pas le cas en Guyane, en raison des particularités de ce département. Il convient donc de trouver des modalités mieux adaptées aux situations locales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Fort des propos de M. Doligé, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Monsieur Collombat, les amendements nos II-184 et II-185 sont-ils maintenus ?

M. Pierre-Yves Collombat. Oui, je les maintiens, monsieur le président !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-184.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-185.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l'article 58 bis
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 35 et état B

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avance aux collectivités territoriales ».

Administration générale et territoriale de l’État

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

La parole est à Mme le rapporteur spécial.

Mme Michèle André, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » s’appuiera en 2010 sur une enveloppe budgétaire de 2,6 milliards d’euros en crédits de paiement, soit un niveau quasi stable par rapport à 2009.

La mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques continuera de caractériser l’année prochaine cette mission. La perspective fixée consiste en une centralisation au sein des préfectures du contrôle de légalité, tandis que les sous-préfectures sont orientées vers les missions de conseil aux collectivités territoriales.

Cette réforme se traduit dans le projet de loi de finances pour 2010 par une réduction significative des effectifs de la mission, de l’ordre de 736 équivalents temps plein travaillé. Ces suppressions d’emplois se répartissent entre les missions relatives aux titres d’identité pour 73 équivalents temps plein travaillé, au système d’immatriculation des véhicules pour 140 équivalents temps plein travaillé, au contrôle de légalité pour 156 équivalents temps plein travaillé et aux fonctions supports pour 367 équivalents temps plein travaillé.

Eu égard à ces suppressions de postes, on peut s’interroger et même s’inquiéter, c’est d’ailleurs mon cas. Les réductions de personnels ne doivent pas en effet s’opérer au détriment de la qualité du service public, notamment dans le cadre du contrôle de légalité et du conseil.

Dans ce contexte, le budget du programme 307 « Administration territoriale » comprend 1,79 milliard d’euros. Il enregistre une baisse de 2,2 % par rapport à 2009. Son plafond d’emplois est fixé à 29 039 équivalents temps plein travaillé, soit une diminution de 759 emplois par rapport à l’exercice précédent.

J’en viens au réseau préfectoral. M. le ministre de l’intérieur a récemment affirmé son attachement au maintien du réseau des sous-préfectures. Cette déclaration est importante, en particulier ici, au Sénat, qui est la « Maison des collectivités territoriales ». Cependant, monsieur le secrétaire d'État, comment un sous-préfet aura-t-il la capacité de continuer à assurer dans de bonnes conditions un conseil de qualité s’il ne lui reste plus qu’un cadre A et un cadre B ? Cette question se pose dans de nombreuses sous-préfectures.

L’Agence nationale des titres sécurisés, l’ANTS, voit, pour sa part, son budget réduit de 19,1 %, avec une enveloppe de 212,5 millions d’euros. Cette baisse s’explique par l’arrivée à maturité de certains projets, à savoir le système d’immatriculation des véhicules et les investissements liés au programme des titres électroniques sécurisés.

Sur la délivrance du passeport biométrique, un audit vient d’être engagé sur le coût de fonctionnement des stations d’enregistrement à la charge des communes. Les conclusions de cet audit devraient être rendues au mois de janvier 2010. Elles permettront assurément de servir de base à une révision du mode de calcul de la dotation versée aux communes équipées de ces stations, afin de couvrir les dépenses liées à la délivrance de titres pour les demandeurs extérieurs au territoire de la commune.

L’arrivée de la prochaine carte nationale d’identité sera également l’occasion de recalibrer cette dotation, comme de repenser le système de prise des photos d’identité et de transmission dématérialisée.

Le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative » bénéficie d’une augmentation de 13,3 % de ses crédits de paiement, avec un budget de 269,5 millions d’euros. Cette évolution à la hausse est en phase avec le cycle électoral.

Le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » enregistre, quant à lui, une hausse de 2,2 % de ses crédits de paiement.

Cette année encore, il convient de souligner la fragilisation de ce programme par l’évolution des frais de contentieux. Au 1er septembre 2009, le rythme des dépenses était en augmentation de 5 % par rapport à 2008, pour un montant de 72,2 millions d’euros.

Se pose donc la question du respect de l’autorisation budgétaire accordée pour l’exercice 2009 – 87,4 millions d’euros, dont une enveloppe de 80,2 millions d’euros pour les frais de contentieux –, d’une part, d’une éventuelle sous-évaluation de ce poste de dépenses pour 2010, d’autre part.

En conclusion, et sous ces réserves, la commission des finances propose au Sénat l’adoption des crédits de cette mission et de chacun de ses programmes. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après l’exposé très exhaustif de Mme le rapporteur spécial, je me limiterai à quatre observations.

Ma première observation sera pour vous redire, monsieur le secrétaire d’État, notre inquiétude face aux difficultés liées à la lutte contre les dérives sectaires. Ce sentiment n’est pas nouveau. Nous avons rencontré les responsables de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la MIVILUDES : la solitude à laquelle ils sont confrontés les empêche de mener à bien leur mission.

Alors qu’ils devraient bénéficier de l’appui des groupes spécifiques mis en place auprès des préfectures, ceux-ci n’ont pas tous été mis en place. Et lorsque c’est le cas, la MIVILUDES n’est pas toujours associée aux travaux, si bien qu’une douzaine de réunions seulement ont eu lieu dans les préfectures au cours de l’année 2009.

Par ailleurs – et c’est un paradoxe ! –, depuis la suppression des Renseignements généraux, la MIVILUDES est privée de toute information du ministère de l’intérieur, comme de toute information en matière judiciaire. Ses responsables n’ont donc plus les moyens de mener à bien cette mission, qui reste pourtant une priorité de votre ministère de tutelle, monsieur le secrétaire d'État.

Ma deuxième observation a trait à l’accueil des administrés et, en particulier, des étrangers dans les locaux des préfectures et des sous-préfectures.

J’ai pu le constater personnellement à l’occasion de certains déplacements : ici, on reçoit les étrangers dans une simple coursive, dans des conditions misérables, et le terme n’est pas excessif ; là, une longue file d’attente se forme dès huit heures du matin, et même avant, les personnes dormant parfois sur les lieux pour ne pas perdre leur place dans la queue, avec l’espoir d’obtenir la régularisation de leur titre de séjour.

Tout cela n’est ni humain ni digne de la République. On pourrait peut-être améliorer les choses, ne serait-ce qu’en recourant, par exemple, à des techniques modernes d’informatisation. Certains n’y sont pas sensibles, certes, mais pourquoi ne pas permettre à ceux qui le souhaiteraient d’effectuer leurs démarches ou de prendre leurs rendez-vous par Internet ? Ce serait dans l’intérêt à la fois de ces populations et des agents, dont les conditions de travail sont parfois difficiles.

Ma troisième observation rejoint l’intervention du rapporteur spécial, Mme Michèle André, sur le contentieux persistant en matière d’indemnisation des communes accueillant des stations d’enregistrement des passeports biométriques.

D’une part, l’indemnisation ne tient compte que des demandes de titre émanant de citoyens ne résidant pas dans la commune d’implantation de la station.

D’autre part, la durée comptabilisée est insuffisante : le chronomètre ne commence à courir réellement qu’une fois l’accueil achevé et les explications données. De plus, les scanners fonctionnent assez mal, de sorte que les imprimés édités par le CERFA, le Centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs, doivent être souvent corrigés manuellement. Par ailleurs, la période de remise des documents à l’issue de la délivrance du passeport devrait être intégrée dans les calculs.

Si certains de ces éléments commencent à être pris en compte, un travail complémentaire est néanmoins nécessaire. Un audit est d’ailleurs engagé.

Enfin, dernière observation, j’ai bien noté le souhait du ministère de l’intérieur de redéployer ses moyens et de restructurer sa présence sur le territoire dans un souci de rationalisation. Pour autant, monsieur le secrétaire d’État, gardons-nous de confondre économie et mesquinerie.

Je pense, par exemple, à l’idée de supprimer des sous-préfets et de les remplacer par des conseillers d’administration. Actuellement, l’expérience est limitée, puisque seulement trois postes de sous-préfets sont concernés. Il est également question de transformer les sous-préfectures en « Maisons de l'État ».

Dans le premier cas, les conseillers d’administration occupent le poste de sous-préfet sans en avoir les attributs. Ils se voient privés, notamment, du véhicule de fonction, ainsi que du logement de fonction. Certaines situations sont parfois ubuesques. Je pense à un exemple précis, où l’un de ces conseillers d’administration est envoyé à l’hôtel en face de la sous-préfecture, alors que le logement de fonction est là, occupé par les mouches en été, par les fourmis en hiver... Mais ce serviteur de l'État, particulièrement loyal, est obligé de plier bagage et d’aller loger à l’hôtel !

Nous pourrions sans doute avoir une autre vision des économies de l’État...

Quelle est votre doctrine en la matière, monsieur le ministre ? Avez-vous la volonté de poursuivre dans la voie actuelle, ou bien l’idée n’est-elle plus d’actualité ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.

Je vous rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote pour cette mission.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » connaît une stabilité budgétaire, par rapport à 2009, de 2,6 milliards d’euros de crédits de paiement.

Ce projet de budget est conforme aux dispositions de la RGPP, et confirme les profondes modifications architecturales des services déconcentrés de l’État dans le but d’améliorer « les gains de productivité ».

La RGPP réduit la présence de l’État par l’amoindrissement des services départementaux pour les reconcentrer sur la région, ce qui n’est guère innocent au regard de la réforme à venir des collectivités territoriales.

Ce budget confirme la tendance observée l’année dernière, avec 800 emplois supprimés, dont 736 pour le seul programme 307 « Administration générale ».

On parle d’ailleurs ici de trois départs en retraite sur quatre non remplacés. Que de zèle au regard de votre politique, déjà très contestable, qui vise le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite !

Réduire les effectifs au seul motif de maîtriser la masse salariale n’est guère valable, surtout en s’appuyant de manière équivoque sur l’amélioration de la qualité des services.

Il est d’ailleurs à craindre que cette réduction ne se poursuive l’année prochaine lorsque vous faites remarquer que la masse salariale augmente « encore » de 1,7 %. La création de l’Agence nationale des titres sécurisés et ses 128 postes est ainsi emblématique de votre politique, car cela s’est accompagné d’une réduction drastique des effectifs des agents de préfecture qui étaient chargés de la délivrance des titres.

On évoque 681 postes supprimés, ce qui fait donc 533 emplois détruits, alors même que cette agence doit faire face à la réforme du passeport biométrique et à l’immatriculation à vie des véhicules.

La nouvelle organisation des préfectures centralise le contrôle de légalité, mais celui-ci sera sélectif, privilégiant les actes les plus importants, en vertu de la loi du 12 mai 2009, qui vous permet de restreindre par voie d’ordonnance le champ des actes soumis à l’obligation de transmission aux préfets. On peut donc craindre une rupture d’égalité quant au service rendu dans les préfectures.

Mais ce sont surtout les sous-préfectures qui vont voir leur rôle axé sur celui de conseil aux collectivités territoriales, et ce dans le but, dites-vous, « d’optimiser l’efficacité des services présents aux niveaux régional et départemental ».

Or, bien que vous mettiez en avant le maintien des sous-préfectures, car elles sont l’incarnation de la proximité de l’État avec les citoyens, nous ne sommes pas dupes de vos ambitions, lorsque vous modifiez, par l’intermédiaire du préfet de région, qui voit ses prérogatives largement augmentées, les périmètres de quarante et un arrondissements dans dix-sept départements ; lorsque vous lancez des pistes quant au possible jumelage de deux sous-préfectures voisines ; ou encore lorsque vous transformez une sous-préfecture en « Maison de l’État », comme à Boulogne-Billancourt, au simple motif que la présence d’un haut fonctionnaire n’est pas indispensable, car les services d’accueil au public sont suffisamment importants.

À terme, il y a bel et bien le risque de voir disparaître de nombreuses sous-préfectures et donc, encore une fois, une présence amoindrie de l’État.

De fait, les personnels s’inquiètent de ces modifications, car ils sont dans le flou quant à leurs futures missions. Dans ma permanence départementale, j’ai mesuré réellement leur désarroi.

C’est pourquoi nous voulons un engagement ferme de votre part concernant la conservation de nos 250 sous-préfectures et la prise en compte des demandes du personnel.

Dans le même ordre d’idées, les conseillers d’administration créés pour remplacer les sous-préfets qui sont surtout concentrés, selon vous, dans des « territoires relativement peu peuplés et où les enjeux socio-économiques sont considérés plus faibles que ceux posés dans les départements urbains », ne seraient pas astreints à une obligation de permanence, ce qui est problématique, car la continuité de l’État doit être assurée par son représentant.

De même, ils n’auront pas l’autorité du corps préfectoral, ce qui peut, là encore, être dommageable dans leurs rapports avec les élus locaux, élus ruraux pour la plupart, qui s’inquiètent, eux aussi, de la nature de leurs relations.

Il est d’ailleurs étrange que l’un des objectifs de la création de ces conseillers d’administration soit d’offrir aux attachés principaux du ministère de l’intérieur « des perspectives élargies de promotion professionnelle et d’accès à des postes de responsabilité supérieure ».

Cette création se veut-elle donc comme une gratification offerte à des hauts fonctionnaires, les citoyens n’y gagnant rien, ni les élus locaux, d’ailleurs, quant aux services publics qu’ils sont en droit d’attendre de la part de l’État ?

Enfin, il m’apparaît important de suivre et d’appuyer les recommandations du rapporteur pour avis de la commission des lois, M. Anziani, en matière de lutte contre les dérives sectaires. Les observations faites l’an dernier n’ont pas été entendues, mais j’ose espérer que les cinq recommandations seront suivies d’effet cette année.

En conclusion, le budget concernant cette mission est évidemment à mettre en relation avec la réforme des collectivités territoriales, qui va bientôt venir en examen devant notre assemblée.

La modification architecturale de l’État anticipe la réforme des collectivités territoriales. Nous nous dirigeons vers une régionalisation de l’administration déconcentrée, qui va voir les services de l’État s’éloigner des besoins de nos concitoyens et défigurer le maillage territorial, votre réforme se faisant donc au détriment des usagers. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le budget de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » s’inscrit très rigoureusement dans l’application de la RGPP. Il en a la rigueur – le budget est presque stable – et la logique, c'est-à-dire la reconcentration de la gouvernance.

Je m’appliquerai à n’évoquer que le programme 307 « Administration territoriale », un programme qui, au demeurant, consomme 66,7 % des crédits de paiement de la mission tout entière.

Le premier constat est celui de la baisse d’un peu plus de 2 % du budget, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement.

La première réaction est, à l’évidence, celle de l’insatisfaction, non pas une insatisfaction de principe, simplement parce qu’il y a baisse du budget, mais le dépit de constater que les faits ne corroborent pas les engagements pris.

Chacun sur ces travées, comme au sein du Gouvernement, dit avec conviction et insistance l’absolue nécessité de défendre le principe de proximité, un principe fragilisé par l’évolution même de notre société, la concentration urbaine, la désertification en cours du monde rural, la montée de l’individualisme, l’isolement des plus défavorisés, le vieillissement de la population, l’invasion de l’informatique dans notre quotidien nous obligeant à réfléchir en termes « d’e-inclusion ».

Au regard de ce constat, nous avons une administration qui se met en marche, brandissant le drapeau de la performance, de l’efficience, des paramètres quantitatifs. Les mots eux-mêmes sont la négation du principe défendu quelques secondes plus tôt.

Non pas que je fasse partie des détracteurs systématiques du quantitatif, mais il est vrai que je donne la priorité au qualitatif.

Monsieur le ministre, les préfectures et sous-préfectures sont entrées dans la phase de reconstruction d’un système qui, je vous l’accorde, avait vieilli et méritait d’être repensé. A-t-on assez dit que la logique de la LOLF, depuis près de dix ans qu’elle se met en place, entraînait de facto une reconcentration au niveau régional de la gouvernance étatique ?

Avec ses budgets opérationnels de programme en tuyaux d’orgue, les BOP, elle obligeait les administrations de l’État à se regrouper en administrations de mission et de gestion auprès du préfet de région, laissant au préfet de département la part congrue de la sécurité et de la gestion de crise. Fi de la proximité, tant à l’échelon départemental que dans les arrondissements des sous-préfectures !

Ce constat est partagé par une grande partie de la population, exaspérée au surplus par tous les « on-dit », relatifs au désengagement de l’État, à la disparition des services publics, à la désertification rurale. Le projet de loi que vous portez, relatif à la réforme des collectivités territoriales, conforte ce constat, monsieur le secrétaire d’État.

Il est alors difficile d’expliquer aux personnels des préfectures, qui voient leurs effectifs réduits de 759 équivalents temps plein, que leurs missions continueront d’être assumées avec la même efficacité, la même compétence, dans le même objectif de servir au plus près nos concitoyens.

Le récent dysfonctionnement constaté au service des cartes grises n’a pas seulement ému les clients et utilisateurs ; il a révélé un véritable mal-être parmi les agents du cadre national des préfectures.

À cela s’ajoute l’inquiétude, assez légitime, de tous ces fonctionnaires de l’État qui voient, dans des danses chaotiques, des services se séparer, certains se rattacher les uns aux autres, d’autres quasiment disparaître. Les sous-préfectures se sentent, de ce point de vue, très fragilisées.

Il faut bien admettre que l’annonce de la liste des sous-préfectures susceptibles d’accueillir non plus un membre du corps préfectoral, mais un personnel administratif du corps des conseillers, a jeté le trouble et inquiété les citoyens habitués à se rendre dans les sous-préfectures.

Si j’entends bien les raisons qui militent pour une rationalisation des compétences, notamment le contrôle de légalité et la délivrance des passeports biométriques, je n’en demeure pas moins persuadée que l’État se prive, et prive les collectivités territoriales comme les citoyens eux-mêmes, de relais de proximité indispensables.

Sur ce point, je souhaite interroger, de nouveau, le Gouvernement sur la possibilité de reprendre, en l’améliorant certainement, le projet de « maisons de service public » ou « relais de service public », projet auquel avaient réfléchi plusieurs services de l’État, dont la direction générale de la modernisation de l’État, la DGME, la délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, la DIACT, et le ministère de l’intérieur.

Tandis que des dispositifs de cette nature se sont largement diffusés en Europe et au Canada en particulier, la France reste curieusement muette. Et pourtant, ces relais services publics étaient l’outil pertinent, combinant les avantages de la proximité et de la mutualisation des moyens.

Cet argument économique devrait être de nature à faire réfléchir !

Monsieur le secrétaire d’État, confrontés à un budget de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » fragilisé par son amaigrissement, les membres du RDSE ne pourront, pour leur plus grand nombre, que voter contre ce budget. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le temps imparti est court mais ma tâche est facilitée. Je partage en effet les propos excellents et les critiques très judicieuses et pertinentes exprimées par les deux rapporteurs, Mme Michèle André et M. Alain Anziani.

Je m’écarterai de leurs propos sur un seul point : la conclusion. En effet, ils ont fourni, de même d’ailleurs que Mmes Mathon-Poinat et Escoffier, des raisons substantielles pour voter contre le budget. Nous disposons ainsi de bons arguments qu’il me suffira d’évoquer très succinctement au nom de notre groupe.

Il y a, monsieur le secrétaire d’État, des limites à la diminution des effectifs ! Nous connaissons tous les fonctionnaires des préfectures et des sous-préfectures. Ils travaillent avec beaucoup de conviction, de compétences et un sens aigu du service public.

Mais il n’est pas possible de continuer à ne pas remplacer trois départs à la retraite sur quatre ! C’est impossible ! On atteint des limites.

Je vous invite à vous rendre – sans doute le faites-vous d’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État – dans certains services de nos préfectures dédiés aux étrangers. Vous verrez dans quelles conditions travaillent les personnels et comment les usagers sont accueillis. Cela ne peut pas continuer ainsi !

Il en est de même dans bien d’autres services. Je pense notamment à ceux qui se consacrent aux contentieux. Dans son rapport, page 27, Mme Michèle André indique à juste titre que les crédits seront sans doute tout à fait insuffisants par rapport à la masse du contentieux. (Mme le rapporteur spécial acquiesce.) Nous devons travailler sur ce sujet et trouver des solutions pour réduire l’appel au contentieux. Pour cela, il faudra des êtres humains compétents.

M. Anziani a très justement mis l’accent sur le mauvais état d’un certain nombre de locaux de garde à vue, qui sont indignes de la République. Cela doit changer ! Des moyens seront donc nécessaires.

Enfin, j’insisterai sur deux points.

D’une part, comme l’ont fait plusieurs de mes collègues, je reviendrai sur la question des sous-préfectures. Annoncer à un certain nombre de nos villes moyennes, qui sont aujourd’hui sous-préfectures, la disparition de ces dernières au profit de maisons de l’État, dirigées par un conseiller d’administration au lieu d’un sous-préfet, entraînera une frustration : cela leur donnera le sentiment d’être considérées autrement par les autorités de l’État ou par la République. Et cela, pour réaliser des économies de bouts de chandelles ! Laissons à ces services publics, avec leur force et leur notoriété, la considération qui leur est attachée !

J’en viens à la réorganisation des préfectures due à l’application de la fameuse RGPP, déjà évoquée dans d’autres débats !

Dans la préfecture que je connais le mieux, trois directions seront créées. Mais, dans la plupart des préfectures, les directions seront au nombre de deux, l’une s’occupant des populations, et l’autre, des territoires. Je suis cependant bien incapable d’indiquer la dénomination de chaque direction, tant le titre est long, abstrait et totalement incompréhensible ! Nos concitoyens avaient l’habitude d’une direction de la jeunesse et des sports, des anciens combattants, ou de l’équipement.

Mme Michèle André, rapporteur spécial. Ou des droits des femmes !

M. Jean-Pierre Sueur. Ils s’y retrouvaient !

Je ne dis pas qu’il faut rester statique, mais méfions-nous de ces vues de l’esprit. Dans ces conditions, pourquoi ne pas faire une seule direction rassemblant des personnes chargées des sports, des équipements ou des anciens combattants ? Ce serait plus simple !

Ne cédons pas à des abstractions ; pensons au service public et à sa bonne compréhension par ceux qui en sont les usagers, ceux au service desquels nous travaillons, à savoir les citoyens de ce pays.

Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le secrétaire d’État, le groupe socialiste ne pourra malheureusement pas voter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier l’ensemble des intervenants pour leurs observations et leurs questions s’agissant des objectifs et des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

À travers les trois programmes qui la composent, cette mission regroupe trois champs d’intervention complémentaires : tout d’abord, le programme « Administration territoriale » rassemble la totalité des moyens mis à la disposition des préfectures et des sous-préfectures, pour un total de 1,7 milliard d’euros ; ensuite, le programme « Vie politique, culturelle et associative », doté de 270 millions d’euros, concentre les crédits liés à l’organisation des élections et au financement de la vie politique ; enfin, le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » constitue le programme soutien de l’administration centrale du ministère pour 595 millions d’euros.

Par le biais de ces programmes, ce sont en réalité deux responsabilités fondamentales du ministère de l’intérieur qui trouvent à s’exercer : d’une part, la permanence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire de la République, en métropole et en outre-mer ; d’autre part, la mise en œuvre locale, sous l’autorité des préfets, de l’ensemble de nos politiques publiques.

Je voudrais vous faire partager ma conviction : chacune de ces responsabilités fondamentales est convenablement prise en compte dans le projet de budget qui est soumis à votre appréciation.

Les préfectures et les sous-préfectures vont poursuivre résolument leur modernisation. La permanence et la continuité de l’État doivent être assurées de façon dynamique, en s’adaptant sans cesse aux besoins de nos concitoyens.

Comme vous le savez, les réformes emblématiques ne manquent pas dans les préfectures et les sous-préfectures. Je rappelle, pour mémoire, les principales, sur lesquelles la Haute Assemblée a eu l’occasion de se prononcer ces dernières années.

Je citerai d’abord le nouveau système d’immatriculation des véhicules, ou SIV, qui a été étendu aux véhicules d’occasion le 15 octobre dernier.

Vient ensuite le passeport biométrique. D’ailleurs, madame le rapporteur spécial, je précise que le Gouvernement tient ses engagements : une mission de l’Inspection générale de l’administration, réalisée en étroite liaison avec l’Association des maires de France, l’AMF, se prononcera en janvier sur l’indemnisation des communes.

Mme Michèle André, rapporteur spécial. Oui !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je citerai, en outre, la concentration du contrôle de légalité, qui s’applique aux actes les plus stratégiques et s’exercera progressivement en préfecture.

Comme vous, je me réjouis de constater que cette évolution s’effectue sans remettre en cause le rôle de conseil et de dialogue du sous-préfet, qui demeure l’interlocuteur privilégié de nos élus locaux.

Enfin, au 1er juillet 2010, les décisions de naturalisation seront prises à titre principal par les préfectures, ce qui supprimera les doublons existant jusqu’ici avec le niveau central. Cela permettra sans doute aussi un meilleur accueil des demandeurs, point évoqué par plusieurs sénateurs.

J’ai conscience que certaines de ces réformes, qui, pour la plupart, sont entrées en vigueur en 2009, se sont traduites dans les premiers temps par des désagréments pour les usagers ou les élus. Je pense par exemple au délai excessif, cet été, pour la délivrance des passeports biométriques, notamment dans certains départements de la région parisienne, ou même aux difficultés techniques rencontrées récemment par l’application du SIV.

Toutes ces difficultés ont été identifiées et sont en passe d’être résolues. Surtout, elles ne doivent pas conduire à occulter globalement les progrès, pour la grande majorité de nos concitoyens, de procédures désormais plus fiables, plus rapides et surtout moins coûteuses pour les finances publiques, grâce en particulier aux bénéfices de la dématérialisation et de l’automatisation.

Pour chacune de ces réformes, 2010 sera l’année de la montée en puissance, et leurs effets positifs se feront pleinement sentir.

L’application volontariste de ces réformes de modernisation permet de faire face dans de bonnes conditions à la baisse des effectifs, décidée conformément au principe de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, applicable à tous les ministères.

Mais les réductions d’effectifs – cela doit vous rassurer, madame le rapporteur spécial – sont adossées à des réformes structurelles, qui permettent de les assumer sans doute dans les meilleures conditions possible.

Ce sont ainsi près de 800 emplois qui vont être supprimés en 2010, ce qui représente, par rapport aux 34 904 emplois équivalent temps plein travaillé de la mission, un taux d’effort assez important, soit 2,3 % des effectifs.

Cela permet, dans le même temps, une stabilité remarquable des crédits alloués à la mission, qui n’augmentent pas dans leur globalité, alors même que le poste « Élections » connaît une hausse de 32 millions d’euros en raison de l’organisation des élections régionales, structurellement plus coûteuses que les élections organisées en 2009.

Un certain nombre de mesures nouvelles sont prévues pour accompagner les réformes.

Ainsi, par exemple, 13,5 millions d’euros supplémentaires sont consacrés à la politique indemnitaire, en lien direct avec la fusion des corps administratifs du ministère qui sera achevée au 1er janvier 2010. Cet effort se justifie également par la nécessité de rattraper la moyenne interministérielle estimée et de mieux prendre en compte dans la rémunération la manière de servir. Sur ce dernier point, le ministère envisage d’ailleurs de mettre en œuvre la prime de fonctions et de résultats, ou PFR, dès 2010, alors que la date-butoir applicable aux ministères devait être fixée à la fin 2011.

Parallèlement à la modernisation des préfectures et des sous-préfectures, c’est l’ensemble de l’État local qui se réorganise avec l’objectif d’optimiser l’efficacité des services présents aux niveaux régional et départemental.

Je ne m’étendrai pas longuement sur la réforme territoriale de l’État, dont vous connaissez les grandes lignes. Elle se traduira, au 1er janvier 2010, par un resserrement du nombre des directions de l’État présentes au niveau régional et au niveau départemental.

Cette réforme est fondamentale et sans doute inédite dans son ambition. Avec un maximum de huit directions régionales, regroupées autour du préfet de région, et deux ou trois directions départementales interministérielles, ou DDI, placées sous l’autorité du préfet de département, les conditions sont réunies pour une cohérence et une unité de la parole et de l’action de l’État, que les Français et leurs élus ont toujours appelées de leurs vœux.

Je le précise tout de suite, il s’agit non pas de « moins d’État » local mais au contraire de « plus », voire de « mieux d’État ».

Pour cette raison, ni Brice Hortefeux ni moi-même ne sommes favorables à une remise en cause quelconque du maillage territorial dense constitué par les 240 sous-préfectures d’arrondissement. Sans exclure des ajustements ponctuels, notamment en milieu très urbain, ce maillage mérite d’être conservé, en particulier dans les zones où la sous-préfecture constitue la seule présence de l’État.

Cela ne signifie d’ailleurs pas l’immobilisme ; les missions des sous-préfets et des sous-préfectures doivent continuer à évoluer. La sous-préfecture deviendra progressivement une administration de mission, tournée vers le développement local et venant en appui de l’action de proximité menée par le sous-préfet. Le sous-préfet développera ses interventions en matière d’ingénierie territoriale et donnera la priorité, dans sa relation avec les élus, à leur demande de conseil et à leur exigence accrue de fiabilité et de réactivité.

Dans la même optique, nous serons particulièrement vigilants afin que le niveau départemental, dont le caractère interministériel est très affirmé, ne soit pas pénalisé par des logiques ministérielles qui voudraient privilégier de façon excessive les mutualisations au niveau régional. S’il est souhaitable que le niveau régional continue à s’affirmer, avec, notamment, la reconnaissance de la possibilité pour le préfet de région de donner des « instructions » aux préfets de département, le niveau départemental doit conserver des effectifs en rapport avec les missions qui restent de sa compétence.

Nous veillerons également à ce que les conditions concrètes de la réforme favorisent, en matière de ressources humaines, de budget ou encore d’immobilier, les souplesses de gestion permettant à la réforme de produire tous les effets attendus, notamment en termes de mutualisations.

En définitive, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget soumis à votre appréciation est cohérent. En effet, il reflète le processus de modernisation à l’œuvre dans les préfectures et les sous-préfectures, avec la conviction que la permanence et la continuité de l’État trouvent leur sens profond dans une adaptation permanente aux attentes des Français et de leurs élus. Il contribue au renforcement autour du préfet de région et du préfet de département d’un État territorial fort, et resserré.

Je répondrai maintenant brièvement à certaines questions précises. Madame le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, madame Escoffier, s’agissant de l’aménagement des préfectures et des sous-préfectures, le ministère de l’intérieur y a consacré près de 48  millions d’euros en 2009. Je citerai, entre autres réalisations, la restructuration de l’accueil des étrangers à Nanterre, pour 2,5  millions d’euros, ou celle de la préfecture de Nancy dans son ensemble, pour près de 7 millions d’euros. Outre la mise aux normes – sécurité, incendie, accessibilité aux personnes handicapées –, il s’agit d’améliorer les conditions d’accueil des usagers.

L’effort sera poursuivi avec une hausse prévue de 4,5 % des sommes consacrées à l’immobilier des préfectures sur les deux prochains exercices budgétaires.

S’agissant du maillage du territoire en préfectures et sous-préfectures, spécificité française que nous entendons bien garder et développer, je peux vous dire que, au 3 décembre 2009, les 240 sous-préfectures sont pourvues, ce qui ne s’était pas vu depuis très longtemps. Il fut en effet une époque où une trentaine ne l’était pas ! Aucune sous-préfecture n’a été supprimée depuis deux ans. Nous en avons même rouvert un certain nombre – je pense notamment à celle de Blaye, chère à M. Anziani et au député M. Plisson. Cette sous-préfecture, la seule qui était effectivement fermée, a fait l’objet d’une enquête, au terme de laquelle il a été procédé à une réouverture très rapide.

Trois conseillers d’administration exercent à ce jour des fonctions de sous-préfets, respectivement à Montdidier, à Boulay-Moselle et à Saint-Pierre, en Martinique. Il s’agit d’un moyen de promotion comme un autre pour ces fonctionnaires, sans doute appelés à devenir des sous-préfets à part entière. En tout cas, nombre de fonctionnaires sont intéressés par l’exercice de telles fonctions. Mais il s’agit de 3 cas sur 240 arrondissements.

Je voudrais aussi répondre à M. Anziani au sujet de la MIVILUDES. Le ministère de l’intérieur poursuit son action de vigilance contre les dérives sectaires en partenariat avec cette mission. Dans ce cadre, les représentants de plusieurs directions ministérielles participent régulièrement aux réunions du comité exécutif de pilotage opérationnel de cette instance. L’information réciproque s’effectue au cas pas cas. Les résultats sont là, et, chaque fois que cela est pertinent, les notes et documents des services de renseignements font l’objet d’une communication au président de la MIVILUDES.

Á titre d’exemple, une note sur les nouvelles thérapies établie par la direction centrale de la sécurité publique a été récemment communiquée à la MIVILUDES. Je précise, enfin, qu’une circulaire du 9 septembre dernier rappelle l’existence d’un référent sectes au sein des services départementaux d’informations générales et des directions départementales de la sécurité publique.

Madame André, monsieur Sueur, vos questions sur la sous-évaluation des crédits de contentieux dans le programme CCPI identifient un problème réel et constaté depuis plusieurs années. J’ajoute que les crédits manquants sont votés par le Parlement à l’occasion du collectif de l’année en cours. L’État fait toujours face à ses engagements en matière de contentieux. Tous les efforts sont faits pour diminuer au maximum la facture de l’État, laquelle est alourdie notamment par l’indemnisation des refus de concours de la force publique.

Monsieur Sueur, madame Escoffier, nous partageons un attachement profond aux territoires ruraux. Les relais services publics offrent la possibilité d’être accueilli par un même agent pour effectuer des démarches relevant de plusieurs administrations ou organismes publics. De nombreuses initiatives ont été menées. Le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire a récemment réuni les opérateurs signataires de la charte 2006 pour en faire un bilan. Désormais, il est encore plus juste de parler de « service au public ».

Les besoins des habitants portent aussi sur l’accès au service de santé, public ou privé, et aux commerces. Sans définir un modèle unique, des solutions innovantes peuvent émerger sur la base d’approches transversales qui prennent en compte, sur un territoire donné, toutes les attentes des usagers. Les assises des territoires ruraux vont permettre de faire un point précis et d’apporter des réponses à l’attractivité des territoires ruraux.

En créant pour la première fois un ministère de plein exercice consacré à l’espace rural et à l’aménagement du territoire, le Président de la République a souhaité donner une nouvelle impulsion à la politique menée en la matière. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Administration générale et territoriale de l'État
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Sécurité civile

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Administration générale et territoriale de l'État

2 598 224 001

2 596 413 439

Administration territoriale

1 733 570 353

1 734 039 308

Dont titre 2

1 437 683 064

1 437 683 064

Vie politique, cultuelle et associative

270 895 844

268 519 420

Dont titre 2

35 647 535

35 647 535

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur

593 757 804

593 854 711

Dont titre 2

318 049 837

318 049 837

M. le président. L'amendement n° II-48, présenté par MM. P. Dominati et Milon, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Administration territoriale

Dont titre 2

 

 

 

 

Vie politique, cultuelle et associative

Dont titre 2

 

2.407.932

 

2.280.000

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur

Dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

 

2.407.932 

 

2.280.000 

SOLDE

- 2.407.932

- 2.280.000

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Les partis politiques, ainsi que les syndicats, sont évidemment essentiels à la vie de la nation.

L’année dernière, j’avais proposé un amendement de même inspiration que celui-ci. Ce dernier tend à associer tous les organismes qui dépendent des fonds publics, du budget de l’État, aux efforts qu’impose la conjoncture économique du pays.

Cette année, le budget est historique par l’ampleur de son déficit. Le PIB français est en régression. La crise est mondiale. Or, si la France souffre, certains organismes d’État se portent assez bien. Les dépenses publiques ne diminuent pas, ainsi que je l’ai indiqué dans la discussion générale.

J’ai donc déposé, reprenant l’idée avancée l’année dernière par un grand nombre de parlementaires, divers amendements qui vont tous dans le même sens et affectent certains organismes publics ou agences extérieures de l’État.

Cette année, la mobilisation est plus faible, sans doute dans l’attente de la concertation annoncée par Mme Michèle Alliot-Marie, concertation qui devait concerner les formations politiques sur le plan national pour ne pas déséquilibrer les plus faibles d’entre elles. Qu’est-il donc advenu de cette concertation attendue depuis l’an dernier par une quarantaine de mes collègues ?

Mon amendement vise à baisser de 3  % la dotation publique de financement des formations politiques : 3  %, c’est à peu près la perte du PIB de notre pays. Je demande finalement, au nom d’une sorte de similitude, aux agences extérieures de l’État et à un certain nombre d’organismes publics de faire un effort. J’ai lu dans la presse que le ministre du budget avait appelé à une réduction de 10 % sur les frais de fonctionnement. Or, dans les partis politiques, ces frais sont élevés. Demander une réduction de 3 % de la dotation publique de financement des formations politiques me paraît tout à fait raisonnable !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Michèle André, rapporteur spécial. C’est vrai que, l’an passé, Mme la ministre s’était engagée à une concertation.

L’article  8 de la loi de 1988 relative à la transparence financière de la vie politique précise que le montant des crédits inscrits dans le projet de loi de finances de l’année pour être affecté au financement des groupements politiques peut faire l’objet, de la part des bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat, de propositions conjointes au Gouvernement.

L’amendement déposé à l’automne dernier aurait dû entraîner au cours de l’année une réflexion au sein du ministère. Qu’en est-il, monsieur le secrétaire d’État ?

J’ai mûrement réfléchi. Alors que l’on parle beaucoup de la nécessaire exemplarité des partis politiques – elle n’est pas vraiment convaincante s’agissant de la parité entre les hommes et les femmes –, on constate que, cette année, 5,4 millions d’euros n’ont pas été distribués au titre de cette fraction. En conséquence, je suivrai M. Dominati sur cette question et voterai l’amendement. J’aimerais néanmoins connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je pense qu’on ne peut pas vouloir une chose et son contraire, c’est-à-dire souhaiter une véritable transparence financière de la vie politique et supprimer les moyens accordés aux partis politiques !

L’aide publique d’État a été créée dès 1988 en vue d’apporter un soutien nécessaire aux partis politiques pour permettre leur expression politique, conformément à l’article 4 de la Constitution : «  Les partis politiques concourent à l’expression de la démocratie. »

Malgré l’inflation, le montant inscrit en loi de finances au titre de l’aide publique – 40 millions d’euros pour chacune des deux fractions – n’a pas varié depuis quinze ans. Les partis politiques ont donc contribué ainsi directement à l’effort budgétaire.

Quant à la concertation évoquée par Mme Michèle Alliot-Marie, nous allons y procéder au début de l’année 2010, avec M. le ministre de l’intérieur.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° II-48.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La démocratie n’a pas de prix. Le financement de la vie politique répond à une nécessité, et il faut préserver les partis politiques de toutes les contributions qui mettraient en péril leur indépendance.

Toutefois, dans le contexte financier que nous traversons, peut-être serait-il bon de donner un signal et de suivre la voie tracée par M. Dominati. Les partis politiques ne sont-ils pas les premiers à requérir une maîtrise de la dépense publique ? À titre personnel – la commission n’en a pas délibéré –, je voterai cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

M. Robert del Picchia. Je trouve la démarche de notre collègue très sympathique. Mais je suis extrêmement ennuyé parce que je devine que tous les partis politiques, de droite comme de gauche, vont avoir besoin d’un peu plus d’argent !

Ainsi, compte tenu de la révision constitutionnelle, il y aura bientôt onze députés pour représenter les Français de l’étranger à l’Assemblée nationale.

Mme Nathalie Goulet. La belle affaire !

M. Robert del Picchia. Les partis politiques auront donc besoin, pour les élections, de plus d’argent.

Je suis par conséquent d’accord sur le principe et conviens qu’un geste serait bienvenu. Mais, dans le cas précis, l’argent retiré risque de manquer. Et les Français de l’étranger, qui ne sont pas physiquement présents ici, me reprocheraient de ne pas être intervenu pour défendre leurs intérêts. Ma position est un peu difficile, mais je suis obligé de parler en leur nom, quitte à susciter le mécontentement des autres !

Voilà pourquoi je ne voterai pas cet amendement, tout en reconnaissant que l’intention est bonne.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. On peut aussi suggérer les élections à un tour ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.

M. Philippe Dominati. Je maintiens cet amendement pour des raisons symboliques, même si je ne m’attends pas à ce qu’il rencontre beaucoup plus de succès que mes précédentes propositions tendant à réaliser des économies !

Je ne focalise pas sur les formations politiques. Comme l’ensemble des membres de cette assemblée, je les considère comme absolument nécessaires à la démocratie. Mais ma démonstration vise l’ensemble du train de vie d’un certain nombre d’organismes.

Je suis heureux, monsieur le secrétaire d'État, d’apprendre qu’un calendrier est enfin fixé : au moins a-t-on pris conscience de la nécessité de faire quelque chose en cette année exceptionnelle.

Cependant, j’ai présenté en première partie du projet de loi de finances un autre amendement, déposé par Charles Revet, qui visait à donner aux parlementaires la possibilité de faire, en fonction de leurs convictions personnelles et sans être automatiquement encadrés par la lourde machine de l’État, un geste d’économie pour participer au financement de leur parti politique.

L’abondement étant automatique pour une liste officielle de douze formations politiques, un parlementaire aurait par exemple pu décider de faire personnellement une économie de 5 % ou de 10 % de la dotation.

Cette liberté, pourtant proclamée dans notre devise nationale, a été refusée aux élus, ainsi privés de la faculté d’adapter l’effort en fonction de la conception individuelle qu’ils ont de leur mandat.

Si tel n’avait pas été le cas, j’aurais peut-être pu attendre la concertation ; mais, les choses étant ce qu’elles sont, je maintiens l’amendement n° II-48.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-48.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

Sécurité civile

Article 35 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 35 et état B (début)

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité civile ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en 2010, la mission « Sécurité civile » sera dotée de 420,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 427,3 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse modérée de 1,8 % par rapport à 2009.

Le programme « Intervention des services opérationnels » s’appuiera sur 265,4 millions d’euros, tandis que le programme « Coordination des moyens de secours » bénéficiera de 161,8 millions d’euros.

Ce budget vise à remplir la feuille de route fixée à la fois par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et par la révision générale des politiques publiques.

Le Livre blanc a arrêté quatre grandes orientations : le renforcement des capacités de lutte face aux menaces de type nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosif ; la rénovation du système d’alerte et d’information des populations ; la mise en place d’un dispositif d’alerte pour faire face au risque de tsunami, avec la création du Centre national d’alerte pour la zone de l’Atlantique du Nord-Est et en Méditerranée ; enfin, le renforcement de l’échelon zonal en matière de gestion interministérielle des crises.

Par ailleurs, dans le cadre de la RGPP, la direction de la sécurité civile s’est vue assigner l’objectif d’optimiser ses moyens aériens, en rationalisant notamment la maintenance des avions par la passation de nouveaux marchés.

En outre, la RGPP vise à mutualiser les fonctions support des flottes hélicoptères, ainsi qu’à optimiser l’implantation des bases héliportuaires.

L’examen de cette mission amène, bien évidemment, à évoquer la question de son articulation avec les collectivités territoriales.

En effet, le budget prévisionnel des SDIS, les services départementaux d’incendie et de secours, pour 2009 représente plus de dix fois celui de la mission « Sécurité civile », avec 5,4 milliards d’euros de crédits.

Faut-il rappeler que les collectivités, et notamment les départements, financent plus de 95 % des dépenses de fonctionnement des SDIS ?

Dans le même temps, le FAI, le fonds d’aide à l’investissement des SDIS diminue de 4,7 % en 2010. Bien que cette baisse soit inférieure à ce qui avait été constaté les années précédentes, les crédits du FAI ont quand même été divisés par trois depuis 2006.

On ne peut que vivement regretter cette diminution permanente des crédits, d’autant qu’elle entraîne une charge supplémentaire pour les départements.

L’argument avancé par l’État – les crédits ne sont pas intégralement consommés – n’est pas recevable et ne peut pas servir à justifier ces nouvelles diminutions. Les SDIS sont d’ailleurs demandeurs de plus d’aide à l’investissement.

Par ailleurs, comme en 2009, une partie du fonds contribuera à la mise en place d’ANTARES ou « adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours », réseau de communication partagé entre les différents services qui concourent aux missions de sécurité, dont les SDIS, les services de police et le SAMU.

Ce programme est entré dans sa phase de généralisation à l’ensemble du territoire, mais la question est de savoir si les moyens seront suffisants et s’ils seront répartis sur tout le territoire.

Enfin, la restructuration de l’Ecole nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers – c’est une question qui vient régulièrement en discussion en commission des finances – s’est poursuivie en 2009, et l’installation de l’ENSOP à Aix-les-Milles deviendra définitive dès 2010.

En conclusion, la majorité de la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d’adopter sans modification les crédits de la mission « Sécurité civile ». (Applaudissements au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi, en préliminaire à mon propos, de rendre hommage à tous les personnels de la sécurité civile, aux sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, à tous les secouristes, à tous ces acteurs incontournables qui s’engagent au quotidien, au péril de leur vie, à sauver celle des autres.

Je pense à ceux qui ont été blessés et, plus particulièrement encore, à ceux qui sont décédés : neuf sapeurs-pompiers ont ainsi perdu la vie au cours de l’année 2009.

Monsieur le secrétaire d'État, je ne reviendrai pas en détail sur les éléments strictement budgétaires puisqu’ils ont été très précisément exposés par l’excellent rapporteur spécial, notre collègue Claude Haut.

Les crédits inscrits à la mission « Sécurité civile » sont en hausse de 1,8 % par rapport à l’exercice 2009, mais je ne peux que regretter que cette mission ne reflète qu’imparfaitement les crédits consacrés en France à la protection des populations, puisque d’autres ministères y participent et que les collectivités territoriales y jouent un rôle majeur. Je pense tout spécialement aux budgets des SDIS, qui, en 2008, ont été dix fois supérieurs au montant imputé à la mission.

Néanmoins, les budgets des SDIS devraient à présent pouvoir se stabiliser, voire baisser quelque peu dans la mesure où le ministre de l’intérieur a assuré les représentants des SDIS d’une « trêve » des normes.

En abordant le budget des SDIS, il y a lieu d’évoquer celui du FAI, qui accuse une diminution continue depuis 2007 pour s’établir, en 2010, à un montant de 22,34 millions d’euros. S’y ajoutent, bien sûr, les crédits consacrés à la réalisation de l’infrastructure ANTARES.

Je voudrais cependant rappeler, monsieur le secrétaire d'État, que les crédits inscrits pour le FAI ont baissé en raison de grosses difficultés de consommation, faute d’une véritable définition des projets prioritaires qui devaient porter sur les investissements structurants. Pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, le décret qui devait précisément définir les projets prioritaires n’est-il toujours pas paru à ce jour ?

J’en viens à deux problématiques qui méritent à mon sens une attention toute particulière dans la mesure où elles reprennent les questions que j’avais exposées lors de la présentation de mon rapport sur cette même mission en 2008, questions qui n’ont toujours pas trouvé de réponse satisfaisante. Aussi, je me permets d’insister.

Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite ainsi attirer d’abord votre attention sur l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés dans la fonction publique territoriale pour les métiers soumis à des conditions d’aptitudes physiques particulières, dont les sapeurs-pompiers.

Je voudrais exprimer une véritable incompréhension face aux réponses successives des ministres de l’intérieur aux demandes réitérées concernant les difficultés rencontrées par les SDIS pour remplir leur obligation en matière d’emploi des travailleurs handicapés.

Ces services offrent en effet peu de postes permettant d’atteindre le taux légal de 6 % ; ils sont par conséquent assujettis au versement d’une contribution annuelle au Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, ce qui grève lourdement leur budget.

Le fait que la majorité des sapeurs-pompiers reclassés pourraient désormais être considérés comme travailleurs handicapés ne répond que partiellement au problème posé.

Pourquoi les SDIS ne pourraient-ils pas, à l’instar des entreprises privées, bénéficier d’un régime modérateur spécifique par le biais d’un coefficient de minoration ?

Dès 2008, un bilan devait être dressé par le ministre de la fonction publique. Qu’en est-il ?

Enfin, il est un autre sujet qui me tient d’autant plus à cœur que je l’avais déjà abordé dans le contexte des projets de loi de finances pour 2008 comme pour 2009 : je veux parler de la culture de la sécurité civile.

La loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile a imposé, dans ses articles 4 et 5, une obligation claire de formation scolaire à la prévention des risques et aux missions des services de secours, avec comme objectif de « faire du citoyen le premier acteur des secours ».

L’objectif majeur que nous devons rechercher est la diffusion de la culture de la sécurité civile, grâce à une réelle sensibilisation de la population aux risques ainsi qu’à un apprentissage de la conduite à tenir en cas de crise, afin de parvenir à une configuration optimale de tous les intervenants dans la chaîne de la sécurité civile.

Pourquoi ce qui est possible aux États-Unis, en Allemagne ou encore au Canada, où les actions de sensibilisation sont dispensées dès l’école maternelle, n’est-il pas réalisable en France ?

Une véritable prise en considération de cette démarche pourrait nous conduire à terme à développer sensiblement le volontariat et le recrutement de jeunes sapeurs-pompiers.

Le sujet est majeur et transversal, certes ; il émarge sur plusieurs ministères, comme toutes les missions dévolues à la sécurité et à la défense civiles ; mais, monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi d’exprimer un vœu : un secrétariat d’Etat dévolu à cette mission serait une juste reconnaissance de l’importance de l’ensemble des actions menées dans le cadre de la sécurité civile qui, au-delà de l’implication sécuritaire, ont un réel impact sur la citoyenneté.

Cependant, cette dernière remarque dépasse sans doute ma mission de rapporteur, mission qui me conduit, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à vous indiquer que la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurité civile » pour 2010. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.

Je vous rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote pour cette mission.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec la mission « Sécurité civile », nous entrons dans un domaine d’actions multi-partenariales, au sein même de l’État mais aussi avec les collectivités territoriales et le monde des entreprises.

Ce multi-partenariat complexifie assurément la lisibilité du budget de la mission « Sécurité civile ». Dès lors, relever une augmentation de 1,8 % de son budget ne traduit pas pleinement la réalité des efforts faits par les uns et les autres au bénéfice de la sécurité civile.

Je voudrais, à mon tour, souligner combien sont nécessaires ces efforts en faveur de personnes et de services dont la vocation unique est l’aide et le secours aux personnes et aux biens et qui font don sans compter de leur disponibilité, de leur compétence, parfois de leur vie, pour remplir cette mission. L’altruisme poussé jusqu’à l’extrême mérite bien notre hommage.

Je ne veux pas revenir ici sur les enveloppes budgétaires réservées à chacun des deux programmes, sauf à relever les difficultés supplémentaires que ne manqueront pas de supporter les conseils généraux, compte tenu de la modestie des dotations du Fonds d’aide à l’investissement. (M. le rapporteur spécial acquiesce.)

Je n’ignore pas que ce fonds d’aide, après avoir été réorienté, a désormais prioritairement pour objet le financement de moyens lourds ou/et structurants : améliorer la coordination interservices, mettre en place des plates-formes communes d’appels d’urgence, généraliser le réseau ANTARES, soit autant de domaines d’intervention « fléchés », en quelque sorte, pour l’obtention d’une aide en provenance de ce fonds. Or, du fait de la baisse de 4,7 % de ce fonds en 2010 et des contraintes techniques imposées par l’État, les SDIS n’auront d’autre ressource que de quémander auprès des collectivités les moyens financiers indispensables pour répondre à leurs obligations.

Je voudrais évoquer, monsieur le secrétaire d’État, au-delà des problèmes strictement budgétaires – même si mes questions auront ou ont des incidences budgétaires ! –, un problème structurel et un problème opérationnel.

L’organisation territoriale de l’État s’est faite autour de trois niveaux, définis par la loi : la région, le département et l’arrondissement. Néanmoins, les services chargés de la sécurité des personnes et des biens dépassent, pour des raisons de gestion et de bon exercice de leurs missions, ces périmètres, et adoptent plus généralement le périmètre zonal, qu’ils partagent avec les militaires de la défense.

Une question très concrète se pose : comment concilier, avec la meilleure efficacité, l’exercice de missions complémentaires assumées par des personnels de ressorts géographiques très différents ? Se posent, en effet, des problèmes de responsabilité, de prise en charge d’indemnités de déplacement, de commandement …

Je veux soulever un autre problème, celui des centres opérationnels. La « gestion de crise » est devenue une thématique récurrente, tant se sont multipliées les crises de toute nature, d’origine météorologique, sociétale ou environnementale.

Le ministère de l’intérieur, en tant que chef de file, s’est donné pour objectif non seulement d’équiper toutes les préfectures d’un centre opérationnel adapté à cette nouvelle forme de gestion, mais aussi d’intensifier la sensibilisation des populations sur les différents risques, par exemple le risque NRBCE, c’est-à-dire nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosif.

L’effort à conduire dans ce domaine est considérable, et tant financier qu’humain. Il s’est déjà traduit par l’adoption d’un principe, celui de la création du Centre national d’alerte aux tsunamis pour l’Atlantique Nord-Est et la Méditerranée occidentale, qui va mobiliser des sommes conséquentes sur plusieurs années.

Il s’est traduit aussi par la création d’un centre opérationnel interministériel dans les locaux mêmes du ministère de l’intérieur, place Beauvau, une implantation qui se substitue au site tout récent, me semble-t-il, d’Asnières.

Je sais, monsieur le secrétaire d’État, tout l’intérêt que vous portez à la sécurité civile, et votre attachement à ses personnels. Avec mes collègues du RDSE, nous sommes confiants dans votre volonté d’accompagner la modernisation et l’efficacité de ce service. C’est pourquoi nous voterons ce budget. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la sécurité civile, crédité à hauteur de 427 millions d’euros, est bien faible en comparaison de l’ensemble des missions qui lui incombent.

Ce budget n’est pas ambitieux ; je dirai même qu’il est faible. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce sont les collectivités territoriales qui supportent l’essentiel des crédits d’une mission qui, pourtant, est éminemment régalienne.

La sécurité civile illustre parfaitement le désengagement de l’État, qui transfère des compétences vers des collectivités, pourtant déjà en phase d’asphyxie avancée, sans bien évidemment leur donner les moyens financiers de les assurer, voire de les assumer.

Vous avez donc une certaine audace lorsque vous mettez en avant la maîtrise des dépenses de cette mission, tout en pointant du doigt les erreurs de gestion des collectivités territoriales. Le plus surprenant, c’est que ces collectivités n’ont pas leur mot à dire, puisque les décisions sont prises au niveau de l’État. Vous ne respectez même pas le principe « qui paie commande » ! Le fait que les départements ne soient pas associés à la prise de décision peut pourtant nuire, du fait d’un manque de coordination, à la cohérence du dispositif, et surtout avoir des conséquences directes sur les finances des collectivités.

Vous soulignez les problèmes de gestion des SDIS en rappelant que, depuis l’achèvement de la départementalisation de ces services en 2001, leurs budgets ont augmenté de 50 %, alors que le nombre d’interventions ne connaît une hausse que de 10 % seulement. Or ce problème résulte de la loi du 3 mai 1996 relative aux services d’incendie et de secours et de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, mais encore et surtout du désengagement de l’État.

Les crédits du programme « Coordination des moyens de secours » sont en baisse de 21 % en autorisations d’engagement, avec un budget de 146 millions d’euros.

De même, le Fonds d’aide à l’investissement des services départementaux d’incendie et de secours diminue une nouvelle fois : il ne reçoit plus que 22,35 millions d’euros, sous les prétextes fallacieux d’une situation budgétaire difficile et de la sous-consommation chronique des crédits de ce fonds. Or il faut, au contraire, augmenter significativement ces crédits et instaurer un véritable programme d’investissement en matière d’équipements et de matériels, car ceux-ci font cruellement défaut.

Nous ne cautionnons pas l’idée, qui trouve bien évidemment sa source dans la RGPP, d’un regroupement des casernes et d’un gel du recrutement, dans l’optique d’une réduction des dépenses. La sécurité civile ne doit pas pâtir de votre croisade contre la baisse des dépenses publiques.

Cela s’inscrit, en effet, dans la suite des regroupements, et donc des fermetures, de casernes militaires, d’hôpitaux et de tribunaux, qui sont le symbole du désengagement de la présence de l’État sur l’ensemble du territoire, ce que démontre, par ailleurs, la future « réforme » des collectivités territoriales que nous allons bientôt examiner.

Nous souhaitons, pour notre part, que l’État assume sa responsabilité en matière de sécurité civile sur l’ensemble du territoire.

En conclusion de mon intervention, je voudrais vous interpeller, monsieur le secrétaire d’État, sur le malaise des sapeurs-pompiers, qui subissent une dégradation de leurs conditions de travail. C’est le cas, notamment, des pompiers volontaires, qui représentent 79,5 % de l’effectif total des sapeurs-pompiers et assurent 60 % des interventions, et dont la situation est de plus en plus précarisée. La vacation horaire est ainsi rétribuée entre 7 et 10 euros. C’est tout simplement intolérable !

Comment s’étonner, dans ces conditions, de la baisse du nombre de volontaires ? Mais qu’importe ! Vous vous acharnez à ne rien inscrire dans votre budget pour remédier à cette situation, en particulier pour améliorer leur statut et leur formation.

La réduction des dépenses publiques, qui semble bien être votre unique objectif, ne doit se faire ni au détriment des sapeurs-pompiers, qui assument courageusement des missions périlleuses et auxquels je tiens à rendre hommage ce soir, ni au détriment de la sécurité de nos concitoyens.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce budget, qui est bien loin de répondre aux attentes des acteurs assumant ces missions.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la départementalisation des SDIS est récente : un peu plus de dix ans. Sur cette courte période, nous avons vu évoluer de façon considérable et positive l’organisation des secours.

Le statut et la situation des sapeurs-pompiers, les professionnels comme les volontaires, des personnels administratifs et techniques, et du service de santé ont été fortement améliorés. Les équipements et matériels, ainsi que les immobilisations, ont vu leurs performances et leur renouvellement s’accélérer.

Une fois de plus, nous pouvons constater que, dès qu’une compétence est transférée à un niveau de collectivités, une réelle accélération dans le traitement des responsabilités se produit, à la satisfaction des citoyens et des utilisateurs.

Pour accompagner les pompiers, les collectivités ne se sont pas dérobées.

L’augmentation rapide des financements résulte de plusieurs facteurs : l’État, pour des raisons budgétaires, devient plus exigeant lorsqu’il a transféré la compétence ; les collectivités ont une proximité plus forte, et donc une meilleure réactivité ; les normes fleurissent plus vite quand l’État a le pouvoir de contrôler leur application, même si, lorsqu’il doit se les appliquer à lui-même, il est moins pressé …

Il me paraît important, monsieur le secrétaire d’État, de souligner l’effort considérable des employeurs que sont les SDIS, sachant que les financeurs sont les collectivités, au premier rang desquelles figurent les conseils généraux.

Je souhaite également rappeler que, contrairement à une idée reçue, le nombre de sapeurs-pompiers volontaires n’a pas connu de décrue. Seule la durée d’engagement a diminué, pour se stabiliser au-dessus de neuf ans.

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis. Juste !

M. Éric Doligé. Vous connaissez les efforts qui sont faits en faveur des sapeurs-pompiers volontaires. Le ministre de l’intérieur, Brice Hortefeux, a détaillé le 17 octobre 2009, lors du congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, un nouveau dispositif en cinq mesures qui leur est particulièrement favorable.

Je me dois de rappeler que la totalité de ces mesures, qui représenteront 30 millions d’euros en année pleine, est à la charge des conseils généraux.

Une autre perspective importante pour le volontariat est le travail de la commission « Ambition volontariat » menée par Luc Ferry, qui propose à ces volontaires « souplesse et reconnaissance ».

Outre les volontaires, n’ont été oubliés ni les sapeurs-pompiers-professionnels, ni les personnels administratifs et techniques, ni le service de santé. Ils ont bénéficié de nombreuses améliorations statutaires et d’une augmentation considérable des effectifs en raison, entre autres, de l’application des 35 heures.

Tout cela représente, au final, beaucoup plus de moyens et beaucoup moins d’interventions. Je souhaite que vous puissiez faire une analyse objective de cette situation et que l’on puisse dégager des éléments de référence.

Le secours à la personne présente la caractéristique d’être une mission partagée entre différents acteurs : les pompiers, les SAMU, les ambulanciers.

Les secours à la personne ne cessent d’augmenter pour atteindre à ce jour 62 % des interventions, en particulier en zone rurale et dans les territoires où la permanence des soins n’est plus assurée, soit dans le cas de départs réflexes, anciens « prompts secours », soit à la demande du centre 15 pour carence des ambulanciers privés.

Théoriquement, la mission des SDIS devrait se limiter aux opérations de secours stricto sensu, mais il n’existe aucun texte qui définisse précisément ce qu’est une opération de secours.

Monsieur le secrétaire d’État, il faut impérativement clarifier cette situation.

J’indiquerai, à titre de piste de réflexion, que bon nombre d’interventions qui ne relèvent pas de l’urgence pourraient être considérées comme n’entrant pas dans les missions des SDIS, et donc faire l’objet de facturations.

Lors du congrès de la Fédération nationale en 2007, le Président de la République a défini de grandes orientations afin de régler les conflits nombreux entre les « blancs » et les « rouges ».

Malgré la commission quadripartite du secours à la personne, les litiges entre SDIS et SAMU sont encore trop nombreux, et ce au détriment des SDIS, car les conventions avec les agences régionales de l’hospitalisation, les ARH, ne sont pas généralisées, ni même quelquefois respectées.

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir régulariser cette situation rapidement avec Mme la ministre de la santé.

J’en viens au problème des deux référentiels, dont la mise en place me paraît constituer un progrès. Le référentiel qui existe entre les ambulanciers et le SAMU suscite parfois des inquiétudes dans les SDIS, chez les pompiers, car il est analysé comme entrant en contradiction, sur de nombreux points, avec le référentiel « pompiers ». Pour ma part, je ne le pense pas : il est complémentaire et non concurrent, et permet dans bien des cas de limiter des sorties non justifiées. C’est un problème de gestion et d’orientation.

Au niveau des coûts, on compare à tort les 105 euros remboursés, en théorie, par l’ARH aux SDIS pour chaque transport par carence, aux 346 euros versés aux transporteurs sanitaires privés. Je n’ai pas le temps de développer ce point, mais je peux vous confirmer que le recours aux ambulanciers n’est globalement pas plus coûteux que le règlement aux SDIS.

À présent, j’évoquerai les tendances fortes des prochains budgets des SDIS, qui sont en cours de préparation, afin de vous montrer les efforts programmés et globalement bien acceptés.

J’ai interrogé les 100 SDIS afin de savoir comment ils comptaient maîtriser leur propre budget pour ne pas peser sur celui de leurs financeurs. Les réponses sont claires et unanimes. Après des progressions considérables, tous les SDIS visent une non-évolution de leur budget, grâce à des mesures fortes et inhabituelles.

J’en citerai quelques-unes, parmi les plus fréquentes. Il s’agit, en ce qui concerne le personnel, du gel des recrutements, de la rationalisation des vacations, du redéploiement des personnels, et, pour ce qui est des frais généraux, de la mutualisation avec les conseils généraux, du e-learning pour la formation, de la limitation des consommations, de la réduction de nombreux coûts et du nombre de véhicules de service.

Je souhaite également vous rappeler les trois engagements forts de Mme Michèle Alliot-Marie, qu’elle m’a confirmés dans un courrier du 4 juin 2009 lorsqu’elle était ministre de l’intérieur : la réduction des coûts de formation, l’abrogation des notes d’information techniques, l’engagement de l’État à mobiliser les moyens nécessaires pour mener le dispositif ANTARES à son terme.

Je vous serais reconnaissant, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir me confirmer que vous avez pris en compte ces trois points. Il s’agit en effet d’engagements importants puisqu’ils ont été pris en contrepartie de l’effort des collectivités dans le cadre de la revalorisation des vacations des sapeurs-pompiers volontaires, annoncée par Brice Hortefeux lors du congrès de leur fédération nationale.

Je conclurai, monsieur le secrétaire d’État, sur une réflexion quant au service civique, également appelé « service civil », réflexion qui m’est personnelle et que je partage avec Luc Ferry.

Mme Nathalie Goulet. Et avec le RDSE !

M. Éric Doligé. Nous avons souhaité, à une certaine époque, supprimer le service national, sans mesurer toutes les conséquences de cette mesure.

Il nous faut rétablir un lieu où les jeunes peuvent se retrouver pour construire, pour s’investir dans des causes nobles, pour parfaire leur instruction, leur formation et leur sens civique. Le service civique peut et doit être ce lieu.

Les domaines dans lesquels ces jeunes pourraient s’exprimer sont multiples. Je citerai, à titre d’exemple, le domaine social, l’environnement, la formation, le secteur associatif, l’accompagnement des générations et la sécurité civile.

Nous savons que nous aurons à connaître des catastrophes climatiques de plus en plus nombreuses, notamment des inondations ou des tempêtes…Les jeunes pourraient, en ce domaine, exercer leurs muscles et leur générosité, tout en vivant leur appartenance à une nation.

Êtes-vous prêt, monsieur le secrétaire d’État, à explorer sérieusement cette piste avec vos collègues du Gouvernement et, si possible, à la concrétiser ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de vous présenter les grandes lignes de ce projet de loi de finances pour 2010, qui s’inscrit dans le cadre du budget trisannuel pour la période 2009-2011, qu’il me soit permis de rendre hommage aux femmes et aux hommes, sapeurs-pompiers volontaires, professionnels et militaires, ainsi qu’aux personnels civils et militaires. Je veux particulièrement rendre un hommage solennel aux treize sapeurs-pompiers et aux deux pilotes d’hélicoptère qui ont disparu dans l’exercice de leurs fonctions au cours des douze derniers mois. Je souhaite aussi rappeler la mobilisation remarquable de tous les personnels de la sécurité civile tout au long de l’année 2009.

La France assure sa responsabilité de grande puissance en apportant l’aide adéquate aux États touchés par des grandes catastrophes. Ainsi, nos unités de sapeurs-pompiers sont intervenues au Sri Lanka, à Sumatra, à Gaza, en Moldavie, en Italie et au Bénin, ainsi que sur les grands incendies de forêt survenus en Grèce, au Portugal et en Italie. C’est cette volonté qui conduit le ministre de l’intérieur à affirmer son rôle de chef de file en matière de protection civile au niveau européen.

De même, la France participe très activement aux actions de protection civile, dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée.

Mais venons-en au projet de loi de finances pour 2010.

S’agissant de la mission « Sécurité civile », le projet de budget soumis à votre approbation présente deux orientations majeures : d’une part, l’adaptation des moyens nationaux de la direction de la sécurité civile aux nouvelles menaces nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques et explosives et aux défis technologiques et, d’autre part, une politique visant à assurer la meilleure coordination le plus en amont possible et entre tous les acteurs de la société civile.

Du point de vue des préconisations du Livre blanc, le projet de budget pour 2010 sera, en quelque sorte, la deuxième annuité de la LOPPSI. Il comporte trois avancées très significatives.

Tout d’abord, un important programme pluriannuel d’équipement des services opérationnels de la direction de la sécurité civile en moyens de lutte contre le terrorisme nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosif, doté de 4,2 millions d’euros pour la période 2009-2011, a été engagé en 2009. Il sera poursuivi en 2010 avec l’acquisition de matériels spécialisés pour le service du déminage et les formations militaires de la sécurité civile, l’achat de sept nouvelles chaînes de décontamination et de différents matériels. Il s’agit de la phase d’adaptation aux défis technologiques auxquels notre pays est confronté.

La direction de la sécurité civile s’est également préparée pour adapter ses moyens à ces défis. Dans ce domaine, trois dossiers majeurs seront poursuivis en 2010.

Le premier d’entre eux concerne la modernisation du centre opérationnel de gestion interministérielle des crises, le COGIC, qui fait l’objet d’un important plan de modernisation, lui-même poursuivi en 2010. Parallèlement, le Centre de gestion interministérielle de crise, situé place Beauvau, dont le principe a été arrêté en 2009, pourra fonctionner au début de l’année prochaine.

Le deuxième chantier concerne la mise en place de nouveaux systèmes d’alerte et d’information des populations. Ce projet, doté de 46 millions d’euros d’autorisations d’engagement, dont 3,5 millions d’euros porteront sur la période 2009-2011, nous permettra de disposer d’un système d’alerte et d’information efficace et performant de la population. Ce système d’alerte et d’information, qui sera mis en place progressivement sur le territoire national à partir de 2011, fera de la France l’un des pays européens les plus en pointe en termes de capacité de réaction face aux risques majeurs et aux catastrophes naturelles.

Parallèlement, comme vous le savez, la direction de la sécurité civile met en place le Centre régional d’alerte aux tsunamis pour l’Atlantique Nord-Est et la Méditerranée, le CRATANEM, dont la création a été décidée afin que ce littoral, fortement peuplé, puisse bénéficier d’un système d’alerte précoce ; il devrait être opérationnel au cours de l’année 2011. Ce centre sera, dans un second temps, connecté au système national d’alerte des populations, rénové.

Le troisième chantier majeur vise la poursuite du programme ANTARES, ayant pour objet la mutualisation et l’interopérabilité des communications entre l’ensemble des acteurs intervenant en matière de secours. Au cours de l’année 2010, le réseau ANTARES sera généralisé sur l’ensemble du territoire, et la brigade des sapeurs-pompiers migrera, en quelque sorte, sur ce réseau. Comme s’y est engagé le Gouvernement, monsieur Doligé, rien ne sera décidé sans concertation étroite et préalable avec les élus locaux.

Madame Escoffier, vous avez exprimé votre inquiétude à propos des dommages causés à l’infrastructure par la tempête Klaus. Comme l’ensemble des réseaux de communication et de fourniture d’électricité, l’infrastructure nationale partageable des transmissions, ou INPT, a été affectée par la tempête. Aucun relais n’a été mis hors service ; seule une partie des artères louées à France Télécom a été endommagée, provoquant des dysfonctionnements et des interruptions de service. Dans le mois qui a suivi, la direction de la sécurité civile a tiré les conséquences de la tempête, ce qui l’a conduit à mettre en place un plan d’action visant à la sécurisation du réseau INPT.

J’en viens à la deuxième avancée significative que comporte le projet de loi de finances.

