M. Henri de Raincourt, ministre. Je confirme qu’en effet j’ai estimé qu’il fallait prévoir l’éventualité de circonstances exceptionnelles.
Si les préoccupations exprimées par la commission me paraissent parfaitement légitimes, je me permets toutefois de relever que, sans avoir disposé d’un délai, les deux commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat sont parvenues hier à effectuer un travail qui leur fait, à l’une et à l’autre, honneur et qu’en l’espèce il n’y a donc pas lieu d’avoir de regrets…
Le Gouvernement n’a aucune opposition de principe à l’institution d’un délai, mais faut-il l’inscrire dans la loi ? La question reste en suspens ; elle fera l’objet de la réflexion qui va se poursuivre dans le cadre de la navette entre les deux assemblées.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le ministre, si le Sénat et l’Assemblée nationale sont capables de se livrer à des démarches acrobatiques pour tenir les délais que leur impose parfois l’ordre du jour, cela ne saurait devenir la règle !
Des dizaines de nominations vont s’étaler dans le temps et il faut bien que les commissions – je pense en particulier à la commission de l'économie et à ses dizaines de nominations – puissent disposer d’un délai raisonnable pour programmer, une fois les noms des candidats connus, les auditions des personnes.
Hier, il était assez évident que les deux sénateurs dont la nomination était envisagée seraient disponibles l’après-midi,…
M. Patrice Gélard, rapporteur. On les connaissait… (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … mais, monsieur le ministre, dans d’autres cas, l’audition sera très difficile à organiser.
Il me paraît donc légitime qu’un délai soit fixé, et c’est d’autant plus sage que l’on sait – vous en particulier, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement – à quel point il est complexe d’organiser nos travaux.
Vous dites qu’il peut y avoir des cas d’urgence, mais, monsieur le ministre, on peut toujours reporter une audition : sauf peut-être pour certains organismes, il n’y a normalement pas de délai impératif.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Certes, mais il n’y a pas forclusion si la nomination n’intervient pas à cette date et, franchement, certaines autorités de régulation d’activités diverses et variées peuvent attendre huit jours…
Il est d’ailleurs déjà arrivé dans le passé – donc, quand il n’y avait pas de consultation – que la nomination d’un remplaçant intervienne après la date exacte à laquelle finissait le mandat du sortant.
En conclusion, il faut s’assurer que les auditions se déroulent dans de bonnes conditions, et notamment qu’elles permettent à chacun des membres des commissions d’y assister, sauf empêchement prévu par la Constitution.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage l’avis du président de la commission des lois.
Nous considérons tous que la présence des membres des commissions aux auditions est, sauf cas de force majeure, quasi obligatoire, mais il faut être sérieux : ce ne sera pas tenable sur la durée sans délai, et l’on en arrivera donc à abuser des délégations, ce qui n’est pas souhaitable.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.
M. Pierre Fauchon. Je veux dire à mon tour combien la nécessité d’un délai est une évidence et je suis surpris, monsieur le ministre, de vos réserves sur ce point. Il n’y a pas, dans quelque domaine que ce soit, de décision raisonnable qui n’implique un certain délai de réflexion !
Que vaudrait une audition qui suivrait de quelques heures la proposition de nomination ? Non seulement, comme vient de le dire Mme Borvo Cohen-Seat, on peut être absent, mais surtout on peut avoir besoin d’informations, besoin de réfléchir, besoin de temps pour préparer des questions, puisque l’on peut en poser.
Hier, nous n’avons pratiquement eu que le temps de parcourir les documents qui nous ont été communiqués avant de nous prononcer, et en début de séance.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, l’avantage majeur de cette réforme est que, grâce au temps qui s’écoulera entre la proposition de nomination et la décision, la commission ne pourra être « surprise » : elle aura des informations, la presse jouera son rôle et on saura à qui l’on a affaire !
C’est la meilleure façon de satisfaire les exigences de la démocratie. Ce délai – d’ailleurs maintenant réduit à huit jours, monsieur le ministre – est un élément essentiel de la qualité de la décision.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Tout à fait !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié, et l’annexe.
(L'article 1er et l’annexe sont adoptés.)
Article 2 bis A
(Non modifié)
Dans chaque assemblée parlementaire, la commission permanente compétente pour émettre un avis sur les nominations des membres du Conseil constitutionnel, effectuées sur le fondement du premier alinéa de l’article 56 de la Constitution, est la commission chargée des lois constitutionnelles. – (Adopté.)
Article 2 ter
(Non modifié)
Dans chaque assemblée parlementaire, la commission permanente compétente pour émettre un avis sur les nominations des personnalités qualifiées membres du Conseil supérieur de la magistrature, effectuées sur le fondement du deuxième alinéa de l’article 65 de la Constitution, est la commission chargée des lois constitutionnelles. – (Adopté.)
Mme la présidente. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures vingt-cinq.)
4
Installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation
Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation (n° 202).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, en remplacement de M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord d’excuser notre collègue Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire, qui est retenu dans son département de la Haute-Marne.
Alors que nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 13 janvier dernier sur la proposition de loi visant à rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation, un seul mot me vient à l’esprit, monsieur le secrétaire d’État : enfin !
Il aura en effet fallu près de cinq ans pour que nous soyons sur le point d’adopter définitivement cette proposition de loi qui a été, je le rappelle, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 28 septembre 2005…
Le parcours de cette proposition de loi a été chaotique et semé d’embûches. Face aux gouvernements successifs qui n’ont guère fait preuve de volonté pour la soutenir, il aura fallu l’engagement résolu de parlementaires, au premier rang desquels les auteurs de cette proposition de loi, Damien Meslot et Pierre Morange, et de vous-même, monsieur le secrétaire d’État, pour que ce texte puisse être sur le point d’aboutir.
Le débat d’aujourd’hui n’aurait également pu avoir lieu sans le soutien sans faille de mon collègue Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, dont j’ai pu mesurer – et apprécier – la force de conviction.
Je remercie également de leur soutien actif le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, MM. Bernard Accoyer et Gérard Larcher. La réunion de la commission mixte paritaire a en effet été provoquée, ce qui constitue une première, par l’action conjointe des présidents des deux assemblées, en vertu de l’article 45 de la Constitution dans la rédaction issue de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
L’enjeu de l’installation des détecteurs de fumée est – je le sais – une préoccupation partagée sur l’ensemble des travées de notre assemblée. Chaque année, plus de 10 000 personnes sont blessées, dont près de 3 000 avec une invalidité lourde, et 800 périssent dans des incendies.
Chacun d’entre nous, en tant qu’élu local, a été confronté à des tragédies de ce type et en est resté profondément marqué.
Or nombre de ces drames pourraient être évités. Dans les pays comparables à la France, le nombre des victimes d’incendies est inférieur de moitié, ce qui s’explique notamment par un taux d’équipement en détecteurs de fumée très supérieur au taux français. Ce taux atteint, par exemple, près de 90 % en Grande-Bretagne, alors qu’il est de seulement 2 % dans notre pays.
La présente proposition de loi vise par conséquent à rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation.
Les deux assemblées n’ont guère eu de difficulté à s’entendre sur le principe de cette proposition de loi et quatre des cinq articles de cette dernière ont été adoptés en termes identiques par nos deux assemblées. Seule restait en discussion la question, centrale, de la charge de l’installation des détecteurs de fumée.
La Haute Assemblée souhaitait confier aux propriétaires le soin d’installer les équipements et ne charger les locataires que de leur entretien. Nos collègues députés souhaitaient, quant à eux, faire peser la charge de l’installation sur les occupants des logements, option qui semble être acceptée par M. le secrétaire d’État.
Mes chers collègues, je ne vous le cache pas, et je l’ai clairement indiqué lors de la réunion de la commission mixte paritaire, j’aurais préféré que le Sénat soit suivi sur ce point. J’ai cependant considéré qu’après presque cinq ans d’attente il était nécessaire d’arriver à une solution et que la proposition de loi devait être adoptée.
J’ai donc soutenu la position retenue par la commission mixte paritaire et je remercie mes collègues qui représentaient le Sénat, tous groupes politiques confondus, d’avoir compris ma démarche et de l’avoir très majoritairement suivie.
L’article 2 de la proposition de loi a ainsi été adopté à l’unanimité des suffrages exprimés par la commission mixte paritaire, la proposition de loi ayant, quant à elle, été adoptée à l’unanimité moins une voix d’abstention. Vous le voyez, monsieur Raoul, je tiens à être très fidèle dans mon rappel des votes intervenus.
L’article 2, tel qu’il a été modifié par la commission mixte paritaire, fixe notamment les principes que je vais maintenant reprendre.
La charge de l’installation du dispositif est attribuée à l’occupant du logement, quel qu’il soit, l’occupant devant également veiller à l’entretien et au bon fonctionnement du dispositif.
Le propriétaire non occupant est responsable dans un nombre limité de cas qui seront définis par décret en Conseil d’État, décret qui devra notamment viser les locations saisonnières, les foyers, les logements de fonction et les locations meublées ; le décret prévu déterminera également les mesures de sécurité à mettre en œuvre par les propriétaires dans les parties communes des immeubles.
Si ce texte est adopté aujourd’hui par notre assemblée, avec la majorité que j’espère la plus large possible, il reviendra au Gouvernement de publier les textes d’application nécessaires.
J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que vous pourrez vous engager sur ce point aujourd’hui. Je n’ai d’ailleurs guère d’inquiétudes, puisque le Gouvernement, qui, en vertu de l’article 45 de la Constitution, peut seul inscrire la lecture des conclusions d’une commission mixte paritaire à l’ordre du jour parlementaire, a été très réactif s’agissant de la présente proposition de loi. Je tiens à vous en remercier.
J’ai d’autant moins de craintes à ce sujet que j’ai appris avec une certaine satisfaction que vous aviez lancé, monsieur le secrétaire d’État, une grande campagne d’information sur la prévention des incendies domestiques, reprenant ainsi l’un des éléments prévus à l’article 4 de la présente proposition de loi, dispositif auquel nombre de vos prédécesseurs avaient toujours été très réticents...
En conclusion, mes chers collègues, je vous invite à adopter cette proposition de loi telle qu’elle est issue des travaux de la commission mixte paritaire. J’espère qu’au terme de cinq années de discussions elle recueillera une large majorité de suffrages sur l’ensemble de ces travées. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie, tout d’abord, de bien vouloir excuser mon retard : j’étais retenu par la remise des conclusions de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, à laquelle j’assistais en compagnie de Martin Hirsch.
Je tiens à vous remercier du travail accompli, au Sénat et à l’Assemblée nationale, en vue de l’adoption de cette proposition de loi, adoption que j’espère aujourd’hui définitive. Le Gouvernement a été réceptif au consensus que vous avez su établir lors de cette commission paritaire, ce qui est la preuve que ce sujet dépasse tous les clivages.
Comme vient de le rappeler M. Emorine, les incendies domestiques provoquent chaque année des drames qui pourraient être évités grâce à l’installation de détecteurs de fumée. Les chiffres ont été rappelés : 800 morts par an, plus de 10 000 blessés, un incendie qui se déclare toutes les deux minutes. Et ces statistiques terribles n’ont cessé d’augmenter depuis dix ans...
Le taux d’équipement des foyers français est trop faible : la France accuse un retard important par rapport à ses voisins européens qui, grâce à la généralisation des détecteurs, sont, eux, parvenus à réduire le nombre de victimes.
Notre idée est relativement simple. Notre taux d’équipement est aujourd’hui de 2 % seulement. L’expérience de nos voisins européens, notamment anglais, montre que, si nous équipions l’ensemble de nos logements, le nombre des victimes serait divisé par deux. C’est une formidable espérance pour nos concitoyens.
Pour atteindre cet objectif, le Gouvernement a lancé, à la demande du Parlement, une vaste campagne d’information en décembre dernier, période malheureusement propice à ce type de risques. Le résultat a été très positif : de nombreux foyers se sont équipés de détecteurs avertisseurs d’incendies ; de nombreux magasins nous ont même signalé qu’ils étaient en rupture de stock. Et, preuve que les mentalités sont favorables à ce changement, nos concitoyens ont reconnu l’utilité de cette campagne, à laquelle ils ont décerné le titre de publicité magazine préférée des Français.
Nos efforts ne doivent pas s’arrêter là, comme nous l’indiquent les expériences menées à l’étranger. Notre politique en la matière doit reposer sur un équilibre et marcher sur deux jambes : celle de l’information, dont cette campagne est un exemple – une démarche que nous devons poursuivre ! –, et celle de l’obligation d’installation de détecteurs de fumée, portée par la présente proposition de loi.
M. Nicolas About. Soit, mais pas à la charge des propriétaires !
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Les drames récents nous renvoient à une évidence : il faut passer à la seconde étape, celle de la généralisation des détecteurs de fumée. Cette obligation d’installation sera étalée dans le temps pour permettre à chacun de s’adapter, selon les modalités que vous avez souhaité définir.
M. Emorine a évoqué le problème de la charge de l’obligation d’installation : qui doit la supporter, du locataire ou du propriétaire ? La commission mixte paritaire a préféré que cette obligation soit mise à la charge du locataire. Le Gouvernement y était plutôt favorable, et ce pour deux raisons.
Premièrement, faire peser l’obligation d’installation sur le propriétaire et l’obligation d’entretien sur le locataire serait un nid à contentieux important. Qui sera responsable en cas d’incendie ? Le propriétaire, car l’installation a été mal faite, ou le locataire, car le matériel a été mal entretenu ou les piles n’ont pas été changées ?
Deuxièmement, le coût d’installation d’un détecteur, qui représente une charge supplémentaire pour les locataires – ce que d’aucuns pourront nous reprocher ! –, n’est que d’une vingtaine d’euros en moyenne, pour un matériel dont la durée de vie est d’une dizaine d’années.
M. Nicolas About. Estimation très théorique !
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Ce coût, qui équivaut à une charge de deux euros par an, nous semble tout à fait acceptable pour les locataires.
En conclusion, je tiens à saluer la détermination des parlementaires qui ont porté ce sujet depuis 2005, avec le soutien très actif du Gouvernement, ainsi que le travail de la commission mixte paritaire et des présidents des deux commissions concernées au sein de chaque assemblée, Patrick Ollier et Jean-Paul Emorine.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Ils ont su obtenir un consensus, poursuivre la discussion de ce texte jusqu’à son terme et convaincre les présidents des deux assemblées de provoquer la réunion de la commission mixte paritaire, ce qui est une première dans l’histoire de notre République. Qu’ils en soient remerciés !
Le Gouvernement, de son côté, prend l’engagement devant vous de publier rapidement le décret en Conseil d’État, c'est-à-dire dans les six prochains mois, afin que ce texte entre en application dès que possible.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Bref, avant l’hiver !
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Ainsi les rapporteurs qui ont porté ce texte, Pierre Morange et Damien Meslot à l’Assemblée nationale, et Bruno Sido au Sénat, n’auront-ils pas travaillé pour rien ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire me donne l’occasion de poser le problème du « transit » des propositions de loi entre nos deux assemblées.
Le présent texte a été déposé en 2005, après des événements tragiques. M. le secrétaire d’État a lui-même rappelé que les incendies domestiques étaient à l’origine, chaque année, de 800 décès. Qui pourrait accepter que l’on ne mette pas en place un système de prévention ?
Je regrette, cependant, que cette proposition de loi fasse la navette entre nos deux assemblées depuis 2005 et que les gouvernements successifs – vous n’étiez pas encore concerné, monsieur le secrétaire d’État – n’aient pas fait en sorte d’accélérer la procédure. Il s’agit tout de même de la protection de nos concitoyens, de la protection civile ! Du reste, sans être un juriste éminent, je ne comprends pas que l’on ait besoin de déposer une proposition de loi pour régler un problème de ce type, qui me semble relever du domaine réglementaire.
M. Nicolas About. On n’en a pas besoin, en effet : cela relève bien du règlement !
M. Daniel Raoul. Le Gouvernement, tout au moins avant votre prise de fonctions, monsieur le secrétaire d’État, a fait en quelque sorte de l’obstruction à la mise en place de ce dispositif.
Certes, vous avez fait un geste d’ouverture qui nous a permis d’aboutir à un consensus, mais à notre corps défendant : la position du Sénat concernant la responsabilité de l’installation a été battue en brèche avec obstination tant par nos collègues députés que par le ministère. Il faut appeler un chat un chat ! Pour obtenir ce consensus au sein de la commission mixte paritaire, nous avons dû renoncer à faire porter cette responsabilité par les propriétaires, et accepter de la mettre à la charge des locataires.
La période de six mois nécessaire à l’élaboration du décret vous donnera peut-être l’occasion, monsieur le secrétaire d’État, de réfléchir au problème des locations destinées aux étudiants, qui ne sont pas toujours des locations meublées. Le marché de la location connaît tous les six mois environ un turn over, c’est-à-dire une rotation liée à la généralisation des stages, en entreprises ou à l’étranger, dorénavant prévus dans la plupart des cursus de licence et de master. Qui assurera, dans ces cas, l’entretien des détecteurs de fumée ? Ce matériel sera-t-il même installé ? Je rappelle que les étudiants ne louent pas seulement au sein de foyers qui leur sont dédiés, mais aussi sur le marché locatif privé.
Après discussion, y compris au sein de mon groupe – nous avons d’ailleurs eu besoin d’une interruption de séance ! –, nous avons adopté le texte de la commission mixte paritaire compte tenu de l’objectif et de l’enjeu en cause : la protection de nos concitoyens. Je souhaite toutefois que l’on établisse un bilan de l’application de cette loi, un ou deux ans après sa promulgation, notamment sur les rôles respectifs des locataires et des propriétaires.
Sous réserve de ces observations, mon groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà désormais plus de quatre ans que les députés Pierre Morange et Damien Meslot ont déposé une proposition de loi visant à rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation.
Ce texte, destiné à réduire le nombre d’incendies et à éviter les situations humaines dramatiques similaires aux événements ayant conduit nos collègues à proposer sa rédaction, ne doit cependant pas nous priver de tout esprit critique.
Au cours des différentes navettes, le Sénat a eu le temps de procéder à une analyse très précise des articles et, je le reconnais, a amélioré partiellement son contenu. Il est fort dommage que nous n’ayons pas bénéficié du même temps de réflexion sur des textes récents, pourtant plus denses ! Hélas, le texte de l’article 2, tel qu’il est issu des travaux de la commission mixte paritaire, reste en deçà des exigences sénatoriales.
Il faut noter une avancée importante : le maintien de la mention de détecteur de fumée « normalisé ». Le Sénat avait souhaité, à juste titre, supprimer la référence aux seuls détecteurs avertisseurs autonomes de fumée.
Sur d’autres points, en revanche, notre assemblée n’a pas été suivie.
