M. Louis Mermaz. Monsieur le secrétaire d'État, votre excellent collègue M. Mercier pourrait vous dire ce qu’il pense du charcutage du canton de Roussillon, avec la soustraction de trois communes dirigées par l’Union de la gauche, Salaise-sur-Sanne, Roussillon et Péage-de-Roussillon, pour les noyer, au sein de la septième circonscription, dans un gros morceau de campagne ! Mais je ne demanderai pas un commentaire public sur ce sujet à M. Mercier, auquel me lie une certaine complicité depuis que nous avons créé ensemble le magnifique musée de Saint-Romain-en-Gal… (Sourires.)

Nous voici parvenus au terme d’un débat qui aura certainement été fort utile, car l’opinion publique, peu à peu, commence à comprendre ce dont il s’agit. Méfiez-vous de la colère qui s’exprimera quand les électeurs découvriront le résultat de votre ouvrage ! Nous verrons d’abord ce qu’en dira le Conseil constitutionnel, institution qui commence, après un certain nombre d’années d’existence, à acquérir quelque densité… Ne spéculons pas, mais il se pourrait qu’il nous réserve une bonne surprise !

Pour l’heure, je souhaiterais mettre en garde le Gouvernement en évoquant ce que j’ai vécu dans le département du Lot, en 1986, à la suite du redécoupage électoral réalisé par M. Pasqua. Je me trouvais alors dans ce département pour soutenir la candidature aux élections législatives du maire de Figeac, Martin Malvy, qui était désespéré qu’un canton réputé très à droite, que je ne nommerai pas, ait été rattaché à sa circonscription. Venus pour animer une réunion avec Maurice Faure, président du conseil général, nous avons constaté que de 2 000 à 3 000 personnes s’étaient rassemblées sur la place du chef-lieu de canton ! Se tournant vers le candidat, Maurice Faure a alors déclaré : « Tu vois, Martin, ne t’inquiète pas ; ils sont déjà là ! »

Le charcutage est donc un art très difficile à pratiquer, monsieur le secrétaire d'État. Il se pourrait qu’un sursaut du peuple vous fasse bientôt payer le juste prix de vos manœuvres ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d’État, ce débat doit nous amener à réfléchir sur l’exigence démocratique.

Tous les gouvernements sont tentés, quand il s’agit de réviser la carte électorale, d’en tirer quelque avantage. Seule une démarche marquée par un esprit de démocratie et de pluralisme peut permettre d’éviter cet écueil. C’est sans doute un exercice difficile, mais il me paraît absolument nécessaire.

La seconde lecture de ce texte intervient alors même que nous examinons la réforme des collectivités territoriales, qui comporte notamment la création d’un nouveau type d’élu, le conseiller territorial, dont nous ne savons rien du mode d’élection. Il me semble que le Gouvernement devrait approfondir sa réflexion avant de mettre en œuvre tant cette réforme que son projet de redécoupage électoral : il convient, en effet, de ne pas mettre la charrue devant les bœufs ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme d’un débat engagé depuis maintenant près d’un an, depuis que le législateur a habilité le Gouvernement à procéder par ordonnance au redécoupage des circonscriptions électorales.

Ce projet de loi de ratification répond à une urgence démocratique, dans la mesure où, comme chacun le sait, l’actuelle carte électorale, qui repose toujours sur les données recueillies lors du recensement général de 1982, ne permettait plus d’assurer une juste et équitable représentation de l’ensemble de nos concitoyens sur les bancs de l’Assemblée nationale.

La tâche à laquelle s’est attelée le Gouvernement était complexe et sensible. Je tiens à vous féliciter et à vous remercier, monsieur le secrétaire d'État,…

M. Bernard Frimat. C’est bien normal que l’UMP dise merci !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. … tant le travail que vous avez effectué a été entouré de garanties sans précédent dans l’histoire de nos institutions, et tant vous avez su écouter, informer et associer à votre démarche les parlementaires, mais aussi des représentants d’associations et de la société civile.

Nous souscrivons à l’esprit général de cette ordonnance. Ce projet de redécoupage répond parfaitement aux critères d’objectivité. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

M. Bernard Frimat. C’est un gag !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Il respecte les exigences de la Constitution et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui affirme que l’élection des députés doit se faire sur des bases essentiellement démographiques, selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l’égalité devant le suffrage.

M. Bernard Frimat. Au mieux !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Permettez-moi également, monsieur le secrétaire d'État, de vous dire combien les Français établis hors de France sont heureux de cette avancée historique qui leur permettra enfin d’avoir des élus dans les deux chambres du Parlement, ce qu’ils appelaient de leurs vœux depuis des décennies. Cela leur permettra de se sentir dorénavant vraiment citoyens français à part entière.

Pour cette raison et pour toutes celles qui ont déjà été évoquées, le groupe UMP votera en faveur de ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

Je rappelle que ce vote a valeur de vote sur l’ensemble du texte.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin public dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.

Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.

Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.

Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.

………………………………………………………...

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Plus personne ne demande à voter ?…

Chacun a-t-il pu exprimer son vote comme il l’entendait ?…

En l’absence d’observation, le scrutin est clos.

J’invite Mmes les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 131, portant sur l’ensemble du projet de loi ratifiant l’ordonnance portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés :

Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 311
Majorité absolue des suffrages exprimés 156
Pour l’adoption 167
Contre 144

Le Sénat a adopté définitivement. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Je remercie tous les participants à ce débat, particulièrement M. le président de la commission des lois et M. le secrétaire d'État. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

5

Nomination d’un membre d'une commission

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Marie-Agnès Labarre membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication à la place laissée vacante par M. Jean-Pierre Bel.

(M. Roger Romani remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés
 

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

6

Division additionnelle avant le titre Ier (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Division additionnelle avant le titre Ier

Réforme des collectivités territoriales

Suite de la discussion d'un projet de loi

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales (projet de loi n° 60, texte de la commission n° 170, rapports nos 169 et 171).

Dans la discussion des articles, nous reprenons l’examen d’un amendement tendant à insérer une division additionnelle avant le titre Ier.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Rappel au règlement (début)

Division additionnelle avant le titre Ier (suite)

M. le président. Nous poursuivons les explications de vote sur l’amendement n° 346 rectifié, présenté par MM. Collombat, Peyronnet, Sueur, Bel et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy et Povinelli, Mme Alquier, MM. Andreoni, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet et Chastan, Mme Cartron, MM. Courteau, Daunis et Daudigny, Mme Durrieu, MM. Fichet et Jeannerot, Mme Ghali, MM. Guérini et Guillaume, Mmes Khiari et Klès, MM. Lagauche, Marc, Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Miquel, Mirassou, Patriat, Percheron, Rebsamen, Ries, Sergent, Signé, Teulade et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

J’en rappelle les termes :

Avant le titre Ier, ajouter une division additionnelle ainsi rédigée :

Titre préliminaire

Clarification des compétences des collectivités territoriales et coordination des acteurs

Chapitre Ier : Clarification des compétences des collectivités territoriales

Art. ... - La mission centrale de la région est stratégique et de préparation de l'avenir.

Elle l'assume en partenariat avec l'État et les pôles métropolitains. 

La région a en charge la répartition des fonds européens.

Art. ... - Le département a en charge la solidarité sociale et territoriale.

Le département a en charge le développement des territoires ruraux. À ce titre, il apporte son soutien aux petites collectivités et à leurs établissements publics de coopération intercommunale en matière d'ingénierie publique, de conseil juridique, technique ou administratif.

Il veille à l'équité territoriale.

Chapitre II - coordination des acteurs territoriaux

Art. ... - Il est créé dans chaque région un conseil régional des exécutifs constitué du président du conseil régional, des présidents de conseils généraux, des métropoles, des communautés urbaines, d'agglomération ainsi que des communautés de communes de plus de 50 000 habitants et pour les autres communautés de communes d'un représentant par département, élu par les présidents de communautés de communes de moins de 50 000 habitants.

Le conseil régional des exécutifs est présidé par le président de la région.

