M. Éric Woerth, ministre. J’entends bien les propos du président de la commission des finances. Je précise néanmoins que les candidats à la présidence de ces entreprises, où tout au moins les personnes pré-retenues, sont dorénavant auditionnées par l'Assemblée nationale et le Sénat. Cette étape importante du processus de recrutement contribue à en renforcer la transparence.
Ensuite, la rémunération proposée à M. Proglio, président d’EDF, se situe dans la fourchette basse des rémunérations des présidents de sociétés similaires en Europe. On peut toujours s’émouvoir de ces niveaux de salaire, mais celui du président d’EDF n’a rien d’abusif ou d’anormal pour ce secteur d’activité.
Enfin, évitons de nous lancer dans une tentative hasardeuse de plafonnement des rémunérations. Gardons-nous d’élaborer des règles de plus en plus complexes, sur le modèle de la fonction publique, auxquelles il faudra ensuite prévoir autant d’exceptions qu’il y aura de cas particuliers. Mieux vaut donc en rester à la procédure claire et transparente qui a été fixée, qui me semble bien adaptée à la société actuelle : au conseil d’administration de décider, après agrément du ministre concerné, en l’occurrence le ministre de l’économie. La clarté de la procédure constitue en soi un contrôle efficace.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Une procédure est certes prévue, mais l’article 13 de la Constitution ne s’applique pas encore, le projet de loi organique n’ayant pas encore été soumis au Sénat. (M. Jean-Claude Frécon acquiesce.) Il faudra aussi que nous fixions des principes pour ces auditions : lorsqu’un candidat se présentera, la commission compétente devra avoir pleine connaissance des conditions de son recrutement, et savoir s’il restera ou non président d’une autre entreprise. Il nous faudra également acquérir une culture de ce type d’auditions, afin que celles-ci soient pertinentes et répondent à l’objectif visé.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Si j’ai bien compris le sens de l’amendement n° II-170 rectifié bis, il s’agit de plafonner la rémunération globale du nouveau président d’EDF, qui a conservé des responsabilités dans l’ancien groupe privé qu’il présidait.
Sauf erreur de ma part, il me semble également que, jusqu’à présent, il siégeait, au titre de ses activités privées, dans cinq conseils d’administration différents, alors que le code de bonne conduite du MEDEF, qui fait loi en la matière, recommande à ses membres de ne pas excéder trois mandats d’administrateur. Ces informations sont de nature à renforcer la démonstration de Jean Arthuis d’une certaine endogamie du capitalisme français.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est la loi des sociétés qui fait le droit, pas le MEDEF !
Mme Nicole Bricq. La commission des finances de l'Assemblée nationale a auditionné M. Proglio, tout comme la commission de l’économie du Sénat. Une commission mixte paritaire se réunira d’ici à une semaine : le mieux serait donc que le Sénat exprime sa position en votant cet amendement, même s’il n’est pas parfait – nous avons déjà procédé de la sorte dans le passé –, afin que cette disposition puisse être examinée en commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Je suis un peu perplexe, car j’ai le sentiment que la rédaction de mon amendement reste imparfaite – mais, soyez rassurés, mes chers collègues, je n’avais pas la prétention d’être parfait ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Par rapport à la liste citée par M. le rapporteur général, nous avons oublié un certain nombre d’entreprises importantes, comme France Telecom.
Cela étant dit, notre objectif, avec les collègues de mon groupe signataires de cet amendement, est d’instaurer un mécanisme similaire à celui qui s’appliquait précédemment, et qui soit relativement cohérent, avec une grille pour le secteur public, comme il en existe une pour la fonction publique, mais plus souple et adaptable pour tenir compte de certaines situations particulières.
Je voudrais dire à M. Serge Dassault que la situation des présidents des entreprises du secteur privé est différente de celle des dirigeants des entreprises du secteur public. Les premières ne sont pas concernées par l’argent des contribuables. En revanche, les dividendes que versent, le cas échéant, les secondes constituent une ressource domaniale ou patrimoniale de l’État.
