M. François Fortassin. La présente proposition de loi ne se fonde pas simplement sur le principe de précaution. Elle vise aussi à affirmer avec une certaine force que, à nos yeux, la sauvegarde de la santé publique doit primer sur le souci de ne pas irriter les industriels concernés.
M. François Fortassin. Nous siégeons ici en tant qu’hommes politiques et que citoyens, non pas en qualité de spécialistes, et encore moins en tant que défenseurs de lobbies internationaux disposant de laboratoires dont les travaux ont vocation à nous rassurer sur le thème : « Dormez tranquilles, bons Français, nous nous occupons du reste ! » (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. Nicolas About. Et les viticulteurs ?
M. le président. La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a examiné ce matin les amendements déposés sur la proposition de loi qui nous est soumise. À cette occasion, M. About et moi-même nous sommes demandé si celle-ci ne relevait pas plutôt du domaine réglementaire et s’il ne conviendrait pas d’invoquer plus largement l’article 34 de la Constitution.
M. Nicolas About. Tout à fait !
M. Gérard Dériot, rapporteur. C’est certain !
M. le président. Nous y sommes très sensibles, madame la ministre !
M. Nicolas About. À l’avenir, nous le ferons. Cela nous fera assurément gagner du temps !
M. Alain Milon. Quoi qu’il en soit, la proposition de loi présentée par nos collègues du groupe RDSE tendant à interdire le bisphénol A dans les plastiques alimentaires nous amène à réfléchir sur l’attitude à adopter face au principe de précaution. Cet enjeu a été exposé avec pertinence par M. le rapporteur.
Le bisphénol A est un composant chimique du polycarbonate. Que ce soit sous forme d’antioxydant, dans les plastiques et PVC, ou de résine époxyde, le BPA est présent dans notre vie courante depuis des décennies. Mais les dernières analyses sur la toxicité du composé ont largement mobilisé les services de sécurité sanitaire. Cela m’amène à dresser la liste des risques sanitaires qui ont été soulignés lors de ces études et à faire le lien avec la proposition de loi de nos collègues du groupe RDSE.
Le BPA, chacun le sait, est un perturbateur endocrinien : autrement dit, il interfère avec les fonctions du système hormonal. Si la majorité des pays avaient conclu précédemment à « l’absence de risque pour le consommateur dans les conditions d’emploi » du BPA, de nouvelles études sont revenues sur cette appréciation.
L’AFSSA, qui avait constitué un groupe de travail ad hoc, a rendu le 29 janvier un nouvel avis sur le bisphénol A. Alors qu’elle avait conclu, en 2008, à « l’absence de risque pour le consommateur », l’Agence a réévalué son avis et évoque désormais des « effets subtils » sur le comportement. Le nouveau rapport met en exergue des « signaux d’alerte », mais l’AFSSA précise qu’il n’y a pas urgence et préconise un approfondissement des recherches, principalement la mise en œuvre d’une méthodologie adaptée à la détection de toxicité des perturbateurs endocriniens.
Comme l’a indiqué M. le rapporteur, des agences de sécurité alimentaire étrangères se sont penchées sur le BPA et ont émis des avis contrastés. Cela conforte la position du groupe UMP quant à la proposition de loi : nous pensons qu’il faut attendre des avis plus certains, notamment celui que doit rendre en mai prochain l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, avant d’arrêter toute mesure radicale d’interdiction du BPA.
Il ne faut pas non plus limiter les recherches au bisphénol A. Il convient au contraire de les élargir à l’ensemble de la catégorie des perturbateurs endocriniens. Sur ce point, nous attendons les résultats de l’étude commandée par le Gouvernement à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. Ces sujets doivent faire l’objet d’une mutualisation des connaissances scientifiques à l’échelle internationale.
Interdire le BPA en France n’est pas, à ce jour, la meilleure des solutions, ni la plus rationnelle. Il nous faut être vigilants sur cette question du bisphénol A, mais ne pas interdire cette substance sans disposer d’analyses précises, car nous risquerions alors de la remplacer par un autre composé chimique qui se révélerait encore plus toxique à l’avenir pour l’homme. Dans l’attente d’études plus poussées, il est préférable, d’une part, de ne pas précipiter la décision, et, d’autre part, de mutualiser les connaissances scientifiques en la matière à l’échelle internationale, afin d’atteindre un degré de précision suffisant sur les risques réels.
L’interdiction serait également une solution irrationnelle, étant donné le principe de libre-échange qui régit l’Union européenne. En effet, une telle mesure n’empêcherait pas l’arrivée sur le marché français de produits fabriqués avec du BPA dans un autre pays membre. Au contraire, elle risquerait plutôt de pénaliser le marché national, en engendrant des problèmes d’approvisionnement et des coûts de production supplémentaires liés au changement de matériau.
Toutefois, en cas de danger grave ou immédiat, le Gouvernement doit être en mesure de prendre un arrêté permettant d’interdire rapidement la production d’articles contenant du BPA. Cette possibilité doit être envisagée notamment pour la production de biberons, dont le chauffage fréquent favorise la migration du BPA vers les aliments. Un tel arrêté pourrait concerner prioritairement les nourrissons, plus sensibles car leurs systèmes neurologique, endocrinien et hépatique sont en plein développement.
À ce stade, nous ignorons l’ampleur potentielle de l’enjeu de santé publique que représente l’incidence des perturbateurs endocriniens sur le corps humain. Cependant, les conclusions des nouveaux rapports rédigés sur cette question, bien que lacunaires, nous conduisent à réfléchir à des procédures de précaution.
Tout d’abord, pour reprendre les termes de Mme la ministre de la santé, c’est un « signal d’alerte » dont il faut tenir compte. En attendant les résultats des dernières études, notamment le rapport de l’Agence européenne de la sécurité alimentaire qui doit être publié ce printemps, la première étape de la mise en œuvre du principe de précaution est de s’assurer que les recommandations émises soient bien prises en compte par les personnes concernées, afin de diminuer l’exposition humaine aux perturbateurs endocriniens.
Nous devons dès à présent réfléchir à des campagnes d’information afin d’alerter les femmes enceintes et les jeunes parents sur les éventuels risques liés à l’utilisation de biberons et de contenants fabriqués avec du BPA. Cette campagne doit recourir à des supports larges de communication pour sensibiliser le maximum de personnes.
La mise en place d’un site dédié au bisphénol A, présentant une information complète, serait une avancée certaine. Néanmoins, l’expérience canadienne montre qu’il risquerait d’être peu consulté. Il semble donc préférable de privilégier des campagnes sur internet ou à la télévision, préconisant, à destination d’un large public, des gestes simples de précaution.
Cette campagne d’information doit également passer par un meilleur étiquetage de la composition des contenants alimentaires. Cette amélioration doit prendre en compte les avis des consommateurs, qui soulignent le manque de clarté des informations actuellement fournies. Pour l’heure, les perturbateurs endocriniens sont regroupés sous le code européen d’identification 7, qui apparaît à l’intérieur du signe relatif au recyclage figurant sur les matériaux plastiques. Cette catégorie « divers », reprise du Canada par la Commission européenne dans sa directive 97/129/CE du 28 janvier 1997, ne permet pas aux consommateurs d’identifier clairement la présence de perturbateurs endocriniens et ne suffit pas à assurer leur traçabilité. Il convient donc de travailler à la création d’une marque distinctive pour l’ensemble des perturbateurs endocriniens.
Enfin, le principe de précaution peut être invoqué à l’adresse des fabricants de récipients en plastique à usage alimentaire pour bébés, notamment les biberons. Il s’agirait de recommander aux entreprises concernées de limiter l’utilisation du BPA et de vendre des produits n’en comportant pas. Deux entreprises françaises ont d’ores et déjà mis sur le marché, en 2009, une gamme de biberons sans BPA, afin de répondre à toutes les attentes des consommateurs.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP suivra la position de M. le rapporteur et adoptera les amendements qu’il présentera. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Dériot, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par certains membres du groupe du RDSE vise à interdire le bisphénol A dans les plastiques alimentaires.
Ce problème n’est pas tout à fait nouveau. En effet, lors du débat sur le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, les sénatrices et sénateurs Verts avaient présenté un amendement tendant à interdire l’utilisation de ce produit, responsable de nombreuses pathologies – obésité, cancers, troubles thyroïdiens, troubles du comportement de l’enfant. Je relève que nos collègues signataires de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui ne l’avaient pas voté…
M. Guy Fischer. Oui !
M. Gérard Dériot, rapporteur. Vous êtes dur !
M. Yvon Collin. Je ne devais pas être en séance ce jour-là !
M. Jean Desessard. Cela étant, je me réjouis de leur présente démarche !
On nous avait opposé, à l’époque, qu’il était délicat de décider l’interdiction de l’utilisation de ce produit à la sauvette, au milieu d’une séance de nuit, que toutes les garanties avaient été prises, des colloques sur le sujet ayant même été organisés. Mais vient le moment où il faut avoir le courage d’agir, et vite, sans attendre que les risques signalés par les scientifiques ne touchent l’ensemble de la population. D’ailleurs, par précaution, les élus Verts de la mairie de Paris ont fait adopter un vœu tendant à l’élimination des biberons contenant du BPA dans les crèches parisiennes.