Au-delà du renforcement de ses moyens, l’État doit aussi veiller à la meilleure coordination, le plus en amont possible, entre tous les acteurs de la société civile. La loi de 2004 reste la référence commune. À ceux qui opposeraient la compétence étatique à la libre administration locale, je rappelle que ce texte a fixé un principe simple : celui de la subsidiarité.

D’une part, le niveau local est l’échelon le plus pertinent pour organiser, mettre en œuvre et adapter le secours aux personnes à la diversité de nos territoires ; d’autre part, l’État, sous l’autorité des préfets, est le mieux à même d’agréger les forces locales pour faire pleinement émerger la solidarité nationale lorsqu’une catastrophe frappe nos concitoyens et nécessite la mise en œuvre de moyens qu’aucun département ne pourrait déployer à lui seul.

C’est dans cette logique que se place le ministère de l’intérieur au travers de la gestion du fonds d’aide à l’investissement des SDIS. Vous le savez, monsieur le rapporteur spécial, les modalités d’attribution de ce fonds ont été réformées pour recentrer l’aide de l’État sur les investissements structurants ou mutualisés entre plusieurs SDIS, comme ceux qui sont destinés à la modernisation des transmissions. Il a été mis fin au saupoudrage des aides. Aussi, une révision plus formelle des textes semble nécessaire aujourd'hui.

Depuis sa création en 2003, le fonds d’aide à l’investissement a été doté, en loi de finances, de 316 millions d'euros, soit un montant annuel de l’ordre de 45 millions d'euros correspondant à son étiage historique, si je puis dire. À ce jour, 87 % des crédits ont été consommés, et l’écart entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement est encore de l’ordre de 28 millions d'euros. Pour 2010, un montant de 35,3 millions d'euros a été retenu, dont 13 millions d'euros seront consacrés au programme ANTARES. Ce niveau de crédits paraît suffisant, étant donné les difficultés de consommation, qui persistent encore aujourd’hui.

Monsieur Doligé, soyez assuré que la situation financière des SDIS est une préoccupation première de la direction de la sécurité civile. La départementalisation mise en œuvre durant la décennie écoulée a incontestablement conduit à une amélioration qualitative très substantielle des secours distribués à la population. Les conséquences tirées de la tempête Klaus, comparées à celles qui ont fait suite à la tempête de 1999, sont à cet égard particulièrement révélatrices. Ce progrès très important doit être mis en grande partie au crédit des élus locaux, qui ont accepté de consentir les moyens budgétaires adéquats à la mise à niveau qui a accompagné le passage de l’échelon communal à la compétence départementale. L’État se doit d’accompagner les décideurs locaux en leur fournissant des outils d’analyse de l’efficacité obtenue grâce aux moyens matériels et humains mis en œuvre.

La direction de la sécurité civile est à votre disposition, notamment au travers de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, que vous présidez avec conviction et détermination, afin de mettre en œuvre la seconde étape d’analyse, que vous appelez de vos vœux.

S’agissant des normes, l’abrogation des notes d’information technique a d’ores et déjà été réalisée lors de la conférence nationale des services d’incendie et de secours ; la nouvelle approche, dont le Gouvernement est à l’initiative, a été confirmée.

Pour ce qui concerne les actions de mise en cohérence, j’entends tout d’abord souligner l’importance que revêt le volontariat dans le modèle français de sécurité civile. Il représente très concrètement aujourd’hui 200 000 hommes et femmes, soit 80 % des effectifs des sapeurs-pompiers, et 60 % des interventions réalisées chaque année.

Le ministre de l’intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales souhaite inscrire son action en faveur du volontariat dans la durée. Pas plus lui que moi nous n’entendons reporter à plus tard ce qui peut et ce qui doit être fait aujourd’hui.

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Tel est précisément tout le sens du décret relatif aux sapeurs-pompiers volontaires publié le 14 octobre dernier Je voudrais à cet égard remercier, au nom du Gouvernement, les élus, notamment ceux qui sont membres de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, sans qui ce texte n’aurait pas pu voir le jour.

Les engagements pris par le ministre de l’intérieur ont été tenus : le décret précité, les travaux de la commission « Ambition volontariat », l’arrêté de revalorisation des vacations témoignent du plein engagement de l’État, aux côtés des élus locaux, pour faire du volontariat la « grande cause » de la sécurité civile.

La reconnaissance du volontariat constituera la suite de notre action. Concrètement, il s’agit d’inciter de nouveaux volontaires à rejoindre les rangs, mais également, et peut-être surtout, de pérenniser ensemble l’engagement de ceux qui l’ont déjà fait. Le rapport remis par Luc Ferry constituera une base de réflexion déjà bien aboutie.

Le référentiel SAMU–SDIS voulu par le Président de la République a fortement structuré les services publics d’urgence. S’agissant plus particulièrement de la prise en charge des transports de personnes effectués par les SDIS à la demande des SAMU, en cas de défaillance des services ambulanciers privés, le code général des collectivités locales prévoit explicitement que ces dépenses sont remboursées aux SDIS par les établissements hospitaliers, sièges des SAMU. J’ajoute que l’article 48 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires prévoit la prise en compte de ces interventions dans l’état des prévisions de recettes et de dépenses des établissements publics de santé.

Les préfets rendront compte au ministère de l’intérieur, dès la fin de cette année, de la mise en œuvre de ces éléments de structuration qui visent chaque année, au travers d’une articulation modernisée des services publics, à apporter à plus de 2,5 millions de nos concitoyens des secours d’urgence de proximité et de qualité.

Le management des officiers de sapeurs-pompiers doit être modernisé. Avec Brice Hortefeux, il a été décidé, en étroite concertation avec les élus locaux, de moderniser la gestion des emplois supérieurs de direction.

Pour ce qui concerne le statut des élèves officiers, madame le rapporteur pour avis, c’est dans le cadre du projet relatif à la gestion des emplois supérieurs des SDIS que s’inscriront les réponses à cette question. Le ministre de l’intérieur a annoncé la mise en chantier de ce projet dès le début de l’année 2010.

Pour conclure, je souhaite revenir sur deux sujets évoqués par Mme le rapporteur pour avis, à savoir, d’une part, les conditions d’emploi des travailleurs handicapés dans les SDIS, et, d’autre part, la sensibilisation de la population, notamment des élèves, à la prévention des risques et aux missions de la sécurité civile.

Pour ce qui concerne les conditions d’emploi des travailleurs handicapés dans les SDIS, je rappelle que la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées place l’emploi au cœur des enjeux de solidarité nationale. Les employeurs publics se doivent, à cet égard, d’être exemplaires.

Vous soulignez toutefois, madame le rapporteur pour avis, les difficultés rencontrées par les SDIS pour respecter ces conditions.

À la demande de M. le ministre de l’intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État vient d’autoriser les SDIS à comptabiliser, au titre de leurs obligations en la matière, l’ensemble des sapeurs-pompiers professionnels bénéficiant d’une affectation non opérationnelle, même s’ils n’ont pas été reclassés sur la base de la loi du 26 janvier 1984 ou du dispositif de fin de carrière.

S’agissant de la sensibilisation de la population à la culture de la sécurité civile, je connais, madame le rapporteur pour avis, monsieur le rapporteur spécial, votre intérêt pour cette question fondamentale. Croyez bien que M. le ministre de l’intérieur partage vos préoccupations. Les actions menées en 2009 témoignent de sa ferme volonté de mobiliser l’ensemble des acteurs pour concourir à l’apprentissage des jeunes générations à la prévention des risques.

Ces actions se sont traduites notamment par l’introduction dans les programmes scolaires de l’année 2009-2010 de modules de formation aux gestes de premiers secours, par la création d’une unité d’enseignement au sein du dispositif national de formation des citoyens acteurs de sécurité civile, et par la publication de nombreux supports pédagogiques.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits inscrits à la mission « Sécurité civile » qui sont soumis à votre vote attestent de la volonté de l’État de répondre plus que jamais présent face à tous les risques, qu’ils soient naturels, terroristes, NRBC – nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques – ou autres, tels que celui de la grippe A/H1N1, dont nous n’avons pas parlé.

Dans ce domaine, le rôle de l’État est de veiller à une configuration optimale de tous les intervenants dans la chaîne de la sécurité civile. L’objectif est certes complexe, mais c’est celui que Brice Hortefeux et moi-même poursuivons au ministère de l’intérieur. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Sécurité civile
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 35 et état B (interruption de la discussion)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Sécurité civile », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Sécurité civile

418 719 794

425 968 482

Intervention des services opérationnels

272 945 954

264 807 947

Dont titre 2

154 558 466

154 558 466

Coordination des moyens de secours

145 773 840

161 160 535

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Sécurité civile ».

Article 35 et état B (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Discussion générale

7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 4 décembre 2009, à dix heures quarante-cinq, à quatorze heures trente et le soir :

- Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale (n° 100, 2009-2010).

Examen des missions :

Aide publique au développement

Compte spécial : accords monétaires internationaux

Compte spécial : prêts à des États étrangers

MM. Michel Charasse et Edmond Hervé, rapporteurs spéciaux (rapport n° 101, annexe n° 4) ;

MM. Christian Cambon et André Vantomme, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 102, tome III) ;

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 104, tome II).

Plan de relance de l’économie

M. Jean Arthuis, rapporteur spécial (rapport n° 101, annexe n° 19) ;

M. Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (avis n° 105, tome V).

Provisions

M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial (rapport n° 101, annexe n° 22).

Engagements financiers de l’État

Compte spécial : participations financières de l’État

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial (rapport n° 101, annexe n° 12) ;

M. François Patriat, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (avis n° 105, tome IX).

Sport, jeunesse et vie associative (+ articles 60, 60 bis et 60 ter)

M. Michel Sergent, rapporteur spécial (rapport n° 101, annexe n° 31) ;

MM. Pierre Martin et Jean-Jacques Lozach, rapporteurs pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 104, tome VIII).

Solidarité, insertion et égalité des chances (+ articles 59 quater, 59 quinquies, 59 sexies et 59 septies)

MM. Auguste Cazalet et Albéric de Montgolfier, rapporteurs spéciaux (rapport n° 101, annexe n° 30) ;

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 103, tome VI).

Ville et logement

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial (rapport n° 101, annexe n° 33) ;

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 103, tome VIII) ;

MM. Pierre André et Thierry Repentin, rapporteurs pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (avis n° 105, tome VIII).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 4 décembre 2009, à une heure quarante-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD