Sommaire
Présidence de M. Roland du Luart
Secrétaires :
MM. Marc Massion, Bernard Saugey.
2. Lutte contre la fracture numérique. – Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture (Texte de la commission)
Discussion générale : Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique ; M. Bruno Retailleau, rapporteur de la commission de l’économie ; Mme Catherine Morin-Desailly, en remplacement de M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis de la commission de la culture.
MM. Raymond Vall, Xavier Pintat, Mme Mireille Schurch, MM. Michel Teston, Hervé Maurey, Jacques Blanc, David Assouline, Jean-Paul Virapoullé.
Mme la secrétaire d'État.
Clôture de la discussion générale.
M. Serge Lagauche.
Amendement n° 18 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mme Mireille Schurch, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, MM. Michel Teston, David Assouline. – Rejet.
Adoption de l'article.
M. Michel Teston.
Adoption de l'article.
Articles 1er CB à 1er DB. – Adoption
M. Michel Teston, Mme la secrétaire d'État.
Adoption de l'article.
Articles 1er DD et 1er DE. – Adoption
M. Serge Lagauche, Mme la secrétaire d'État, M. le rapporteur.
Adoption de l'article.
Articles 1er E et 1er F (supprimés)
Amendement n° 21 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mme Mireille Schurch, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 6 de M. Michel Teston. – MM. David Assouline, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Adoption de l'article.
M. Paul Blanc.
Adoption de l'article.
Articles 1er GB à 1er GD. – Adoption
MM. Michel Teston, le président.
Adoption de l'article.
Amendement n° 10 de M. Michel Teston. – MM. Michel Teston, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Retrait.
Adoption de l'article.
MM. Michel Teston, le rapporteur.
Amendement n° 14 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Adoption de l'article.
M. Michel Teston, Mme la secrétaire d'État.
Amendement n° 11 de M. Michel Teston. – MM. David Assouline, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, MM. Paul Blanc, Michel Teston, Mme Mireille Schurch. – Rejet.
Amendements nos 12 de M. Michel Teston et 16 de Mme Mireille Schurch. – M. Michel Teston, Mme Mireille Schurch, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, MM. Hervé Maurey, Jacques Blanc, David Assouline. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement no 12 ; rejet de l’amendement no 16.
Amendement n° 17 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 7 rectifié de M. Hervé Maurey. – MM. Hervé Maurey, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Retrait.
Adoption de l'article.
M. Michel Teston.
Adoption de l'article.
M. Michel Teston, Mme la secrétaire d'État.
Adoption de l'article.
Mme Lucienne Malovry, MM. Jacques Blanc, Hervé Maurey, Michel Teston, Mme Mireille Schurch, M. Paul Blanc.
Adoption définitive de la proposition de loi.
Mme la secrétaire d'État, M. le rapporteur.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
4. Concentration dans le secteur des médias. – Suite de la discussion et rejet d'une proposition de loi
Discussion générale (suite) : Mme Catherine Morin-Desailly, M. Serge Lagauche, Mmes Colette Mélot, Nathalie Goulet, Marie-Christine Blandin, M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.
Clôture de la discussion générale.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture.
Rejet de l’article.
L’ensemble des articles ayant été repoussés la proposition de loi est rejetée.
5. Modification de l'ordre du jour
6. Droits syndicaux en Europe. – Rejet d'une proposition de résolution européenne
Discussion générale : MM. Richard Yung, auteur de la proposition de résolution ; Marc Laménie, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Denis Badré, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes.
Mmes Annie David, Catherine Tasca, Françoise Laborde, M. Paul Blanc, Mme Raymonde Le Texier.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.
Clôture de la discussion générale.
Texte de la proposition de résolution initiale
Amendements nos 1 et 2 de Mme Annie David. – Mme Annie David, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, M. Richard Yung, Mme Raymonde Le Texier. – Rejet des deux amendements.
Amendement no 3 de Mme Annie David. – MM. Michel Billout, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, M. Richard Yung, Mme Annie David. – Rejet.
Amendement no 4 de Mme Annie David. – MM. Michel Billout, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, M. Richard Yung. – Rejet.
Amendement no 5 de Mme Annie David. – Mme Annie David, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
MM. le rapporteur pour avis, Richard Yung.
Rejet, par scrutin public, de la proposition de résolution européenne.
7. Entrées de villes. – Discussion d'une proposition de loi
Discussion générale : MM. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi ; Dominique Braye, rapporteur de la commission de l’économie ; Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission de la culture.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.
Mme Odette Terrade, MM. Claude Biwer, Jean-Jacques Mirassou, Marc Laménie.
Clôture de la discussion générale.
Amendement no 1 de la commission et sous-amendements nos 3 de M. Jean-Pierre Sueur et 5 de M. Claude Biwer. – MM. le rapporteur, Jean-Pierre Sueur, Claude Biwer, le secrétaire d'État. – Retrait du sous-amendement no 5 ; rejet du sous-amendement no 3 ; adoption de l’amendement no 1.
Adoption de l'article modifié.
8. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Japon
9. Entrées de villes. – Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi
Amendement no 2 rectifié de M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis, et sous-amendement no 4 de M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission de la culture ; Jean-Pierre Sueur, Dominique Braye, rapporteur de la commission de l’économie ; Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. – Rejet du sous-amendement ; adoption de l'amendement rédigeant l'article.
M. le rapporteur.
Rejet de l’article.
MM. Jean-Pierre Sueur, Claude Biwer.
Adoption de la proposition de loi.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Roland du Luart
vice-président
Secrétaires :
M. Marc Massion,
M. Bernard Saugey.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Lutte contre la fracture numérique
Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la lutte contre la fracture numérique (nos 121, 138, 137 et 145).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, nous entamons aujourd’hui en séance publique la deuxième lecture de la proposition de loi de M. Xavier Pintat relative à la lutte contre la fracture numérique.
À la fin du mois de juillet, lors du vote de ce texte en première lecture, vous m’aviez confié une lettre de mission, notamment pour trouver les ressources financières nécessaires à la réduction de la fracture numérique. Je vais essayer de vous convaincre ce matin que cette lettre de mission a largement été remplie, tant pour le très haut débit que pour la télévision tout numérique terrestre.
J’évoquerai d’abord les réseaux à très haut débit.
Plus que jamais ces nouveaux réseaux représentent un véritable défi pour le maintien de la compétitivité mais aussi pour la société.
L’État est conscient de ce défi. La loi de modernisation de l’économie, discutée ici même l’année dernière, a défini le cadre de développement de ces réseaux, que le Gouvernement s’attache, depuis lors, à mettre en œuvre. Les schémas directeurs, tels qu’ils ont été proposés au Sénat et dont la mise en œuvre a été renforcée à l’Assemblée nationale, seront un outil essentiel.
Le premier enjeu est la libération des investissements privés. La proposition de loi issue du Sénat prévoyait plusieurs mesures afin de compléter le cadre législatif dans les zones très denses. L’Assemblée nationale les a validées et le Gouvernement y est bien entendu favorable.
Au-delà des zones très denses, les différents acteurs, publics et privés, seront amenés à coopérer, afin de mutualiser les investissements et d’éviter une dispersion nuisible à leur rentabilité.
La proposition de loi issue du Sénat prévoyait ainsi plusieurs dispositions visant à accélérer le déploiement des réseaux en fibre optique dans les zones les moins denses de notre territoire.
Je pense à la possibilité – et ce n’est qu’une possibilité – pour les collectivités locales de devenir investisseurs minoritaires dans les réseaux, ou à la mise en œuvre de nouvelles compétences par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP. Ces dispositions ont été validées par l’Assemblée nationale.
Il s’agit d’anticiper l’avenir et d’éviter qu’une nouvelle fracture numérique ne se développe. Cela nécessite de coordonner les fonds publics et les fonds privés.
La proposition de loi issue du Sénat prévoyait également la mise en œuvre d’un fonds d’aménagement numérique des territoires. J’ai personnellement défendu à l’Assemblée nationale l’idée de ce fonds, qui était contestée par certains, de nombreux députés souhaitant le supprimer ou l’alimenter par une taxe qui nous semblait contre-productive, à ce stade de développement des réseaux, sur les investissements privés.
Par ailleurs, la commission sur le grand emprunt a proposé que soient réservés 4 milliards d’euros au développement de l’économie numérique, dont 2 milliards d’euros pour l’accès au très haut débit. Ce montant sera un élément crucial pour l’investissement au profit de tous les territoires et valide de fait votre proposition de créer un fonds d’aménagement numérique. J’aurai l’occasion ce matin de revenir plus en détail sur nos hypothèses économiques et sur la façon dont la commission sur le grand emprunt a calibré sa proposition.
Voilà quelques jours, le Président de la République déclarait : « Sur le numérique, on sera au rendez-vous. Nous ne voulons pas prendre de retard sur le très haut débit. »
Enfin, le passage à la télévision tout numérique permettra de libérer des fréquences de bonne qualité ; c’est le dividende numérique. Ce dividende permettra, notamment pour les zones les plus reculées, de développer des services à très haut débit. Le Parlement sera bien entendu consulté sur les conditions d’attribution de ces fréquences, comme vous l’avez proposé en juillet et comme l’Assemblée nationale l’a confirmé la semaine dernière.
Permettez-moi maintenant d’évoquer le passage à la télévision tout numérique terrestre.
La proposition de loi aborde les enjeux structurants de la télévision numérique terrestre, la TNT, dans le cadre de l’extinction de la télévision analogique prévue avant le 30 novembre 2011, date à laquelle 100 % des foyers devront recevoir la TNT. Le Gouvernement y veillera.
Le passage à la TNT, vous le savez tous, n’a rien d’anodin et nous avons eu l’occasion d’en discuter en juillet dernier. Pour emporter cette bataille et concrétiser le dividende numérique, qui est important pour nos territoires et, en particulier, pour les moins denses d’entre eux, nous devons d’abord informer et accompagner les foyers, en premier lieu les plus défavorisés, ainsi que les publics sensibles, ceux qui sont les plus éloignés du numérique, dans le cadre du programme de basculement progressif et régional que nous avons adopté.
C’est l’objet du programme national d’accompagnement que le Gouvernement a mis en place pour tous les Français, en y consacrant 277 millions d’euros, dont 40 millions d’euros provenaient d’un arbitrage du Premier ministre consécutif aux discussions que nous avions eues sur le sujet de la TNT au Sénat, à la fin du mois de juillet dernier.
Dans la continuité des travaux effectués par le Sénat, à l’occasion de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, nous avons décidé de compléter ce dispositif. Le 21 octobre dernier, le Premier ministre a ainsi pris plusieurs mesures, qui ont toutes été retranscrites dans le texte qui vous est aujourd'hui soumis.
Quelle sera l’incidence de ces mesures ? D’abord, elles permettront d’améliorer la couverture « hertzienne », comme vous le souhaitiez, grâce à une augmentation raisonnée des puissances des émetteurs. Les effets n’en seront pas négligeables, puisque cela permettra de couvrir 1,6 % de la population en plus. Dans certains territoires, les plus défavorisés en termes de couverture hertzienne, ce taux pourra atteindre jusqu’à 6 %.
Tous les foyers situés en zone d’ombre de la réception hertzienne numérique – ceux qui avaient l’analogique par l’antenne râteau et qui n’auront pas le numérique par ce biais – bénéficieront d’une aide pour accéder à la TNT, notamment par le satellite. Cela représente un effort financier important, auquel les chaînes devront participer, comme le réclamaient de nombreux élus. Il est évalué à 56 millions d’euros, qui s’ajoutent aux 40 millions d’euros déjà évoqués, soit au total près d’une centaine de millions d’euros.
Certaines collectivités souhaitent maintenir la diffusion hertzienne dans les zones d’ombre, parfois pour un nombre limité de foyers, ce qui, de notre point de vue, n’est pas rentable, mais peut correspondre à un choix politique local. Conscient que ce souhait est partagé par nombre d’entre elles, l’État a décidé de les accompagner financièrement dans cette démarche d’investissement, en tenant compte des aides qu’il aurait accordées à ces foyers pour s’équiper d’une parabole. L’aide sera donc pour partie proportionnelle.
Par ailleurs, et l’idée en revient à Pierre Hérisson, auquel je veux rendre hommage, nous avons institué des commissions territoriales pour la TNT, réunissant des élus, le GIP et le Conseil supérieur de l’audiovisuel, afin de s’assurer que le passage au tout-numérique respecte l’équité territoriale. Plus qu’une simple commission de suivi, il s’agit véritablement d’une commission d’anticipation et d’un lieu de négociation, le cas échéant, d’une convention entre le GIP et une commune qui serait soumise à des conditions particulières.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces mesures ont déjà été toutes testées dans le Nord-Cotentin, où la troisième et dernière opération pilote, et celle de plus grande ampleur, du passage au tout-numérique a eu lieu il y a quelques semaines, le soir du match France-Irlande pour être précis !
Les résultats ont été très positifs. Tout a été fait pour réduire au minimum le risque d’écran noir, et associer pleinement les élus à cette transition. Un dispositif d’accompagnement spécifique a été mis en place après l’arrêt, car nous nous sommes rendu compte de la nécessité d’une telle mesure, quelle qu’ait été la qualité du dispositif d’anticipation.
Les enseignements que nous tirerons de cette expérience pilote nous permettront d’enrichir le dispositif existant en vue du passage au tout-numérique de l’Alsace le 2 février prochain. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, au début de l’année prochaine, les opérations pilote cesseront et le basculement se fera région après région.
La fracture numérique n’est pas une fatalité. L’écran noir ne l’est pas davantage. Au travers de l’enrichissement qu’a connu le texte depuis sa première lecture au Sénat, j’ai le sentiment que le Gouvernement a rempli la lettre de mission qui lui avait été confiée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Retailleau, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la France est aujourd'hui à la croisée des chemins : la crise doit nous inciter à repenser notre modèle de croissance et à saisir les nouvelles opportunités technologiques.
À l’évidence, le très haut débit est l’une des clés de la croissance de demain, et ce pour trois raisons.
La première est d’ordre économique. Plus on investit dans le très haut débit, plus on augmente la productivité. L’impact de cet investissement est trois fois plus important que n’importe quel autre. Les nouvelles technologies de la communication engendrent déjà plus du quart de la croissance en France.
La deuxième raison est d’ordre sociétal. Jusqu’à présent, les applications, les services et les usages ont pu tenir dans la paire de cuivre traditionnelle du téléphone commuté. La France obtient des résultats satisfaisants pour le haut débit : le taux de pénétration est relativement important puisque 19 millions de foyers y sont reliés, et notre pays est le leader mondial de la télévision par ADSL. En revanche, pour les futurs usages, la paire de cuivre ne suffira pas et des bandes passantes beaucoup plus larges seront nécessaires. Certains affirment que nous n’avons pas besoin de plusieurs dizaines, voire d’une centaine, de mégabits. Mais le seul accroissement de la bande passante déployé cette année, au niveau mondial, par les opérateurs équivaut à la totalité du réseau mondial il y a seulement deux ans ! La demande de débit est exponentielle.
La troisième raison est d’ordre environnemental. Actuellement, nos ordinateurs consomment trop d’électricité. Un certain nombre de rapports, dont le rapport Smart, nous laisse à penser que nous pourrions éviter demain 15 % des rejets mondiaux de CO2 dans l’atmosphère grâce à un usage plus intensif de ces nouvelles technologies, ce qui est considérable. Il faut le répéter, c’est une externalité positive, à laquelle Mme la secrétaire d'État sera, j’en suis certain, très sensible.
À l’avenir, l’infrastructure essentielle sera bien évidemment le très haut débit, qui doit être un atout, et non un risque ou une menace, notamment en France, où la part de la ruralité est très importante. Mes chers collègues, je tiens à le dire, nous ne devons laisser aucun territoire métropolitain ni ultra-marin sur le bord du chemin. Très souvent, nous, élus ruraux, réclamons une meilleure couverture au nom du principe de l’égalité, ou de la non-discrimination, mais nous pourrions nous appuyer également sur un argument économique. Selon une étude parue il y a quelques mois, l’accroissement de 10 % du taux de couverture d’un territoire augmente le PIB de 1,3 %. Alors, soyons fiers de réclamer une couverture territoriale complète, qui est avantageuse non seulement pour l’aménagement du territoire, mais également pour le développement du PIB et de l’économie.
Partant du constat que le très haut débit est fondamental pour l’avenir, notre collègue Xavier Pintat, que je voudrais saluer, avait déposé cette proposition de loi, laquelle contient des pistes extrêmement intéressantes que nous avons reprises et même confortées lors de son examen en première lecture à la fin du mois de juillet dernier. Sur l’initiative de la commission de l’économie, nous avions tenu à compléter le texte en ajoutant un objectif de réduction de la fracture numérique existante, notamment en matière de TNT.
La proposition de loi a ensuite été examinée par l'Assemblée nationale, qui en a confirmé l’économie et validé la plupart de nos choix, en précisant ou complétant un certain nombre d’articles. Le texte comprend désormais deux titres, l’un sur la TNT, l’autre sur le très haut débit. Cinq articles importants, alors que la proposition de loi comportait un petit nombre d’articles, ont été validés en l’état, notamment ceux qui sont relatifs à la mutualisation de la partie terminale de la fibre dans les immeubles, à la possibilité donnée aux collectivités d’intervenir comme investisseur minoritaire dans les réseaux de très haut débit et aux modalités d’octroi du dividende numérique, essentielles en milieu rural pour s’assurer du contrôle parlementaire sur l’affectation de ces fréquences « en or ».
L'Assemblée nationale a apporté un certain nombre de clarifications, notamment en ce qui concerne la TNT. Mes chers collègues, vous vous en souvenez certainement, sur ce sujet, le Sénat avait souhaité une meilleure information, notamment des maires, et demandé au Gouvernement de réfléchir à un fonds d’équité territoriale pour aider ceux qui seraient privés d’une bonne réception hertzienne. Nous avions par ailleurs complété la disposition relative au CSA pour que ce dernier adopte des objectifs de couverture minimale au niveau départemental et national.
L'Assemblée nationale a ajouté un certain nombre d’éléments, notamment en matière d’information.
Madame la secrétaire d'État, vous avez évoqué à l’instant les commissions départementales, qui auront un rôle fondamental. Non seulement elles devront établir un diagnostic, mais elles auront également le droit et le devoir de formuler des recommandations. Elles pourront être le lieu de négociations utiles entre l’État, le GIP France Télé Numérique, le CSA bien sûr, et les collectivités.
Je voudrais d’ailleurs rendre hommage au précédent président du GIP, Philippe Levrier, qui a démissionné pour des raisons personnelles, et saluer son successeur, Louis de Broissia, notre ancien collègue, qui avait porté le texte en 2007 sur la télévision du futur. Sa nomination à la tête du GIP est de nature à nous rassurer.
Toujours en ce qui concerne la réduction de la fracture numérique, l’Assemblée nationale a souhaité obtenir une meilleure couverture du territoire par la TNT. En imposant au CSA de doubler les puissances apparentes rayonnées des émetteurs, nous allons passer de l’objectif législatif de 95 % de la population couverte à un objectif réel de 96,6 %.
Même si, en moyenne, une telle mesure ne permet d’augmenter que de 1,6 % le taux national de couverture de la population, les départements les moins bien servis, dont je pourrais vous citer un certain nombre d’exemples, pourront gagner 4, 5 ou 6 points de taux de couverture, ce qui représenterait un progrès considérable.
Lors de la première lecture, nous avions évoqué la possibilité d’un fonds qui permettrait aux foyers non couverts par l’hertzien numérique de bénéficier d’une aide. Ce fonds est désormais inscrit dans le texte. Il vous revient de confirmer cette disposition importante. S’ils sont situés en zone d’ombre et quelles que soient les conditions de ressources, les foyers pourront recevoir une aide de 250 euros de l’État pour les moyens d’accès alternatifs, notamment satellitaires. Ainsi, 100 % de la population française sera bien en mesure de recevoir la télévision numérique avant le mois de novembre 2011.
Enfin, les collectivités pourront avoir la possibilité de financer des réémetteurs, des émetteurs secondaires, pour augmenter la couverture hertzienne numérique sur leur territoire.
L’Assemblée nationale a ajouté deux mesures.
Sur la TNT, le CSA devra remettre un rapport sur la réception dans les zones de montagne, qui peuvent poser des problèmes spécifiques, dans les trois mois suivant la promulgation de la loi.
Au sujet de la télévision mobile personnelle, il est prévu de créer une société qui permettrait véritablement de relancer la télévision mobile personnelle, dont le dossier est quelque peu embourbé depuis quelques mois.
En ce qui concerne le deuxième titre – le très haut débit –, qui était le cœur du dispositif que Xavier Pintat nous avait proposé, nous souhaitons que le Gouvernement, les opérateurs et les collectivités fassent preuve de beaucoup de pragmatisme. Nous avions toujours indiqué que notre souhait était de tirer le meilleur parti de toutes les technologies : fibre optique, hertzien – en raison du dividende numérique dans les zones les plus rurales, les plus dispersées en habitat –, et satellite.
Nous devons également faire preuve de pragmatisme pour exploiter les ouvrages de génie civil, et l’Assemblée nationale a précisé des dispositifs qui nous permettent d’utiliser tous les poteaux aériens pour minimiser les coûts. N’oublions pas que 70 % à peu près du coût de la fibre relève du génie civil.
Enfin, il faut également faire preuve de pragmatisme pour prévoir la meilleure articulation possible entre opérateurs privés et publics. Il faudra se tenir à égale distance de la subvention trop facile et de la taxation désincitative.
L'Assemblée nationale a complété et clarifié les dispositions relatives aux schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, qui seront des outils décisifs dans les territoires.
Mes chers collègues, le cadre reste celui que nous avions fixé. Ces schémas seront établis au moins au niveau du département afin de rendre la péréquation possible, sur l’initiative des collectivités, et non du préfet, de l’État ou des opérateurs. Ils associeront l’ensemble des collectivités et des opérateurs. L’Assemblée nationale a souhaité faire respecter cette exigence en prévoyant que l’ARCEP sera prévenue, et qu’elle rendra publique l’information.
L’Assemblée nationale a précisé que le très haut débit pouvait inclure l’accès satellitaire, ce qui est une bonne mesure, et qu’il n’y aurait qu’un seul schéma directeur sur un territoire, comme nous l’avions imaginé, mais peut-être les choses vont-elles mieux en les disant.
L’article 4 relatif au Fonds d’aménagement numérique des territoires est l’autre élément fondamental du dispositif prévu par la proposition de loi.
L’Assemblée nationale a décidé que les critères d’attribution des aides seraient précisés par décret. Je souscris totalement à cette disposition. Le principe fondamental est simple : les aides attribuées par le fonds devront être destinées aux territoires qui en ont le plus besoin. Il n’est pas question que les collectivités territoriales et l’État financent par de l’argent public des projets que les opérateurs privés pourraient eux-mêmes assumer.
Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, l’objectif de péréquation des coûts et des recettes sur le périmètre de chacun des schémas directeurs concernés demeure. Ceux-ci devront englober avec un maillage départemental minimal des zones rentables, par exemple des petites villes et, bien entendu, des secteurs ruraux.
J’en viens aux critiques relatives au « fonds sans fonds ». Que n’avons-nous entendu en première lecture ! Il nous a même fallu nous battre pour le maintenir. Sachez, mes chers collègues, que le rapport de Michel Rocard et d’Alain Juppé envisage d’affecter 2 milliards d'euros à ce fonds sur les 4 milliards d'euros consacrés au développement de l’économie numérique. Ce n’est bien entendu qu’une proposition, pour l’instant.
Pour moi, comme pour vous, j’en suis sûr, madame la secrétaire d'État, ce n’est pas une ligne d’arrivée, c’est un bon point de départ. L’amorçage de ce fonds nous permettra de commencer les opérations le temps que les schémas directeurs, d’ici à quelques années, soient opérationnels. Reste qu’il faudra sans doute prévoir des ressources complémentaires plus pérennes. Mais ne nous plaignons pas ! Grâce à ces 2 milliards d'euros au minimum, le fonds sera enfin abondé, et nous l’avions suffisamment réclamé en première lecture.
L’article 4 ter relatif au droit d’accès aux tranchées et aux appuis aériens pour la pose de fibres optiques, qui avait été introduit par le Sénat, a vu sa rédaction utilement améliorée par l’Assemblée nationale.
L’article 4 quater est l’une des rares dispositions vraiment nouvelles au sein du titre II. Il vise à rétablir un équilibre sur les modalités de financement des opérations d’enfouissement des lignes.
Dans le cas des lignes téléphoniques, les collectivités financent souvent la réalisation souterraine de fourreaux et de chambres de tirage, dont la propriété revient ensuite à l’opérateur historique. Il s’agit donc de prévoir que celui qui paiera la réalisation des installations en deviendra ensuite propriétaire. Cela me paraît aller de soi. De plus, la collectivité pourra, en ce cas, favoriser l’ouverture de ces infrastructures à d’autres opérateurs.
Enfin, l’article 8 contient également une mesure nouvelle, qui est de bon sens : le client qui résilie son abonnement auprès d’un fournisseur d’accès pourra continuer, pendant six mois et à titre gratuit, à consulter son courrier électronique par l’intermédiaire de son ancienne adresse e-mail.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a demandé de nombreux rapports, dont l’intérêt est variable, concernant notamment le fossé numérique – sujet intéressant – ou la possibilité de mettre en place une tarification de l’accès à internet en fonction du débit réel dont bénéficient les abonnés.
Les députés ont également regroupé en un seul rapport deux rapports dont nous avions été à l’initiative, l’un sur la résorption des lignes multiplexées et l’autre sur l’état des technologies permettant d’augmenter le débit disponible dans les territoires. À cet égard, madame la secrétaire d'État, il faudra faire en sorte que les collectivités en milieu rural puissent accompagner la montée en débit plutôt que de n’avoir le choix qu’entre 100 mégabits par seconde dans dix ans ou 512 kilobits par seconde aujourd'hui. Des objectifs intermédiaires de 20, 30, 40 ou 50 mégabits doivent pouvoir être compatibles avec les aides et les schémas directeurs.
Nos collègues députés ont en outre souhaité un rapport sur la neutralité des réseaux de communications électroniques. Cette question peut encore paraître théorique, mais elle est fondamentale aux États-Unis.
Enfin, un rapport décrira le stockage des données à caractère personnel par les prestataires techniques de communications électroniques sur le thème très important du droit à la vie privée sur internet, qui fait d’ailleurs l’objet d’une proposition de loi de nos collègues Yves Détraigne et Anne-Marie Escoffier.
Mes chers collègues, les orientations du Sénat n’ont pas été remises en cause par l’Assemblée nationale. Elles ont au contraire été consolidées par l’ajout de dispositions pertinentes. De plus, la rédaction de la proposition de loi a été améliorée.
Fort de ce constat, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire souhaite que ce texte puisse être adopté sans modification.
Pour conclure, je veux vous rappeler rapidement pourquoi la commission est favorable à ce texte, modifié par l’Assemblée nationale.
Le titre II relatif au très haut débit, qui est le cœur de la proposition de loi, n’a pratiquement pas été retouché. L’Assemblée nationale a apporté quelques clarifications, mais très peu d’ajouts. Il reste, dans son inspiration et dans son écriture, tel que nous l’avions adopté en première lecture.
Le titre Ier concernant la TNT a été, en revanche, beaucoup plus remanié par les députés. Néanmoins, les modifications apportées sont positives et s’inscrivent dans la perspective que nous avions indiquée au Gouvernement dès le mois de juillet, qui est d’apporter la télévision numérique à 100 % des Français. Cet objectif, qui nous tient à cœur, a été révisé à la hausse avec le doublement de la puissance des émetteurs. En outre, ceux qui se trouveraient dans des zones blanches pourraient bénéficier d’une aide de 250 euros afin de s’équiper en moyens alternatifs de réception.
Comme Nathalie Kosciusko-Morizet vient de l’indiquer, nous quittons la phase d’expérimentation. Après le succès des opérations de Coulommiers, de Kaysersberg et, il y a un mois, du Cotentin, nous allons attaquer le basculement des grandes plaques régionales, d’abord l’Alsace dans deux mois, puis la Basse-Normandie.
Nous ne pouvons plus attendre. Adoptons ces dispositions qui vont dans le bon sens, notamment en augmentant encore les exigences que nous avions formulées en première lecture.
Voilà les raisons pour lesquelles il faut souscrire au souhait de la commission de l’économie, à savoir adopter ce texte sans modification. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est Mme Catherine Morin-Desailly, en remplacement de M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis.
Mme Catherine Morin-Desailly, en remplacement de M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de M. Xavier Pintat relative à la lutte contre la fracture numérique, sur laquelle notre commission avait déjà donné un avis en première lecture, a été votée par le Sénat en juillet dernier, puis adoptée par l’Assemblée nationale le 1er décembre.
Sur l’initiative de M. Bruno Retailleau, rapporteur de la commission de l’économie du Sénat, dont je salue d’ailleurs le travail, le texte avait été enrichi avec l’adjonction d’un titre Ier composé de huit articles visant à faciliter la transition vers la télévision numérique.
Les dispositions adoptées par le Sénat, que la commission de la culture avait largement approuvées, avaient plusieurs objectifs : conforter la légalité des listes des zones qui devront être couvertes par la TNT au plus tard le 30 novembre 2011, en confiant explicitement le soin au CSA de définir une couverture minimale par département ; autoriser l’administration à transmettre au GIP France Télé Numérique la liste des personnes dégrevées de contribution à l’audiovisuel public afin de lui permettre de remplir sa mission ; créer un fonds non doté pour faciliter la couverture du territoire dans les zones d’ombre.
Un amendement essentiel visant à améliorer l’information des élus locaux avant l’extinction de la télévision en analogique avait également été adopté.
L’Assemblée nationale, confirmant ces dispositions, a approfondi la réflexion dans la même direction.
Ainsi, elle a mis en place une commission de transition vers le numérique dans chaque département, réunissant le GIP France Télé Numérique, l’État, le CSA et les collectivités territoriales ; elle a permis au CSA de contraindre les opérateurs à augmenter la puissance des émetteurs pour améliorer la couverture du territoire ; elle a étendu les compétences du GIP à l’assistance aux publics les plus fragilisés ; elle a créé une aide financière au profit des collectivités territoriales mettant en œuvre des solutions alternatives pour assurer – c’est essentiel – la continuité de la réception de la télévision.
L’Assemblée nationale a également modifié la gouvernance du GIP France Télé Numérique. À cet égard, on peut saluer, comme l’a fait M. le rapporteur, l’arrivée de notre ancien collègue Louis de Broissia, très au fait de toutes les questions dont nous débattons aujourd’hui, à la présidence du conseil d’administration du GIP.
L’Assemblée nationale a, en outre, mis en place un fonds « parabole » destiné à contribuer à la continuité de la réception gratuite des services de télévision, qui se concrétisera par une aide attribuée sans condition de ressources dès lors que l’on se retrouvera en zone d’ombre après le passage au tout numérique. Cette disposition de l’article 1er D est issue d’un amendement du Gouvernement, qui a annoncé un engagement financier à hauteur de 90 millions d’euros. Je souhaite indiquer que, compte tenu de la santé financière des entreprises de télévision, dont on a largement parlé lors de l’examen des crédits de la mission « Médias », il me paraît difficile de leur imposer d’abonder ce fonds, ce qui n’est pas au demeurant prévu par la proposition de loi.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté l’article 1er GB, qui définit un cadre juridique favorable au lancement de la télévision mobile personnelle, ou TMP, qui, on doit bien le dire, n’a pas encore complément trouvé son modèle.
Au cas où un consensus se dégagerait pour le démarrage de la TMP, il s’agit de permettre à une chaîne de déléguer à un tiers, dans des conditions approuvées par le CSA, le déploiement et l’exploitation du réseau ainsi que la commercialisation d’une offre de gros auprès des distributeurs de service.
Outre un article visant à demander au Gouvernement un rapport sur la réception numérique dans les zones de montagne, l’Assemblée nationale a adopté des dispositions techniques permettant au CSA d’assigner des ressources radioélectriques en cas de brouillage par des immeubles des services de télévision ou de radio et requérant un avis conforme de l’autorité sur les cessions d’activité d’une société exploitant un service de communication audiovisuelle, au cours d’une procédure de sauvegarde et en cas de location-gérance.
Ainsi, il faut reconnaître que l’Assemblée nationale a fait un exercice de microchirurgie législative très utile et que le Gouvernement est parvenu à convaincre les esprits les plus sceptiques avec un engagement financier très important.
C’est la raison pour laquelle la commission de la culture est favorable à l’adoption de ce texte, dont l’application est désormais assez urgente, compte tenu, comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État, des défis qui sont devant nous.
J’espère d’ailleurs qu’une partie substantielle du grand emprunt sera consacrée aux investissements qui sont si nécessaires. À cet égard, je partage pleinement l’analyse de notre collègue Bruno Retailleau, qui, en préambule de son intervention, a rappelé à quel point la crise devait nous inciter à investir. En effet, l’émergence du très haut débit ne doit pas créer en France une nouvelle fracture numérique et des disparités de traitement entre les territoires.
En conclusion, je voudrais me féliciter que, à travers l’initiative de notre collègue Xavier Pintat, le Sénat soit encore le fer de lance de l’aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, je demande à chacun de respecter son temps de parole, car notre ordre du jour est très chargé.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me félicite au nom du groupe du RDSE que, sur l’initiative de notre collègue Xavier Pintat, nous puissions débattre de ce sujet extrêmement important.
Je l’aborderai avec le regard du modeste élu rural que je suis. J’avais préparé un discours, mais le lire après l’intervention si brillante de spécialistes me paraît difficile. Aussi irai-je droit au but.
Je pense moi aussi que le numérique est un défi pour l’avenir, un rendez-vous immanquable et qu’il s’agit de la dernière chance pour certains territoires.
Les études de l’ARCEP révèlent que le nombre d’abonnés au haut débit en France, qu’il s’agisse de l’ADSL, du câble ou de la fibre optique, n’est que dix-sept millions, ce qui nous place en neuvième position sur le plan européen. Nous partons donc avec un sérieux handicap. Ce n’est bien entendu pas uniquement la faute de ceux qui sont au Gouvernement aujourd’hui. Ce retard date depuis très longtemps.
Ce qui m’inquiète dans ce texte, Bruno Retailleau l’a expliqué, c’est son manque de pragmatisme.
On peut dire tout ce que l’on veut. Si des mesures concrètes ne sont pas prises pour que les collectivités territoriales puissent assurer une partie des investissements nécessaires à l’accès au très haut débit, les zones rurales seront particulièrement touchées. Alors qu’elles n’ont déjà ni autoroutes, ni voies ferrées, ni transports en commun, on ne peut pas leur demander un effort de cette importance.
Cette fracture numérique serait catastrophique, car elle augmenterait la désertification de ces territoires qui connaissent déjà des difficultés lorsque leur activité principale est l’agriculture.
Nous devons donc définir de façon très pragmatique la manière dont nous pouvons intervenir. Un câble de soixante-douze fibres coûte environ 8 euros le mètre. La difficulté dans les territoires ruraux, c’est d’obtenir de la part des délégataires les informations sur les structures existantes en ce qui concerne la position des répartiteurs.
Je rappelle que les fibres à haut débit – nous ne sommes pas obligés de passer immédiatement au très haut débit, nous pouvons utiliser ce qui existe – ont été passées il y a dix ans. Il est donc inadmissible que les territoires ruraux n’aient pas d’informations sur les travaux réalisés, car cela revient à leur refuser la possibilité de se raccorder au réseau à haut débit. Or ces infrastructures ont été payées par de l’argent public avant la privatisation de l’opérateur historique.
M. Jacques Blanc. Tout à fait !
M. Raymond Vall. Il est essentiel que le texte qui nous est soumis aujourd’hui intègre des dispositions pragmatiques afin que les territoires ruraux, qui sont déjà très défavorisés, puissent disposer de toutes les informations leur permettant d’accéder aux infrastructures existantes.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Raymond Vall. Madame la secrétaire d’État, sans ces nécessaires décisions, il n’y aura pas un véritable service universel. C’est la dernière chance pour les territoires ruraux, déjà victimes de la désertification.
Les moyens ne sont pas suffisants, mais je ne vous en ferai pas la critique. En revanche, je vous demande de prendre en compte les aspects pragmatiques de la question, afin que le monde rural ne soit pas une fois de plus délaissé et abandonné. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer le travail considérable effectué au Sénat par le rapporteur, M. Bruno Retailleau, qui maîtrise parfaitement ce domaine, par le vice-président de la commission, M. Pierre Hérisson, qui a conduit nos travaux, et par Mme Catherine Morin-Desailly sur la TNT, au nom de M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis de la commission de la culture. L’Assemblée nationale a aussi apporté une importante contribution.
Nos travaux se sont déroulés en liaison constante avec les services du secrétariat d’État chargé de la prospective et du développement de l’économie numérique. Vous avez appuyé notre démarche, madame la secrétaire d’État, dans un domaine que vous maîtrisez parfaitement.
Je tiens également à remercier M. Michel Mercier, qui, en tant ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, a soutenu notre initiative, comme il a eu plusieurs fois l’occasion de le dire.
Le processus législatif, mes chers collègues, a permis d’enrichir et d’améliorer la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique que j’ai eu l’honneur de déposer. Ce travail de coproduction législative nous permet aujourd'hui de disposer d’un texte plus complet, puisqu’il traite notamment l’importante question de la couverture territoriale par la télévision numérique. Sur ce sujet, nous sommes parvenus, me semble-t-il, à un dispositif équilibré.
En effet, entre l’augmentation de la puissance des émetteurs, l’amélioration de l’information sur les cartes de couverture, la mise en œuvre du « fonds bis » sans condition de ressources et le financement par l’État des émetteurs des collectivités, la menace de l’écran noir apparaît aujourd'hui définitivement circonscrite.
La qualité du travail se retrouve également sur la question du déploiement du très haut débit, ce qui devrait faciliter l’adoption de ce texte, pour rapidement passer à la phase opérationnelle, en particulier celle qui concerne l’élaboration des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique.
Madame la secrétaire d’État, il y a urgence. Nous assistons depuis quelques mois à une multiplication d’annonces avec le plan fibre optique, les appels à projets pour les zones non traitées et, bien sûr, le grand emprunt, dont l’ambition est de provoquer un nouveau cycle d’investissements notamment en direction des infrastructures du très haut débit. Cette dynamique, pour être optimale et équitable pour le territoire, doit s’appuyer sur les règles de bonnes pratiques contenues dans ce texte.
Dans ces conditions, je ne présenterai pas de nouveaux amendements, mais je souhaite évoquer rapidement les quelques points pour lesquels le chantier que nous avons ouvert nécessitera d’être poursuivi.
En ce qui concerne le Fonds d’aménagement numérique des territoires, notre texte prévoit qu’il soit constitué dans un délai de douze mois après la promulgation de la loi. Cela devrait permettre à ce nouvel outil de fonctionner rapidement et d’engager les opérations de desserte non seulement des zones 2, mais également des zones 3, celles pour lesquelles aucune offre spontanée d’opérateur ne se manifestera, de façon à éviter un phénomène d’écrémage limitant la couverture numérique en très haut débit aux seules zones rentables.
Je ne doute pas que le Gouvernement ait à cœur de respecter ce délai et donc de doter le nouveau fonds des moyens financiers d’exercer rapidement ses missions – le rapporteur, M. Bruno Retailleau a évoqué les 2 milliards d’euros annoncés –, car il serait regrettable que le volontarisme du Gouvernement pâtisse d’un manque de visibilité financière.
Je rappelle par ailleurs que la facilitation du déploiement du très haut débit doit reposer non seulement sur un dispositif d’aides financières, ce qui est important, mais également, et c’est tout aussi important, sur une coordination efficace des travaux de génie civil …
M. Jacques Blanc. Tout à fait !
M. Xavier Pintat. … qui permette tout à la fois d’en réduire le coût et d’en accélérer le rythme en profitant de l’opportunité des opérations lancées sur les territoires par d’autres maîtres d’ouvrages.
La nouvelle rédaction de l’article L. 2224-35 du code général des collectivités territoriales va dans ce sens, de même que la nouvelle procédure de déclaration des travaux. Sur ce dernier point, madame la secrétaire d’État, nous comptons bien entendu sur la sagesse du Gouvernement pour que le décret d’application annoncé limite ces nouvelles obligations déclaratives aux chantiers situés sur les tracés des schémas directeurs ou aux grandes opérations afin de ne pas créer de contraintes administratives supplémentaires et inutiles, qui conduiraient à l’engorgement des services de l’État et des collectivités territoriales, que, par ailleurs, on cherche à réduire.
Je conclurai en disant que la plus-value de cette proposition de loi est de stimuler les initiatives et de les coordonner afin de déployer une nouvelle boucle locale en fibre optique, quand cela est possible, et d’offrir au plus grand nombre un accès au numérique, voire le moyen d’améliorer son usage.
Cet enjeu pragmatique doit nous réunir aujourd’hui pour faciliter l’engagement rapide des initiatives sur le terrain, car, nous le savons tous, un étalement excessif de ces chantiers dans le temps serait difficilement accepté par la population, tant les attentes dans ce domaine sont grandes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la question de l’accès de tous au numérique, sur laquelle l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique nous conduit à revenir aujourd'hui, est fondamentale.
L’histoire de cette proposition de loi a été marquée par de nombreux rebondissements. Sur les six articles que comprenait le texte initial, quatre ont été supprimés et deux ont été vidés de leur sens. Un titre entier a été inséré à la demande du Gouvernement, visant à « faciliter la transition vers la télévision numérique ». En effet, le passage à la télévision numérique doit être achevé au 30 novembre 2011, ce qui suscite de nombreuses inquiétudes de la part des élus sur la qualité de réception, notamment dans les territoires ruraux ou de montagne.
Le passage au numérique en libérant un certain nombre de fréquences hertziennes aurait dû se faire avec le souci de garantir l’accès pour tous à cette technologie. Or, force est de constater que l’objectif de 100 % n’est pas de mise. La loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a fixé le seuil de couverture nationale par la TNT à 95 % de la population, alors que l’analogique permet aujourd’hui de couvrir plus de 98 % de la population.
Le 12 juillet 2007, le CSA a précisé cette règle en ajoutant un critère territorial : la TNT doit couvrir 91 % de la population de chaque département. Aujourd’hui, il est proposé que le CSA fixe simplement un taux de couverture minimale de la population. Cela constitue selon nous un recul considérable.
Parallèlement, madame la secrétaire d’État, vous mettez en place pour ceux qui sont situés dans les zones d’ombre de la réception hertzienne une aide de 96 millions d’euros destinée à financer l’achat de paraboles afin de leur permettre d’accéder à la télévision numérique.
Vous avez également indiqué qu’il sera demandé aux chaînes de télévision de participer à cet effort, or rien n’est prévu pour l’instant. De plus, s’il ne s’agit que d’une aide à l’acquisition, rien n’est dit sur la maintenance, qui restera à la charge des usagers. C’est donc une double peine qui est infligée aux oubliés du numérique !
Il est pourtant reconnu aujourd’hui que le passage au numérique conduira, malgré le doublement de la puissance des émetteurs, à une moins bonne couverture. Selon les auteurs des estimations, le nombre de personnes qui n’auront pas accès à la télévision numérique se situera dans une fourchette comprise entre un demi-million et un peu plus d’un million de personnes.
Parallèlement, le passage au numérique va constituer pour les chaînes de télévision un effet d’aubaine, car il leur permettra de faire des économies considérables. Ainsi la diffusion en numérique coûtera-t-elle dix fois moins cher à TF1 que la diffusion en analogique, notamment du fait de la suppression de 2 074 pylônes sur les 3 400 existants.
En outre, les collectivités locales pourront intervenir pour installer des émetteurs supplémentaires. Cependant, là encore, aucune aide n’est prévue pour la maintenance.
Alors que la couverture totale du territoire par la télévision numérique aurait dû faire l’objet d’un consensus, vous avez préféré faire prévaloir les intérêts des chaînes privées. Cette proposition de loi entérine donc un recul en matière de réception de la télévision sur l’ensemble du territoire alors que les évolutions technologiques – elles permettent de consommer six fois moins de fréquences – auraient pu permettre, à l’inverse, d’élargir le taux de couverture. On continue donc à nous répondre rentabilité quand nous parlons intérêt général.
J’en viens au second volet de cette proposition de loi : l’accès au très haut débit. Là encore, les solutions préconisées sont plus que contestables.
Pour répondre de manière adaptée au défi de l’accès au très haut débit pour tous, vous préconisez le découpage du territoire national en trois espaces distincts : un espace prétendument rentable, où la concurrence libre et non faussée pourra s’intensifier, un espace entre deux, où une mutualisation serait instaurée entre le public et le privé, enfin, un espace clairement non rentable, où seule l’intervention publique pourra permettre de financer l’accès au très haut débit.
Nous ne souscrivons pas à cette vision qui, de fait, crée une rupture d’égalité. Un mécanisme de privatisation des profits et de socialisation des pertes est instauré.
Dans les territoires les plus fragiles, les collectivités locales seront une fois encore lourdement sollicitées. Le texte initial créait deux nouvelles structures.
En premier lieu, des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique devaient permettre de répertorier les réseaux existants et de définir des objectifs clairs en termes de couverture, adossés à un échéancier de travaux. Vous avez fait le choix de réduire au minimum cet outil, qui n’aura plus qu’une simple valeur indicative.
En second lieu, un Fonds d’aménagement numérique des territoires, abondé par les opérateurs, est institué pour financer les travaux définis par les schémas directeurs. Alors qu’un tel dispositif de péréquation nationale par la création d’un fonds de compensation existe dans tous les secteurs du service public ouverts à la concurrence, vous avez privé ce fonds des financements adéquats, estimant qu’il ne fallait pas dissuader les opérateurs privés d’investir.
Le rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale a même qualifié de « dangereuse » la possibilité de taxer les opérateurs privés. Les seuls financements alloués aux infrastructures numériques dans les zones 2 et 3 sont aujourd’hui les 2 milliards d’euros que vous venez d’évoquer, madame la secrétaire d’État, alors que le coût des investissements nécessaires à l’installation d’un réseau en fibre optique sur l’ensemble du territoire est estimé à plus de 40 milliards d’euros.
Pour notre part, nous estimons qu’il est urgent de plébisciter un service universel de haut débit, appuyé sur un pôle public des télécommunications capable de réaliser les investissements nécessaires, afin de permettre le fibrage de l’ensemble du territoire.
L’accès au numérique pour l’ensemble de nos concitoyens est une révolution – M. le rapporteur l’a à juste titre souligné - tant elle bouleverse nos usages dans l’acquisition des savoirs, dans le droit à l’information et à la communication, mais également parce que les nouvelles pratiques liées à cette technologie posent clairement la question de la gratuité.
Vous nous dites que vous préférez la notion de « montée en débit » à celle de « service universel ». Vous êtes, selon nous, une nouvelle fois à côté des enjeux.
Le processus de libéralisation des télécommunications a été enclenché en 1993 par l’Union européenne. Celui-ci a conduit, comme le montre l’expérience aujourd’hui, à une baisse de qualité des services, à la mise en place d’ententes entre les opérateurs privés pour le partage des bénéfices et, surtout, à l’abandon sur le bord du chemin de territoires jugés non rentables économiquement parlant.
La crise que nous traversons aujourd’hui est un aveu de l’obsolescence de ce modèle, qui a conduit aux multiples fractures dont souffre notre pays, fractures sociales, scolaires, postales, énergétiques, ou encore numériques.
Parce que la loi n’opère que de simples bricolages en refusant toute notion de service public, parce qu’elle accentue le désengagement de l’État quant à ses responsabilités en termes de cohésion sociale et territoriale, nous ne pourrons vraisemblablement pas l’adopter.
M. Paul Blanc. Vous n’arriverez jamais à être positifs !
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est très différente de celle qui avait été déposée par Xavier Pintat au mois de mai 2009.
En effet, lors de son examen au Sénat les 20 et 21 juillet dernier, et à l’Assemblée nationale le 30 novembre dernier, de nombreuses modifications y ont été apportées.
Le titre Ier, qui a été inséré sur l’initiative du rapporteur au Sénat et où il est question de « faciliter la transition vers la télévision numérique », a été fortement remanié par les députés.
Quant au titre II, dont l’objet est de « prévenir l’apparition d’une fracture numérique dans le très haut débit », il n’a été modifié qu’à la marge par les députés.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Absolument !
M. Michel Teston. Que penser du texte dans sa forme actuelle ?
Qu’en est-il, d’abord, de la couverture du territoire national en télévision numérique ?
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, se voit reconnaître la compétence pour assurer une couverture minimale de la population de chaque département par voie hertzienne terrestre en mode numérique.
Cette rédaction laisse à penser que les intérêts des sociétés de programmes ont été préférés à l’intérêt général, qui exige, à l’inverse, une couverture maximale de la population.
Notre groupe considère nécessaire d’inscrire dans la loi une couverture minimale de 95 % de la population de chaque département. Nous avions déposé un amendement en ce sens, mais il a été déclaré irrecevable par la commission des finances car il constituait, selon elle, une aggravation des charges publiques.
Reconnaissant que 1 626 sites d’émission diffusant en numérique ne permettront pas d’apporter le même taux de desserte que 3 500 sites diffusant en analogique, le Gouvernement demande au CSA d’autoriser une augmentation de la puissance des émetteurs. Si un gain de quelques pour cent peut être envisagé sur certains territoires, il n’en sera pas de même sur bon nombre de secteurs géographiques, pour des raisons liées au relief.
Notre groupe constate par ailleurs que les députés ont maintenu le dispositif que nous avions fait adopter au mois de juillet dernier et qui permet d’informer les maires des communes non desservies. Ils y ont ajouté l’obligation faite au CSA de fournir des éléments chiffrés et cartographiés aux conseils généraux et régionaux qui en feront la demande.
Les députés ont également décidé d’instituer, dans chaque département, une commission de transition vers la télévision numérique, chargée de compléter l’action du groupement d’intérêt public France Télé numérique.
Le GIP se voit confier une nouvelle compétence d’assistance technique spécifique pour les téléspectateurs les moins préparés aux changements techniques. Il est chargé d’accompagner le basculement vers le numérique et de gérer le fonds d’équipement destiné aux foyers exonérés de redevance en zones non couvertes par la télévision numérique terrestre, la TNT.
L’article 1er DC prévoit le versement par l’État d’une compensation financière aux collectivités territoriales et à leurs groupements qui mettront en œuvre toute solution permettant d’assurer la réception de la TNT gratuite, en clair, dans les zones non couvertes.
Nous avions déposé des amendements pour nous assurer que cette compensation serait intégrale ; la commission des finances les a déclarés irrecevables, en application de l’article 40 de la Constitution.
Qu’il me soit permis de rappeler qu’un certain nombre de collectivités qui ont participé, il y a quelques années, au financement de réémetteurs fonctionnant en analogique, vont devoir à nouveau participer financièrement mais, cette fois-ci, pour l’allumage en numérique de ces mêmes réémetteurs. Elles vont donc devoir payer une seconde fois, ce qui est choquant. C’est la raison pour laquelle la compensation apportée par l’État devrait être totale.
À côté du fonds d’aide à l’équipement en TNT des foyers exonérés de redevance audiovisuelle, le Gouvernement a souhaité, sans attendre l’étude demandée par le Sénat, la mise en place d’un second fonds, celui-ci sans considération de ressources, destiné aux foyers recevant précédemment la télévision hertzienne terrestre en clair, en mode analogique, et dont la réception ne sera plus assurée en hertzien à l’extinction de l’analogique.
La compensation apportée par l’État aux bénéficiaires de ces deux fonds nous paraît devoir se situer à un niveau suffisant, d’où les deux amendements demandant une compensation intégrale. Là encore, la commission des finances a invoqué l’article 40 de la Constitution pour déclarer nos amendements irrecevables.
J’en viens au titre II, dont l’objet est de prévenir l’apparition de la fracture numérique.
J’aimerais d’abord rappeler l’existence d’une fracture numérique pour le haut et le très haut débit, notamment dans les zones rurales. La question est donc non pas d’éviter l’apparition de cette fracture, mais bien de mettre en place des dispositifs et des moyens financiers pour la réduire progressivement puis la faire disparaître. Nous sommes donc favorables à la mise en place d’un fonds d’aménagement numérique des territoires.
En revanche, les dispositions proposées ne nous semblent pas assez précises. Nous vous proposerons donc d’écrire clairement dans la loi qu’il s’agit d’un fonds de péréquation. Ce fonds doit certes contribuer au financement de certains travaux, mais lesquels ? Quid du financement de ce fonds ?
Encore une fois, c’est le financement qui risque de manquer. Un fonds dont les ressources ne sont ni précises ni pérennes perd de son intérêt. Compte tenu des lourds investissements à venir, il est nécessaire d’avoir une visibilité à moyen terme et à long terme, afin de pouvoir mettre en place des stratégies de développement du numérique sur tout le territoire.
Contrairement à l’objectif recherché, ce texte ne risque-t-il pas, madame la secrétaire d’État, d’aggraver la fracture numérique, en validant le partage du territoire en trois zones, avec un mode de déploiement différent pour chaque zone ? (Mme la secrétaire d’État et M. le rapporteur font des signes de dénégation.) Cette organisation n’apporte aucune garantie d’un déploiement au même rythme dans les trois zones, bien au contraire !
Ce texte fait surtout l’impasse sur un élément essentiel de la lutte contre la fracture numérique : la mise en place d’un véritable service universel.
