M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce projet de loi tend à opérer une réorganisation qui ne remet pas en cause les principes fondamentaux des réformes qui l’ont précédé.
Les préfets voient leur rôle renforcé, mais temporairement, pour achever et rationnaliser la carte de l’intercommunalité (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), ce qui constitue un objectif largement partagé.
Certains critiquent l’intervention des préfets. Pardonnez-moi, chers collègues de l’opposition, mais si ceux-ci n’avaient pas été là depuis 1982, notamment pour mettre en place l’intercommunalité, les égoïsmes de certaines collectivités n’auraient pas permis d’avancer ! (Mme Anne-Marie Escoffier applaudit.) Vous intentez donc là un procès absolument injuste et fallacieux.
D'ailleurs, et avec votre accord, la commission des lois a mieux encadré les pouvoirs du représentant de l’État.
Le projet de loi n’implique pas la disparition à terme des départements et des régions. Je ne vois pas où ce point apparaîtrait dans les textes !
La création du conseiller territorial ne constitue pas une fusion programmée des départements avec les régions. Elle maintient deux assemblées délibérantes distinctes ; départements et régions demeureront administrés par des conseils élus séparés, et la spécificité de chaque échelon sera respectée.
Au contraire de ce que vous affirmez, chers collègues de l’opposition, le conseiller territorial favorisera la coordination des politiques menées par ces collectivités. D'ailleurs, M. Bel a très bien expliqué quelles missions devaient revenir à la région, qui ne s’occupe pas de proximité, ou au département. Il a aussi souligné la nécessité d’harmoniser les compétences de ces deux échelons de collectivités.
J’en viens à la suppression de la clause générale de compétence.
Tout d'abord, cette réforme doit être comprise non pas négativement, mais positivement.
Mme Raymonde Le Texier. Bien sûr ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La gestion décentralisée implique que les collectivités territoriales soient dotées d’attributions effectives et exclusives. C’est déjà le cas, je le rappelle, quand une commune confie à l’intercommunalité une compétence, qui devient alors exclusive pour l’intercommunalité.
L’article 35 du projet de loi préserve ce principe et prévoit que les collectivités pourront prendre l’initiative dans les cas qui ne sont pas envisagés par la loi.
J’en viens au prétendu recul de la parité.
Certes, le mode de scrutin retenu par le projet de loi n° 61 entraînerait probablement une diminution sensible du nombre des femmes présentes dans les conseils généraux et pourrait ainsi remettre en cause les acquis de la parité.
Toutefois, la commission des lois a adopté ce matin un amendement dont les dispositions, à l’évidence, serviront de guide pour le futur scrutin. Nous aurons à traiter de la parité lors de l’examen du projet de loi n°61, sous le contrôle du Conseil constitutionnel – j’y insiste –, et nous pourrons alors opérer les modifications nécessaires, me semble-t-il.
Nous sommes à l’aube de la discussion parlementaire des différents projets de loi concourant à la réforme territoriale, qui a déjà fait l’objet de nombreuses réunions organisées à travers toute la France.
Hélas, si nos concitoyens sont informés, ils sont aussi parfois désinformés, à cause de la propagande gigantesque organisée par certains conseils généraux (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.),…
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … avec les fonds publics, avec l’argent des contribuables (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste. – Applaudissements sur les travées du groupe UMP.), qui reçoit ainsi une utilisation politique absolument inadmissible.
M. Roland Povinelli. C’est faux ! Et vous n’avez pas le droit, à la tribune du Sénat, de proférer de tels mensonges… (M. Roland Povinelli saisit le microphone et essaie de prendre la parole ; sa voix est couverte par les protestations venant des travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Monsieur Povinelli, vous n’avez pas la parole !
M. Roland Povinelli. Je ne peux pas laisser dire cela, c’est faux !
Mme la présidente. Mon cher collègue, vous aurez la parole quand vous l’aurez demandée, mais, pour le moment, vous ne l’avez pas !