Nous avions ainsi souhaité mettre à la charge du propriétaire l’installation du matériel. Lors de la première lecture, le Sénat avait également mis à sa charge la maintenance de l’installation. La maintenance des appareils, qui ne se confond pas avec leur entretien usuel, n’emportait pas de droit d’accès aux logements.
Le texte issu de la commission mixte paritaire, qualifié de consensuel, mais qui constitue en réalité un alignement fidèle sur la position de l’Assemblée nationale, fait peser la charge de la réglementation sur l’occupant du logement : l’installation du détecteur est à la charge de l’occupant, donc du locataire lorsqu’il y en a un. Les dérogations concernant les locations saisonnières, les foyers, les logements de fonction et les locations meublées, si elles sont justifiées, restent insuffisantes.
L’article 2 prévoit également que l’occupant doit entretenir le matériel. Toutes les charges pèsent donc sur lui, alors qu’un véritable compromis aurait justifié un partage.
La question du coût de la nouvelle réglementation reste très problématique : faire peser cette charge sur le locataire, comme le souhaitent les députés et comme l’a acté la commission, nous semble poser problème, dans la mesure où il s’agit le plus souvent de foyers modestes.
Il est vrai que la position du Sénat, visant à se tourner vers les propriétaires, n’était pas complètement satisfaisante dans la mesure où ceux-ci – ou, du moins, certains d’entre eux – se trouvent dans une situation financière difficile. De plus, cette nouvelle charge risque d’être répercutée sur les loyers.
En contrepartie de l’obligation que vous créez, aucune aide n’est prévue pour les foyers précaires ou à revenus modestes. Or un investissement de soixante euros au minimum…
M. Daniel Raoul. Dix-neuf euros !
M. Jean-Claude Danglot. … n’est pas anodin, même si l’on peut trouver moins cher, monsieur le secrétaire d’État, d’autant moins anodin que plusieurs détecteurs peuvent être nécessaires suivant la taille de l’habitation.
M. Nicolas About. C’est évident !
M. Jean-Claude Danglot. L’entretien a également un coût, ainsi que la pose, sans compter que ces appareils ont une durée de vie limitée.
Nous avons évoqué, au cours des navettes, le problème de l’installation de détecteurs de fumée dans les 4 millions de logements de type HLM, à raison de deux appareils en moyenne par logement, selon la surface. Cela représente un investissement minimum de 280 millions d’euros. On peut regretter que l’État ne soit pas mis à contribution pour financer ce dispositif de sécurité, au moins en ce qui concerne les foyers les plus pauvres et les personnes les plus vulnérables.
Indépendamment du coût du dispositif, il faut être prudent quant aux conséquences, en termes de responsabilité, pour la personne à laquelle incombe l’entretien de l’appareil. À ce sujet, une note délivrée par les offices d’HLM relevait que tous les logements ne pourraient pas être régulièrement visités. Dans ce type d’opération de maintenance, le taux d’équipement des logements ne dépasse pas, en général, 80 %. C’est un véritable problème.
Nous avons également, en première lecture comme en deuxième lecture, émis des doutes sur l’approche très directive de la question des accidents domestiques qui a été adoptée. En effet, selon nous, le dispositif prévu risque de perdre en efficacité en l’absence de sensibilisation du public concerné.
C’était d’ailleurs le sens du rapport de MM. Doutreligne et Pelletier, qui démontraient, au regard des expériences étrangères, qu’il serait vain, voire imprudent de rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée avant la mise en œuvre d’une campagne massive de sensibilisation du public.
Le détecteur de fumée n’est qu’un outil qui permet de signaler le danger, sans y apporter de remède. C’est pourquoi il est nécessaire d’aller au-delà même de la sensibilisation du public, et de lui offrir une véritable formation relative aux comportements à adopter en cas d’incendie. En effet, un mauvais comportement peut avoir, lui aussi, des conséquences dramatiques !
M. Nicolas About. Il a raison !