Avec le progrès technologique et les évolutions des modes de vie, la définition du service universel doit évoluer. En effet, les dispositions de l’article L. 35-1 du code des postes et des télécommunications électroniques qui le définissent, si nécessaires soient-elles, ne sont plus suffisantes, puisqu’elles s’appliquent uniquement à la téléphonie fixe.
Il importe désormais que chacun puisse disposer d’un accès à la téléphonie mobile ainsi que d’un accès à Internet à haut et très haut débit.
Pour conclure, ce texte comporte des avancées,…
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Très bien !
M. Michel Teston. … notamment en ce qu’il complète les dispositions de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie et fixe des objectifs partagés.
Toutefois, dans sa forme actuelle, le texte ne prévoit d’intégrer au service universel ni la téléphonie mobile ni le haut et le très haut débit, ce qui nous paraît être une occasion manquée.
La proposition de loi est également imprécise concernant le fonds d’aménagement numérique des territoires, tant du point de vue des travaux que celui-ci pourra financer que des ressources dont il disposera.
Enfin, ce texte ne fixe pas un objectif assez ambitieux en matière de couverture numérique terrestre.
Nous verrons au cours des débats quel sort sera réservé à nos amendements. Pour certains d’entre eux, nous en avons déjà une petite idée ! (Sourires.)
M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission de l'économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Cela va être difficile !
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Le suspens est insoutenable !
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes amenés ce matin à examiner en deuxième lecture la proposition de loi de notre collègue Xavier Pintat relative à la lutte contre la fracture numérique.
En première lecture, nous avions eu l’occasion de saluer ce texte ainsi que les apports de notre commission et de son rapporteur.
Il n’est pas besoin d’évoquer de nouveau l’importance du haut débit en termes économiques et culturels comme en termes de développement durable et, bien entendu, d’aménagement et d’attractivité de nos territoires.
Le numérique peut inverser le déclin d’un territoire ; son absence peut au contraire l’accélérer.
Le très haut débit pour tous est un objectif qui ne sera pas atteint avant dix ans. Or certains territoires ne bénéficient même pas encore du haut débit sur la base de 512 kilobits par seconde, débit dont chacun reconnaît qu’il n’est pas suffisant. C’est d’ailleurs pourquoi le Gouvernement doit favoriser la montée en débit des réseaux.
J’aimerais à ce propos savoir où en est le Gouvernement des engagements du plan France Numérique 2012, qui prévoyait le haut débit pour tous au 1er janvier 2010. Cet engagement sera-t-il tenu ? Peut-être pourrez-vous nous le dire tout à l’heure, madame la secrétaire d’État. La puissance sera-t-elle de 512 kilobits ou proche des 2 mégabits, qui correspondent au seuil minimum généralement admis ? Le Gouvernement britannique s’est engagé à fournir un service universel sur cette base.
En première lecture, j’avais déposé un amendement visant à étendre le service universel haut débit à la téléphonie mobile. Il avait été jugé irrecevable par la commission des finances, car de nature à aggraver les charges de l’État.
J’avais d’ailleurs suggéré que le Gouvernement reprenne cette bonne idée, mais je n’ai pas reçu de réponse de sa part. Peut-être en aurai-je enfin une aujourd’hui...
C’est que des problèmes se posent également en matière de téléphonie mobile. Le chiffre de 3 000 communes qui ne bénéficieraient pas de la téléphonie mobile me semble très inférieur à la réalité. Madame la secrétaire d’État, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, vous a indiqué qu’elle n’hésiterait pas à prendre des sanctions à l’encontre des opérateurs ne respectant pas les objectifs assignés. Il était question, à l’époque, d’une échéance à l’été 2009 ; je ne sais pas non plus où nous en sommes sur ce point.
Toujours à propos de la téléphonie mobile, je me réjouis qu’un de nos amendements ait été intégré. Celui-ci prévoit que cette problématique sera incluse dans les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique. En effet, il ne faut pas l’oublier, la fracture numérique concerne également la couverture en téléphonie mobile, qui est loin d’être chose faite sur l’ensemble du territoire.
En matière de télévision numérique terrestre, il faut bien reconnaître que l’Assemblée nationale a amélioré le dispositif proposé par le Sénat.
Elle a prévu un accompagnement financier des collectivités locales qui s’engageraient dans l’acquisition d’un équipement, ainsi qu’un fonds d’aide - sans condition de ressources - pour les ménages qui achèteraient une parabole. Nous pouvons donc raisonnablement penser que l’extinction de l’analogique ne provoquera pas une nouvelle fracture.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Bien !
M. Hervé Maurey. L’Assemblée nationale, malheureusement, n’a pas amélioré le texte s’agissant du financement du fonds.
M. Michel Teston. C’est vrai !
M. Hervé Maurey. Notre collègue Xavier Pintat avait, dans sa rédaction initiale, proposé de demander une contribution aux opérateurs. La commission avait supprimé cette disposition.
Pour ma part, j’avais, lors de la première lecture, déposé un amendement visant à supprimer la taxe de 0,9 % instituée, pour financer l’audiovisuel public, par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Je proposais que cette taxe soit remplacée par une autre, de même taux, mais destinée à alimenter le fonds d’aménagement numérique des territoires. Une taxation de 0,9 % sur les opérateurs permettrait en effet le raccordement par la fibre de 380 000 foyers, mes chers collègues.
Il est assurément plus dans le rôle des opérateurs de financer la couverture numérique que l’audiovisuel public ou encore la suppression de la taxe professionnelle avec la création d’une taxe sur les pylônes ou d’une taxe sur les répartiteurs !
À l’époque, j’avais retiré mon amendement, en espérant qu’une réponse nous serait apportée dans le cadre du grand emprunt et, surtout, des réflexions susceptibles d’intervenir avant l’examen de la présente proposition de loi en deuxième lecture.
Aussi, madame la secrétaire d’État, je dois vous avouer ma grande déception lorsque j’ai appris que, selon toute vraisemblance, 2 milliards d’euros seulement seraient mobilisés en faveur du numérique au titre du grand emprunt ! Au regard des quelque 20 milliards d’euros dont nous avons besoin pour assurer la couverture en très haut débit de l’ensemble de notre territoire et des 30 milliards d’euros, voire plus, qui seront engagés dans le grand emprunt, une telle somme me paraît extrêmement faible et totalement insuffisante.
Je regrette que le Gouvernement semble ne pas avoir pris la mesure des enjeux du numérique.
Je le rappelle, la Commission européenne a clairement établi que le déploiement du très haut débit représentait 1 million d’emplois et 0,6 point de croissance annuelle supplémentaires ; cela me paraît extrêmement important.
Peut-être les décisions que le Président de la République annoncera la semaine prochaine nous réserveront-elles – en tout cas, je l’espère – de meilleures surprises…
Madame le secrétaire d’État, j’en appelle donc, par votre intermédiaire, au Gouvernement et au Président de la République, afin que cette somme de 2 milliards d’euros soit revue à la hausse.
Parmi les autres ressources envisagées pour financer le fonds figurent l’affectation d’une partie du dividende numérique, le recours aux fonds européens, la mise en place d’un mécanisme de péréquation dans lequel les départements les plus riches, c'est-à-dire ceux qui ont déjà une bonne couverture numérique, participeraient au financement des autres ou de nouveaux systèmes de taxation… Vous le voyez, nous sommes toujours dans la même situation : l’absence totale d’informations précises quant au financement du fonds !
C’est la raison pour laquelle le groupe de l’Union centriste a déposé un amendement visant à assurer un financement pérenne du fonds, faute de quoi ce texte ne relèverait – je le crois très sincèrement – que des bonnes intentions ! À mon sens, l’adoption d’un tel amendement permettrait de donner un contenu effectif à cette proposition de loi, pour que nous n’en restions pas aux vœux pieux.
Je suis certain que le vote de cet amendement permettrait l’adoption à l’unanimité de la proposition de loi par notre Haute Assemblée. Je pense que nous sommes tous ici extrêmement attachés à la couverture numérique du territoire ; une adoption à l’unanimité serait donc un très beau symbole ! C'est la raison pour laquelle j’espère vraiment que cet amendement sera voté. (M. Paul Blanc applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, c’est pour moi un grand plaisir de pouvoir débattre de cette proposition de loi, dont j’espère l’adoption très rapide.
J’aimerais pouvoir apporter en cadeau de Noël à la Lozère la certitude de l’accès au haut débit et de la couverture TNT ! (Sourires.) Cela ne se produira sans doute pas dès demain, mais c’est du moins en très bonne voie.
À cet égard, je tiens à remercier une nouvelle fois notre collègue Xavier Pintat, qui, fort de son expérience à la tête du syndicat départemental d’énergie électrique de la Gironde et de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, institution dont il assure la présidence avec talent, a su initier et proposer ce texte, d’ailleurs enrichi grâce à la qualité des travaux de la commission. J’en profite pour saluer nos rapporteurs.
L’examen de la proposition de loi a peut-être été un peu plus compliqué à l’Assemblée nationale, mais, au final, nos collègues députés ont tout de même enrichi le texte.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Absolument !
M. Jacques Blanc. Madame la secrétaire d’État, comme l’ont indiqué les intervenants qui m’ont précédé, des décisions rapides s’imposent.
Ne passons pas à côté du grand emprunt ! Bien entendu, on peut toujours souhaiter qu’il y ait plus de crédits. Toutefois, d’après ce que j’ai compris, 4 milliards d’euros devraient être mobilisés en faveur du haut débit, dont 2 milliards d’euros seraient plus spécifiquement affectés au fonds. Peut-être nous confirmerez-vous ces chiffres, madame la secrétaire d’État.
Le volet consacré à la couverture pour la télévision numérique, qui était un peu moins important dans la version initiale de la proposition de loi, a pris une dimension dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Notre collègue évoquait tout à l’heure les territoires ruraux. Croyez-moi, en tant que sénateur de la Lozère, je sais ce que cela signifie ! Je connais le désarroi des maires de petites communes devant les sollicitations quotidiennes dont ils font l’objet, qu’elles émanent des habitants permanents, des touristes de passage, des entreprises ou des vacanciers ayant une résidence secondaire sur place.
La scène est toujours la même : « Alors, monsieur le maire ? Le haut débit, c’est pour quand ? Je ne peux toujours pas télécharger les photos ; mon ordinateur rame, avec vos 512 kilobits ! Pensez-vous que je doive acheter une parabole ? Et le dégroupage total, c’est pour quand ? »
La fibre optique a bien été installée à Auxillac, elle court d’ailleurs sur un fil électrique torsadé qui passe au-dessus de ma maison, mais on ne peut pas s’y raccorder…
Que va-t-il se passer ? Ce sont des interrogations très fortes ! Si nous sommes capables d’y apporter des réponses, nous aurons une chance de transformer en profondeur l’aménagement du territoire.
L’opérateur historique a équipé autant qu’il le pouvait nos villages en ADSL, mais, en même temps, il ne veut pas laisser ses fourreaux à la concurrence, ce qui pose parfois problème. Nous avons participé aux opérations d’installation, mais nous ne savons pas toujours qui est le propriétaire. Avec ce texte, nous serons fixés.
Je souhaite que cette proposition de loi fasse l’objet d’un vote conforme, afin d’éviter toute éventuelle remise en cause ultérieure, même si nous n’avons pas répondu à toutes les questions.
En effet, il est capital de pouvoir indiquer à nos interlocuteurs sur le terrain qu’un fonds a été créé et qu’il est déjà abondé. Certes, à l’instar de ce qui a été mis en place pour le fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACÉ, il faudra sans doute instituer de véritables mutualisations et ouvrir des possibilités de participations. Il nous appartiendra de mieux préciser les modalités de financement de ce fonds. Ainsi, nous pourrons éviter que ne se creuse le fossé entre les rats des villes et les rats des champs ! (Sourires.)
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, loin de menacer l’avenir de nos campagnes, l’évolution technologique peut leur fournir de nouveaux atouts. C’est dans cette perspective que l’intervention de la puissance publique s’impose, …
M. Bruno Retailleau, rapporteur. C’est même ce qui la justifie !
M. Jacques Blanc. … ainsi que la mise en place de nouvelles solidarités.
Au même titre que l’électricité, l’eau potable ou le téléphone hier, la présence du très haut débit est un critère de l’attractivité de nos territoires, donc du maintien des populations. C’est un service qui est demandé par les candidats à l’installation dans nos départements.
On nous dit que nos territoires sont préservés, mais ils ne le seront effectivement que s’il y a une présence humaine. Il faut donc que les programmes éligibles au fonds d’aménagement numérique des territoires soient définis le plus rapidement possible.
D’ailleurs, les collectivités locales ont déjà pris des initiatives en ce domaine. Ainsi, le département de la Lozère s’est saisi à bras-le-corps du dossier ; il a lancé une DSP là où c’était possible. Mais à quel prix ! Et il est vrai que cela ne pourra pas fonctionner sans solidarité nationale.
D’ailleurs, les projets qui sont actuellement en cours en matière de très haut débit pourront-ils être éligibles au fonds d’aménagement numérique des territoires ?
J’en viens à présent à la question de la télévision numérique. En l’occurrence, des avancées incontestables sont à noter. Je me réjouis que le problème des zones de montagne ait été pris en compte, puisqu’il doit y avoir un rapport spécifique sur le sujet.
En outre, vous avez annoncé tout à l’heure qu’il y aurait des aides complémentaires pour les particuliers ou pour les collectivités locales amenées à investir dans des petits relais ; c’est tout de même un élément important.
Madame la secrétaire d’État, nous aurons effectivement besoin de mieux garantir les modalités de financement du fonds. Pour autant, il me paraîtrait dangereux de relancer la navette en n’adoptant pas ce texte en termes identiques ; on ne sait jamais ce qui peut se produire ensuite…
Avançons et nous démontrerons une nouvelle fois que le Sénat porte de grandes ambitions pour l’aménagement du territoire !
Je remercie donc notre collègue Xavier Pintat de nous avoir permis de montrer que nous sommes, avec le numérique, au cœur des responsabilités qui sont les nôtres vis-à-vis des collectivités locales. L’aménagement équilibré et harmonieux du territoire est, de notre point de vue, une exigence permanente pour notre pays, et pour le monde ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’intitulé de cette proposition de loi fait référence à « la fracture numérique ». À mon sens, la formule n’est pas complètement pertinente.
En effet, il y a non pas « une » fracture, mais bien « des » fractures numériques. Si on ne perçoit pas cette réalité, on ne peut pas apporter de réponses aux problèmes que rencontrent nombre de nos concitoyens.
D’ailleurs, cette proposition de loi, qui était nécessaire, n’aborde le problème des fractures numériques que dans leur dimension technologique ou sous l’angle des infrastructures. C’est effectivement une étape obligée, mais elle est très largement insuffisante pour répondre à toute la problématique des fractures numériques non seulement sur notre territoire, mais également sur l’ensemble de la planète.
Si les infrastructures font partie de la solution, elles n’en sont qu’un aspect.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Nous sommes d'accord !
M. David Assouline. En effet, imaginons que l’ensemble de nos concitoyens puissent demain avoir accès au numérique grâce à des infrastructures de qualité, comme nous le souhaitons tous : les fractures existeraient toujours, voire s’aggraveraient, si les autres dimensions du problème n’étaient pas abordées !
Je pense aux fractures sociales, au sens large, c'est-à-dire celles dont sont victimes les personnes âgées, isolées ou exclues de la société de l’information, et j’y intègre la fracture territoriale, qui est loin, de mon point de vue, de ne concerner que les possibilités techniques de réception ; elle est avant tout une fracture sociale entre les territoires.
Dans les zones rurales, les difficultés ne se limitent pas à la question de l’accès aux nouvelles technologies ; se pose aussi un problème d’information et de formation à leur utilisation.
Ce n’est, certes, pas l’objet de la présente proposition de loi – ce n’est donc pas une critique en soi –, mais, lorsque nous débattons ici des milliards d’euros que nous engageons, peut-être pourrions-nous également examiner de quelles lignes budgétaires nous pourrions disposer pour réduire les fractures dans l’accès à la culture et à l’information. À cet égard, l’éducation nationale a une responsabilité fondamentale, ne serait-ce que parce qu’elle concerne tous les enfants.
Les fractures seraient sans doute moins importantes si les efforts qui s’imposent à cet égard étaient réalisés. Je pourrais également mentionner les possibilités d’accès autres que l’abonnement individuel ; il y a très peu d’offres collectives pour ceux qui n’ont pas les moyens de se connecter à partir de chez eux.
Faute d’appréhender le problème en ces termes, nous aurons délibéré en pure perte et sans la moindre conséquence concrète pour des millions de nos concitoyens.
Le déploiement est dans une phase très avancée, notamment en ce qui concerne la télévision numérique. La région Alsace passera au tout numérique le 2 février prochain. Pensez-vous sincèrement, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, vous qui suivez de très près ces questions, que l’information a été diffusée en profondeur sur l’ensemble du territoire alsacien ? Les personnes âgées, par exemple, sauront-elles s’équiper d’un décodeur, l’initialiser et même s’en servir ?
Avec le hertzien, c’était simple, il suffisait de brancher le poste sur le secteur et d’avoir une antenne râteau ! Mais comment feront dorénavant les personnes âgées, qui vivent souvent isolées, parfois malades, et qui, pour certaines, n’ont d’autre visite que celle du facteur tous les quatre ou cinq jours ? Cette première expérience risque de nous ramener brutalement à la réalité : sans l’aide de quelqu’un pour effectuer les branchements et les réglages, puis expliquer comment l’installation fonctionne, ceux qui, aujourd'hui, sont déjà un peu exclus de la société de la communication risquent de se trouver demain devant un écran noir !
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Un article vise à préciser l’accompagnement des personnes vulnérables !
M. David Assouline. Oui, je le sais très bien, mais le tout-numérique, c’est pour le 2 février, et c’est du concret !
Nous avions pointé du doigt dès 2007 cette réalité, monsieur Retailleau.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Je suis d’accord !
M. David Assouline. Il nous a été répondu que l’expérience du Royaume-Uni avait été soigneusement examinée. Eh bien, parlons-en : les Britanniques ont mis trois ans pour préparer le terrain, en ne se contentant pas de la seule technologie mais en allant au fond des problèmes sociaux pour qu’il n’y ait pas de laissés-pour-compte.
Le numérique n’est pas un confort de plus que nous offrons aujourd'hui aux gens. C’est une nécessité absolue pour se mouvoir dans la société, avoir accès à la culture, à l’information, au travail, et parfois même pour exercer son activité professionnelle, puisque le numérique permet l’amplification du télétravail. Et je ne le dis pas seulement pour les ruraux, pour les personnes isolées, pour tous ceux qui, aujourd’hui, ne profitent pas du haut débit parce qu’ils sont « out » : cette technologie de l’information, qui envahit tout, n’est pas un luxe ; c’est désormais une dimension de notre quotidien avec l’avènement de la société de l’information.
La représentation nationale doit faire un effort particulier, et le Gouvernement aussi, représenté aujourd'hui par Mme la secrétaire d'État. Et je voudrais bien savoir où se trouve le centre d’impulsion, au sein du Gouvernement, pour que le sujet soit pris en compte par tous les départements ministériels.
L’éducation nationale, pour reprendre cet exemple, manifeste un désintérêt certain alors qu’il lui faudrait chercher à rattraper son gigantesque retard pour se mettre à la hauteur de ses homologues étrangers.
Pour avoir réalisé un rapport relatif à l’impact des nouveaux médias sur la jeunesse, je sais que l’éducation nationale compte des personnels convaincus, presque militants, pour lutter contre ce retard. Pourtant, aucune mesure n’est prise qui soit à la hauteur du problème.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Il y a eu le programme « Écoles numériques rurales » !
M. David Assouline. Je connais tous ces programmes, et je peux vous dire que nous sommes en retard !
L’effort n’est pas à la hauteur, et pas uniquement en termes de compétitivité et d’intérêts. Il y va de la citoyenneté, de l’accès à la culture, à l’éducation. Il s’agit ici de réduire une fracture sociale profonde.
Il est faux de croire, parce que la globalisation est incontournable, que nous réduirons la fracture en nous contentant de fournir les moyens et les infrastructures.
Au contraire, la fracture se creusera davantage entre la sphère qui détiendra les codes, et pour qui tout sera de plus en plus facile, et la sphère qui sera de plus en plus perdue, de plus en plus à la dérive !
Tout cela doit absolument être pris en compte, associé aux éléments d’information que M. Teston a apportés sur le plan législatif et sur le plan technique.
Nous ne devons pas empêcher l’adoption de cette proposition de loi absolument nécessaire.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Très bien !
M. David Assouline. Nous exercerons simplement notre vigilance dans cet hémicycle, et pas uniquement sur ce texte de loi, pour que le numérique entre dans la vie sinon de l’ensemble de nos concitoyens, du moins du plus grand nombre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons un texte qui vise à passer du haut débit au très haut débit et à effacer les zones d’ombre. La Réunion, elle, est dans l’obscurité totale !
Au vu des chiffres que je vais vous communiquer, vous déciderez des mesures nécessaires pour nous aider : chez nous, 1 mégabit coûte 60 euros ; en métropole, 20 mégabits coûtent 30 euros, soit pratiquement un rapport de 1 à 40 !
Par ailleurs, notre population est jeune. Les nouvelles technologies de l’information par des moyens électroniques effacent la distance et représentent le plus gros secteur de création d’emplois pour les années à venir.
Il faut savoir que l’île Maurice, voisine, a bénéficié de 700 millions d’euros d’investissements mauriciens, français et indiens. Les Chinois envisagent maintenant d’y investir 600 millions de dollars dans les trois ans qui viennent.
Nous ne sommes pas jaloux, mais si l’île Maurice se développe dans ce secteur, c’est que seule la productivité de la main-d’œuvre compte désormais, et non la distance.
Dans la mesure où la Réunion est dotée d’une université et de lycées, sachant que vous avez créé le Fonds stratégique d’intervention et que le grand emprunt sera consacré en grande partie à l’université, madame la secrétaire d'État, vous détenez entre vos mains les moyens de gommer la plus grande source d’inégalité qui existe outre-mer.
Jusqu’à présent, nous étions confinés dans l’assistance. Mais je ne suis pas monté à cette tribune pour quémander un triple play à tarif social en faveur des populations en difficulté ! Non, je suis ici pour vous faire une proposition.
Le Gouvernement a demandé à l’ARCEP un rapport sur le développement du secteur des communications électroniques dans les départements d’outre-mer ; ce rapport sera remis dans quelques semaines. Je vous propose donc, madame la secrétaire d’État, de mettre en place un groupe de travail qui associe votre ministère et les parlementaires qui s’intéressent à cette question afin d’analyser le rapport de l’ARCEP.
Si notre ami Bruno Retailleau l’accepte, je serais heureux qu’il se joigne à nous.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Pas de problème !
M. Jean-Paul Virapoullé. Je veux analyser avec vous le rapport de l’ARCEP. Je veux connaître les verrous qui bloquent le développement économique de l’outre-mer. Je veux prendre connaissance des pistes de travail pour les vingt ans qui viennent. Je veux connaître les moyens que nous mettrons en place, madame la secrétaire d'État, main dans la main, pour sortir l’outre-mer de son mal-développement.
Le secteur dont vous avez la charge est prioritaire et porteur. L’année prochaine, les technologies de l’information et de la communication, les TIC, deviendront le premier secteur d’avenir, devant le bâtiment et les travaux publics.
Je vous présenterai tout à l’heure un amendement destiné à permettre aux régions qui ont été, on peut le dire, abusées par les DSP de revenir à des termes de négociation plus équitables qui permettront à leurs investissements, donc à l’argent public, de servir l’intérêt général.
J’attends du Gouvernement qu’il soutienne mon amendement.
Vous ne pouvez pas nous reprocher de tendre la main si, lorsque nous proposons de mettre en place les rails d’une modernité assumée et voulue, vous nous répondez par l’assistance !
La Réunion, comme les autres DOM, s’est engagée résolument sur la voie du développement, c’est-à-dire du travail, de l’effort et de la responsabilité.
Vous êtes chargée, madame la secrétaire d’État, d’un secteur qui crée des espoirs dans nos départements. Ne les décevez pas !
En tout cas, vous pouvez compter sur nous pour travailler avec vous, madame la secrétaire d'État, de sorte que l’année 2010 soit celle du Livre blanc sur les nouvelles technologies outre-mer.
Et, dans quelques années, lorsque les entreprises réunionnaises auront créé des milliers d’emplois et que l’assistance aura diminué en conséquence, vous pourrez alors vous féliciter avec nous de la dignité retrouvée des populations d’outre-mer.
Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous remercie par avance du soutien du Gouvernement et de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’entrer plus avant dans l’examen du texte, je souhaite vous apporter quelques éléments de réponse.
Plusieurs d’entre vous, en particulier Hervé Maurey, Jacques Blanc, Michel Teston et Mireille Schurch, ont exprimé leurs inquiétudes sur la couverture du territoire par la TNT. Il me semble que le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale leur apporte une réponse satisfaisante.
L’État consacrera 333 millions d’euros sur trois ans au déploiement de la TNT, dans la droite ligne de ce qu’a voulu le Sénat en première lecture. L’Assemblée nationale a prolongé cet effort en prévoyant 56 millions d’euros supplémentaires.
Par ailleurs, l’augmentation des puissances a un impact significatif sur l’amélioration de la couverture des territoires les plus défavorisés. J’ai communiqué les chiffres, département par département, à la commission. Ces données sont naturellement publiques.
Je sais que le besoin d’équité territoriale est important. Jacques Blanc, qui nous a parlé de la Lozère, a insisté sur ce point.
S’agissant du cofinancement des émetteurs, je me réjouis de constater que certains d’entre vous sont d’ores et déjà demandeurs. Nous aurons besoin de fixer une date limite pour le dépôt des demandes afin de nous assurer que les émetteurs complémentaires sont bien mis en place. En effet, les foyers qui seront couverts par ces émetteurs n’auront du coup pas droit à l’aide à la parabole et nous ne voudrions pas les en priver avant d’être certains qu’ils ont bien une autre solution. Un délai de neuf mois pour savoir si l’on se dirige vers l’une ou l’autre des deux solutions semble assez protecteur.
Un montant maximal et un montant minimal de cofinancement seront fixés en fonction des subventions accordées par l’État pour financer les paraboles dans le secteur géographique considéré. Plus la population concernée est importante, plus le cofinancement sera attractif, ce qui semble assez logique si l’on veut une mise en œuvre la plus intelligente possible.
Nous serons particulièrement attentifs à ce que, dans le cadre du cofinancement, les dépenses des collectivités soient des dépenses d’investissement. Le coût usuel pour un émetteur se situe entre 7 500 euros et 15 000 euros, pour un émetteur de taille moyenne.
Les commissions territoriales, nées d’une initiative de Pierre Hérisson, permettront une meilleure concertation, une meilleure anticipation et, surtout, un meilleur échange d’informations en amont sur tous ces sujets.
Michel Teston a opposé la notion de couverture minimale à celle de couverture maximale. Le terme « minimal » est mal choisi, j’en conviens : il frappe l’oreille de manière négative, mais, dans cette proposition de loi, il signifie « couverture garantie » et ne désigne pas la couverture la moins étendue possible.
En fait, cette disposition vise à sécuriser la liste complémentaire de 1 626 sites proposée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui s’avère très positive, puisqu’elle a permis d’augmenter le nombre de sites numérisés. Vous le voyez donc, « minimal » n’a pas le sens de « minimum », monsieur le sénateur.
En ce qui concerne la montée en débit des territoires et le très haut débit, certains d’entre vous, comme Hervé Maurey ou Michel Teston, ont souligné que l’on ne pouvait pas développer le très haut débit s’en s’assurer au préalable que l’ensemble des territoires disposaient déjà d’un accès au haut débit dans des conditions satisfaisantes.
Tel est l’objectif visé par le label « Haut débit pour tous » qui vient d’être lancé. Il s’agit d’un service minimum, je dirais même d’un service d’urgence, car je souscris aux propos de tous ceux d’entre vous qui ont souligné la nécessité de développer le haut débit, compte tenu du très grand bénéfice qu’il apporte. Ce service d’urgence permettra donc aux foyers des zones les plus reculées de disposer, généralement grâce à une offre satellitaire, d’un accès internet pour moins de 35 euros par mois tout compris, c’est-à-dire en incluant la location éventuelle du matériel.
Cet appel à projets a été « calé » sur un minimum de 512 kilobits par seconde, mais les candidats à ce label proposent déjà, ils nous l’ont dit, 2 mégabits par seconde. Ce débit sera certainement appelé à augmenter au fur et à mesure, c’est pourquoi il me semble dangereux de fixer un minimum dans la loi.
Par ailleurs, le texte adopté par l’Assemblée nationale demande un rapport et des propositions concrètes pour la montée en débit des territoires : j’y travaille actuellement avec l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP. Nous confirmons ainsi nos engagements sur l’accès de tous les Français au haut débit.
Telle est la réponse que je souhaite apporter ici à ceux d’entre vous qui, comme Michel Teston ou Mireille Schurch, privilégient l’approche du service universel.
Cette approche était adaptée pour le téléphone, mais il ne nous semble pas qu’elle le soit de la même manière pour le haut débit.
Le processus doit être progressif : la migration vers le très haut débit permettra aussi de faire monter en débit nos territoires, à condition, bien sûr, que les crédits restent réutilisables par la suite pour le très haut débit.
L’identification d’un certain nombre de fonds par la commission du grand emprunt national participe aussi de ce mouvement et constitue un espoir formidable.
Permettez-moi de revenir sur quelques ordres de grandeur. Certains d’entre vous ont cité des montants allant de 30 à 40 milliards d’euros pour la seule fibre optique. Je ne souscris pas à ces chiffres. En effet, après étude attentive, il apparaît que ce montant sera en fait amené à diminuer dans les prochaines années, à mesure que les investissements dans la fibre optique prendront de l’importance.
Par ailleurs, un certain nombre de foyers auront accès aux services de très haut débit grâce aux fréquences du dividende numérique. Tel est d’ailleurs bien l’objet du basculement vers la télévision numérique avec l’extinction de la diffusion en mode analogique. Pour ces foyers, la fibre optique ne sera certainement pas adaptée, car il faut savoir, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette solution ne convient pas à toutes les situations et partout.
Pour répondre très précisément à M. Maurey, le besoin de financement pour la fibre optique dans les quinze prochaines années s’élève, selon nous, à 15 milliards d’euros, compte tenu des éléments que je viens de mentionner. Cette somme est globale et concerne toutes les zones, les plus denses comme les moins denses.
Ce financement sera, bien sûr, partagé entre l’État, les collectivités territoriales et les investisseurs privés : par exemple, dans les zones les plus denses, les investisseurs privés interviendront seuls. L’État n’aura donc pas à trouver 15 milliards d’euros.
Certains d’entre vous, comme Michel Teston et Mireille Schurch, estiment qu’il faut taxer les opérateurs pour abonder le fonds. À ce stade du développement des réseaux, cette approche nous semble très contre-productive, car elle aboutirait à un ralentissement des investissements. Or l’État ne peut pas assumer seul le financement de la fibre optique, et ce ne serait d’ailleurs pas légitime, puisque certains de ces investissements sont totalement rentables pour le secteur privé seul.
Les investisseurs privés devraient, à eux seuls, dans les six prochaines années, investir plus de 3 milliards d’euros. Par exemple, Free s’est engagé à investir, d’ici à 2012, 250 millions d’euros et nous avons mandaté la Caisse des dépôts et consignations, dans le cadre du volet numérique du plan de relance, pour 750 millions d’euros.
Dans ces conditions, vous comprenez bien que les deux milliards d’euros identifiés par la commission pour le grand emprunt national doivent permettre un effet de levier maximal sur un investissement privé d’ores et déjà prêt à se déployer.
Les collectivités locales, les fonds structurels européens représentent déjà, depuis quelques années, un investissement de plus de 1 milliard d’euros.
En fait, au total, entre 6 milliards et 7 milliards d’euros d’investissement sont déjà mobilisés en faveur du très haut débit pour les prochaines années, soit la moitié des 15 milliards que j’évoquais.
Il est donc clair que nous devrons relancer l’investissement en faveur du très haut débit. Laissons-nous cependant le temps de le faire, d’autant plus que la consommation de ces crédits ne peut pas être immédiate. En effet, si nous disposions dès aujourd’hui de ces 15 milliards d’euros, nous ne pourrions pas les consommer très rapidement, car ces travaux nécessitent une planification…
M. David Assouline. Il n’y a pas de planification !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Nous aurons l’occasion d’en reparler, lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative relative au grand emprunt dont vous serez saisis.
Pour répondre précisément à Xavier Pintat, il semble en effet de bon sens que le décret prévu par l’article 4 ter ne contribue pas à l’augmentation infinie de contraintes administratives inutiles : nous y veillerons !
J’ajouterai un mot à l’intention de M. Virapoullé, qui défend avec conviction les particularités des départements d’outre-mer. Comme vous l’avez dit, le prochain rapport de l’ARCEP devrait contenir des propositions pour les collectivités territoriales d’outre-mer. Je souscris volontiers à votre suggestion de mettre en place, sur la base de ces propositions, un groupe de travail auquel M. le rapporteur pourrait participer, s’il l’accepte.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Je l’accepte !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Ce groupe de travail sera évidemment constitué en étroite concertation avec ma collègue Marie-Luce Penchard, pour analyser les recommandations et accélérer encore nos actions en faveur de l’outre-mer.
Par ailleurs, les dispositions incluses dans ce texte pour la TNT s’appliqueront bien à l’outre-mer, je le confirme, y compris l’assistance financière étendue.
M. David Assouline. Il faut fixer une date !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. C’est tout l’objet de la discussion avec l’ARCEP !
Monsieur Vall, l’accès à l’information sur les réseaux de fibre optique est effectivement un enjeu crucial : le droit à l’information a d’ailleurs été inscrit dans la loi de 2007 et nous veillerons à ce qu’il soit applicable sans discrimination.
J’ajouterai une précision à l’intention de Mme Schurch : les schémas directeurs n’ont pas uniquement une valeur indicative. Ils sont l’outil principal d’aménagement numérique des territoires et permettent d’enclencher les aides prévues à l’article 4 de la proposition de loi.
Je répondrai enfin à M. Jacques Blanc.
M. David Assouline. Il est reparti en Lozère !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Les projets en cours sur le très haut débit seront bien sûr éligibles au fonds d’aménagement numérique des territoires, dès lors qu’ils respectent les critères de l’article 4.
Monsieur Assouline, je partage l’idée que la fracture numérique n’est pas uniquement territoriale. Il se trouve que la présente proposition de loi porte sur la fracture territoriale, c’est pourquoi nous tentons, en particulier, de réduire cette fracture-là aujourd’hui. Mais j’ai bien évidemment conscience que d’autres fractures numériques existent et nous tentons d’y remédier par d’autres biais.
L’accompagnement renforcé sur la TNT en faveur des personnes âgées, tel qu’il est prévu dans ce texte, en est un exemple. L’expérience a été une réussite à Cherbourg, où elle a été réalisée en partenariat avec La Poste, puisque vous faisiez vous-même référence aux facteurs. Une formation spécifique a été délivrée aux agents de La Poste et le résultat a été très satisfaisant.
Des initiatives sur le thème social, mais pas uniquement, sont par ailleurs en cours : elles portent sur la réduction des fractures générationnelles ou socioprofessionnelles, qu’il s’agisse d’« Ordinateur 2.0 », des espaces publics numériques, ou du label « Logement social numérique ». Dans ce dernier cas, pour quelques euros de plus dans leurs charges, les locataires peuvent avoir accès à un triple play.
Je m’attache même à réduire la fracture numérique entre les citoyens et les parlementaires avec les « Ateliers de l’élu 2.0 », auxquels certains d’entre vous participent, ce dont je les remercie.
J’ajouterai un dernier mot sur le développement des services mobiles, puisque certains intervenants ont souligné l’importance de la couverture dans ce domaine.
Des dispositions ont été prises dans la loi de modernisation de l’économie et nous travaillons à la mutualisation des réseaux mobiles de troisième génération pour assurer une couverture homogène de la population, ce qui permettra de prolonger les efforts des collectivités locales et du Gouvernement en matière de résorption des « zones blanches ».
Par ailleurs, le déploiement de la fibre optique permettra d’améliorer la desserte des points hauts, et donc la couverture du territoire.
Enfin, les travaux en cours sur les réseaux mobiles le long des voies ferrées devraient nous permettre d’améliorer la desserte mobile des territoires.
Tout cela ne pourra se faire qu’avec une meilleure concertation sur l’implantation des antennes-relais. Vous le savez, le Gouvernement a lancé une réflexion sur le sujet : un comité de suivi va être mis en place et des expérimentations vont être faites dans les communes qui ont été sélectionnées.
Notre action en faveur du numérique et de la télévision numérique participe à la réduction de l’exposition aux ondes électromagnétiques, puisqu’un émetteur numérique émet aujourd’hui dix fois moins d’ondes qu’un émetteur analogique. Ainsi, même quand la puissance de l’émetteur est doublée pour les motifs de couverture que j’évoquais tout à l’heure, l’énergie dégagée est encore cinq fois moins importante qu’avec le mode de diffusion analogique.
Cette précision vous sera peut-être utile pour mieux répondre aux inquiétudes des populations dans vos territoires, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de la nouvelle rédaction de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les dispositions adoptées en termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat en première lecture ou les articles additionnels qui sont sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.
Titre Ier
FACILITER LA TRANSITION VERS LA TÉLÉVISION NUMÉRIQUE
Article 1er A
(Suppression maintenue)
Article 1er BA
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article 96-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifié :
1° Au début de la seconde phrase, les mots : « Avant le 31 décembre 2008, » sont supprimés ;
2° Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a compétence pour assurer une couverture minimale de la population de chaque département par voie hertzienne terrestre en mode numérique. »
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, sur l’article.
M. Serge Lagauche. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, nous avions dit quel déploiement de la télévision numérique terrestre nous préconisions.
En ce qui concerne le passage au tout-numérique et la fin de la diffusion en mode analogique, notre priorité a toujours été la préoccupation démocratique du droit à la communication et à l’accès à la culture, au savoir et à l’information pour chaque citoyen, quelle que soit sa localisation géographique.
Nous ne dérogerons pas à ce principe. Tous nos amendements en découlaient, et tous ont été déclarés irrecevables par la commission des finances !
Vous me permettrez, mes chers collègues, un bref rappel de cette loi du 5 mars 2007.
En guise de « compensation » pour le passage au numérique, de nombreux avantages à effets anticoncurrentiels, disproportionnés par rapport au préjudice supposé résulter de la fin de la diffusion en mode analogique, ont été octroyés aux opérateurs dits « historiques », TF1, Canal Plus et M6.
Il s’agit en particulier de la prorogation importante des autorisations et, bien sûr, de l’attribution d’une « chaîne bonus » supplémentaire lors de l’extinction de la diffusion en mode analogique.
La seule contrepartie à ces cadeaux consiste en l’obligation, pour ces chaînes, de porter la couverture de leur diffusion numérique par voie hertzienne à 95 % de la population.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Les cadeaux sont acquis, mais les obligations de couverture, quant à elles, sont revues à la baisse ! En effet, la doctrine du Conseil supérieur de l’audiovisuel, sans doute à la demande du Gouvernement, est de pondérer l’obligation de couverture des chaînes historiques à 91 % de la population.
C’est pourquoi nous vous proposons de garantir une couverture minimale de 95 %, à l’échelle départementale, pour la réception en TNT des chaînes dites « historiques ».
Les mutations technologiques ne doivent pas creuser davantage la « fracture numérique » dans les zones les moins accessibles – je pense en particulier aux zones de montagne, si chères à certains de nos collègues – ni léser les téléspectateurs des zones les plus difficiles à couvrir.
Le principe de l’égal accès de tous à la télévision doit être garanti par l’État. À cet égard, la compensation, quelle s’adresse tant aux particuliers qu’aux collectivités locales non couverts par la TNT et amenés à investir dans un mode alternatif ou complémentaire de réception, se doit d’être intégrale.
Tel était l’objet de deux autres de nos amendements, eux aussi frappés d’irrecevabilité !
Je terminerai mon propos, madame la secrétaire d’État, par une interrogation qui porte sur un sujet auquel le groupe socialiste est très attaché : la couverture des décrochages régionaux de France 3.
Dans la loi du 5 mars 2007, l’État s’est engagé envers le groupe France Télévisions à compenser le coût de la mise à disposition, sur un bouquet satellitaire, de la réception de l’ensemble des programmes régionaux de France 3 sur tout le territoire métropolitain. Où en est ce dossier ? Pouvez-vous nous indiquer le chiffrage de cette compensation, notamment au vu de la moindre obligation de couverture proposée dans ce texte ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Ralite et Renar, Mme Schurch, M. Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° À la première phrase, le pourcentage : « 95 % » est remplacé par le pourcentage : « 98 % »
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Notre amendement tend à répondre à un objectif très simple : s’assurer que le passage à la télévision numérique ne soit pas une régression en termes d’accès de nos concitoyens au service de la télévision.
Alors que ce passage est présenté comme une avancée formidable, notamment en termes de nombre de chaînes, la fin de la télévision analogique va surtout avoir pour résultat, en l’état, de priver une partie de la population de l’accès à la télévision. Le risque de l’écran noir est réel !
Pour 2011, le nombre de foyers qui ne disposeraient plus de l’accès à la télévision est évalué à 500 000 foyers par Alain Méar, membre du collège du CSA, et à 1 million de foyers par le groupe TDF.
Quel que soit le nombre estimé, la loi doit fixer des objectifs ambitieux qui permettent d’éviter ce phénomène et d’assurer, comme l’affirme l’article 96-1 de la loi relative à la liberté de communication, que 100 % de la population du territoire métropolitain dispose d’un accès gratuit à la télévision.
Il faut donc avant toute chose garantir un taux de couverture du territoire français qui assure la continuité de réception des services de télévision.
Dans l’article 1er BA, tel qu’il est rédigé actuellement, le taux de couverture est qualifié de « minimal ». Vous en êtes convenue, madame la secrétaire d’État, le mot est mal choisi : ce taux devrait, bien au contraire, être maximal pour assurer un objectif de couverture totale du territoire.
Le taux de couverture national en mode numérique terrestre par voie hertzienne de 95 % est insuffisant en cela qu’il est inférieur au taux de couverture actuel assuré par l’analogique, atteignant 98 %, voire 99%.
Le CSA a fixé en 2008 une liste de 1 626 antennes – vous l’avez indiqué à l’instant – pour atteindre l’objectif de couverture de 95 %, au lieu de plus de 3 000 antennes actuellement pour assurer un taux de couverture effectif en mode analogique de 98 %.
Encore une fois, une trop grande attention est portée aux intérêts économiques des chaînes de télévision, au mépris de l’intérêt général et en oubliant les avantages économiques que ces chaînes retirent de l’évolution en cours. Je pense notamment à la réduction de moitié du nombre d’émetteurs et des coûts d’entretien, ainsi qu’à la suppression des coûts induits pas la double diffusion actuelle, en analogique et en numérique. Cela ne représente pas moins de 35 millions d’euros d’économie annuelle pour TF1 !
Afin que le passage au numérique ne soit pas une régression, nous souhaitons, par cet amendement, que soit garanti un taux de couverture de 98 % de la population française, équivalent au taux de couverture en mode analogique. Cela nous permettra d’éviter que des foyers ne se retrouvent, en 2011 ou avant, devant un écran noir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Je comprends parfaitement la préoccupation de Mme Mireille Schurch.
Le signal numérique est diffusé à 100 % de la population française par voie hertzienne terrestre et par le biais du satellite. En effet, dès 2007, nous avons souhaité qu’il y ait au moins deux bouquets satellite à accès gratuit, sans abonnement, pour que les foyers non couverts par la voie hertzienne terrestre puissent avoir accès à la télévision numérique, au moins satellitaire.
La proposition de loi contient de nombreuses avancées, qui vont au-delà des objectifs que nous nous étions fixés, ici même, en 2007, lorsque nous avions examiné la loi relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur. Tout d’abord, la puissance des émetteurs sera augmentée, ce qui fait passer l’objectif de 95 % à un objectif réellement atteint de pratiquement 97 %. C’est absolument considérable. Par ailleurs, le fonds permettra d’octroyer des aides, sans conditions de ressources, aux foyers qui seraient situés dans les zones d’ombre. Des dispositifs d’accompagnement des personnes handicapées ou âgées, c’est-à-dire du public vulnérable, sont prévus. Enfin, une possibilité est offerte aux collectivités de cofinancer des émetteurs secondaires.
L’amendement que vous nous proposez, madame Schurch, reviendrait sans doute à déployer, en plus des 3 500 sites analogiques actuels, plusieurs centaines d’autres émetteurs. Il est par conséquent difficile d’y répondre favorablement.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Je voudrais tout d’abord réagir sur les remarques de M. Lagauche.
Monsieur le sénateur, les contributions des chaînes au passage à la télévision numérique sont certaines. Les chaînes participent au financement du GIP France Télé numérique. Dans les arbitrages qui ont été rendus par le Premier ministre, le 21 octobre, elles sont une nouvelle fois mises à contribution sur, par exemple, l’augmentation de puissance, ce qui représente pour elles un accroissement de 30 % des coûts sur les gros émetteurs. Par ailleurs, conformément aux engagements, nous les avons sollicitées pour le financement du budget complémentaire de 56 millions d’euros. Ces négociations étant encore en cours, je ne peux pas donner de détails supplémentaires, mais c’est une contribution que nous souhaitons réelle.
S’agissant des décrochages régionaux de France 3, je voudrais aussi souligner que la chaîne est présente sur TNTSat et sur AB3 et, par conséquent, sera accessible à tous les téléspectateurs.
J’en viens maintenant à l’amendement n° 18. Je souscris aux arguments qui ont été avancés par M. le rapporteur, mais je souhaiterais apporter une précision.
Le fond du problème repose sur le fait que le numérique est moins émissif que l’analogique et que, contrairement à l’analogique, il ne peut se recevoir en mode dégradé. Par conséquent, le numérique offre une meilleure qualité, mais soit il est accessible, soit il ne l’est pas. Cela explique – et ce point n’est pas forcément très compréhensible pour nos concitoyens – que, si nous souhaitions conserver la même couverture, telle qu’elle est perçue et en incluant la couverture dégradée, il faudrait créer de nouveaux émetteurs. Nous ne pourrions donc pas tenir nos délais et perdrions la possibilité de bénéficier du dividende numérique, dont nous avons besoin par ailleurs pour couvrir en très haut débit tous les territoires.
C’est bien un équilibre tenant compte de ces contraintes techniques que nous avons cherché à travers ce programme de basculement.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Nous soutiendrons cet amendement, qui vise à faire reconnaître la nécessité d’atteindre un taux de couverture de 98 % de la population française.
Je me réjouis que cet amendement ait été déclaré recevable par la commission des finances. Le groupe socialiste avait déposé un amendement similaire portant sur le taux de couverture de la population de chaque département, soit 95 %. Nous n’avons pas eu la même chance que nos collègues du groupe CRC-SPG, puisque la commission a considéré que notre amendement était irrecevable.
Mais, en définitive, l’amendement proposé étant proche de celui que nous avions présenté, nous le voterons.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Le point que M. Teston vient de soulever n’est tout de même pas anecdotique. L’article 40 ne peut pas être utilisé à discrétion si nous voulons, ici, faire respecter les procédures propres aux délibérations de la Haute Assemblée. Il est impossible que puisse être invoquée sans explication, notamment de la commission des finances, l’irrecevabilité au titre de l’article 40 pour un amendement tendant à fixer un taux de couverture de 95 % du territoire et qu’on déclare recevable un amendement qui, lui, vise à l’établir à 98 % ! Ce n’est pas qu’une simple remarque ; nous attendons aussi des réponses sur ce point. En effet, cette utilisation discrétionnaire de l’article 40 fausse les débats et n’est pas compatible avec des délibérations respectant les règles de notre assemblée.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er BA.
M. Michel Teston. Le groupe socialiste s’abstient !
(L'article 1er BA est adopté.)
Article 1er B
(Non modifié)
L’article 97 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a compétence pour assurer une couverture minimale de la population de chaque département par voie hertzienne terrestre en mode numérique. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er B.
M. Michel Teston. Le groupe socialiste s’abstient !
(L'article 1er B est adopté.)
Article 1er CA
(Non modifié)
L’article 99 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :
1° Le cinquième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Dans les dix jours qui suivent la décision de la date d’arrêt de la diffusion analogique, le Conseil supérieur de l’audiovisuel informe les maires des communes, actuellement couvertes totalement ou partiellement par des émetteurs de télévision analogique, qui ne seront pas couvertes en mode numérique terrestre. À cette fin, les sociétés mentionnées au I de l’article 30-2 transmettent au conseil, dans le délai et selon les modalités qu’il fixe, les informations techniques nécessaires à la détermination de la couverture en mode numérique hertzien terrestre des zones définies par le conseil en application des articles 96-2 et 97. » ;
2° Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il fournit, à la demande des conseils généraux et régionaux, les éléments de calcul des zones de service et les cartes qui correspondent aux obligations de couverture départementale en mode numérique terrestre au moins six mois avant la date d’extinction de la télévision analogique terrestre, dès lors qu’il dispose des données nécessaires que doivent lui communiquer les éditeurs concernés. »
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote sur l'article.
M. Michel Teston. Je rappelle que ces dispositions sont largement inspirées d’un amendement que nous avons fait adopter, ici même, en juillet 2009. Nous sommes donc favorables à l’adoption de cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er CA.
(L'article 1er CA est adopté.)
Article 1er CB
(Non modifié)
Dans les trois mois suivant la promulgation de la présente loi, il est institué dans chaque département une commission de transition vers la télévision numérique.
La commission est composée de représentants des collectivités territoriales, du groupement d’intérêt public créé par l’article 100 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée et de l’État, notamment du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Cette composition est précisée par décret.
La commission est présidée par le représentant de l’État dans le département.
Elle a pour mission d’analyser les données relatives à la couverture du département en télévision diffusée par voie hertzienne terrestre en mode analogique ainsi que la couverture prévisionnelle en télévision diffusée par voie hertzienne terrestre en mode numérique à la date d’arrêt de la diffusion hertzienne terrestre en mode analogique.
À partir de ces données, elle identifie les zones habitées qui ne seront plus couvertes en télévision diffusée par voie hertzienne terrestre.
Elle analyse les données relatives à l’équipement en paraboles sur les zones identifiées comme non couvertes par voie hertzienne terrestre.
Sur la base de ces analyses et de l’étude mentionnée au dernier alinéa de l’article 30-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, la commission formule des recommandations sur les solutions permettant d’assurer de manière optimale la réception effective de la télévision en mode numérique et en informe les collectivités territoriales concernées.
Elle assure le suivi de la mise en œuvre de la transition vers la télévision numérique, et peut proposer au groupement d’intérêt public visé au deuxième alinéa du présent article toute mesure permettant de faciliter cette transition.
Elle peut rendre des avis sur toutes mesures que le groupement d’intérêt public envisage de mettre en œuvre et dont il tient la commission informée.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er CB.
M. Michel Teston. Le groupe socialiste vote pour !
(L’article 1er CB est adopté.)
Article 1er DA
(Non modifié)
Au 3° de l’article 25 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, après le mot : « supérieure », sont insérés les mots : « et, le cas échéant, inférieure ». – (Adopté.)
Article 1er DB
(Non modifié)
Après la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 100 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Il met en œuvre, selon des modalités fixées par décret et au bénéfice de catégories de personnes en fonction de leur âge ou de leur taux d’incapacité permanente, une assistance technique dans le but d’assurer la réception effective des services de télévision en clair après l’extinction de leur diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique. » – (Adopté.)
Article 1er DC
(Non modifié)
L’État verse une compensation financière aux collectivités territoriales et à leurs groupements qui mettent en œuvre toute solution permettant d’assurer la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique dans les zones dans lesquelles la continuité de la réception des services de télévision en clair ne peut être assurée par voie hertzienne terrestre en mode numérique après l’extinction de leur diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique.
Le montant de la compensation et ses modalités d’attribution sont fixés par décret.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, sur l'article.
M. Michel Teston. Nous aurions aimé pouvoir présenter nos deux amendements à cet article, mais ils ont été déclarés irrecevables par la commission des finances. C’est fort dommage parce que, nous semble-t-il, ils auraient pu intéresser les nombreux élus locaux qui siègent sur ces travées.
Je rappelle néanmoins leur contenu.
Le premier amendement tendait à prévoir que la compensation versée par l’État aux collectivités territoriales qui mettront en œuvre une solution permettant d’assurer la réception par la TNT des chaînes gratuites en clair, dans les zones non couvertes, serait intégrale.
Quant au second, il s’agissait d’un amendement de repli dont l’objet était de prévoir une compensation financière intégrale de l’État pour les collectivités qui, dans les zones non couvertes et faisant l’objet de prescriptions architecturales particulières – périmètres des immeubles classés et inscrits, secteurs sauvegardés, zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager –, mettraient en œuvre une solution permettant d’assurer la réception par la TNT des chaînes gratuites en clair.
Nous savons gré au Gouvernement d’avoir introduit, lors de la discussion à l’Assemblée nationale, cet article 1er DC, afin de prévoir une compensation financière pour les collectivités territoriales qui mettront en œuvre une solution permettant de recevoir la TNT dans les zones non couvertes.
Néanmoins, lors du débat en commission à l’Assemblée nationale, Mme la secrétaire d’État a bien précisé que la compensation ne serait pas intégrale, ni sur un plan général ni dans les zones de prescriptions architecturales spéciales dans lesquelles les paraboles ordinaires sont interdites par les architectes des Bâtiments de France et où il faudra bien que les collectivités financent une solution en mode hertzien terrestre.
Afin de se défausser sur les foyers, on a évoqué l’existence de paraboles qui seraient discrètes et esthétiques, et, de ce fait, pourraient être acceptées par les architectes des Bâtiments de France. J’imagine que celles-ci ne rentrent pas dans le forfait de 250 euros qui aurait été annoncé comme base de remboursement, par le fonds d’aide complémentaire, des foyers devant s’équiper en paraboles.
Les collectivités ne pourront pas faire face à la recrudescence de frais liée au passage à la TNT et à l’obligation de desservir les zones préalablement couvertes par la télévision analogique, mais ne recevant pas la TNT.
Vous avez indiqué, madame la secrétaire d’État, que l’aide octroyée aux collectivités ne prendrait en compte que le coût d’équipement en réémetteur, et non celui d’entretien. Ce sont encore de nouvelles charges pour les collectivités concernées ! Vous avez également précisé que cette aide aux collectivités pour la numérisation d’un émetteur ne serait pas cumulable avec celle octroyée aux foyers, par le fonds d’aide complémentaire, pour l’équipement en parabole. C’est présupposer que, sur une même commune, tous les foyers seront inclus dans le périmètre d’émission de cet émetteur et, de fait, méconnaître la situation de nombreuses communes de montagne où l’habitat dispersé est une réalité !
Le passage de 3 500 pylônes diffusant la télévision analogique à 1 626 pylônes diffusant la télévision numérique permettra aux chaînes de réaliser des économies, d’autant que l’entretien des pylônes, pour le numérique, reviendra moins cher que pour l’analogique.
On peut donc souhaiter que les chaînes prennent davantage en charge les zones non couvertes. Néanmoins, elles devront contribuer aux deux fonds, et leur économie est précaire en cette période de crise du marché publicitaire, surtout dans le cas des chaînes de la TNT qui sont en pleine phase de montée en puissance. On ne peut donc leur demander de tout financer à la place de l’État. C’est d’abord à l’État de prendre ses responsabilités et de dégager des ressources nécessaires pour accompagner le passage au numérique ! C’est à lui d’éviter que la fracture numérique ne se creuse !
En conclusion, je voudrais rappeler ce que j’ai dit à l’occasion de la discussion générale. De nombreuses collectivités qui ont été mises à contribution dans le passé pour financer des réémetteurs vont devoir payer à nouveau pour l’allumage des mêmes réémetteurs en mode numérique. J’aurais tendance à dire : « choquant, n’est-ce pas ? »
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Nous ne financerons pas la numérisation de tous nos émetteurs, car nous pensons qu’elle n’est pas souhaitable du point de vue économique. Pour un faible nombre d’habitants, il n’est véritablement pas rentable de numériser l’émetteur, et mieux vaut donc numériser les paraboles. Si une collectivité souhaite néanmoins, pour des raisons qui lui sont propres, numériser son émetteur, l’État fera un effort financier pour l’accompagner, mais il n’ira pas jusqu’à un financement à 100 %, car cela reviendrait à inciter à numériser tous les émetteurs, y compris ceux qui ne sont pas rentables.
Concernant l’intervention à l’intérieur d’une commune, il est vrai qu’une partie d’une commune peut être en zone d’ombre, et l’autre non. Bien entendu, la décision de financer ou non les paraboles ne se prendra pas commune par commune, mais dépendra de la situation de chaque zone à l’intérieur d’une commune.
Je terminerai en évoquant les paraboles en zone protégée. Il existe maintenant des paraboles très discrètes – certaines n’ont d’ailleurs pas du tout la forme de parabole – qui sont acceptées par les Bâtiments de France. Je ne peux vous donner lecture des documents dont je dispose dans la mesure où des marques y apparaissent, mais je peux vous dire qu’il existe des paraboles transparentes, des paraboles plates qui s’intègrent parfaitement, compte tenu de leur couleur, dans le paysage et dont le coût est très modique. Leur prix est certes légèrement plus élevé que la parabole de base, mais la différence n’est que de quelques dizaines d’euros.
M. David Assouline. Une parabole plate, c’est intéressant…
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er DC.
M. Michel Teston. Le groupe socialiste s’abstient.
(L'article 1er DC est adopté.)
Article 1er DD
(Non modifié)
À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 100 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, les mots : « le fonds institué » sont remplacés par les mots : « les fonds institués ». – (Adopté.)
Article 1er DE
(Non modifié)
À la seconde phrase du quatrième alinéa de l’article 100 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, les mots : « et assure les fonctions de directeur du groupement » sont remplacés par les mots : « qui peut lui confier la direction générale du groupement ou confier celle-ci à une autre personne physique qu’il a nommée ». – (Adopté.)
Article 1er D
(Non modifié)
L’article 102 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « exonérés de redevance audiovisuelle » sont remplacés par les mots : « dégrevés de la contribution à l’audiovisuel public » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les foyers dont le local d’habitation se situe dans une zone géographique où la continuité de la réception des services de télévision en clair ne peut être assurée par voie hertzienne terrestre en mode numérique après l’extinction de leur diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique, il est institué un fonds d’aide complémentaire qui attribue des aides sans condition de ressources au nom du principe d’équité territoriale. » ;
3° Au deuxième alinéa, les mots : « exonérés de redevance audiovisuelle » sont remplacés par les mots : « dégrevés de la contribution à l’audiovisuel public » ;
4° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’aide prévue au premier alinéa peut également être attribuée dans les départements d’outre-mer, sous condition de ressources, aux foyers qui ne bénéficient pas du dégrèvement de la contribution à l’audiovisuel public. »
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, sur l'article.
M. Serge Lagauche. Introduit par un amendement gouvernemental en commission des affaires économiques, cet article complète l’article 102 de la loi du 30 septembre 1986 en instituant un deuxième fonds dit « d’aide complémentaire » pour aider sans condition de ressources les foyers qui ne seront pas couverts par la TNT à acquérir et à installer un équipement de réception satellitaire.
Nous ne pouvons que nous réjouir de l’instauration d’un tel fonds puisqu’il rejoint une préoccupation que nous avions exprimée par un amendement, déposé en première lecture, réclamant la remise d’un rapport gouvernemental au Parlement sur le soutien financier pouvant être apporté aux foyers ne résidant pas dans une zone de couverture et obligés de s’équiper de moyens d’accès alternatifs au très haut débit.
L’instauration de ce deuxième fonds d’équipement parabolique nous laisse cependant quelque peu perplexes. C’est pourquoi nous avions souhaité préciser, par amendement, qu’il compenserait intégralement les dépenses d’équipement parabolique des ménages habitant dans des zones non couvertes.
Cet amendement a malheureusement subi les foudres de l’article 40 ! Je tiens néanmoins à faire part de mes interrogations quant à la mise en œuvre effective de cette seconde aide aux foyers.
D’abord, comment sera financé ce fonds « 102 bis » ? Si j’ai bien compris, il y aurait 96 millions d’euros pour les deux fonds, soit 56 millions d’euros supplémentaires par rapport aux 40 millions d’euros budgétés pour 2010, pour financer le GIP et le fonds d’aide sous condition de ressources, mis en place par la loi du 5 mars 2007 – article 102 de la loi du 30 septembre 1986. Je tiens à souligner que les 40 millions d’euros initiaux n’étaient pas intégralement affectés au premier fonds, le GIP devant inévitablement faire face à des frais de fonctionnement.
Ensuite, comment seront financés les 56 millions d’euros supplémentaires annoncés pour la mise en œuvre du deuxième fonds ? Ils ne sont pas, à ma connaissance, budgétés au titre de la loi de finances pour 2010. J’ose espérer qu’ils ne seront pas ponctionnés sur le programme 313 de la mission « Médias », initialement dédié à la compensation de la perte de recettes publicitaires des chaînes publiques et dont les crédits – 457 millions d’euros en 2010 – sont en baisse de 15 millions d’euros par rapport à 2009 et, de surcroît, doivent assurer une nouvelle dépense, les 40 millions d’euros finançant le GIP et le premier fonds !
J’espère néanmoins que les crédits sont budgétés pour assurer, dès le 2 février prochain, la prise en charge de la nécessaire réception satellitaire des foyers alsaciens qui basculeront à cette date, suivis de très près par ceux de Basse-Normandie.
Par ailleurs, je m’interroge sur le nombre de foyers appelés à être pris en charge par ce fonds « parabole ». Vous avez indiqué que l’aide serait de 250 euros par foyer. Je suppose que Bercy a fait fonctionner sa calculette avant de faire cette annonce ! En tout cas, moi, je l’ai fait : cela correspond à quelque 384 000 foyers.
Cela me semble bien peu lorsque l’on sait qu’environ 26 millions de foyers français disposent d’un téléviseur et que quelque 5 %, soit 1,3 million d’entre eux, ne bénéficieront pas d’une couverture TNT. Pas même un tiers de ces foyers non couverts disposeraient de l’aide à la parabole.
Sauf à ce que les chaînes soient appelées à contribuer aussi au financement de ce fonds – je rappelle qu’elles participent déjà au financement du GIP au prorata de leurs voix –, il me semble difficile de demander aux chaînes un effort supplémentaire soudain, non prévu par le contrat d’objectifs pour les chaînes publiques. J’en resterai donc au strict financement de 56 millions d’euros, attribué par l’État au deuxième fonds.
Certes, me direz-vous, certains foyers seront bénéficiaires du premier fonds, sous condition de ressources, mais ils seront bien peu si j’en juge par le faible montant dont est doté ce fonds.
Ensuite, il convient de retrancher les foyers des communes ayant bénéficié d’une compensation financière non intégrale pour mise en œuvre d’une solution permettant de recevoir la TNT dans les zones non couvertes, cette aide aux collectivités n’étant pas cumulable avec l’attribution du fonds parabole aux foyers de ces collectivités.
Nous avons déjà évoqué, lors du débat sur l’article 1er DC, nos craintes pour les foyers situés dans les zones de montagne, les zones d’habitat dispersé, qui seront exclus de toute aide, la commune ayant bénéficié d’une aide à l’installation d’un émetteur numérique qui, en fin de compte, ne couvrira pas les foyers situés sur son territoire, mais en zone retranchée.
Quelque 384 000 heureux élus pourront donc bénéficier de 250 d’euros !
Je ressors ma calculette et constate la difficulté à s’équiper pour une telle somme ! Le prix d’une parabole ordinaire permettant de capter les chaînes TNT dépasse le plus souvent 200 euros et peut même être voisin de 300 euros – 260 euros pour TCI Cabling, 299 euros pour Abix… –, voire supérieur : on en trouve à 341 euros ! Il va de soi que plus la réception est difficile, plus l’équipement est onéreux !
À ce coût d’équipement s’ajoutera celui de l’installation de la parabole, chacun n’étant pas en mesure de grimper sur son toit pour procéder à l’opération qui requiert des compétences techniques particulières : il est difficile de trouver un technicien procédant à l’installation pour moins de 100 euros, certains demandant jusqu’à 300 euros, voire 350 euros ! En Ardèche, par exemple, aucun équipementier n’est référencé. Il faut faire appel à des sociétés situées dans le département voisin, la Drôme.
En additionnant les coûts d’équipement à ceux d’installation de la parabole, on constate que les 250 euros seront vite dépassés !
Ce fonds a certes le mérite d’exister, mais il concernera très peu de foyers et ne prendra en charge qu’une partie de leur équipement satellitaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, j’ai le regret de vous dire que tous les chiffres que vous venez de citer sont faux !
Faux, les chiffres concernant le coût d’une parabole. D’abord, le prix de base est très inférieur à ce que vous dites. Ensuite, les 250 euros couvrent bien l’ensemble, y compris l’installation. C’est tellement vrai que, dans une zone comme le Cotentin, nous avons labellisé les installateurs qui proposaient des prix d’entrée de gamme, certains de ces derniers étant inférieurs à 250 euros.
Faux aussi, vos chiffres sur les populations qui auraient besoin de l’aide du fonds parabole.
Tout d’abord, un nombre important des habitants qui n’étaient pas couverts auparavant et ne recevaient pas la télévision par la voie hertzienne ont déjà des paraboles.
Par ailleurs, avec l’augmentation de puissance telle qu’elle a été prévue à la suite des arbitrages prononcés le 21 octobre, le nombre d’habitants qui recevaient la télévision analogique par l’antenne râteau et qui ne recevraient pas la télévision numérique de la même manière devrait passer de 450 000 personnes à 220 000 personnes.
De toute façon, nous ouvrons ici un droit pour ces personnes à recevoir l’aide du fonds parabole. Ce droit n’est pas limité par l’enveloppe, qui n’est qu’indicative.
Enfin, s’agissant de l’enveloppe, là aussi, les chiffres que vous avez cités sont faux. Nous avons bien un programme de base de 277 millions d'euros qui couvre notamment les frais de fonctionnement du GIP, mais aussi l’aide aux foyers défavorisés, l’accompagnement des personnes les plus éloignées du numérique. Nous avons également un fonds d’aide à la parabolisation qui est doté de 40 millions d'euros – c’est l’arbitrage de juillet – et de 56 millions d’euros – c’est l’arbitrage d’octobre. Cela fait 96 millions d'euros en tout ! Pourquoi 40 millions d'euros plus 56 millions d'euros ? Parce que les personnes exonérées de redevance étant déjà couvertes par le fonds d’aide aux personnes défavorisées, le montant de 40 millions d'euros ne recouvrait pas la moitié de la population estimée. C’est donc bien 56 millions d'euros qu’il faut. L’estimation est probablement supérieure à la réalité compte tenu de l’augmentation de la puissance sur les antennes. Vous voyez donc bien que tout est ici pris en compte.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Je voudrais conforter les propos de Mme la secrétaire d'État : le nombre de foyers ayant déjà une parabole, en France, a été sous-estimé. J’ai sous les yeux les derniers chiffres qui ont été confirmés par le CSA sur la base d’une enquête Médiamétrie qui s’est déroulée en juin 2009 : 25,4 % des foyers français sont équipés d’une parabole et d’un accès satellitaire. Mais dans certains départements, le taux d’équipement excède 50 %, ce qui est considérable.
Voilà qui montre bien que, compte tenu tant des dispositifs développés à l’instant par Mme la secrétaire d'État que du nombre de foyers déjà équipés, les réserves budgétaires permettront sans aucun doute de faire face aux équipements des foyers, notamment en termes de moyens satellitaires dans les zones d’ombre.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er D.
M. Michel Teston. Le groupe socialiste vote pour.
Mme Mireille Schurch. Le groupe CRC-SPG s’abstient !
(L'article 1er D est adopté.)
Article 1er EA
(Non modifié)
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Conseil supérieur de l’audiovisuel présente au Parlement un rapport sur la réception numérique dans les zones de montagne. – (Adopté.)
Articles 1er E et 1er F
(Suppressions maintenues)
Article 1er GA
(Non modifié)
L’article 31 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil n’est pas tenu de procéder à une nouvelle consultation en application du présent article ou de l’article 28-4 lorsque le lancement de l’une des procédures visées au premier alinéa a pour objet d’autoriser une nouvelle personne morale à utiliser une part de la ressource radioélectrique à la suite du retrait de l’autorisation de la personne morale précédemment autorisée ou lorsqu’il a déjà procédé, dans les trois ans qui précèdent le lancement de l’une des procédures visées au premier alinéa, à une consultation publique portant sur un champ géographique semblable à celui de cette procédure pour des services de télévision ou de radio de même nature. »
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Ralite et Renar, Mme Schurch, M. Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Cet amendement a pour objet de supprimer cet article qui dispense le CSA d’organiser certaines consultations avant de lancer un appel à candidatures pour l’attribution de fréquences de radio ou de télévision, notamment en mode numérique.
Au motif que cette procédure de consultation actuellement quasi systématique est complexe et coûteuse pour le CSA et les opérateurs, et qu’elle crée de ce fait une fréquence temporairement inoccupée, cet article supprime l’obligation de consultation du CSA quand une consultation sur un secteur géographique semblable a été opérée dans les trois ans ou à la suite du retrait d’autorisation d’une personne morale.
Cependant, la suppression de cette obligation renforce la difficulté des éditeurs régionaux ainsi que des radios et des télévisions indépendantes de voir le jour.
En effet, cet article ne favorise pas, à notre avis, le renouvellement des acteurs ; de surcroît, de par sa disposition supprimant la consultation pour les « secteurs géographiques semblables », il concerne principalement les consultations régionales et défavorise donc énormément les éditeurs régionaux. C’est pourquoi nous souhaitons que cet article, malgré les encadrements apportés par l’Assemblée nationale, soit supprimé.
Cette procédure de consultation permet la diversité et le renouvellement des acteurs. Sans elle, les grands réseaux nationaux se seraient imposés, ne laissant pas de place aux radios et télévisions indépendantes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Je voudrais rassurer Mme Schurch. D’abord, il ne s’agit pas d’effacer la procédure de consultation publique, procédure tout à fait fondamentale de mise en concurrence, d’information et de transparence.
S’agissant ensuite de l’encadrement, je peux vous assurer que cet article, que nous avions voté en première lecture à la fin du mois de juillet, est parfaitement neutre au regard de l’émergence d’acteurs régionaux par rapport aux grands réseaux nationaux.
L’Assemblée nationale a souhaité encadrer encore un peu plus le dispositif que nous avions voté sous le triple aspect des délais, de l’espace géographique et de l’objet. Sont pointés notamment les cas de retrait d’une autorisation, d’une assignation de fréquences du CSA lorsque l’attributaire, par exemple, n’a pas rempli le cahier des charges ou lorsqu’il y a une liquidation judiciaire. L’espace géographique est strictement le même. Si une consultation débordait cet espace, on sortirait du champ de l’article. La disposition concernant les trois ans est satisfaisante. Je crois vraiment qu’il s’agit simplement d’éviter des lourdeurs administratives parfaitement inutiles. Le dispositif est complètement neutre à l’égard de l’émergence d’acteurs régionaux, que ce soit en termes de radio ou de télévision.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Je souscris aux arguments de M. le rapporteur et émets également un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par MM. Teston, Assouline et Lagauche, Mmes Bourzai, Blondin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
dans les trois ans
par les mots :
dans les deux ans
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Je rappellerai, peut-être un peu longuement, le contexte dans lequel l’article 1er°GA a été élaboré.
L’article 31 de la loi du 30 septembre 1986, que modifie l’article 1er GA, visait à transposer une disposition de la directive du 7 mars 2002 relative au cadre réglementaire commun pour les réseaux et les services de télécommunications électroniques ; il prévoyait la possibilité pour le CSA d’organiser une consultation publique préalable à l’appel à candidatures pour l’attribution de fréquences hertziennes, terrestres ou satellitaires, en mode analogique ou en mode numérique, quand la nouvelle attribution risquait de modifier le « marché en cause ».
En première lecture au Sénat, le rapporteur, M. Bruno Retailleau, sous prétexte de « simplification administrative », a fait adopter un amendement complétant l’article 1er GA et visant à supprimer la possibilité d’organiser une nouvelle consultation lorsque le CSA a déjà organisé une consultation publique dans la zone géographique considérée en vue du lancement d’un appel à candidatures pour des services de radio et de télévision.
La procédure de consultation publique ne serait donc plus nécessaire, dans la logique de M. Retailleau, que lorsque la zone fait l’objet de « modification substantielle ».
Il était aisé de lire entre les lignes que l’objectif réel, au-delà de la « simplification administrative », était de supprimer purement et simplement les consultations régionales préalables aux appels à candidatures et de se limiter aux consultations nationales du CSA !
En application du dispositif adopté par le Sénat en première lecture, l’organisation d’une consultation nationale pour le lancement de services de radio numérique, décrivant la ressource en fréquences disponibles, dispenserait donc le CSA d’organiser de nouvelles consultations locales avant chaque appel régional suivant la consultation nationale.
De même, en cas de modification des limites d’une zone de desserte d’un service de télévision locale, en raison de contraintes de planification de fréquences, il ne serait pas nécessaire d’organiser une nouvelle consultation si la zone en question est déjà incluse dans le champ d’une consultation publique antérieure en matière de télévision locale.
Le CSA deviendrait ainsi seul juge pour apprécier l’intérêt d’une telle consultation, le but étant de ne pas retarder le lancement des radios ou télévisions locales numériques.
Il ne me semble pas inutile de rappeler que, dans le cadre de l’optimisation de la bande FM, les consultations régionales ont été très utiles ces dernières années pour préparer les appels FM ayant permis d’optimiser la bande FM et de répartir les fréquences dégagées entre les différentes catégories de radios.
Sans ces consultations régionales, qu’une seule consultation nationale rendrait, selon M. Retailleau, inutiles, les enjeux spécifiques des régions auraient été ignorés et le CSA aurait pu être tenté de retenir une planification de la FM nationale favorisant les seuls grands réseaux nationaux au nom, naturellement, de la réduction de la « fracture »…
Je rappelle que, pour le lancement de la radio numérique, le CSA a mené, en juin 2009, une consultation nationale sur les principes de planification de la RNT, retenant d’ailleurs un mode de planification très orienté en faveur des réseaux nationaux.
Des appels régionaux devraient être lancés entre décembre 2009, pour l’agglomération de Caen, et octobre 2013, pour Poitiers, avec une sélection entre 2010 et 2014 et un démarrage entre décembre 2010 et janvier 2015.
Le dispositif de M. Retailleau autorisait le CSA à lancer ces appels à candidatures sans procéder aux consultations régionales, qui permettent pourtant de faire remonter, depuis les régions, les possibilités, les besoins de développement et les nouveaux projets.
L’Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur, a posé un garde-fou en fixant un délai maximum de trois ans pendant lequel le CSA peut ne pas procéder à de nouvelles consultations. Il s’agit d’un réel progrès.
Néanmoins, compte tenu des bouleversements technologiques, culturels et sociologiques qui surviennent désormais de façon sans cesse plus brutale, ce délai de trois ans nous paraît un peu long, et notre amendement vise donc à le ramener à deux ans.
Ainsi, la seule possibilité de dispense, pour le CSA, d’organiser une consultation publique préalable à un appel à candidatures serait l’existence d’une telle consultation portant sur le même univers géographique et sur des services de télévision ou de radio de même nature dans les deux ans, et non plus dans les trois ans, précédant ce nouvel appel à candidatures.
Enfin, j’ai la certitude que, si l’on n’avait pas dit, depuis le début, que le texte devait être voté conforme, un amendement qui relève à ce point du bon sens aurait été retenu par l’ensemble de notre assemblée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. C’est mal connaître mon parcours que d’imaginer que je puisse être opposé à l’émergence de radios ou de télévisions locales ! Bien au contraire !
Le dispositif que nous avons adopté en première lecture est bien – je le réaffirme solennellement ici – un dispositif de simplification dès lors qu’une nouvelle consultation n’apporte rien par rapport à une consultation antérieure : je le répète, il s’agissait non pas de supprimer des consultations, mais de simplifier !
Par ailleurs, l’amendement n° 6 tend à réduire la période d’encadrement de trois ans à deux ans, ce qui n’a pas grand sens puisque la mise en place d’une consultation publique ne prend pas moins de dix-huit mois. Le délai de deux ans est beaucoup trop proche de ce délai de dix-huit mois pour que votre proposition puisse être opérationnelle.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, qui lui paraît dépourvu d’objet puisque, du lancement au dépouillement, une consultation implique en effet un délai de dix-huit mois.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er GA.
(L'article 1er GA est adopté.)
Article 1er GBA
(Non modifié)
L’article L. 48 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : «, y compris les équipements des réseaux à très haut débit fixes et mobiles » ;
2° Le a est ainsi rédigé :
« a) Sur et dans les parties des immeubles collectifs et des lotissements affectées à un usage commun, y compris celles pouvant accueillir des installations ou équipements radioélectriques ; »
3° Le b est complété par les mots : «, y compris celles pouvant accueillir des installations ou équipements radioélectriques ».
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, sur l'article.
M. Paul Blanc. Je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Xavier Pintat, qui a présenté cette proposition de loi ; celle-ci nous revient amendée par l’Assemblée nationale et traduit en définitive le très grand pas en avant accompli par Mme la secrétaire d'État, s’agissant de la couverture numérique terrestre sur l’ensemble du pays.
Les collectivités locales vont donc pouvoir transformer les relais analogiques en relais numériques. La possibilité qui leur est ainsi donnée va permettre un aménagement beaucoup plus équilibré du territoire, en particulier dans les zones touristiques et les zones de montagne.
En effet, en permettant aux collectivités locales de s’équiper en relais analogiques de TNT, non seulement on évitera la mise en place de paraboles – quand bien même, madame la secrétaire d'État, j’ai entendu vos réflexions sur les progrès réalisés – dans des sites remarquables, mais on sera en mesure de régler le problème des résidences secondaires, nombreuses dans les zones touristiques et souvent équipées de téléviseurs, pour lesquelles l’installation d’une parabole ne serait pas gratuite.
M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission de l'économie. Tout à fait !
M. Paul Blanc. Par ailleurs, si une même parabole peut servir pour plusieurs téléviseurs, ce n’est pas le cas des décodeurs. La TNT pourra, elle – et cela concerne cette fois l’ensemble du territoire –, être reçue par les foyers, de plus en plus nombreux, équipés de deux, voire trois téléviseurs.
On aura de surcroît la possibilité d’avoir accès aux décrochages locaux. Certes, le satellite permet d’avoir les grands décrochages des régions – France 3 Languedoc-Roussillon, en ce qui concerne mon département –, mais ce n’est pas vrai pour les décrochages beaucoup plus locaux – Perpignan et Nîmes dans le cas de France 3 Languedoc-Roussillon –, et je ne suis pas certain que cela soit possible un jour du fait du coût que cela entraînerait. C’est un autre des avantages des téléviseurs numériques terrestres qui remplaceront les téléviseurs analogiques.
S’agissant, madame la secrétaire d'État, des télévisions locales, je rappelle que le CSA a déclaré vouloir favoriser leur émergence ; mais encore faudra-t-il que celles-ci aient la possibilité technique de se développer et que la question des paiements pour leurs émissions soit un peu revue.
Reste enfin un ensemble de mesures qui doivent être prises par la voie réglementaire.
Il faudra aussi se pencher sur la problématique des pylônes de TDF, qui ont été financés par de l’argent public et dont les collectivités locales auront éventuellement besoin pour placer leurs réémetteurs numériques, si l’on veut assurer la couverture par la TNT de l’ensemble du territoire que nombre de nos concitoyens demandent. Après la dernière grande tempête, c’est tout juste s’ils n’attendaient pas plus la télévision que le pain…
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er GBA.
(L'article 1er GBA est adopté.)
Article 1er GB
(Non modifié)
L’article 30-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :
1° Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les services de télévision mobile personnelle, cette société peut déléguer à un ou plusieurs tiers, dans des conditions approuvées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le déploiement et l’exploitation du réseau ainsi que la commercialisation d’une offre de gros auprès des distributeurs de services. » ;
2° Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« – le cas échéant, les modalités selon lesquelles elle souhaite déléguer à un ou plusieurs tiers, dans les conditions fixées au I du présent article, le déploiement et l’exploitation du réseau ainsi que la commercialisation d’une offre de gros auprès des distributeurs de services. » ;
3° Au dernier alinéa du V, après les mots : « sont prises », sont ajoutés les mots : «, si les statuts de la société le prévoient, ». –
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er GB.
M. Michel Teston. Le groupe socialiste vote pour !
(L'article 1er GB est adopté.)
Article 1er GC
(Non modifié)
L’article 30-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut également assigner, pour l’application de l’article L. 112-12 du code de la construction et de l’habitation, selon des modalités qu’il fixe, aux propriétaires de constructions, aux syndicats de copropriétaires ou aux constructeurs, la ressource radioélectrique nécessaire à la diffusion des programmes des éditeurs visés au I de l’article 30-2 pour réduire ou supprimer la gêne à la réception de la radiodiffusion ou de la télévision par les occupants des bâtiments voisins. L’autorisation délivrée au constructeur est transmise de plein droit au propriétaire ou au syndicat de copropriétaires lorsque la construction est achevée ; le constructeur en informe alors le conseil. » ;
2° Au quatrième alinéa, les mots : « collectivités territoriales et leurs groupements » sont supprimés.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er GC.
M. Michel Teston. Le groupe socialiste vote pour !
(L'article 1er GC est adopté.)
Article 1er GD
(Non modifié)
L’article 42-12 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« Lorsqu’un débiteur soumis à une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est titulaire d’une autorisation relative à un service de communication audiovisuelle et que la cession d’une activité ou de l’entreprise est envisagée dans les conditions prévues aux articles L. 626-1, L. 631-22 ou L. 642-1 et suivants du code de commerce, le tribunal peut, à la demande du procureur de la République et après que ce magistrat a obtenu, dans un délai d’un mois, l’avis favorable du Conseil supérieur de l’audiovisuel, dans des conditions prévues par décret, autoriser la conclusion d’un contrat de location-gérance conformément aux articles L. 642-13 et suivants du code de commerce. » ;
2° À la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « à l’entreprise cédée » sont remplacés par les mots : « au débiteur » ;
3° Au deuxième alinéa, après les mots : « l’exécution du plan », sont insérés les mots : « de sauvegarde ou de redressement, du liquidateur » et la référence : « L. 621-101 du code de commerce » est remplacée par les mots : « L. 642-17 du code de commerce ni à versement de dommages et intérêts » ;
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article n’est pas applicable lorsque la cession de l’entreprise ou de l’activité porte sur un ensemble autre que celui au titre duquel l’autorisation mentionnée au premier alinéa avait été accordée au débiteur. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er GD.
M. Michel Teston. Le groupe socialiste s’abstient !
(L'article 1er GD est adopté.)
Titre II
PRÉVENIR L’APPARITION D’UNE FRACTURE NUMÉRIQUE DANS LE TRÈS HAUT DÉBIT
………………………………………………………...
Article 1er HA
(Non modifié)
La seconde phrase du dernier alinéa du I de l’article L. 34-8 du même code est supprimée.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, sur l'article.
M. Michel Teston. Partout où subsistent des zones d’ombre, dans la même logique que pour la téléphonie fixe, il faut créer un service universel pour le haut débit et, surtout, il faut cesser de se cacher derrière une législation trop floue.
L’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques définit les termes technologiques mais ne précise en rien la notion de haut débit, ce qui laisse aux opérateurs la liberté la plus totale, en particulier celle de décider à quel niveau se situe le curseur du débit suffisant.
Nous souhaitons donc préciser ce que recouvre la notion de haut débit.
L’article L. 35-1 du même code prévoit que le service téléphonique « assure l’acheminement des communications téléphoniques, des communications par télécopie et des communications de données à des débits suffisants pour permettre l’accès à Internet ».
L’expression « débits suffisants » est trop imprécise et ne correspond pas aux attentes des utilisateurs.
Nous avions donc déposé un amendement pour faire admettre une fois pour toute qu’un débit de 2 mégabits par seconde est un minimum pour pouvoir décemment parler de haut débit, mais cet amendement a été jugé irrecevable par la commission de l’économie.
Il en est allé de même pour notre amendement n° 8, qui visait à élargir le contenu du service universel à un débit minimal de 2 mégabits par seconde.
Je tenais à faire mention de ces deux amendements dans cet hémicycle.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er HA.
M. Michel Teston. Le groupe socialiste s’abstient !
Mme Mireille Schurch. Le groupe CRC également !
(L’article 1er HA est adopté.)
Article 1er H
(Non modifié)
L’article L. 34-8-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour réaliser les objectifs définis à l’article L. 32-1, et notamment en vue d’assurer la cohérence des déploiements et une couverture homogène des zones desservies, l’autorité peut préciser, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée les modalités de l’accès prévu au présent article. »
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par MM. Teston, Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Collombat, Courteau et Raoul, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
modalités
insérer les mots :
, notamment financières,
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Cet amendement au moins n’a pas été déclaré irrecevable ! Il tend à prévoir que les modalités financières sont définies par l’ARCEP.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. En matière de mutualisation de la boucle locale hors des zones très denses, le code des postes et des communications électroniques prévoit que, lorsque l’ARCEP précise les conditions d’accès, celles-ci sont considérées d’un point de vue tant technique que financier. Rappelez-vous des débats que nous avons eus sur la mutualisation de la partie horizontale des immeubles pour tenter de définir une répartition équitable des coûts...
Cet amendement est donc satisfait. Dans ces conditions, je demande à M. Teston de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Teston, l’amendement n° 10 est-il maintenu ?
M. Michel Teston. Pour une fois, je vais faire comme si j’étais convaincu… (Sourires.) Une fois n’est pas coutume, je retire cet amendement !
M. Michel Teston. Le groupe socialiste s’abstient !
Mme Mireille Schurch. Le groupe CRC également !
(L’article 1er H est adopté.)
Article 1er
(Non modifié)
Après l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1425-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1425-2. – Les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique recensent les infrastructures et réseaux de communications électroniques existants, identifient les zones qu’ils desservent et présentent une stratégie de développement de ces réseaux, concernant prioritairement les réseaux à très haut débit fixe et mobile, y compris satellitaire, permettant d’assurer la couverture du territoire concerné. Ces schémas, qui ont une valeur indicative, visent à favoriser la cohérence des initiatives publiques et leur bonne articulation avec l’investissement privé.
« Un schéma directeur territorial d’aménagement numérique recouvre le territoire d’un ou plusieurs départements ou d’une région. Sur un même territoire, le schéma directeur est unique. Il est établi à l’initiative des collectivités territoriales, par les départements ou la région concernés ou par un syndicat mixte ou syndicat de communes, existant ou créé à cet effet, dont le périmètre recouvre l’intégralité du territoire couvert par le schéma, en prenant notamment en compte les informations prévues à l’article L. 33-7 du code des postes et des communications électroniques.
« Les personnes publiques qui entendent élaborer le schéma directeur en informent les collectivités territoriales ou groupements de collectivités concernés ainsi que l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes qui rend cette information publique. Les opérateurs de communications électroniques, le représentant de l’État dans les départements ou la région concernés, les autorités organisatrices mentionnées à l’article L. 2224-31 et au deuxième alinéa de l’article L. 2224-11-6, et les autres collectivités territoriales ou groupements de collectivités concernés sont associés à leur demande à l’élaboration du schéma directeur. La même procédure s’applique lorsque les personnes publiques qui ont élaboré le schéma directeur entendent le faire évoluer. »
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, sur l’article.
M. Michel Teston. Il s’agit de l’article consacré à la mise en place des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique.
Ces schémas visent à recenser les infrastructures existantes, à identifier les zones desservies ainsi qu’à définir une stratégie de développement des réseaux. Selon la lettre du texte, ces schémas sont élaborés à l’échelle de la région ou d’un groupe de départements.
On ne peut que souscrire au principe de ces schémas territoriaux, qui représentent des outils essentiels dans l’aménagement du territoire. Cela étant dit, nous sommes entrés dans une phase de réforme des collectivités territoriales, réforme qui risque de modifier considérablement la répartition des compétences entre les collectivités.
Partant de ce constat, et face au manque de visibilité concernant les compétences respectives de chaque échelon de collectivité, il ne nous est pas possible de connaître précisément l’échelon qui sera le plus pertinent pour la mise en place des schémas d’aménagement numérique.
En outre, la question du financement reste pendante, et il n’est pas à exclure que la mise en œuvre de ces schémas ne devienne une charge supplémentaire pour les collectivités, qui doivent déjà assumer le désengagement financier de l’État dans de trop nombreux domaines.
Nous ne contestons donc pas le principe de la mise en place des schémas d’aménagement numérique. Il nous semble simplement que le contexte actuel n’offre aucune lisibilité en matière de compétence et de financement.
Je ne sais pas si tous mes collègues partageront mon avis, mais j’ai cru comprendre que cette incertitude concernant l’avenir des échelons territoriaux dépassait les clivages politiques.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Je ne me prononcerai pas sur la réforme des collectivités. Lorsque nous aborderons le sujet de la clause générale de compétence, certains d’entre nous auront tout loisir de la défendre et pourront d’ailleurs se retrouver à cette fin…
Je souhaite rectifier l’analyse faite par Michel Teston du maillage du territoire prévu par les schémas directeurs. Ce maillage n’a pas changé ; l’Assemblée nationale a repris celui que le Sénat avait défini au mois de juillet : ce peut être un ou plusieurs départements, ou une région. Nous n’avons pas encore tranché entre le niveau départemental et le niveau régional. Je sais que des régions, et même des départements, ont pris cette question à bras-le-corps. Ce choix est donc encore parfaitement ouvert.
Nous avons cependant considéré que la maille minimale devait être le département, car elle permet d’obtenir un effet péréquatif de périmètre. Ce périmètre départemental élémentaire peut en effet comporter des zones relativement denses, comme les chefs-lieux ou les petites villes, et d’autres moins denses, comme les zones rurales.
Le troisième alinéa de l’article 1er est extrêmement clair : il dispose, sans choisir de façon tranchée entre le département et la région, que la maille minimale est le département.
M. le président. L’amendement n° 14, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Après le mot :
couverture
insérer le mot :
intégrale
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Le deuxième alinéa de l’article 1er dispose que les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique recensent les infrastructures et réseaux de communications électroniques existants, et présentent une stratégie de développement de ces réseaux permettant d’assurer la couverture du territoire concerné.
Nous vous proposons d’insérer dans cet alinéa le mot « intégrale » afin d’inscrire dans la loi que ces schémas permettront d’assurer la couverture intégrale du territoire, car c’est une ambition que nous devons acter.
En effet, s’il nous semble intéressant de créer des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, qui permettront de mieux coordonner les initiatives publiques et les investissements privés, et d’investir dans des projets de travaux cohérents avec les besoins de la population et les infrastructures existantes, nous souhaitons qu’aucun territoire ne soit oublié.
La couverture intégrale du territoire m’est d’autant plus chère que je suis l’élue d’un département rural, l’Allier, touché comme tous les départements ruraux par cette fracture numérique, bon nombre de villages n’ayant pas accès au haut débit.
Nous souhaitons donc qu’un réel engagement soit pris et inscrit dans ce projet de loi, afin que tout le territoire bénéficie du déploiement des réseaux de communications électroniques à très haut débit.
La France est en retard dans ce domaine par rapport aux États-Unis ou au Japon. Il faut donc non pas se fixer des objectifs modestes, mais affirmer dès aujourd’hui que nous ferons tout pour que le territoire soit entièrement recouvert par le déploiement des réseaux de communications électroniques.
Toute fracture territoriale en la matière serait insupportable pour nos concitoyens. Cette connexion au réseau numérique à haut débit est tout aussi vitale, aujourd’hui, que le réseau d’électricité ou d’eau. C’est pourquoi nous souhaitons que ce texte garantisse une couverture numérique intégrale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Les schémas directeurs d’aménagement numérique du territoire ont pour principal objectif d’assurer la couverture de la totalité du territoire concerné. Le problème n’est donc pas d’ordre géographique. L’objectif est simplement d’éviter la fracture numérique dans une zone donnée, couverte par le même schéma directeur.
En revanche, la fibre optique ne pourra pas permettre de couvrir l’intégralité du territoire ; je ne peux donc pas vous suivre à cet égard. Dans un certain nombre de départements ou de régions, en effet, le taux de 100 % de couverture de la population ne pourra être atteint qu’en associant fibre optique, satellite et technologie hertzienne.
Je vous demande donc, madame Schurch, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. La couverture intégrale d’un territoire est rarement possible sur le plan technique ; c’est pourquoi nous visons plutôt celle de la population.
Je souhaite donc le retrait de cet amendement, qui ne me semble pas justifié.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
M. Michel Teston. Le groupe socialiste s’abstient !
Mme Mireille Schurch. Le groupe CRC également !
(L’article 1er est adopté.)
Article 4
(Non modifié)
I. – Le fonds d’aménagement numérique des territoires a pour objet de contribuer au financement de certains travaux de réalisation des infrastructures et réseaux envisagés par les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique mentionnés à l’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales.
Le comité national de gestion du fonds est constitué à parts égales de représentants de l’État, de représentants des opérateurs déclarés en application du I de l’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, de représentants des associations représentatives des collectivités territoriales et de représentants des collectivités ou syndicats mixtes ayant participé à l’élaboration de schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique. Ses membres sont nommés par décret.
Le fonds d’aménagement numérique des territoires peut attribuer, sur demande, des aides aux maîtres d’ouvrage des travaux de réalisation des infrastructures et réseaux envisagés par les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique lorsque les maîtres d’ouvrage établissent, suivant des critères précisés par décret, que le seul effort, y compris mutualisé, des opérateurs déclarés en application du I du même article L. 33-1 ne suffira pas à déployer un réseau d’infrastructures de communications électroniques à très haut débit.
Les aides doivent permettre à l’ensemble de la population de la zone concernée par le projet d’accéder, à un tarif raisonnable, aux communications électroniques en très haut débit. Elles sont attribuées par arrêté conjoint du ministre chargé de l’aménagement du territoire et du ministre chargé des communications électroniques pris après avis du comité national de gestion du fonds, en tenant compte de la péréquation des coûts et des recettes des maîtres d’ouvrage bénéficiant des aides sur le périmètre de chacun des schémas directeurs concernés.
Les aides du fonds d’aménagement numérique des territoires ne peuvent être attribuées qu’à la réalisation d’infrastructures et de réseaux accessibles et ouverts, dans des conditions précisées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, après avis des associations représentant les collectivités territoriales et de l’Autorité de la concurrence, et consultation des opérateurs de communications électroniques.
La gestion comptable et financière du fonds d’aménagement numérique des territoires est assurée par la Caisse des dépôts et consignations dans un compte spécifique distinct du compte mentionné au III de l’article L. 35-3 du code des postes et des communications électroniques.
II. – Le fonds d’aménagement numérique des territoires est constitué et les membres de son comité national de gestion sont nommés dans un délai de douze mois après la promulgation de la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, sur l’article.
M. Michel Teston. L’article 4 prévoit la création d’un fonds d’aménagement numérique. Nous ne pouvons que souscrire à l’idée de la prise en charge par ce fonds de certains travaux prévus dans les schémas d’aménagement numérique.
Cela étant dit, force est de constater, encore une fois, que la question du financement n’est pas réglée, loin s’en faut. Alors que la proposition initiale de notre collègue Xavier Pintat prévoyait un mode de financement de ce fonds, la commission de l’économie a modifié le dispositif, ce qui a eu pour conséquence de rendre la question des ressources parfaitement opaque. Si les ressources ne sont pas clairement identifiées et pérennes, que peut-on attendre de ce fonds ?
L’axe 7 des priorités dégagées pour le grand emprunt prévoit la création d’une agence pour le numérique, qui aurait pour objet « de co-investir dans l’économie numérique, en agissant à la fois sur les infrastructures et sur le développement de nouveaux usages et contenus ».
La commission sur les priorités stratégiques d’investissement et l’emprunt national envisage également, dans l’action 16, la création « d’un fonds dédié pour accélérer la transition de la France vers le très haut débit. Ce fonds doté de 2 milliards d’euros [...] aurait pour objectif de soutenir les solutions les plus pertinentes techniquement et économiquement, [...] en complément de l’action des collectivités territoriales ». Doit-on en conclure que l’aménagement numérique du territoire sera financé partiellement par le grand emprunt ?
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce thème ?
Par ailleurs, même si le grand emprunt permettait de financer des infrastructures en complément des crédits des collectivités territoriales, la somme envisagée de 2 milliards d’euros est sans commune mesure avec les besoins estimés pour desservir l’ensemble du territoire national en très haut débit. Il nous a toujours semblé que ce texte devait prévoir, comme le souhaitait d’ailleurs l’auteur de la proposition de loi, un financement suffisant et pérenne dans la durée. C’est le sens de l’amendement n° 12 que nous avons déposé sur cet article 4. Nous en présenterons un autre, ensuite, tendant à la reconnaissance du caractère de fonds de péréquation de ce fonds d’aménagement numérique.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Ce fonds de 2 milliards d’euros doit en fait servir de levier pour atteindre un montant de 6 ou 7 milliards d’euros, au sein d’un ensemble de crédits que nous évaluons à 15 milliards d’euros. Mais même le fait de disposer de cette dernière somme aujourd’hui ne nous permettrait pas d’aller plus vite !
S’agissant de la mise en œuvre du fonds d’aménagement numérique du territoire, je tiens à apporter une clarification. Le cinquième alinéa de cet article 4 prévoit que les aides du fonds ne peuvent être attribuées que pour la réalisation d’infrastructures et de réseaux accessibles et ouverts. Les conditions seront précisées par l’ARCEP, dont c’est le rôle, après une large concertation des collectivités territoriales. Je tenais à préciser ce point, car je sais qu’il est très important pour nombre d’entre vous.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par MM. Teston, Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Collombat, Courteau et Raoul, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer (cinq fois) les mots :
fonds d'aménagement numérique des territoires
par les mots :
fonds de péréquation d'aménagement numérique des territoires
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Comme nous avons déjà eu souvent l’occasion de le dire ici, l’enjeu en matière de haut débit est la péréquation entre les territoires denses, souvent riches, et les territoires peu denses, souvent sans grands moyens financiers.
Nous vous avons déjà fait part de notre ambition de mettre en place un service universel pour le haut débit et le très haut débit. Nous souhaitons que soit étudiée la possibilité d’aider financièrement les ménages qui, tout en maintenant la vie et l’activité dans nos territoires ruraux, risquent d’en payer le prix par une impossibilité d’accéder à internet et à tous les usages, notamment professionnels, qui peuvent en découler.
Vous avez-vous-même, monsieur le rapporteur, approuvé à plusieurs reprises le « caractère péréquateur du fonds ». Mais comment croire vos propos alors que ne se dégage de la proposition de loi aucune règle nette pour la répartition des crédits du fonds, du moins s’il est alimenté ? Le caractère péréquateur de ce fonds doit apparaître clairement dans la loi qui sera adoptée.
L’amendement n° 11 n’a pas une simple portée rédactionnelle. Si vous consentez à l’approuver, mes chers collègues, vous nous montrerez que vous êtes sincèrement décidés à aider les territoires.
Je profiterai de la défense de cet amendement pour élargir mon propos.
La somme de 2 milliards d’euros évoquée est bien sûr insuffisante. En cet instant, je ne sais même pas si elle est garantie. En effet, M. le rapporteur et Mme le secrétaire d’État ont tenu des propos un peu différents sur ce point : M. Retailleau a estimé qu’il s’agissait d’une proposition, alors que Mme le secrétaire d’État a semblé penser que cette somme était déjà acquise.
Quoi qu’il en soit, nous avons besoin d’un système pérenne. Madame le secrétaire d’État, vous appelez de vos vœux la planification. Or, la planification, cela veut peut-être dire qu’il faut 2 milliards d’euros tout de suite parce qu’on ne pourrait effectivement pas dépenser plus. Mais nous devons également étudier de quelle manière atteindre et pérenniser les 15 milliards d’euros.
Les 2 milliards d’euros auraient, selon vous, un effet de levier. Mais vous vous prononcez en quelque sorte à l’aveugle, sans connaître le scénario. Peut-être est-ce parce que vous ne vous projetez qu’à l’horizon de la fin des mandatures législative et présidentielle ? Pour notre part, nous estimons que l’enjeu de cette révolution numérique doit être pérennisé, indépendamment de toute échéance politique. C’est une question majeure pour demain, pour l’avenir et pour nos enfants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Comme en première lecture, la commission est défavorable au changement d’intitulé du fonds, et, par conséquent, à l’amendement n° 11, qui est rédactionnel.
Mais je comprends l’argumentation qui vient d’être développée, et nous souhaitons d’ailleurs tous qu’il y ait une péréquation. Dans le cas présent, l’effet péréquatif sera non seulement dans le schéma, en matière de périmètre, mais aussi dans le fonds, lequel sera alimenté par la ressource publique, et en premier lieu par le grand emprunt.
Il est normal que j’aie parlé de « proposition », parce que nous évoquons pour l’instant ce qu’a proposé la commission Juppé-Rocard.
M. David Assouline. Eh oui !
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Prochainement, le Président de la République sera amené à trancher. Il n’existe aucun écart de langage entre Mme le secrétaire d’État et moi-même. (M. David Assouline fait un signe dubitatif.)
L’effet péréquateur du fonds est très simple. Un décret précisera que ce dernier peut abonder en aides tel ou tel territoire, les opérateurs ne pouvant pas dans ce cas agir seuls, sauf à faire courir des risques au marché. L’effet de péréquation est donc, je le répète, dans le schéma et dans le fonds.
Par ailleurs, le fonds sera géré par un comité national tripartite comprenant, notamment, les collectivités locales, qui pourront déterminer au cas par cas, en fonction de la situation plus ou moins déshéritée de tel ou tel territoire, s’il faut ajuster telle ou telle aide.
Comme en première lecture, la commission est défavorable à l’ajout des mots « de péréquation », qui n’apportent rien de plus.
M. David Assouline. Et rien de moins !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable car, en effet, cet ajout n’apporterait rien.
Je veux revenir sur certains propos qui me semblent erronés. M. Teston a estimé que la division du territoire en trois parties aurait un effet contre-productif à l’égard de la fracture numérique. C’est tout le contraire ! (M. Michel Teston fait un signe de dénégation.) Elle permet justement la péréquation. Pour le Gouvernement, il n’existe aucune priorité temporelle. Il ne souhaite pas « fibrer » d’abord la zone 1, la plus dense, puis la zone 2, et voir ensuite pour la zone 3 ; il veut amener le très haut débit en même temps dans tous les territoires. Pour ce faire, il prend en compte les spécificités des différents territoires, afin de proposer à chacun d’entre eux une solution qui corresponde à sa configuration.
M. Paul Blanc. Tout à fait !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Je vais vous démontrer, mesdames, messieurs les sénateurs, en quoi il y a péréquation. Pour la zone 1, qui est la plus dense, le Gouvernement ne prévoit aucun financement public. Conformément à la loi de modernisation de l’économie, son action se limite à organiser le cadre législatif et réglementaire, de telle sorte que les investissements privés soient sécurisés, ce qui est bien naturel. Mais cela ne se fait que sur investissements privés. Les fonds évoqués ici seront investis dans les zones 2 et 3.
Je veux maintenant revenir, monsieur Assouline, sur le coin que vous essayez d’enfoncer, en vain, entre la commission et le Gouvernement. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Je veux réconcilier tout le monde en citant les propos qu’a tenus M. le Président de la République voilà quelques jours : « Sur le numérique, on sera au rendez-vous. Nous ne voulons pas prendre de retard sur le très haut débit. » Des annonces seront faites en début de semaine prochaine. D’ores et déjà, convenez-en, mesdames, messieurs les sénateurs, les choses se présentent bien !
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.
M. Paul Blanc. Les propos de Mme le secrétaire d’État me satisfont pleinement.
Au-delà des aspects financiers, la loi prévoit de recourir à toutes les technologies utiles – la fibre optique, l’ADSL, le réseau hertzien, le satellite – pour faire disparaître la fracture numérique. C’est, selon moi, un élément fondamental, en particulier pour que nous puissions avancer tous ensemble, à la même vitesse, sans attendre la mise en œuvre d’abord de la fibre optique puis d’autres technologies.
C’est la raison pour laquelle, suivant l’avis de la commission et du Gouvernement, je voterai contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. J’ai bien entendu les propos de Mme la secrétaire d’État. Mais nous avons tous en tête les expériences du déploiement de la télévision analogique – je pourrais en parler longuement – ou de la téléphonie mobile. En réalité, nous savons fort bien que les opérateurs ont investi massivement dans les secteurs enregistrant un retour rapide sur investissement. Si la puissance publique n’apporte pas les moyens financiers nécessaires pour faire en sorte que les zones moins denses progressent au même rythme que les autres, la fracture numérique s’accroîtra forcément entre la zone 1 et les zones 2 et 3.
Tout à l’heure, je suggérais en aparté à Mme la secrétaire d’État de prendre rendez-vous dans deux ou trois ans. Je suis intimement convaincu que, malheureusement, nous ne pourrons que faire alors le même constat au sujet du déploiement du très haut débit que celui que nous avons fait à l’égard du développement de la couverture complémentaire en télévision analogique ou de la couverture du territoire en téléphonie mobile : le déploiement sera forcément inégal sur l’ensemble du territoire.
Par conséquent, il nous paraît nécessaire de reconnaître l’existence d’un fonds de péréquation – nous aborderons ce point tout à l’heure – et de mettre en place un financement pérenne.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Selon M. le rapporteur, l’amendement n° 11 serait rédactionnel et d’ores et déjà satisfait. Mais pourquoi ne pas inverser le raisonnement ? Si la nature de ce texte est seulement rédactionnelle, pourquoi ne pas préciser dans la proposition de loi que le fonds visé est un fonds de péréquation ? Cela n’enlèverait rien au texte !
Depuis le début de ce débat, je ne vois aucune mauvaise volonté de votre part, monsieur le rapporteur. Le débat qui se déroule est serein, et il n’y a pas de bagarre en vue d’empêcher la future loi de voir le jour. S’agissant de cet amendement, la commission et le Gouvernement pensent qu’il est satisfait, alors que l’opposition considère, quant à elle, que cela irait mieux en le disant, et que la précision apportée permettrait d’éviter tout problème. Du coup, ne pas lui donner satisfaction jette le doute sur le caractère uniquement rédactionnel de la disposition en cause !
Comme l’a indiqué Michel Teston, les opérateurs vont forcément investir massivement dans les zones non seulement directement rentables, mais aussi rentables à court terme, et ce d’autant plus que la visibilité à trois ans théorisée dans ce texte va encourager le retour à court terme.
Je n’essayais pas d’enfoncer un coin entre Mme le secrétaire d’État et M. le rapporteur. Je disais simplement que nous débattons comme si la somme de 2 milliards d'euros était inscrite au budget. Or cette somme n’est aujourd’hui confirmée par personne ; peut-être le sera-t-elle dans quelques jours ? Mais entre, d’une part, la déclaration du Président de la République affirmant qu’on ne manquera pas le rendez-vous numérique et que les moyens adéquats y seront consacrés, et, d’autre part, le chiffrage de 2 milliards d’euros proposé par la commission, des surprises peuvent toujours surgir. J’espère en tout cas que cette somme ne sera pas inférieure, car, pour ma part, j’estime qu’elle devrait être nettement plus élevée.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Nous sommes au cœur de la proposition de loi intitulée « lutte contre la fracture numérique ». Pourquoi alors ne dit-on pas que la seule façon de parvenir à cette fin consiste à instaurer une péréquation sur le territoire national ?
L’avis défavorable du Gouvernement et du rapporteur soulève selon moi un problème. Pourquoi ne pas reconnaître que c’est par la seule péréquation que nous lutterons contre la fracture numérique ? De nombreux exemples relatifs à d’autres réseaux nous incitent à la prudence.
Préciser que le fonds d’aménagement numérique des territoires est un fonds de péréquation donnerait de la force et du corps à la présente proposition de loi.
Je m’interroge également sur la pérennité de ce fonds, au-delà des 2 milliards d’euros évoqués aujourd’hui, mais dont nous ne savons pas grand-chose.
L’amendement n° 11, de bon sens, de fond, donne tout son poids à la présente proposition de loi. Par conséquent, je le voterai.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12, présenté par MM. Teston, Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Collombat, Courteau et Raoul, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le fonds d'aménagement numérique des territoires est alimenté par une contribution versée par les opérateurs mentionnés à l'article L. 33-7 du code des postes et communications électroniques calculée sur le chiffre d'affaires.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Cet amendement vise à revenir sur la suppression des ressources du fonds qui a été votée dans cet hémicycle même, lors de l’examen de la présente proposition de loi en première lecture au mois de juillet dernier.
Dans le texte initial, le fonds d’aménagement numérique des territoires était alimenté par des contributions versées par les opérateurs mentionnés à l’article L.33-7 du code des postes et des communications électroniques dans des conditions fixées par décret. C’était une très bonne idée.
S’il est apparu paradoxal à la commission d’entraver l’effort des opérateurs de télécommunications en créant une nouvelle taxe, nous ne faisons pas du tout la même analyse.
Dans son rapport, Bruno Retailleau estimait, cet été, qu’une telle taxe risquerait de « décourager les opérateurs d’investir dans les territoires et d’aboutir ainsi à un effet contraire à l’objectif de la présente proposition de loi ».
Quant à Mme le secrétaire d’État, elle avance qu’une part de l’emprunt national devrait abonder ce fonds, puisque sont en cause des équipements structurants, porteurs de croissance à long terme, qui pourraient être alimentés par des crédits collectés dans le cadre de cet emprunt.
Comme cela vient d’être dit, en particulier par David Assouline, que pèseront les 2 milliards d’euros proposés face aux besoins estimés à environ 30 milliards d’euros sur l’ensemble du territoire national ?
Nous considérons donc qu’une nouvelle taxe est nécessaire pour garantir, grâce au produit qu’elle générera, la pérennité du fonds.
En outre, nous estimons qu’un tel fonds doit disposer de plusieurs sources de financement, et se voir notamment abondé par des contributions versées par les opérateurs. C’est une question de crédibilité.
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le fonds d'aménagement numérique des territoires est notamment alimenté par des contributions versées par les opérateurs mentionnés à l'article L. 33-7 du code des postes et communications électroniques dans des conditions fixées par décret.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Notre collègue Xavier Pintat, qui est à l’initiative de la présente proposition de loi, avait prévu à l’article 4 la création d’un fonds d’aménagement numérique, qui visait à mettre en œuvre des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique à travers le financement de certains travaux d’infrastructures et de réseaux, et ce grâce à des contributions des opérateurs privés.
Or cette disposition a été supprimée en commission lors de la première lecture du texte par la Haute Assemblée, privant ainsi ce fonds de ressources. Nous instituons un fonds, mais nous lui ôtons ses financements !
Aujourd’hui, madame la secrétaire d’État, vous nous promettez que 2 milliards d’euros issus du grand emprunt serviront à alimenter les investissements nécessaires pour les zones 2 et 3.
Or, je le répète, cette somme nous semble bien insuffisante au regard des investissements à venir.
Certains de nos collègues de l’Assemblée nationale ont proposé par voie d’amendement des solutions de rechange pour le financement de ce fonds ; M. Dionis du Séjour, notamment, suggérait l’instauration d’une taxe qui ne porterait pas directement sur les opérateurs privés, mais qui s’appliquerait aux abonnements de communications électroniques, conformément à une proposition formulée par un membre du Conseil économique, social et environnemental.
Madame la secrétaire d'État, vous avez refusé également cette solution, en considérant qu’il serait « dangereux » de taxer les opérateurs privés. En revanche, vous estimez tout à fait raisonnable de les laisser se tailler la part du lion dans les bénéfices liés aux nouvelles technologies ! Le résultat est là : comme souvent, le fonds est resté, mais la taxe a disparu !
Ainsi, le président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, dans un souci de cohérence, a reconnu que ce fonds devrait être supprimé lors de la réunion de la commission mixte paritaire si des financements n’avaient pas été trouvés au cours de la navette. Sur ce point, madame la secrétaire d'État, vous venez de nous rassurer : vous avez dégagé 2 milliards d'euros grâce au grand emprunt, dont nous savons tout de même peu de chose.
Dès lors que nous nous dirigeons vers un vote conforme, nous devons faire preuve de cohérence : soit nous supprimons ce fonds, qui ne sera pas abondé, soit nous faisons contribuer les opérateurs privés.
Il nous paraît juste que ceux qui réalisent des bénéfices dans les secteurs rentables participent au financement de l’accès à ce service dans les zones moins profitables. C’est ce que l’on appelle la péréquation (Marques d’ironie au banc des commissions.), dont nous avons débattu précédemment, et c’est le système qui prévaut pour l’ensemble des services publics ouverts à la concurrence : les obligations de service universel sont financées par un fonds de compensation, lui-même alimenté par l’ensemble des opérateurs.
Pour cette raison, nous proposons à travers cet amendement d’abonder ce fonds avec des contributions des opérateurs privés, sans faire de celles-ci le seul mode de financement du dispositif, pour ne pas exclure, bien entendu, les aides provenant du grand emprunt, c'est-à-dire les 2 milliards d'euros que vous avez évoqués, madame la secrétaire d'État.
Nous espérons que vous conviendrez avec nous qu’il est nécessaire de prévoir des ressources pérennes pour ce fonds, dont la mission est fondamentale, tant l’accès aux nouvelles technologies devient déterminant pour de nombreux aspects de la vie quotidienne de nos concitoyens, notamment dans les territoires les plus reculés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Je reprendrai brièvement l’explication que j’ai déjà donnée au mois de juillet dernier.
Mes chers collègues, il faut savoir ce que nous voulons ! Ces deux grandes régions du monde que sont l’Asie et les États-Unis sont en avance sur l’Europe en ce qui concerne le déploiement de la fibre optique et, surtout, la connexion des foyers à ce réseau.
Aujourd'hui, taxer les opérateurs alors que nous leur demandons de déployer davantage la fibre optique reviendrait à leur annoncer que plus ils feront d’efforts en ce domaine, plus ils devront payer ! Si nous agissons ainsi, nous bloquons le mécanisme des investissements.
C’est une évidence qu’un certain nombre de grands pays occidentaux ont compris : alors qu’ils avaient imaginé des schémas similaires, ils se refusent pour l’instant à les mettre en place, et uniquement pour cette raison.
D’ailleurs, pour l’électricité, le FACÉ, le fonds d’amortissement des charges d’électrification, qui fut créé en 1936, n’a pu instituer une taxe de péréquation que lorsque le réseau eût été déployé. Procéder autrement serait absurde et irait à l’encontre de nos objectifs, car, si les opérateurs bloquent leurs investissements, il reviendra aux collectivités territoriales de financer la totalité du déploiement.
Je considère donc qu’il ne faut certainement pas ajouter une taxe à celles qui existent déjà par ailleurs.
M. David Assouline. C’est votre point de vue ! Nous vous donnons rendez-vous dans deux ans !
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, pour les raisons que j’ai déjà exposées précédemment et que je compléterai en quelques mots.
Je n’ai ici aucune opposition de principe. La péréquation est une belle idée ; elle est utile pour un certain nombre d’aménagements et pourrait, un jour, jouer un rôle dans ce dossier.
Toutefois, au point du cycle d’investissement où nous nous trouvons, cette mesure serait tout à fait contre-productive.
En effet, si nous taxons d’emblée les investissements qui sont en train d’être réalisés, nous aurons pour seul résultat de déplacer les limites, qui sont en cours de définition, entre la zone 1 et la zone 2, d'une part, et la zone 2 et la zone 3, d'autre part.
Ainsi, nous renchérirons les coûts du déploiement de la fibre optique, nous déplacerons les limites de zones pour finalement réduire la zone dans laquelle les investissements purement privés seront rentables. En accroissant la taille des zones 2 et 3, nous augmenterons le volume des financements nécessaires et casserons la dynamique des investissements privés.
Mon opposition n’est donc absolument pas de principe : un jour, peut-être, cette mesure sera possible, mais, aujourd’hui, elle serait certainement contre-productive.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote sur l'amendement n° 12.
M. Hervé Maurey. Nous nous rallierons à la position de la commission et du Gouvernement, mais nous aurions tout à fait pu voter cet amendement, et même en déposer un similaire, comme j’y ai pour ma part pensé.
M. David Assouline. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait, alors ?
M. Hervé Maurey. Je vais vous l’expliquer, mon cher collègue !
Notre choix aurait été d’autant plus cohérent que cette disposition figurait dans le texte initial de la proposition de loi, ce qui montre que la gauche n’a pas le monopole de la taxation des opérateurs ! (Sourires.)
Nous ne voterons pas cet amendement, car, dans quelques instants, je vous en proposerai un autre, dont les dispositions, beaucoup plus ouvertes, permettent d’expérimenter les différentes solutions possibles pour garantir un financement pérenne à ce fonds, auquel, tout comme vous, chers collègues de l’opposition, je suis profondément attaché.
En effet, je le répète, l’un des défauts de ce dispositif est qu’aucun financement durable n’est assuré.
Monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d'État, cessez de prétendre qu’il n’est pas possible de taxer les opérateurs alors que nous passons notre temps à le faire !
Vous affirmez que les opérateurs ne peuvent être mis à contribution pour alimenter ce fonds, mais, depuis le début de l’année 2009 – vous voyez que je ne remonte pas très loin ! –, nous les avons imposés pour financer l’audiovisuel public et nous venons de créer en loi de finances, afin de compenser la suppression de la taxe professionnelle, une taxe sur les pylônes et une autre sur les répartiteurs. Je le répète, j’aurais préféré que ces prélèvements sur les opérateurs servent plutôt à alimenter le fonds et contribuent au développement numérique du territoire !
De grâce, un peu de cohérence ! Soit les opérateurs sont dans une situation telle que nous pouvons les taxer, et alors faisons-le, comme le proposent nos collègues de l’opposition, soit ils ne peuvent supporter une telle imposition, et, dans ce cas, cessons de les mettre à contribution, surtout, je le répète, pour viser des objectifs qui n’ont rien à voir avec leurs missions !
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Pour ma part, je me réjouis des propos de Mme la secrétaire d'État, qui confirment ceux de M. le rapporteur.
Nous souhaitons tous qu’un financement pérenne soit trouvé pour ce fonds, qui est indispensable pour assurer l’accessibilité au très haut débit dans tous les territoires.
Toutefois, nous savons aussi que les opérateurs doivent investir massivement dans les zones où ils pourront gagner de l’argent. Si, demain, ils dégagent des profits dans ces secteurs, il sera naturel que nous établissions une forme de péréquation au bénéfice du fonds. Il s'agit donc d’un problème d’opportunité, et non de principe.
Or, en l’occurrence, nous souhaitons que ce texte soit voté conforme, ce qui accélérerait la mise en place du fonds et éviterait que celui-ci ne soit remis en cause lors de la navette. En effet, ne nous voilons pas la face, mes chers collègues, il y a eu des débats sur ce point à l’Assemblée nationale !
Notre préoccupation à tous était que des engagements soient pris pour l’avenir – Mme la secrétaire d'État l’a fait ce matin – et que nous puissions aujourd'hui voter conforme ce texte sans remettre en cause les avancées qui ont eu lieu et en restant fidèles à la volonté parfaitement exprimée par notre collègue Xavier Pintat, à travers cette heureuse proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Nous sommes au cœur d’un débat tout à fait intéressant. La réalité donnera bientôt raison aux uns ou aux autres, et nous vous fixons donc rendez-vous, chers collègues de la majorité.
Un problème se pose ici : chaque fois que nous débattons du numérique, pour quelque raison que ce soit, on nous oppose l’idée que les opérateurs connaîtraient des difficultés financières. Or il n’en est rien !
Aujourd'hui, il y a bien des secteurs de l’économie qui doivent être aidés. S’il en est un qu’il faut soutenir, certes, mais qui est en expansion continue, en termes tant de couverture du territoire que d’investissements et, surtout, de bénéfices, c’est celui des opérateurs du numérique ! Chaque fois que nous voulons taxer ces derniers, ils affirment que nous allons tuer la nouvelle économie et ceux qui, demain, permettront le développement économique, et ils menacent de se retirer des territoires ! Mais c’est du chantage !
Je veux mettre en garde la représentation nationale contre ces arguments : il n'y a aucun risque aujourd'hui que les opérateurs se retirent. Leurs investissements vont leur rapporter, nous le savons. Ils ne placent pas leur argent à l’aveugle ! Et les financements qu’ils consacrent aux territoires les plus isolés leur profiteront aussi, à un moment ou à un autre, il n'y a aucun doute à cet égard.
Quand Mme la secrétaire d'État affirme que le principe n’est pas en cause, mais que le moment est mal choisi, je la prends au mot sur le premier point et la conteste sur le second : bien sûr que le moment est opportun ! En effet, c’est maintenant que ces investissements qui, à l’évidence, rapporteront bientôt, sont en train d’être réalisés !
Si les opérateurs veulent investir dans les zones rentables, qu’ils contribuent aujourd'hui au fonds de péréquation ! Quand, demain, les bénéfices seront là, ils seront peut-être moins pressés d’aider les territoires les moins directement rentables… Tel est le cœur de notre débat.
En tout cas, dans quelques années – deux au plus –, nous aurons la réponse à nos interrogations, et je pense que l’avenir nous donnera raison.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Madame la secrétaire d'État, c’est maintenant ou jamais !
Si nous ne couvrons pas la zone 3 en même temps que la zone 1, elle restera à la charge des collectivités territoriales, comme on l’a vu trop souvent pour d’autres réseaux. Il faut marier les deux secteurs.
Les opérateurs privés réalisent des bénéfices importants sur la zone 1 ; il faut donc encadrer leurs profits et les contraindre à participer à la couverture de la zone 3 en même temps. Si nous différons de le faire, nous attendrons encore longtemps !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 102 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 16.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Chaque année l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes remet au Parlement, un rapport qui dresse la liste des aides attribuées, de leurs bénéficiaires, et décrit la nature des travaux de réalisation des infrastructures et des réseaux envisagés. Ce rapport fait état de l'avancée des travaux et du calendrier prévu pour leur achèvement ainsi que des prix pratiqués sur les réseaux ainsi financés.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Nous venons d’exprimer nos doutes sur le financement du fonds d’aménagement numérique des territoires. Pour autant, il nous semble important de réaliser un bilan général de l’utilisation de ce fonds, qui prenne en compte plusieurs éléments.
Par expérience, nous connaissons le manque de transparence qui entoure les fonds censés pallier le désengagement de l’État dans le financement des services universels. C’est en effet ainsi que nous considérons le service d’accessibilité à la TNT. Je pense en particulier au fonds postal national de péréquation territoriale, dont il a été largement question dans cet hémicycle voilà peu.
Par cet amendement, nous souhaitons que l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes remette au Parlement un rapport dressant la liste des aides attribuées et de leurs bénéficiaires et décrivant la nature des travaux de réalisation des infrastructures et des réseaux envisagés. Il est selon nous essentiel d’assurer une transparence complète sur les aides attribuées aux maîtres d’ouvrage.
De plus, l’article 4 précise que ces aides doivent permettre à l’ensemble de la population de la zone concernée par le projet d’accéder, à un tarif raisonnable, aux communications électroniques en très haut débit. Or rien ne permet a posteriori de vérifier si cet objectif a été atteint. C’est pourquoi il faut que le rapport fasse état non seulement de l’avancée des travaux et du calendrier prévu pour leur achèvement mais également des prix pratiqués sur les réseaux financés.
Ce rapport devra en outre être remis au Parlement afin que celui-ci puisse détenir les éléments utiles à l’évaluation des législations qu’il adopte. C’est bien le moins si nous voulons que soit respectée la conditionnalité des aides.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles nous vous demandons d’adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
C’est le Gouvernement, et non l’ARCEP, qui attribuera les aides. De la même façon, c’est lui qui pourra informer régulièrement le Parlement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Maurey, Biwer, J. Boyer, Deneux, Dubois, Merceron, Soulage et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans les deux mois suivant l'entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement transmet à l'Assemblée nationale et au Sénat un rapport présentant les solutions qu'il propose pour assurer l'alimentation pérenne du fonds d'aménagement numérique des territoires.
Ce rapport devra notamment examiner et évaluer les différentes ressources possibles, telles que la création d'une contribution des opérateurs mentionnés à l'article L. 33-7 du code des postes et communications électroniques, la création d'une taxe sur les abonnements de communications électroniques, et une péréquation entre les territoires.
Dans les deux mois suivant la remise de ce rapport, une loi de finances rectificative déposée avant le 31 juillet 2010 fixe les ressources affectées au fonds créé par le I afin d'assurer un financement pérenne de l'aménagement numérique des territoires.
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Cet amendement vise à trouver une solution pour qu’un financement pérenne du fonds d’aménagement numérique des territoires soit assuré, ce dont tout le monde convient.
Nous avons beaucoup hésité sur le dispositif à proposer. Plusieurs possibilités s’offraient à nous : soit réorienter la taxe de 0,9 % votée au profit de l’audiovisuel vers ce fonds et présenter à nouveau l’amendement que nous avions déposé en première lecture, soit prévoir une contribution des opérateurs, par le biais d’un amendement du type de celui qui vient d’être défendu, soit, comme cela a été évoqué à l’Assemblée nationale, sur la base d’un avis du Conseil économique, social et environnemental, créer une taxe pour les abonnements à des services de communications électroniques, soit, enfin, instituer une péréquation entre les territoires.
Aucune de ces mesures n’étant satisfaisante, nous proposons un mécanisme ressemblant quelque peu à celui qui a été adopté pour remplacer la taxe professionnelle dans le cadre de la loi de finances pour 2010. Dans les deux mois suivant la promulgation du texte que nous examinons, le Gouvernement transmet à l’Assemblée nationale et au Sénat un rapport présentant les solutions qu’il propose pour assurer l’alimentation pérenne du fonds d’aménagement numérique des territoires. Certes – le rapporteur l’a déjà souligné et nous en avons conscience –, ce délai est un peu court. Si nous pouvons accepter qu’il soit prorogé, il ne paraît guère raisonnable d’aller au-delà de six mois.
Ce rapport devra également mentionner les besoins précis de ce fonds, puisque des incertitudes demeurent. Certains évoquent 22 milliards d’euros, alors que Mme la secrétaire d’État a parlé de 15 milliards d’euros.
Un calendrier devra aussi être prévu. En effet, s’il n’est pas nécessaire de disposer d’emblée de 15 milliards d’euros ou de 20 milliards d’euros, il faut connaître de manière précise les échéances et les besoins en financement à venir et prévoir le dispositif pour y répondre.
Évidemment, nous ne souhaitons pas que ce rapport soit rangé dans une bibliothèque : les préconisations qu’il formulera devront être reprises dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative, afin que la pérennité des financements de ce fonds soit garantie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. La question de l’alimentation du fonds d'aménagement numérique des territoires est effectivement centrale. Si la proposition de la commission présidée par Alain Juppé et Michel Rocard était confirmée, nous disposerions de 2 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien ! Cela nous permettra de commencer, et assurera un effet de levier. Il s’agit d’un point de départ, et non d’un point d’arrivée. Par conséquent, monsieur Maurey, la commission a souhaité que, sous le bénéfice des explications que Mme la secrétaire d’État vous donnera certainement, vous puissiez retirer votre amendement, si vous l’estimez satisfait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous soulevez là un problème important que je ne cherche pas à esquiver.
Je me suis déjà exprimée sur ce sujet. Si l’évaluation de 30 milliards d'euros à 40 milliards d’euros pour fibrer tout le territoire paraît excessive, d’autant qu’une partie de la solution sera forcément d’ordre satellitaire, le Gouvernement estime qu’une quinzaine de milliards d’euros seront nécessaires. Même si les 2 milliards d’euros prévus au travers du grand emprunt ont un effet de levier, ils ne permettront de dégager que 6 milliards d'euros ou 7 milliards d’euros, soit la moitié du montant nécessaire. Certes, cela nous permettra de commencer. Et, comme je l’ai déjà indiqué, nous n’avons pas besoin de plus pour démarrer.
Vous en convenez vous-même, exiger un rapport présentant les solutions permettant d’assurer l’alimentation pérenne de ce fonds dans les deux mois qui suivent la promulgation de ce texte est impossible ; c’est un délai trop court. Nous sommes encore en train de définir l’encadrement réglementaire conforme aux prescriptions de la loi de modernisation de l’économie sur l’investissement privé en zone très dense, ce qui exige des concertations assez longues avec les opérateurs, menées sous l’égide de l’ARCEP.
Monsieur Maurey, je vais vous faire une proposition : au nom du Gouvernement, je m’engage à présenter d’ici au début de l’année 2011, dans un délai que nous essaierons de rendre le plus court possible – mais nous aurons forcément besoin de plus de deux mois ! –, un rapport sur les modalités de financement du très haut débit au-delà des fonds qui seront mobilisés dans le cadre du grand emprunt. J’apprécierais beaucoup que vous acceptiez d’être associé à ce travail. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Il va de soi que ce ne serait pas un rapport pour le simple fait de rendre un rapport ; ce serait un rapport en vue de présenter des propositions, en vue de mobiliser rapidement des fonds supplémentaires, au-delà de cette première tranche pour laquelle – vous en conviendrez – nous avons déjà trouvé quelques solutions.
Dans ces conditions, je serais très heureuse que vous puissiez retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Maurey, l'amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Madame la secrétaire d'État, comment résister à votre proposition ?... (Sourires.)
Certes, le délai de deux mois est un peu ambitieux, mais un an, c’est beaucoup trop long ! Il doit être possible de trouver une échéance raisonnable.
M. Paul Blanc. On peut couper la poire en deux !
M. David Assouline. Discussion de marchands de tapis ! (Sourires.)
M. Hervé Maurey. Je ne veux pas avoir l’air de négocier, mais nous pourrions effectivement couper la poire en deux et prévoir que ce rapport serait remis à la fin du premier semestre de 2010.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Peut-on envisager un point d’étape pour la fin du premier semestre de 2010 et des propositions définitives pour la fin de cette même année ? Il faut tenir compte des délais de négociation avec les opérateurs, qui sont malheureusement assez longs.
M. le président. Monsieur Maurey, que pensez-vous de la proposition de Mme la secrétaire d’État ?
M. Hervé Maurey. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie, et je retire cet amendement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. David Assouline. Vous êtes nommé ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 4 bis AA
(Non modifié)
Dans les six mois suivant la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le fossé numérique, afin d’apporter des précisions quant aux différentes catégories de la population n’ayant ni équipement informatique, ni accès à internet dans leur foyer. Ce document étudie également le rapport qu’entretiennent les « natifs du numérique » avec internet dans le but d’améliorer les connaissances quant aux conséquences, sur le travail scolaire notamment, de l’usage d’internet. Il dégage aussi les pistes de réflexion pour les actions de formation à destination de ces publics et veille également à identifier les acteurs associatifs œuvrant pour la réduction du fossé numérique. Enfin, il établit les conditions de mise en service d’abonnements internet à tarif social.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, sur l'article.
M. Michel Teston. Le groupe socialiste votera cet article. Les dispositions qu’il contient constituent des avancées introduites par l'Assemblée nationale.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4 bis AA.
(L'article 4 bis AA est adopté.)
Article 4 bis A
(Non modifié)
Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Après le 17° de l’article L. 32, il est inséré un 17° bis ainsi rédigé :
« 17° bis Itinérance ultramarine.
« On entend par prestation d’itinérance ultramarine celle qui est fournie par un opérateur de radiocommunications mobiles déclaré sur le territoire de la France métropolitaine, d’un département d’outre-mer, de Mayotte, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin ou de Saint-Pierre-et-Miquelon à un autre opérateur de radiocommunications mobiles fournissant des services de communications mobiles sur réseau public terrestre dans un autre de ces territoires, en vue de permettre l’utilisation du réseau du premier, dit “opérateur du réseau visité”, par les clients du second, dit “opérateur du réseau d’origine”, pour émettre ou recevoir des communications à destination de l’un de ces territoires ou d’un État membre de la Communauté européenne. » ;
2° La section 6 du chapitre II du titre Ier du livre II est ainsi rédigée :
« Section 6
« Dispositions particulières aux prestations d’itinérance ultramarine
« Art. L. 34-10. – Les obligations imposées aux opérateurs par le règlement (CE) n° 717/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2007, concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de la Communauté, s’appliquent aux prestations d’itinérance ultramarine. » ;
3° Au 3° de l’article L. 36-7 et à la première phrase du 1° de l’article L. 36-11, les mots : « du règlement (CE) n° 717/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2007, concernant l’itinérance sur les réseaux publics de téléphonie mobile à l’intérieur de la Communauté et modifiant la directive 2002/21/CE » sont remplacés par les mots : « du règlement (CE) n° 717/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2007, concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de la Communauté ».
M. le président. Je mets aux voix l'article 4 bis A.
M. Michel Teston. Le groupe socialiste vote pour !
(L'article 4 bis A est adopté.)
Article 4 bis
(Suppression maintenue)
Article 4 ter
(Non modifié)
L’article L. 49 du code des postes et des communications électroniques est ainsi rétabli :
« Art. L. 49. – Le maître d’ouvrage d’une opération de travaux d’installation ou de renforcement d’infrastructures de réseaux d’une longueur significative sur le domaine public est tenu d’informer la collectivité ou le groupement de collectivités désigné par le schéma directeur territorial d’aménagement numérique prévu à l’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales, ou, en l’absence de schéma directeur, le représentant de l’État dans la région, dès la programmation de ces travaux :
« – pour les aménagements de surface, lorsque l’opération nécessite un décapage du revêtement et sa réfection ultérieure ;
« – pour les réseaux aériens, lorsque l’opération nécessite la mise en place ou le remplacement d’appuis ;
« – pour les réseaux souterrains, lorsque l’opération nécessite la réalisation de tranchées.
« Le destinataire de l’information assure sans délai la publicité de celle-ci auprès des collectivités territoriales ou groupements de collectivités territoriales concernés ainsi que des opérateurs de réseaux de communications électroniques au sens du 15° de l’article L. 32 du présent code.
« Sur demande motivée d’une collectivité territoriale, d’un groupement de collectivités territoriales ou d’un opérateur de communications électroniques, le maître d’ouvrage de l’opération est tenu d’accueillir dans ses tranchées les infrastructures d’accueil de câbles de communications électroniques réalisées par eux ou pour leur compte, ou de dimensionner ses appuis de manière à permettre l’accroche de câbles de communications électroniques, sous réserve de la compatibilité de l’opération avec les règles de sécurité et le fonctionnement normal du réseau pour lequel les travaux sont initialement prévus.
« Sauf accord du maître d’ouvrage de l’opération initiale sur un mode de prise en charge différent, le demandeur prend en charge les coûts supplémentaires supportés par le maître d’ouvrage de l’opération initiale à raison de la réalisation de ces infrastructures et une part équitable des coûts communs.
« Les conditions techniques, organisationnelles et financières de réalisation de ces infrastructures sont définies par une convention entre le maître d’ouvrage de l’opération et le demandeur.
« Les infrastructures souterraines ainsi réalisées deviennent, à la fin de l’opération de travaux, la propriété du demandeur. Dans le cas d’infrastructures aériennes, le demandeur dispose d’un droit d’usage de l’appui pour l’accroche de câbles de communications électroniques.
« Un décret détermine les modalités d’application du présent article, notamment la longueur significative des opérations visées au premier alinéa, le délai dans lequel doit intervenir la demande visée au sixième alinéa et les modalités de détermination, en fonction de la nature de l’opération, de la quote-part des coûts communs visés au septième alinéa. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 4 ter.
M. Michel Teston. Le groupe socialiste vote pour !
(L'article 4 ter est adopté.)
Article 4 quater
(Non modifié)
L’article L. 2224-35 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après les mots : « au remplacement », sont insérés les mots : « de la totalité » ;
b) À la dernière phrase, le mot : « lui » est remplacé par le mot : « leur » ;
2° Après le mot : « incluant », la fin de la première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « en particulier les câbles et les coûts d’études et d’ingénierie correspondants. » ;
3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les infrastructures d’accueil, d’équipement de communications électroniques, en particulier les fourreaux et les chambres de tirage, peuvent faire l’objet d’une prise en charge financière partielle ou complète par la collectivité ou par l’établissement public de coopération, qui dispose alors d’un droit d’usage ou de la propriété de ces infrastructures dans des conditions fixées par la convention prévue à l’alinéa suivant. Dans le cas où la collectivité est propriétaire des infrastructures, l’opérateur dispose alors d’un droit d’usage pour rétablir ses lignes existantes. » ;
4° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « la participation financière de celui-ci » sont remplacés par les mots : « les modalités de réalisation et le cas échéant d’occupation de l’ouvrage partagé, notamment les responsabilités et la participation financière de chaque partie, » ;
b) Les mots : « ainsi que » sont remplacés par les mots : « et indique ».
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, sur l'article.
M. Michel Teston. Sur cet article, le groupe socialiste s’abstiendra.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. À la suite des discussions que nous avons eues à l’Assemble nationale sur l’évolution du régime législatif en matière d’enfouissement coordonné des réseaux et afin qu’il n’existe pas d’ambiguïté sur la portée des modifications apportées, il me semble utile d’apporter quelques précisions sur cet article et sur l’interprétation qui doit en être faite.
Tout d’abord, l’ajout des termes « de la totalité » – il s’agit de la ligne aérienne – au premier alinéa de l’article L. 2224-35 du code général des collectivités territoriales vise uniquement à préciser les modalités opérationnelles en matière d’enfouissement coordonné : dans le cadre d’une telle opération et dans un but tant d’efficacité que de cohérence, il s’agit de préciser que l’opérateur de communications électroniques enfouit l’ensemble de sa ligne aérienne dans les ouvrages de génie civil créés pour l’enfouissement des lignes électriques et pas uniquement les seuls tronçons reposant sur appuis communs.
Je confirme, comme je l’avais indiqué en proposant cet amendement aux députés, que cette référence à la totalité de la ligne couplée aux autres modifications introduites ne bouleverse en rien ni l’équilibre réglementaire de l’article L. 2224-35 ni l’équilibre financier actuel qui en découle : le support de ligne aérienne d’un réseau public de distribution d’électricité sur lequel un opérateur de communications électroniques est implanté, dit « appui commun », demeure bien le seul critère de déclenchement de l’obligation pour l’opérateur d’enfouir et de participer au financement de l’opération.
Par ailleurs, en l’absence de cette cohabitation avec le réseau aérien électrique, l’opérateur ne sera pas plus qu’aujourd’hui tenu d’enfouir sa ligne ni, a fortiori, de financer l’enfouissement.
Toutefois, et c’est l’innovation apportée par cet article, il deviendra possible à la collectivité territoriale ou au distributeur du réseau public d’électricité, en fonction des participations respectives au financement et des négociations conventionnelles, de détenir un droit d’usage ou de devenir propriétaires des infrastructures d’accueil des réseaux ; si l’opérateur choisit d’en assurer le financement, il continuera, comme aujourd’hui, à en conserver la propriété.
Ces dispositions permettront de rééquilibrer les conditions de propriété par rapport aux conditions de financement qui sont celles de ces fourreaux. Il s’agit d’une mesure de justice à l’égard des collectivités, qui leur donne plus de moyens pour développer leurs politiques en faveur du déploiement des réseaux.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4 quater.
(L'article 4 quater est adopté.)
Article 5
(Suppression maintenue)
………………………………………………………
Article 8
(Non modifié)
I. – Après l’article L. 44 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 44-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 44-1. – Les fournisseurs d’accès à internet qui attribuent à leurs clients une adresse de courrier électronique dans le cadre de leur offre sont tenus de proposer à ces derniers, lorsqu’ils changent de fournisseur, une offre leur permettant de continuer, pour une durée de six mois à compter de la résiliation, à avoir accès gratuitement au courrier électronique reçu sur l’adresse électronique attribuée sous son nom de domaine par ledit fournisseur d’accès à internet. »
II. – Le I s’applique aux contrats en cours à la date de promulgation de la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article 8.
M. Michel Teston. Le groupe socialiste vote pour !
Mme Mireille Schurch. Le groupe CRC-SPG s’abstient !
(L’article 8 est adopté.)
Article 8 bis
(Non modifié)
Avant le 30 juin 2010, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la possibilité de mettre en place une tarification de l’accès à internet en fonction du débit réel dont bénéficient les abonnés.
M. le président. Je mets aux voix l’article 8 bis.
M. Michel Teston. Le groupe socialiste vote pour !
Mme Mireille Schurch. Le groupe CRC-SPG s’abstient !
(L’article 8 bis est adopté.)
Article 9
(Non modifié)
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes remet au Parlement, avant le 30 juin 2010, un rapport décrivant l’état des technologies fixes et mobiles, y compris satellitaires, qui pourront permettre d’augmenter le débit disponible en communications électroniques, et les services que ces technologies permettront de fournir. Ce rapport prend en compte les investissements déjà réalisés, le coût des investissements à réaliser selon la technologie utilisée et la possibilité de réutiliser ces investissements dans le cadre d’une couverture ultérieure des territoires en lignes de communications électroniques à très haut débit. Il propose des scénarios d’augmentation du débit des communications électroniques dans les territoires. Il comporte des éléments relatifs aux conditions techniques, économiques et réglementaires de la résorption des lignes multiplexées, dont la localisation est communiquée, dans les trois mois suivant la promulgation de la présente loi, à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes par les opérateurs déclarés en application du I de l’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques et propriétaires ou exploitants d’un réseau de boucle locale cuivre.
M. le président. Je mets aux voix l’article 9.
M. Michel Teston. Le groupe socialiste vote pour !
Mme Mireille Schurch. Le groupe CRC-SPG s’abstient !
(L’article 9 est adopté.)
Article 10
(Non modifié)
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la question de la neutralité des réseaux de communications électroniques, notamment lorsque ceux-ci bénéficient d’aides publiques.
M. le président. Je mets aux voix l’article 10.
M. Michel Teston. Le groupe socialiste vote pour !
Mme Mireille Schurch. Le groupe CRC-SPG s’abstient !
(L’article 10 est adopté.)
Article 11
(Non modifié)
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la conservation et l’utilisation par les personnes visées aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique des données à caractère personnel des utilisateurs de tels services, et les engagements susceptibles d’être pris par ces personnes permettant une protection accrue de ces données.
M. le président. Je mets aux voix l’article 11.
M. Michel Teston. Le groupe socialiste vote pour !
Mme Mireille Schurch. Le groupe CRC-SPG s’abstient !
(L’article 11 est adopté.)
Article 12
(Non modifié)
Les dispositions du titre Ier de la présente loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
M. le président. Je mets aux voix l’article 12.
M. Michel Teston. Le groupe socialiste vote pour !
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Lucienne Malovry, pour explication de vote.
Mme Lucienne Malovry. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est aujourd’hui impératif d’étendre la couverture numérique sur l’ensemble du territoire afin de résorber les inégalités existantes. Avec l’arrivée du haut débit, il est également essentiel de prévenir la nouvelle fracture numérique. C’est l’objet de la proposition de loi de notre collègue Xavier Pintat, que nous nous apprêtons à adopter.
Ce texte prévoit l’élaboration de schémas locaux d’aménagement numérique et la mise en place d’un fonds de péréquation soutenant le développement de la fibre optique dans les zones rurales les plus isolées, en vue d’irriguer ces dernières en haut débit.
La navette parlementaire a permis de conforter les avancées opérées par notre assemblée, de préciser certaines dispositions et de compléter opportunément le texte. C’est ainsi qu’ont été ajoutées un certain nombre de dispositions relatives à la télévision numérique terrestre, en accord avec le Gouvernement.
C’est pour l’ensemble de ces raisons que le groupe UMP votera cette proposition de loi qui pose les bases d’une nouvelle stratégie pour le développement de la fibre optique, avec l’objectif d’un déploiement rapide pour tous, ouvrant ainsi une porte à l’égalité numérique.
Qu’il me soit permis de féliciter la commission de la culture, de l’éducation et de la communication pour le travail qu’elle a accompli en matière de lutte contre cette fracture numérique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Une étape formidable est franchie aujourd'hui. Elle répond à l’attente justifiée des territoires ruraux, qui mettent de grands espoirs dans l’arrivée du très haut débit. C’est une chance pour ces territoires, qui craignaient que la fracture numérique n’entraîne pour eux un handicap. Un grand bravo, donc, à M. Xavier Pintat ! Je l’ai dit et je le répète, l’expérience en matière d’électricité, avec le fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACÉ, qui a permis de couvrir le territoire, doit rester dans nos esprits.
Madame la secrétaire d'État, répondant aux interrogations des uns et des autres, vous avez pris des engagements forts pour l’avenir.
Nous allons donc voter avec enthousiasme ce texte, qui démontre la capacité d’initiative de la Haute Assemblée. Le Sénat a fait une formidable démonstration à cet égard lors de la dernière discussion budgétaire – et il va continuer ! –, et, ce matin, dans le domaine de l’aménagement du territoire, en prenant en compte les problèmes qui se posent, en particulier dans les zones de montagne où ils sont souvent les plus difficiles à résoudre.
M. Paul Blanc. Bien sûr !
M. Jacques Blanc. Je salue le travail accompli à cet égard par M. le rapporteur et les commissions.
Madame la secrétaire d’État, nous avons enregistré vos engagements. Et c’est parce que nous vous faisons confiance que nous voterons ce texte.
Je propose, pour ma part, que le département de la Lozère, où le conseil général a déjà pris les choses en main, soit le laboratoire expérimental de l’application de la loi Pintat ! (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Au nom du groupe de l’Union centriste, je tiens à remercier Xavier Pintat, à l’origine de cette proposition de loi, le rapporteur Bruno Retailleau, qui a accompli un travail immense, et Catherine Morin-Desailly, qui, au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, a également beaucoup travaillé sur ce dossier. Mes remerciements s’adressent également à Mme la secrétaire d'État, qui a fait preuve, au cours de ces débats, d’écoute, et même d’ouverture d’esprit. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mon groupe votera cette proposition de loi, qui va dans le bon sens. Ce texte permettra en effet de réduire la fracture numérique et d’améliorer la situation quelque peu difficile liée à l’arrivée de la TNT.
Comme l’a dit Jacques Blanc, nous avons fait aujourd'hui du bon travail qui montre, une fois de plus, l’utilité de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Alors qu’il y a tant à faire pour réduire progressivement la fracture numérique jusqu’à la faire disparaître, il n’est pas possible d’être opposé à une proposition de loi visant à lutter contre elle.
Pour autant, devons-nous voter cette proposition de loi ?
M. Hervé Maurey. Oui !
M. Jacques Blanc. C’est clair !
M. Michel Teston. Certes, tout au long du processus parlementaire, ce texte a été renforcé. Une partie relative à la transition vers la télévision numérique a été ajoutée, en juillet dernier par le Sénat, et peu à peu améliorée.
Je citerai, par exemple, l’information des maires des communes non desservies, l’introduction d’une compensation financière pour les collectivités qui mettent en œuvre des solutions permettant d’assurer la réception de la TNT gratuite en clair dans les zones non couvertes,…
M. Paul Blanc. C’est important !
M. Michel Teston. … ainsi que la création d’un second fonds destiné à aider à l’acquisition de paraboles pour les foyers qui ne seront plus desservis lors de l’extinction de l’analogique. (M. David Assouline acquiesce.)
Ces avancées ne peuvent cependant pas dissimuler que l’on n’atteindra pas l’objectif raisonnable d’une couverture hertzienne minimale de 95 % de la population de chaque département.
Quant aux compensations, notamment celle qui est prévue pour les collectivités qui investiront, seront-elles suffisantes ? Nous en doutons beaucoup.
Le même constat peut être fait au sujet des dispositions du titre II.
Le Gouvernement dit vouloir investir grâce aux recettes du grand emprunt, mais il n’accepte pas de prendre un engagement financier dans la durée, ce qui risque de pénaliser les zones 2 et 3, et en particulier cette dernière, par rapport à la zone 1 où les opérateurs pourront investir fortement avec l’assurance d’un retour rapide sur investissement.
Ce texte fait à nouveau l’impasse sur la question, pourtant essentielle, de la mise en place d’un véritable service universel.
Pour ces différentes raisons, les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés s’abstiendront sur cette proposition de loi.
M. Jacques Blanc. Dommage !
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Je tiens à remercier M. Xavier Pintat, auteur de la proposition de loi qui nous est soumise, d’avoir été à l’initiative de ce débat important au sein de la Haute Assemblée.
Nous avons compris, après le passage du texte à l’Assemblée nationale, que la commission de l’économie souhaitait une adoption conforme de cette proposition de loi. C’est pourquoi nos arguments ont été difficilement entendus aujourd’hui, et aucun de nos amendements n’a été adopté. Pourtant, ces derniers visaient à améliorer ce texte en posant deux exigences qui nous tiennent à cœur.
La première est financière : sans ressources pérennes de ce fonds d’aménagement numérique, nous ne pensons pas que la fracture pourra se résorber. Or la lutte contre la fracture numérique est bien au cœur de cette proposition de loi, dont elle constitue l’intitulé. La fracture ne pourra pas non plus être prévenue pour le très haut débit.
Nous avons donc, conformément à l’esprit de cette proposition de loi, telle que déposée par notre collègue Xavier Pintat, émis le souhait que les opérateurs privés contribuent au financement de la péréquation territoriale. Mais, de tout cela, nous ne trouvons aucune trace dans cette proposition de loi.
J’en viens à la seconde exigence : nous avions souhaité, au regard des enjeux liés au maillage de l’ensemble du territoire par des infrastructures numériques, notamment la fibre optique, étendre le service universel des télécommunications au très haut débit. Mais nos amendements à ce sujet n’ont pas été adoptés, l’un d’entre eux ayant même été déclaré irrecevable.
Ce texte conserve des lacunes. Il exclut toute notion de service public et de péréquation territoriale. En ce qui concerne les investissements à long terme à réaliser, il laisse les investissements dans les zones rentables à l’initiative privée – cela ne posera sans doute aucun problème… –, et les investissements dans les zones non rentables aux collectivités locales, lesquelles devront une fois de plus mettre la main à la poche.
Pourtant, les infrastructures de notre pays ont toujours été réalisées par le passé grâce à des efforts financiers extraordinaires de la puissance publique, dans un souci d’intérêt général.
Vous ne souhaitez pas vous engager dans cette voie. En effet, le financement des infrastructures numériques pour les zones 2 et 3, par l’apport de 2 milliards d’euros du grand emprunt, n’est pas à la hauteur des enjeux. C’est une erreur grave, qui se traduira par un renforcement de la fracture numérique dans des territoires déjà en souffrance.
Si je dois formuler une conclusion à l’issue de nos débats, je dirai simplement qu’il est illusoire de penser que cette proposition de loi permettra, malgré ses avancées, de résorber la fracture numérique, qui est pourtant l’objet du texte.
Les critères de l’action publique sont profondément liés aux critères de rentabilité économique et non de service.
On peut donc légitimement craindre que des territoires entiers ne soient laissés à l’écart du progrès lié au développement du numérique, et ce malgré vos assurances, madame la secrétaire d’État. J’ai entendu Christian Estrosi nous donner beaucoup d’assurances sur le service public de La Poste ! Nous vous fixons donc rendez-vous dans quelque temps.
Pour toutes ces raisons, le groupe CRC-SPG ne pourra voter ce texte.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Le médecin que je suis ne peut que se réjouir de voir la réduction d’une fracture, fût-elle numérique ! (Sourires.)
En tout état de cause, la réduction que nous allons voter devrait nous ouvrir de grandes possibilités de développement. Je pense en particulier au domaine de la télémédecine.
J’espère que, tous ensemble, nous trouverons d’autres applications pour ce haut débit, qui est absolument indispensable pour l’aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Monsieur le président, permettez-moi de remercier l’ensemble de la Haute Assemblée, et plus particulièrement M. Pintat, qui a jeté les graines d’une fleur qui s’épanouira, ainsi que les rapporteurs, M. Retailleau et Mme Morin-Desailly. Je tiens à dire publiquement que le Gouvernement s’est beaucoup appuyé sur l’apport de ces derniers, lié tant à leurs fonctions qu’à leur expertise personnelle. Je leur tire un grand coup de chapeau ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Je tiens également à adresser mes remerciements tant à M. Hérisson, qui a dirigé les débats au sein de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qu’à Mme Morin-Desailly, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, et à M. Pintat, à l’origine de cette initiative.
Je remercie le Gouvernement, et plus particulièrement Mme la secrétaire d'État qui s’est montrée très attentive à nos demandes et a accompagné les avancées, nombreuses, de ce texte : la peur de « l’écran noir » est maintenant réduite, s’agissant de la TNT, et les conditions du très haut débit sont développées.
C’est un enjeu d’aménagement du territoire qui nous tient à cœur. C’est aussi un enjeu économique plus global : si demain, la France doit compter, ce sera comme une grande nation numérique, avec ses infrastructures, ses réseaux, ses applications et ses services. Merci à tous d’y avoir contribué ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Monique Papon.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Décès d'un ancien sénateur
Mme la présidente. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jean Huchon, qui fut sénateur de Maine-et-Loire de 1983 à 2001.
4
Concentration dans le secteur des médias
Suite de la discussion et rejet d'une proposition de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à réguler la concentration dans le secteur des médias, présentée par M. David Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 590, 2008-2009).
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’initiative de notre collègue David Assouline doit être saluée pour au moins une raison : elle nous permet d’ouvrir un débat fondamental et salutaire dans une démocratie moderne. En effet, s’assurer de l’indépendance des médias, qui jouent un rôle déterminant dans la construction de l’opinion publique, c’est s’assurer d’un débat démocratique dynamique.
Ce texte me donne l’opportunité de réaffirmer l’attachement de l’ensemble des sénateurs du groupe de l’Union centriste à un secteur des médias indépendant, pluraliste et de qualité. Ces dernières années, nous n’avons cessé de rappeler ces exigences, à l’occasion de la loi sur l’audiovisuel public ou, avant cela, de la loi relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.
Si la question posée par notre collègue est donc parfaitement légitime dans son principe, sa proposition est inappropriée dans les faits, et inopportune dans les circonstances de mutations profondes que nous vivons et de crise que nous traversons.
Cette proposition de loi concerne à la fois l’audiovisuel et les journaux d’information.
Nous avons déjà débattu au sein de cet hémicycle, le 17 mars dernier, du secteur de la presse écrite, qui traverse actuellement une crise aiguë. Il s’agissait alors d’évoquer les raisons de cette crise et de formuler des propositions. Nous avions notamment abordé la question de la concentration dans le secteur des médias.
Pour répondre à notre collègue, notre rapporteur a rappelé dans son exposé que les règles anti-concentration étaient déjà très nombreuses dans notre pays. Je vous renvoie aux conclusions des états généraux de la presse écrite, qui se sont tenus l’an passé, notamment aux conclusions du pôle « Presse et société » et du sous-pôle « Pluralisme, concentration et développement ».
J’ai eu l’honneur, pour le compte de notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication, de participer aux travaux de ce dernier. Je puis témoigner que les professionnels engagés dans la réflexion et l’analyse de ce sujet, dans toute leur diversité, ont jugé que le dispositif anti-concentration résultant des lois de 1986 – la loi portant réforme du régime juridique de la presse et la loi relative à la liberté de communication – n’appelait pas de modification substantielle par voie législative. En 2005, les préconisations du rapport de la commission Lancelot faisaient déjà le même constat.
Ils ont par ailleurs établi que la « concentration demeurait faible en France, malgré de récents regroupements dans la presse quotidienne régionale ». En effet, le secteur de la presse en France est un marché particulièrement éclaté, et ce en dépit des regroupements intervenus dans les années quatre-vingt-dix.
La question de l’indépendance de la presse et des journalistes à l’égard du pouvoir politique et du secteur économique a également été abordée lors des travaux du pôle « Presse et société ». Ce pôle a insisté sur la nécessité de lever ces soupçons et a conclu que « les efforts de rétablissement de la confiance devaient passer par une réflexion et une action propres au secteur de la presse et ne pas impliquer les pouvoirs publics ».
En revanche, nul doute qu’il est nécessaire, comme le préconise Patrick Eveno, qui a dirigé ces travaux, de mettre en place des moyens pour assurer la pleine transparence financière des entreprises de presse afin de clarifier d’éventuels liens économiques avec la puissance publique. Il a évoqué la création d’un observatoire du pluralisme et de la transparence dans les médias.
Sur le fond, les états généraux ont conclu que la clé du rétablissement d’une relation de confiance entre la presse et ses lecteurs était à trouver dans une publicité accrue de l’actionnariat des entreprises de presse.
La proposition de loi paraît donc inappropriée, parce qu’elle est en décalage complet avec tout le travail de fond réalisé dans les mois qui viennent de s’écouler.
Elle est également inopportune et présente des risques. Même si, dans le secteur des médias, on est souvent en présence de grands groupes, l’équilibre de ce secteur économique n’en est pas moins fragile : il a ses contraintes techniques et a besoin d’être encouragé pour que se constituent des groupes capables d’affronter la concurrence internationale.
En tant que législateur, notre rôle est de rechercher en permanence l’équilibre nécessaire entre le pluralisme et l’indépendance des médias, mais aussi leur stabilité économique. Au moment où le monde audiovisuel est confronté à des défis sans précédent, avec le passage au tout numérique, l’arrivée de la télévision numérique terrestre, la TNT, et du global media, au moment où la presse connaît une crise de mutation peut-être encore plus profonde, il est irréaliste de vouloir restreindre la propriété des groupes médiatiques.
Le dispositif que vous proposez, monsieur Assouline, est tellement contraignant que je ne vois pas comment les entreprises françaises de médias pourraient trouver les moyens de financer leur développement.
À coup sûr, ce dispositif appauvrirait un secteur aujourd’hui en pleine mutation. Qui viendrait cofinancer le passage au numérique ? Rappelons que les chaînes auxquelles vous faites lourdement allusion y participent de manière conséquente. Si l’on se contentait des chaînes nationales du service public et de quelques chaînes financées par les collectivités territoriales, l’indépendance serait-elle pour autant garantie ?
Pire, à travers les obligations des chaînes historiques privées en matière d’investissement dans la création, c’est tout un pan du secteur de la création audiovisuelle qui serait alors mis en péril ! Avez-vous conscience, monsieur Assouline, de mettre en danger les artistes ?
Encore une fois, tout cela apparaît en complet décalage avec une offre d’information qui n’a jamais été aussi large et diversifiée dans ses supports !
À cet égard, on soulignera le rôle grandissant – et le mot est faible – joué par internet : l’information est partout sur le réseau. Pour certains, on en arriverait même à une surinformation tant l’offre est foisonnante. Chaque mois, de nouveaux sites d’information et de nouveaux blogs, ouverts par des journalistes mais aussi par des intellectuels ou des politiques, témoignent d’une véritable vitalité démocratique.
En matière de pluralisme de l’information, l’offre papier est multiple et couvre le spectre des opinions. Le système des aides publiques y concourt. Nous venons de voter le budget de la mission « Médias » et nous avons pu noter l’effort conséquent du Gouvernement, les crédits concernant la presse ayant augmenté substantiellement.
L’effectivité de ce principe de valeur constitutionnelle, reconnu par les textes internationaux et européens, est donc mise en œuvre et protégée par la puissance publique.
Afin de garantir l’indépendance rédactionnelle des journaux, comme notre collègue rapporteur le suggère, il est indispensable de renforcer les exigences déontologiques de la profession. L’indépendance des rédactions, sur laquelle se fonde la proposition, doit certes être garantie, mais nous avons aussi parfois le sentiment, en tant qu’élus, que l’information manque de rigueur.
Le renforcement de la formation initiale et continue dans le secteur du journalisme est donc important. Lors des états généraux de la presse, il y a eu quasi-unanimité autour de l’idée d’une formation minimale obligatoire aux spécificités de la profession – notamment en termes de droit et d’éthique – dans les deux premières années d’exercice. Il est indispensable de la mettre en œuvre rapidement.
Il faut d’ailleurs saluer l’élaboration, à l’issue des états généraux, d’un code unique de déontologie des journalistes par un comité de sages réunissant une dizaine de personnalités représentant les journalistes et les éditeurs de presse.
Dans ce domaine, je voudrais insister sur le rôle qu’a exercé et que doit continuer à exercer le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, avec la plus grande vigilance. Cette instance de régulation – dont, je le rappelle au passage, Michel Thiollière et moi-même avons souhaité renforcer les pouvoirs de contrôle au sein de la loi sur l’audiovisuel public – effectue un remarquable travail et mérite de voir ses missions approfondies.
D’ailleurs, monsieur Assouline, ni vous ni le groupe socialiste n’avez soutenu ces amendements en commission mixte paritaire.
M. Paul Blanc. Carton jaune !
Mme Catherine Morin-Desailly. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, si nous pensons que l’indépendance des médias est une priorité absolue, nous sommes très réservés sur la manière dont cette proposition de loi aborde la question, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer.
Par ailleurs, elle fait peser un soupçon sur les médias dont les propriétaires dépendent de contrats publics. J’ajoute que la tonalité hautement polémique de votre intervention, Monsieur Assouline, qui dresse un portrait caricatural de la situation, n’a pas contribué à nous convaincre.
Honnêtement, aujourd’hui, dans un monde où l’offre d’information est très diversifiée, où la compression du temps et de l’espace privilégie l’immédiateté de l’information plutôt que son analyse ou sa hiérarchisation, les enjeux sont ailleurs : ils sont dans l’éducation, le développement de l’esprit critique chez les plus jeunes de nos concitoyens.
En outre, lorsque l’on voit cette sphère informationnelle gonfler à la vitesse de la multiplication des réseaux et la frontière entre les amateurs et les professionnels se faire évanescente sur la Toile, d’autres questions s’imposent.
Mme la présidente. Veuillez conclure, chère collègue.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je conclus, madame la présidente.
Je pense à la fiabilité de l’information, à la protection de la sphère privée, mais aussi au droit à l’oubli.
Il faudra réfléchir aux évolutions juridiques qui accompagneront inévitablement les mutations en cours. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Paul Blanc. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’étonne du rejet pur et simple de notre proposition de loi prôné par le rapporteur, Michel Thiollière. Évacuer ainsi le débat sur un sujet aussi important pour le fonctionnement de notre démocratie est un peu rapide !
M. le rapporteur a fondé le rejet de ce texte sur deux arguments : d’une part, l’indépendance éditoriale, qui serait l’affaire des journalistes et des rédactions ; d’autre part, la non-conformité au droit communautaire d’une incompatibilité générale entre le secteur des médias et celui des marchés publics.
Sur le premier point, vous vous appuyez sur la non-demande d’intervention du législateur dans les propositions des états généraux de la presse. Je ne reviendrai pas sur les conditions d’organisation et de tenue de ces états généraux ni sur leur représentativité.
Mais c’est faire bien peu de cas de la mobilisation, depuis 2007, de la profession journalistique pour une loi favorisant l’indépendance des rédactions. Les sociétés de journalistes de vingt-sept médias ont ainsi interpelé le Président de la République en ce sens.
Plus récemment, le 5 novembre dernier, les syndicats de journalistes, dans une lettre ouverte à M. Nicolas Sarkozy, lui ont notamment demandé « d’accéder à leur demande d’une réforme législative qui viserait à reconnaître enfin l’indépendance juridique des équipes rédactionnelles quelles que soient la forme de presse et la taille de l’entreprise médiatique ».
Pourquoi demander une loi ? Parce que les efforts des journalistes pour intégrer à leur convention collective une charte déontologique sont restés sans effet, du fait même du refus des éditeurs. Parce que le code de déontologie qui vient d’être rendu public, en ne s’imposant qu’aux seuls journalistes sans engager l'ensemble des maillons de la chaîne éditoriale et de la hiérarchie rédactionnelle, n’aura aucun effet.
Écoutons les journalistes lorsqu’ils affirment : « Oui, les journalistes ont le devoir d’informer. Mais, pour ce faire, il faudrait leur reconnaître des droits et des conditions de travail compatibles avec un vrai travail d’investigation et de vérification. Une information de qualité se doit d’être libérée du poids des actionnaires, des fonds de pension, des publicitaires et des politiques. Qu’attend la France pour reconnaître par la loi l’indépendance des rédactions face aux groupes industriels qui contrôlent notre profession ? »
En tant que parlementaires, nous devrions tous nous sentir interpellés. M. le rapporteur ne peut se contenter de recommander à la Haute Assemblée de renvoyer les journalistes à un rapport de force avec leur rédaction, le propriétaire de leur média ou ses actionnaires. Tel ne peut pas être le message du Sénat à l’audiovisuel et à la presse !
Voilà pourquoi un rejet pur et simple de notre proposition de loi est un non-sens. La Haute Assemblée n’a-t-elle aucune proposition à formuler pour garantir l’indépendance de nos médias, de surcroît dans une période où l’interpénétration entre pouvoir politique, économique et médiatique ressurgit avec une acuité nouvelle, et où même la liberté d’expression de nos écrivains semble remise en cause ?
Concernant l’argument juridique, la commission se fonde sur un récent arrêt de la Cour de justice des communautés européennes portant sur une disposition législative grecque qui empêche la participation à un marché public de tout entrepreneur impliqué, directement ou par intermédiaires, dans les médias d’information. Cette décision appelle deux observations.
Premièrement, notre proposition de loi est construite sur un modèle inverse. Nous n’interdisons absolument pas de participer à des marchés publics, nous souhaitons, au contraire, interdire à toute personne détenant plus de 1 % du capital d’une entreprise privée vivant de la commande publique de se voir attribuer une autorisation d’édition d’un service de télévision ou de radio, ou de procéder à l’acquisition, à la prise de contrôle ou à la prise en location-gérance d’un titre de presse.
Deuxièmement, M. Thiollière le précise lui-même dans son rapport : « Dans le dispositif proposé, ces sociétés garderaient les autorisations dont elles ont déjà bénéficié, mais elles ne pourraient pas, par exemple, disposer d’une nouvelle autorisation pour un service de télévision mobile personnelle. » Nous ne nous situons donc pas dans le cadre d’une interdiction générale.
La législation grecque a été jugée disproportionnée au regard de l’objectif recherché, à savoir la garantie du respect du principe d’égalité de traitement des soumissionnaires et de transparence des marchés publics. Pour notre part, nous entendons défendre un principe de valeur constitutionnelle, celui du pluralisme des courants d’expression : cela implique que les téléspectateurs, les auditeurs et les lecteurs soient à même d’exercer leur libre choix, sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions.
Dans ces conditions, dans la mesure où le dispositif proposé vise un objectif tout autre, rien ne permet d’affirmer a priori qu’il serait jugé comme disproportionné.
Pour conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’aimerais insister sur un point : en opposant une fin de non-recevoir à notre texte, le Sénat signifierait que l’indépendance des médias est un non-sujet. Il me semble particulièrement dommageable que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication adresse un tel signal à ceux de plus en plus nombreux qui, dans le contexte actuel, doutent légitimement de l’indépendance de nos médias. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souscris à la position de M. le rapporteur, qui a démontré le caractère inadéquat de la proposition de loi que nous examinons.
Notre collègue David Assouline et le parti socialiste s’émeuvent d’une concentration croissante des médias français. Selon les termes de la proposition de loi, le « contrôle » économique de certains médias ferait « nécessairement naître des doutes sur [leur] degré réel de liberté et d’indépendance ». De ce fait, le pluralisme de l’information ne serait pas garanti, aussi bien pour la télévision et la radio que pour le secteur de la presse.
Ce jugement peut surprendre quand on sait que notre pays a adopté un dispositif particulièrement protecteur du pluralisme – d’ailleurs reconnu comme un principe à valeur constitutionnelle – et de l’indépendance des médias.
En ce qui concerne la télévision et la radio, de nombreux articles de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ont fixé des règles anti-concentration précises. Ainsi, la part qu’une même personne peut détenir dans le capital de sociétés de l’audiovisuel est limitée, le cumul d’autorisations de services de radio et de télévision réglementé et la concentration multimédia restreinte. Il faut également souligner que le CSA, in fine, est le garant du respect du pluralisme : il dispose, à cet effet, de pouvoirs d’enquête réels.
En ce qui concerne la presse, on trouve des restrictions à la concentration dans la loi du 30 septembre 1986 précitée, ainsi que dans la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse.
Il existe actuellement une certaine crise de confiance à l’égard de ce secteur, ce qui nous invite à la réflexion. Et je partage le sentiment de M. le rapporteur quand il estime nécessaire de privilégier un renforcement de l’information accessible au grand public sur l’actionnariat des entreprises de presse, dans une démarche de transparence accrue s’accompagnant du respect par la profession de règles déontologiques fondamentales. Telles sont d’ailleurs les préconisations que les états généraux de la presse, réunis l’an dernier, ont formulées, la profession n’ayant pas jugé utile de proposer la modification du dispositif anti-concentration.
Après avoir présenté la réglementation française, je souhaiterais examiner la réalité du paysage médiatique de notre pays aujourd’hui.
En conclusion de son rapport remis en 2005, la commission Lancelot écrit ceci : « La commission n’a pas vu dans l’état actuel de la concentration dans les médias une menace directe pour le pluralisme et la diversité. » Elle relève ainsi que « la liberté de choix [pour le consommateur] a globalement progressé depuis une dizaine d’années ».
Dans le secteur de la télévision, l’offre, qui, comme chacun sait, se réduisait à trois chaînes publiques il y a vingt ans, a littéralement explosé à la suite du lancement de la TNT – dix-huit chaînes – et du développement du câble, du satellite et de l’ADSL. Les téléspectateurs ont aujourd’hui le choix entre plusieurs chaînes d’information en continu.
Ce qui est vrai pour la télévision l’est aussi pour la radio : le paysage radiophonique est également très varié. La moitié des opérateurs privés relèvent du secteur associatif, qui assure une mission de « communication sociale de proximité », pour reprendre les termes de la commission Lancelot, contribuant grandement à la diversité des programmes.
En ce qui concerne la presse, l’offre éditoriale s’est réduite, mais reste très diverse. Il faut souligner l’émergence d’une presse gratuite. Les éditions dominicales rencontrent également un succès grandissant, le nombre de titres de la presse quotidienne du septième jour étant passé de dix-neuf à trente-cinq en dix ans. La révolution technologique a créé un nouveau support, internet, qui donne accès à tout ou partie du contenu des grands journaux étrangers et diversifie considérablement les sources d’information disponibles. La multiplication des blogs contribue également à ce mouvement.
Il ressort de cette analyse que le public est bien en situation d’exercer un choix.
Certes, dans chaque segment, quatre ou cinq groupes se détachent des autres intervenants. Mais, toujours selon la commission Lancelot, « une telle configuration n’est pas nécessairement mauvaise en termes de pluralisme, les poids relatifs des uns et des autres s’y équilibrant davantage que lorsqu’un leader unique domine une concurrence émiettée ».
De plus, je tiens à souligner que M. Assouline semble occulter la réalité économique mondiale.
M. David Assouline. Bien sûr…
Mme Colette Mélot. Ne l’oublions pas, les médias français ont du mal à s’imposer face à de grands groupes étrangers. Il faut penser les médias en termes non pas seulement politiques, mais également économiques, en raisonnant par rapport à la taille critique de l’entreprise et à sa rentabilité.
M. Jean-Jacques Mirassou. Ah ! Nous y sommes !
M. David Assouline. J’attends que vous me donniez un cours, madame !
Mme Colette Mélot. Nous devons, bien évidemment, rester vigilants sur la question de l’indépendance des médias. Ce débat est, me semble-t-il, l’occasion de le rappeler. C’est désormais chose faite.
Cependant, le groupe UMP n’adhère en aucune façon à la vision négative du parti socialiste et suivra donc l’avis de la commission en votant contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean-Jacques Pignard applaudit également)
M. Paul Blanc. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, puisque trois minutes seulement m’ont été octroyées, je ne pourrai livrer qu’un simple témoignage. Mais je ne voulais pas laisser passer ce débat sur la presse sans intervenir, ayant malheureusement manqué le débat budgétaire sur la mission « Médias ».
Notre collègue David Assouline, avec le talent qui est le sien et son objectivité toute personnelle (Sourires sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste) a posé une vraie question, ce qu’a reconnu d’ailleurs M. Thiollière à la page 21 de son rapport.
Monsieur le ministre, votre réponse, le 17 novembre dernier, était fort opportune, proportionnée dans la forme et parfaite quant au fond, eu égard au sujet qui nous préoccupe. Je l’avais écoutée avec beaucoup d’attention et j’ai même lu entre-temps le compte rendu qui en a été fait.
Il n’en demeure pas moins vrai que le débat sur la concentration des médias doit être posé, même si, sans doute, il convient d’éviter certains termes, tel celui de « bétonneur ».
Ne devrait-on pas sérieusement revoir le statut des patrons de presse lorsqu’ils occupent ou souhaitent occuper des mandats parlementaires, ou plus simplement les fonctions de simple conseiller général, demain conseiller territorial ? (M. Jean-Jacques Mirassou ironise.) Ce faisant, ils disposent ou disposeraient, au niveau local, d’un outil au service de leur mandat et, partant, d’un réel pouvoir de nuisance au détriment de concurrents éventuels.
La situation dans le sud-ouest de la France…
Mme Nathalie Goulet. … nous en offre un exemple parfait. Et que penser de ce grand quotidien national du matin, dont les éloges ne doivent pas être si flatteurs tant il est vrai que la liberté de blâmer l’action présidentielle et gouvernementale y est réduite à sa plus simple expression ? (M. Paul Blanc s’exclame.)
Dans le grand Ouest, le groupe Ouest-France est propriétaire de plus de soixante hebdomadaires. Il s’agit, certes, d’un journal historique, dont la ligne éditoriale n’est pas sujette à critique, mais une telle quantité d’hebdomadaires laisse tout de même peu de place à la concurrence et à la diversité.
Internet n’est pas la réponse. Nous sommes nombreux ici à être originaires de départementaux ruraux. Le débat de ce matin sur la fracture numérique nous a encore donné un bel exemple des carences observées en la matière, puisque certains territoires n’ont toujours pas accès au très haut débit. De toute façon, les lecteurs ne sont pas tous habitués à lire la presse sur un écran.
Dans mon département, outre le quotidien Ouest-France, six hebdomadaires appartenant au même groupe et diffusant les mêmes articles se « partagent » 293 000 habitants.
Autre sujet de débat, l’intervention de l’État. À ce titre, les crédits budgétaires du programme 180 de la mission « Médias » relatif aux aides à la presse représentent au moins 180 millions d’euros, auxquels s’ajoutent les montants attribués au titre du plan de relance.
Nous l’avons vu, l’indépendance de la presse est évidemment un gage de sa neutralité.
Monsieur le ministre, je tiens également à vous parler de l’AFP, qui a récemment signé avec l’État un nouveau contrat d’objectifs et de moyens.
Il importe de vérifier l’utilisation des aides à la presse et de conditionner leur versement à la formulation d’objectifs et de moyens. La déontologie est l’une des conditions à respecter par l'ensemble des journalistes : un code de déontologie existe depuis 1939 et le syndicat des journalistes vient de proposer le sien. Point n’est donc besoin d’un autre Grenelle ou de nouveaux états généraux pour connaître les droits et obligations des journalistes, notamment en matière de protection de la presse et de diffamation.
Le droit de la presse n’étant pas un sujet tabou, je ne saurais terminer mon propos sans évoquer l’heureuse initiative de nos collègues Anne-Marie Escoffier et Yves Détraigne sur la protection de la vie privée sur internet. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que nous engagions, dans cet hémicycle, un vrai débat sur le droit de la presse et, notamment, le respect de la vie privée.
M. Jean-Jacques Mirassou. Vous avez raison !
Mme Nathalie Goulet. Je sais qu’il a toutes les chances d’être d’une aussi bonne tenue que celui que nous avons eu récemment sur la numérisation des bibliothèques. C’était un parfait exemple de ce que cette maison est capable de faire, c'est-à-dire travailler sérieusement en évitant de tomber dans les excès ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons touché juste, si j’en crois la dureté inhabituelle des mots de M. le rapporteur et le lyrisme hostile de M. le ministre, évoquant, pêle-mêle, un « procès d’intention », une « doctrine autoritaire », le « pavé de l’ours » ou la « démagogie ».
Pour couper démocratiquement le lien entre l’État et l’information, il avait été fait le choix – contestable – de la privatisation et du financement par de grands groupes industriels, sans prendre la précaution d’éviter les intérêts liés.
M. Thiollière a, dans sa réponse, fait l’amalgame entre le financement public, qui rend libre, et la dépendance de la commande publique, qui peut rendre obligé. Cela n’a rien à voir !
Désormais, ce n’est plus le savoir-faire, le métier qui comptent, c’est le capital.
Les vendeurs d’eau, d’armes, d’avions ou de bétons contrôlent des canaux audiovisuels ou des titres de presse. En contrôlent-ils les contenus ? Le rapporteur a estimé le débat « opportun » mais la « confiance » lui suffit. Pourtant, la confiance dans la mise en concurrence a bien été trahie par le nivellement par le bas des programmes, l’uniformisation de l’information dissimulée par la variété des titres.
Nous avons confiance dans la déontologie des journalistes, mais les conditions qui leur sont faites les mettent sous tension quand ils font preuve d’indépendance, ou même formulent des critiques ou des doutes quant aux choix du pouvoir. Ils sont vulnérabilisés. Faut-il vous rappeler le licenciement d’un cadre de TF1 ayant eu l’audace d’émettre des doutes auprès de sa députée UMP sur la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite loi HADOPI ?
Le code de déontologie que vous avez évoqué, monsieur le ministre, ne met pas en avant la responsabilité des éditeurs, et passe sous silence les conditions de travail et les pressions qui en découlent. Même en oubliant certaines proximités familiales et amicales avec le chef de l’État, nous ne pouvons faire nôtre la confiance que vous prônez avec les grands groupes.
Les principes de séparation des pouvoirs et des rôles sont les bases de la démocratie : la République a confiance dans ses médecins, mais elle limite leur mission à la prescription et leur interdit de vendre des médicaments. La France a confiance dans ses procureurs, mais elle est plus tranquille quand des juges d’instruction indépendants construisent le dossier.
Après les principes, il y a l’expérience. Souvenez-vous de TF1 écrivant dans son Livre blanc le brouillon de la loi sur l’audiovisuel. Souvenez-vous de Bouygues condamné à verser 42 millions d’euros pour entente de prix avec les autres opérateurs de téléphonie mobile. Souvenez-vous du rapport de la Cour des comptes, à l’été 2009, pointant les sondages d’opinion commandés par l’Élysée : la société des rédacteurs du Figaro a contesté qu’on les expurge avant publication.
Seules les règles peuvent éloigner le risque de dépendance des rédactions, les risques de comportements trop zélés ou d’autocensure.
Car elle peut venir vite, l’autocensure ! Quand les prisons de toute une nation vous sont confiées pour 48 millions d’euros par an, vous n’avez pas envie de parler de « politique répressive ». Quand de complaisants arbitrages publics sur les agrocarburants ou sur les véhicules électriques accompagnent vos 100 000 hectares de palmiers à huile ou vos batteries de deuxième génération, alors que vous possédez Direct matin, Direct soir, la chaîne Direct 8, la moitié de Metro et un tiers de 20 Minutes, nous n’y lisons pas que le Grenelle a été en partie trahi. Quand Le Figaro vante le Rafale comme étant « le meilleur avion du monde », ou qu’il insiste sur le futur contrat « historique », on cherche presque au bas de la page le bon de commande !
La fragilité financière de la presse écrite, la baisse des recettes bouleversent le paysage et appellent à rénover la loi anti-concentration de 1986. La position d’industriel-communicant obligé n’est pas déontologique. TF1 contrôlée par Bouygues, Lagardère – Europe 1, Paris Match – actionnaire d’EADS mais aussi administrateur de LVMH – La Tribune –, propriété du groupe Arnault, lui-même actionnaire de Bouygues : plus que de la concentration, c’est un carambolage ! (M. Alain Gournac s’exclame.)
C’est la démocratie qui vacille. Le peuple n’a plus confiance. Il faut des règles. La rupture avec les intérêts liés ouvrirait des opportunités.
Monsieur le ministre, dans vos critiques, vous avez employé un adjectif que nous ne récusons pas : « anachronique », avez-vous dit. Oui, nous préparons demain, nous sommes, à cet égard, anachroniques et nous remettons en cause les recettes spéculatives d’hier ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, est-il anachronique, comme vient de le dire à l’instant notre collègue Marie-Christine Blandin, de lutter contre la concentration des médias en défendant la démocratie ?
Personne ne songerait à s’insurger contre ce principe, mais quand il s’agit de le mettre en application, ce sujet semble véritablement poser problème, y compris au sein de notre assemblée.
Pourtant, à l’issue des états généraux de la presse, Nicolas Sarkozy avait, en janvier dernier, annoncé une batterie de mesures destinées à soutenir un secteur qu’il invitait alors fermement « à se réformer, tant dans ses contenus éditoriaux que dans ses méthodes de gestion ».
L’objectif, il est vrai, était séduisant sur le principe, les moyens d’y parvenir un peu plus douteux, surtout si l’on se fonde sur les trente-quatre recommandations formulées dans son rapport par la secrétaire nationale de l’UMP, Mme Giazzi. Dans ce rapport, remis le 11 septembre 2008 à Nicolas Sarkozy, elle prônait notamment une libéralisation tous azimuts du paysage médiatique avec, au passage – ce n’est pas le moindre des détails –, l’ouverture du capital de l’Agence France-Presse pour en faire une société anonyme et l’assouplissement des « verrous » anti-concentrations… Cela laisse pantois !
On connaît par ailleurs les rapports que le Président de la République entretient avec la presse, rapports qui allient alternativement la stigmatisation, l’intimidation et un mélange de complicité séductrice : jugements péremptoires, parfois méprisants sur les programmes de la télévision publique, attaques frontales contre le directeur d’un quotidien lors d’une conférence de presse, intervention auprès de l’actionnaire d’un hebdomadaire entraînant de facto le départ du patron de la rédaction…
À n’en pas douter, Nicolas Sarkozy veut que la presse se réforme. Le seul problème, c’est qu’il aimerait bien la réformer lui-même, à son idée et peut-être même à son bénéfice personnel, ou en tout cas au bénéfice de ses amis, propriétaires – on le sait – d’une grande partie des médias de notre pays.
C’est pourquoi nous défendons aujourd’hui cette proposition de loi qui vise à réguler la concentration dans le secteur des médias.
Si le Président de la République, en l’espèce, joue de son influence directe, de nombreuses entreprises d’édition, de presse écrite ou de télévision à forte audience sont économiquement contrôlées par des groupes financiers ou des industriels privés, non seulement proches du pouvoir mais également dépendants des commandes publiques.
Ces relations font naître des doutes sur le degré réel de liberté et d’indépendance des titres de presse ou des chaînes de radio ou de télévision concernés, d’autant que ces groupes sont eux-mêmes liés entre eux.
Je rappelle à mon tour que Lagardère détient une participation de 10 % dans la société européenne EADS, dont il a été l’un des cofondateurs.
Aussi avons-nous proposé de fixer des règles anti-concentration qui seraient de nature à garantir l’effectivité des principes de liberté, de pluralisme et d’indépendance des médias.
Cette proposition n’est pas sortie de nulle part. Elle vient optimiser l’existant et contrecarrer les velléités actuelles de ceux – ils sont nombreux – qui rêvent de médias « à la Murdoch ».
La volonté du Président de la République de voir émerger du « Grenelle » de la presse de grands groupes de médias français, de taille européenne, susceptibles de concurrencer les Anglo-Saxons est du reste révélatrice.
Bien au contraire, si l’on veut sauvegarder le pluralisme de l’information, il est capital de renforcer les dispositifs anti-concentration.
C’est avec les citoyens de ce pays, avec tous ceux qui entendent défendre la liberté de l’information et la démocratie, qu’au-delà des clivages politiques et syndicaux, le Syndicat national des journalistes avait appelé à la résistance contre les effets dévastateurs de la concentration dans les médias.
Contre-pouvoirs nécessaires, bien réels, les médias doivent exercer leur mission en toute indépendance, et il nous faut éviter ce que l’on pourrait appeler « les liaisons dangereuses ».
Mais le Président de la République, encore lui, n’aime pas les contre-pouvoirs, et les exemples sont nombreux. Voilà quelques semaines, monsieur le ministre, avant que vous soyez nommé, le Président de la République s’était donné les moyens de nommer lui-même le président de France Télévisions, ce qui est profondément révélateur.
Je l’ai déjà dit, nous assistons malheureusement à une grave dérive du quinquennat. En France, on a beaucoup stigmatisé le système clanique mis en place par Silvio Berlusconi pour contrôler l’opinion grâce à un dispositif qui est en passe de contaminer notre pays. Aussi est-il fondamental de sauvegarder l’indépendance des médias et, à cette fin, il nous faut contrecarrer leur financiarisation.
Cette proposition de loi a pour objet, comme l’a rappelé mon collègue David Assouline, d’interdire le cumul – avéré en France – de l’activité d’éditeur dans les médias avec celle d’entrepreneur agissant dans le cadre de la commande publique. Cela permettrait d’éviter les conflits d’intérêt entre ces deux types d’activités et, en même temps, de garantir le respect des principes de liberté, de pluralisme et d’indépendance des médias.
Oui, l’information est multifacettes mais internet, s’il constitue une nouvelle voie d’expression, ne saurait apporter, à lui seul, la solution à tout. C’est la raison pour laquelle j’invite notre assemblée à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. À la suite de ce débat très intéressant qui s’est déroulé sur deux séances différentes, je voudrais remercier M. le président de la commission de la culture et M. le rapporteur, Michel Thiollière, pour la qualité de leur écoute et de leurs travaux, ainsi que M. David Assouline pour le grand intérêt de son intervention, où j’ai retrouvé, une fois de plus, l’acuité de jugement, le talent et la courtoisie qui le caractérisent.
La question posée par M. Assouline, qui est celle de la protection de l’objectivité et de la liberté à travers les médias, est assurément très intéressante. Mais la réponse apportée me semble erronée. C’est pourquoi, dans mon intervention liminaire, j’avais fermement rejeté la réponse qu’il apportait à une question judicieusement posée.
Peut-être mes propos ont-ils paru un peu vifs. Au fond, ils s’inscrivaient exactement dans la ligne de L’Ours et l’amateur des jardins, fable bien connue de La Fontaine, et je ne crois pas avoir outrepassé les limites de la courtoisie en sacrifiant au goût que nous avons tous pour la langue française.
Je tiens également à remercier Mme Catherine Morin-Desailly, qui, une fois de plus, a apporté une contribution tout à fait intéressante à ce débat, ainsi que MM. Serge Lagauche et Jean-Jacques Mirassou, Mmes Colette Mélot, Nathalie Goulet et Marie-Christine Blandin.
J’ai, une fois encore, été très frappé par la qualité et la vivacité des débats, qui témoignent de l’intérêt de débattre au sein de cette assemblée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, la commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
CHAPITRE Ier:
DE LA RÉGULATION DE LA CONCENTRATION DANS LE SECTEUR DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE
Article 1er
Après l’article 41 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 41-1 A ainsi rédigé :
« Art 41-1 A — Afin de prévenir les atteintes au pluralisme, aucune autorisation relative à un service de radio ou de télévision ne peut être délivrée à une personne appartenant à l’une des catégories suivantes :
« 1° les sociétés, entreprises ou établissements jouissant, sous forme de garanties d’intérêts, de subventions ou, sous forme équivalente, d’avantages assurés par l’État ou par une collectivité publique sauf dans le cas où ces avantages découlent de l’application automatique d’une législation générale ou d’une réglementation générale ;
« 2° les sociétés ou entreprises dont l’activité est significativement assurée par l’exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de l’État, d’une collectivité ou d’un établissement public ou d’une entreprise nationale ou d’un État étranger ;
« 3° les sociétés dont plus d’un pour cent du capital est constitué par des participations de sociétés, entreprises ou établissements visés aux 1° et 2° ci-dessus.
« De même, est interdite, à peine de nullité, l’acquisition, la prise de contrôle ou la prise en location-gérance d’une personne titulaire d’une autorisation relative à un service de radio ou de télévision par les sociétés, entreprises ou établissements visés aux 1°, 2° et 3° ci-dessus.
« La prise de contrôle mentionnée à l’alinéa précédent s’apprécie au regard des critères figurant à l’article L. 233-3 du code de commerce ou s’entend de toute situation dans laquelle une personne physique ou morale ou un groupement de personnes physiques ou morales aurait placé un service de radio ou de télévision sous son autorité ou sa dépendance. »
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. À ce moment du débat, je voudrais dire pourquoi la commission n’a pas élaboré de texte et a rejeté l’article 1er.
Elle s’est tout d’abord s’interrogée sur l’effectivité du dispositif. Il est en effet extrêmement difficile de déterminer quelles chaînes seront concernées. Pour la bonne application de la mesure, il faudrait un outil de suivi permanent non seulement de l’actionnariat de toutes les chaînes mais aussi de l’ensemble des contrats qu’elles passent avec des partenaires publics, ce qui est indéniablement compliqué.
Mais parviendrait-on à appliquer cette mesure qu’elle ne serait pas légitime pour autant, et c’est bien le fond du problème. Une bonne partie des Français a déjà accès à dix-huit chaînes de télévision, l’immense majorité d’entre eux en disposera à la fin de l’année 2011. Tout le monde s’accorde à considérer que le pluralisme à la télévision n’a jamais été si bien respecté en France.
Nous avons accès à plusieurs chaînes d’information, à des chaînes généralistes, à tous types de programmes gratuitement depuis chez nous et sur tout le territoire, sans compter la radio et l’utilisation massive d’internet. Les Français n’ont ainsi jamais eu autant de sources d’information disponibles.
Par ailleurs, rien ne prouve que la propriété de chaînes de télévision et de radio par des groupes liés à la commande publique est moins favorable au pluralisme que la propriété de ces chaînes par d’autres entreprises, certes indépendantes de la demande publique mais pas d’intérêts privés particuliers. Ou alors faut-il empêcher aussi ces derniers de posséder une chaîne ! Le pluralisme, c’est avant tout la pluralité des acteurs, et cette proposition de loi, en raréfiant les sources de financement, met en fait à mal cet objectif.
Au final, la commission a l’impression qu’on se trompe de combat. Je tiens à dire que, pour nous, cette question n’est pas un non-sujet, c’est au contraire une vraie question de fond, dont il est tout à fait normal que le Sénat débatte. Mais ne jetons pas une suspicion malvenue sur l’indépendance des journalistes de notre paysage médiatique, qui nous semble tout de même incontestable.
Nous vivons dans un régime de démocratie et de liberté : la presse en est un élément essentiel, et son indépendance et sa liberté peuvent être assurées sans recourir aux mesures extrêmes préconisées par M. Assouline. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Alain Gournac. Eh oui !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er n’est pas adopté.)
CHAPITRE II :
DE LA RÉGULATION DE LA CONCENTRATION DANS LE SECTEUR DE LA PRESSE
Article 2
Après l’article 11 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, il est inséré un article 11-1 ainsi rédigé :
« Art. 11-1 — Est interdite, à peine de nullité, l’acquisition, la prise de contrôle ou la prise en location-gérance d’une publication imprimée d’information politique et générale par toute personne appartenant à l’une des catégories suivantes :
« 1° les sociétés, entreprises ou établissements jouissant, sous forme de garanties d’intérêts, de subventions ou, sous forme équivalente, d’avantages assurés par l’État ou par une collectivité publique sauf dans le cas où ces avantages découlent de l’application automatique d’une législation générale ou d’une réglementation générale ;
« 2° les sociétés ou entreprises dont l’activité est significativement assurée par l’exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de l’État, d’une collectivité ou d’un établissement public ou d’une entreprise nationale ou d’un État étranger ;
« 3° les sociétés dont plus d’un pour cent du capital est constitué par des participations de sociétés, entreprises ou établissements visés aux 1° et 2° ci-dessus.
« La prise de contrôle mentionnée à l’alinéa précédent s’apprécie au regard des critères figurant à l’article L. 233-3 du code de commerce ou s’entend de toute situation dans laquelle une personne physique ou morale ou un groupement de personnes physiques ou morales aurait placé une publication sous son autorité ou sa dépendance. »
Mme la présidente. Mes chers collègues, l’ensemble des articles ayant été repoussés, la proposition de loi est rejetée.
M. David Assouline. Je demande la parole pour une explication de vote, madame la présidente.
Mme la présidente. Mon cher collègue, ce n’est pas possible, la proposition de loi ayant été rejetée.
Mme Catherine Tasca. Ce n’est pas très élégant !
M. David Assouline. Quelle petite manœuvre…
M. Alain Gournac. C’est le règlement !
5
Modification de l'ordre du jour
Mme la présidente. Par lettre en date de ce jour, M. le ministre chargé des relations avec le Parlement a inscrit à l’ordre du jour de la séance du jeudi 17 décembre, à la reprise du soir, les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2010.
Acte est donné de cette communication et l’ordre du jour de la séance du jeudi 17 décembre s’établira donc comme suit :
À 9 heures 30 :
- Projet de loi de finances rectificative pour 2009 ;
À 15 heures :
- Questions d’actualité au Gouvernement ;
- Suite du projet de loi de finances rectificative ;
Le soir :
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2010 ;
- Suite du projet de loi de finances rectificative.
6
Droits syndicaux en Europe
Rejet d'une proposition de résolution européenne
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne, présentée en application de l’article 73 quinquies du règlement par M. Richard Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et portant sur le respect du droit à l’action collective et des droits syndicaux en Europe dans le cadre du détachement des travailleurs (nos 66, 127 et 117).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Richard Yung, auteur de la proposition de résolution.
M. Richard Yung, auteur de la proposition de résolution. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes donc réunis aujourd'hui pour parler d’Europe sociale, et plus particulièrement de la question des travailleurs communautaires soumis au statut du détachement, c'est-à-dire travaillant dans un autre pays que dans leur État d’origine. Le sujet est d’importance, puisque l’on estime leur nombre à environ un million. Ils sont l’un des signes les plus tangibles de la communautarisation du marché du travail.
Certains événements qui ont fait l’actualité cette année sont liés à cette question du détachement des travailleurs.
Au mois de février, une série de grèves sauvages ont éclaté dans le secteur de l’énergie au Royaume-Uni. Des milliers de travailleurs intérimaires ont protesté contre l’embauche, à des conditions différentes de celles qui étaient stipulées dans la convention collective du secteur, de travailleurs italiens et portugais par une entreprise sous-traitante chargée de l’agrandissement d’une raffinerie appartenant au groupe pétrolier Total. Cette affaire a fait l’objet d’une exploitation à caractère nationaliste de la part du Parti national britannique, qui appartient à l’extrême droite.
Les problèmes liés à l’application des règles touchant au détachement des travailleurs dans l’Union ne datent pas d’aujourd’hui. Ils ont surgi dès les années quatre-vingt, au moment de l’adhésion de l’Espagne et du Portugal, et ont d’abord concerné le secteur de la construction. Plusieurs affaires ont suscité des craintes de dumping social.
Il y a près de vingt ans, en 1990, la Cour de justice des communautés européennes, la CJCE, a rendu un arrêt relatif à une entreprise portugaise, Rush Portuguesa, en France qui a poussé la Commission européenne, alors dirigée par Jacques Delors, à présenter l’année suivante une proposition de directive sur le détachement des travailleurs. C’est ce texte, adopté en 1996, qui fait l’objet de la proposition de résolution européenne que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui.
Cette directive est censée offrir aux travailleurs et aux employeurs une plus grande sécurité juridique en conciliant, d’une part, l’exercice par les entreprises établies dans un État membre de leur liberté de fournir des services dans toute l’Union européenne, qui est un droit fondamental, et, d’autre part, la protection des droits et des conditions de travail des travailleurs détachés dans un autre État membre pour fournir ces services.
L’entrée en vigueur de la directive sur le détachement des travailleurs n’a pas dissipé les craintes de dumping social. J’en veux pour preuve le débat sur le fameux projet de directive Bolkestein et le mythe du « plombier polonais », qui ont beaucoup pesé sur le résultat du référendum de 2005.
M. Denis Badré, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes. Malheureusement !
M. Richard Yung. Ces craintes ont été relancées par la jurisprudence récente de la CJCE. Dans trois arrêts – Viking, Laval, Rüffert –, la Cour a reconnu le droit de mener une action collective comme un droit fondamental faisant partie intégrante des principes généraux du droit communautaire. Ce faisant, la Cour a anticipé l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, lequel rend juridiquement contraignante la Charte des droits fondamentaux, qui fait partie intégrante du traité, et reconnaît l’importance du dialogue social et de la négociation collective.
Mais, dans le même temps, la Cour a aussi limité la définition des règles impératives de protection minimale fixées par la directive, en rappelant que les travailleurs détachés sont soumis aux normes sociales minimales, légales ou contractuelles, « d’application générale » du lieu de travail et non à l’ensemble des accords collectifs.
Ce faisant, elle a placé les grandes libertés économiques que sont la liberté d’établissement et la libre prestation de services au-dessus des droits sociaux. Elle a, en particulier, soumis l’exercice du droit à l’action collective à un contrôle de proportionnalité, selon l’expression employée dans le jargon communautaire, ce qui revient en fait à le limiter.
Je citerai l’exemple de l’arrêt Viking, une société finnoise qui a décidé de faire passer son navire sous pavillon letton, imposant à ses braves marins, qui affrontent avec courage la mer Baltique, des contrats, des salaires et des conditions de travail lettons. Les marins se sont mis en grève, ont organisé un blocus, bref se sont défendus. La CJCE a estimé que les travailleurs pouvaient certes appliquer le principe général du droit de grève pour défendre leurs intérêts, mais que, en l’occurrence, ils avaient limité la liberté d’établissement et de prestation de services de l’entreprise en question. En application du principe de proportionnalité, elle a donc déclaré leur action illégale. Si ce n’est pas une remise en cause d’un droit fondamental, je me demande bien ce que c’est !
La CJCE laisse entendre que la directive a prévu une harmonisation maximale, les salariés détachés ne pouvant pas obtenir plus que les minima légaux. En d’autres termes, elle donne du grain à moudre à ceux qui remettent en cause la coordination des politiques sociales au niveau communautaire.
Cette jurisprudence a mis en exergue les difficultés liées à l’application de la directive, notamment dans les pays ayant recours à des conventions collectives non nationales. En Europe du Nord et en Allemagne, les conventions collectives ou les accords sont signés, selon une tradition ancienne, par branche professionnelle, donc verticalement, et par Land ou par région, c’est-à-dire horizontalement. Il est vrai que nous sommes loin du modèle de la convention collective qui s’applique à tous, comme dans notre belle République unitaire.
La position de la CJCE, qu’il faudrait creuser, est la suivante : soit la convention collective est d’application nationale, et elle considère qu’il n’y a pas de problème ; soit elle est d’application verticale ou horizontale, donc limitée, et la Cour considère alors qu’il n’y a pas de convention collective.
Il me semble que, derrière cette jurisprudence quelque peu provocante, la CJCE cherche à « renvoyer la balle » au législateur européen. Elle estime que le travail n’a pas été achevé. Les lacunes observées dans la législation laissant des possibilités de s’y soustraire, elle voudrait donc que le législateur la complète pour ne pas être obligée de l’interpréter.
La Commission européenne a, elle aussi, mis en évidence les difficultés liées à la mise en œuvre de la directive. Le 13 juin 2007, il y a donc plus de deux ans, elle a souligné que les principaux problèmes résidaient dans le manque d’information des travailleurs détachés sur leurs droits, dans la faiblesse des contrôles qui diffèrent d’un État à un autre et, partant, dans la difficulté générale d’imposer des sanctions pourtant prévues dans la directive.
En conséquence, la Commission a appelé les États membres à améliorer leur coopération en la matière, mais cela est resté pour l’instant un vœu pieux. Si un cadre juridique n’est pas développé au niveau communautaire, les États continueront ainsi. Nous connaissons la faiblesse des effectifs de l’inspection du travail en France : je n’ai pas le chiffre en tête, mais il est en tout cas insuffisant. Vous comprendrez que le suivi et le contrôle des contrats de travailleurs détachés ne soient pas sa priorité.
En dépit de ce constat, rien n’a été fait ces dernières années pour clarifier et préciser la directive ni par la Commission, ni par le Conseil, ni même par le Parlement européen. Et pourtant nombreux sont ceux qui reconnaissent que cela est nécessaire.
Lors de son audition devant le Parlement européen en septembre dernier, M. Barroso n’a pas proposé de révision de la directive, mais il a suggéré d’adopter un règlement d’application qui préciserait son interprétation.
Cette solution nous a laissés quelque peu perplexes. Qu’apportera de plus un tel outil juridique, que nous ne connaissons pas, par rapport à une modification de la directive ? À notre avis, rien !
À l’instar du Parlement européen et de la Confédération européenne des syndicats, nous pensons que la résolution des problèmes que je viens d’indiquer passe par une révision de la directive de 1996 ou, le cas échéant, si cet outil est plus facile à manipuler, par l’adoption d’un règlement communautaire.
Dans sa résolution sur les défis pour les conventions collectives dans l’Union européenne du 22 octobre 2008, le Parlement européen demande lui-même une révision de la directive afin que « l’équilibre entre les droits fondamentaux et les libertés économiques soit réaffirmé dans le droit primaire pour contribuer à prévenir un nivellement par le bas des normes sociales ». Cette position a été soutenue par le groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen ainsi que par le parti socialiste européen.
Nous pensons donc qu’il est nécessaire d’apporter une réponse politique afin de ne pas laisser un tel sujet à la seule appréciation des juges au cas par cas.
Concrètement, nous proposons d’introduire dans la directive une délimitation temporelle dans la définition du travailleur détaché – celle donnée par le règlement communautaire de 1971 ne nous paraissant pas suffisamment claire –, de garantir une information correcte des salariés sur les droits dont ils disposent lorsqu’ils sont détachés dans un autre État membre et de renforcer les contrôles ainsi que les moyens de sanction en cas de non-respect des dispositions de la directive. Comme chacun peut le constater, le dispositif que nous proposons est somme toute assez modeste.
L’adoption d’un texte plus protecteur pour les salariés est non seulement souhaitable, mais également possible. La coordination des politiques sociales à l’échelon communautaire est certes difficile, mais les pays d’Europe centrale ont beaucoup évolué sur cette question. Traditionnellement hostiles ou réservés, ils sont maintenant eux-mêmes victimes de dumping social de la part d’autres pays des Balkans. Les Bulgares, par exemple, prennent le travail des Hongrois. Ainsi va l’histoire.
Outre la révision la directive concernant le détachement des travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, nous proposons d’introduire dans les traités une clause de progrès social affirmant la primauté des droits sociaux fondamentaux sur les libertés fondamentales du marché intérieur. Nous reprenons là ni plus ni moins la clause Monti, du nom du fameux commissaire européen responsable du secteur « marché intérieur », qui était pourtant un libéral.
M. Denis Badré, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes. C’est surtout un grand européen !
M. Richard Yung. Telles sont les raisons qui militent en faveur de notre proposition de résolution, que je vous invite, mes chers collègues, à adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Marc Laménie, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, sous des aspects techniques, comme vient de le rappeler fort justement M. Yung, la proposition de résolution déposée par le groupe socialiste aborde en réalité une question politique majeure, celle de la protection des droits des salariés et de leurs organisations syndicales dans le cadre du marché unique européen. Ce sujet est pleinement d’actualité.
Historiquement, la Communauté européenne s’est attachée à supprimer les obstacles aux échanges à l’intérieur du marché unique. À cette fin, elle a consacré quatre libertés économiques fondamentales : la liberté de circulation pour les travailleurs, la liberté d’établissement pour les entreprises, la liberté de circulation des marchandises et la libre prestation de services. Cette politique d’ouverture des marchés a pour objectif de stimuler la croissance, et donc les créations d’emplois sur son territoire.
Cependant, dans une Union élargie à vingt-sept États, dont les niveaux de développement sont très inégaux, la libéralisation des échanges pourrait conduire, si elle n’était pas soigneusement encadrée, à une mise en concurrence des systèmes économiques et sociaux préjudiciable aux salariés.
Lorsqu’une entreprise détache des salariés dans un autre État européen pour y exécuter une prestation de services, un chantier de construction par exemple, les salariés sont soumis, en application d’une directive de 1996, aux règles protectrices de l’État d’accueil, notamment en matière salariale. Ainsi, un salarié polonais ou lituanien détaché en France bénéficie au moins du SMIC ou du salaire minimum conventionnel s’il lui est supérieur.
Dans la plupart des cas, la directive a atteint son objectif et a permis d’écarter le risque de dumping social. La jurisprudence récente de la Cour de justice des Communautés européennes, qui en a interprété les termes de manière restrictive, a cependant suscité de légitimes inquiétudes. Elle a en effet donné l’impression qu’une primauté était donnée aux libertés économiques au détriment de la protection des salariés et du droit à l’action collective reconnu aux syndicats.
La Cour de justice a tout d’abord fait valoir que la directive garantit seulement le respect des normes sociales d’application générale, ce qui pose un problème dans les pays où la négociation est très décentralisée et où les conventions collectives s’appliquent seulement dans une entreprise ou dans une localité. Elle a ensuite jugé qu’une action collective menée par un syndicat, un mouvement de grève par exemple, pouvait être contraire, dans certaines circonstances, à la liberté d’établissement ou à la libre prestation de services reconnue aux entreprises. Elle a enfin décidé que le droit à l’action collective des syndicats devait être conforme au principe de proportionnalité.
Dans sa proposition de résolution, le groupe socialiste vise à revenir sur cette jurisprudence. Pour cela, il recommande de réviser la directive de 1996. (M. Richard Yung opine.)
M. Bernard Frimat. Bonne recommandation !
M. Marc Laménie, rapporteur. Il insiste aussi sur la nécessité de mieux informer les salariés détachés sur leurs droits et de renforcer les moyens de contrôle afin de sanctionner plus efficacement les entreprises en infraction.
Il préconise en outre d’insérer dans le traité de Lisbonne une clause de progrès social – préoccupation tout à fait légitime –, qui affirmerait la supériorité des droits sociaux sur les libertés économiques.
En application du règlement du Sénat, la proposition de résolution a d’abord été instruite par la commission des affaires européennes, dont je salue le travail – notre collègue Denis Badré nous en dira un mot dans quelques instants –, puis par la commission des affaires sociales, compétente au fond, dont je remercie les membres, qui ont activement participé à ses travaux.
M. Alain Gournac. Merci !
M. Marc Laménie, rapporteur. Les analyses de nos deux commissions sont largement convergentes.
En premier lieu, nous ne sommes pas convaincus qu’une révision de la directive soit le meilleur moyen de parvenir à une remise en cause de la jurisprudence de la Cour de justice. En effet, les différences de niveau de vie au sein de l’Union européenne sont plus importantes qu’elles ne l’étaient au moment où la directive a été négociée, de sorte que les États membres ont aujourd’hui des intérêts très divergents. Dans ces conditions, sommes-nous certains que l’ouverture de négociations aboutirait obligatoirement à un compromis plus favorable aux salariés ?
En deuxième lieu, les États membres les plus concernés par la jurisprudence européenne, en l’occurrence l’Allemagne et les pays scandinaves, dont notre collègue a beaucoup parlé, ne réclament pas une révision de la directive. Ils ont plutôt choisi d’adapter leurs règles de droit interne pour tirer les conséquences de la jurisprudence communautaire.
La France, pour sa part, est peu affectée par cette jurisprudence, …
Mme Raymonde Le Texier. Ça va venir !
M. Marc Laménie, rapporteur. … car la plupart de nos normes sociales, qu’elles figurent dans le code du travail ou dans une convention collective étendue, sont d’application générale.
Sur la question du droit à l’action collective des syndicats, nous ne partageons pas non plus entièrement l’analyse du groupe socialiste. La. Cour de justice n’a pas consacré la primauté des libertés économiques sur le droit syndical. Elle s’est seulement efforcée de concilier ces différents droits et libertés selon une démarche qui n’est pas sans rappeler celle du Conseil constitutionnel. En droit français comme en droit communautaire, le droit de grève n’est pas un droit absolu et son exercice peut donc être encadré.
En ce qui concerne le principe de proportionnalité, il reste à apprécier quelle application il trouvera en droit français. S’il consiste simplement à sanctionner l’abus du droit de grève ou le comportement fautif des grévistes, il est compatible avec notre droit national.
J’en viens à l’éventuelle inclusion d’une clause de progrès social dans le traité de Lisbonne. Je rappelle que ce traité est finalement entré en vigueur le 1er décembre de cette année, au terme d’un long processus de ratification. Il est donc peu probable que sa modification soit envisagée par les Vingt-sept avant plusieurs années.
Mme Catherine Tasca. Il faut commencer le plus vite possible !
M. Marc Laménie, rapporteur. II n’est pas sûr non plus qu’elle soit juridiquement indispensable dans la mesure où l’article 3 du traité sur l’Union européenne consacre déjà avec force la finalité sociale de la construction européenne : l’Union « combat l’exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant. Elle promeut la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres ».
Ce fondement juridique devrait suffire à assurer un équilibre entre les libertés économiques et la protection des droits sociaux.
La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne reconnaît par ailleurs sans ambiguïté le droit des travailleurs à l’action collective, y compris la grève, pour défendre leurs intérêts.
Conformément à l’accord politique passé entre les groupes, la commission des affaires sociales n’a adopté aucun texte lors de sa réunion du 2 décembre dernier afin que nous puissions débattre cet après-midi de la proposition de résolution dans la rédaction voulue par ses auteurs. Ceux-ci m’ont fait savoir qu’une version modifiée de la proposition de résolution, tenant compte des remarques de la commission, ne recueillerait pas leur agrément. Le groupe socialiste est en effet tout particulièrement attaché à la demande de révision de la directive, qui, en revanche, ne nous paraît pas opportune, comme je l’ai indiqué. Si nous approuvons l’objectif de protéger les salariés contre le risque de dumping social – c’est l’objectif –, nous divergeons sur la méthode à suivre.
Il n’est pas non plus certain que le moment choisi soit le bon. En effet, la Commission européenne a lancé deux missions d’étude pour vérifier si la transposition de la directive de 1996 a été effectuée de manière satisfaisante et pour évaluer son impact socio-économique. Il serait sans doute utile que la Haute Assemblée ait connaissance des conclusions de ces travaux, attendues pour le premier semestre de 2010, avant de prendre position.
Enfin, je l’ai dit, la France n’étant pas véritablement affectée par la jurisprudence de la Cour de justice, elle n’est pas l’État le plus légitime pour demander une révision de la directive que ses partenaires, plus directement concernés, ne souhaitent pas nécessairement.
Pour ces différentes raisons, je vous propose le rejet de la proposition de résolution qui nous est soumise, tout en soulignant l’intérêt de ce débat qui devrait permettre à tous les orateurs et à tous les groupes d’exprimer largement leur point de vue sur une question qui n’est pas simple – il s’agit d’une question très technique, au carrefour du droit social, du droit du travail et du droit européen – et dont nous comprenons l’importance. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Alain Gournac. Bravo, mon cher collègue. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Denis Badré, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales – je note que la parité progresse au-delà de toutes espérances ! –, mes chers collègues, après les interventions très claires de Richard Yung, au nom des auteurs de la proposition de résolution européenne, et de Marc Laménie, au nom de la commission des affaires sociales, je ferai simplement ici quelques observations à la suite des débats ouverts et très intéressants que nous avons eus au sein de la commission des affaires européennes, observations qui prolongent le rapport que j’ai eu l’honneur de présenter au nom de cette commission.
Sur les points essentiels, ces observations rejoignent assez largement l’analyse que vient de nous présenter Marc Laménie. Richard Yung, Marc Laménie et moi avons d’ailleurs veillé à coordonner toutes nos investigations afin d’avoir comme base un référentiel commun. Cela mérite d’être souligné.
Je souligne également, avec force, que les inquiétudes exprimées par les auteurs de la proposition de résolution européenne me paraissent parfaitement compréhensibles et totalement légitimes. Le droit communautaire ne doit en aucun cas favoriser ou encourager le dumping social ou remettre en cause le droit de grève. Les débats sur la directive « services » l’ont d’ailleurs bien montré.
Cela étant dit, il me semble que les auteurs de la proposition font une lecture un peu pessimiste de la jurisprudence de la Cour de justice en matière de détachement de travailleurs et des solutions qui sont ouvertes aujourd'hui pour progresser. Je pense donc que nous devrions essentiellement nous interroger sur le point de savoir quelle est la meilleure voie à emprunter pour progresser sur ce sujet essentiel.
La proposition de résolution est axée sur trois points de niveau et de nature assez différents, constat sur lequel nous sommes assez largement d’accord. Tout d’abord, elle met en cause la jurisprudence de la Cour de justice, qui reléguerait la protection des droits sociaux fondamentaux au second rang par rapport aux libertés économiques fondamentales. Ensuite, elle demande la révision de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs. Enfin, elle propose une clause de progrès social pour renverser la jurisprudence de la Cour de justice.
Sur le premier point, il me semble important, comme aux auteurs de la proposition de résolution, que nous affichions clairement notre vigilance concernant la jurisprudence de la Cour et ses éventuels décalages par rapport à l’esprit de la directive de 1996. Cela me paraît d’autant plus justifié que le traité de Lisbonne engage un nouvel équilibre entre l’impératif du développement du marché intérieur et la prise en compte du progrès social.
Sur la remise en chantier de la directive, je suis plus circonspect. Oui, il faut regretter l’interprétation trop stricte à mon goût faite par la Cour de la notion de règles impératives minimales. Cette interprétation donne l’impression que l’on est en présence d’une directive d’harmonisation maximale, les salariés détachés ne pouvant obtenir mieux que le minimum légal.
Pour autant, la révision de la directive ne s’impose pas de manière évidente. Ne négligeons pas le principe de réalité qui est bien au cœur de la méthode Schuman pour construire l’Europe. Ne perdons jamais de vue les véritables objectifs que nous cherchons à atteindre.
Au demeurant, aucun État membre ne demande aujourd'hui la révision de la directive, pas même ceux qui sont directement concernés, c'est-à-dire les États touchés par les arrêts de la Cour. Au contraire, ils réfléchissent à l’aménagement de leur modèle de relations sociales pour le rendre compatible avec la jurisprudence de la Cour. Ainsi des mesures ont-elles été annoncées en Suède en octobre dernier. En Allemagne, une loi a été adoptée en avril 2009.
Je rappelle également que la directive de 1996 a été négociée dans une Europe qui comptait quinze États membres dont les niveaux de développement étaient assez voisins. Dans l’Europe des Vingt-sept d’aujourd'hui subsistent des disparités économiques et sociales assez marquées, même si elles tendent à se réduire progressivement. Le contexte n’est donc pas du tout le même. Dans ce nouveau contexte, une révision de la directive pourrait aller à l’encontre du résultat souhaité par les auteurs de la proposition de résolution.
Ainsi, la liste des matières relevant du noyau dur serait sérieusement rabotée. Or nous savons que le noyau dur de la directive recouvre environ la moitié du code du travail, sans compter les dispositions dites d’ « ordre public ». Soyons intelligents, mais pas trop ! Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain…
D’un point de vue strictement juridique, la révision ne serait pas nécessairement la solution. Il faut rappeler le contexte de ces arrêts. Ils portaient sur des États membres dont le modèle social est très différent du nôtre. Comprenons que l’Europe est constituée d’États très différents.
Le modèle nordique ou rhénan repose sur des négociations collectives très décentralisées aboutissant à la conclusion de conventions ad hoc non étendues. Ce modèle est loin de prendre en compte des notions qui nous sont très familières comme celles de « salaire minimum » ou de « règles impératives minimales prévues par la loi ou des conventions collectives d’application générale », lesquelles sont très intégrées dans notre modèle de relations sociales. Il y a autant de pays que de référentiels. Veillons donc à ne pas vouloir imposer le nôtre en considérant qu’il est le meilleur. Faisons avec respect l’analyse des autres modèles et essayons de progresser avec les autres pays dans le contexte général de l’Union.
J’ajoute que, même si la directive était révisée pour soumettre les entreprises prestataires à des normes sociales allant au-delà des règles impératives de protection minimale, il n’est pas sûr que cela suffise à changer la jurisprudence de la Cour. Celle-ci se réfère en effet d’abord au texte lui-même du Traité.
J’en viens enfin au troisième point de la résolution : la proposition d’introduire une clause de progrès social dans les traités pour infléchir la jurisprudence de la Cour de justice dans un sens moins favorable aux impératifs du marché intérieur. Nous dépassons ici la seule question du détachement des travailleurs. On aborde la question beaucoup plus large de l’équilibre de la construction européenne. L’idée d’une clause ou d’un protocole de progrès social s’inspire directement du précédent de la clause Monti, dont Richard Yung parlait à l’instant.
Je rappelle que cette clause a été insérée dans le règlement de 1998 sur la libre circulation des marchandises. Il s’agissait déjà d’une clause de progrès social dans un contexte économique et libéral, comme dirait Richard Yung. À cette époque, les traités ne comportaient pas de dispositions permettant d’assurer une juste balance entre les droits sociaux fondamentaux et les libertés économiques fondamentales des Communautés. Le sujet de fond est toujours le même.
Or, et c’est l’élément complètement nouveau aujourd'hui, le traité de Lisbonne rééquilibre désormais le système en conférant à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, cela a été dit, mais j’y insiste parce qu’on ne le dira jamais assez, une valeur juridique équivalente à celle des traités. On n’a pas assez souligné cette réalité, que les détracteurs du traité ont d’ailleurs toujours refusé de reconnaître. Maintenant que le traité est en vigueur, misons sur cet élément nouveau, ô combien fondamental, pour progresser. Ne faisons pas la fine bouche !
Passons donc sur le fait que l’introduction dans les traités d’une clause de progrès social ne pourrait plus être aujourd'hui annexée au traité de Lisbonne puisque celui-ci est entré en vigueur. Passons aussi sur le fait qu’il est peu probable que les États s’engagent en faveur d’une nouvelle révision des traités sur un sujet aussi sensible. À cet égard, l’expérience douloureuse du traité de Lisbonne est évidemment très peu encourageante.
Sur le fond, une telle clause n’est pas vraiment indispensable pour infléchir la jurisprudence de la Cour de justice. Le nouveau traité comporte déjà des dispositions de nature à la faire évoluer dans un sens moins favorable aux impératifs du marché intérieur. Le dialogue des juges, en particulier avec la Cour européenne des droits de l’homme – permettez au représentant de la Haute Assemblée auprès de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe que je suis de souligner cet élément avec force –, pourrait lui aussi être fécond. Appuyons-nous donc régulièrement sur la Cour européenne des droits de l’homme et sur l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Enfin, il ne faut pas occulter les points positifs – il y en a ! – des récents arrêts de la Cour de justice. Le droit à l’action collective est consacré comme un droit fondamental faisant partie intégrante des principes généraux du droit communautaire dont la Cour assure le respect. Par ailleurs, elle y affirme que l’Union a « non seulement une finalité économique, mais également une finalité sociale ». Cela va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant, surtout en matière juridique. Les prémices d’un infléchissement sont bien là. Je suggère d’avancer dans cette direction. Un compromis devrait pouvoir être trouvé dans ce sens.
Bref, il convient, je pense, de conforter la directive de 1996 plutôt que de s’engager sur la voie difficile, aléatoire et dangereuse, de sa remise en chantier. Le mieux peut être l’ennemi du bien !
Une piste a été ouverte par José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, dans son discours d’investiture devant le Parlement européen. Il a alors évoqué la solution d’un règlement d’interprétation et d’application de la directive de 1996, ce qui permettrait de clarifier la directive, voire de la compléter, sans la fragiliser. C’est dire combien ce point important est reconnu comme tel par le président de la Commission et l’ensemble des autorités européennes, qui sont décidés à aller de l’avant sur cette question.
Je suis également totalement d’accord avec les suggestions des auteurs de la résolution en faveur d’une meilleure information des travailleurs et d’une meilleure effectivité des sanctions. Sur ces points, ils ont mille fois raison. Certains amendements déposés par le groupe CRC-SPG vont d’ailleurs dans ce sens et me paraissent parfaitement recevables.
Le Gouvernement doit porter son effort avant tout sur une meilleure application de la directive en matière d’information ou de coopération administrative entre les États membres. La lecture des arrêts de la Cour nous invite également à rendre plus lisibles et accessibles nos conventions collectives, notamment, puisqu’il s’agit du détachement de travailleurs, en traduisant leurs principales dispositions dans les langues de l’Union.
Au bénéfice de ces observations, la commission des affaires européennes, conformément à l’accord passé entre les groupes politiques sur l’examen des textes inscrits à l’ordre du jour réservé aux groupes de l’opposition et aux groupes minoritaires, a choisi de ne pas apporter de modifications à la proposition de résolution européenne et de la transmettre telle quelle pour examen à la commission des affaires sociales, examen dont Marc Laménie vient de vous rendre compte à l’instant. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de résolution européenne déposée par nos collègues du groupe socialiste et qui vise à réviser la directive de 1996 sur le détachement des salariés a été accueillie favorablement par les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, mais également avec des sentiments partagés.
Bien entendu, nous sommes favorables à toute initiative législative ayant pour objectif une amélioration des droits individuels et collectifs des travailleurs ; aussi cette proposition de résolution, qui vise le respect du droit à l’action collective et plus généralement des droits syndicaux en Europe dans le cadre du détachement des travailleurs ne nous est-elle pas indifférente. Nous en partageons pleinement les constats et soutenons notamment la demande d’introduction d’une clause de progrès social donnant la primauté aux droits sociaux sur ceux du marché intérieur.
Cependant, et c’est la raison de l’accueil mitigé que cette proposition a reçu de mon groupe, la démarche de nos collègues socialistes ne manque pas de susciter des interrogations, notamment concernant leur position à l’égard de l’Union européenne, qui contient selon nous de très grandes contradictions, voire constitue une véritable tentative de concilier l’inconciliable.
En effet, la dérive libérale et la remise en question des droits sociaux au sein de l’Union européenne, constatées et dénoncées avec justesse dans cette résolution, ne sont que les résultats de choix politiques approuvés par le Parlement européen avec les voix socialistes, le Parti socialiste européen ayant voté la plupart des textes européens dont la conjonction aboutit à la situation déplorée aujourd’hui.
Nos positions respectives sur l’Union européenne et le traité constitutionnel européen ont été longuement exposées au sein même de cet hémicycle. Nous avons été le seul groupe à voter et à appeler à voter « non » lors du référendum sur ce texte en 2005.
Non pas que nous soyons contre l’idée d’Union européenne ; et vous le savez bien, nos précédents votes et prises de position sont assez clairs sur ce point. Mais nous avions appelé à voter contre cette Europe-là, celle du marché et de la concurrence libre et non faussée, la même dont on déplore aujourd’hui les abus, et qui menace les droits des salariés, …
M. Denis Badré, rapporteur pour avis. Mais c’est aussi celle de la Charte des droits fondamentaux !
Mme Annie David. Mon cher collègue Denis Badré, je vous ai laissé parler, bien que n’étant pas en accord avec vos propos ; je vous remercie de faire de même.
M. Denis Badré, rapporteur pour avis. Je faisais juste un rappel !
Mme Annie David. … cette Europe, disais-je, dont nous redoutions le risque qu’elle conduise à un abaissement des exigences sociales et à un nivellement par le bas des droits des citoyennes et citoyens de l’Union européenne. Non, cette Europe-là, nous ne la cautionnons pas et ne la cautionnerons jamais.
Nous pensons que les risques sociaux contenus aujourd’hui dans l’Union européenne vont bien au-delà des craintes que suscitent les jurisprudences récentes de la Cour de justice des communautés européennes, la CJCE.
Ces jurisprudences ne sont que le révélateur d’une construction européenne qui prétend concilier développement économique et promotion des droits sociaux mais qui, en dernière analyse, a sciemment décidé de faire primer le premier sur la seconde.
Cependant, une fois rappelée notre volonté de construire une Europe des peuples, une Europe solidaire et fraternelle, plutôt que de nous abstenir, nous avons décidé de soutenir ce texte et de saisir cette occasion pour tenter de changer ce qui peut l’être. Nous ferons donc des propositions pour renforcer encore les exigences de ce texte quant aux droits à l’action collective des travailleurs, même si nous sommes bien conscients que notre marge de manœuvre est pour le moins réduite.
Ainsi, dans quatre arrêts qui illustrent cette question, et je vous proposerai dans un instant un amendement qui ajoute ce quatrième arrêt dans la résolution, les droits du marché ont-ils primé sur les droits des salariés à exercer une action collective.
Aujourd’hui, si le droit de mener une action collective est considéré par la CJCE comme « un droit fondamental », son exercice est soumis à des restrictions qui l’obligent à s’effacer devant un autre principe jugé plus fondamental encore, celui du libre exercice des prestations de service. Notre collègue Richard Yung a d’ailleurs mentionné tout à l’heure le cas de ces marins finlandais à qui on voulait imposer le droit letton, et dont le mouvement de grève a été déclaré illicite.
L’adoption de la directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services a certes présenté un progrès par rapport à la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, qui aboutissait souvent à appliquer au contrat de travail la loi du lieu de résidence habituelle du travailleur détaché, c’est-à-dire la loi la « moins-disante », avec tous les risques de violation des droits des travailleurs et de dumping social que cela pouvait comporter.
La directive de décembre 1996 impose au contraire le droit du travail du pays d’accueil pour les travailleurs détachés. Ainsi, elle donne corps au vieil adage selon lequel « À Rome, il faut vivre comme les Romains ! ».
Cependant, l’interprétation faite par la CJCE de l’article 49 du traité instituant la Communauté européenne fait que cette directive se retrouve aujourd’hui presque entièrement vidée de sa substance.
Le noyau dur de règles impératives qu’elle contient se réduit et toutes les actions que les salariés mettent en place pour en faire assurer le respect sont condamnées comme étant contraires au principe de libre exercice des prestations de service.
Aujourd’hui, malgré toutes les déclarations d’intention des textes fondateurs, les droits économiques priment sur les droits sociaux. Il faut d’urgence changer le curseur de place. Si un juste équilibre de ces intérêts peut être atteint, nous l’appelons de nos vœux. Mais s’il doit y avoir hiérarchie des normes, nous pensons que celle-ci doit se faire en faveur des salariés.
Pour conclure, après avoir rappelé notre souhait de construire une Europe des peuples et notre entente sur les constats formulés, nous vous proposerons de compléter cette résolution par l’inscription d’une série de droits pour les salariés qui s’articuleront autour de trois axes.
Tout d’abord, nous souhaitons améliorer l’information dont vont pouvoir disposer les travailleurs détachés au sein de l’Union.
Nous souhaitons ensuite développer la coordination entre les administrations des États membres et renforcer l’effectivité des sanctions qui pourront être prononcées en cas de violation des obligations découlant de textes communautaires.
Enfin, devant la remise en question du droit à l’action collective - et notamment du droit de grève -, nous proposerons également que celui-ci soit intégré dans le noyau dur des droits que tout État doit accorder à un salarié détaché.
Certes, nous avons bien conscience qu’au sein des 27 États membres, ces droits n’ont pas le même contenu et n’offrent pas le même niveau de protection juridique. Cependant, et c’est là l’objectif de la construction européenne, nous estimons qu’il faut tendre à améliorer les conditions de vie et de travail de chacune et chacun de nos concitoyens européens et mettre en œuvre, en quelque sorte, l’Europe du mieux-disant social ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de résolution européenne soumise au débat de notre assemblée s’inscrit dans notre volonté de conjuguer la lutte contre le dumping social et la promotion de l’harmonisation sociale entre les pays de l’Union.
Sa discussion intervient deux semaines après la présentation de la Commission Barroso II, qui prépare actuellement son programme législatif.
C’est dans ce contexte que nous avons souhaité, par le dépôt de cette proposition de résolution, aborder les problématiques relatives aux droits des travailleurs détachés, dont on évalue le nombre à un million, notamment dans le domaine du bâtiment et des travaux publics.
La directive sur le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, adoptée en 1996, est aujourd’hui remise en cause par plusieurs arrêts de la CJCE. Notre résolution en propose la révision, afin que les objectifs qui lui étaient initialement assignés soient réaffirmés et respectés.
La directive sur le détachement des travailleurs établit un ensemble de règles minimum obligatoires qui doivent s’appliquer aux travailleurs détachés dans le pays d’accueil : durée maximale du travail, salaire minimum, conditions de mise à disposition des travailleurs. Elle consacre, par l’instauration d’un noyau dur de règles, un principe d’égalité de traitement entre travailleurs sur un même lieu, quels que soient leur statut et l’État d’établissement de l’entreprise.
Elle affirme clairement un objectif : la lutte contre le dumping social.
La directive se trouve confrontée à des obstacles dans sa mise en œuvre. Elle pâtit du défaut d’information des travailleurs détachés sur leurs droits et de l’insuffisance des contrôles, rendant plus difficile l’emploi des sanctions pourtant prévues par la directive en cas de manquement au respect des règles minimum obligatoires.
Soucieux de lever ces difficultés, les États ont considéré que la meilleure voie à suivre était sans doute la recherche d’une meilleure coopération administrative entre les États. Au regard des développements récents, on peut douter que ceux-ci y soient véritablement incités.
Par trois arrêts récents, la CJCE opère une forte remise en cause de la directive : de son objet, de son contenu et de son champ d’application.
Ces trois arrêts subordonnent l’exercice du droit de grève à la liberté d’établissement s’agissant de l’arrêt « Viking », à la négociation collective s’agissant de l’arrêt « Laval », et à l’existence d’un salaire minimum pour l’arrêt « Rüffert ».
Ils opèrent tous les trois, par une interprétation très restrictive de la directive, une hiérarchie entre, d’une part, la libre prestation des services et, d’autre part, les droits sociaux, notamment les droits à l’action collective.
La CJCE, par ces arrêts, oppose des droits que la directive s’attache à concilier. De fait, c’est l’objectif d’égalité de traitement entre travailleurs et, par conséquent, l’esprit même de la directive qui sont contredits.
L’objet de la directive est de garantir aux travailleurs détachés un niveau de protection minimale en termes de rémunération et de conditions de travail. Le législateur européen n’a pas souhaité faire de cette directive un outil contribuant principalement à faciliter la prestation transnationale de service.
Constatant que la volonté du législateur a été contredite par ces arrêts, il importe de la réaffirmer.
Il y a urgence à préciser le champ d’application de la directive, devenu incertain : est-ce une directive d’harmonisation minimale laissant les États libres de hausser par la loi et les conventions collectives le niveau de protection des salariés, ou est-ce une directive dont le noyau dur serait un plafond, préfigurant un nivellement par le bas ?
La CJCE remet en question les systèmes de conventions collectives négociées entreprise par entreprise, car celles-ci ne définiraient pas un droit « d’application générale » ainsi que l’exige le paragraphe 8 de l’article 3 de la directive. De fait, ce qui est mis en cause, c’est le modèle scandinave d’autorégulation et de négociation sociale qui s’est construit sur des syndicats forts.
Des clarifications paraissent nécessaires. Elles témoigneraient de la volonté de mettre un terme aux incertitudes nées des arrêts de la CJCE. Celles-ci appellent une révision de la directive, seule à même de soustraire les droits des travailleurs détachés aux aléas de la jurisprudence et de garantir une sécurité juridique suffisante.
Ce n’est pas la Cour qui est défaillante, c’est la législation.
Je me réjouis qu’en commission des affaires européennes nous soyons parvenus à une analyse partagée sur la réalité des remises en cause de la directive et leurs conséquences sur son effectivité.
Néanmoins, certains continuent à s’opposer à sa révision. Je souhaiterais répondre aux principales objections formulées.
D’abord, on prétend que les remises en cause opérées par la jurisprudence de la Cour auraient des effets limités, circonscrits aux pays nordiques. Elles restent dans tous les cas contraires au considérant 12 de la directive, qui met à égalité législation et conventions collectives de travail conclues par les partenaires sociaux. Au-delà, plusieurs développements récents invalident l’hypothèse selon laquelle ces arrêts n’auraient d’influence que sur le droit conventionnel des pays nordiques.
Au Royaume-Uni, début 2009, des grèves ont été déclenchées dans une raffinerie contre l’emploi de travailleurs portugais et italiens à des conditions de travail et de rémunération différentes de celles offertes aux ouvriers locaux. L’Allemagne connaît les mêmes phénomènes. Remettre en cause le traitement à égalité de la loi et des conventions collectives ouvre à l’évidence une brèche dans le dispositif global et cohérent porté par la directive.
Ensuite, on dit craindre que la révision de la directive ne soit pas sans risque ; certains pays pourraient profiter de celle-ci pour opérer son détricotage.
La mise en garde est légitime, mais reste floue quant à l’origine de ces attaques possibles. De qui parle-t-on ? Pas du Parlement européen qui, dans une résolution du 22 octobre 2008, a demandé que « l’équilibre entre les droits fondamentaux et les libertés économiques soit réaffirmé dans le droit primaire pour contribuer à prévenir un nivellement par le bas des normes sociales ». Il ne s’agit pas non plus de la Confédération européenne des syndicats, la CES, qui a fait savoir son soutien à une révision de la directive. Quant aux vingt-sept partis socialistes et sociaux démocrates, ou au PSE, ils portent dans leurs parlements nationaux, et au Parlement européen, une demande de révision de la directive.
S’il y a risque de détricotage dans le cadre d’une révision de la directive, il vient principalement du groupe du parti populaire européen, le groupe PPE, au Parlement européen. Je ne doute pas - je m’adresse à nos collègues de la majorité - que vous saurez conjurer ce risque et convaincre vos homologues d’opérer une révision non pas dans le sens du nivellement par le bas, mais dans celui d’une consolidation juridique.
Enfin, José Manuel Barroso aurait pris des engagements rendant caduque la révision que nous demandons dans notre proposition de résolution.
Lors de son audition par le Parlement européen, José Manuel Barroso a présenté les orientations politiques de la prochaine commission. Il a déclaré ne pas tolérer que « des droits sociaux fondamentaux, tels que le droit d’association ou le droit de grève, qui sont essentiels pour le modèle de société européen, soient menacés » et juger nécessaire de « faire en sorte que nos valeurs d’intégration, d’équité et de justice sociale soient reprises dans une nouvelle approche ».
En réalité, l’approche nouvelle prônée par José Manuel Barroso reprend la voie déjà empruntée par la précédente commission de normes interprétatives, avec les limites que nous connaissons s’agissant de leur portée juridique. Surtout, le choix d’une norme interprétative de la Commission européenne met de côté le Parlement européen et le Conseil des ministres.
À nos yeux, la révision de la directive, qui est à la fois opportune au regard du calendrier et nécessaire en termes de lutte contre le dumping social, s’impose. S’en tenir au simple rappel des normes portées par la directive témoignerait d’une volonté de freiner toute consolidation juridique. En adoptant cette résolution, notre assemblée enverrait un signal fort à la Commission au moment où celle-ci travaille à son programme législatif. Elle donnerait surtout aux travailleurs des Vingt-sept un espoir réel dans la construction de l’Europe sociale.
C’est pourquoi le groupe socialiste vous demande, mes chers collègues, d’adopter cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je me réjouis de la tenue de ce débat, qui permet d’ouvrir une réflexion approfondie sur le respect du droit à l’action collective et des droits syndicaux en Europe dans le cadre du détachement des travailleurs et de réfléchir aux remèdes pouvant être apportés pour fixer des règles plus protectrices des salariés.
La directive européenne du 16 décembre 1996 a pour objectif d’instaurer un climat de concurrence loyale et de respect des droits des travailleurs sur le marché européen dans lequel la libre circulation des personnes et des services puisse se développer.
Il est de plus en plus fréquent que des salariés travaillant habituellement dans un État membre de l’Union européenne se voient confier une mission dans un autre État membre. En 2006, on pouvait estimer le nombre de travailleurs détachés à environ 1 million de personnes.
Alors que les prestations de services transnationales augmentent et que la libre circulation des travailleurs est de plus en plus importante, la directive doit jouer un rôle essentiel dans la protection des travailleurs concernés.
L’objectif de cette directive, qui est d’offrir un environnement concurrentiel équitable et des mesures garantissant le respect des droits des travailleurs dans des situations de services transfrontaliers, est plus important que jamais. Il faut instaurer la confiance des travailleurs sur le marché du travail européen et, surtout, combattre le dumping social.
L’ouverture accrue du marché de l’emploi en Europe exige des règles strictes et équitables, combinant des frontières ouvertes et une protection adéquate, où le travailleur occupe une place centrale. Elle doit s’accompagner de mesures pour combattre l’exploitation et la concurrence déloyale en matière de salaires et de conditions de travail qui existent malheureusement trop souvent lorsqu’il y a mobilité transfrontalière de travailleurs ou de services.
Pourtant, plusieurs arrêts récents de la Cour de justice des Communautés européennes ont mis en exergue les faiblesses du cadre juridique actuel de l’Union européenne applicable aux droits sociaux fondamentaux et à la libre circulation des travailleurs et des services.
La Cour a ainsi confirmé une hiérarchie des normes, les libertés de marché occupant le sommet de cette hiérarchie au détriment des droits sociaux fondamentaux.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Françoise Laborde. Par ailleurs, elle a choisi d’interpréter la directive sur le détachement de manière très restrictive. En effet, elle limite la capacité des syndicats à prendre des mesures contre le dumping social et à garantir un traitement égal aux travailleurs locaux et migrants dans le pays d’accueil. Elle empêche également les États membres d’appliquer les dispositions en matière d’ordre public dans des situations de détachement pour prévenir une concurrence déloyale entre des entreprises de service locales et étrangères, ce qui porte préjudice aux travailleurs et aux petites entreprises locales.
Il est donc impératif de pallier les faiblesses du cadre juridique européen, notamment en le clarifiant, de réviser profondément la directive du 16 décembre 1996, afin de défendre au mieux les travailleurs européens contre la concurrence déloyale sur les salaires et les conditions de travail, de lutter pour l’égalité de traitement entre travailleurs migrants et locaux et de prendre les mesures nécessaires pour améliorer les conditions de vie et de travail sur le marché européen.
Nos collègues socialistes ont bien expliqué la problématique des différences d’interprétation des divers arrêts de la Cour de justice des communautés européennes. Notre inquiétude quant au non-respect du droit à l’action collective et des droits syndicaux en Europe dans le cadre du détachement des travailleurs incitera la majorité du groupe RDSE à voter en faveur de cette résolution. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat est important, car il concerne 1 million de salariés en situation de détachement, c’est-à-dire travaillant temporairement dans un autre État membre. Il nous permet de relayer l’inquiétude de la Confédération européenne des syndicats à la suite de l’interprétation par la Cour de justice des communautés européennes de la directive du 16 décembre 1996 sur le détachement des travailleurs.
Comme l’ont souligné M. le rapporteur et M. le rapporteur pour avis, la jurisprudence récente de la Cour a pu susciter des interrogations auxquelles il est intéressant de répondre aujourd’hui.
En lui-même, le texte de la directive de 1996 est protecteur. Répondant à la question de savoir quel droit est applicable à la situation de détachement, la directive définit un noyau dur des règles du pays d’accueil s’appliquant impérativement aux travailleurs détachés.
Ces règles sont notamment celles qui régissent les périodes maximales et minimales de repos, la durée des congés annuels, les taux de salaires minimum, la sécurité des travailleurs ou l’égalité entre les hommes et les femmes… Elles sont évidemment impératives, à condition que les règles en vigueur dans le pays d’origine ne soient pas plus favorables, auquel cas celles-ci s’appliqueraient.
Les garanties apportées par la directive sont essentielles pour éviter un dumping salarial généralisé en Europe et des distorsions de concurrence inacceptables entre les entreprises. En effet, on comprend l’intérêt que pourraient trouver des entreprises roumaines ou polonaises à entrer sur nos marchés si elles pouvaient octroyer de faibles rémunérations à leurs salariés.
Comme l’a relevé la commission des affaires européennes, la directive offre une grande sécurité juridique. En effet, d’un côté, les entreprises prestataires connaissent les règles du travail du pays d’accueil qu’elles sont tenues d’appliquer et, de l’autre, les salariés peuvent faire valoir leurs droits aisément.
Détail important, les règles doivent être fixées par la législation du pays d’accueil ou par des conventions collectives déclarées d’application générale. Cela assure leur lisibilité pour une entreprise étrangère. Mais cette disposition va créer des difficultés. La jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes l’appliquera strictement, ce qui peut susciter des difficultés pour certains pays, comme la Suède, où l’État est très en retrait et où la négociation collective est décentralisée. Il n’existe pas d’équivalent à nos conventions collectives, car les salaires sont négociés dans chaque entreprise et les négociations se font au cas par cas.
Dès lors, et c’est la conclusion de la Cour dans les arrêts Rüffert et Laval, si les obligations prévues par le pays d’accueil ne sont pas contenues dans des conventions d’application générale s’appliquant sur tout le territoire ou dans un secteur déterminé, elles peuvent être jugées contraires à la liberté de prestation de service.
Dans les deux affaires, les conventions conclues ne s’appliquaient qu’à certaines entreprises du secteur de la construction. La Cour a donc pu constater que les syndicats, qui cherchaient pourtant à faire respecter des règles sociales, avaient tenté d’imposer aux entreprises des obligations allant au-delà des dispositions prévues par la directive, affectant de ce fait la liberté de prestation de services.
Nous le voyons donc, c’est vis-à-vis de certains États que l’application de la directive peut susciter des difficultés. Ce n’est absolument pas le cas pour la France, dont les règles sociales sont très protectrices et figurent dans des textes ayant la dimension juridique nécessaire.
On peut alors se demander pourquoi la France remettrait en cause la directive et signalerait les difficultés d’application de celle-ci dans d’autres États membres, alors que ces derniers n’en font pas la demande. Dans les affaires Viking, Laval et Rüffert, les États concernés, en l’occurrence la Suède et l’Allemagne, n’ont pas réclamé de révision de la directive. Ils ont plutôt choisi d’adapter leurs règles de droit interne pour tirer les conséquences de la jurisprudence communautaire. Il serait donc malvenu que la France intervienne à leur place.
Le droit à l’action collective est reconnu comme un droit fondamental par la Cour. La liberté de prestation de service étant également un principe fondamental, la Cour s’est livrée à une mise en balance de ces droits. On ne peut cependant pas en déduire, comme le font les auteurs de la proposition de résolution, qu’elle ait établi une hiérarchie entre eux.
C’est à bon droit que la Cour relève qu’une restriction à la liberté de prestation de services doit viser un objectif légitime et se justifier par des raisons impérieuses d’intérêt général. Elle doit également être proportionnée. Concrètement, dans l’arrêt Viking, la Cour a pu très logiquement vérifier que les syndicats ne disposaient pas de moyens autres que la grève pour faire aboutir les négociations.
Comme l’a souligné mon collègue et ami Marc Laménie en commission, la Cour de justice des communautés européennes invite à opérer une conciliation entre ces différents droits et libertés, selon une démarche qui n’est pas sans rappeler celle du Conseil constitutionnel. Le droit de grève n’est pas un droit absolu, que ce soit en droit français ou en droit communautaire, et son exercice peut donc être encadré.
À la demande du groupe socialiste, la proposition de résolution a été inscrite à l’ordre du jour réservé aux groupes d’opposition et aux groupes minoritaires. Cette procédure a permis d’avoir un débat au sein de la commission des affaires européennes, au sein de la commission des affaires sociales et au sein de cet hémicycle aujourd’hui. Le groupe UMP n’a pas souhaité rejeter ou modifier la proposition de résolution initiale en commission, afin de lui permettre d’être examinée en l’état en séance publique, et ce conformément aux accords entre les groupes politiques.
Le débat a donc eu lieu et les arguments pour une révision de la directive ont été entendus. Finalement, que peut-on répondre aux auteurs de la proposition de résolution ?
M. Bernard Frimat. « Oui » ! (Sourires.)
M. Paul Blanc. Notre groupe attache beaucoup d’importance à la protection des salariés et à la place des règles sociales, mais n’estime pas nécessaire de modifier la directive de 1996.
Le rapport de la commission des affaires européennes note qu’une révision d’un texte voté à quinze risquerait de ne pas aboutir au résultat escompté s’il était adopté par vingt-sept États membres. On peut affirmer que la liste des matières relevant du noyau dur serait au contraire raccourcie.
Mme Catherine Tasca. Pessimistes !
M. Paul Blanc. Par ailleurs, l’adoption d’une clause de progrès social est difficilement envisageable alors que le traité de Lisbonne vient d’être définitivement ratifié. Et, comme l’a souligné Marc Laménie, l’article 3 du traité sur l’Union européenne consacre déjà avec force la finalité sociale de la construction européenne.
Il faut ajouter qu’à l’image de la Commission européenne nos deux rapporteurs ont surtout pointé les insuffisances de la coopération administrative entre États membres et de l’information des travailleurs sur leurs droits dans l’État membre d’accueil. Il existe également des difficultés de contrôle et d’exécution des sanctions dans l’État d’origine.
Par conséquent, le groupe UMP souscrit à l’idée des rapporteurs d’envisager la voie d’un règlement pour améliorer cette situation, afin de préciser l’interprétation de la directive et de renforcer les moyens de contrôle. Le débat devra donc être suivi d’échanges avec la Commission européenne. Il n’est pas nécessaire de revoir l’ensemble de la directive, qui atteint parfaitement ses objectifs.
Je tiens à féliciter nos rapporteurs, et particulièrement notre collègue et ami Marc Laménie,…
M. Marc Laménie, rapporteur. Merci !
M. Paul Blanc. … qui se livrait à cet exercice pour la première fois. Il a fait preuve d’une grande qualité d’écoute et a mené un travail approfondi sur un sujet très technique.
Le groupe UMP suivra l’avis des deux rapporteurs et votera contre la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, après les interventions de nos collègues, notamment celles de Richard Yung et de Catherine Tasca, il ne me semble pas nécessaire de revenir en détail sur cette proposition de résolution européenne.
En revanche, j’entends insister sur un point, qui est, pour l’ensemble des signataires de ce texte, non seulement central, mais surtout non négociable. Je veux parler de « la primauté des droits sociaux fondamentaux sur les libertés fondamentales du marché intérieur ».
En effet, dans un contexte grave de crise économique et sociale, avec une explosion du taux de chômage européen de 80 % en un an et un nombre de travailleurs européens détachés qui ne cesse de croître à grande vitesse – ils sont plus de 1 million aujourd’hui –, l’objet principal de cette proposition de résolution n’est pas uniquement de réaffirmer une énième fois de façon incantatoire l’importance des droits sociaux fondamentaux, mais bien d’aider à instaurer une véritable hiérarchie des normes faisant passer les droits sociaux fondamentaux avant les droits économiques.
Il ne s’agit en aucun cas de revenir sur les droits économiques et de nier les libertés fondamentales dont ils découlent. Il s’agit de ne plus se tromper sur leurs places respectives dans l’ordre juridique communautaire, et par là même national.
Pour cela, à la suite des arrêts « Laval », « Viking » et « Rüffert » de la Cour de justice des Communautés européennes, il nous faut procéder à une révision de la directive.
Sur ce point, les enjeux sont tels que nous ne pourrons nous contenter d’un simple règlement d’interprétation et d’application, de lignes directrices, ou encore d’une norme, comme certains l’évoquent.
C’est essentiel, tout d’abord, en raison d’un double souci de démocratie.
Quelle que soit la qualité du travail effectué par les juges européens, il n’est pas acceptable qu’ils aient une marge d’interprétation si grande qu’elle leur permette, in fine, de mettre en place une jurisprudence de toute évidence contraire à l’esprit de la construction européenne et à la lettre du traité de Lisbonne.
Il est primordial de redonner la main au législateur européen. C’est exactement ce que nous entendons faire avec cette proposition de résolution. Si les juges ont leur rôle à jouer, c’est le législateur qui doit définir la hiérarchie des normes. En tant que garante de l’intérêt général, c’est à la Commission européenne qu’il revient de combler les lacunes du texte. En tant que représentants directs des citoyens européens, c’est au Parlement européen et au Conseil des ministres d’en décider. Cela ne dépend que de la volonté politique.
Pour que le législateur européen puisse faire son boulot, il faut que les Parlements nationaux fassent le leur en interpellant leurs gouvernements dans ce sens, mais également la Commission européenne, soutenue par ces mêmes gouvernements.
J’attire votre attention sur le fait que ce dysfonctionnement grave est précisément de ceux qui contribuent régulièrement à éloigner l’Europe de ses citoyens. Nous avons là l’occasion d’agir.
Par ailleurs, la révision de la directive est essentielle parce que la relance de l’Europe sociale passe précisément par là.
Il est surprenant de le constater, rares sont ceux à faire le lien entre l’augmentation des troubles sociaux dans l’Union et la panne de l’Europe sociale, comme si la construction du libre-échange européen pouvait se passer du progrès social.
Le désenchantement des citoyens à l’égard de l’Europe va croissant, et pour cause ! Comment convaincre de l’intérêt de l’Europe lorsque celle-ci met en concurrence les travailleurs sur les seules bases de leurs conditions de travail, en encourageant donc le dumping social ?
La droite, majoritaire en Europe, a une responsabilité toute particulière. Nous savons bien que Barroso et la droite européenne, dans son ensemble, sont contre la révision de cette directive, car ils sont fondamentalement contre l’avancée de l’Europe sociale. Nous le savons sans l’ombre d’un doute parce que nous avons trop souvent vu à l’œuvre le procédé qu’ils utilisent.
Ils commencent tous leurs discours en rappelant toute l’importance des droits sociaux et en soulignant à quel point il est important de les protéger. En réalité, ils refusent de mettre en œuvre leurs paroles, ce qui revient finalement à « casser » purement et simplement les droits sociaux en les subordonnant aux droits économiques.
Combien de fois avons-nous vu à l’œuvre, dans cet hémicycle, avec ce gouvernement, le procédé qui consiste à faussement célébrer ce que l’on s’apprête à détruire ?
Quand le juge européen en vient à conditionner le droit de grève à la liberté d’installation et à la liberté de circulation, ce n’est pas une petite régression : c’est une tentative de déconstruction massive des valeurs qui fondent tout le projet européen !
Parce que l’Europe n’a jamais été un projet de marché économique et ne peut se contenter de l’être, l’heure n’est plus à la simple réaffirmation des droits sociaux : il faut les imposer au sommet de la hiérarchie des normes.
Enfin, j’attire votre attention sur le fait qu’en subordonnant le droit de grève au respect des principes du marché intérieur, le juge européen se retrouve avec un pouvoir d’interdiction de la grève que même le juge national ne possède pas.
Dans les nombreux pays de l’Union où le droit de grève à valeur constitutionnelle, comme c’est le cas en France, aucun juge n’a le pouvoir d’interdire la grève ; il a seulement le pouvoir de l’encadrer dans certains cas.
Mes chers collègues, avec cette proposition de résolution, le groupe socialiste vous invite à redonner le pouvoir au législateur européen, à jouer pleinement votre rôle d’élus nationaux d’un pays membre de l’Union, à relancer l’Europe sociale en imposant ses acquis et donc à tirer vers le haut le projet européen appelant à l’instauration d’une « clause de progrès social ».
Pour finir, je tiens à vous informer que notre démarche ne sera pas isolée. Ce sujet sera l’un des thèmes principaux de l’audition du nouveau commissaire européen à l’emploi devant le Parlement.
Puisque le PSE encourage à faire déposer le texte de cette proposition de résolution dans tous les Parlements nationaux des États membres de l’Union, mes chers collègues, saisissez l’occasion de passer pour la droite la plus progressiste d’Europe et votez cette proposition de résolution ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de résolution européenne qui est aujourd’hui en discussion pose au fond trois questions, chacune ayant son importance.
Quelles conclusions concrètes doit-on tirer des décisions rendues par la Cour de justice des Communautés européennes dans ces affaires « Viking Line », « Laval » et « Rüffert » ? Faut-il réviser la directive 96/71/CE ? Faut-il affirmer la primauté des droits sociaux sur les autres droits au niveau communautaire ?
À chacune de ces questions, je souhaite, au nom du Gouvernement, et plus spécifiquement de Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, apporter des éléments de réponses précis, qui viendront compléter et conforter ce qui vient d’être dit par MM. Badré et Laménie.
Je ne referai pas ici une analyse juridique des décisions rendues par la Cour de justice des Communautés européennes, la CJCE, que chacun d’entre vous connaît, mais je soulignerai trois points.
Premièrement, dans les différentes décisions, la CJCE, en réalité, défend la directive 96/71/CE. Elle affirme aussi le caractère fondamental des droits sociaux. Dans l’arrêt « Viking Line », la CJCE indique que « le droit de mener une action collective, y compris le droit de grève, doit donc être reconnu en tant que droit fondamental faisant partie intégrante des principes généraux du droit communautaire dont la Cour assure le respect ».Voilà qui est clair !
Deuxièmement, sur le fond de ces affaires, la difficulté n’est pas de dessiner une je-ne-sais quelle hiérarchie des normes, mais bien de concilier l’exercice de deux libertés reconnues chacune comme fondamentales : celle de librement travailler au sein de l’Union et celle d’y faire librement grève.
À cette question, la CJCE apporte une réponse simple et constante. Elle invite le juge national à se référer au respect du double principe de nécessité, d’une part, et de proportionnalité, d’autre part. Ce double principe est classique dès lors que l’on cherche à concilier l’exercice de deux libertés, y compris dans le droit du travail interne. Je rappelle qu’il figure depuis 1992 à l’article L. 1121-1 du code du travail. Là encore, la jurisprudence de la CJCE se doit d’être comprise plutôt que critiquée.
Enfin, troisièmement, la France ne fait pas partie des États membres mis en difficulté par les jurisprudences « Laval » et « Rüffert ». Les choses doivent être clairement dites ! En France, les employeurs détachant temporairement des salariés sur le territoire national sont soumis aux dispositions légales, mais aussi aux dispositions conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d’activité.
C’est la règle posée par l’article L. 1262-4 du code du travail. Et c’est tout le bénéfice du mécanisme d’extension des conventions collectives de branche pour tous les accords de branche, que les salariés soient détachés ou non.
Venons-en à l’essentiel des motivations de cette proposition de résolution, car ce n’est pas tant la CJCE qui est en cause que la révision de la directive qui est demandée ainsi que l’ajout d’une « clause de primauté » des droits sociaux.
Je commencerai par ce dernier point.
Faut-il inscrire dans le traité une clause de primauté des droits sociaux ?
Permettez-moi, monsieur Yung, de citer votre rapport sur l’Europe sociale : « Alors qu’elle était relativement absente du traité de Rome, la dimension sociale du projet européen a peu à peu émergé […]. Elle est aujourd’hui à l’origine d’un important acquis communautaire, composé de plus de deux cents textes ».
Vous avez raison, monsieur le sénateur : la dimension sociale du projet communautaire est maintenant une évidence et un acquis.
Cet acquis vient d’être amplifié et conforté par l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Je ne vous rappellerai pas le rôle essentiel de la France et du Président de la République dans la création des conditions d’entrée en vigueur de ce traité. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
Je ne vous rappellerai pas, non plus, les atermoiements du parti socialiste qui dit « oui » au traité, en tout cas pour une partie du PS, mais dit « non » à la révision constitutionnelle autorisant sa signature ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Frimat. C’est grotesque ! Arrêtez votre carnaval !
M. Alain Gournac. C’est le double langage du PS !
M. Bernard Frimat. C’est lamentable !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. En revanche, je veux insister sur la consécration des droits sociaux que réalise ce traité sur le plan communautaire.
Premièrement, il ouvre la possibilité pour tous les citoyens européens d’invoquer directement, devant leurs juridictions nationales, les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
M. Bernard Frimat. Ce n’est pas le Gouvernement, c’est l’UMP qui s’exprime !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Deuxièmement, il donne désormais à la Charte des droits sociaux fondamentaux la même valeur que les dispositions des traités.
Vous demandiez que ces droits sociaux soient reconnus et affirmés comme « essentiels » sur le plan communautaire. C’est le cas. Nous l’avons fait !
Ce traité élève au plus haut degré la liberté syndicale par l’article 12, le droit à l’information et à la consultation des travailleurs au sein de l’entreprise par l’article 27, le droit de négociation et d’actions collectives par l’article 28. Très concrètement, l’article 28, par exemple, affirme le droit des salariés de recourir, en cas de conflits d’intérêts, à des actions collectives pour la défense de leurs intérêts, y compris à la grève.
On ne saurait être plus clair. On ne saurait donner une valeur juridique à ce droit plus haute qu’en en faisant une disposition du traité. Votre demande, sur ce point, est donc déjà satisfaite. J’ajoute, en guise de clin d’œil, que ce traité promeut la solidarité intergénérationnelle, thème qui est au cœur de ma mission. Il m’est donc très cher !
Reste la dernière question essentielle que pose cette proposition de résolution, à savoir faut-il, oui ou non, réviser la directive 96/71/CE ?
Personnellement, je remarque que ni l’Allemagne ni la Suède, pays pourtant directement concernés par les décisions de la CJCE, n’ont demandé cette révision de la directive. Elles ont préféré faire évoluer leurs législations nationales : par la loi du 24 avril 2009 en Allemagne ou encore par les mesures présentées le 8 octobre dernier en Suède.
Dans ces conditions, vous comprendrez bien qu’il serait surprenant que l’un des pays les moins concernés par ces décisions – en raison, notamment, du mécanisme d’extension des conventions collectives de branche que j’évoquais tout à l’heure – soit le seul pays à demander la révision de la directive. D’ailleurs, j’attire votre attention sur le fait que deux de ces trois décisions se fondent, non pas sur la directive, mais sur des articles du traité lui-même, de sorte que la révision de la directive ne changerait rien.
Il importe, avant tout, que les États membres procèdent à une bonne transposition et, surtout, à une bonne application de cette directive.
Sur ce point, je voudrais souligner les initiatives et les actions de la France. Au niveau communautaire, nous avons activement soutenu la recommandation interprétative de la Commission européenne, en date du 31 mars 2008, relative à l’amélioration de la coopération administrative dans le contexte du détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services. Nous participons aussi directement aux deux missions d’étude lancées par la Commission, dont les résultats devraient être connus dans les prochains mois.
Au niveau national, c’est essentiel, nous continuons chaque jour à mieux équiper les services de contrôles, les employeurs et les salariés détachés, par la mise à disposition d’informations dans leur langue, par la dématérialisation des déclarations préalables de détachement via l’application « France migration détachement » ou FRAMIDE, qui sera déployée dès 2010. Enfin, nous renforçons la coopération entre les services de contrôle, au niveau tant national que communautaire, grâce à l’action du bureau de liaison, comme l’a souligné le ministre du travail lors de la présentation de son plan national de lutte contre le travail illégal, voici quelques jours.
Vous comprendrez donc que le Gouvernement émette un avis défavorable sur cette proposition de résolution européenne, qu’il considère comme inopportune. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Bernard Frimat. Encore une occasion manquée !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion du texte de la proposition de résolution européenne initiale.
Texte de la proposition de résolution initiale
Le Sénat,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vus l’article 39 du traité CE sur la liberté de circulation des travailleurs d’une part, et l’article 49 du traité CE sur la liberté de prestation de services d’autre part,
Vu les articles 136, 137, 138, 140 du traité CE,
Vu l’article 152 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui reconnaît le rôle des partenaires sociaux et l’importance du dialogue social et de la négociation collective,
Vu les articles 27, 28 et 34 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,
Vu la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement des travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, et notamment ses considérants (5), (12), et (22), ci-après nommée « la directive sur le détachement des travailleurs »,
Vu la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, et en particulier ses articles 3 et 16(3),
Vu la « clause Monti » inscrite dans le règlement CE n° 2679/98 du Conseil du 7 décembre 1998 relatif au fonctionnement du marché intérieur en ce qui concerne la libre circulation des marchandises entre les États membres,
Vu la communication de la Commission COM (2008) 304 final du 13 juin 2007 au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur « le détachement de travailleurs dans le cadre de la prestation de services : en tirer les avantages et les potentialités maximum tout en garantissant la protection des travailleurs »,
Vus l’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) du 11 décembre 2007 dans l’affaire C-438/05, International Transport Workers’ Federation and Finish Seamen’s Union/Viking Line ABP, l’arrêt de la CJCE du 18 décembre 2007 dans l’affaire C-341/05, Laval un Partneri Ltd, l’arrêt de la CJCE du 3 avril 2008 dans l’affaire C-346/06, Rüffert, ci-après nommés «Viking », « Laval », et « Rüffert »,
Vu la résolution du Parlement européen du 26 octobre 2006 sur l’application de la directive 96/71/CE concernant le détachement des travailleurs,
Vu la résolution du Parlement européen du 22 octobre 2008 sur les défis pour les conventions collectives dans l’UE,
Considérant que la liberté de circulation des travailleurs dans l’Union européenne implique l’abolition de toute forme de discrimination fondée sur la nationalité entre les travailleurs ressortissants d’un État membre en ce qui concerne les conditions d’emploi, de travail et de rémunération,
Considérant que le principe de l’égalité de traitement entre travailleurs pour un même travail sur un même lieu de travail est remis en cause par les récents arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires « Laval », « Viking » et « Rüffert »,
Considérant que le droit de grève et le droit à l’action collective sont des droits fondamentaux faisant partie intégrante des principes généraux du droit communautaire,
Considérant le dialogue social entre partenaires sociaux comme un élément essentiel du modèle social et économique européen,
Déclare inacceptable que le droit fondamental des partenaires sociaux de recourir à des actions collectives passe après les droits économiques dans un ordre hiérarchisé des libertés fondamentales,
Estime que cette hiérarchisation des normes en droit communautaire pourrait poser des problèmes de cohérence avec d’autres systèmes juridiques, tels celui de l’Organisation Internationale du Travail et celui du Conseil de l’Europe,
Rappelle que le droit de grève est de nature constitutionnelle dans nombre d’États membres, dont la France, et qu’il est à ce titre protégé dans le cadre du marché intérieur par la « clause Monti »,
Estime essentiel dans un contexte de crise économique et sociale extrêmement grave de garantir un niveau élevé de protection aux travailleurs et de lutter contre ce qui pourrait s’apparenter à du « dumping social »,
Estime que la concurrence sur la seule base de conditions salariales et de travail différentes entre travailleurs européens dans le cadre transnational d’une prestation de services sape la confiance des citoyens envers la construction européenne,
Condamne l’instrumentalisation politique à visée nationaliste qui est faite de certains conflits sociaux impliquant des travailleurs européens de nationalité différente,
Condamne l’introduction d’un principe de proportionnalité pour juger des actions menées à l’encontre d’entreprises utilisant la liberté de prestation de services dans le marché intérieur pour remettre en cause les conditions d’emploi et de traitement des travailleurs détachés dans l’État membre d’accueil,
Estime que la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes ne saurait suffire à clarifier l’état du droit en matière de travailleurs détachés,
Estime que la nouvelle Commission européenne devra orienter son mandat en faveur d’une véritable politique de l’emploi centrée sur la qualité du travail et le progrès social,
Estime qu’il en va de la responsabilité du législateur européen de procéder à un éclaircissement juridique des dispositions de la directive par le législateur européen, notamment quant à la valeur juridique des conventions et accords collectifs au regard de l’article 3 de la directive sur le détachement des travailleurs,
Estime urgent de procéder à la révision de la directive sur le détachement des travailleurs en consultation avec les partenaires sociaux européens,
Demande l’introduction d’une clause de progrès social donnant la primauté aux droits sociaux fondamentaux sur les libertés fondamentales du marché intérieur sur la base de l’article 3 (3) sous paragraphe 3 du traité de Lisbonne (sous réserve de sa ratification),
Souhaite un large champ d’application de ce qui peut être considéré comme des « dispositions d’ordre public » que les États membres peuvent appliquer en plus du noyau de normes minimales énoncées par la directive sur le détachement des travailleurs,
Demande que la directive introduise une délimitation temporelle dans la définition d’un travailleur détaché afin d’éviter toute utilisation abusive du détachement,
Souhaite que des dispositions contraignantes soient prises vis-à-vis des États membres comme des employeurs, permettant de garantir une information correcte des travailleurs détachés sur les droits dont ils disposent,
Souhaite le renforcement des contrôles et des moyens de sanction en cas de non-respect des dispositions de la directive,
Demande au Gouvernement de rendre compte à la Représentation nationale de l’application de cette directive en France,
Demande à la Commission européenne sur la base de ces orientations d’insérer dans son prochain programme de travail pour l’année 2010 une proposition de révision de la directive sur le détachement des travailleurs,
Demande au Gouvernement d’agir dans le sens de cette résolution.
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
Commission c/ Luxembourg
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement n° 2, puisqu’il a le même objet que l’amendement n° 1, à savoir, compléter la liste des arrêts de la Cour de justice des communautés européennes visés par la présente proposition de résolution.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 2, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par les mots :
et l’arrêt Commission contre Luxembourg
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Annie David. L’arrêt Commission contre Grand Duché du Luxembourg, rendu par la Cour de justice des communautés européennes le 19 juin 2008, se prononce sur un des aspects de cette résolution : la portée de la notion de « dispositions d’ordre public », au sens de la directive du 16 décembre 1996.
Par cet arrêt, la Cour de justice des communautés européennes a condamné le Luxembourg pour manquement à ses obligations en vertu de l’article 3, paragraphes 1 et 10, de la directive précitée, ainsi que des articles 49 et 50 du traité instituant la Communauté européenne. Je vous ferai grâce de la lecture de ces dispositions, qui précisent que les entreprises employant des salariés détachés doivent appliquer un certain nombre de mesures, nommées « noyau dur », mais peuvent y ajouter d’autres conditions d’ordre public, pour les inclure au contrat de travail qu’ils signent.
Avant cet arrêt, tous les juristes pensaient que chaque État membre était libre de déterminer ce qui, selon ses critères juridiques et ses valeurs, ressortait ou non des dispositions d’ordre public, au sens de la présente directive.
Or, dans cet arrêt, la Cour de justice des communautés européennes estime que le contenu des dispositions d’ordre public ne peut pas être déterminé unilatéralement par chaque État membre sans porter atteinte au principe fondamental de la libre prestation de service. Nous en revenons donc à la hiérarchie des normes que nous évoquions lors de la discussion générale et que contestent nos deux rapporteurs, ainsi que Mme la secrétaire d’État. Pourtant, nous voyons bien que la hiérarchie des normes adoptée par la Cour fait prévaloir l’intérêt du marché sur celui des salariés.
C’est pourquoi nous proposons d’inclure cet arrêt dans le texte de la résolution, par souci d’exhaustivité, car il s’inscrit au cœur de la problématique abordée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur. Par cohérence avec ma position sur l’ensemble de la proposition de résolution, j’avais proposé à la commission des affaires sociales d’émettre un avis défavorable sur ces deux amendements. Cependant, l’ajout de cette mention dans les visas de la proposition de résolution ne poserait pas de problème sur le fond, ce qui a conduit la commission à émettre finalement un avis favorable à l’adoption de ces deux amendements.
Mme Catherine Tasca. Bravo, monsieur le rapporteur !
Mme Raymonde Le Texier. C’est un bon début !
M. Alain Gournac. Non, le rapporteur a tort !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d’État. J’ai eu l’occasion d’indiquer dans mon propos liminaire que l’essentiel des difficultés soulevées par la directive n° 96/71 n’était pas lié à sa rédaction, mais à sa transposition dans les différents droits nationaux. Cet amendement me donne l’occasion d’illustrer mon propos, j’en remercie donc ses auteurs.
En effet, la raison pour laquelle la Commission a intenté une procédure en manquement contre le Luxembourg – qu’elle a gagnée, comme en témoigne la décision que vous citez – tient au fait que le Luxembourg n’avait pas joué le jeu de la directive. Celle-ci dispose en effet qu’en plus du « noyau dur » des règles du pays où se réalise la prestation, chaque État peut prévoir d’ajouter, pour des motifs d’ordre public, des dispositions additionnelles spécifiques. C’est notamment ce qu’a fait la France pour rendre applicables aux salariés en situation de détachement et à leurs employeurs les règles relatives au travail illégal.
Pour sa part, le Luxembourg, dans l’article 1er de la loi du 20 décembre 2002, avait eu la main un peu lourde, en considérant que l’essentiel de la législation en matière de relations de travail avait vocation à s’appliquer, quelle que soit sa source.
Mais la Commission a indiqué pendant plus de deux ans au Luxembourg – et sa position a donc été confirmée par la Cour de justice des communautés européennes – que l’exception d’ordre public doit demeurer une exception, et non servir de prétexte pour dénaturer les principes énoncés par la directive 96/71.
Vous comprendrez donc que le Gouvernement émette un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je me réjouis que la commission des affaires sociales ait émis un avis favorable, j’espère qu’elle continuera à faire de même par la suite !
Le complément apporté par ces amendements me paraît utile, puisqu’il ajoute un texte à ceux qui sont visés par notre proposition de résolution. Chaque État membre doit assumer la responsabilité de prendre ses décisions en la matière. Nous sommes donc favorables à ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Les socialistes d’Europe travaillent à ce que l’Europe sociale se construise « par le haut ». La proposition de résolution européenne de notre collègue Richard Yung œuvre en ce sens, en tentant de rendre la main au législateur européen, pour qu’il mette un terme aux attaques portées contre les droits sociaux fondamentaux, notamment par des arrêts récents de la Cour de justice de l’Union européenne.
Nous avons également insisté sur l’urgence qu’il y avait à réagir et, selon notre point de vue, cette nécessité se confirme. Ainsi, les sociaux-démocrates suédois se sont battus hier contre un projet de loi de leur gouvernement conservateur réformant le droit du travail en s’inspirant des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne qui limitent le champ d’application des conventions collectives. Or, vous le savez, le modèle social suédois est fondé sur la négociation et sur la portée de ces conventions collectives. Un des modèles sociaux les plus avancés et les plus efficaces d’Europe est donc remis en cause en tirant prétexte de la jurisprudence européenne.
L’enjeu n’est donc plus seulement de faire l’Europe sociale « par le haut », mais d’éviter que l’Europe sociale « par le bas » déconstruise les modèles nationaux avancés. À ce titre, la France pourrait se retrouver dans la même situation que la Suède, par les temps qui courent.
Les socialistes européens ont dénoncé cette instrumentalisation et demandent, au plus vite, une révision de la directive 96/71. La vice-présidente suédoise du groupe des sociaux-démocrates au Parlement européen s’est d’ailleurs déclarée très contente de savoir que le sujet était discuté dans d’autres Parlements. Mes chers collègues, ces propos confirment que notre discussion est suivie de très près par nos collègues européens !
Si les amendements nos 1 et 2 de notre collègue Annie David peuvent, de quelque façon, aller dans le sens d’une plus grande protection des travailleurs européens, c’est sans hésitation qu’il faut les voter !
Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 30
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Souhaite par conséquent que le droit à action collective et notamment l’exercice du droit de grève soit inclus soit dans le noyau des « normes minimales » que chaque pays doit garantir au salarié détaché soit dans les « dispositions d’ordre public », au sens de la Directive sur le détachement, quand dans le pays considéré ce droit à action collective incluant le droit de grève existe et est juridiquement garanti,
Souhaite que ce droit à action collective soit attaché à la personne du salarié détaché et que si ces droits existent dans son pays d’origine, il puisse, dans la mesure du possible, les exercer dans le pays où il effectue une prestation de service,
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Il est assez rare de voir la majorité désavouer la commission des affaires sociales…
M. Paul Blanc. Cela s’est déjà produit !
M. Dominique Braye. Nous ne sommes pas monolithiques, nous !
M. Michel Billout. … mais tout peut arriver, effectivement !
Cet amendement complète l’alinéa 30 de la résolution et vise à faire entrer le droit à action collective, notamment l’exercice du droit de grève, dans la catégorie « des dispositions d’ordre public » ou encore dans celle que la directive n° 96/71 considère comme « le noyau dur » des règles du droit du travail à appliquer obligatoirement.
Il convient en effet de faire en sorte que le droit à action collective, et notamment le droit de grève, puisse être « attaché à la personne », c’est-à-dire au travailleur détaché et qu’il puisse l’exercer dans tous les États membres de l’Union européenne.
L’action collective des salariés est, dans la plupart des pays, une réponse naturelle et universelle pour contrebalancer l’inégalité juridique, appelée aussi « subordination juridique », qui existe entre salarié et employeur. Ce droit à action collective est plus vaste que le droit de grève et peut recouvrir de nombreux cas de figure : manifestations, blocus, etc.
Bien entendu nous savons que les vingt-sept États membres de l’Union européenne n’offrent pas tous un contenu homogène à ces droits à action collective et que, selon les pays, le droit de grève est plus ou moins fortement garanti juridiquement.
Pour cette raison, notre amendement distingue plusieurs cas de figure.
Premièrement, un salarié dont le pays ne reconnaît pas ou peu le droit de grève et qui vient travailler dans un pays qui reconnaît le droit de grève, doit pouvoir en bénéficier, au même titre que les salariés de ce pays.
Deuxièmement, la situation inverse est plus complexe : un salarié, issu d’un pays lui garantissant ses droits fondamentaux de salarié, détaché dans un pays accordant moins de droits au salarié, devrait pouvoir exercer, dans le pays où il effectue une prestation de service, les droits qu’il détient dans son pays d’origine. Nous savons que cette solution est beaucoup plus problématique et qu’il est difficile d’imposer à un État membre de faire évoluer si vite sa législation du travail.
Cependant nous pensons que l’Union européenne devrait précisément parvenir à une harmonisation « par le haut » des différents systèmes juridiques et dégager un ensemble de règles unifiées et impératives, dont le droit à action collective et le droit de grève devraient faire partie.
Il est donc urgent que la Cour de justice de l’Union européenne abandonne la jurisprudence Commission c/Luxembourg, citée auparavant dans ce débat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur. Je suis plutôt défavorable à cet amendement.
Premièrement, il n’apparaît pas juridiquement indispensable. Le problème abordé est effectivement celui du droit de grève, droit fondamental reconnu dans l’ensemble des vingt-sept États membres de l’Union européenne.
Deuxièmement, il tend à proposer que chaque État puisse faire bénéficier les salariés détachés sur son territoire des dispositions de son droit national relatives au droit de grève et que chaque salarié détaché puisse se prévaloir des dispositions relatives au droit de grève en vigueur dans son pays d’origine. Un même salarié pourrait donc, d’après cet amendement, être soumis à deux législations relatives au droit de grève, sans que l’on comprenne vraiment comment la conciliation entre ces droits pourrait être opérée.
Au demeurant, la commission, quant à elle, s’est prononcée pour un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous rappeler que la charte des droits sociaux fondamentaux des travailleurs répond déjà à la demande exprimée par cet amendement. C’est précisément l’objet de son article 28.
Nous pouvons même considérer que la charte va au-delà de ce qui est demandé par cet amendement, puisque, au lieu d’imaginer une « portabilité » du droit de grève d’un pays à l’autre en fonction des règles du pays d’origine ou de prestation du salarié, la charte affirme le caractère licite du droit de grève, pour tous les salariés et citoyens de l’Union européenne, dans tous les États membres. Elle garantit la possibilité pour tous d’invoquer le droit de grève directement devant toutes les juridictions nationales.
De nouveau, je vous invite à constater que l’Europe sociale est en marche et que la France et son président ont joué un rôle moteur dans ces avancées que vous appelez de vos vœux.
Je vous suggère donc, monsieur Billout, de retirer votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Le premier alinéa de cet amendement est clair et va tout à fait dans le sens des idées mises en avant dans la proposition de résolution, notamment l’idée selon laquelle chaque pays devrait garantir un certain nombre de normes minimales, surtout en matière sociale. Nous voterions donc bien volontiers ce premier alinéa.
En revanche, nous avons un doute sur le deuxième alinéa. Outre son caractère juridiquement discutable, nous avons surtout du mal à voir comment un droit à l’action collective peut être attaché à un individu, qui l’emmènerait avec lui dans différents pays.
Par définition, l’action de grève est collective. On n’imagine pas qu’un travailleur, se rendant dans un pays dans lequel le droit de grève est moins garanti que dans son pays d’origine, se mette, tout seul, à appliquer ce droit et à faire grève.
Par conséquent, cette disposition ne nous paraissant pas très réaliste, nous nous abstiendrons.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. J’ai bien entendu les réserves de notre collègue Richard Yung. Je veux bien prendre note que ce dispositif n’est peut-être pas complètement « ficelé » d’un point de vue juridique.
Pour autant, il me semble important que cette « portabilité » du droit de grève soit accordée aux salariés qui se déplacent au sein de l’ensemble des États membres et qu’ils puissent faire valoir, si ce n’est un droit de grève, au moins un droit de retrait en cas de danger. Même si le droit de grève n’existe pas dans le pays où il se trouve ou s’il ne peut pas l’exercer seul, le salarié doit pouvoir refuser de travailler s’il se rend compte que ce qu’on lui demande de faire présente un danger.
Telle est l’idée que sous-tendait cette « portabilité » du droit à l’action collective : la possibilité pour le salarié de pouvoir se défendre s’il juge qu’il est soumis à des conditions inacceptables.
J’ai entendu la remarque de Mme la secrétaire d’État quant à l’inscription de ce droit dans la charte des droits sociaux fondamentaux des travailleurs. Il apparaît également dans les différents codes du travail. Notre proposition consistait à ajouter, dans la directive et, plus particulièrement, dans ce que l’on peut appeler le noyau dur de règles impératives, ce droit de grève et d’action collective.
Des sujets tels que la sécurité, la santé et l’hygiène au travail, l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes, l’interdiction des discriminations apparaissent déjà dans ce noyau dur. Ils sont pourtant inscrits dans la charte des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et dans l’ensemble des législations des États membres.
C’est pourquoi nous souhaitions cette inscription, dans le noyau dur de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, du droit à action collective.
Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 32
Insérer sept alinéas ainsi rédigés :
À cet effet, des dispositions devraient être adoptées pour permette aux salariés détachés d'accéder à une meilleure information sur le droit du travail applicable dans le pays de détachement et sur l'étendue de leurs droits en tant que salariés détachés.
Notamment pourraient être déclarées comme des conditions préalables à tout détachement :
- l'inscription ou la déclaration et la tenue de documents sociaux concernant le salarié détaché, dans l'entreprise détachante comme dans une structure ad hoc du pays de détachement,
- l'existence d'un représentant permanant du salarié détaché dans le pays de détachement, parlant la même langue que lui. Ce représentant pourrait être un membre de la direction de l'entreprise détachant un salarié et être sur le lieu de détachement au moins lors de la mise en route de la mission. Ou bien, chaque pays membre de l'Union européenne pourrait mettre en place dans son pays des représentants permanents locaux, des salariés européens détachés,
- la remise de documents écrits au salarié détaché lors de son arrivée dans le pays de détachement, dans une langue qu'il comprend et l'informant sur le droit du travail en vigueur dans le pays de l'exécution de la prestation et de ses droits en tant que salariés détachés,
- la création d'une structure européenne permanente de coordination dont le but serait d'améliorer l'échange d'informations et de données entre les administrations des pays membres et notamment entre les différentes inspections du travail ou leur équivalent dans les États membres.
Ces obligations doivent devenir effectives et leur méconnaissance juridiquement sanctionnée.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Cet amendement a pour objet de compléter l’alinéa 32 de la résolution, relatif aux dispositions contraignantes qui pourraient être prises vis-à-vis des États membres et des employeurs pour garantir une information correcte des travailleurs détachés sur les droits dont ils disposent.
En effet, dans la majorité des cas, les travailleurs détachés, mais aussi leurs entreprises, souffrent d’un accès difficile et très partiel aux informations relatives à la législation applicable dans le pays de détachement. La circulation des informations entre les différents acteurs du détachement – États membres, entreprises et salariés – suit des circuits trop hétérogènes et lacunaires.
C’est la raison pour laquelle nous proposons différentes démarches : la généralisation de l’inscription ou de la déclaration du travailleur détaché par l’entreprise qui le détache comme condition préalable ; la tenue de documents sociaux comme, par exemple, le registre du personnel ou les documents relatifs à l’organisation de visites médicales, auprès d’une structure ad hoc identifiable et harmonisée dans chaque pays membre ; la présence d’un représentant du salarié détaché sur le lieu d’exécution de la prestation, pour l’informer et l’accompagner lors son arrivée, comme le propose la Confédération européenne des syndicats.
Ce représentant pourrait appartenir à l’entreprise qui détache un travailleur ou, autre solution, chaque État membre pourrait nommer dans son pays des représentants permanents des salariés détachés, chargés de l’accueil et de l’information.
M. Alain Gournac. Quelle organisation !
M. Michel Billout. Cette mesure est en discussion, notamment avec la Commission européenne, car son aspect contraignant, coûteux et difficile à réaliser pour les très courtes missions a été pointé du doigt.
Pourtant les avantages qu’elle apporterait sont également très nombreux.
Elle serait de nature à faire disparaître un certain nombre de fraudes, permettrait de vérifier que l’entreprise à l’origine du détachement a bien une existence réelle et qu’il s’agit bien d’une entreprise européenne. Il s’agirait ainsi de lutter contre les entreprises « boites aux lettres ».
Elle obligerait les entreprises qui détachent des salariés à prendre la mesure de la prestation en venant sur place et à véritablement informer leurs collaborateurs.
Le salarié détaché devrait systématiquement se voir remis, lors de son arrivée, des documents écrits dans sa langue natale, l’informant du droit du travail en vigueur et de ses droits en tant que salarié détaché.
Enfin, suivant en cela la Confédération européenne des syndicats, nous appelons à la création d’une structure européenne permanente de coordination et d’information qu’Annie David évoquera à l’occasion de la présentation du prochain amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur. Monsieur Billout, j’ai bien compris le sens de votre amendement. Je sais que vous êtes très attaché aux droits des travailleurs. Les membres de la commission le sont également !
Sur cet amendement, qui tend à proposer un certain nombre de mesures destinées à améliorer l’information des salariés sur leurs droits, je ferai une réponse similaire à celle que j’ai donnée lors de l’examen de l’amendement précédent.
En effet, j’avais proposé à la commission d’émettre un avis défavorable, car, par sa précision, cet amendement ne m’était pas apparu tout à fait conforme à l’esprit du droit communautaire.
Nombre d’intervenants ont rappelé cette notion de droit communautaire. En principe, les directives fixent les objectifs à atteindre et laissent aux États membres le soin d’adopter les mesures nécessaires. En outre, la multiplication des formalités et des contraintes applicables en cas de détachement de travailleurs – nous en avons également beaucoup parlé –risquerait d’être considérée par la Cour de justice de l’Union européenne comme une atteinte excessive à la libre prestation de services.
Néanmoins, lors du vote en commission, un avis favorable sur cet amendement a été émis.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. La France a soutenu la démarche initiée en 2008 par la Commission européenne et plusieurs États membres, qui a conduit à l’adoption de la recommandation de la Commission du 31 mars 2008 relative à l’amélioration de la coopération administrative dans le contexte du détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services.
Ce texte répond à vos attentes, monsieur Billout, puisque, dans son premier chapitre de recommandations, il enjoint à tous les États membres de développer une coopération administrative, fondée notamment sur un système d’information électronique.
Il prévoit également, dans son deuxième chapitre de recommandations, que les États membres accroissent leurs efforts pour améliorer l’accès à l’information et s’assurent que leurs bureaux de liaison sont en mesure de mener à bien leur mission. À cet égard, la France a beaucoup progressé, comme je l’ai indiqué précédemment.
Enfin, cette recommandation invite aussi à identifier et échanger systématiquement les bonnes pratiques. Sans doute la France aura-t-elle, sur ce chapitre et en toute modestie, quelques informations à partager.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Est évoqué ici un des points importants soulevés par notre proposition de résolution. Je crois d’ailleurs qu’il a été reconnu par toutes les institutions qui se sont penchées sur le dossier, qu’il s’agisse de la Commission européenne ou du Parlement européen.
Il y a un manque drastique d’informations sur ces questions de détachement et ce manque affecte autant les travailleurs détachés – Quels sont leurs droits ? Quels sont leurs devoirs ? À qui doivent-ils d’adresser ? – qu’un certain nombre d’employeurs et les États chargés de suivre le détachement.
Par conséquent, la mise en place d’un système aussi souple et léger que possible de suivi des détachements est un des progrès importants qui doivent être faits dans un avenir proche. Ainsi, par exemple, l’inspection du travail, l’organe de suivi pour la France, pourra savoir qu’un chantier donné accueille un groupe de trente Lettons. Elle connaîtra la durée du séjour, passé et à venir, de ces salariés et les circonstances dans lesquelles ils travaillent. Ces informations permettront d’agir si nécessaire.
C’est donc bien un des points importants et, sous l’angle de la philosophie générale, je comprends l’amendement.
Cela étant dit, j’émettrai deux importantes réserves.
La première porte sur « l’existence d’un représentant permanent du salarié détaché dans le pays de détachement, parlant la même langue que lui ». S’il s’agit d’un représentant syndical, c’est concevable. Mais, s’il s’agit d’un membre de la direction, bien que je ne sois pas un adepte forcené de la lutte des classes,…
M. Denis Badré, rapporteur pour avis. Nous voilà rassurés !
M. Richard Yung. … je dois avouer que cela m’étonne !
Ma seconde réserve a trait à la « création d’une structure européenne permanente de coordination dont le but serait d’améliorer l’échange d’informations et de données entre les administrations des pays membres ».
D’abord, une structure supplémentaire serait d’une grande lourdeur.
Ensuite, j’estime que l’on doit s’appuyer sur l’existant, c'est-à-dire sur l’inspection du travail et les administrations équivalentes dont, sans bien connaître les législations de tous les pays membres, je présume que chacun de nos partenaires dispose, et développer – ce qui implique sans doute le recours à un système informatique – la mise en réseau de ces différentes administrations.
Il ne faut en effet pas créer une instance européenne qui, outre qu’elle serait lourde et coûteuse, dédouanerait les États membres de leur responsabilité.
Pour ces deux raisons, qui valent d’ailleurs également pour l’amendement suivant, nous nous abstiendrons sur l’amendement n° 4.
M. Alain Gournac. Il est très mauvais !
Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 33
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Ce renforcement des contrôles pourrait être obtenu par la création d'une structure européenne permanente de coordination dont le but serait d'améliorer l'échange d'informations et de données notamment entre les différentes inspections du travail ou leur équivalent des États membres.
Cette structure pourrait être dotée d'un droit de communication de documents, d'un droit de visite sur place et d'un droit de sanctions en cas de violation des obligations pesants sur les différents acteurs du détachement.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Ce dernier amendement est inspiré par le même esprit que l’amendement précédent : il nous semble que la circulation des informations entre les différents acteurs du détachement parcourt des circuits trop hétérogènes et lacunaires, ce qu’a rappelé, malgré les réserves qu’il a émises, Richard Yung.
Les lacunes et les complexités du système ont été constatées non pas seulement par les travailleurs en détachement ou par les membres de la Confédération européenne des syndicats, mais aussi par les entreprises, dans toute l’Union européenne, et tous ces acteurs de terrain ont proposé des solutions.
L’une des solutions qui émergent au fil des ans est la création d’une structure européenne permanente, chargée d’assurer la centralisation, la coordination et la circulation de cette information parmi les différents acteurs.
Cette structure serait en quelque sorte un observatoire des pratiques doté de compétences propres. Son rôle serait majeur pour améliorer l’information et faciliter le travail des milliers d’inspecteurs du travail et de leurs équivalents en Europe, conformément bien sûr aux législations en vigueur dans chaque pays.
Actuellement, les États membres doivent négocier l’échange d’information et de données, concernant les entreprises et les législations du travail, par le biais d’accords bilatéraux : chacun des vingt-sept États membres devant donc signer un accord bilatéral avec ses vingt-six partenaires, cela représente au total 682 accords bilatéraux !
Cet observatoire pourrait apporter un peu de clarté dans ce maquis juridique en assurant une uniformisation progressive des textes et la mise à jour des traductions des documents.
Centralisant le maximum d’informations sur les entreprises européennes et sur les législations en cours, il veillerait à ce que chaque salarié détaché soit bien informé à son arrivée et dans sa langue de la législation en vigueur dans son pays d’arrivée et de ses droits.
Pour qu’il puisse correctement accomplir cette mission, l’observatoire serait doté de compétences propres.
Il pourrait, dans un premier temps, demander à se faire communiquer des documents, par les États membres, bien entendu, mais surtout par les entreprises qui détachent des personnels, ce droit de communication étant, on l’a vu, primordial.
En cas de difficultés ou de résistance de la part d’une entreprise, il pourrait envoyer un de ses représentants sur place pour encourager cette dernière à respecter ses obligations et pour vérifier les aspects juridiques.
M. Alain Gournac. Ce serait une usine à gaz !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur. Nos collègues du groupe CRC-SPG souhaitent la création d’une structure européenne dont la mission serait d’améliorer l’échange d’informations entre États membres.
Vous avez évoqué un « maquis juridique », madame David, et chacun connaît votre attachement au droit du travail, mais il n’est pas sûr cependant que la création d’une telle structure, par laquelle transiteraient les informations, améliorerait la communication entre États membres. Il est à craindre, au contraire, qu’elle ne la ralentisse !
Par ailleurs, cette structure aurait le pouvoir de se substituer aux administrations nationales pour contrôler, sur place, le respect de la législation du travail. Elle empiéterait ainsi sur les compétences des États membres d’une manière qui serait tout à fait contraire au principe de subsidiarité.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Alors que votre assemblée va prochainement examiner, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi de simplification et d’amélioration du droit déposée par M. Warsmann,…
Mme Catherine Tasca. Déposée par un cabinet d’études !
M. Richard Yung. Cela va être un grand moment !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. … je ne suis pas sûre que la création d’un corps paneuropéen de contrôle du travail détaché, doté de droits spécifiques de visite et de pouvoirs particuliers de sanction, doive être envisagée.
Je veux au contraire saluer le travail réalisé par les inspecteurs du travail et l’ensemble des corps de contrôle intervenant sur ces sujets, pourtant éminemment complexes, d’un point de vue tant technique que linguistique.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Explications de vote
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix la proposition de résolution, je donne la parole à M. le rapporteur pour avis.
M. Denis Badré, rapporteur pour avis. J’aimerais qu’au moment où nous arrivons au terme de ce débat, nous ne restions pas sur un goût d’inachevé. Nous avons beaucoup, et bien, travaillé : d’abord vous, les auteurs de la proposition de résolution ; nous, au sein de la commission des affaires européennes ; vous, au sein de la commission des affaires sociales.
Nous sommes très près d’un consensus, lequel donnerait tellement de poids à une prise de position de notre assemblée ! Nous sommes en effet d’accord sur le fond, mais nous divergeons sur les moyens…
Nous parlons, depuis le début de ce débat, de hiérarchies, certains voulant hiérarchiser les objectifs sociaux et économiques. Pour ma part, j’estime qu’une hiérarchie s’impose, toujours et partout : la hiérarchie entre la fin et les moyens.
À cet égard, modifier la directive est un moyen. Ne subordonnons donc pas les chances de succès sur le fond à la satisfaction d’avoir tenté de faire adopter par tous les Parlements nationaux de l’Union européenne la même résolution en vue de la révision de la directive, alors que nous devons pouvoir nous retrouver sur l’idée qu’un règlement d’interprétation et d’application de la directive est une voie praticable, rapide, sûre et qui expose le moins notre système social.
Mes chers collègues auteurs de la proposition de résolution, ne pouvez-vous pas mobiliser votre énergie et votre détermination, que nous savons grandes, pour obtenir du PSE qu’il sollicite de l’ensemble des Parlements nationaux sur qu’ils s’engagent sur cette voie de la mise en place d’un règlement plutôt que sur celle de la modification de la directive ?
Là, nous aurions vraiment fait œuvre utile, là, tout le travail qui a été fait au cours des derniers jours et des dernières semaines serait un bon investissement ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Le débat arrive à sa fin.
M. Dominique Braye. Il était temps !
M. Richard Yung. Il a porté sur des questions que je crois importantes. Deux commissions ont examiné la proposition de résolution, ce qui démontre que la prise de conscience quant à la nécessité de fixer les choses a progressé.
Je regrette cependant que, sur des questions aussi importantes et directes, nous n’ayons pas pu avancer plus loin avec la majorité : cette dernière, et c’est regrettable, s’est réfugiée dans le silence et n’a pas voulu faire face au débat.
On voit, chers collègues de la majorité, que votre engagement est réel, mais il l’est dans la voie, je ne dirai pas de l’ultralibéralisme puisque je sais que c’est un mot qu’il ne faut pas employer,…
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Un gros mot !
M. Richard Yung. … mais de la défense du capitalisme européen.
Pour vous, rien ne doit entraver l’activité des entreprises et, si par hasard des normes sociales venaient brider leur liberté, alors ces normes devraient être rabaissées !
Sur le fond politique, j’estime que vous vous apprêtez à commettre une mauvaise action, car l’idée européenne se heurte à de plus en plus de réticences, de doute, de méfiance de la part des salariés, notamment parce qu’ils assistent jour après jour au démantèlement des services publics. Or, si notre assemblée vote comme annoncé, son vote renforcera cette tendance au lieu d’aller dans le sens d’une réconciliation des travailleurs, en particulier des salariés, avec l’idée européenne.
M. Badré a considéré que nous étions pessimistes, mais, avouez, mon cher collègue, que nous avons des raisons d’être pessimistes !
La politique sociale européenne a été progressivement démantelée au cours des dernières années : plus rien n’est inscrit sur l’agenda social européen, les partenaires sociaux ne négocient plus à l’échelle de l’Union, d’où notre pessimisme !
Et pessimisme aussi, monsieur Badré, à cause du vote que la majorité de notre assemblée s’apprête à émettre. Ce n’est pas le bon message que nous allons ainsi envoyer !
Vous demandiez pourquoi la France devrait conduire cette action alors qu’elle n’est pas le pays le plus concerné puisqu’elle a – ce qui est vrai – des normes de protection sociale relativement élevées.
Mais n’avons-nous pas d’abord une certaine idée de la France ? Notre pays a toujours joué un rôle moteur dans la construction européenne, en particulier dans la partie sociale de cette construction, et elle pouvait encore jouer ce rôle aujourd'hui.
Mme Raymonde Le Texier. Bien sûr !
M. Richard Yung. La France a vocation à pousser un certain nombre d’autres pays qui, pour diverses raisons, manquent d’allant dans le domaine social.
Certes, l’entrée en vigueur de la charte est un grand progrès, et nous nous en félicitons, mais je vous rappelle que plusieurs pays ont obtenu le l’opt outI…
M. Denis Badré, rapporteur pour avis. C’est bien dommage !
M. Richard Yung. … et qu’ils n’appliqueront donc pas la charte. Très commodément, et pour raisons sociales et pour raisons fiscales, il suffit de passer en Angleterre pour se dispenser d’appliquer les normes de protection sociales !
En outre, on a pu constater que, même quand les normes sociales sont bien affirmées, la Cour de justice des Communautés européennes prend des décisions qui vont dans un autre sens, et c’est la encore une cause de pessimisme, monsieur Badré.
Vous dites, chers collègues de la majorité, que ce n’est pas le bon moment. Cet argument, nous l’avons beaucoup entendu, mais je ne crois pas que ce soit le plus fort, d’autant que je pense que c’est le meilleur moment,…
Mme Raymonde Le Texier. Eh oui !
M. Richard Yung. … précisément parce que la nouvelle Commission qui se met en place va devoir établir son agenda social, puisqu’il n’y a plus rien sur celui-ci, et notre message aurait dû avoir pour objet de lui demander d’inscrire ces questions en haut de cet agenda pour qu’elle ait de quoi réalimenter la « machine » à négocier.
Le vote que notre assemblée va exprimer va exactement dans le sens contraire ; nous avons donc manqué des occasions de dialoguer avec la Commission et de faire enfin jouer notre nouvelle responsabilité de parlement européen dans le domaine du contrôle et d’user de notre pouvoir de proposition en matière de politique européenne à l’égard de la Commission européenne. Sur tous ces points, cela aura été la soirée des dupes… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.- Mme Annie David applaudit également.)
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la proposition de résolution européenne.
Je suis saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 103 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 180 |
Le Sénat n’a pas adopté.
7
Entrées de villes
Discussion d'une proposition de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à l’amélioration des qualités urbaines, architecturales et paysagères des entrées de villes, présentée par M. Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (nos 64, 128, 136).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les entrées de villes sont l’un des grands sinistres urbanistiques des cinquante dernières années.
Toutes nos villes sont belles. Malheureusement, avant d’y pénétrer, et qu’elles soient implantées au nord, au sud, à l’est, à l’ouest, ou au centre de notre pays, il faut en général franchir une zone appelée « entrée de ville », où, de part et d’autre d’une route nationale, en tout cas d’une voie à grande circulation, c’est le même alignement de cubes, de parallélépipèdes, de boîtes à chaussures en tôle ondulée, le tout agrémenté d’un pullulement de panneaux et d’enseignes, jusqu’à une trentaine parfois sur à peine soixante-quinze mètres !
Quelle image donne-t-on de notre pays à travers ces espaces si particuliers ?
On dit en général que nos villes sont belles parce qu’elles ont une « âme ». On parle même du « cœur » des villes. Ces mots ne sont pas anodins. Dès que l’on quitte le cœur des villes, le mot « âme » apparaît tout à fait hors de propos.
Le laisser-faire, les évolutions spontanées, la loi de la marchandise ont transformé ces espaces en collections d’objets qui prolifèrent sans structure, dans le désordre. On est passé de l’architecture à l’architecture-enseigne ; tel bâtiment correspondant à telle enseigne, quel que soit l’endroit où il sera « posé », devra avoir un toit vert et en pente. Pourquoi cela ? Parce qu’il faut qu’on le reconnaisse de loin ! Les constructeurs et les promoteurs ne se soucient pas de ce qu’il y a à gauche, à droite, devant ou derrière. Ils posent un objet à côté d’un autre : c’est la négation de l’architecture et de l’urbanisme.
Je voudrais citer ici un auteur parfois oublié : Karl Marx. Celui-ci avait prédit qu’un jour viendrait où la loi de la marchandise s’inscrirait dans l’espace réel concret. Eh bien, avec les entrées de villes, nous y sommes ! Nous avons le sentiment que la loi de la marchandise a colonisé l’espace, a envahi le paysage, au détriment de la beauté.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Cette évolution est l’aboutissement d’une longue histoire. La ville qui nous est léguée par le xxe siècle est le fruit de la grande industrie, laquelle a conduit à créer les grands ensembles, parce qu’il fallait loger ceux qui travaillaient dans les usines. Les grands ensembles ont ensuite entraîné la création des grandes surfaces, car il fallait bien que leurs habitants puissent acheter de quoi se nourrir et se procurer divers produits de première nécessité.
La ville du xxe siècle s’est ainsi peu à peu constituée comme un ensemble d’espaces souvent unifonctionnels : le centre-ville ancien, patrimonial, qui relève du ministère de la culture ; les faubourgs ; la périphérie verticale, constituée de barres et de tours essentiellement d’habitation ; la périphérie horizontale, caractérisée par l’étalement pavillonnaire, où l’on ne trouve pas grand-chose d’autre que des pavillons ; les campus universitaires, où il n’y a que l’université ; les parcs d’activité, dédiés exclusivement aux activités économiques ; les technopoles, pour les centres de recherche, les parcs de loisirs, pour les loisirs, etc. Et puis, il y a les entrées de villes, où l’on ne trouve que des espaces commerciaux.
Avec cette proposition de loi, j’entends poser la question suivante : quelle ville voulons-nous pour le futur ? Cette question, très rarement soulevée dans le débat politique, y compris lors des campagnes électorales, est pourtant décisive ! Et elle en entraîne une autre : que faisons-nous pour construire la ville à laquelle nous aspirons ?
Or, selon moi, nous devons, pour l’avenir, penser une ville dont les différents espaces seraient plurifonctionnels, et non plus spécialisés dans le commerce, l’habitat, l’université, le patrimoine… Dans cette ville du futur, tous les espaces auraient un cœur, une âme, le même droit à la beauté, à la dignité, au partage, et tous les habitants seraient des citoyens à part entière.
Cela suppose de créer les conditions non seulement d’une mixité fonctionnelle, que je viens d’évoquer, mais aussi d’une mixité sociale : nous devons inventer un véritable droit à la ville permettant à tous les citoyens d’occuper et de s’approprier l’ensemble des espaces urbains. Tel est l’enjeu de ce texte.
La situation actuelle est-elle inéluctable ? Je ne le pense pas.
En 1998, j’avais présenté au gouvernement de l’époque un rapport intitulé Demain la ville et qui comportait – de même que le livre publié en 1999 qui en est issu, Changer la ville – de nombreuses propositions. Je me suis aperçu, en les relisant, que l’une d’elles au moins avait concrètement abouti : celle qui concernait la taxe professionnelle unique. À l’époque, lorsque nous évoquions cette mesure, nous avions l’impression de prêcher dans le désert. Aujourd’hui, elle est devenue une réalité. Il a fallu une décennie – et aussi les lois de 1992 et de 1999 – pour y parvenir. C’est une avancée parce que la perception de la taxe professionnelle commune par commune était un facteur important de dégradation des entrées de villes : chacun voyait alors midi à sa porte, tandis qu’aujourd’hui il est possible d’envisager un plan d’ensemble.
À l’époque, j’avais même évoqué une loi Malraux pour les entrées de villes, comme il existe une loi Malraux pour les centres anciens.
M. Dominique Braye, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. C’est Malraux qui aurait été content d’être associé à des cubes de tôle ondulée !
M. Jean-Pierre Sueur. Mais, monsieur le rapporteur, si la loi Malraux a constitué une avancée considérable pour la préservation des centres anciens, pour le patrimoine, la reconquête des périphéries et les entrées de villes exige des efforts de même ampleur, sauf à considérer que certains espaces sont pour toujours voués à la laideur, à la médiocrité et à la disharmonie.
Je veux aussi signaler l’avancée que nous devons à notre collègue Ambroise Dupont sur deux points particuliers.
M. Dominique Braye, rapporteur. C’est le Malraux des entrées de villes !
M. Jean-Pierre Sueur. Tout d’abord, mon cher collègue, pour ce qui concerne les enseignes, vous avez présenté encore récemment des amendements importants.
Par ailleurs, je veux souligner le rôle que vous avez joué pour l’instauration d’une « bande » qui fut de cinquante mètres, puis de cent mètres et de soixante-quinze mètres. J’ai constaté avec plaisir que vous saisissiez l’occasion de l’examen de la présente proposition de loi pour poursuivre votre travail. Vos propositions ont été utiles, mais je pense qu’elles ne sont pas suffisantes. En effet, on ne peut se contenter de proscrire la construction sur certains espaces le long des voies routières. Il faut proposer des plans positifs d’aménagement du paysage, d’urbanisme et d’environnement. Tel est d’ailleurs l’objet de la présente proposition de loi.
En la matière, nous préconisons un véritable volontarisme.
Ainsi, nous proposons que, dans les documents d’urbanisme, il soit fait mention de la nécessaire qualité urbaine, architecturale, paysagère, environnementale des entrées de villes.
Nous proposons en outre que, d’ici à 2012, dans toutes les agglomérations françaises, soit élaboré un plan d’aménagement de l’ensemble des entrées de villes. Par conséquent, devront d’abord être définis des périmètres, de manière qu’un plan d’avenir pour ces espaces soit mis en œuvre. Il convient en effet de cesser de les laisser proliférer, puis se dégrader, car c’est malheureusement encore le cas en dépit des efforts que j’ai précédemment soulignés.
Nous proposons également, non pas de retenir une date butoir à laquelle certaines exigences devraient être remplies – ce serait utopique –, mais de faire en sorte que soient respectées les prescriptions du plan d’aménagement chaque fois qu’une réaffectation de l’espace sera envisagée.
Cette démarche, volontariste, je le répète, n’est est pas moins pragmatique puisqu’il s’agit de favoriser la pluralité fonctionnelle au fur et à mesure que des espaces seront libérés. Cela prendra donc inéluctablement du temps. Raison de plus pour commencer dès maintenant ! En tout cas, il est important d’avoir d’ores et déjà une perspective.
Nous envisageons aussi des proportions.
Nous voudrions que les plans d’aménagement précisent qu’un tiers des surfaces constructibles sera occupé, à terme, par des bâtiments à vocation culturelle, universitaire, sportive ou associative. Il faut instaurer une pluralité là où prévaut aujourd'hui l’unifonctionnalité.
De même, nous prévoyons de consacrer au moins 20 % de la surface des entrées de villes aux espaces verts. De fait, actuellement, lorsque vous franchissez ces zones, vous êtes frappé par leur aspect minéral ou métallique et par la grande rareté, voire l’absence totale de végétaux.
Nous proposons de limiter à 60 % des surfaces commerciales situées aux entrées de villes les surfaces de parking, ce qui est très volontariste. Nous pensons en effet qu’il faut rompre avec ces immenses « nappes » bitumées qui sont en totale contradiction avec les principes prônés actuellement au sommet de Copenhague. Car il est très bien de parler d’environnement et d’écologie, mais alors il faut cesser d’étendre toujours plus les surfaces vouées au stationnement des automobiles.
Il faut d’ailleurs prévoir parallèlement la desserte de ces espaces par les transports en commun. Il est paradoxal de constater que, actuellement, les entrées de villes sont très peu desservies par ce type de transports ; c’est tout simplement qu’elles ont été conçues en vertu du « tout-automobile ». Et c’est une autre incohérence par rapport à nos projets actuels, notamment par rapport aux conclusions du Grenelle de l’environnement.
Préalablement à la construction d’édifices d’une certaine ampleur, des concours d’architecture devront être organisés, de façon que ces édifices s’inscrivent dans le cadre d’un plan urbanistique et paysager, qui pourra lui-même donner lieu à concours. Et les concepteurs, les architectes, les urbanistes sont riches d’idées !
S’agissant de la voirie, monsieur Dupont, il faut non plus se contenter de prendre seulement en considération les espaces situés de part et d’autre des voies, mais se préoccuper de la voirie elle-même.
Comme vous le savez, la voirie est souvent traumatisante. Il est très difficile aux piétons de traverser les routes nationales, les voies express qui desservent les entrées de villes. Nous proposons de les transformer en « voies urbaines », c'est-à-dire en avenues, de manière à y retrouver l’urbanité au sens fort, à rendre ces zones agréables, conviviales. Bien entendu, il faudra envisager les conditions de leur franchissement par les piétons – c’est un des aspects de la question du partage de la voirie –, leur insertion urbaine, leur végétalisation, leur éclairage, etc.
Mes chers collègues, toutes ces questions méritent débat. Je remercie M. Dominique Braye, rapporteur de la commission de l’économie, et M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’intérêt qu’ils ont bien voulu porter à cette proposition de loi. Celle-ci, me semble-t-il, répond à un véritable besoin et je présume que les défenseurs du statu quo seront fort peu nombreux. Dès lors, il faut aller de l’avant.
Le débat que nous allons avoir est simple : peut-on se cantonner à des principes généraux ? Nous n’avons rien contre les principes généraux, mais la présente proposition de loi n’aura de sens que si elle va au-delà de l’énoncé de principes et pose des règles afin que les choses changent.
Mes chers collègues, par le biais de ce texte, nous plaidons pour le volontarisme. Il faut reconquérir les espaces dégradés. Les portes des villes, très souvent magnifiées dans le passé, doivent retrouver leur dignité, leur beauté, dans un souci d’harmonie, d’urbanité.
Beaucoup de visiteurs étrangers se demandent pourquoi, dans un pays recelant tant de beautés, les abords immédiats des villes sont ainsi enlaidis. Eh bien, nous pensons que cette situation n’est pas inéluctable. Il s’agit aussi, pour nous, de défendre une certaine idée de notre pays. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi visant à améliorer les qualités « urbaines, architecturales et paysagères des entrées de villes ».
La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ne peut que souscrire au constat établi par notre collègue Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste sur les entrées de villes, comme par tous les Français et aussi par beaucoup de visiteurs étrangers, ainsi que cela vient d’être dit.
Je rappelle toutefois que ce constat avait été dressé dès 1994 par notre collègue Ambroise Dupont dans un rapport remarqué.
M. Dominique Braye, rapporteur. Depuis trente ans, les entrées de villes ont subi une logique d’occupation et non d’aménagement, occupation très souvent caractérisée par un développement à outrance de surfaces commerciales de piètre qualité architecturale, comme l’a rappelé Jean-Pierre Sueur. À l’inverse des centres anciens, relativement bien préservés, ces périmètres intermédiaires situés le long des voies publiques, entre les zones urbaines et les espaces ruraux, ont trop rarement fait l’objet de prescriptions urbanistiques ou architecturales.
Les causes de la suroccupation commerciale de ces zones sont connues : la présence d’un foncier abondant à un coût abordable, un effet vitrine lié à la proximité des voies à grande circulation rendant facile l’accès de ces zones aux consommateurs, des créations d’emplois et des rentrées fiscales pour les communes.
Malheureusement, la protection de ces zones n’a été que trop peu prise en compte par le législateur à l’occasion de l’élaboration des lois relatives à l’urbanisme commercial, dans lesquelles il a plus été question de commerce que d’urbanisme, il faut bien le reconnaître.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Il y a eu une confusion permanente !
M. Dominique Braye, rapporteur. Nous pouvons nous féliciter qu’une partie du problème ait été récemment traitée, dans le cadre du Grenelle II, sur l’initiative, encore et toujours, de notre collègue Ambroise Dupont : nous avons apporté d’importantes modifications relatives à la publicité et aux enseignes, qui permettront aux élus locaux de mieux contrôler le paysage visuel de leurs entrées de villes.
Il faut également rappeler que les communes qui souhaitent intervenir en la matière disposent aujourd’hui d’au moins deux outils.
D’une part, si elles veulent échapper à la règle d’inconstructibilité dans la bande de soixante-quinze ou cent mètres située de part et d’autre des routes aux entrées de villes, elles doivent réaliser une étude prenant en compte les nuisances, la sécurité et la qualité architecturale, urbaine et paysagère : il s’agit du dispositif plus connu sous le nom d’« amendement Dupont » de 1995.
D’autre part, les plans locaux d’urbanisme peuvent comporter des orientations d’aménagement sur les entrées de villes qui sont opposables aux tiers.
Autrement dit, les communes disposent déjà de nombreux outils. Encore faut-il que les élus aient la volonté de s’en emparer et de les utiliser…
Le texte qui nous est soumis va beaucoup plus loin et même beaucoup trop loin dans la contrainte, en imposant un plan préétabli à toutes les entrées de villes de France, sans que l’on sache d’ailleurs selon quels critères les communes délimiteraient leurs entrées de villes.
En outre, ce texte privilégie une logique réglementaire, fondée sur des pourcentages d’occupation des sols applicables quel que soit le territoire considéré. Or, comme l’ont souligné de nombreuses personnes auditionnées par notre commission, il faut abandonner l’urbanisme réglementaire et le quantitatif, au bénéfice de l’urbanisme de projet et du qualitatif.
De plus, en proposant une solution uniforme pour les quelque 17 000 communes couvertes par un plan local d’urbanisme et les 4 200 communes dotées d’une carte communale, le texte va à l’encontre de notre philosophie selon laquelle il ne peut y avoir de modèle unique pour toutes les entrées de villes. Enfin, il ne s’inscrit pas non plus dans l’esprit de l’amendement adopté en 1995 sur l’initiative de notre collègue Ambroise Dupont et qui visait à obliger les communes à mener une réflexion, sans préjuger le contenu de celle-ci.
M. Jean-Pierre Sueur. Malheureusement, il n’a pas produit d’effets !
M. Dominique Braye, rapporteur. La commission de l’économie donne toutefois acte à M. Sueur de ce qu’il soulève un vrai problème. Elle a jugé en conséquence inopportun de rejeter purement et simplement le présent texte. Au demeurant, le très récent dépôt d’une proposition de loi sur les entrées de villes par nos collègues députés atteste la nécessité de s’attaquer à ce problème.
La commission de l’économie proposera en conséquence un dispositif, qui sera utilement complété par celui que nous présentera, à l’article 2, M. le rapporteur pour avis de la culture. Dans notre esprit, ces propositions ont vocation à être intégrées dans une réflexion plus globale qu’il est indispensable de mener dans le cadre de la prochaine réforme de l’urbanisme commercial. Il faudra, à cette occasion, définir des solutions pour traiter les entrées de villes existantes, comme le préconise le rapport remis par notre ancien collègue député Jean-Paul Charié.
À l’article 1er, notre commission proposera de conserver le I, qui ajoute une référence utile à la qualité urbaine, architecturale et paysagère des entrées de villes dans les objectifs généraux des documents d’urbanisme. Cette mention vise aujourd’hui uniquement les SCOT. Il est plus cohérent de la faire figurer dans l’article concernant tous documents d’urbanisme.
Elle vous soumettra ensuite un amendement visant à remplacer les paragraphes II, III et IV par un dispositif incitant les communes à mener une véritable réflexion sur l’aménagement de leurs entrées de villes.
S’agissant de l’article 2, qui tend à transformer toutes les routes nationales situées dans les entrées de villes en voies urbaines, je rappellerai plusieurs éléments aux auteurs du texte.
Tout d’abord, de très nombreuses routes sont désormais non plus nationales, mais départementales.
Ensuite, les communes qui le souhaitent peuvent déjà, aujourd’hui, passer des conventions avec les départements ou avec l’État pour exercer tout ou partie des compétences de voirie sur une portion de route nationale ou départementale.
Aller plus loin en imposant ce dispositif partout, comme le prévoit l’article 2 de la présente proposition de loi, ne me paraît pas opportun et pose même de véritables problèmes de constitutionnalité puisque les moyens correspondant aux nouvelles charges qui seraient transférées ne sont pas inscrits dans ce texte. Or je sais, cher collègue Sueur, pour vous l’avoir entendu dire à plusieurs reprises, que vous tenez particulièrement à ce que les transferts de charges aux communes soient compensés…
Ensuite, l’article 3 semble en grande partie satisfait par les dispositions du Grenelle II relatives aux SCOT. En effet, ceux-ci devront désormais préciser « les conditions permettant le désenclavement par transport collectif des secteurs habités qui le nécessitent ».
Monsieur le secrétaire d'État, je dois reconnaître qu’il pourrait être utile, à l’occasion de l’examen du Grenelle II à l’Assemblée nationale ou en commission mixte paritaire, de remplacer le terme « habités » par le mot « urbanisés », ce qui correspondrait plus directement à l’objectif visé par l’article 3.
M. Dominique Braye, rapporteur. En conclusion, je souhaiterais insister sur deux points.
Premièrement, le rétablissement d’une véritable qualité des zones périurbaines suppose la constitution d’équipes pluridisciplinaires, composées d’architectes, de paysagistes et d’urbanistes-conseils.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est vrai !
M. Dominique Braye, rapporteur. De ce point de vue, monsieur le secrétaire d'État, il est indispensable que la réflexion intercommunale se développe très largement en matière de documents d’urbanisme : comme vient de le montrer l’auteur de la présente proposition de loi, c’est bien à cette échelle qu’il faut réfléchir.
Deuxièmement, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais que vous nous éclairiez sur les modalités et le contenu de la réforme à venir de l’urbanisme commercial. Dans son rapport, Jean-Paul Charié énonçait un certain nombre de pistes, visant notamment à replacer l’urbanisme commercial dans le droit commun en la matière. Pouvez-vous nous préciser quelles suites vous comptez donner à ce rapport ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne puis que souscrire à l’ambition affichée par les auteurs de la présente proposition de loi, qui se fixent pour objectif de déterminer « un projet pour la ville du futur », cette dernière devant être caractérisée par une mixité à la fois sociale et fonctionnelle.
La même ambition m’avait animée lorsque j’avais été chargé, en 1994, de la rédaction d’un rapport sur les entrées de villes, que j’avais intitulé : « Les entrées de villes ou redonner le goût de l’urbanisme ». Il s’agissait d’éclairer l’État sur les actions à entreprendre, en partenariat avec les collectivités territoriales, afin de revaloriser les abords des villes et d’éviter que ne se reproduisent à l’entrée de nos bourgs les méfaits que nous déplorons.
La prise de conscience de la détérioration des entrées de villes n’est pas récente : elle occupe le champ de la réflexion depuis près de vingt ans. Initialement concentré aux abords des grandes agglomérations, ce problème s’est déplacé et il concerne aujourd’hui l’ensemble de notre territoire, y compris les villes moyennes et les zones rurales.
En effet, cette urbanisation anarchique s’est réalisée aux dépens de l’espace rural et sans aucune réflexion préalable. La confusion dans l’occupation de l’espace fait qu’il est parfois difficile de percevoir la délimitation entre la campagne et la ville.
Or les entrées de villes sont le reflet de nos cités, car elles participent de l’image que nous en donnons à voir, en tant qu’élus et en tant que citoyens. Tout comme vous, monsieur Sueur, je suis frappé du contraste qui s’est accentué entre des centres-villes de mieux en mieux restaurés et mis en valeur et des abords de villes qui sont marqués par une forme de déshérence architecturale et urbanistique.
Les entrées de villes constituent donc un enjeu essentiel de la qualité des paysages et du cadre de vie de nos concitoyens ; elles exercent une influence sur le développement du secteur touristique dans notre pays.
Je ne puis donc que saluer l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Sueur, qui partage depuis longtemps les mêmes préoccupations que moi en ce qui concerne les entrées de ville.
Cependant, je n’adhère pas à la démarche qu’il propose, qui fixe de strictes prescriptions en matière d’élaboration des documents d’urbanisme. En effet, selon moi, la mise au point d’un dispositif visant à améliorer la qualité des entrées de villes doit privilégier des procédures de réflexion et de collaboration plutôt que des dispositions contraignantes purement législatives ou réglementaires, comme l’a très bien souligné M. le rapporteur.
J’ai pu constater, moi aussi, que le règlement ne réglait rien, ou du moins qu’il ne faisait pas disparaître tous les problèmes.
Je voudrais saisir l’occasion de l’examen de cette proposition de loi pour rappeler l’esprit de l’amendement que j’avais déposé lors du débat sur la future loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement.
Cette disposition, devenue depuis lors l’article L. 111-1-4 du code de l’urbanisme, n’a pas toujours été bien comprise. Elle s’inscrivait dans la suite donnée à la proposition phare de mon rapport sur les entrées de villes, qui préconisait d’édifier une zone d’insertion paysagère aux abords immédiats des grandes infrastructures routières, dans une stratégie de restauration de la prérogative publique.
Afin de freiner l’urbanisation désordonnée des principaux axes routiers, avait été votée alors une mesure d’interdiction des constructions et installations nouvelles en dehors des espaces déjà urbanisés, sur une bande de cent mètres de part et d’autre de l’axe des autoroutes, des routes express et des déviations, et de soixante-quinze mètres de part et d’autre de l’axe des autres routes classées à grande circulation. Ces distances n’avaient pas grand sens par elles-mêmes : elles étaient une « obligation à réfléchir », qui pouvait être levée quand la réflexion pluridisciplinaire préalable avait été menée.
Cette mesure avait donc pour principale ambition de susciter une véritable réflexion urbanistique et d’amorcer une démarche plus vaste en faveur des entrées de villes. Les communes peuvent ainsi modifier ce dispositif dans le cadre de leur compétence en matière d’urbanisme et réglementer de façon spécifique les conditions d’aménagement des zones concernées. C’est la grandeur de la loi de décentralisation de 1982, qui a confié au maire la responsabilité de l’urbanisme.
Par ailleurs, l’affichage publicitaire contribuant également à la dégradation du paysage, lors de l’examen du projet de loi dit « Grenelle II », le Sénat a adopté à l’unanimité – j’y ai été très sensible –, sur l’initiative de notre commission, des dispositions visant à améliorer l’insertion paysagère des dispositifs publicitaires qui seraient autorisés dans les entrées de villes.
Certes, l’effet d’une telle mesure ne devrait être visible qu’à moyen terme, mais il me semble indispensable de faire naître des dynamiques de ce type, afin que la réflexion urbanistique et paysagère devienne une habitude, notamment pour les entrées de ville.
En outre, la réflexion sur les entrées de villes impliquant généralement plusieurs communes limitrophes, comme l’a rappelé M. Sueur, la concertation peut s’envisager dans le cadre de plans locaux d’urbanisme intercommunaux, conformément aux dispositions votées par le Sénat dans ce même projet de loi.
Je précise que j’approuve la position retenue par la commission de l’économie sur cette proposition de loi, ainsi que l’amendement qu’elle a adopté, car celui-ci tend à s’inscrire dans la dynamique que j’ai décrite.
Par ailleurs, mes chers collègues, je vous proposerai tout à l’heure, au nom de la commission de la culture, un amendement visant à renforcer l’article L. 111-1-4 du code de l’urbanisme par l’élargissement de son champ d’application.
En effet, il me semble que les schémas de cohérence territoriale seraient tout à fait appropriés pour définir, le cas échéant, les routes devant faire l’objet d’une réflexion relative à la constructibilité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, monsieur Sueur, mesdames, messieurs les sénateurs, les entrées de ville constituent un véritable enjeu, qui dépasse bien entendu les clivages politiques.
Il est temps de réinvestir des zones qui étaient clairement laissées à l’abandon, car le constat est net : ces territoires en manque de considération ont été aménagés sans réelle vue d’ensemble. Mal organisées, mal agencées, les entrées de villes sont dédiées à la voiture, les espaces verts y étant largement résiduels. Leur aménagement s’est fait selon une logique économique, instantanée : le terrain foncier avait la caractéristique d’être suffisamment abordable pour y faire pousser de façon anarchique les installations commerciales et publicitaires.
Sans vision esthétique, sans vision environnementale et durable, la périphérie n’intéressait ni les habitants, ni les élus, ni l’État. Toutefois, je tiens à saluer la contribution d’Ambroise Dupont, ce « Malraux moderne » (Sourires.), qui fut l’un des premiers à appeler notre attention sur le devenir de ces zones.
Monsieur le sénateur, votre engagement n’a jamais faibli depuis le rapport que vous avez remis au Gouvernement en 1994 et l’amendement qui a été voté en 1995. Je tiens aussi à souligner vos nombreux travaux au sein du Conseil national du paysage et, plus récemment, dans le cadre du Grenelle II, sur la question de la publicité dans ces zones.
Une nécessité s’impose aujourd’hui : nous devons réinvestir ces territoires. Ils sont à l’opposé de la ville que nous voulons promouvoir, celle de la mixité urbaine et de la proximité, privilégiant les moyens de transport sont sobres en émissions de carbone.
Pour toutes ces raisons, ces territoires peuvent constituer la « nouvelle frontière » de nos urbanistes. Le défi n’est pas de défricher des territoires encore vierges, mais bien de réinventer ces espaces sans qualité en définissant de véritables projets urbains.
Je crois, monsieur Sueur, que nous dressons tout à fait le même constat, qui est sans appel. Cependant, une partie des réponses que vous apportez ne peut nous convenir.
C’est d’abord une question de méthode : la philosophie générale de ce texte est fondamentalement éloignée de celle que Jean-Louis Borloo et moi-même avons souhaité mettre en œuvre dans le cadre du Grenelle de l’environnement.
Globalement, vous voulez imposer une série de règles systématiques, totalement uniformes,…
M. Jean-Pierre Sueur. C’est faux !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. … là où le Grenelle propose de raisonner par objectifs et par outils.
Là où vous développez des réponses réglementées, qui seront les mêmes partout,…
M. Jean-Pierre Sueur. Mais non !
M. Dominique Braye, rapporteur. Mais si ! Il suffit de lire le texte !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. … nous apportons une réponse en termes de projet.
Tel est le sens du plan « Ville durable » et des appels à projets lancés par Jean-Louis Borloo.
En particulier, le défi d’un projet d’éco-cité a été brillamment relevé à Montpellier : il permettra de réinvestir les emprises commerciales situées le long de la route de la mer, qui présente des densités faibles et des paysages de qualité, pour inventer des lieux de vie et de mixité urbaine le long de la ligne de tramway. Voilà un exemple de ce que nous souhaitons développer, à savoir un urbanisme de projet, et non une norme unique pour tous, imposée depuis Paris !
M. Jean-Pierre Sueur. Il ne s’agit pas de norme ! Il s’agit de la règle de droit !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Tel est aussi l’esprit de propositions intéressantes formulées notamment dans le cadre du Grand Paris, à travers le travail proposé sur les lisières et plus généralement sur les seuils et axes d’entrée dans l’agglomération parisienne.
Tel est enfin le sens du projet de loi Grenelle II, déjà adopté au Sénat, dont plusieurs mesures traitent de cette question. C’est ainsi le cas de la réforme de la réglementation de l’affichage publicitaire, sur la base des propositions formulées par M. Ambroise Dupont, ou encore, plus globalement, de celle des documents d’urbanisme, dans une logique de développement durable, de lutte contre l’étalement urbain et d’essor des transports collectifs, comme M. Braye vient de le rappeler.
Je souhaite d’ailleurs, avant de conclure, répondre aux interrogations que celui-ci m’a adressées.
Monsieur Braye, j’ai été très attentif à votre rapport et à vos conclusions, et je tiens à vous en remercier parce que vous avez mis l’accent sur deux questions essentielles.
Tout d’abord, les entrées de villes sont des territoires situés à cheval sur plusieurs communes. Vous avez donc raison de souligner qu’une approche urbanistique nouvelle de ces zones nécessitera l’élaboration de documents de niveau intercommunal. Cet aspect important de la question, nous l’avons abordée ici même lors de l’examen du projet de loi Grenelle II. Je sais que vos collègues députés souhaitent y revenir et poser clairement la question du PLU, ou plan local d’urbanisme, intercommunal.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis. Nous pouvons le faire !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je souhaite que, dans les semaines à venir, nous discutions avec le Sénat et les commissions que vous représentez, messieurs les rapporteurs, pour étudier la façon dont nous pourrions avancer dans cette direction, qui me paraît très intéressante.
De même, l’intégration de l’urbanisme commercial au droit commun en la matière est un sujet qui mérite qu’on s’y attache. Les zones dont nous parlons sont généralement dédiées au commerce, ce qui pose donc un problème de cadre de référence. Cette intégration pourrait permettre, à terme, de ne plus traiter les secteurs commerciaux comme des territoires particuliers, obéissant à d’autres lois et d’autres logiques.
Si nous souhaitons promouvoir une approche décloisonnée, les zones commerciales pourraient être considérées comme des morceaux de ville banalisés, appelés à respecter les règles du jeu urbain dans le cadre de projets de qualité.
Là encore, je sais que des réflexions sont menées, ici même comme à l’Assemblée nationale. Le Gouvernement est prêt, bien entendu, à examiner comment, par exemple dans le cadre d’une proposition de loi, l’attente justifiée des députés et des sénateurs pourrait être satisfaite.
Le Gouvernement avait d'ailleurs pris l’engagement, à l'occasion de la LME, la loi de modernisation de l’économie, d’intégrer rapidement l’urbanisme commercial dans le droit commun en la matière. Nous avions pris l’engagement de le faire dans les six mois suivant la promulgation de la loi ; cela fera donc bientôt deux ans… Il était temps pour le Gouvernement de tenir cet engagement auprès du Parlement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà de cette proposition de loi, il convient de mettre en lumière toute notre détermination à ne plus laisser ce dossier en friche.
Je partage la philosophie qui sous-tend votre texte, monsieur Sueur, mais pas les moyens qu’il prévoit. C’est pourquoi le Gouvernement n’est pas favorable à son adoption. En revanche, il est favorable aux amendements présentés par les deux commissions saisies. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà quinze ans, notre collègue Ambroise Dupont, en charge d’une mission de réflexion et de proposition sur les entrées de ville, avait dressé un bilan alarmant.
Afin de reconquérir ces espaces périurbains, que nous préférerions appeler « portes de ville », car les entrées sont aussi des sorties de ville, le législateur avait enrichi le code de l’urbanisme d’un article L. 111-1-4, qui prévoyait notamment, sous réserve de quelques exceptions, qu’« en dehors des espaces urbanisés des communes, les constructions ou installations sont interdites dans une bande de cent mètres de part et d’autre de l’axe des autoroutes, des routes express et des déviations au sens du code de la voirie routière et de soixante-quinze mètres de part et d’autre de l’axe des autres routes classées à grande circulation ».
Aujourd’hui, nous examinons la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur relative à l’amélioration des qualités urbaines, architecturales et paysagères des entrées de ville. Ce texte s’inscrit dans un double contexte.
D’une part, nous constatons que ce souci esthétique est partagé par l’ensemble des parlementaires. Nous l’avons vérifié, dans le cadre du Grenelle II, à l’occasion de l’adoption d’un amendement déposé par notre collègue Ambroise Dupont, qui visait à modifier l’article L. 581-19 du code de l’environnement afin de fixer une date butoir au-delà de laquelle les préenseignes dites « dérogatoires » devraient être supprimées et remplacées à l’entrée des villes.
Cependant, un tel consensus ne doit pas faire écran à une réalité qui est tout autre quand il s’agit du contenu des politiques de la ville.
D’autre part, un bilan catastrophique de la réglementation en vigueur est unanimement dressé pour dénoncer son inefficacité. En effet, la réglementation issue du code de l’urbanisme reste très permissive à l’égard de la construction dans ces zones périurbaines. Le rapport de simple compatibilité des documents d’urbanisme entre eux en constitue un élément parmi d’autres.
Là encore, si le constat est unanime, les solutions sont diverses.
Ainsi, les alinéas 1 et 2 de l’article 1er de la proposition de loi, qui échappent aux larges coups de ciseaux du rapporteur, complètent l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme, qui pose les principes généraux du droit de l’urbanisme avec lesquels doivent être compatibles les SCOT, les PLU et les documents en tenant lieu, les cartes communales et les directives territoriales d’aménagement, ou DTA. Il est proposé d’y ajouter le principe suivant : assurer « la qualité urbaine, architecturale et paysagère des entrées de villes ».
L’intention est louable. Cependant, il faut bien avoir à l’esprit que, les objectifs assignés aux documents d’urbanisme ayant tous la même valeur juridique, une obligation de conformité à chacun de ces objectifs n’est pas requise.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
Mme Odette Terrade. C’est seulement le non-respect manifeste de l’un des principes qui peut être sanctionné.
L’opposabilité individuelle des principes doit donc être relativisée. Il faut souligner que cette disposition du code de l’urbanisme, qui vise à assurer un équilibre, prend en compte tellement d’éléments différents qu’une grande marge de manœuvre est laissée aux collectivités locales.
Par votre amendement, monsieur le rapporteur, vous souhaitez, dans l’esprit de l’amendement d’Ambroise Dupont, « que les communes soient davantage incitées à réfléchir à l’aménagement de leurs entrées de ville », pour reprendre les termes mêmes du rapport. Il s’agit de compléter l’article L. 123-12 de l’urbanisme et d’offrir au préfet la possibilité, et non l’obligation, de proposer à la commune les modifications nécessaires si le plan local d’urbanisme entre en contradiction avec un certain nombre de réglementations énumérées par l’article.
Je formulerai deux remarques sur cet amendement.
D’une part, si les modifications proposées par les alinéas 1 et 2 de l'article 1er de la proposition de loi sont adoptées, le préfet aura la faculté de demander des modifications dans l’hypothèse où le plan local d’urbanisme compromettrait gravement les principes de qualité urbaine, architecturale et paysagère. Il est vrai que l’amendement ne fait pas mention d’une infraction manifeste à ces principes, mais, sur le fond, il s’agit, à deux exceptions près, de la méconnaissance des mêmes principes. On peut d’ailleurs se demander, au regard du rapport de compatibilité exigé, si le juge, en cas de litige, traiterait différemment les alinéas 3 et 4 de cet article tels qu’ils résulteraient de l’adoption de l’amendement.
D’autre part, cet amendement fait mention, comme l’article L. 111-1-4 du code de l’urbanisme, de la « prise en compte des nuisances » et « de la sécurité ». Cela nous semble un peu large. Ne risque-t-on pas de créer ainsi une trop grande insécurité juridique pour les communes ?
Enfin, nous avons des doutes sur l’opportunité d’instaurer certaines procédures – enquêtes publiques, concours d’architectes –, non seulement en raison de la rigidité qu’elles présentent, laquelle n’est pas forcément utile, mais également au regard du coût induit pour les collectivités locales.
Nous ne sommes pas non plus favorables à l’article 2 de la proposition de loi, qui risque d’alourdir les charges des collectivités locales, déjà mises en difficultés par les politiques du Gouvernement. En réalité, nous considérons que la proposition de loi, comme l’amendement du rapporteur, ne saurait régler le problème immense de la dégradation architecturale et paysagère des entrées de villes.
Car, en toile de fond, il y a la politique de la ville menée par le Gouvernement. Chers collègues de la majorité, dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie, n’avez-vous pas voté la réforme de l’urbanisme commercial ? Vous vous souciez de l’urbanisation hideuse des entrées de villes, mais vous avez relevé le seuil de déclenchement de l’autorisation préalable imposée aux grandes surfaces pour toute nouvelle implantation ou extension !
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis. C’est vrai !
Mme Odette Terrade. Ce seuil est passé de 300 à 1 000 mètres carrés mètres carrés.
M. Jean-Pierre Sueur. Eh oui !
Mme Odette Terrade. Voilà de quoi accroître le nombre de cubes de béton ou de plaques de tôle ondulées dressés à l’entrée de nos villes !
Jean-Pierre Sueur a raison de souligner dans l’exposé des motifs que la ville du futur devrait être celle de la mixité sociale et fonctionnelle. Nous partageons son avis.
M. Dominique Braye, rapporteur. Nous aussi : sur ce point, nous sommes d’accord !
Mme Odette Terrade. Hélas ! les politiques mises en œuvre, qu’il s’agisse de la loi Boutin et du surloyer qui accentue un peu plus les ségrégations sociales ou du recul des dépenses en faveur du transport collectif, sont aux antipodes du « vivre ensemble » !
M. Dominique Braye, rapporteur. Voilà, ça redémarre !
Mme Annie David. Eh oui ! C’est la vérité !
Mme Odette Terrade. Quand on fait travailler les gens le dimanche, on privilégie une société avec des parkings et des cubes de béton à l’entrée de ses villes et non des parcs verdoyants !
M. Dominique Braye, rapporteur. Et les 35 heures ?
Mme Odette Terrade. Les images d’Épinal qui, sous la plume de certains de nos collègues, décrivent le « parcours qui menait de la campagne au cœur de la cité, [qui] se voulait initiatique et représentatif des "splendeurs" de la ville » sont séduisantes, mais elles resteront sans réalité aucune si l’on ne rompt pas complètement avec la politique de la ville menée actuellement. (Marques d’ironie sur le banc des commissions.)
Mme Annie David. Bien sûr !
Mme Odette Terrade. On ne peut pas dans le même temps légiférer sur les entrées de ville et autoriser l’extension des supermarchés en favorisant une société complètement éclatée ! En déconnectant l’urbanisme des inégalités sociales, on confère une fois de plus un caractère strictement incantatoire au principe de mixité sociale.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe CRC-SPG s’abstiendront sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’urbanisation des territoires a provoqué ce que le précurseur de l’écologie politique, Bernard Charbonneau, a appelé « la fin du paysage ». Gardons-nous de tout fatalisme, même si nous constatons que la prolifération des enseignes publicitaires et préenseignes, la multiplication désordonnée des grands magasins unifonctionnels menacent la qualité de nos « entrées de villes ».
Je ne dresserai pas ici un inventaire à la Prévert des enseignes qui ont quitté nos centres-villes ou de celles qui s’y sont installées et dont les affichages publicitaires et les préenseignes bordent nos rocades. Force est de constater toutefois, avec l’architecte et journaliste Francis Rambert, qu’ils constituent une « horreur absolue » pour la qualité paysagère de nos agglomérations. Je crois que nous sommes tous de cet avis.
Pour ma part, je pense que la verdure ou les allées piétonnes pourraient avoir leur place aux côtés des bâtiments que Jean-Pierre Sueur a évoqués dans son intervention.
D’ailleurs, la prise de conscience n’est pas nouvelle. En 1994 déjà, Ambroise Dupont peignait un tableau sombre de nos entrées de villes, en soulignant leur piètre qualité paysagère, cette qualité étant sacrifiée au profit de considérations financières, la spécialisation à outrance de ces zones, la violation impunie de la réglementation, notamment en matière d’affichage.
On peut arguer que ce dernier grief résulte de la difficulté d’application de la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes. Entrée en vigueur avant les lois de décentralisation, cette loi demeure largement sous la responsabilité des services de l’État. Je note, pour le déplorer, que plusieurs recours en carence contre des préfets ont donné raison aux associations militantes : c’est bien la preuve que l’application de la réglementation concernant l’affichage est lacunaire !
De leur côté, les collectivités locales sont confrontées à un choix cornélien : elles sont en charge des règlements locaux d’urbanisme et de la politique de la ville. Par ailleurs, elles sont bénéficiaires de la taxe unique sur les emplacements fixes, dont l’assiette a été élargie depuis 2008 aux préenseignes. Elles sont donc loin d’être incitées à limiter l’affichage publicitaire !
Il faut par ailleurs souligner la carence législative en la matière. Ainsi, sur les vingt mesures recommandées par Ambroise Dupont dans son rapport en 1994, une seule a trouvé sa traduction dans le code l’urbanisme, celle qui interdit toute construction à moins de cent mètres des autoroutes et à moins de soixante-quinze mètres des voies à grande circulation, sauf à les intégrer dans un schéma d’ordonnancement global et raisonné. Il s’agissait en fait d’une « obligation à réfléchir », mais la réflexion se limitait parfois à la chaîne d’arpenteur et, à vingt centimètres près, on n’avait pas le droit de construire. Je peux en témoigner, car j’ai failli le vivre dans ma propre commune.
Aujourd'hui, il ne s’agit ni de distribuer les mauvais points ni d’attribuer à l’un ou à l’autre la responsabilité de la dégradation des entrées de ville. Il s’agit plutôt de regarder le présent, avant de se tourner vers l’avenir.
Le Grenelle de l’environnement, que nous avons voté récemment, constitue une avancée majeure en la matière : limitation de l’étalement urbain, trame verte et écologique, réglementation de l’affichage avec l’interdiction de l’affichage publicitaire hors agglomération, strict encadrement des dispositifs publicitaires lumineux, etc.
De même, en votant aujourd’hui la suppression de la taxe professionnelle, on contourne l’attrait de la manne fiscale qui avait pu guider, pendant de nombreuses années, la prolifération, sur des zones délimitées, d’enseignes fortement pourvoyeuses de taxe professionnelle. La nouvelle donne fiscale amène à bâtir un nouvel équilibre.
Dans ces conditions, comment cadrer le débat pour l’avenir ?
Certes, le problème des entrées de villes concerne d’abord la ville, mais il concerne en fait surtout l’agglomération.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est vrai !
M. Claude Biwer. En effet, les villes délocalisent volontiers les commerces fortement consommateurs d’espace aux portes de la ville, mais les zones concernées restent dans le giron de l’agglomération.
La solution ne passera que par une responsabilité accrue des agglomérations sur ce sujet – elles seules pourront à l’avenir freiner la prolifération de l’affichage – et par des efforts particuliers pour améliorer l’existant, même si le mal est déjà partiellement fait.
Si cette responsabilité peut être encadrée par des prescriptions légales, pour que la qualité urbanistique des entrées de ville soit au moins égale à celle des centres-villes, nous soutenons l’initiative de cette proposition de loi.
Il existe certainement une voie médiane qui permette aux élus locaux de prendre leurs responsabilités en tenant compte des contingences locales,...
M. Claude Biwer. ... tout en assurant un encadrement légal ou un contrôle efficace de la part du préfet, afin d’améliorer l’aménagement des entrées de ville.
Les élus des communautés urbaines, des communautés d’agglomération ou des communautés de communes doivent être impliqués, interrogés et écoutés. On a trop tendance à considérer que c’est aux villes-centres d’exercer cette responsabilité, et elles le font d’ailleurs souvent. Pourtant, les collectivités périphériques des villes sont également très concernées et, à ce titre, elles doivent pouvoir contribuer, par leur expérience, par l’exercice de leurs responsabilités, par le fruit de leur réflexion, à une opération d’intérêt collectif, qui intéresse l’intercommunalité tout entière.
Tels sont, madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les points que je tenais à développer, en espérant que la volonté qui se manifeste sur toutes les travées se traduira par l’efficacité redoublée que nous appelons tous de nos vœux. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de remercier notre collègue Jean-Pierre Sueur, qui est à l’origine de cette proposition de loi fort intéressante, mais dont l’examen, ce soir, est apparemment réservé à quelques initiés. (Sourires.)
Cette proposition de loi a pour objet promouvoir une démarche d’aménagement replaçant dans une perspective beaucoup plus positive les dimensions économique, sociale, environnementale et culturelle des territoires constituant ce qu’il est convenu d’appeler les « entrées de villes ».
Pour de multiples raisons, ces dernières sont coupées du reste du territoire urbain et tournent résolument le dos à la mixité fonctionnelle, principe qui devrait pourtant s’appliquer sur l’ensemble du territoire de la cité.
Ces surfaces généralement dédiées aux activités commerciales font passer en quelques minutes l’individu du statut de citadin à celui de simple consommateur. Il en résulte que les entrées de ville s’apparentent trop souvent à des espaces sans identité, saturés de messages publicitaires et caractérisés par des bâtiments commerciaux à l’aspect architectural terriblement standardisé, et c’est un euphémisme !
Si les entrées de villes sont devenues des lieux de consommation accessibles et pratiques, dans le même temps, elles ont perdu leur fonction de « carte de visite », en banalisant l’identité des villes dont elles signalent l’approche, alors qu’elles devraient concourir à mettre en avant leurs particularités, voire leur histoire. Aujourd'hui, ces paramètres sont exclusivement dévolus aux centres historiques de nos cités, et ce n’est pas une bonne chose !
Dans le Sud-Ouest, par exemple, une région que je connais plus particulièrement – mais il en va de même dans d’autres –, à s’en tenir aux entrées de villes, il devient de plus en plus difficile de savoir si l’on est à Agen, à Albi, à Tarbes, à Pau, à Mont-de-Marsan ou ailleurs.
Alors que chaque collectivité se doit de faire valoir ses atouts auprès des habitants de la cité et des visiteurs, mais aussi des acteurs économiques, socioculturels ou sportifs, cette situation nous semble parfaitement contre-productive et singulièrement éloignée de la valorisation de l’identité d’un territoire, qui constitue pourtant un enjeu majeur.
Cette proposition de loi met l’accent sur cet aspect de la problématique urbaine et permet surtout de définir un projet impliquant tous les acteurs locaux.
Chacun peut le constater, l’aménagement du territoire a évolué ces dernières années vers une approche globale du territoire et des usages qui se développent. Plus rien ne justifie donc le statut quasiment d’exception dont pâtissent aujourd’hui les entrées de villes, frappées par une sorte de fatalité qui les entraîne dans une dérive urbanistique, plus ou moins bien acceptée, du reste, par la population qui les traverse, y consomme ou y travaille.
La loi de modernisation de l’économie a tenté de bousculer les règles d’implantation des grandes surfaces au sein et à proximité de nos communautés urbaines. Mais il reste extrêmement difficile de définir les critères applicables aux dossiers déposés par des promoteurs en vue de nouvelles ouvertures. L’imprécision règne, alors que l’impact de ces entreprises est déterminant sur la physionomie des entrées de villes et sur la qualité de vie des personnes amenées à y résider, à y travailler et, tout simplement, à y vivre.
Dans le cadre du Grenelle II, nous avons été un certain nombre à essayer de mettre en forme les principes évoqués à l’occasion de l’examen du Grenelle I. Ainsi, un certain nombre de dispositions ont été adoptées qui devraient, dans le meilleur des cas, inciter les acteurs politiques locaux et nationaux à repenser ces espaces urbains.
Je mentionnerai, par exemple, la réforme du régime de la publicité extérieure, qui prend en compte, entre autres, les sources de pollution visuelle, notamment de pollution lumineuse, dont ces espaces sont abondamment pourvus faute d’instruments législatifs et réglementaires adaptés pour y faire face, ce qui est regrettable.
Je pense également à la disposition adoptée sur l’initiative de notre collègue Ambroise Dupont et qui vise à étendre les dispositions du code de l’urbanisme relatives aux entrées de villes à d’autres routes que celles qui sont actuellement concernées. Dans le cadre des SCOT, une telle mesure constituerait une avancée permettant d’engager une mutation intéressante.
Pour autant, si l’on juxtapose l’apport des SCOT, des PLU, des cartes communales, des compétences des uns et des autres, force est de constater que la multiplicité des intervenants est susceptible de nuire à l’efficacité du dispositif.
Il est donc important, c’est le sens de cette proposition de loi, de capitaliser les impulsions du Grenelle et d’aller au-delà en les confortant par un texte spécifiquement dédié à la problématique des entrées de villes. Ce texte devrait constituer une référence et un outil pertinent permettant une évolution positive, même si certains d’entre vous ont regretté a priori qu’il soit trop directif.
Puisque les textes de loi en vigueur de portée générale applicables à la ville ne permettent pas de limiter les dégâts s’agissant des entrées de villes,…
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Jean-Jacques Mirassou. … il semble de bon sens de mettre en place une législation qui prenne vraiment en compte la spécificité de ces dernières.
Son objet serait de permettre des améliorations progressives – un étalement sur une, voire deux décennies a été proposé –, mais significatives et spécifiques à ces périphéries urbaines qui ont, reconnaissons-le, un statut bâtard.
Nous bénéficions aujourd’hui d’une « fenêtre de tir » pour mettre en place une telle législation, du fait de la suppression de la taxe sur les surfaces commerciales et de la taxe professionnelle. On le sait, cette dernière a justifié pendant des décennies des tentations inflationnistes quant au nombre de surfaces commerciales.
On peut et l’on doit maintenant changer de braquet, en quelque sorte, et amorcer l’aménagement d’entrées de villes favorisant ce qu’on a appelé tout à l’heure le « vivre ensemble ».
La proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur relative à l’amélioration des qualités urbaines, architecturales et paysagères des entrées de villes va dans ce sens.
L’article 1er vise à modifier le code de l’urbanisme afin que les documents d’urbanisme relatifs aux entrées de villes soient conçus en fonction de critères plus exigeants en matière, notamment, de qualité architecturale et paysagère.
Les plans locaux d’urbanisme et les cartes communales seraient ainsi enrichis de manière à réserver une partie des surfaces constructibles à des bâtiments à vocation culturelle, universitaire, sportive ou associative, et la liste n’est pas limitative.
De plus, en cohérence avec les préoccupations environnementales affichées, maintenant plus que jamais, un pourcentage significatif du périmètre des entrées de villes serait dévolu à des espaces verts, essentiels pour le maintien d’une certaine qualité de vie dont les citadins sont extrêmement demandeurs.
Enfin, la création d’un concours d’architecture est destinée à mettre fin à la standardisation des bâtiments à destination commerciale, qui uniformise les territoires urbains. La conception des centres commerciaux constitue jusqu’à présent, par elle-même, une forme de publicité pour chaque enseigne, du fait de son caractère éminemment reconnaissable.
La physionomie des paysages urbains est trop souvent façonnée en fonction de l’individu consommateur et fait passer au second plan le statut d’espace public destiné aux multiples facettes de la vie citadine.
Il est temps d’afficher de l’ambition dans ce domaine.
Dans un autre registre, la proposition de loi tend à favoriser opportunément la promotion des modes de transport alternatifs doux, pour éviter le spectacle affligeant qu’offrent, notamment en fin de semaine, à proximité des surfaces commerciales, des files ininterrompues de voitures attendant de s’agglutiner sur d’immenses surfaces de stationnement. De ce point de vue, une meilleure insertion des voies de circulation dans le paysage urbain ainsi qu’une modification du code de la voirie routière seraient les bienvenues.
Cette modification viserait à assurer le changement de statut des routes nationales traversant les entrées de villes, de façon qu’elles deviennent des voies urbaines, dans tous les sens du terme, sur lesquelles les collectivités territoriales concernées auraient compétence. Je suis prudent, car nous ne savons pas grand-chose au sujet des voies départementales, qui sont liées au devenir des conseils généraux !
Ces activités pourraient définir leur politique d’aménagement dans un sens plus respectueux des exigences environnementales de nos concitoyens. Il leur serait possible de s’attaquer résolument à la problématique des encombrements aux entrées de villes, qui empoisonnent le quotidien de nombre de nos concitoyens.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi relative à l’amélioration des qualités urbaines, architecturales et paysagères des entrées de villes répond, nous le savons tous, à de fortes attentes au sein de la population, en même temps qu’elle offre l’opportunité à la majorité et au Gouvernement de faire la preuve de son attachement à l’esprit du Grenelle de l’environnement.
C’est pour toutes ces raisons que je plaide en faveur de son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les entrées de villes sont l’image de la cité, de l’accueil qu’elle réserve aux arrivants.
C’est un sujet particulièrement sensible qui mérite toute notre attention.
Notre collègue Jean-Pierre Sueur, dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi, fait le constat d’un véritable désastre urbanistique, constat que nous partageons naturellement tous.
En une quarantaine d’années, des constructions que je qualifierais de « spartiates » si je ne craignais d’insulter la mémoire des antiques Lacédémoniens ont envahi peu à peu les terrains aux abords des villes, et ce sans aucun égard pour l’environnement.
Comme l’a excellemment remarqué notre rapporteur, Dominique Braye, ces espaces convoités, car traversés par d’importants flux de circulation, ont subi une logique d’occupation qui s’est malheureusement imposée au détriment d’une logique d’aménagement.
Les premiers supermarchés ont jailli de terre, au milieu des champs, participant ainsi de l’extension physique de la ville et lui donnant une morphologie tentaculaire. Les surfaces marchandes des entrées de villes sont devenues l’affirmation d’un commerce conquérant. Et cette éclosion de nouvelles surfaces marchandes a complètement modifié nos pratiques culturelles de consommation.
La concurrence accrue entre les différentes surfaces commerciales, pour accroître tant leurs marges que leurs bénéfices, a suscité des pratiques de réclame totalement débridées, ce qui a conduit à la défiguration de nos entrées urbaines, progressivement transformées en une suite anarchique de placards et autres enseignes, aux couleurs généralement les plus criardes.
Les espaces de vente se sont multipliés dans des locaux d’une absolue stérilité architecturale, mais en recourant, pour assurer leur autopromotion, à toute la panoplie des supports publicitaires les plus accrocheurs.
Notre collègue Ambroise Dupont a été le premier à se pencher sur ce problème, et nous tenons à lui rendre hommage, car il a réalisé beaucoup de travaux de grande qualité sur ce sujet. Il a remis en 1994, à la demande du ministre de l’environnement et du ministre de l’équipement, des transports et du tourisme un rapport particulièrement intéressant, mais déjà alarmant, où il constatait la transformation d’entrées de villes en véritables couloirs de chalandise, se développant en concurrence directe avec les commerces de centre-ville. Il y dénonçait un laisser-faire très largement répandu, la construction de surfaces commerciales et de bâtiments industriels sans aucune prescription urbanistique ou architecturale, la prolifération de zones faussement créatrices d’emplois – du fait des transferts d’emplois –, une dévitalisation des centres-villes, un excès d’affichage publicitaire et une dégradation des paysages.
Notre collègue avait alors formulé de nombreuses propositions, dont la principale fut traduite par l’adoption de l’article L 111-1-4 du code de l’urbanisme lors du vote de la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement. Comme notre collègue Mme Terrade l’a rappelé, le principe de ce dispositif est d’obliger les communes, qui souhaitent développer l’urbanisation dans leurs entrées de villes, à mener au préalable une réflexion sur la qualité urbaine, paysagère et architecturale de l’aménagement, dans leurs documents d’urbanisme.
Force est de le constater, un bilan complet de l’application de l’article L 111-1-4 du code de l’urbanisme reste aujourd’hui à effectuer.
M. Jean-Pierre Sueur. Malheureusement, il n’a pas été fait !
M. Marc Laménie. Des questions demeurent posées. Combien de communes ont réalisé une étude pour lever la règle d’inconstructibilité ? Quelle est la qualité de ces études ? L’urbanisation a-t-elle été mieux contrôlée ?
Ce bilan pourrait être utile pour avancer sur ce dossier.
Récemment encore, en juin 2009, notre collègue Ambroise Dupont a remis à la secrétaire d’État à l’écologie et au secrétaire d’État à l’aménagement du territoire un autre rapport sur l’impact de la publicité sur les paysages, dans lequel il prône la réaffirmation de la compétence des communes dotées d’une réglementation spéciale pour, notamment, limiter la pollution publicitaire aux entrées de villes.
Certaines des mesures préconisées dans ce rapport ont été introduites par le Sénat dans le Grenelle II, en septembre dernier, avec un avis favorable du Gouvernement. Nous nous en félicitons. Ces importantes mesures vont, en effet, permettre aux élus locaux de mieux contrôler le paysage visuel de leurs entrées de villes.
Elles s’articulent autour de deux objectifs principaux : la simplification des règlements locaux de publicité ; une meilleure maîtrise de la pression publicitaire, en vue de protéger nos paysages et notre cadre de vie.
En outre, la suppression, dans un délai de cinq ans, des préenseignes, dites dérogatoires, qui se multiplient parfois de façon anarchique aux entrées de villes pour signaler les stations-services, les hôtels ou les restaurants, pourront être remplacées par des panneaux d’informations locales.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Marc Laménie. Tout cela montre que, dans ce dossier des entrées de villes, nous avançons. Notre collègue Jean-Pierre Sueur a souhaité apporter sa contribution en nous soumettant un certain nombre de propositions de réglementation pour permettre de prolonger notre réflexion.
Toutefois, le problème reste très complexe. C’est la raison pour laquelle, mes collègues du groupe UMP et moi-même suivrons les conclusions du rapporteur de la commission de l'économie, qui correspondent mieux aux solutions que nous souhaitons mettre en œuvre, dans la continuité de ce qu’a proposé notre collègue Ambroise Dupont.
La commission de l’économie propose en effet de conserver le paragraphe I de l’article 1er de la proposition de loi et de remplacer ses paragraphes II et III par un dispositif donnant au préfet un pouvoir supplémentaire pour obliger les communes qui ouvrent de nouvelles zones à l’urbanisation dans leurs entrées de villes à mener une réflexion préalable.
En conséquence, le groupe UMP adoptera le texte de la proposition de loi modifié par l’amendement de la commission de l’économie et par celui de la commission de la culture, saisie pour avis. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
Article 1er
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
I. – Au 2° de l’article L. 121-1, après les mots : « des commerces de détail et de proximité » sont ajoutés les mots : «, de la qualité urbaine, architecturale et paysagère des entrées de villes ».
II. – 1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 123-1, est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Ils comportent également la définition du périmètre des entrées de villes et un plan d’aménagement de celles-ci qui doit être approuvé dans les conditions fixées à l’article L. 123-10 avant le 1er janvier 2012. ».
2° Dans la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 123-1 les mots : «, les entrées de villes » sont supprimés.
III. – Après l’article L. 123-4, est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 123-4-1. – Dans les entrées de villes, le plan d’aménagement :
« 1° Précise l’affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées, en réservant au moins un tiers des surfaces constructibles à des bâtiments à vocation culturelle, universitaire, sportive ou associative ;
« 2° Définit la proportion des emplacements réservés aux espaces verts, qui ne peut être inférieure à 20 % de la zone ;
« 3° Définit la surface des emplacements réservés au stationnement, qui ne peut être supérieure à 60 % des surfaces commerciales incluses dans le périmètre des entrées de villes ;
« 4° Détermine les conditions dans lesquelles la reconstruction ou l’aménagement des bâtiments commerciaux existants et des aires de stationnement peuvent n’être autorisés que sous réserve d’un changement de destination, visant à atteindre les objectifs fixés aux 1°, 2° et 3° ci-dessus, et fixe la destination principale des zones ou parties de zones à restaurer ou à réhabiliter ;
« 5° Détermine les règles concernant l’aspect extérieur des constructions, leurs dimensions et l’aménagement de leurs abords, afin de contribuer à la qualité architecturale et à l’insertion harmonieuse des constructions dans le milieu environnant, et soumet les constructions nouvelles ou les reconstructions à un concours d’architecture dont l’organisation est confiée à un jury dont la composition est fixée par décret ;
« 6° Précise les caractéristiques des voies incluses dans le périmètre des entrées de villes, dénommées voies urbaines, en matière de configuration, d’insertion urbaine, de partage de la voirie entre les différents usagers, de franchissement par les piétons, de végétalisation et d’éclairage. »
IV. – Après le deuxième alinéa de l’article L. 124-2, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elles comportent également, en annexe, la définition du périmètre des entrées de villes et un plan d’aménagement de celles-ci, tel que prévu par l’article L. 123-4-1. »
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par M. Braye, au nom de la commission de l'économie, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 15 :
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
II- Après le cinquième alinéa de l'article L. 123-12, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Comprennent des dispositions applicables aux entrées de villes incompatibles avec la prise en compte des nuisances, de la sécurité, de la qualité urbaine, architecturale et paysagère ; »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Toutes les personnes que nous avons auditionnées, architectes, élus ou professionnels de l’urbanisme, ont considéré que cette proposition de loi soulevait un vrai problème, mais que, selon eux, la bonne solution ne résidait pas dans l’édiction d’obligations.
Mes propos ne seront pas différents de ceux du secrétaire d'État ni de ceux que j’ai tenus lors de la discussion générale. Il ne nous semble pas du tout adapté d’imposer des normes identiques sur tout le territoire, appelées à s’appliquer partout de façon uniforme. Cela serait contraire à l’évolution de l’urbanisme préconisée par le Grenelle II et même à l’évolution que l’on peut observer depuis une dizaine d’années.
Nous souhaitons en effet que les élus, en prenant en compte la diversité des territoires et la spécificité de celui sur lequel ils exercent des responsabilités, se penchent sur les problèmes d’urbanisme notamment en ce qui concerne leurs entrées de villes. Il s’agit de privilégier l’urbanisme de projet et non l’urbanisme enserré dans des normes.
Comme se plaît à le dire notre collègue Ambroise Dupont depuis longtemps, le règlement ne règle rien, l’étude et le projet règlent tout
Pour toutes ces raisons, nous proposons cet amendement, dont les dispositions sont conformes à ce que nous considérons comme l’urbanisme d’aujourd'hui et de demain. Nous l’avons dit, cet urbanisme doit faire appel à la réflexion des élus, en association avec tous les professionnels compétents, en particulier les urbanistes et les paysagistes, pour régler les problèmes d’entrées de villes, extrêmement complexes pour celles qui existent déjà.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 3, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Amendement n° 1, alinéas 1 et 2
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes d’accord, chacun l’aura compris, sur le diagnostic, mais pas du tout sur les préconisations, monsieur Braye.
Je ne suis pas opposé sur le fond aux dispositions prévues par l’amendement n° 1. L’objet de mon sous-amendement est précisément de souscrire à ces dispositions permettant aux préfets de faire part de leurs observations lors de l’élaboration des plans locaux d’urbanisme. Je suis donc d’accord pour que ces dispositions s’ajoutent à ce que prévoit déjà notre proposition de loi, mais pas pour qu’elles s’y substituent.
On a beaucoup parlé de la disposition adoptée sur la proposition de M. Ambroise Dupont. À vous entendre, monsieur Braye, il suffirait de laisser les choses se faire et d’avoir confiance pour qu’elles aillent dans le bon sens. C’était déjà la tonalité du rapport de M. Dupont de 1994, selon lequel il n’était pas forcément nécessaire de fixer des orientations fortes dans la loi. Ce rapport a toutefois proposé une mesure législative qui a été votée, comme on l’a rappelé, en 1995. Je connais bien cette disposition : elle interdit de construire sur les espaces situés de part et d’autre des voies à moins de soixante-quinze ou de cent mètres, selon les cas, sauf si une dérogation est accordée et sauf si une étude est réalisée.
Je n’ai rien contre ces mesures ni contre l’amendement que présentera M. Dupont tout à l’heure. Mais, depuis quinze ans, aucun changement n’a eu lieu ; le plus souvent, la situation s’est même dégradée. Les entrées de villes affichant toujours la même laideur, le même bric-à-brac, ont continué à proliférer !
S’il suffisait d’énoncer un principe pour tout régler, depuis quinze ans, on en aurait constaté les effets bénéfiques ! Or il n’en est rien !
Comme il s’agit d’un problème national, ces zones se retrouvant partout à l’identique, nous proposons que la loi intervienne. Du reste, dans une République, la loi n’est pas une contrainte extraordinaire ; c’est simplement la règle commune, dont le respect s’impose à tous.
Ainsi, dans chaque agglomération, on définira un périmètre et on fixera un plan d’aménagement. On pourra de cette manière s’orienter vers des propositions pour supprimer cette monotonie fonctionnelle et stopper cette dégradation.
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes en désaccord sur la méthode, monsieur Braye.
Si nous pensons que la loi doit intervenir, c’est parce que nous avons l’expérience des quinze dernières années. Car on ne peut pas prétendre que tout va bien désormais ! Au-delà des principes, il faut se doter des moyens pour les appliquer.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 5, présenté par M. Biwer, est ainsi libellé :
Amendement n° 1
Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Au deuxième alinéa de cet article, après les mots : « à la commune » sont insérés les mots : « ou à l'établissement public de coopération intercommunale ».
La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Ce sous-amendement a un objet presque inverse à celui de M. Sueur.
Pour ma part, je mets l’accent surtout sur la concertation. Les communes limitrophes doivent être concernées par le dispositif et pouvoir être consultées.
M. Jean-Pierre Sueur. Je suis d’accord !
M. Claude Biwer. Compte tenu de ce que j’ai entendu et de la manière dont le rapporteur a présenté son amendement, mon sous-amendement ne s’impose peut-être pas ici.
En conséquence, je le retire, madame la présidente.
M. Jean-Pierre Sueur. Je le regrette !
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 5 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 3 ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Disons-le, il s’agit d’un sous-amendement de poids puisqu’il vise, ni plus ni moins, à réintroduire dans l’amendement de la commission l’intégralité des dispositions de la proposition de loi que cet amendement tendait à supprimer ! (Sourires.)
Votre proposition est contradictoire avec notre propre vision, monsieur Sueur. Nous voulons promouvoir un urbanisme où les communes sont obligées d’élaborer des projets si elles souhaitent urbaniser. Pour autant, il ne s’agit pas de leur imposer un carcan qui serait le même pour toutes les entrées de villes de France et de Navarre !
Nous faisons confiance aux élus et, contrairement à ce que vous dites, depuis 1995 – j’espère que vous avez lu mon rapport avec attention –, une amélioration, attestée par deux études, s’est produite. Certes, il n’est pas possible d’effacer d’un seul coup le mal qui a été fait auparavant, mais on ne peut pas dire que rien n’a changé !
Par ailleurs, notre amendement vise à donner un rôle important au préfet. En effet, il prévoit un contrôle spécifique exercé par le préfet sur l’aménagement des entrées de villes. Il pourra ainsi demander à une commune qui ouvrirait de nouvelles zones à l’urbanisation en entrée de ville de réaliser une étude préalable et, à défaut, elle ne pourra pas délivrer de permis de construire.
Nous ne sommes pas contentés d’incantations ! Depuis 1995, nous avons essayé de stimuler les élus pour qu’ils réalisent ces études et élaborent des projets dignes d’intérêt urbanistique.
Pour toutes ces raisons, je ne peux qu’être défavorable à ce sous-amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 3 et favorable à l’amendement n° 1.
Nous sommes tous d’accord, ici, pour juger que la qualité architecturale et urbanistique des entrées de ville ne répond pas à notre attente. Face à ce constat, il y a deux façons de procéder.
Le rapporteur propose, quant à lui, d’énoncer un principe : la qualité architecturale et urbanistique des entrées de ville doit être prise en compte dans l’ensemble des documents d’urbanisme. Ce faisant, monsieur Sueur, il rejoint la première de vos préconisations. Mais il ajoute une précision : le préfet sera tenu de contrôler la bonne application de ce principe, à défaut de laquelle il sera en droit de refuser les documents d’urbanisme en question.
Cela correspond à l’urbanisme de projet que nous appelons de nos vœux.
En revanche, votre sous-amendement ne nous convient pas puisqu’il consiste à en revenir à votre texte initial et que, par conséquent, il tend à définir une norme applicable pour tout et partout. (M. Jean-Pierre Sueur fait un signe de dénégation.) En imposant les mêmes seuils – pas moins de 20 % d’espaces verts, pas plus de 60 % de parkings ; pourquoi pas 30 % ou 50 % ? –, l’urbanisme commercial d’entrée de ville serait uniforme sur tout le territoire !
M. Jean-Pierre Sueur. Mais non !
M. Dominique Braye, rapporteur. Mais si !
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Que l’agglomération compte 20 000 ou 100 000 habitants, que le centre commercial d’entrée de ville occupe 100 000, 200 000 ou 800 000 mètres carrés, les pourcentages seraient les mêmes partout !
Cela ne correspond pas à nos souhaits ni à ceux de beaucoup de sénateurs, si j’en crois la teneur des interventions qu’on entend régulièrement dans cet hémicycle. Il faut laisser aux élus locaux la liberté de décision, mais en les incitant à tenir compte de la qualité urbanistique des entrées de villes.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 3.
M. Jean-Pierre Sueur. Je souhaite apporter un certain nombre de précisions.
Je suis bien sûr ravi, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, que vous approuviez les premier et deuxième alinéas de l’article 1er de ma proposition de loi. Mais, rappelons-le, ceux-ci se bornent à inscrire dans la loi le principe de la prise en compte de la qualité urbaine architecturale et paysagère des entrées de villes.
À mon sens, il faut aller au-delà, faute de quoi nous risquons, dans quinze ans, de constater à nouveau que rien n’a changé. C’est pourquoi il convient d’adjoindre à ce principe un certain nombre de règles.
Monsieur le rapporteur, je regrette notamment que vous proposiez, au travers de l’amendement n° 1, de supprimer l’alinéa 4 de l’article 1er, aux termes duquel les plans locaux d’urbanisme « comportent la définition du périmètre des entrées de villes et un plan d’aménagement de celles-ci qui doit être approuvé dans les conditions fixées à l’article L. 123-10 avant le 1er janvier 2012 ».
Que je sache, cette double définition ressortira bien de la compétence des élus. Et, si nous avons prévu une échéance, c’est pour avoir l’assurance que, à cette date, toutes les entrées de villes auront fait l’objet d’un plan d’aménagement approuvé en bonne et due forme. Il est somme toute normal qu’un tel document prévoie un certain nombre de règles. En quoi le fait de fixer des pourcentages minimaux serait-il contraignant ? Il est toujours possible d’aller plus loin.
Mes chers collègues, le seuil de 60 % que je vous propose pour les parkings est, je vous le rappelle, inférieur aux préconisations formulées par la France dans le cadre du Grenelle de l’environnement et du sommet de Copenhague. De même, en ce qui concerne la place des espaces verts dans le paysage, chacun s’est accordé pour dire qu’un seuil de 20 % était vraiment un minimum.
Par conséquent, si l’on veut limiter les nappes de parkings et encourager la végétalisation, il ne faut pas en rester aux « paroles verbales », se contenter d’aligner des mots. Il en va de même si l’on souhaite vraiment aller vers ce pluralisme fonctionnel dont tout le monde parle.
Clairement, ce qui nous sépare, c’est le rôle que nous entendons faire jouer à la loi : de notre point de vue, la loi doit dépasser la simple déclaration d’intention pour produire des effets tangibles.
C'est la raison pour laquelle nous voterons le sous-amendement n° 3. S’il n’était pas adopté, nous ne voterions pas l’amendement n° 1, car, comme vous l’avez expliqué, monsieur le rapporteur, il vise à supprimer les alinéas 3 à 15, auxquels nous tenons.
Disons-le, dans l’amendement de la commission, tout n’est pas négatif. Il est en effet utile de permettre aux préfets de notifier leurs remarques sur la qualité des entrées de villes avant l’adoption du PLU. Mais, monsieur Braye, permettez-moi de vous faire remarquer ceci : l’article L.123-12 du code de l’urbanisme que vous proposez de compléter ne concerne que les communes non couvertes par un SCOT ; c’est uniquement dans ce cadre que les préfets auront la possibilité d’intervenir. Votre proposition, pour positive qu’elle soit, a tout de même une portée réduite ; il ne faut donc pas la surestimer.
En tout état de cause, nous ne pouvons être favorables à la suppression de l’essentiel du dispositif prévu à l’article 1er. S’il est important d’affirmer un principe, cela ne suffit pas.
8
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Japon
Mme la présidente. J’ai le plaisir de saluer, au nom du Sénat, la présence dans notre tribune officielle d’une délégation de la Chambre des conseillers du Japon, conduite par Mme Akiko Santo, vice-présidente de cette chambre, accompagnée par trois de ses collègues sénateurs. (M. le secrétaire d’État, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
À l’occasion de son bref passage à Paris, cette délégation est invitée au Sénat par le groupe sénatorial France-Japon, présidé par notre collègue David Assouline.
Nous sommes particulièrement sensibles à l’intérêt et à la sympathie que nos collègues japonais manifestent pour notre institution.
Je me réjouis des liens étroits qui se sont tissés entre nos groupes parlementaires d’amitié au fil des années ; ils ne peuvent que contribuer au renforcement des relations bilatérales entre la France et le Japon.
Je souhaite à Mme Santo et à ses collègues un excellent séjour dans notre pays ! (Nouveaux applaudissements.)
9
Entrées de villes
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi
Mme la présidente. Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi relative à l’amélioration des qualités urbaines, architecturales et paysagères des entrées de villes.
Article 2
L’article L. 123-1 du code de la voirie routière est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les routes nationales deviennent des voies urbaines dans le périmètre des entrées de villes. »
Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par M. A. Dupont, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
I- Après le septième alinéa de l’article L. 122-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils peuvent étendre l’application de l’article L. 111-1-4 du présent code à d’autres routes que celles mentionnées au premier alinéa dudit article ».
II- Le deuxième alinéa de l’article L. 111-1-4 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Cette interdiction s’applique également dans une bande de soixante-quinze mètres de part et d’autre des routes visées au huitième alinéa de l’article L. 122-1 du présent code.
« Elle ne s’applique pas :
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis. Sans revenir en détail sur le dispositif prévu à l’article L. 111-1-4 du code de l’urbanisme, je tiens tout de même à rappeler la philosophie qui a présidé à son élaboration.
On a mis en avant la fixation d’une certaine distance par rapport à l’axe routier, mais, ne l’oublions pas, l’objet était surtout de provoquer la réflexion, la sanction n’étant prévue que dans un second temps, pour inciter l’État ou la municipalité à réaliser un aménagement urbain de qualité.
Le présent amendement tend à étendre l’application de l’article L. 111-1-4 à une classification de routes élargie, en intégrant le réseau routier retenu dans le cadre des SCOT.
Monsieur le secrétaire d’État, une telle disposition présente un double intérêt.
D’une part, les PLU devront être compatibles avec le SCOT dans lequel ils s’inscrivent. D’autre part, à partir du moment où, aux termes du SCOT, le réseau en question méritera une attention particulière, compte tenu des grands principes d’accessibilité, de sécurité et de qualité architecturale énoncés à l'article L. 111-1-4, nous pourrons assurer une certaine continuité paysagère des entrées de villes, propre à conforter l’image architecturale de notre pays.
Les schémas de cohérence territoriale constituent le niveau pertinent pour définir les routes qui devraient faire l’objet d’une réflexion relative à la constructibilité. Ils permettent, sur un territoire étendu, de disposer d’une vision d’ensemble, y compris en ce qui concerne les axes de circulation.
La disposition que nous proposons est de nature à pallier les carences observées aujourd’hui, notamment pour des raisons liées au déclassement de certaines voies, sujet qui, je le sais, fait débat. En outre, elle ne fera que renforcer la prise en compte du paysage et du cadre de vie dans les règles d’urbanisme.
L’esprit de cette mesure est d’inciter les différents partenaires à approfondir leur réflexion sur l’aménagement des entrées de villes et le réseau routier. Cette concertation sera, me semble-t-il, facilitée par la mise en œuvre de plans locaux d’urbanisme intercommunaux, rendus possibles par les dispositions votées en première lecture par le Sénat dans le cadre de l’examen du projet de loi portant engagement national po