M. Roland Povinelli. Chers collègues de la majorité, vous êtes des godillots ! (C’est vrai ! sur les travées du groupe socialiste. – « Vous aussi ! » scandent les sénateurs de l’UMP.)
Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. À l’évidence, certaines vérités fâchent nos collègues de l’opposition, mais elles n’en existent pas moins ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
La commission des lois a déjà profondément modifié le texte qui nous a été soumis, et le Sénat votera certainement d’autres amendements.
D'ailleurs, mes chers collègues, nos débats et nos échanges, quelle que soit notre sensibilité politique, ont été jusqu’ici de qualité, notamment en ce qui concerne l’intercommunalité et les métropoles. Nous devons continuer à faire notre travail, car c’est au Parlement qu’il appartient de traiter de questions aussi complexes.
C’est pourquoi il semble aujourd’hui prématuré d’interrompre le débat parlementaire pour renvoyer au référendum un projet de loi encore perfectible. De grâce, laissons le législateur exercer sa compétence, et la navette se poursuivre !
En outre, reconnaissons-le, pour pouvoir se prononcer en parfaite connaissance de cause, les Français doivent être pleinement informés, et non pas trompés par des caricatures ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Raymonde Le Texier. Qui est-ce qui produit des caricatures ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En effet, on lit dans certains documents que les services publics vont disparaître, tandis que des courriers sont envoyés à toutes les associations pour leur annoncer que, à cause de cette réforme, elles ne recevront plus de subventions !
M. David Assouline. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais, bien entendu, il ne s'agit pas là de propagande… (Sourires sur les travées de l’UMP.)
La question soumise au référendum doit être simple et nette, ce qui n’est manifestement pas le cas ici – cela ressort même des propos de M. Bel –, car il s'agit d’un projet forcément très technique, qui aborde différentes questions et dont les conséquences et les articulations ne peuvent être appréhendées, me semble-t-il, que par le Parlement.
C’est pourquoi, mes chers collègues, au nom de la commission des lois, je vous propose de rejeter cette motion référendaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Edmond Hervé.
M. Edmond Hervé. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, comme Jean-Pierre Bel, je m’en tiendrai au principal, car c’est cela qui doit gouverner la forme.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Moi aussi, je m’en suis tenu au principal !
M. Edmond Hervé. Demander à nos concitoyens de se prononcer sur un sujet essentiel et prospectif constitue une preuve de respect, un acte de mobilisation et une marque de confiance. C’est aussi, pour le thème qui retient aujourd'hui notre attention, l’affirmation d’une foi en l’avenir.
Avant tout, notre proposition entre-t-elle dans le champ référendaire ? Oui ! Et cela pour trois raisons de droit, que je voudrais rapidement énumérer devant vous.
Premièrement, ce texte concerne bien l’organisation des pouvoirs publics, dont nos collectivités territoriales et leurs établissements sont parties prenantes. En effet, que seraient les pouvoirs législatifs, exécutif et réglementaire, ainsi que l’autorité judiciaire, sans les collectivités territoriales ?
Ce projet de loi touchant à leur existence même, à leurs compétences, à leurs rapports entre elles, à leurs relations avec l’État, et même, à cause de cette invention contradictoire et perfide du conseiller territorial, à l’élection de leurs assemblées délibérantes, vous voyez, mes chers collègues, que nous sommes au cœur de l’organisation des pouvoirs publics.
Les travaux qui ont précédé les débats de notre assemblée, ainsi que la discussion générale ouverte hier, ont montré clairement que nous nourrissions des conceptions différentes sur cette question, et c’est cette différence qui légitime l’appel au peuple.
En effet, le processus qui a été engagé en 1981 est bien remis en cause. Vous allez même, chers collègues de la majorité, jusqu’à rompre une tradition législative inaugurée par une grande loi, la « charte communale » de 1884, qui consistait à retenir, pour chaque collectivité,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour chaque commune !
M. Edmond Hervé. … une généralité de compétence, justifiée par la notion d’intérêt local.
Monsieur le président de la commission des lois, tous les grands textes intéressant la région, le département, la commune, ont suivi ce processus méthodologique que vous remettez en cause.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est faux !
M. Edmond Hervé. Deuxièmement, ce projet a bien trait aux services publics.
Personne ne peut contester la part que nos collectivités territoriales prennent dans le domaine des services publics ; ceux-ci, par leur nature, leur nombre et leurs modalités jouent un rôle déterminant, qu’ils soient administratifs, industriels ou commerciaux, publics ou privés, portés ou non par d’autres organismes.
Suivant la façon dont les collectivités seront organisées et les moyens ou compétences dont elles disposeront, l’existence de ces services différera, tout comme la consistance des principes, que vous connaissez bien, mes chers collègues, principes de continuité, d’égalité, de neutralité, d’adaptabilité, de qualité, de transparence et de protection du consommateur.
Messieurs les ministres, chers collègues de la majorité, prisonniers d’une politique fiscale injuste et, par voie de conséquence, d’un déficit public qui bat tous les records, vous choisissez comme unique salut la diminution systématique de la dépense publique, sans vous préoccuper de ce qui se passera ensuite. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Vous appliquez cet impératif aux collectivités territoriales, en cherchant à diminuer le nombre de leurs échelons. Vous avez constaté qu’il n'existait pas de majorité pour supprimer le département, mais d’autres voies y mènent : enserrer les compétences de la région et du département, limiter l’autonomie financière des collectivités, à travers bien sûr la suppression de la taxe professionnelle, enfin réduire la dépense liée aux élus, en divisant par deux le nombre des conseillers généraux et régionaux.
Le résultat ne se fera pas attendre : les services à la population en feront les frais et la contribution fiscale et financière des ménages augmentera, ce phénomène étant rendu encore plus injuste par une fiscalité locale qui ne tient absolument pas compte du revenu des personnes.
Troisièmement, ce projet de texte concerne bien la politique économique, sociale et environnementale de la Nation.
Je prendrai tout d'abord l’exemple de la politique économique. Nous le savons, les trois quarts des investissements publics civils sont réalisés par les collectivités territoriales.
Mes chers collègues, messieurs les ministres, qu’aurait été le plan de relance si les collectivités territoriales, quelle que soit la sensibilité politique de leurs responsables, ne s’y étaient pas impliquées ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Que seraient l’insertion, la formation, le bâtiment, le logement sans les collectivités ? Des pans entiers de notre industrie dépendent de l’activité de ces dernières, notamment dans les domaines du transport, des travaux publics, de l’environnement, de la maîtrise de l’énergie, des communications.
J’en viens à la politique sociale.
Les départements en sont les chefs de file, mais je n’oublie pas les centres communaux d’action sociale. Le RSA n’aurait pas existé sans le RMI, et celui-ci n’aurait pas été créé par le Parlement si des collectivités territoriales, telles que les communes de Besançon et de Rennes, ne s’étaient emparées de ce dossier, bien avant que le législateur n’intervienne ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Enfin, en matière de politique environnementale, nos collectivités territoriales interviennent dans de très nombreux domaines, que vous connaissez bien, mes chers collègues. Ce sont elles qui sont aux avant-postes pour mettre en place les dispositions des différents Grenelles de l’environnement et répondre aux attentes nées du sommet de Copenhague.
La décentralisation nous a permis de réaliser des avancées importantes au cours des trente dernières années. Regrettons avec Jean-Pierre Raffarin qu’un bilan n’ait pas été établi ! Nous voulons poursuivre cette dynamique, au nom même des principes constitutionnels que nous nous sommes donnés.
C’est d’ailleurs parce que nous souhaitons que certains de ces principes soient respectés que nous proposons cette motion référendaire.
Je pense tout d’abord au principe de décentralisation. Qu’est la décentralisation sinon, dans le cadre de l’État, garant du pacte républicain et social, la recherche de la meilleure utilisation des ressources et des compétences pour répondre au mieux aux attentes ? Mes chers collègues, imaginez ce que serait l’université française aujourd'hui, si elle n’avait pas bénéficié des nombreuses décisions permises par la décentralisation, des contrats de plan État-région et du plan Université 2000 ? Il n’est qu’à le constater dans chacune de vos villes !
La décentralisation est la voie incontournable de la modernisation de nos structures et de nos procédures. Elle permet l’approfondissement de la démocratie, une plus grande démocratisation, une extension de la responsabilité.
Je pense aussi au principe de parité, comme à celui de libre administration.
Je pense encore au principe de non-tutelle d’une collectivité sur une autre.
À ce titre, messieurs les ministres, je ne comprends pas les raisons qui vous poussent à vouloir enserrer les compétences de la région et du département. Au nom d’une économie essentiellement arithmétique, vous souhaitez les enfermer dans des blocs de compétences séparés par des cloisons étanches. Ce faisant, vous réinstituez le principe de la tutelle, vous empêchez la contractualisation entre les différentes collectivités locales et l’État. En définitive, vous tournez le dos à ce qu’est la décentralisation. Nous ne sommes plus au temps de la décentralisation transfert de compétences et de décisions : nous sommes au temps…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Des baronnies et des potentats locaux !
M. Edmond Hervé. … de la décentralisation de projets. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Toutes les politiques publiques sont transversales, y compris les plus régaliennes.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faut tout changer, donc il ne faut rien changer !
M. Edmond Hervé. Je pense à la sécurité, à la défense nationale, aux relations internationales.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La justice ?
M. Edmond Hervé. L’examen de cette motion référendaire est aussi l’occasion de récuser certaines fausses vérités.
Nos régions ne seraient pas à la hauteur ?
Une sénatrice du groupe socialiste. Surtout celles de gauche ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Edmond Hervé. Or, que ce soit en raison de l’importance de leur population ou de la taille de leur territoire, elles ont des capacités analogues à celles d’autres régions européennes. Ce qui leur manque, ce sont les compétences et les capacités budgétaires.
Notre système institutionnel serait illisible ? Mes chers collègues, croyez-vous que l’article 2 de la loi de finances pour 2010 relatif à la suppression de la taxe professionnelle, qui compte 136 pages, le soit ? (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Pierre-Yves Collombat. Quelle lisibilité ! (Marques d’ironie sur les mêmes travées.)
M. Edmond Hervé. Nous avons le devoir de nous intéresser à ce qui est important pour notre pays et d’en saisir nos compatriotes, donnant un véritable sens à la politique.
C’est pourquoi un grand débat doit avoir lieu.
Je veux saluer celles et ceux qui ont été les promoteurs de la décentralisation, en particulier Pierre Mauroy. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Il faut poursuivre les travaux de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales présidée par Claude Belot : les rapports d’Yves Krattinger et de Jacqueline Gourault sont là pour nous éclairer.
M. Nicolas About. Très bien !
M. Edmond Hervé. Mettons ces outils à profit au bénéfice de nos compatriotes et montrons-leur le véritable sens de la politique.
La décentralisation a été une belle réussite. À nous d’en faire un grand projet porté par la nation ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette motion référendaire présentée par le groupe socialiste est au cœur de nos discussions : il n’est qu’à voir la mobilisation et l’attention qu’elle suscite dans cet hémicycle.
Sur ce sujet, le groupe RDSE se trouve divisé. Si tous les membres de mon groupe s’opposent au projet de loi qui nous est soumis, certains estiment que le cœur de métier de la Haute Assemblée est de s’occuper de ce problème de la réforme des collectivités territoriales. Même si je ne partage pas cette opinion, je la comprends.
Mme Jacqueline Gourault. Très bien !
M. François Fortassin. De plus, ils considèrent qu’un texte touffu, pour ne pas dire confus, pourrait être mal compris par nos concitoyens. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Pour ma part, je voterai cette motion référendaire.
En effet, par certains côtés, ce projet de loi portant réforme des collectivités territoriales s’apparente à un déni de démocratie.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Quand le Parlement débat, c’est un déni de démocratie ?
M. François Fortassin. Et, lorsqu’il y a déni de démocratie, seul le peuple, souverain, est en droit de trancher.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Entendre de tels propos de la part de François Fortassin !
M. François Fortassin. Par ailleurs, ce texte crée une fragilité constitutionnelle, pour ne pas dire plus.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On verra !
M. François Fortassin. Dans la mesure où ce texte provoque une confusion entre le mandat de conseiller régional et celui de conseiller général, nos concitoyens, qu’ils soient simples électeurs ou candidats à l’une de ces fonctions, n’auront plus la possibilité de choisir.
On peut très bien imaginer qu’un citoyen – que ce soit de sa propre initiative ou parce qu’il a été désigné par la formation politique à laquelle il appartient – souhaite devenir conseiller général ou conseiller régional. S’il veut dans le même temps continuer à exercer sa profession, ne serait-ce que pour rester en contact avec un certain nombre de réalités, il ne pourra à l’évidence siéger dans les deux assemblées, même si les électeurs lui en donnent l’opportunité. Il s’agit donc, à l’évidence, d’une fragilité.
Par ailleurs, dans une certaine mesure, qu’on le veuille ou non, le Parlement est bafoué.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est pour cela qu’on cherche à lui retirer en plus le soin de légiférer !
M. François Fortassin. Nous sommes nombreux à avoir salué l’excellent travail réalisé par la mission Belot et par les rapporteurs Yves Krattinger et Jacqueline Gourault.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On a repris nombre de leurs propositions !
M. François Fortassin. Toutefois, ils ont vu, lors de leur dernière réunion, tel un sanglier sortant du maquis, surgir le conseiller territorial. Jusque-là, il n’en avait jamais été question.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela arrive !
M. François Fortassin. Cela s’apparente à un mauvais coup ! Tout laisse accroire qu’il ne fallait surtout pas révéler trop tôt l’existence de ce nouvel élu mais qu’il était préférable d’attendre le dernier moment !
Enfin, le mode d’élection de ce nouveau conseiller territorial n’est pas sans poser de problèmes. Je rappelle que les élections à un tour sont contraires aux usages de notre République !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai.
M. François Fortassin. Et la situation confine à l’insolite, au cocasse, au burlesque – pour ne pas dire à l’ubuesque – lorsque l’on prend conscience qu’un conseiller territorial élu à la proportionnelle pourra, sans avoir jamais vu la tête, la jupe ou même la vareuse d’une électrice ou d’un électeur, devenir président de conseil général ou de conseil régional, alors qu’aucun électeur ne se sera prononcé sur son nom ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Ceux qui estiment que, dans ces conditions, la démocratie est respectée ont une autre conception que la mienne en la matière.
De plus, qu’on le veuille ou non, il y aura recul de la parité. (Nouvelles marques d’approbation sur les mêmes travées.) Certes, d’aucuns pourraient m’opposer que l’élection à la proportionnelle dans les communes de plus de 500 habitants suffira à assurer la parité. Il n’en reste pas moins qu’être conseiller régional ou conseiller général et élu d’une commune de plus de 500 habitants ce n’est pas la même chose ; il y aura donc en quelque sorte une parité à deux vitesses. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Excusez-moi, mesdames ! Au demeurant, chacun connaît empathie toute particulière que j’ai vis-à-vis du sexe féminin ; personne ne me fera donc grief. (Rires.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Quel aveu ! (Sourires.)
M. François Fortassin. Enfin, et en développant ce dernier argument, je cours le risque de recueillir quelques sarcasmes bienveillants, je soutiens que les membres de l’UMP devraient être les premiers à voter cette motion référendaire.
M. David Assouline. Oui, c’est évident. C’est même le bon sens !
M. François Fortassin. La plupart d’entre eux – et c’est bien légitime – se réclament du général de Gaulle. Or, en 1969, sur la réforme des régions et la transformation du Sénat, celui-ci n’a pas hésité à engager sa responsabilité face au peuple.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ne dites pas cela au Sénat !
M. Jean-Pierre Sueur. On espère les mêmes résultats !
M. François Fortassin. Messieurs les ministres, si, comme vous le prétendez, vous jugez que cette réforme est excellente – et nous n’avons aucune raison de mettre en doute votre sincérité, même si nous ne partageons pas votre point de vue –, pourquoi auriez-vous peur du peuple ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Au contraire, recueillir l’approbation de la population serait une formidable caisse de résonance !
Si vous refusez cette motion référendaire, c’est sans doute parce que vous êtes certains de la qualité de ce projet de loi, mais que vous êtes moins sûrs du jugement de nos concitoyens !
Une sénatrice du groupe socialiste. Oui !
M. François Fortassin. En tout cas, pour ma part, si jamais je changeais de camp – la probabilité est mince, mais personne ne sait de quoi demain sera fait (Sourires) –, je serais toujours le premier à défendre l’idée qu’il faut faire appel au peuple pour trancher un problème aussi important que celui-là ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme vous le savez, nous soutenons cette motion référendaire. Nous souhaitons en effet que nos concitoyens soient saisis et puissent, au terme d’un débat national, se prononcer sur cette réforme.
La consultation du peuple, en application de notre loi fondamentale, est d’une légitimité bien supérieure à l’interprétation de ses sentiments, voire de ses pulsions. Dans les situations importantes, qui touchent à l’organisation de nos institutions et aux pouvoirs publics, la consultation populaire est une exigence démocratique.
D’ailleurs, nous avons fait valoir la nécessité de cette consultation dès l’annonce du projet du Président de la République, lors de la création du comité Balladur. Nous n’avons pas été entendus jusqu’ici mais il ne faut pas désespérer.
Les raisons de cette nécessité sont très simples. Comme l’ont dit les collègues qui m’ont précédée, elles tiennent à l’importance de ce projet dans l’organisation de nos institutions.
Certes, vous avez fait en sorte de ne pas être contraints de procéder à une nouvelle réforme constitutionnelle en ne supprimant pas, formellement, une collectivité, en ne créant pas, formellement, de nouvelles collectivités et en saucissonnant la réforme en plusieurs textes, pourtant fortement liés, nul ne le nie, y compris dans la majorité.
Néanmoins, personne n’est dupe, vous visez la suppression de deux échelons, la commune et le département, et vous créez de nouvelles entités qui ont tous les attributs des collectivités, les métropoles et des intercommunalités, devenant ou non – pour l’instant – des communes nouvelles, ce qui induit une redéfinition des compétences, qui n’est pas précisée globalement dans le projet, mais qui est déjà assez lourde. Ainsi, les collectivités territoriales existantes, départements ou régions, perdraient leurs compétences, non par délégation, mais, obligatoirement, au profit des métropoles.
Vous supprimez des élus en nombre et en compétence, les conseillers généraux et les conseillers régionaux, et vous créez un nouvel élu, le conseiller territorial, espèce inconnue jusqu’ici.
Vous revenez sur ce que vous avez fait inscrire dans la Constitution en 2002, « l’organisation décentralisée de la République », puisque vous engagez de fait une opération de recentralisation sous la houlette de l’État et de ses préfets.
Je ne peux m’empêcher de citer moi aussi M. Mercier, alors sénateur, aujourd’hui ministre et promoteur du projet de réforme actuel. Il déclarait en 2002 : « Il y a donc une clarification sur les niveaux, mais aussi une clarification sur la définition de ce qu’est une collectivité territoriale. C’est très important. Deux éléments en ressortent : d’une part, la libre administration par des conseils élus, d’autre part, le fait que cette libre administration n’existe que si les collectivités locales peuvent librement disposer de ressources propres. Ce dernier point constitue une avancée très forte de la décentralisation. »
M. David Assouline. Il a changé d’avis depuis !