Madame la ministre, devons-nous rester les bras ballants, alors que de nombreuses études internationales concordent et démontrent les effets néfastes de ce perturbateur endocrinien sur la santé ? L’interdiction au Canada ou dans certains États américains des biberons fabriqués à base de bisphénol A n’est-elle pas une décision exemplaire pour réduire les risques de maladies au sein des populations vulnérables ? Ne prouve-t-elle pas que l’industrie est prête et que les produits de substitution existent ?
À ce propos, monsieur le rapporteur, vous avez affirmé à plusieurs reprises que les produits de substitution n’étaient pas forcément sûrs : émettez-vous des doutes sur le polyéthylène et le polypropylène ?
M. Gérard Dériot, rapporteur. Il est interdit de les utiliser dans la fabrication des biberons !
M. Jean Desessard. En France, après des dénégations, la dernière étude de l’AFSSA a constaté les effets du bisphénol A sur de jeunes rats et est ainsi revenue sur la position adoptée en 2008. Pourtant, l’AFSSA ne recommande pas encore le retrait des biberons contenant du bisphénol A. Le Gouvernement, après avoir longtemps nié le problème, refuse toujours de prendre une telle décision et se borne à commander des études supplémentaires, alors que 80 % des études collectées par le Réseau environnement santé soulignent les risques liés au bisphénol A et que, désormais, en plus des études réalisées sur des animaux, des études menées sur l’homme révèlent l’existence d’un danger.
Que faut-il de plus ? On ne peut pas vouloir clore le débat dès lors que des études sont rassurantes et au contraire le poursuivre à l’infini si des études mettent en évidence un danger.
Madame la ministre, trente-quatre études ont déjà été réalisées sur l’animal, non seulement sur le rat, mais également sur la souris ou le singe, dont trente-deux démontrent des incidences nocives du BPA sur la santé. (L’orateur, gêné par un brouhaha, s’interrompt.)
M. le président. Un peu de silence, s’il vous plaît !
M. Jean Desessard. J’aimerais pouvoir me faire entendre, même si l’audience est restreinte… (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Il y a la qualité, l’UMP est là ! Par contre il n’y a pas grand monde chez les Verts !
M. Jean Desessard. Je suis d’accord avec vous, nous devrions être beaucoup plus nombreux, trente-cinq ou quarante, si j’en crois les scores de ce dimanche ! Mais cela viendra, patientez !
M. le président. Aujourd'hui, vous êtes un Vert solitaire ! (Rires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Desessard. Malgré les signaux d’alerte émis dans sa dernière étude, l’AFSSA estime qu’en réalité les quantités de BPA libérées seraient inférieures à la dose journalière admissible si l’on évite de trop chauffer les récipients en contenant. M. Fortassin a bien montré l’absurdité d’une telle recommandation.
Cette préconisation est totalement hypocrite, car la contamination du nourrisson peut avoir commencé avant sa naissance, pendant sa formation, par l’intermédiaire de sa mère. Or protéger la mère est aujourd’hui impossible, une enquête ayant prouvé que l’on trouvait du bisphénol A dans les urines de 94 % de la population.
Une étude réalisée aux États-Unis sur 249 enfants et 249 mères révèle que plus la mère est imprégnée de BPA, plus les enfants présentent des troubles du comportement, tels que l’hyperactivité ou l’hyperagressivité. Il ne s’agit pas seulement d’ « effets subtils », comme cela a été avancé !
Une autre étude scientifique, publiée au mois de décembre dernier, montre l’incidence du BPA sur l’être humain, en l’occurrence les femmes, notamment en cas de fécondation in vitro. Plus une femme est imprégnée de BPA, moins cette technique réussit.
M. Jean Desessard. Je me documente, madame la ministre !
Je ne ferai pas d’exposé sur l’extrême faiblesse des doses susceptibles de provoquer des désordres durables. Toutefois, il me semble intéressant de noter que l’examen des problèmes qui touchent à la santé publique se heurte souvent au même mur, celui des expertises scientifiques et de leurs grilles d’analyse. Amiante, ondes électromagnétiques, éthers de glycol : chaque fois, une étude contredit l’autre ou minore les effets possibles sur la santé. Pour quelle raison, dès lors que des résultats probants sont annoncés, les études ne sont-elles pas prises au sérieux ? Il existe aujourd’hui près de 500 études scientifiques qui démontrent l’existence d’effets toxiques du bisphénol A chez l’animal à des doses qui correspondent à celles auxquelles est exposée la population humaine.
Des règles de déontologie de l’expertise doivent être définies clairement, notamment en ce qui concerne la composition des comités d’experts. Elle doit respecter le principe de l’expertise contradictoire, écarter les conflits d’intérêts et permettre l’analyse et la collecte des données scientifiques. Nous éviterions ainsi de perdre du temps dans des débats stériles où chacun défend son point de vue en se fondant sur sa propre expertise ou contre-expertise, sans que l’on progresse au regard de la protection de la santé de nos concitoyens, qui doit être la préoccupation principale.
En conclusion, les sénatrices et les sénateurs Verts voteront cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(Mme Monique Papon remplace M. Roger Romani au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le bisphénol A est un sujet récurrent. Ainsi, il a notamment été évoqué au sein de l’Office d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, par le groupe de travail relatif aux OGM du Grenelle de l’environnement, par le groupe de travail sur la prévention et la lutte contre l’obésité, ainsi que lors de l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ou des débats sur le financement de la sécurité sociale.
En 2002, l’Union européenne a décidé d’abaisser le taux autorisé de bisphénol A dans les contenants alimentaires, à la suite d’un avis de l’Agence européenne de sécurité alimentaire.
Au mois de mai 2004, à Paris, sous l’égide de l’UNESCO, des scientifiques internationaux de renom, des médecins, des représentants d’associations de protection de l’environnement ou de malades se sont réunis pour élaborer « l’appel de Paris », déclaration sur les dangers sanitaires de la pollution chimique.
Dans ce mémorandum figuraient 164 recommandations et mesures à mettre en œuvre dans le domaine de la santé environnementale, portant en particulier sur le retrait de substances chimiques cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques, dont le bisphénol A et ses dérivés.
Le 18 avril 2008, le gouvernement canadien a décidé d’interdire les biberons munis de tétines en plastique rigide fabriquées à partir de bisphénol A. Parallèlement, un rapport préliminaire du gouvernement américain estimait que le bisphénol A pourrait provoquer des problèmes hormonaux et neuronaux.
Enfin, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments a été saisie de cette question et a d’ores et déjà rendu différents avis, notamment au mois de janvier dernier et au début de ce mois.
En 2009, le dossier du bisphénol A a été réexaminé par la Food and Drug Administration : il a été établi que 93 % de la population américaine était imprégnée par le BPA. Les six plus gros fabricants américains de biberons ont décidé de cesser de vendre des produits contenant du BPA. En outre, le Connecticut a interdit la production et la vente d’aliments ou de contenants comportant du BPA. Cette initiative a été soutenue, après coup, par la FDA.
Certes, ces décisions ont parfois été prises sous la pression de l’opinion publique, mais elles nous interpellent néanmoins.
Lors de la discussion, en juin 2009, du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, le rapporteur, M. Alain Milon, avait préconisé d’attendre l’obtention de données plus approfondies, voire la communication de conclusions d’études internationales, afin de dégager une position commune dans le cadre de la discussion du futur projet de loi de santé publique.
La proposition de loi qui nous est soumise, visant à interdire l’utilisation du BPA dans les plastiques alimentaires, mérite, en conséquence, quelques nuances, comme l’a souligné la commission des affaires sociales.
Il convient surtout, ainsi que vous l’avez rappelé, madame la ministre, de mettre en place la nécessaire information des populations sur les bonnes pratiques concernant ces plastiques, en particulier en cas de chauffage.
Enfin, les industriels doivent s’attacher à rechercher des produits de substitution, dont l’incidence sur la santé humaine devra être précisément évaluée. D’ores et déjà, des chercheurs du New Jersey Institute of Technology ont développé un substitut du bisphénol A. Selon le professeur Michaël Jaffe, ce produit pourrait être commercialisé dans les deux ans à venir si l’industrie de l’emballage s’implique.
Je souhaite donc que les industriels français puissent se positionner sur ce segment et je soutiens la position raisonnable de la commission des affaires sociales et de son rapporteur, M. Gérard Dériot, qui préconisent la suspension de la commercialisation des biberons fabriqués à base de BPA, dans l’attente des prochains avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
Article additionnel avant l'article unique
Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Fischer, Mmes Pasquet et David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sont interdites la fabrication, l'importation, l'offre, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la mise à la vente ou la distribution à titre gratuit de plastiques alimentaires produits à base de Bisphénol A dont l'usage est destiné aux enfants en bas âge.
Un décret précise les modalités d'application du présent article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Au cours de la discussion générale, nous avons expliqué pourquoi, au nom du principe de précaution, nous voterions la proposition de loi déposée par nos collègues du groupe RDSE.
Si nous avons fait le choix d’insérer cet amendement avant l’article unique de la présente proposition de loi, ce n’est nullement pour amoindrir la portée de cette dernière. Nous entendions simplement éviter que l’éventuelle suppression de l’article unique n’ait pour effet de faire tomber notre amendement.
Le présent amendement peut paraître en retrait par rapport aux propos que nous venons de tenir. En réalité, il n’en est rien : nous tirons les conséquences des travaux de la commission des affaires sociales, qui s’est majoritairement prononcée contre l’article unique de la proposition de loi, au motif que son champ d’application serait trop large et qu’il conviendrait plutôt de prendre des mesures ciblées visant certains types de produits identifiés comme présentant un risque potentiel, les biberons par exemple.
Aussi proposons-nous à la majorité sénatoriale de prendre une position claire, conformément aux recommandations de la commission des affaires sociales et de son rapporteur, M. Dériot, sur l’interdiction du bisphénol A dans les plastiques alimentaires à destination des enfants en bas âge.
Nous proposons en outre qu’un décret vienne apporter des précisions quant aux modalités d’application de cette disposition.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, rapporteur. Cet amendement vise à interdire les plastiques alimentaires à base de BPA pour les produits destinés aux enfants en bas âge, en renvoyant les modalités d’application à un décret.
L’absence de définition précise de la notion d’ « enfants en bas âge » soulève quelques difficultés.
Surtout, compte tenu de l’état actuellement incertain des connaissances, il me semble judicieux de préférer une suspension à une interdiction, dont la levée éventuelle nécessiterait l’adoption d’une nouvelle disposition législative, selon des délais extrêmement longs.
En outre, une suspension de la commercialisation des biberons fabriqués à base de BPA, comme proposé par la commission, aboutirait au même résultat : protéger les bébés, qui constituent une population particulièrement fragile.
Je ne crois donc pas nécessaire à ce stade de prendre une mesure aussi radicale que celle qui est préconisée par les auteurs de l’amendement. C’est la raison pour laquelle je vous demanderai, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
J’indique que, dans l’attente des résultats des travaux que j’ai mentionnés dans mon propos liminaire, nous avons décidé de mettre en œuvre un certain nombre de mesures, en application du principe de précaution.
Ainsi, il a été demandé à l’AFSSA d’engager des études complémentaires de toxicité, d’évaluation des risques sanitaires et d’investigation sur toutes les sources d’exposition au BPA.
Par ailleurs, une évaluation approfondie, équivalente à celle qui est menée sur le BPA, est mise en œuvre sur les produits de substitution actuellement utilisés pour la fabrication des plastiques à usage alimentaire, afin de s’assurer que la substitution ne présente aucun risque pour la santé.
En outre, nous entendons préconiser des gestes simples de précaution, que j’ai déjà largement exposés.
Enfin, nous veillons à un examen attentif de ce dossier par les instances d’expertise européennes, en particulier l’Autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments et l’Agence européenne des produits chimiques.
En conclusion, je suis défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article unique
Sont interdites la fabrication, l'importation, l'offre, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la mise en vente, la vente ou la distribution à titre gratuit de plastiques alimentaires contenant du Bisphénol A (n° CAS 80-05-7).
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 7, présenté par M. Dériot, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Rédiger ainsi cet article :
La fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de biberons produits à base de Bisphénol A sont suspendues jusqu'à l'adoption, par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, d'un avis motivé autorisant à nouveau ces opérations.
II. - En conséquence, dans l'intitulé de la proposition de loi :
Après les mots :
tendant à
rédiger ainsi la fin de cet intitulé :
suspendre la commercialisation de biberons produits à base de Bisphénol A
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Dériot, rapporteur. Une interdiction complète des plastiques alimentaires contenant du bisphénol A présenterait des difficultés d'application extrêmement importantes, alors que les récentes études scientifiques qui la sous-tendent ont identifié deux facteurs de risque déterminants : le chauffage intense des produits et la vulnérabilité des bébés.
Cet amendement prévoit, en conséquence, l'adoption d'une mesure temporaire de suspension de la commercialisation de biberons produits à base de bisphénol A, jusqu'à ce que l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments se prononce en fonction de la nouvelle méthodologie qu'elle prépare.
L’Agence a déjà engagé ses travaux en coopération avec les autres organismes sanitaires internationaux et devrait rendre ses conclusions dans les prochains mois.
La mesure proposée me paraît représenter un équilibre satisfaisant entre une nécessaire prudence et les réalités scientifiques.