Il peut, en tant que de besoin constituer une commission permanente.

Il peut associer à ses travaux, en tant que de besoin, le ou les représentants des organismes non représentés.

Il organise la concertation entre ces membres dans un but d'harmonisation de leurs politiques et afin d'organiser les complémentarités entre elles.

Il établit un schéma d'orientation de l'ensemble des politiques intéressant l'ensemble du territoire régional ou plusieurs départements, il coordonne les politiques, définit les « chefs de file » par projet ou ensemble de projets, prépare les accords et les conventions à passer entre les acteurs, veille à la mise en place de « guichets communs » en matière de développement économique, d'aide à l'emploi, de bourses d'études ou d'aide à la formation.

Il constate le désengagement des collectivités dans leur domaine de compétence. Ce constat de carence autorise une autre collectivité qui entendrait se substituer au titulaire de la compétence à l'exercer à sa place.

Il se réunit au moins une fois par trimestre sur un ordre du jour obligatoire pour délibérer sur les questions d'intérêt régional ou interdépartemental, nécessitant une coordination des politiques des acteurs.

Chaque membre du conseil peut faire inscrire à l'ordre du jour de la plus prochaine réunion toute question de sa compétence dont il souhaite débattre.

Art. ... - Il est créé dans chaque département une conférence départementale des exécutifs regroupant le président du Conseil général, le cas échéant, de la métropole et les présidents des intercommunalités.

Elle est chargée d'organiser la coordination locale et la concertation entre ses membres.

Elle a communication des travaux du conseil régional des exécutifs auquel elle peut communiquer des observations et des vœux.

Elle se réunit chaque trimestre sous la présidence du président du Conseil général.

Art. ... - Le pôle métropolitain est un établissement public destiné à assurer la gouvernance d'un réseau de collectivités territoriales et d'EPCI à fiscalité propre, sur un vaste territoire, éventuellement discontinu, pour des compétences de niveau stratégique : transport, développement économique et emploi, enseignement supérieur et recherche, logement, très grands évènements culturels et sportifs.

Le ou les Établissements Publics Fonciers existant sur le territoire, sont membres du pôle métropolitain, quand les compétences de celui-ci comprennent le logement ou les équipements stratégiques.

Constitué par accord entre les intéressés, il comprend obligatoirement la ou les Régions concernées, la ou les métropoles quand elles existent. Les départements et les EPCI de plus de 100 000 habitants sont, à leur demande, de droit, membres du pôle métropolitain.

L'initiative de création d'un pôle métropolitain relève des régions et des métropoles.

Sa création peut-être décidée par arrêté du représentant de l'État du département chef-lieu de région ou de la région démographiquement la plus importante si le pôle métropolitain s'étend sur plusieurs régions.

Le pôle métropolitain est soumis aux règles applicables aux syndicats mixtes prévus à l'article L. 5711-1 du Code général des collectivités territoriales, sous réserves des dispositions prévues par le présent titre.

L'arrêté constitutif du pôle métropolitain mentionne obligatoirement les compétences qui lui sont confiées par les organismes membres et le niveau d'intervention de celui-ci.

Le pôle métropolitain définit et arrête les axes stratégiques de développement de son territoire pour les compétences qui lui ont été déléguées. Il coordonne et hiérarchise l'action de ses membres. Il peut aussi se voir confier des missions de gestion. Il assume celles-ci directement ou, sous sa surveillance, par voie de délégation.

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Peyronnet. Je comprends l’amertume qu’a exprimée hier dans la nuit notre collègue Collombat. Avec la naïveté du jeune sénateur (Sourires), il regrettait que l’absence de débat, ou plutôt la juxtaposition de discours parallèles, interdise finalement d’améliorer la rédaction de ce projet de loi.

De fait, le présent amendement a été écarté d’un revers de main, avec des arguments qui ne sont pas acceptables, me semble-t-il. Cet amendement de fond vise véritablement à donner un cadre à l’organisation territoriale de la France et à préciser la répartition des pouvoirs. Il définit les missions des différents niveaux de collectivités territoriales et les conditions de leur concertation. Il s’inspire largement du rapport de la mission présidée par M. Belot, dont la teneur, je le rappelle, a été approuvée par l’ensemble des composantes politiques de notre assemblée, jusqu’à ce que soit ajoutée, in extremis, la création des conseillers territoriaux…

Cet amendement a été rejeté par le président de la commission des lois au motif que son contenu ne serait pas normatif et qu’il présenterait de nombreux défauts en termes de droit pur. Ces arguments largement fallacieux, qui ont été constamment répétés au cours de la discussion, pourraient toutefois être acceptables si le comportement de la commission saisie au fond était toujours parfaitement objectif. Or, à l’évidence, tel n’est pas le cas, et le sort réservé à un amendement relatif au mode d’élection des conseillers territoriaux déposé par M. About et ses amis montre bien que la commission applique deux poids, deux mesures : l’appréciation du caractère normatif d’un dispositif varie selon l’identité des auteurs de l’amendement, les nôtres portant sur le même sujet ayant été rejetés pour un motif qui n’a pas été opposé à nos collègues de l’Union centriste.

On nous objecte ici que le présent amendement anticipe la loi à venir sur la répartition des compétences. Or, cet argument n’est pas fondé, parce qu’il tend à fixer un cadre très général, en précisant les missions des différents niveaux de collectivités. Par exemple, le département a la mission d’assurer la solidarité sociale. Il sera loisible ultérieurement de définir les compétences correspondantes, c’est-à-dire, en l’occurrence, la protection maternelle et infantile, le handicap, les personnes âgées, etc. Les missions ne sont pas assimilables aux compétences et nous ne pouvons donc accepter que, d’un revers de main, on écarte notre amendement au motif qu’il anticiperait un texte à venir.

L’amendement n° 346 rectifié tend par ailleurs à organiser la concertation entre les différents niveaux de collectivités territoriales, en reprenant, encore une fois, les importants travaux réalisés par la commission Belot. Cela est nécessaire, car le projet de loi ne comporte aucun élément de cohérence et de concertation entre les diverses strates. En effet, on ne peut pas considérer que la création des conseillers territoriaux, élus qui siègeront à la fois au conseil régional et au conseil général, soit une réponse satisfaisante à cet égard : à l’échelon régional, par exemple, le président de la région se trouvera face aux présidents des départements, qui se concerteront contre lui. Ce n’est pas là une saine conception de la concertation ! À l’inverse, les instances ad hoc que nous proposons d’établir permettraient d’organiser une véritable concertation, assurant un fonctionnement beaucoup plus harmonieux des différents niveaux de collectivités.

C’est pourquoi je vous incite, mes chers collègues, à adopter cet amendement dans l’enthousiasme ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Nous nous félicitons de ce que l’initiative de nos collègues socialistes nous permette de débattre de la nécessaire clarification des compétences.

Nous avons nous-mêmes particulièrement insisté sur cette question, en déposant une motion tendant à opposer la question préalable au motif que le débat sur les structures aurait dû être précédé par une remise à plat de la répartition des compétences entre l’État et les collectivités locales et par la redistribution des compétences décentralisées. Une telle démarche, permettant de resituer le rôle de l’État, avait d’ailleurs fait l’objet d’un consensus lors de notre premier débat dans l’hémicycle sur le rapport d’étape de la mission Belot.

Cela dit, une telle refonte globale des compétences décentralisées nécessiterait des travaux préparatoires et de véritables échanges de vues, sur la base de propositions prenant en compte un réel bilan de la décentralisation, dont nous ne disposons pas, force est de le constater.

Aussi considérons-nous que ce débat si nécessaire ne peut réellement se développer dans le cadre de la discussion d’un amendement, si important soit-il.

Par ailleurs, en ne précisant que les missions des différents niveaux de collectivités territoriales, y compris les communes, jugées essentielles par nos collègues et en ne définissant pas, de façon plus large, l’ensemble de leurs compétences, cet amendement risque d’être pour le moins restrictif, d’autant qu’il ne réaffirme pas le rôle capital de l’État, ce qui constitue pourtant un enjeu crucial de cette réforme.

En outre, compte tenu des dispositions contenues dans ce projet de loi, il nous semble qu’il serait particulièrement pertinent de réaffirmer la nécessité du maintien de la clause de compétence générale pour toutes nos collectivités territoriales.

Quant aux autres dispositions de cet amendement, relatives aux conseils et aux conférences des exécutifs, nous serons appelés à en débattre ultérieurement : elles méritent pour le moins des approfondissements. Sur ces points, nous présenterons nous-mêmes des amendements dont le contenu est sensiblement différent.

S’agissant de la création et du rôle des pôles métropolitains, nous ne partageons pas le point de vue de nos collègues socialistes, car nous considérons pour notre part qu’ils font partie de ces nouvelles structures tendant à mettre en cause l’existence des départements.

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons, cet amendement ne pouvant nous satisfaire. Si nous reconnaissons la pertinence de son objet, nous estimons qu’il procède d’une approche trop partielle et de conceptions parfois discutables.

M. le président. La parole est à M. Michel Boutant, pour explication de vote.

M. Michel Boutant. Nous avons affaire à un projet de loi qui place la charrue devant les bœufs.

Son article 1er prévoit la création de conseillers territoriaux, appelés à remplacer les conseillers généraux et les conseillers régionaux. Puisqu’ils siégeront à la fois au conseil général et au conseil régional, il nous semble indispensable de clarifier les rôles qu’ils auront à jouer au sein de l’un et de l’autre. À cet égard, notre amendement apporte des précisions nécessaires.

En effet, à la suite de cette réforme, le nombre d’élus appelés à siéger à l’échelon départemental se trouvera réduit dans une mesure considérable, alors que, dans le même temps, les compétences du département ne seront pas modifiées. De leur côté, les conseils régionaux accueilleront l’ensemble des conseillers territoriaux élus dans les différents départements, pour exercer des compétences qui, elles aussi, resteront inchangées. La charge de travail des conseillers territoriaux sera donc accrue de manière considérable à l’échelon départemental, et à l’inverse très fortement réduite à l’échelon régional.

Je me demande si, derrière cet article 1er, ne se cache pas l’idée, déjà exprimée par un certain nombre de personnalités, à commencer par l’ancien Premier ministre Édouard Balladur, d’ « évaporer » les départements au profit des régions, en transférant peu à peu leurs compétences à ces dernières.

Il convient donc, à mon sens, de préciser à nouveau les missions des départements. C’est pourquoi j’invite tous ceux de nos collègues qui sont attachés à l’exercice d’un mandat de proximité à accorder l’importance qu’il mérite à cet amendement, à l’examiner de manière approfondie, car son adoption permettrait de remettre de l’ordre dans ce projet de loi, en apportant d’entrée de jeu des précisions nécessaires. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. Notre collègue Jean-Pierre Sueur a expliqué hier soir, avec tout le talent qui est le sien, combien l’amendement n° 346 rectifié trouvait sa pleine justification dans le caractère absolument surréaliste de l’article 1er du projet de loi.

Cet article prévoit la création du conseiller territorial, sorti du néant. Nous apprenons qu’il siégera à la fois au conseil général et au conseil régional, mais nous saurons plus tard seulement quelles seront ses compétences, un an après le vote du présent projet de loi ! Nous ne saurons que plus tard aussi comment il sera élu, mais nous savons déjà que le président du Sénat lui-même a déclaré que les dispositions relatives à son mode d’élection, figurant dans un autre projet de loi, étaient impossibles à voter en l’état, qu’elles ne trouveraient pas de majorité dans notre assemblée. Enfin, nous ne connaissons toujours pas le nombre de conseillers territoriaux par département.

Monsieur le ministre, ce texte n’est pas un projet de loi, c’est un jeu de devinettes ! Si un lycéen présentait une dissertation construite de cette façon, on lui reprocherait d’être incohérent, de manquer de logique et de fond et il serait invité à revoir sa copie. Cela étant, il est vrai que M. le président de la commission des lois nous a fort justement expliqué hier que la confection d’une loi répondait à d’autres règles que la rédaction d’une dissertation !

Mais il y a peut-être plus grave. Pourquoi cette incohérence, ce calendrier inversé, ce refus d’examiner l’amendement que nous avons déposé ? Tout simplement parce que ce projet de loi ne répond pas au souci de construire ; il ne représente pas l’acte III de la décentralisation – d’ailleurs, vous ne le revendiquez pas ! Vous ne cherchez pas à approfondir la démocratie, ni à garantir une efficacité accrue de l’action publique, ni à dynamiser la vie politique locale –rappelons que les associations d’élus ont toutes été écartées des travaux menés par la commission de M. Balladur. Il s’agit non pas de construire, mais de détruire ! Ce projet de loi vise à la désorganisation de notre territoire et de ses collectivités, à la destruction de l’action locale et des services publics, afin de réduire la dépense publique en rognant sur les services rendus à la population et en limitant l’équipement de nos territoires.

M. Pierre Fauchon. Quelle caricature !

M. Yves Daudigny. Si l’on comprend cela, le caractère surréaliste que j’évoquais au début de mon propos apparaît clairement ! (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 346 rectifié.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, ainsi que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin public dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Ceux qui souhaitent voter « pour » remettront au secrétaire un bulletin blanc.

Ceux qui souhaitent voter « contre » remettront un bulletin bleu.

Ceux qui souhaitent s’abstenir remettront un bulletin rouge.

Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.

………………………………………………………

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Plus personne ne demande à voter ?...

Chacun a-t-il pu exprimer son vote comme il l’entendait ?...

En l’absence d’observation, le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 132 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages exprimés 157
Pour l’adoption 128
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

Rappels au règlement

Division additionnelle avant le titre Ier
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Rappel au règlement (suite)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Sueur. Pour la troisième fois aujourd’hui, je dois souligner qu’il est réellement humiliant de nous entendre demander, à chaque scrutin public, si chacun a pu exprimer son vote comme il le souhaitait. Je ne comprends pas pourquoi on nous pose cette question !

Lors de mon deuxième rappel au règlement sur ce thème, M. Gérard Larcher, qui présidait alors la séance, m’a expliqué que cette phrase était prononcée en vertu d’une décision du Conseil constitutionnel du 23 janvier 1987, dont il a bien voulu me communiquer le texte.

Cela appelle de ma part quelques remarques.

Tout d’abord, je ne comprends pas très bien pourquoi il a fallu attendre l’an de grâce 2010 pour appliquer une décision du Conseil constitutionnel datant du 23 janvier 1987…

Ensuite, s’il s’agit de se prémunir contre le renouvellement d’incidents que nous avons pu connaître, cette méthode est inopérante, comme le montre la lecture du considérant suivant de la décision du Conseil constitutionnel en cause :

« Considérant que pour l’application de ces dispositions, la circonstance que, dans le cadre d’un scrutin public, le nombre de suffrages favorables à l’adoption d’un texte soit supérieur au nombre de députés effectivement présents au point de donner à penser que les délégations de vote utilisées, tant par leur nombre que par les justifications apportées, excèdent les limites prévues par l’article 27 précité, ne saurait entacher de nullité la procédure d’adoption de ce texte que s’il est établi, d’une part, qu’un ou des députés ont été portés comme ayant émis un vote contraire à leur opinion et, d’autre part, que, sans la prise en compte de ce ou ces votes, la majorité requise n’aurait pu être atteinte. »

Je crois avoir à peu près compris le sens de ce considérant, mais je ne vois pas en quoi il en découlerait que le président de séance doive nous demander, à chaque scrutin public, si chacun a pu voter comme il l’entendait… Nous votons toutes et tous comme nous l’entendons ! Nous n’avons pas besoin d’être rappelés à l’ordre de cette manière.

Il est important, à mon sens, que l’on respecte la liberté de chacun ; il n’est nul besoin de nous admonester lorsque nous votons, en prononçant des formules superfétatoires, susceptibles de porter atteinte à notre honneur de parlementaires !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour un rappel au règlement.