On peut modifier cet amendement en commission mixte paritaire ou prendre davantage le temps de la réflexion. Mais, après avoir attentivement écouté les uns et les autres, et sans renoncer ni à l’idée ni à la démarche, je vais retirer mon amendement. Je le présenterai de nouveau lors du collectif budgétaire, en le rédigeant différemment, de façon qu’il ne suscite pas les critiques techniques qui lui ont été opposées et qui ne sont pas forcément infondées, qu’elles émanent de la commission des finances ou du Gouvernement.
Je vais donc essayer de trouver un dispositif qui corresponde exactement à nos objectifs, afin de revenir à une grille et, si possible, à une autorité unique de décision, comme c’était le cas autrefois. Il s’agit d’assurer l’harmonisation et la coordination des diverses responsabilités, car, dans le secteur public, mes chers collègues, le chiffre d’affaires et la cotation en bourse ne font pas tout. La situation du président d’EDF me semble parfois plus confortable que celle des présidents de la SNCF ou de la RATP lorsqu’ils sont confrontés à des grèves dures et prolongées avec un blocage du pays. C’est quand même une autre responsabilité et, en tant qu’ancien ministre du travail, vous le savez bien, monsieur le président !
Je retire mon amendement, car j’ai conscience de ses insuffisances techniques et de la nécessité de l’améliorer. Mais je ne renonce pas pour autant. J’essaierai, mes chers collègues, de présenter un dispositif plus abouti lors de l’examen du collectif budgétaire. Les objections techniques ayant été évacuées, on pourra alors débattre du fond, ce qui suffira largement à alimenter notre discussion.
M. le président. L'amendement n° II-170 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° II-216, présenté par MM. Charasse, Collin, Barbier, Mézard, Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :
Après l'article 50 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I- Au troisième alinéa de l'article L. 5212-24 du code général des collectivités territoriales, les mots : « la part du financement assurée, hors subventions, par le bénéficiaire du fonds de concours » sont remplacés par les mots : « les trois quarts du coût hors taxe de l'opération concernée ».
II- Les pertes de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Avec cet amendement, qui traite des rapports entre les syndicats d’électrification départementaux et les communes, nous passons des « gros sous » aux « petits sous ».
Nous avons essayé, avec votre concours actif et efficace, monsieur le rapporteur général, de remettre de l’ordre dans le système, à travers l’article 14 de la loi du 20 avril 2009. Cet article prévoit que, désormais, en cas de travaux effectués dans une commune avec la participation du syndicat, la commune ne pourra pas verser un fonds de concours supérieur à la participation de celui-ci. Ainsi, lorsqu’un syndicat décide de subventionner une opération à 40 %, le fonds de concours communal ne peut dépasser 40 %. Ces dépenses d’investissement sont éventuellement éligibles au Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA. En revanche, les 20 % qui restent à la charge de la commune sont considérés comme une dépense de fonctionnement, non éligible au FCTVA.
Lorsque les syndicats contribuent pour moins de 50 % à certaines opérations, la situation devient infernale pour les communes : une partie de leur contribution doit être inscrite en dépenses d’investissement, l’autre en dépenses de fonctionnement ; une partie est éligible au FCTVA, l’autre ne l’est pas.
Au lieu de dire que la contribution de la commune ne peut pas dépasser celle du syndicat, l’amendement n° II-216 tend à plafonner le total des fonds de concours aux trois quarts du coût hors taxe de l’opération concernée. Ainsi, quel que soit le taux de subvention du syndicat – on n’imagine pas qu’il tombe en dessous d’un tiers –, l’ensemble sera considéré comme une dépense d’investissement éligible au FCTVA.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le sujet étant relativement complexe, je sollicite toute votre attention, mes chers collègues. Les communes et les EPCI peuvent bien évidemment verser un fonds de concours à un syndicat d’électricité. Le droit actuel prévoit que le montant total des fonds de concours ne peut excéder la part du financement assuré hors subventions par le bénéficiaire desdits fonds.
L’amendement n° II-216 tend à atténuer cette règle en prévoyant que le montant total des fonds de concours ne peut excéder les trois quarts du coût hors taxe de l’opération concernée.
M. Michel Charasse. Exact !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il faut tout d’abord rappeler, comme M. Charasse l’a souligné, que le droit actuel est récent, puisqu’il résulte de l’article 14 de la loi de finances rectificative du 20 avril 2009, inséré sur l’initiative de notre excellent collègue député Charles de Courson.
Ensuite, l’on comprend bien que l’un des objectifs de l’amendement est de permettre aux communes d’accroître la part de leur financement sur laquelle il est possible de récupérer la TVA.
Cela étant, est-il normal qu’un syndicat d’électricité finance moins de la moitié d’une opération ? Cet amendement ne risque-t-il pas d’encourager une certaine dilution des interventions des syndicats d’électricité dans le département ou dans la zone que ce dernier couvre ?
M. Michel Charasse. C’est déjà le cas !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est une question que je me pose. Il me semble que les services du ministère de l’intérieur se la posent également.
Bien entendu, nous nous en remettons sur ce point à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. C’est un sujet complexe.
Le versement de fonds de concours au syndicat d’électricité constitue déjà une dérogation à la règle. Or, au travers de la réforme des collectivités locales, nous cherchons davantage à clarifier les compétences qu’à compliquer leur répartition.
Cette dérogation résulte, comme l’a souligné M. le rapporteur général, de l’adoption par l’Assemblée nationale, d’un amendement déposé par M. Charles de Courson.
Un syndicat d’électricité, normalement créé, peut exercer en lieu et place des communes les compétences qui lui ont été transférées, et il trouve son financement dans ce cadre.
Je comprends les difficultés qu’évoque M. Charasse, en particulier en ce qui concerne la règle du plafonnement des fonds de concours. Cette contrainte peut au cas par cas, syndicat par syndicat, paraître un peu trop rigide. Vous proposez d’y remédier. Je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. On le vote !
M. le président. Monsieur le ministre, levez-vous le gage ?
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° II-216 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 50 quinquies.
L'amendement n° II-226, présenté par MM. J.L. Dupont, Maurey et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après l'article 50 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er janvier 2010, les lois de finances ainsi que l'ensemble des documents préparatoires y afférents relatifs aux relations financières entre l'État et les collectivités territoriales présentent un tableau récapitulatif qui distingue les dépenses engagées librement par les collectivités territoriales de celles qui résultent d'une obligation législative telle que des transferts de charges ou de compétences.
Ce tableau retrace l'évolution de ces dépenses et présente l'ensemble des concours financiers apportés par l'État aux collectivités territoriales. Il évalue le respect de l'obligation instituée par l'article 72-2 de la Constitution et par la loi organique du 22 juillet 2004 de compenser tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales par l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice et d'accompagner toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales de ressources déterminées par la loi.
La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Le Gouvernement demande aux collectivités de l’accompagner dans la lutte contre la crise économique. Pourtant, nous savons que les ressources des collectivités locales seront très certainement restreintes à l’avenir.
J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt, monsieur Charasse, le débat que vous avez lancé sur les normes voilà quelque temps.
M. Michel Charasse. Ah ?
M. Daniel Dubois. Vous aviez pris l’exemple de la cathédrale de Clermont-Ferrand où les fidèles ne pourraient bientôt plus se rendre, compte tenu des normes de sécurité. Il vous a été répondu que ces normes étaient d’ordre réglementaire, qu’elles continueraient à s’imposer aux collectivités locales, et que le législateur n’y pouvait rien.
Par ailleurs, je veux dire un mot sur les décrets. Le dernier en date concerne les redevances versées aux pompiers volontaires. C’est le ministre qui décide, mais ce sont les collectivités qui paient !
Mme Nicole Bricq. Il ne faut pas voter le projet de loi de finances !
M. Daniel Dubois. M. le ministre et M. le rapporteur général sont attachés à la gestion orthodoxe des collectivités et des entreprises.
Généralement, dans une entreprise, celui qui commande est celui qui paie. C’est un bon principe qui devrait être appliqué pour l’État et les collectivités locales. Malheureusement, on nous explique que ce ne sera pas possible, car la disposition est également d’ordre réglementaire. Le législateur peut s’en plaindre, mais c’est tout !
L’État a transféré de nombreuses dépenses aux collectivités locales, qui doivent être compensées à l’euro près depuis la réforme de la Constitution. Ces dépenses évoluent. Pourtant, alors que les normes et les décrets imposent de nouveaux frais, on limite les ressources.
Monsieur le ministre, le Parlement ne peut-il disposer, dans le cadre du débat budgétaire, d’un tableau récapitulatif qui retracerait l’évolution des dépenses imposées aux collectivités locales avec les recettes qui sont affectées ? De la sorte, le législateur, informé des dépenses imposées aux collectivités et des recettes qui y sont affectées, pourra veiller au respect des exigences de l’article 72-2 de la Constitution.
Tel est l’objet de cet amendement déposé par le groupe de l’Union centriste.
M. Jean-Louis Carrère. Il faut voter contre le budget !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit incontestablement d’une bonne initiative de pédagogie et de transparence.
Il est question dans l’amendement des « dépenses engagées librement par les collectivités territoriales et de celles qui résultent d’une obligation législative ». La distribution du RMA, du RSA ou de l’APA, par exemple, à toutes les personnes qui répondent objectivement aux conditions établies par la législation est une obligation législative.
Néanmoins, les normes ou les pratiques ne sont pas nécessairement d’ordre législatif. Il peut s’agir de normes d’un rang inférieur, voire de simples pratiques ou de prescriptions de l’administration. En ce qui concerne les normes, elles n’ont pas que des aspects législatifs. Notre collègue Alain Lambert serait d’ailleurs plus compétent que moi pour en parler. Il est donc difficile de trouver la ligne de partage. Or, pour que l’information soit incontestable et transparente, il faut que la méthode de séparation soit certaine.
Cher collègue Daniel Dubois, gardons en tête votre initiative. Le Gouvernement pourrait certainement mieux utiliser le « jaune budgétaire » intitulé Effort financier de l’État en faveur des collectivités territoriales et consacrer une partie des tableaux et des développements à ce sujet. Ce serait déjà un progrès !
Par ailleurs, niveau de collectivité par niveau de collectivité, il faudrait élaborer une sorte de plan comptable qui permettrait aux départements, aux régions, aux communes, aux intercommunalités, de mieux repérer les dépenses obligées, sinon obligatoires. Nous aurions ainsi une vision plus réaliste des marges de manœuvre.
C’est d’autant plus important que l’évolution des dotations dans les années à venir risque de nous être comptée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Ah bon ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est la conjoncture économique qui commande cela, tout le monde le sait ! Pourquoi êtes-vous surprise ? Il n’y a pas plus de miracle pour les collectivités locales et pour l’État que pour les entreprises ! (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Nous ne vivons pas sur une île déserte ! La crise n’est pas uniquement pour les autres !
Mme Nicole Bricq. C’est ça…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. L’opinion publique a besoin d’élus responsables et raisonnables, et non d’élus vivant dans un monde irréel ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. Applaudissez, moutons !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Quoi qu’il en soit, la commission s’en remet à l’avis du Gouvernement sur cet amendement. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Cet amendement part d’une bonne idée, à savoir permettre une information meilleure et plus transparente du Parlement pour mieux organiser ses débats et ses propositions.
Je partage l’idée du rapporteur général. Il est difficile de délimiter la frontière exacte entre une dépense librement engagée par une collectivité et une dépense résultant d’obligations législatives. Le partage n’est en effet pas incontestable entre ces deux types de dépenses.
Si la limite est claire pour les dépenses de prestations sociales, elle est plus compliquée à fixer pour d’autres postes, notamment en ce qui concerne l’exercice des compétences transférées. Les dépenses par élève en second cycle, par exemple, varient du simple au double selon que l’on se situe en Lorraine ou en Midi-Pyrénées. Les dépenses peuvent même aller du simple au triple d’un département à un autre ! Ce qui est en cause, c’est la dynamique même des dépenses liées à des transferts anciens de compétences.
En ce qui concerne les normes, le sujet est plus clairement établi ; nous avons déjà eu ce débat, avec Michel Charasse ou Alain Lambert, notamment.
Pour reprendre l’exemple cité de la revalorisation des vacations horaires des sapeurs-pompiers, le décret qui en est à l’origine a fait l’objet d’un consensus plutôt large. Il a reçu l’avis favorable de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, présidée par Éric Doligé, et de la Commission consultative d’évaluation des normes, présidée par Alain Lambert. Il existe donc un filtre qui, une fois franchi, donne naissance à une norme. S’agit-il d’une norme imposée ou fait-elle consensus ? Je vous laisse juges.
Monsieur le sénateur, je veux bien essayer de trouver une sorte d’indicateur, mais encore faut-il qu’il soit juste. S’il ne l’est pas, il n’éclairera pas les débats, et rendra même ces derniers plus confus.
J’accepte d’engager une réflexion sur ce sujet, mais, en tout état de cause, nous ne sommes pas prêts aujourd'hui à élaborer ce type de rapport. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Dubois, l'amendement n° II-226 est-il maintenu ?
M. Daniel Dubois. Monsieur le ministre, je ne retirerai pas cet amendement, car il reflète la réalité du terrain subie.
Je fais partie de ceux qui considèrent que les collectivités doivent accompagner l’État dans la lutte contre la crise grâce aux recettes qu’elles reçoivent. Mais cela ne peut pas être continuellement un marché de dupes ! (M. Jean-Louis Carrère applaudit.) Il faut que l’État, à un moment, prenne ses responsabilités par rapport aux dépenses qu’il impose sans transférer de ressources correspondantes.
Je maintiens donc mon amendement. Chacun tranchera !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit simplement de remettre un document d’information. Celui-ci n’est peut-être pas très facile à élaborer, mais l’adoption de cet amendement ne serait pas dommageable. Et M. Daniel Dubois et son groupe seraient sensibles à ce geste.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. On peut toujours voter en faveur de tous les rapports du monde ! Je pourrais très bien vous dire que je suis d’accord, et vous livrer ensuite n’importe quel rapport ! Mais il faut à mon avis faire les choses sérieusement. Nous aurons bien du mal à élaborer un document de ce genre !
Nous avons débattu mille fois des transferts de charges et de compétences. Je peux vous rappeler tous les arguments relatifs à la Constitution, et on peut faire le rapport entre les transferts de charges et les transferts de compétences… Mais croyez-moi, l’État n’impose pas aux collectivités autant de charges que cela ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Certes, l’État impose un certain nombre de charges, mais, pour chaque compétence décentralisée, il y a toujours eu un vote du Parlement à cet égard, et les ressources correspondantes ont été prévues ! (Mme Nicole Bricq et M. Jean-Louis Carrère ironisent.)
D’ailleurs, les choses ont évoluées d’une façon souvent plus positive que ce que vous le sous-entendez. Prenons simplement le cas du RMI. Nous allons au-delà des obligations constitutionnelles puisque nous remettons chaque année, au travers du Fonds de mobilisation départemental pour l’insertion, le FMDI, 500 millions à 600 millions d’euros de plus que les obligations légales.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !
M. Éric Woerth, ministre. En ce qui concerne les transferts de TOS, nous veillons à ce que les lycées soient correctement rémunérés. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. Non !
Mme Nicole Bricq. C’est scandaleux !
M. Éric Woerth, ministre. Ce qui est scandaleux, c’est de caricaturer les positions du Gouvernement !
M. Jean-Louis Carrère. Ça suffit !
M. Éric Woerth, ministre. Il faut savoir faire preuve d’objectivité !
Même les postes qui étaient vacants au moment du transfert de compétences ont fait l’objet d’une compensation ! Que les collectivités locales veuillent ensuite faire plus, c’est le problème de la dynamique des dépenses. Mais il est trop facile de faire porter à l’État toutes les responsabilités ! La situation est nettement plus complexe que cela !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce débat pourrait se prolonger pendant une bonne partie de cette fin d’après-midi. Daniel Dubois a mis le doigt sur une vraie contradiction : il nous arrive en effet de voter des textes sans prendre la mesure de leur « soutenabilité » financière.
M. Charles Revet. Ça, c’est vrai !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Avions-nous à l’esprit toutes les obligations résultant de la loi de 2005 sur les handicapés lorsque, dans l’enthousiasme, nous avons voté autant de belles intentions, qui ne sont pas financièrement soutenables ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Nous avons évoqué le statut des sapeurs-pompiers : un comité a été mis en place, sous la présidence de notre excellent collègue Éric Doligé.
Mais sommes-nous capables de répondre négativement à certaines revendications parfois corporatistes ? Monsieur Dubois, nous avons vraiment un gros effort à accomplir, même dans nos collectivités, et nous pouvons très bien prendre l’initiative de sérier nos dépenses selon qu’elles relèvent d’une obligation résultant de la loi ou de libres compétences que nous entendons assumer. Et même parmi les obligations résultant de la loi, il existe forcément une marge d’arbitraire entre les cas qui nécessitent vraiment une assistance sociale et d’autres, qui sont à la limite !
Demain, la situation globale des finances publiques du pays nous obligera tous – l’État, la protection sociale, les collectivités territoriales – à faire preuve d’une rigueur extrême. La dépense publique commencera probablement à refluer, parce que nous ne disposerons pas des recettes pour y faire face et parce que nous ne pourrons plus continuer à nous endetter.
Dans l’immédiat, cet amendement est recevable et, si le Sénat le votait, il marquerait notre détermination collective à établir une cohérence entre nos votes et nos actes, entre nos intentions et nos capacités à agir. Ce serait une belle et bonne déclaration d’intentions.
Monsieur le ministre, je pense que cet amendement ne vous créera pas d’obligations excessives, mais il nous aidera collectivement à tenter de mettre en harmonie nos intentions et nos possibilités d’action. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur l’amendement n° II-226.
M. François Marc. Depuis plusieurs mois, nous avons entendu dans notre pays un discours tendant à culpabiliser les élus, accusés d’être trop dépensiers…
M. Alain Gournac. Des noms !
M. François Marc. En réponse à cette démarche de culpabilisation, il serait bon de chercher à établir une transparence dans l’information financière : c’est pourquoi l’amendement présenté par notre collègue Daniel Dubois recueille notre sympathie.
De fait, la situation actuelle est tout à fait inadmissible. Jean Arthuis a raison de souligner que nous n’avons pas toujours mesuré, dans les années passées, les répercussions des transferts de compétences, notamment en termes de charges supplémentaires pour les collectivités locales.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Passons donc au vote !
M. François Marc. J’ai sous les yeux les chiffres relatifs à la situation particulière des départements pour l’année 2008, dernière année pour laquelle nous disposions d’une information complète. En 2008, les départements ont exercé des responsabilités nouvelles pour l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, la prestation de compensation du handicap, la PCH, et le revenu minimum d’insertion, le RMI. Ils ont dépensé à cette fin 11,406 milliards d’euros. Ils ont reçu de l’État, pour faire face à cette dépense, 7,591 milliards d’euros. Il manque donc, en définitive, 3,815 milliards d’euros.
Si l’on accepte l’idée que, pour l’APA, la prise en charge serait répartie pour moitié entre l’État et le département, le manque à gagner pour une seule année, pour l’ensemble des départements de France, s’élève à 3 milliards d’euros. (M. Guy Fischer s’exclame.)
Ces chiffres illustrent bien la situation dans laquelle nous sommes : la réforme des finances locales introduite par ce projet de loi de finances ne tient pas compte de l’incapacité de l’État à faire face aux engagements pris à l’égard des collectivités territoriales.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Votons donc l’amendement !