M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun s’exprime pour essayer de défendre la cause des petites communes, sujet que vous ne maîtrisez pas toujours aussi bien que vous le pensez.
En tant que maire d’une commune d’un peu plus de 500 habitants, je connais bien le problème : politiser davantage le scrutin n’arrangerait certainement pas les choses.
Madame Borvo Cohen-Seat, permettez-moi de vous le faire remarquer, la politique, c’est bien évidemment l’expression des partis, mais c’est aussi toutes les actions menées en matière économique et sociale, notamment par les petites communes.
Monsieur le ministre, je suis président de l’association des maires de mon département. Si les maires ruraux ne sont pas toujours d’accord avec l’Association des maires de France, c’est peut-être parce que les débats ne portent pas uniquement sur la politique économique. De ce point de vue, chacun s’exprime comme il l’entend.
Tout à l’heure, vous avez invité les élus à se mettre d’accord, alors que les maires, quant à eux, attendent du Parlement qu’il se prononce. Finalement, chacun se renvoie la balle. Moi qui vis les problèmes au quotidien, croyez-moi : laissez les représentants des petites communes s’exprimer humainement avant d’essayer de leur imposer quelque doctrine que ce soit !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si j’ai le plus grand respect pour M. Biwer et Mme Borvo Cohen-Seat, j’estime qu’à cette heure tardive, où certains souffrent d’hypoglycémie et d’autres de fatigue, nous devrions prendre un certain nombre de précautions.
Monsieur Biwer, aucun d’entre nous ne peut se prétendre spécialiste des communes au motif qu’il maîtriserait les strates démographiques. Vous-même aurez toute légitimité pour débattre des métropoles, qui feront l’objet d’une discussion ultérieure. De même, Mme Borvo Cohen-Seat est parfaitement capable de défendre une approche politique, au sens noble du terme, des communes rurales ou faiblement peuplées.
Il ne s’agit pas ici de doser notre respect à l’égard des communes en fonction de leur taille. Nous voulons entendre de la bouche du ministre, et de façon irréfutable, que le mode de scrutin qui sera adopté ne constituera pas un recul, une remise en cause larvée d’un dispositif permettant une juste représentation des hommes et des femmes.
Pour moi, la politique est une activité noble. Il ne faut pas craindre de faire de la politique dans les petites communes s’il s’agit de défendre un projet ou des orientations, et non de se faire élire uniquement sur la base de la notoriété de sa famille, de son patrimoine ou du statu quo.
Plusieurs amendements tendaient à faire adopter un mode de scrutin garantissant une parité réelle. Il ne faudrait pas, une fois de plus, se contenter de proclamer de grands principes et que, par la suite, les mesures concrètes qui seront adoptées les violent et les piétinent, comme cela a été constaté dans maints domaines. En matière de développement durable, il n’est pas un élu qui ne tienne des discours courageux ; cela ne nous a pas empêchés de voter une taxe carbone mal fichue, inefficace écologiquement et injuste socialement, qui a été censurée par le Conseil constitutionnel.
Je le répète, plusieurs amendements qui vous sont proposés ont comme seul objectif de garantir la parité effective, comme le prévoit la Constitution.
Monsieur le ministre, je vous trouve bien ambigu sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 111, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une consultation nationale des conseils municipaux, des conseils généraux et des conseils régionaux est organisée préalablement à la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Parce qu’il transforme profondément l’organisation de nos collectivités territoriales, ce projet de loi a suscité une forte opposition d’un grand nombre de parlementaires, notamment de gauche – nous avons pu le constater dans cet hémicycle –, et de très nombreux élus locaux.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué les associations nationales qui rassemblent des élus locaux de toutes tendances, comme les associations des conseils régionaux et des conseils généraux, l’Association des maires de France, ou bien encore celles qui représentent des élus d’opposition : toutes ont émis les plus vives critiques à l’égard de votre réforme.
À la lecture des débats organisés par le Mouvement national des élus locaux, force est de constater que ce mécontentement a gagné les rangs de la majorité, laquelle émet de sérieuses réserves sur votre réforme, dont quelques échos parviennent au sein même de notre assemblée.
Toutes ces critiques proviennent d’élus ayant l’expérience de la gestion d’une ville, d’un département, d’une région : ils savent ce que signifient l’exercice de la démocratie et le dévouement à l’intérêt général. Leur opposition à votre réforme est fondée et ne repose pas uniquement sur la peur du changement, comme vous vous plaisez à le faire croire.
Chers collègues de la majorité, redoutant sans doute que les intentions cachées du Gouvernement n’apparaissent clairement, vous avez refusé notre proposition de soumettre cette réforme au référendum populaire.
Certes, nous aurons ici le temps de débattre de ce texte de façon approfondie, et l’Assemblée nationale après nous. Mais je doute que nos débats et l’adoption de la loi par nos assemblées mettent fin aux critiques. Il serait donc prudent, et démocratique, que les assemblées élues concernées puissent, elles aussi, faire part de leur sentiment en toute connaissance de cause.
C'est la raison pour laquelle nous vous demandons d’adopter cet amendement qui tend à proposer une consultation des conseils municipaux, généraux et régionaux avant la promulgation de la loi. Monsieur le ministre, vous y serez certainement favorable !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Rien ne justifie l’organisation, après le vote de la loi par le Parlement et avant sa promulgation, d’une telle consultation nationale.
Je le rappelle, un vaste débat a été engagé en amont sur la question. De nombreuses contributions ont été versées à ce débat. Des réunions ont eu lieu au Parlement avec la participation des membres du Gouvernement, et les associations d’élus ont été régulièrement consultées. La commission a elle-même entendu l’ensemble de ces dernières.
Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Cet amendement, auquel je suis défavorable, n’appelle pas de longs commentaires de ma part, car je fais miennes toutes les observations de M. le rapporteur.
M. le président. L'amendement n° 114 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le conseil supérieur de la fonction publique territoriale est consulté avant la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Deux réformes auxquelles nous sommes opposés, pour des raisons que nous avons déjà exposées – la création des conseillers territoriaux et des métropoles, la suppression de la taxe professionnelle –, auront des incidences dangereuses sur les services publics.
Ces réformes accentueront la dégradation des conditions matérielles et morales des fonctionnaires des trois fonctions publiques – la fonction publique d’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière – avec des réductions d’emplois, conséquences des contractions administratives, et le recours accru à la contractualisation, justifié par la mise en place des nouvelles structures, notamment des métropoles.
À cela, il faut ajouter la mainmise renforcée du pouvoir présidentiel par le moyen des nouvelles compétences conférées au préfet de région, relais majeur du pouvoir central, écran imposé entre les services publics territoriaux et les ministères de tutelle, dénaturant aussi le statut actuel des régions pour mieux les soustraire à l’opposition.
La fonction publique et les services publics sont donc particulièrement concernés par ce projet de loi. C’est pourquoi il nous paraît essentiel de le soumettre avant sa promulgation au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement a pour objet l’organisation, avant la promulgation du présent texte, d’une consultation du Conseil national de la fonction publique territoriale.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, un vaste débat a été engagé sur la question de la réforme. En tant que rapporteur, j’ai moi-même entendu le président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale pour recueillir son avis sur un certain nombre de questions.
En conséquence, la consultation proposée n’apparaissant pas justifiée, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Je reconnais qu’il est un peu tard pour faire de longs développements, mais je tiens à intervenir sur cet amendement.
Le groupe CRC-SPG souhaite que la loi qui sera votée par le Parlement – lorsque les deux chambres se seront mises d’accord sur un texte, ou que l'Assemblée nationale aura eu le dernier mot – soit soumise pour consultation au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale avant sa promulgation.
Une telle disposition est tout à fait contraire à la Constitution ! Seul le Président de la République est habilité à demander une nouvelle délibération de la loi. Il est tout à fait normal d’engager des consultations avant le vote de la loi, mais l’adoption de cet amendement reviendrait à prévoir dans la loi une modification de la Constitution : c’est impossible !
C'est la raison pour laquelle j’émets un avis tout à fait défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 113, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente une étude d'impact sur les conséquences de la réforme des collectivités territoriales notamment en matière de parité, de pluralisme et de coût financier et social.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous savons déjà que la commission est défavorable à notre amendement visant à prévoir une étude d’impact ; mais peut-être le Gouvernement est-il d’un avis différent…
La Constitution contraint aujourd'hui le Gouvernement à réaliser une étude d’impact sur chaque projet de loi. Il nous a été répondu que cette dernière avait déjà été réalisée en l’espèce ; mais, vous le savez, elle est partielle, voire partiale, et fait l’impasse sur toutes les conséquences de la réforme en matière de parité et de pluralisme, ainsi que sur son coût financier et social.
Cette étude d’impact présente de nombreuses lacunes : le Gouvernement se contente trop souvent d’affirmer que les conséquences ne peuvent être évaluées ou chiffrées, quand il n’élude pas tout simplement certains domaines.
Convenez que cela aurait justifié un renvoi à la commission ou un report de l’examen du projet de loi. Puisque tel n’est pas le cas, au moins pouvons-nous espérer disposer de l’étude d’impact que nous demandons avant d’avoir eu à voter l’ensemble des textes sur la réforme des collectivités territoriales, qui sont tous liés. Nous pourrions ainsi connaître le plus précisément possible toutes les conséquences relatives à la création d’un nouveau type d’élus, notamment sur les élus eux-mêmes, leur répartition et leur nombre par département.
Nous pourrions également appréhender les conséquences de l’éloignement des élus de proximité sur les services rendus aux usagers, ainsi que les effets, pour les agents publics, de la réduction de leur nombre et de leur nouvelle répartition sur l’ensemble du territoire.
Il est encore possible, puisque la réforme dans son ensemble ne devrait pas aboutir avant l’été, de nous fournir bien plus d’éléments précis dans une étude d’impact.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à obliger le Gouvernement à présenter une étude d’impact sur les conséquences de la réforme.
Il nous paraît préférable d’éviter la multiplication des demandes de rapports.
Les nouvelles prérogatives du Parlement en matière de contrôle, notamment au travers des travaux de ses commissions, garantiront un suivi scrupuleux de la réforme.
Quant à l’étude d’impact, elle est annexée au projet de loi.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Madame Nicole Borvo Cohen-Seat, le Gouvernement s’est tout à fait conformé aux dispositions énoncées par la Constitution en matière d’étude d’impact. J’ajoute que cette étude compte 125 pages et qu’elle est particulièrement détaillée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il manque l’essentiel !
M. Michel Mercier, ministre. Elle explique la totalité de la réforme et aide chaque parlementaire à se faire une opinion sur ce texte. L’obligation constitutionnelle est donc satisfaite.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Mes chers collègues, comme l’a souhaité la commission des lois, je vous propose de ne pas entamer, à une heure aussi tardive, l’examen de l’article 1er relatif aux conseillers territoriaux, sur lequel dix orateurs sont inscrits et seize amendements ont été déposés. Il me paraît plus raisonnable de reporter l’examen de cet article au mardi 26 janvier, à quatorze heures trente. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
Je tiens, mes chers collègues, à vous remercier d’avoir participé à cette séance…
M. Jean-Pierre Sueur. Depuis ce matin !
M. le président. Effectivement !
… et d’avoir accepté sa prolongation, souhaitée par certains. Je remercie les personnels du Sénat, notamment les services des comptes rendus, qui, comme à l’accoutumée, ont fait la preuve de leur dévouement et de leur grande résistance physique. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, s’agissant de l’organisation de nos travaux, je pense que vous avez pris la bonne décision. Je tiens donc, au nom de la commission des lois, à vous remercier d’avoir accepté de prolonger une séance qui avait déjà été longue, afin de nous permettre d’avancer dans un débat important.
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Décisions du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 21 janvier 2010, les textes de deux décisions rendues par le Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution :
- de la loi organique tendant à permettre à Saint-Barthélemy d’imposer les revenus de source locale des personnes établies depuis moins de cinq ans ;
- de la loi organique modifiant le livre III de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin.
Acte est donné de ces communications.
8
Saisine du Conseil Constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 janvier 2010 d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs de la loi relative à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Acte est donné de cette communication.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 26 janvier 2010 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales.
(Le texte des questions figure en annexe).
À quatorze heures trente :
2. Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n° 60, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 169, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 170, 2009-2010).
De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :
3. Questions cribles thématiques sur « Copenhague et après ? »
À dix-huit heures et le soir :
4. Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures cinquante.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART