M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Collombat, cela figure en toutes lettres dans votre amendement : « L’initiative de création d’un pôle métropolitain relève des régions et des métropoles. »
Cette disposition est tout à fait contraire au texte de la commission, qui distingue expressément les métropoles et le pôle métropolitain.
M. Jean-Pierre Sueur. Et alors ?
M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Sueur, si les métropoles et les pôles métropolitains sont distincts, l’un ne peut pas créer l’autre !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà !
M. Michel Mercier, ministre. Il convient d’utiliser clairement la langue !
À moins qu’une erreur ne se soit glissée dans la rédaction de l’amendement, nous sommes donc tout à fait hostiles à la disposition qui y est proposée.
Je le répète, monsieur Collombat : pour le Gouvernement comme pour la commission, il convient de distinguer, d’une part, les métropoles et, d’autre part, les pôles métropolitains. Je rappelle d’ailleurs que cette distinction résulte des négociations conduites par le Gouvernement avec les associations d’élus.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Michel Mercier, ministre. Personnellement, je ne m’autorise pas à revenir sur une négociation menée avec des élus, dont certains d’ailleurs étaient membres de votre groupe.
M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi « certains » ? Un seul !
M. Michel Mercier, ministre. Un seul élu, c’est déjà mieux que point, et vous devriez vous réjouir qu’on en ait trouvé un !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est la proximité !
M. Michel Mercier, ministre. J’indiquerai en conclusion que cet amendement, intéressant à plusieurs égards mais largement inabouti, devrait trouver toute sa place dans le projet de loi à venir sur les compétences et pourra faire alors l’objet d’une discussion approfondie.
En attendant, j’émets, comme la commission, un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. La démonstration est faite que toutes nos propositions, qu’elles soient anodines ou qu’elles méritent un examen approfondi, sont traitées exactement de la même façon. Dans ces conditions, ne venez pas vous plaindre que le débat traîne en longueur !
M. Pierre-Yves Collombat. Sans surestimer nos propositions, je pense tout de même que le présent amendement mériterait de faire l’objet d’une discussion de fond et non d’être renvoyé purement et simplement avec des arguments qui ne tiennent pas debout.
Je veux bien admettre que nous aurons à débattre prochainement d’un projet de loi portant sur les compétences – bien qu’il eût été plus logique de commencer par là –, mais qu’y a-t-il d’extraordinaire à vouloir cadrer le débat ?
En outre, il faudrait vous mettre d’accord entre vous : M. le rapporteur me fait le reproche d’être trop précis et d’anticiper sur le texte à venir, et M. le ministre, celui d’être trop vague !
Cet amendement se borne à poser un certain nombre de principes. Encore une fois, il ne casse pas trois pattes à un canard puisqu’il rejoint les propositions du rapport Krattinger-Gourault ! L’objectif reste d’encadrer le débat.
S’agissant de la partie de l’amendement concernant la coordination des acteurs territoriaux, je ne suis pas persuadé, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que vous l’ayez lue jusqu’au bout : nous ne commettons absolument aucune confusion.
Nous visons les conseils régionaux des exécutifs, reprenant là encore les propositions du rapport Krattinger-Gourault : cela n’a rien à voir avec les conférences des exécutifs ! Nous prenons la peine de décliner leur rôle et d’indiquer comment ils organiseront la coordination entre les différents acteurs.
Nous ne confondons pas non plus les métropoles et les pôles métropolitains. Ces derniers, dans votre texte, sont les métropoles de ceux qui n’ont pas les moyens, les métropoles des petits. Les métropoles acquièrent les compétences des communes et d’une partie des départements sur des territoires continus ; mais en réalité, vous le savez comme moi, les territoires sont très souvent discontinus !
Monsieur le ministre, vous rappeliez les négociations que vous avez menées avec Gérard Collomb. Permettez-moi de souligner que ce dernier reconnaît lui-même que Lyon, qui fait déjà partie de la communauté urbaine de Lyon, la COURLY, devra également nouer des relations avec Saint-Étienne, avec le nord de l’Isère, voire avec Grenoble pour des compétences stratégiques telles que l’enseignement supérieur, la recherche ou encore la recherche et développement, si elle veut pouvoir jouer dans la cour des grands européenne. Or, quelles compétences confiez-vous aux métropoles ? Vous leur transférez la gestion du revenu minimum d’insertion, le RMI, et du revenu de solidarité active, le RSA, celle des routes, celle des collèges, celle des pompiers… Il ne s’agit que de gestion au quotidien !
Est-ce ainsi que vous permettrez aux métropoles de rayonner sur le plan européen ? C’est se moquer du monde, monsieur le ministre ! Vous passez complètement à côté du problème !
Il me semble donc qu’il aurait été opportun que nous discutions de tout cela et qu’ensuite vous intégriez éventuellement une partie de nos propositions, qui, je le souligne, ne sont pas du tout en contradiction avec le reste du projet de loi. Mais vous n’avez même pas pris la peine de les lire ni d’en étudier le contenu,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah si !
M. Pierre-Yves Collombat. … ce qui ne vous empêche pas de nous reprocher de faire de l’obstruction, de causer pour causer,…
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est bien ce que vous faites !
M. Pierre-Yves Collombat. … de vouloir ralentir les débats.
Quand il est possible de débattre, vous ne débattez pas, parce que, pour débattre, il faut au moins avoir lu ! Nous, nous avons lu votre projet de loi. Alors, lisez notre amendement et essayez d’en tirer quelque chose !
Après cela, vous allez nous dire que le Gouvernement est à l’écoute, qu’il va déposer des amendements… Oh oui ! Il va sans doute « bidouiller » le cinquième chiffre après la virgule !
Alors que les problèmes sont réels, vous aboutissez à ce paradoxe qu’aucune coordination n’existera entre les politiques des régions et des départements et celles des métropoles, qui de ce fait vampiriseront les départements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons l’insigne honneur de travailler sous le regard de Portalis,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il doit bien rire !
M. Jean-Pierre Sueur. … qui a inspiré une forte tradition juridique en vertu de laquelle, monsieur le président de la commission des lois, on commençait par définir les termes, le cadre et l’objet du débat et de la loi.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais l’amendement de M. Collombat est un pot-pourri !
M. Jean-Pierre Sueur. Dans les grandes lois de décentralisation de 1982, nous avions commencé par définir l’objet et les grands principes devant être ensuite déclinés. Or il est tout à fait significatif que le présent projet de loi ne comporte aucune position de principe, aucune définition ni de l’objet ni de l’objectif.
L’article 1er, magnifique, commence ainsi :
« Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
« I. – L’article L. 3121-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est composé de conseillers territoriaux. »
Autrement dit, vous modifiez cet article L. 3121-1 pour créer des personnages dont nul n’avait entendu parler, dont on ignore à quoi ils servent, qui ne sont pas définis, mais qui seraient la clef de voûte du dispositif : les conseillers territoriaux. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat éclate de rire.)
M. Pierre Fauchon. Eh oui ! C’est La Création !
M. Jean-Pierre Sueur. Je comprends la juste colère de M. Collombat. Notre groupe peut en témoigner, il a passé beaucoup de temps à rédiger ce premier amendement, qui est en quelque sorte un amendement-cadre dans lequel il s’est efforcé de suppléer à l’évidente carence du texte en posant les termes du débat. Son objectif, finalement, était que soient définies dans la loi les missions respectives des régions et des départements et que soit précisé le type de coordination à mettre en œuvre entre ces deux collectivités.
M. Collombat a également abordé avec beaucoup de pertinence la question des pôles métropolitains, cette chaîne, ce rassemblement, ce réseau de grandes agglomérations qui forment l’armature du développement d’une région dans les domaines stratégiques. Il souhaite que les pôles métropolitains fonctionnent en liaison avec la région. C’est le bon sens même ! Que serait une région qui ne s’appuierait pas sur une telle armature ?
Notre collègue propose donc un ensemble d’articles introductifs extrêmement clair et cohérent. Vous lui répondez par la négative, en ne trouvant à lui opposer que la création du conseiller territorial.
Monsieur le rapporteur, dans votre intervention très brève – cinquante-huit secondes, a compté M. Frimat –, vous avez indiqué que l’on discuterait de tout cela plus tard. Lors de l’examen de l’important projet de loi au mois de décembre dernier, on nous avait promis un débat en janvier ; en janvier, on constate que finalement ce sera en juin… En définitive, ce n’est jamais le moment d’aborder les sujets stratégiques. Quant à la définition des termes et des objectifs, ce n’est pas la peine de s’y pencher aujourd’hui puisque, de toute façon, on en parlera ultérieurement…
La seule chose qui importe à vos yeux, la lumière électrique, le déclic, ce qui changera tout, ce qui révolutionne la France, ce que personne n’avait demandé, ce que personne n’avait espéré mais qui va surgir, c’est le conseiller territorial. Voilà tout ce que vous nous proposez, mes chers collègues, et c’est bien triste.
Je vous invite donc à considérer l’amendement de M. Collombat comme une base de travail, à le sous-amender – c’est le rôle du débat ! – puis à l’adopter, car il est absolument nécessaire de consacrer cet ensemble d’articles-cadres avant de commencer l’examen du projet de loi proprement dit. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. L’argumentation de Jean-Pierre Sueur est tout à fait lumineuse, comme l’était celle de Jean-Pierre Chevènement lorsqu’il a présenté la motion tendant au renvoi à la commission. Monsieur le ministre, vous y avez répondu de manière très lapidaire, disant que point n’était besoin de renvoyer le texte à la commission puisqu’il y aurait de toute façon un débat en séance publique.
M. Jacques Gautier. Eh oui !
M. Jacques Mézard. Or, nous y sommes !
M. Collombat présente un amendement tendant à insérer un dispositif qui se justifie pleinement en tête d’un projet de loi, qualifié d’historique, de réforme des collectivités locales : on lui répond simplement qu’il n’a pas sa place à cet endroit du texte,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’a sa place nulle part !
M. Jacques Mézard. … mais on ne nous dit pas pourquoi !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je vais vous le dire !
M. Jacques Mézard. Soyons clairs : cet amendement comporte des définitions d’une grande justesse. D’ailleurs, ni la commission ni le Gouvernement n’ont dit qu’elles ne tenaient pas la route ou qu’elles étaient contraires au projet de loi. Tout ce qui y figure est compatible avec l’objet de ce dernier. Voilà donc un amendement explicatif et très simplement compréhensible, ne serait-ce qu’au regard de la clarification des missions dévolues à la région et au département.
Et que dire de la proposition d’insérer un chapitre II relatif à la coordination des acteurs territoriaux, sinon qu’elle est l’illustration parfaite et la continuation logique de ce qui avait été voulu par la mission Belot, et donc par la grande majorité de ses membres ? Sur ce point également, il n’y a aucune incompatibilité de quelque sorte que ce soit avec l’objet du projet de loi.
Par conséquent, mes chers collègues, votre opposition à cet amendement n’est que de principe. Le débat est bien mal parti ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mes chers collègues, on peut tout utiliser comme argument, surtout quand on se réfère à Portalis ! Une loi doit être normative et non pas fixer de grands principes, lesquels doivent figurer dans l’exposé des motifs du Gouvernement, comme c’est très exactement le cas en l’espèce.
La seule partie de l’amendement susceptible d’être effectivement considérée comme normative est celle qui a trait aux pôles métropolitains. Or ceux-ci font l’objet de l’article 7 du projet de loi : attendons qu’il vienne en discussion pour en débattre ! Pourquoi le faire ab initio ?
M. François-Noël Buffet. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Qui plus est, je le rappelle, il s’agit de compléter une législation codifiée : cela, nous n’y pouvons rien ! D’ailleurs, le code général des collectivités territoriales fixe d’ores et déjà les grands principes de la décentralisation aux articles L. 1111-1 et suivants, que nous ne modifions en aucune façon.
Ceux qui invoquent nos grands juristes du passé devraient au moins le faire à bon escient ! L’amendement n° 346 est un ensemble de textes qui ne s’intègrent dans rien du tout. Si nous commençons à voter ce genre de dispositions, mes chers collègues, je vous le dis franchement, nous n’arriverons pas à faire une loi qui tienne la route.
On peut être d’accord ou non sur telle ou telle proposition. De tous les amendements qui ont été déposés, certains ont leur place dans le texte et dans le code général des collectivités territoriales, d’autres justifient un débat. La commission en a d’ailleurs accepté un certain nombre.
Mes chers collègues, je vous en prie, restons dans le cadre de notre législation actuelle. Je fais appel à ceux d’entre vous qui sont de bons juristes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) J’en connais beaucoup dans cet hémicycle, notamment parmi les membres de la commission des lois !
On peut s’amuser, mais personne ne peut nous reprocher de ne pas vouloir discuter, notamment des pôles métropolitains. Nous considérons simplement qu’il est préférable de le faire au moment de l’examen de l’article 7. D’ailleurs, monsieur Collombat, votre groupe a déposé des amendements sur cet article !
M. Pierre-Yves Collombat. Lorsque la commission écrit à l’article 35 que « la pratique des financements croisés entre les collectivités territoriales est encadrée », est-ce normatif ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui, c’est normatif, parce que nous fixons les principes que devra mettre en œuvre la future loi sur les compétences.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas plus légitime que ma proposition !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. De toute façon, vous voulez toujours avoir raison ! Bravo ! Continuez donc à philosopher tout seul sur ce sujet !
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, en raison de l’heure tardive et des nombreuses demandes d’explication de vote dont je suis saisi sur l’amendement n° 346, il me paraît plus sage d’interrompre là nos travaux.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 21 janvier 2010 à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :
1. Projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, ratifiant l’ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés (n° 207, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 218, 2009-2010).
2. Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n° 60, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 169, 2009-2010).
Avis de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (n° 198, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 170, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART