Sommaire
Présidence de M. Bernard Frimat
Secrétaires :
MM. Jean-Pierre Godefroy, Philippe Nachbar.
3. Mise au point au sujet d'un vote
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. le président.
4. Mandat du Médiateur de la République. – Adoption d'une proposition de loi (Texte de la commission)
Discussion générale : MM. Patrice Gélard, auteur de la proposition de loi ; Jean-Pierre Vial, rapporteur de la commission des lois ; Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Richard Yung, Mme Anne-Marie Escoffier, M. Laurent Béteille.
M. le secrétaire d'État.
Clôture de la discussion générale.
M. Richard Yung.
Adoption de l'article unique de la proposition de loi.
5. Tarif réglementé d'électricité. – Adoption d'une proposition de loi (Texte de la commission)
Discussion générale : MM. Ladislas Poniatowski, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission de l’économie ; Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
MM. Jean-Claude Danglot, Jean-Claude Merceron, Roland Courteau, Jacques Mézard, Xavier Pintat, Bernard Fournier.
Clôture de la discussion générale.
Amendement no 1 rectifié de M. Roland Courteau. – MM. Daniel Raoul, le rapporteur, le ministre d’État. – Adoption.
Amendement no 2 de M. Xavier Pintat. – MM. Xavier Pintat, le rapporteur, le ministre d’État, Daniel Raoul. – Adoption.
Amendements nos 3 rectifié de M. Xavier Pintat et 5 de la commission. – MM. Xavier Pintat, le rapporteur, le ministre d’État, Daniel Raoul, Roland Courteau. – Retrait de l’amendement no 5 ; adoption de l’amendement no 3 rectifié.
MM. Daniel Raoul, Jean-Claude Danglot
Adoption de l'article unique modifié de la proposition de loi.
M. le ministre d’État.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
6. Questions d'actualité au Gouvernement
MM. Gérard Longuet, François Fillon, Premier ministre.
MM. Aymeri de Montesquiou, Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
surcoût financier lié à la gestion de l'après-tempête
MM. Jean-Claude Merceron, François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
politique du gouvernement après les régionales
MM. Jean-Pierre Bel, François Fillon, Premier ministre.
politique économique et sociale après les régionales
Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
marges et concurrence dans l'agriculture
MM. Jean Bizet, Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
réforme des collectivités territoriales
MM. Yves Krattinger, Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Mme Catherine Troendle, M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
politique sociale au lendemain des régionales et réforme des retraites
MM. Claude Domeizel, Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
indemnisation des exploitations sinistrées par la tempête et indemnisation des ostréiculteurs
MM. Philippe Darniche, Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
7. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire d’Ouzbékistan
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
8. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
9. Dépôt de documents en application de lois
10. Services sociaux. – Rejet d'une proposition de loi
Discussion générale : M. Roland Ries, auteur de la proposition de loi ; Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.
Mmes Marie-Thérèse Hermange, Annie David, Catherine Tasca, Raymonde Le Texier, Claire-Lise Campion.
Mmes le rapporteur, la secrétaire d'État.
Clôture de la discussion générale.
M. Roland Ries, Mmes le rapporteur, la secrétaire d'État.
Rejet, par scrutin public, de l’article et de l’annexe.
Article 2 et annexes II et III
Mme le rapporteur.
Rejet, par scrutin public, de l’article et des annexes.
M. Roland Ries.
Rejet de l’article.
M. Roland Ries.
Rejet de l’article.
M. Roland Ries.
Rejet de l’article.
Aucun des articles ayant été adoptés la proposition de loi est rejetée.
M. le président.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
11. Renvoi pour avis
12. Adoption par les partenaires liés par un pacte civil de solidarité. – Rejet d'une proposition de loi
Discussion générale : M. Jean-Pierre Michel, auteur de la proposition de loi ; Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur de la commission des lois ; M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice.
M. Richard Yung, Mmes Odette Terrade, Janine Rozier, Monique Cerisier-ben Guiga, Bernadette Dupont.
M. le secrétaire d'État.
Clôture de la discussion générale.
M. Roger Madec.
Rejet, par scrutin public, de l’article unique de la proposition de loi.
Article additionnel après l'article unique
Amendement no 1 rectifié de M. Jean-Pierre Michel. – M. Jean-Pierre Michel, Mme le rapporteur, MM. le secrétaire d'État, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. – Rejet par scrutin public.
L’article unique n’ayant pas été adopté la proposition de loi est rejetée.
13. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Bernard Frimat
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Pierre Godefroy,
M. Philippe Nachbar.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Conférence des présidents
M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents, qui s’est réunie hier soir, mercredi 24 mars 2010, a créé une mission d’information commune sur les conséquences de la tempête Xynthia.
En outre, elle a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE (SUITE)
Jeudi 25 mars 2010
À 9 heures :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
1°) Proposition de loi visant à proroger le mandat du Médiateur de la République, présentée par M. Patrice Gélard (texte de la commission, n° 326, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a fixé à trente minutes la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les délais limite pour le dépôt des amendements et pour les inscriptions de parole sont expirés) ;
2°) Proposition de loi tendant à autoriser les consommateurs finals domestiques d’électricité et les petites entreprises à retourner au tarif réglementé d’électricité, présentée par M. Ladislas Poniatowski et plusieurs de ses collègues du groupe UMP (texte de la commission, n° 324, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les délais limite pour le dépôt des amendements et pour les inscriptions de parole sont expirés) ;
À 15 heures :
3°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures) ;
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
À 16 heures 15 :
4°) Proposition de loi relative à la protection des missions d’intérêt général imparties aux services sociaux et à la transposition de la directive services, présentée par M. Roland Ries et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 193, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les délais limite pour le dépôt des amendements et pour les inscriptions de parole sont expirés) ;
5°) Proposition de loi autorisant l’adoption par les partenaires liés par un pacte civil de solidarité, présentée par M. Jean-Pierre Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 168, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les délais limite pour le dépôt des amendements et pour les inscriptions de parole sont expirés).
SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE
DE L’ACTION DU GOUVERNEMENT
ET D’ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES
Mardi 30 mars 2010
À 14 heures 30 :
1°) Scrutin pour l’élection d’un juge titulaire et d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République en remplacement de M. Hubert Haenel et de M. Bernard Saugey qui a démissionné pour présenter sa candidature comme juge titulaire ;
(Ce scrutin secret se déroulera dans la salle des conférences) ;
Ordre du jour fixé par le Sénat :
2°) Débat sur la protection des jeunes sur les nouveaux médias (demande de la commission de la culture) ;
(La conférence des présidents :
- a attribué un temps d’intervention de vingt minutes à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ;
- a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 29 mars 2010) ;
De 17 heures à 17 heures 45 :
3°) Questions cribles thématiques sur « l’éducation et l’ascension sociale » ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant douze heures trente)
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 18 heures :
4°) Désignation des vingt-cinq membres de la mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia ;
(Les candidatures à cette mission commune d’information devront être déposées au service de la séance avant le mardi 30 mars 2010, à seize heures) ;
5°) Débat sur l’encadrement juridique de la vidéosurveillance (demande de la commission des lois) ;
(La conférence des présidents :
- a attribué un temps d’intervention de vingt minutes à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale ;
- a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 29 mars 2010).
Mercredi 31 mars 2010
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 :
1°) Débat sur le coût des 35 heures pour l’État et la société (demande du groupe UMP) ;
(La conférence des présidents :
- a décidé d’attribuer un temps de parole de vingt minutes au groupe UMP ;
- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 30 mars 2010).
Puis, pendant une heure, les sénateurs pourront intervenir (deux minutes maximum) dans le cadre d’un débat spontané et interactif avec la possibilité d’une réponse du Gouvernement) ;
2°) Question orale avec débat n° 58 de Mme Bariza Khiari à M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire sur les dispositifs de lutte contre les discriminations (demande du groupe socialiste) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 30 mars 2010.
Conformément à l’article 82, alinéa 1, du règlement, l’auteur de la question et chaque orateur peuvent utiliser une partie du temps de parole pour répondre au Gouvernement).
Jeudi 1er avril 2010
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 9 heures 30 :
1°) Débat sur les conséquences de la sécheresse de 2003 (demande de la commission des finances) ;
(La conférence des présidents :
- a attribué un temps d’intervention de vingt minutes à la commission des finances ;
- a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 31 mars 2010) ;
À 14 heures 30 :
2°) Question orale avec débat n° 55 de M. Jean-Claude Danglot à M. le ministre chargé de l’industrie sur l’avenir de l’industrie du raffinage en France (demande du groupe CRC-SPG) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 31 mars 2010.
Conformément à l’article 82, alinéa 1, du règlement, l’auteur de la question et chaque orateur peuvent utiliser une partie du temps de parole pour répondre au Gouvernement).
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ
AU GOUVERNEMENT
Mardi 6 avril 2010
À 9 heures 30 :
1°) Dix-huit questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 783 de Mme Claudine Lepage à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Pénalisation des médecins de nationalité française titulaires d’un diplôme de médecine étranger extra-communautaire par rapport à leurs collègues étrangers du même pays) ;
- n° 785 de M. Pierre-Yves Collombat à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Desserte de la gare des Arcs-Draguignan) ;
- n° 790 de Mme Catherine Morin-Desailly à Mme la secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique ;
(Dématérialisation des bulletins de salaire et sauvegarde dans les coffres-forts numériques) ;
- n° 791 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat à Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
(Regroupement des tribunaux d’instance parisiens dans la future cité judiciaire des Batignolles) ;
- n° 792 de M. Jean-Claude Frécon à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Traitement des déchets d’activités de soins à risques infectieux) ;
- n° 794 de M. Yannick Botrel à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
(Inquiétudes concernant la filière aquacole) ;
- n° 795 de M. Bernard Fournier à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme ;
(Dispositif Scellier dans les communes classées en zone C) ;
- n° 796 de Mme Françoise Cartron à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
(Insécurité juridique créée par les difficultés de fonctionnement du Pôle emploi) ;
- n° 797 de M. Michel Boutant à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Tarif de rachat de l’électricité produite au moyen d’installations photovoltaïques) ;
- n° 798 de M. Claude Domeizel à Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie ;
(Contrôle des sites industriels présentant des risques pour l’environnement et prise en charge financière de la dépollution) ;
- n° 799 de M. Alain Anziani à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
(Avenir de l’usine First Aquitaine Industries de Blanquefort) ;
- n° 800 de Mme Raymonde Le Texier à Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
(Manque d’effectifs et dégradation des conditions de travail du tribunal de grande instance de Pontoise) ;
- n° 801 de Mme Catherine Dumas à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Projet de prolongement de la ligne E du RER) ;
- n° 802 de M. Christian Demuynck à Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie ;
(Organisation de la recherche sur les organismes génétiquement modifiés) ;
- n° 803 de M. Michel Doublet à Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie ;
(Évolution de la nomenclature des installations classées et traitement des déchets ultimes) ;
- n° 806 de Mme Anne-Marie Escoffier à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
(Aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise) ;
- n° 808 de M. Alain Houpert à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Option d’archivage en imagerie médicale) ;
- n° 809 de M. Yannick Bodin à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Construction d’un nouvel hôpital à Melun) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 15 heures et le soir :
2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris (n° 123, 2009-2010) ;
(La commission spéciale sur le Grand Paris se réunira pour le rapport le jeudi 25 mars 2010, le matin et, éventuellement, l’après-midi.
La conférence des présidents a fixé :
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 2 avril 2010) ;
- au jeudi 1er avril 2010, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission spéciale sur le Grand Paris se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 6 avril 2010, à treize heures trente et, éventuellement, à la suspension de l’après-midi et le mercredi 7 avril 2010, le matin).
Mercredi 7 avril 2010
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris.
Jeudi 8 avril 2010
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris ;
À 15 heures et le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (texte de la commission, n° 363, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 7 avril 2010) ;
- au jeudi 1er avril 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 7 avril 2010, le matin) ;
4°) Éventuellement, suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris.
Éventuellement, vendredi 9 avril 2010
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30 et à 14 heures 30 :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris.
SUSPENSION DES TRAVAUX EN SÉANCE PLÉNIÈRE :
Le Sénat suspendra ses travaux en séance plénière du dimanche 11 avril au dimanche 25 avril 2010.
SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE
Mardi 27 avril 2010
À 9 heures 30 :
1°) Dix-huit questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 735 de Mme Patricia Schillinger à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
(Découverts bancaires) ;
- n° 754 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
(Marge des distributeurs sur les prix des produits agricoles) ;
- n° 770 de Mme Françoise Férat à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
(Perspectives de l’enseignement agricole) ;
- n° 804 de Mme Jacqueline Alquier à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Menaces pesant sur les territoires de montagne) ;
- n° 811 de M. Bernard Piras à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité ;
(Situation des personnes handicapées) ;
- n° 812 de M. Robert Navarro à M. le ministre de la défense ;
(Application de la RGPP au ministère de la défense) ;
- n° 813 de M. Jean-Pierre Sueur à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Maintien de la gare de Briare) ;
- n° 814 de M. Roger Madec à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Inégalités des arrondissements parisiens en matière d’élus) ;
- n° 815 de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Indemnisation du préjudice causé à une commune par l’utilisation d’une source pour l’alimentation en eau potable d’un groupement) ;
- n° 816 de M. Yvon Collin à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
(Application du décret sur la gestion collective des prélèvements d’eau) ;
- n° 817 de Mme Anne-Marie Payet à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
(Bail à colonat partiaire dans les départements d’outre-mer) ;
- n° 820 de Mme Marie-France Beaufils à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Salariés et ordre des infirmiers) ;
- n° 821 de M. Jacques Mézard à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Accessibilité des transports en commun pour les personnes handicapées et à mobilité réduite) ;
- n° 822 de M. Rachel Mazuir à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;
(Difficultés budgétaires des associations d’aide à la personne) ;
- n° 823 de Mme Françoise Laborde à M. le Premier ministre ;
(Désignation des membres de l’Observatoire de la laïcité) ;
- n° 825 de M. Jean-Luc Fichet à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Statut de l’herboristerie en France) ;
- n° 827 de M. Georges Patient à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Plan d’action relatif au centre de contrôle de Cayenne Rochambeau) ;
- n° 840 de M. Claude Biwer à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ;
(Compatibilité entre un office de tourisme intercommunal et des syndicats d’initiative communaux existants) ;
À 14 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement, en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution :
2°) Deuxième lecture du projet de loi organique, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution (n° 322, 2009-2010) ;
3°) Projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature (n° 321, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune ;
La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 7 avril 2010, le matin et, éventuellement, l’après-midi (délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux textes en commission : mardi 6 avril 2010, à onze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 26 avril 2010) ;
- au lundi 26 avril 2010, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance à ces deux textes.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 27 avril 2010, à neuf heures trente) ;
Ordre du jour fixé par le Sénat :
4°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques (n° 235, 2009-2010) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 7 avril 2010, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : mardi 6 avril 2010, à onze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 26 avril 2010) ;
- au lundi 26 avril 2010, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 27 avril 2010, le matin) ;
De 17 heures à 17 heures 45 :
5°) Questions cribles thématiques sur « le logement » ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant douze heures trente) ;
À 18 heures et, éventuellement, le soir :
6°) Suite de l’ordre du jour de l’après-midi.
Mercredi 28 avril 2010
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
À 14 heures 30 :
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale (texte de la commission, n° 329, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 27 avril 2010) ;
- au lundi 26 avril 2010, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 28 avril 2010, le matin).
Jeudi 29 avril 2010
À 9 heures :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
1°) Proposition de loi portant réforme de la garde à vue, présentée par Mme Alima Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 201 rectifié, 2009-2010) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 31 mars 2010, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 29 mars 2010, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 28 avril 2010) ;
- au lundi 26 avril 2010, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 28 avril 2010, le matin) ;
2°) Proposition de loi relative aux règles de cumul et d’incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance, présentée par Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 291, 2009-2010) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 7 avril 2010, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : mardi 6 avril 2010, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 28 avril 2010) ;
- au lundi 26 avril 2010, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 28 avril 2010, le matin) ;
À 15 heures :
Ordre du jour réservé au groupe Union centriste :
3°) Proposition de loi relative aux contrats d’assurance sur la vie, présentée par M. Hervé Maurey (n° 2, 2009-2010) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 31 mars 2010, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 29 mars 2010, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 28 avril 2010) ;
- au lundi 26 avril 2010, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 28 avril 2010, le matin);
4°) Proposition de loi tendant à faciliter l’accès aux stages des étudiants et élèves travailleurs sociaux, présentée par M. Nicolas About et Mme Sylvie Desmarescaux (n° 190, 2009-2010) ;
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 7 avril 2010, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : mardi 6 avril 2010, à quinze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 28 avril 2010) ;
- au mardi 27 avril 2010, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 28 avril 2010, le matin).
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 4 mai 2010
À 9 heures 30 :
1°) Dix-huit questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 807 de Mme Anne-Marie Escoffier à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme ;
(Systèmes de réduction d’impôt par l’investissement locatif) ;
- n° 829 de M. Jacques Berthou à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Conduite de véhicule agricole par des employés communaux) ;
- n° 830 de Mme Bariza Khiari à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Inscription de l’Algérie dans la liste des zones à risques terroristes) ;
- n° 831 de Mme Nicole Bonnefoy à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité ;
(Prise en charge des frais de transport d’un handicapé entre l’établissement et le domicile, lors d’une permission de sortie) ;
- n° 833 de M. Pierre-Yves Collombat à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ;
(Situation de l’université du Sud Toulon-Var) ;
- n° 834 de M. Aymeri de Montesquiou à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Achèvement des travaux du tronçon Auch-Aubiet de la RN 124) ;
- n° 835 de M. Marc Laménie à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;
(Stages étudiants et conséquences de la diminution de la durée ouvrant droit à gratification) ;
- n° 836 de M. Nicolas About à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;
(Évolution de l’allocation équivalent retraite) ;
- n° 838 de Mme Catherine Procaccia à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Interruption du fonctionnement de la voie auxiliaire sur l’échangeur A4-A86) ;
- n° 841 de M. Roland Ries à Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
(Suppression de compétences du tribunal de grande instance de Strasbourg) ;
- n° 842 de M. Jean-Jacques Mirassou à M. le ministre de la culture et de la communication ;
(Taxation des émetteurs radiophoniques et de télévision) ;
- n° 845 de M. Antoine Lefèvre à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;
(Dispositif d’aide individuelle à la scolarité des enfants handicapés) ;
- n° 849 de Mme Alima Boumediene-Thiery à Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
(Droit au rapprochement familial des détenus corses) ;
- n° 850 de Mme Nicole Bricq à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Fermeture de l’unité de l’hôpital intercommunal de La Ferté-sous-Jouarre) ;
- n° 852 de M. Michel Houel à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Limite d’âge dans la fonction publique) ;
- n° 854 de M. Jean Boyer à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Avenir du photovoltaïque) ;
- n° 859 de M. Michel Billout à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Menaces sur les établissements de santé en Seine-et-Marne) ;
- n° 864 de M. René Vestri à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ;
(Application du droit à l’oubli en matière d’incidents bancaires) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
2°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique (Procédure accélérée) (A.N., nos 1577 et 2329) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 28 avril 2010, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 26 avril 2010, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 3 mai 2010) ;
- au lundi 3 mai 2010, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 4 mai 2010, à neuf heures trente).
Mercredi 5 mai 2010
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique.
Jeudi 6 mai 2010
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer (n° 607 rectifié, 2008-2009) ;
(La commission des affaires étrangères se réunira pour le rapport le mardi 30 mars 2010, l’après-midi (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 29 mars 2010, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 5 mai 2010) ;
- au jeudi 29 avril 2010, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires étrangères se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 4 mai 2010, après-midi ou le mercredi 5 mai, le matin) ;
À 15 heures et, éventuellement, le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Projet de loi tendant à l’élimination des armes à sous-munitions (n° 113, 2009-2010) ;
(La commission des affaires étrangères se réunira pour le rapport le mardi 6 avril 2010, à neuf heures (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : jeudi 1er avril 2010, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 5 mai 2010) ;
- au jeudi 29 avril 2010, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires étrangères se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 4 mai 2010, l’après-midi ou le mercredi 5 mai, le matin) ;
4°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire de la République française et à leur retour dans leur pays d’origine ainsi qu’à la lutte contre les réseaux d’exploitation concernant les mineurs (texte de la commission, n° 316, 2009-2010) ;
5°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tchèque sur l’échange de données et la coopération en matière de cotisations et de lutte contre la fraude aux prestations de sécurité sociale (texte de la commission, n° 311, 2009-2010) ;
6°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique pour le développement de la coopération et de l’entraide administrative en matière de sécurité sociale (texte de la commission, n° 312, 2009-2010) ;
7°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (texte de la commission, n° 314, 2009-2010) ;
(Pour les trois projets de loi ci-dessus, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée ;
Selon cette procédure simplifiée, les projets de loi sont directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard le lundi 3 mai 2010, à dix-sept heures qu’un projet de loi soit débattu en séance selon la procédure habituelle).
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui qui résulte des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...
Ces propositions sont adoptées.
3
Mise au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point au sujet d’un vote.
Lors du scrutin n° 163, sur la motion n° 1, présentée par M. François Zocchetto au nom de la commission des lois, tendant au renvoi à la commission de la proposition de loi tendant à assurer l’assistance immédiate d’un avocat aux personnes placées en garde à vue, M. Roland du Luart a voté pour, alors qu’il souhaitait ne pas prendre part au vote.
Je vous remercie donc par avance de bien vouloir prendre en compte cette rectification, monsieur le président.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
4
Mandat du Médiateur de la République
Adoption d'une proposition de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à proroger le mandat du Médiateur de la République, présentée par M. Patrice Gélard (proposition n° 267, texte de la commission n° 326, rapport n° 325).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrice Gélard, auteur de la proposition de loi.
M. Patrice Gélard, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à vous rassurer : je n’aurai pas besoin des vingt minutes de temps de parole qui m’ont été généreusement attribuées pour présenter cette proposition de loi. En effet, ce texte comporte un article unique et a connu une seule modification, que j’approuve d’ailleurs totalement.
Ayant été désigné rapporteur du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits par la commission des lois, j’ai été amené à constater que les fonctions du Médiateur de la République prendraient fin le 12 avril prochain. Or cela risque de poser un problème important, puisque le Médiateur de la République est appelé à disparaître et à fusionner avec d’autres organes au sein de la nouvelle institution, le Défenseur des droits.
Il aurait donc été dommage de désigner avant le 12 avril un nouveau Médiateur de la République qui aurait exercé ses fonctions pendant une durée de quelques semaines ou de quelques mois seulement, avant de devoir céder la place au Défenseur des droits, normalement amené à lui succéder.
C'est la raison pour laquelle j’ai déposé cette proposition de loi visant à proroger le mandat du Médiateur de la République.
À l’origine, j’avais proposé comme date limite le 31 décembre 2010. Toutefois, M. le rapporteur de la commission des lois a souligné à juste titre qu’un tel délai était peut-être un peu court. En effet, la Haute Assemblée ne sera saisie du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits qu’au mois de juin 2010. Compte tenu de la durée prévisible d’examen de ce texte par les sénateurs et les députés dans le cadre de la navette parlementaire, puis par le Conseil constitutionnel, la commission des lois a proposé que le mandat du Médiateur de la République soit plutôt prorogé jusqu’au 31 mars 2011.
Je souhaite profiter de l’examen de la présente proposition de loi pour formuler une remarque. Actuellement – et M. le président vient d’y faire référence en nous donnant lecture des conclusions de la conférence des présidents –, nous sommes amenés à proroger les fonctions d’un certain nombre d’institutions, ce qui est mauvais signe.
Alors que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 est intervenue voilà dix-huit mois, il y a encore six lois organiques qui n’ont pas été adoptées !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Et certains projets de loi n’ont même pas été déposés !
M. Patrice Gélard. Si le Parlement était soumis à une jurisprudence comparable à celle du Conseil d'État en matière de décrets d’application des lois ordinaires, une telle inactivité législative serait certainement sanctionnée !
Pour ma part, je regrette que nous n’ayons pas décidé de consacrer une quinzaine de jours à l’adoption de l’ensemble des lois organiques. Nous ne nous retrouverions pas aujourd'hui dans l’obligation de proroger le mandat du Médiateur de la République, celui des membres du Conseil supérieur de la magistrature ou celui d’autres organes encore.
Il y a encore plus grave. Selon la nouvelle rédaction de l’article 13 de la Constitution, un certain nombre de nominations sont soumises à l’avis des commissions compétentes des deux assemblées, qui doivent se prononcer par un vote. Or nous n’avons toujours pas adopté la loi organique d’application de cet article 13. Dès lors, nous sommes amenés à auditionner en commission, de manière d’ailleurs fort plaisante, les candidats désignés à certaines fonctions par le Président de la République, le président du Sénat ou le président de l’Assemblée nationale, tout en sachant que ces auditions sont purement formelles – il n’est pas procédé à un vote – et que les personnes en question seront certainement nommées, aucune loi organique relative à l’application de l’article 13 de la Constitution n’ayant été adoptée.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ça va venir !
M. Patrice Gélard. Monsieur le secrétaire d’État, il faudrait tout de même, me semble-t-il, secouer un peu le secrétariat général du Gouvernement, afin qu’il puisse remettre au Parlement un calendrier d’examen des lois organiques ! Il s’agit là d’un point extrêmement important. Le Gouvernement s’est engagé à faire en sorte que la loi organique soit adoptée avant l’été prochain. Mais s’il ne respecte pas son engagement, le Sénat se chargera – M. le président de la commission des lois nous l’a assuré – d’élaborer lui-même la loi organique !
En effet, nous ne pouvons pas continuer à travailler de la sorte ! Ce n’est pas sérieux ! Il faut que les textes soient adoptés dans des délais raisonnables. D’ailleurs, lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, on nous avait parlé d’un « délai normal » de six mois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Patrice Gélard. Or nous en sommes déjà à dix-huit mois, et cela fera plus de deux ans à la fin de l’année. Nous ne pouvons plus continuer ainsi !
Sous le bénéfice de ces observations, je crois que nous devons au maximum éviter les erreurs ou les tâtonnements. C'est la raison pour laquelle j’ai déposé la présente proposition de loi visant à proroger le mandat du Médiateur de la République.
Je tiens à rappeler que le Médiateur de la République a défendu son rapport devant la commission des lois du Sénat voilà exactement un mois et que ce rapport a suscité un intérêt considérable dans la presse. Je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est offerte pour rendre hommage au Médiateur de la République et à l’action qui a été menée depuis la création de cette autorité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous l’avez compris, c’est grâce à la vigilance de notre excellent collègue Patrice Gélard que nous examinons ce matin une proposition de loi visant à proroger le mandat du Médiateur de la République. M. Patrice Gélard étant rapporteur du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits, il lui a semblé nécessaire de déposer ce texte afin d’assurer les conditions d’une transition satisfaisante entre le Médiateur de la République et le Défenseur des droits.
En effet, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a inséré dans notre Constitution un article 71-1 relatif au Défenseur des droits. Cette nouvelle institution, qui sera chargée d’une mission de protection des droits et libertés, succédera au Médiateur de la République, ainsi qu’à d’autres autorités administratives indépendantes intervenant dans des domaines connexes.
Ainsi, le projet de loi organique relatif au Défenseur des droits, qui a été déposé sur le bureau du Sénat au mois de septembre 2009, prévoit la fusion au sein de la nouvelle institution du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
Or M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, a été nommé dans ses fonctions à compter du 13 avril 2004, pour un mandat de six ans non renouvelable, conformément à l’article 2 de la loi du 3 janvier 1973 instituant un médiateur.
Les fonctions de M. Jean-Paul Delevoye en tant que Médiateur de la République devraient donc prendre fin le 12 avril 2010.
La création du Défenseur des droits conduirait toutefois son successeur à n’exercer la mission de Médiateur de la République que pendant quelques mois. En effet, les projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits devraient être adoptés par le Parlement au cours des prochains mois.
Aussi, la désignation d’un nouveau Médiateur de la République pour une période aussi brève ne paraît pas opportune. Le nouveau titulaire n’aurait en effet guère le temps de s’installer dans ses fonctions.
Qui plus est, le nouveau titulaire de la fonction devrait à la fois assumer cette mission nouvelle et préparer son absorption par le Défenseur des droits.
Il semble plus indiqué que cette mutation soit assurée par le Médiateur de la République dont le mandat est en cours, plutôt que par une personne qui aurait à peine eu le temps de prendre la tête de l’autorité indépendante.
L’exposé des motifs de la proposition de loi présentée par notre excellent collègue Patrice Gélard souligne d’ailleurs très justement les motifs d’intérêt général qui fondent la prorogation du mandat en cours. Il s’agit ainsi « de préserver de façon transitoire le fonctionnement et l’activité du Médiateur de la République » en prorogeant « son mandat pour la durée strictement nécessaire à l’adoption de la loi organique relative au Défenseur des droits et de la loi ordinaire qui l’accompagne ».
Le mandat du Médiateur de la République nommé en avril 2004 sera donc prorogé jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi organique relative au Défenseur des droits.
La prorogation envisagée sera, en outre, soumise à une date butoir.
Le texte initial de la proposition de loi fixait cette date au 31 décembre 2010. La commission a cependant relevé que les projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits ne sont pas encore inscrits à l’ordre du jour du Sénat. Il serait souhaitable que ces textes soient adoptés dans de brefs délais.
Cependant, rien ne garantit que les lois organique et ordinaire seront promulguées à temps pour permettre au Président de la République de nommer le Défenseur des droits avant le 31 décembre 2010. Par conséquent, pour éviter le recours à une seconde prorogation, la commission a adopté un amendement visant à proroger le mandat du Médiateur de la République nommé en avril 2004 jusqu’au 31 mars 2011 au plus tard. Ce délai demeure raisonnable puisque la durée maximale de la prorogation du mandat du Médiateur de la République n’excéderait pas un an.
La commission des lois vous invite donc à adopter la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi du 3 janvier 1973 qui a institué le Médiateur de la République n’a été votée à l’époque qu’à une voix près. Souvent, les textes adoptés de justesse ont une destinée heureuse. En l’occurrence, ce fut le cas.
Aujourd’hui, au regard du chemin parcouru en trente-sept ans, nous constatons que cette institution a trouvé toute sa place dans notre société et a su donner toute sa vigueur au débat démocratique. Le Médiateur de la République est devenu un acteur indispensable du rapprochement entre la sphère publique et les citoyens.
Je veux, comme vous l’avez fait à l’instant, monsieur le rapporteur, saluer le travail accompli par le Médiateur de la République. Conçue et créée pour concilier et pour réconcilier l’administration et le citoyen, cette institution joue aujourd’hui un rôle majeur et régulateur dans le fonctionnement de la démocratie française.
Dans un monde où la seule intervention étatique ne suffit plus à nous prémunir contre l’injustice, le Médiateur de la République a toute sa place.
M. Gélard et M. le rapporteur ont fait allusion au récent rapport du Médiateur de la République. Ce rapport est éloquent : 50 % des demandes traitées par les délégués du Médiateur de la République ne sont pas des réclamations à l’égard des services publics, mais sont des demandes d’éclaircissement de la part de personnes perdues dans la complexité des procédures, et qui n’ont pas le sentiment d’avoir été correctement accueillies ou entendues. L’écoute, la réponse et le conseil sont en effet l’une des missions fondamentales de cette institution.
Le Médiateur de la République a également un rôle de médiation à proprement parler, soit la création de procédures permettant de renouer le dialogue entre l’administration et le citoyen. Je pense, en particulier, au travail accompli au sein de la médiature par le pôle santé et sécurité des soins, créé en 2009, qui parachève les compétences de l’institution.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. En 2009, 93 % des médiations conduites par le Médiateur de la République ont d’ailleurs été couronnées de succès.
Enfin, n’oublions pas que le Médiateur de la République est d’ores et déjà une force de propositions à l’égard du législateur. L’observation des dysfonctionnements les plus concrets de nos institutions le conduit nécessairement à un inventaire des besoins en matières législative ou réglementaire, qu’il s’agisse d’améliorer certains textes, d’en compléter d’autres ou d’engager de véritables réformes.
Je pense ici tout particulièrement – c’est un exemple parmi d’autres – au travail récemment accompli par l’institution et à l’engagement personnel de Jean-Paul Delevoye, qui ont conduit à l’adoption par le Parlement le 22 décembre 2009 d’un texte sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français.
L’institution du Défenseur des droits marque une importante avancée dans la défense des droits de nos concitoyens.
Le Défenseur des droits bénéficiera de l’autorité qui s’attache à sa qualité d’autorité constitutionnelle puisque sa fonction a été instituée par la révision constitutionnelle du 22 juillet 2008.
Ainsi, la République a-t-elle voulu montrer l’autorité qu’elle entendait reconnaître à cette institution, comme l’ont déjà fait certains de nos voisins européens, qu’il s’agisse de l’Espagne, de la Suède ou du Portugal. Elle a d’ailleurs, dans le même texte, étendu la saisine du Défenseur des droits, accordant à chacun la possibilité de le saisir directement, ce qui ouvre l’institution au plus grand nombre. Cela ne manquera pas de changer la donne.
Le Défenseur des droits bénéficiera également d’un champ d’action élargi puisque ses attributions incluront non seulement celles qui sont aujourd’hui exercées par le Médiateur de la République, mais aussi, aux termes du projet de loi organique nécessaire à sa mise en œuvre, celles qui sont exercées par le Défenseur des enfants et par la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
Ce texte a été déposé sur le bureau du Sénat le 9 septembre dernier, et les choses se concrétisent donc peu à peu.
Monsieur Gélard, vous avez marqué votre impatience – je la comprends – de voir examiner les lois organiques. J’ai fait allusion à l’instant à la courte majorité qui a permis l’instauration du Médiateur de la République.
Je constate que la très courte majorité qui a permis la révision constitutionnelle de 2008 n’empêche pas aujourd'hui une adhésion très forte à cette démarche, voire une certaine impatience à la mise en œuvre d’une réforme qui avait été, à l’époque, si critiquée et vilipendée. C’est au fond un très bon signe.
J’entends donc avec plaisir le message que vous passez. Nous avons vocation à mettre en œuvre cette réforme institutionnelle malgré un calendrier parlementaire très chargé, comportant d’importants textes, qu’ils soient d’origine gouvernementale ou parlementaire.
L’exercice n’est donc pas simple. Il ne relève pas uniquement d’une responsabilité administrative, mais il dépend également d’une démarche politique dont vous avez eu raison de rappeler l’importance.
Dans les domaines de la déontologie de la sécurité et de la protection des droits de l’enfant, le Défenseur des droits pourra intervenir, y compris lorsque les atteintes aux droits seront le fait de personnes privées. Il aura des pouvoirs d’action renforcés.
Afin de mener à bien sa mission, le Défenseur des droits bénéficiera d’une large gamme de pouvoirs et de moyens d’action, qui lui permettront d’user des outils les plus adaptés pour chaque cas.
Il aura notamment un pouvoir d’injonction renforcé. Il pourra proposer les termes d’une transaction, être entendu par toute juridiction ou encore saisir le Conseil d’État d’une demande d’avis pour couper court aux difficultés qui proviendraient d’interprétations divergentes des textes. Il aura également de larges pouvoirs d’investigation.
Le projet de loi ordinaire préparé par le Gouvernement prévoit des sanctions pénales à l’encontre de ceux qui feront obstacle à l’action du Défenseur des droits.
C’est dans ce contexte qu’intervient la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui visant à proroger le mandat du Médiateur de la République, dont MM. Gélard et Vial ont exposé les motifs.
Les deux projets de loi que j’ai évoqués n’ont pas encore été examinés, mais ils le seront dans l’année.
Le mandat du Médiateur de la République prendra fin le 12 avril prochain, avant que le processus législatif ne puisse être achevé. La prorogation du mandat que vous nous proposez aujourd'hui me paraît suffisante pour satisfaire aux exigences constitutionnelles.
La présente proposition de loi vise à proroger le mandat du Médiateur de la République pour la durée strictement nécessaire à l’adoption de la loi organique relative au Défenseur des droits et de la loi ordinaire qui l’accompagne, durée qui ne pourra, en tout état de cause, aller au-delà du 31 mars 2011, ce qui nous laisse un délai confortable.
Je vous remercie de permettre cette prorogation de quelques mois par rapport à la date du 31 décembre 2010, prévue initialement.
Le Gouvernement est favorable à cette proposition et tient à remercier le Sénat de cette initiative et du travail fourni, lequel a permis d’aboutir à un texte tout à fait adapté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, ce texte, qui ne pose pas de problème en lui-même, a une histoire : celle du Défenseur des droits et de sa difficile désignation.
L’examen de ce texte m’offre l’occasion de redire que la nouvelle institution du Défenseur des droits prévue par la révision constitutionnelle de juillet 2008 suscite de nombreuses inquiétudes, moins, me semble t-il, sur le remplacement du Médiateur de la République, dont les pouvoirs pourraient être renforcés, qu’en raison de la suppression d’autorités indépendantes actuelles : la Défenseure des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, voire à terme la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, dont le sort est actuellement réglé – mais pour combien de temps ? –, ou encore le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
La Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, a récemment émis un avis très critique sur les difficultés auxquelles se heurterait l’instauration d’une institution ayant un champ d’intervention très large et des missions obéissant à des logiques différentes.
J’ai eu plus d’une fois l’occasion, hélas ! de saisir la CNDS. Les modalités de son intervention n’ont rien de commun avec le rôle du Médiateur, lequel recherche un terrain d’entente entre les personnes et l’administration.
De son côté, la Défenseure des enfants intervient pour le respect des droits de ces derniers au regard de notre législation, mais aussi de nos engagements internationaux – je pense notamment à la Convention internationale des droits de l’enfant. Son rôle ne s’arrête pas là : elle a pour mission de promouvoir ces droits, de faire des propositions législatives, d’émettre des recommandations.
Au moment où les atteintes aux droits et libertés augmentent – je pense à nos débats sur la garde à vue –, au moment où les inégalités et la pauvreté atteignent un nombre toujours plus grand d’enfants, ces deux institutions sont importantes.
Or le projet de loi organique prévoit de plusieurs manières un recul des interventions dans ces domaines.
Selon l’article 20, le Défenseur des droits apprécierait souverainement l’opportunité des suites à donner à une réclamation.
Les pouvoirs d’enquête qui sont aujourd’hui ceux de la CNDS seraient réduits.
La saisine du Défenseur des droits serait réservée à la victime ou, au minimum, exigerait son accord exprès. Ainsi, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui pour la CNDS, ne seraient plus suivies d’effet les réclamations d’associations ou d’individus témoins d’irrégularités lors d’une reconduite à la frontière, faute de pouvoir prévenir la personne entre-temps expulsée.
En outre, les deux collèges placés auprès du Défenseur des droits ne compenseront pas l’actuelle composition pluraliste et multidisciplinaire de la CNDS, fondée sur quatre modes de nomination, non plus que les compétences des deux autorités. En effet, les trois personnalités qui composeront chaque collège seront respectivement compétentes seulement en matière de « sécurité » – et non en matière de déontologie de la sécurité – et de « protection de l’enfance ».
Ainsi, l’annonce de la disparition des autorités indépendantes que sont la Défenseure des enfants et la CNDS est un bien mauvais signe face à l’exigence de respect et d’effectivité des droits. Il serait pour le moins regrettable que des attributions spécifiques, exigeant des connaissances et une approche particulière, soient diluées au sein d’une institution centralisée.
Il serait en revanche utile de renforcer les pouvoirs et les moyens humains et financiers de ces autorités pour leur permettre de faire face à la montée en puissance de leur activité. Assurer le respect et le développement des droits représente un coût qu’une démocratie doit supporter en priorité, en lieu et place des nombreuses libéralités dont la République n’est pas avare ! Nous ne disposons pas non plus, à l’heure actuelle, de garanties quant aux moyens qui seront accordés au Défenseur des droits.
Enfin, il est certain que la volonté du Gouvernement de supprimer certaines autorités indépendantes montre qu’elles le gênent d’une certaine façon dans la mise en œuvre de sa politique.
Concernant le Médiateur de la République dont le mandat s’achève, je tiens également à saluer son travail, dans la limite de son rôle de médiateur entre l’administration et les administrés, ainsi que les enseignements qu’il a tirés des observations résultant de l’immersion dans la société que lui permet son mandat. Ce travail est tout à fait appréciable, et le rapport que nous a récemment présenté le Médiateur le démontre amplement, car il révèle combien notre société est malade.
S’agissant du texte de la proposition de loi en lui-même, il tend à prolonger le mandat du Médiateur. Je ne souhaite pas m’étendre sur cette obligation, et je ne participerai donc pas au vote sur ce texte.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la présente proposition de loi ne soulève pas de problème particulier sur le plan juridique, car elle est conforme à la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel. Elle ne présente pas non plus de difficulté spéciale sur le fond : nous avons eu l’occasion de rendre hommage au travail du Médiateur, et nous y reviendrons en détail lors de la discussion du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits.
La discussion de cette proposition de loi nous permet malgré tout de formuler quelques remarques. On pourrait ainsi penser que ce texte aurait mieux trouvé sa place dans la semaine réservée par priorité au Gouvernement, dans la mesure où il répond clairement à une commande de l’exécutif.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
M. Richard Yung. Le texte de notre excellent collègue Patrice Gélard présente d’ailleurs toutes les caractéristiques d’un projet de loi.
Monsieur le doyen, je ne doute pas de votre sincérité lorsque vous affirmez vouloir « préserver de façon transitoire le fonctionnement et l’activité du Médiateur de la République », même si je connais votre scepticisme quant à l’utilité de nombre d’autorités administratives dites indépendantes.
Vous l’avez déjà dit, l’article 71-1 de notre Constitution, qui prévoit la création du Défenseur des droits, a été adopté il y a près de deux ans, et les projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits ont été présentés au conseil des ministres, puis déposés sur le bureau du Sénat le 9 septembre dernier. Néanmoins, ces deux textes ne sont toujours pas inscrits à l’ordre du jour de notre assemblée, car le programme de travail du Parlement est encombré, depuis plus de trois ans, par une foultitude de textes inutiles et souvent de circonstance, au point même que le Président de la République lui-même s’en serait ému, comme j’ai cru l’entendre dire !
Dans ces conditions, le Gouvernement devait impérativement trouver une « niche parlementaire » avant la fin du mandat de l’actuel Médiateur de la République, qui interviendra le 12 avril prochain, et a fait appel à sa majorité parlementaire. Nous sommes donc assez loin de l’esprit de la révision constitutionnelle de 2008, qui était censée revaloriser l’action du Parlement, en la replaçant au sommet de la hiérarchie !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela a toujours existé !
M. Richard Yung. Nous retrouvons d’autres exemples de ces textes de commande : je pense notamment à la proposition de loi déposée par Christian Estrosi, avant qu’il ne redevienne ministre, renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public ou à celle de Jean Arthuis relative à la création des maisons d’assistants maternels.
J’en viens à présent à l’examen du dispositif de la présente proposition de loi, qui vise à maintenir le Médiateur de la République dans ses fonctions. Cette pratique est certes autorisée par le Conseil constitutionnel, lorsqu’elle répond à un objectif d’intérêt général et « revêt un caractère exceptionnel et transitoire ».
On pourrait s’interroger sur ces deux derniers adjectifs, car il semblerait que certaines habitudes soient en train de s’installer : ainsi, comme l’a rappelé notre collègue Patrick Gélard, nous avons adopté récemment un projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental et nous serons amenés à examiner prochainement un projet de loi portant prorogation du mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature. Cette pratique devient un mode de Gouvernement !
Je ne sais pas si la bonne méthode consiste à saisir le Secrétariat général du Gouvernement pour qu’il revoie l’ordre d’examen des projets de loi organique, mais j’ai plutôt l’impression qu’un problème général d’ordre politique se pose. Il devrait trouver sa solution dans le nouveau « pacte » de la majorité, mais il ne m’appartient pas d’en parler !
Afin d’éviter que le mandat du Médiateur n’expire prématurément, nous avons décidé de repousser l’échéance au 31 mars 2011. J’espère que ce délai sera suffisant ! (M. le président de la commission des lois s’exclame.) Je prends date aujourd’hui et nous en reparlerons dans six mois !
Nous sommes donc invités à proroger le mandat d’une autorité qui est appelée à disparaître au profit d’une nouvelle entité dont nous ne connaissons pas les contours exacts. Des rumeurs insistantes portent sur le rattachement de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, au Défenseur des droits. Je sais que cette autorité n’a pas bonne réputation dans notre assemblée : on l’accuse d’outrepasser ses droits,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Richard Yung. … et de s’arroger des pouvoirs quasi législatifs.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et même supraconstitutionnels !
M. Richard Yung. Il semblerait également qu’un certain nombre des décisions de cette autorité ait déplu en haut lieu. Le Gouvernement aurait donc l’intention de demander aux membres de sa majorité au Sénat de supprimer la HALDE en l’intégrant dans le nouveau dispositif relatif au Défenseur des droits.
Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à vous mettre en garde contre toute tentative de suppression de cette autorité. Le groupe socialiste éprouve déjà un certain nombre de réticences à l’égard de la suppression de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, qui a réalisé dans des conditions difficiles un excellent travail de défense des droits de l’homme et des libertés publiques. La fusion de la HALDE au sein du Défenseur des droits serait donc un très mauvais message adressé au pays.
Pour conclure, j’ajouterai un mot sur le fonctionnement de la CNDS. Deux de nos collègues, MM. Peyronnet et Courtois, siègent au sein de cette autorité : or leur mandat s’est achevé le 4 février dernier, sans susciter d’émotion particulière. J’ignore la raison pour laquelle aucun projet de loi ne nous a été présenté pour proroger le mandat de ces deux excellents collègues…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne nous a pas demandé de les remplacer !
M. Richard Yung. Toujours est-il que la CNDS n’est actuellement plus en mesure d’exercer ses missions, jusqu’à une date qui reste incertaine. Cette situation me paraît assez grave, et c’est pourquoi j’appelle l’attention du Sénat sur cet aspect du fonctionnement de notre démocratie.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, institué par la loi du 3 janvier 1973, expressément qualifié d’autorité indépendante par la loi du 13 janvier 1989, le Médiateur de la République a su gagner une place incontournable, à la fois au sein de nos institutions et auprès de nos compatriotes.
Il remplit une mission fondamentale par sa contribution à l’amélioration des rapports entre l’administration et les usagers, en cherchant à résoudre les litiges non juridictionnels pouvant survenir entre eux. À l’époque de sa création, cette institution constituait une innovation remarquable ; elle représente désormais un acquis sur lequel nul ne souhaite bien entendu revenir.
Le rapport annuel du Médiateur est devenu un révélateur de l’état et de l’évolution de la société française et de ses difficultés, des inquiétudes de nos concitoyens, de leurs problèmes quotidiens. Il dénonce des abus, des insuffisances et, surtout, montre quel meilleur chemin pourrait être emprunté pour rendre l’administration plus efficace, plus simple, mieux apte à s’adapter aux mutations de notre société, aux besoins des citoyens et à promouvoir les principes de notre République.
Malgré la réduction des effectifs de fonctionnaires ou les coupes budgétaires, la distance entre l’administration et ses usagers persiste. Mais, au-delà de cette antienne, il n’en reste pas moins vrai que nos concitoyens pâtissent au quotidien des arcanes de l’administration, souvent abritée derrière la complexité du droit et un langage peu accessible au non-initié.
À cet égard, le rôle du Médiateur de la République, conciliateur exigeant, est absolument fondamental, comme le démontrent les 76 000 affaires dont il a été saisi en 2009. Je sais que tous les hommes qui ont exercé cette fonction – et je tiens à rendre ici hommage à la mémoire de Jacques Pelletier, ancien président du groupe du RDSE – s’en sont acquittés avec courage et conviction.
L’objet du présent texte est donc de proroger le mandat actuel du Médiateur, dans l’attente de la promulgation de la loi organique portant application du nouvel article 71-1 de la Constitution. Longtemps annoncé, ce nouveau « Défenseur des droits » a vocation à fusionner, outre le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité, ou CNDS. Il aura pour mission de veiller, selon les termes mêmes de la Constitution, au « respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences ».
Bien qu’un projet de loi organique ait été déposé au Sénat le 9 septembre 2009 – vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État –, la date de sa discussion reste encore indéterminée. Il est toutefois difficile de ne pas en aborder aujourd’hui le fond. Le champ de compétences ouvert par la Constitution et la loi organique au profit du Défenseur des droits est suffisamment large pour susciter des interrogations sur l’opportunité de faire disparaître des autorités spécialisées et ayant fait leurs preuves : en effet, l’institution de cette nouvelle autorité indépendante aura pour effet de diluer le champ d’expertise et d’investigation aujourd’hui partiellement occupé par les autorités indépendantes auxquelles il se substituerait.
Le regroupement des fonctions de contrôle et de médiation, qui relèvent de logiques différentes, risque de nuire à l’impératif d’effectivité de la protection des droits, comme n’a d’ailleurs pas manqué de le relever la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Le contrôle est coercitif, là où la médiation est une conciliation, à l’image de l’action de l’ombudsman suédois, institution dont s’est inspiré le législateur français en créant le Médiateur de la République.
Il est pourtant établi que les autorités spécialisées peuvent se focaliser sur une mission unique et fixer une identité claire susceptible de faciliter leur mission, en déterminant elles-mêmes, de façon adaptée, leurs propres standards de contrôle.
Sur ce point, la loi organique ne va sans doute pas au bout de sa logique : pourquoi n’intégrer « que » le Médiateur, le Défenseur des enfants et la CNDS, toutes autorités aux compétences finalement disparates et cloisonnées ? Pourquoi, si le Défenseur des droits a vocation à assurer une meilleure protection des droits et libertés individuelles de façon transversale, ne pas lui avoir adjoint, par exemple, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité des droits, la HALDE ? Bien que nous ne souhaitions pas un tel élargissement des compétences du Défenseur des droits, nous ne comprenons pas l’incohérence qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi organique. Nous aurons naturellement le temps d’y revenir lorsque ce texte nous sera soumis.
D’une manière générale, il est aussi plus que temps de s’interroger et d’agir pour limiter l’extension du nombre et des compétences d’organismes mutant vers le juridictionnel, afin de réserver ce statut à quelques rares exceptions, dont la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.
Avec cette proposition de loi visant à proroger les fonctions de l’actuel Médiateur, nous sommes aujourd’hui en présence d’une sorte de demande de renvoi préjudiciel. Il est toutefois dommageable que nous soyons aujourd’hui obligés de voter cette prorogation alors que le projet de loi organique a été déposé en septembre dernier, comme cela a déjà été indiqué.
Cette situation illustre à quel point la surcharge du calendrier parlementaire – je pense aux multiples textes pénaux à vocation médiatique – peut nous contraindre à agir dans la précipitation, voire l’improvisation. Il est ainsi anormal de devoir voter un tel texte à quinze jours de l’expiration du mandat du Médiateur.
Ce texte pallie néanmoins un vide prévisible et dommageable. Fort de cette constatation, c’est tout naturellement que l’ensemble du groupe du RDSE le votera. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Heureusement que Patrice Gélard s’est aperçu que le mandat expirait !
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a inscrit dans notre Constitution un nouveau titre relatif au défenseur des droits. L’article 71-1 prévoit ainsi l’instauration de cette nouvelle institution indépendante, dotée de pouvoirs et de moyens d’action accrus, afin que cette dernière puisse veiller au respect des droits et libertés de chacun de nos concitoyens.
Dans la mission qui est la sienne, le Défenseur des droits se voit confier par le projet de loi organique des attributions qui incluront celles qu’exercent actuellement le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
D’ailleurs, puisque cela a été évoqué par un certain nombre de nos collègues, pourquoi ne pas y inclure aussi celles de la HALDE ? En effet, je crois sincèrement que le fait de multiplier des autorités est une façon de les marginaliser, de leur donner moins de visibilité. À l’inverse, le fait de regrouper sous la même autorité ces différentes missions donne à celui qui exerce cette fonction beaucoup plus de visibilité et une véritable audience sur le plan national.
Aujourd’hui, il existe toute une série d’autorités dont le grand public ignore aussi bien les compétences que le nom des dirigeants. Or, si nous avons un vrai Défenseur des droits en charge de la question du respect des droits de l’homme et du citoyen dans son ensemble, il sera à mon avis beaucoup plus audible et respecté.
Notre collègue le doyen Gélard, sur le fondement de sa proposition de loi, a souligné de manière opportune les difficultés qui nous seraient imposées par le calendrier législatif en cas de statu quo. En effet, eu égard à ce calendrier, il semble évident que les projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits ne pourront pas être adoptés avant le 12 avril 2010, date à laquelle s’achève le mandat de Jean-Paul Delevoye, actuel Médiateur de la République.
La proposition de loi vise donc à modifier l’article 2 de la loi du 3 janvier 1973 instituant le Médiateur de la République pour une durée de six ans, afin de proroger le mandat de ce dernier jusqu’à l’adoption de la loi relative au Défenseur des droits.
Cette mesure caractérise notre volonté de préserver l’activité du Médiateur de la République jusqu’à la création de ce Défenseur des droits, évitant ainsi toute vacance de cette fonction cruciale pour la défense des droits et des citoyens face à l’administration.
Surtout, la nomination d’un nouveau Médiateur pour quelques mois n’aurait à mon avis pas été une solution adaptée. Ainsi, les membres du groupe UMP et moi-même partageons le pragmatisme qui a guidé notre collègue M. Gélard. En effet, les attributions du futur Défenseur des droits reprenant, entre autres, celles du Médiateur de la République, il semble plus cohérent que la passation de dossiers se déroule avec un Médiateur de la République présent depuis avril 2004, plutôt qu’avec un nouveau Médiateur en poste depuis peu, qui n’aurait pas eu le temps de prendre connaissance de l’ensemble des affaires traitées par l’institution.
Par ailleurs, le texte initial prévoyait que la prorogation ne pourrait dépasser la date du 31 décembre 2010. Toutefois, sur la proposition de M. le rapporteur, notre commission a souhaité modifier ce point, afin de prolonger de trois mois les délais impartis en portant la date butoir au 31 mars 2011.
Cette modification va dans le bon sens : elle permet de préserver un juste équilibre entre, d’une part, la volonté de proroger le mandat du Médiateur dans des délais acceptables – à savoir, moins d’un an – et, d’autre part, la nécessité de s’assurer que la promulgation de la loi organique sur le Défenseur des droits, qui doit être soumise préalablement au Conseil constitutionnel, interviendra dans des délais raisonnables. À cet égard, je partage complètement le sentiment de ceux qui, dans cet hémicycle, ont indiqué que cela n’avait que trop tardé.
Dans ces conditions, le groupe UMP est bien entendu favorable à l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Mesdames et messieurs les sénateurs, permettez-moi de formuler quelques brefs éléments de réponse à vos différentes interventions, toutes riches et intéressantes.
Je me tournerai d’abord vers le doyen Patrice Gélard, auteur de la proposition de loi. Il est un point, monsieur le rapporteur, que je n’ai pas relevé tout à l’heure dans mon discours liminaire, mais qui mérite un mot d’explication. En effet, vous avez indiqué que tous les projets de loi organique ou ordinaire ont été déposés, à l’exception du projet de loi organique relatif au référendum d’initiative populaire.
Ce retard résulte non pas d’une mauvaise volonté, mais seulement de l’importance du travail d’expertise technique nécessaire pour parvenir à comptabiliser les 4,4 millions de soutiens nécessaires à l’initiative populaire. Ce travail a été fait, et le texte est aujourd’hui en cours de finalisation. Je tiens à vous rassurer, monsieur le président de la commission : le projet sera déposé sur le bureau d’une des deux assemblées d’ici à la fin du printemps. Ainsi, nous avons à cœur de répondre à votre demande légitime.
Madame Borvo Cohen-Seat, le Gouvernement est véritablement déterminé à ce que la création du Défenseur des droits n’aboutisse en aucun cas à un recul de la protection des droits et libertés de nos concitoyens, bien au contraire. Comme je l’ai dit tout à l’heure, il s’agit d’une autorité constitutionnelle, qui aura le pouvoir et les moyens nécessaires pour assurer ses missions ; le futur débat parlementaire donnera d’ailleurs l’occasion au Gouvernement d’être à l’écoute de toute proposition d’amélioration qui pourrait émaner de votre assemblée.
Monsieur Yung, l’encombrement du calendrier parlementaire – j’y faisais moi-même allusion tout à l’heure – n’est pas une nouveauté liée à la révision constitutionnelle. Il est vrai que nous menons un travail important et qu’il y a beaucoup de réformes en cours. N’allons pas nous en plaindre : ces réformes sont attendues. Toutefois, je partage votre souhait de voir aboutir le plus rapidement possible les textes sur le Défenseur des droits.
Madame Escoffier, je ne reprendrai pas tous les éléments fort intéressants de votre intervention, mais vous répondrai sur un point précis.
Vous faisiez en effet allusion à un avis donné par la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Or, conférer au Défenseur des droits à la fois des missions de médiation et de contrôle ne doit pas être un problème. Le Défenseur des droits utilisera les moyens et les outils adéquats pour traiter chaque type de dossiers et de situations qui lui sera soumis.
La question du périmètre de ses attributions, que vous avez également soulevée, pourra bien sûr être discutée lors des débats parlementaires, débats qui seront, j’en suis certain, nourris et riches de propositions.
Enfin, Monsieur Béteille, vous avez clairement expliqué pourquoi le Défenseur des droits, en rassemblant plusieurs autorités administratives indépendantes, permettra aussi une rationalisation et une meilleure organisation de la défense des droits de nos concitoyens. Cette défense passe par des intentions, nobles, mais aussi par une méthode : c’est également là-dessus que repose la crédibilité de ces autorités. À cet égard, la crédibilité acquise par le Médiateur ainsi que la capacité de ce dernier à évoluer, à prendre en charge de nouvelles missions doivent nous servir d’exemple.
Le Défenseur des droits disposera d’une autorité plus importante du fait de son statut constitutionnel. Il permettra, comme vous l’avez souligné, un traitement plus efficace de cas complexes qui relèvent actuellement de plusieurs autorités. Je vous sais gré, monsieur le sénateur, de l’avoir rappelé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l’article unique.
Article unique
Par dérogation à l’article 2 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur, la durée du mandat du Médiateur de la République en fonction depuis le 13 avril 2004 est prorogée jusqu’à la date d’entrée en vigueur de la loi organique prévue à l’article 71-1 de la Constitution et, au plus tard, jusqu’au 31 mars 2011.
M. le président. Je ne suis saisi d’aucun amendement.
Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je souhaite réaffirmer que le groupe socialiste n’a pas d’objection ni sur le montage juridique retenu ni même sur le fond. Cependant, le cadre général de notre travail – point sur lequel la réponse de M. le secrétaire d’État ne m’a pas vraiment convaincu – fait que nous nous abstiendrons. Ce faisant, nous voulons envoyer un message à la conférence des présidents et au Gouvernement : nous nous livrons à un véritable travail de gribouille ! Je rappellerai que, mardi soir, nous avons commencé le débat préalable au Conseil européen à minuit et quart…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’était pas pour les mêmes motifs ! Ne mélangeons pas les choses…
M. Richard Yung. Ce n’était peut-être pas pour les mêmes motifs ; reste que l’ensemble de notre travail est mal organisé !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. J’entends ce discours depuis vingt-six ans !
M. Richard Yung. Nous ne travaillons pas dans de bonnes conditions ! Voilà le sens de notre abstention.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
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Tarif réglementé d'électricité
Adoption d'une proposition de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à autoriser les consommateurs finals domestiques d’électricité et les petites entreprises à retourner au tarif réglementé d’électricité, présentée par M. Ladislas Poniatowski et plusieurs de ses collègues du groupe UMP (proposition n° 183, texte de la commission n° 324, rapport n° 323).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Ladislas Poniatowski, auteur de la proposition de loi et rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission de l’économie et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, la commission de l’économie et du développement durable a bien voulu me désigner rapporteur de ma proposition de loi tendant à autoriser les consommateurs domestiques et les petites entreprises à retourner au tarif réglementé d’électricité. C’est donc à la fois en tant qu’auteur et que rapporteur que j’ai le plaisir de vous exposer les motivations de ce texte, dont la portée est certes très limitée, mais qui présente un vrai caractère d’urgence. Permettez-moi, mes chers collègues, de vous rappeler brièvement les raisons qui appellent urgemment une nouvelle loi dans ce domaine.
Vous le savez tous, l’Union européenne a décidé de libéraliser le marché de la fourniture d’électricité et de gaz. En application des directives communautaires successives, la France a ouvert à la concurrence, par étapes, le marché de ces deux formes d’énergie. Depuis le 1er juin 2007, l’ensemble des consommateurs, particuliers comme professionnels, peuvent s’adresser librement au fournisseur d’électricité ou de gaz de leur choix.
Mais plus de deux ans après la libéralisation complète du marché, la très grande majorité des consommateurs ont choisi de demeurer aux tarifs réglementés, et la répartition des ventes entre les tarifs réglementés et le marché libre évolue très lentement.
Monsieur le ministre d’État, vous nous avez fourni les chiffres les plus récents, qui datent de décembre 2009.
Concernant l’électricité, seuls 1 312 000 particuliers très précisément, sur un total de 29 900 000, sont passés à un fournisseur alternatif à EDF ; pour les clients industriels, la concurrence est un peu plus importante puisque 366 000 industriels sont passés à un fournisseur alternatif, sur un total de 4 850 000.
La situation est comparable pour le marché du gaz puisque 637 000 particuliers seulement, sur un total de 10 790 000, sont passés à un fournisseur alternatif à GDF. Pour les industriels, grands et petits, le ratio est de 113 000 sites passés à un fournisseur alternatif, sur un total de 685 000.
Les tarifs réglementés bénéficient auprès des consommateurs d’une image positive, tenant à leur simplicité, à la notoriété des fournisseurs qui les proposent, ainsi qu’au caractère modéré de leur évolution, dû à leur encadrement par l’État.
En pratique, l’écart entre le tarif réglementé et le prix de marché – ce qu’il est convenu d’appeler le « ciseau tarifaire » – est demeuré plus grand pour l’électricité que pour le gaz, dont le tarif réglementé est très proche du prix de marché.
Deuxième observation, je voudrais attirer votre attention, mes chers collègues, sur l’importance de prolonger, d’étendre et de simplifier le principe de réversibilité.
La loi permet, jusqu’au 30 juin 2010, aux consommateurs d’électricité et à certains consommateurs de gaz qui quittent leur fournisseur d’origine et optent pour la concurrence de revenir, au terme d’un délai de six mois, au tarif réglementé s’ils jugent que tel est leur intérêt, s’ils ont été mal servis ou si les prix, à leurs yeux, étaient trop élevés.
Ce principe de « réversibilité » est essentiel pour un réel développement de la concurrence, et les consommateurs hésiteront en effet d’autant moins à quitter l’opérateur historique qu’ils auront la garantie de pouvoir revenir au tarif réglementé, que celui-ci est le seul à offrir, si d’aventure le tarif de marché évoluait à la hausse. C’est pourquoi la réversibilité est un argument commercial majeur pour les nouveaux entrants lorsqu’ils démarchent des clients.
Or ce principe de réversibilité a été défini comme une mesure transitoire. Dernièrement, la loi du 21 janvier 2008 en a fixé le terme au 1er juillet 2010, d’où la nécessité de le prolonger.
Par ailleurs, le périmètre du principe de réversibilité est complexe. Pour l’électricité, il convient de distinguer entre les consommateurs finals domestiques, qui bénéficient d’une réversibilité totale, et les consommateurs finals non domestiques, qui ne profitent du principe de réversibilité qu’en dessous d’un seuil de puissance de 36 kilovoltampères. Pour le gaz, il convient également de distinguer entre les consommateurs finals domestiques, qui ne bénéficient que d’une réversibilité partielle, et les consommateurs finals non domestiques, qui ne profitent pas du principe de réversibilité, d’où la nécessité de simplifier cette réversibilité.
Troisième observation, je voudrais également attirer votre attention sur un risque de caducité avant l’adoption du texte relatif à la nouvelle organisation du marché de l’électricité, dit projet de loi NOME, tant attendu, dont vous nous direz certainement quelques mots, monsieur le ministre d’État.
En effet, dans le prolongement du rapport Champsaur présenté au printemps 2009, le Gouvernement travaille actuellement à ce projet de loi. À ce propos, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre d’État, de votre volonté d’associer les nombreux acteurs concernés par ce sujet, y compris les élus que nous sommes, en diffusant assez largement un premier avant-projet, en amont de l’envoi du texte au Conseil d’État, mardi dernier. L’ensemble des acteurs concernés ont été sensibles à cette volonté de les associer, en amont, afin de faire réagir les uns et les autres.
Selon l’avant-projet soumis à concertation, ce texte devrait comporter notamment un mécanisme dit « d’accès régulé à la base » qui consistera à mettre à disposition des fournisseurs alternatifs une fraction de la production électronucléaire d’EDF. Je crois que c’est un des sujets qui fera largement débat,…
M. Roland Courteau. Oh oui !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. … mais ce n’est pas le sujet d’aujourd'hui.
Quant au principe de la réversibilité de l’accès au tarif réglementé d’électricité, il est bien prévu dans le projet de loi NOME de le pérenniser. Toutefois, il est aujourd’hui clair que ce texte ne pourra pas être définitivement adopté et promulgué avant le 1er juillet de cette année. Le texte du projet de loi vient d’être soumis au Conseil d’État, et vous pouvez espérer, monsieur le ministre d’État, le présenter en conseil des ministres vers la mi-avril. Si l’on tient compte de la première lecture qui doit intervenir dans chaque assemblée, d’une probable deuxième lecture, puis du délai de promulgation, il est évident que nous n’arriverons pas au vote définitif avant cette date.
Or la fin annoncée de la réversibilité au 1er juillet 2010 inquiète légitimement les clients. Il s’agit d’une insécurité juridique majeure. Récemment, un communiqué commun à dix-sept associations de consommateurs, les plus importantes, a appelé ceux-ci à la prudence en les dissuadant de faire jouer leur éligibilité au risque de ne plus pouvoir revenir aux tarifs réglementés, de gaz comme d’électricité.
Cette situation a abouti à un gel du marché, qui s’est figé dans l’attente du sort qui sera réservé au principe de réversibilité et, au-delà, aux tarifs réglementés eux-mêmes. En pratique, les fournisseurs nouveaux entrants sur le marché ont quasiment cessé toute prospection de clients. Comme me l’ont confirmé les auditions auxquelles j’ai procédé, ces entrants ont purement et simplement abandonné une grande partie de leur effort commercial, d’où l’urgence de légiférer aujourd'hui.
La proposition de loi que j’ai déposée le 17 décembre dernier a été cosignée par quatre-vingt-un de nos collègues. Son champ était initialement limité au seul tarif réglementé d’électricité. Toutefois, en tant que rapporteur, j’ai procédé, au cours du mois de février dernier, à l’audition d’une quinzaine d’administrations, d’institutions, d’entreprises, d’associations et de syndicats concernés par la question. Cette série d’auditions m’a amené à prolonger ma réflexion et à proposer d’étendre la portée du texte.
La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a bien voulu me suivre pour élargir le champ de ma proposition de loi initiale sur quatre points.
Premièrement, la commission a finalement décidé de ne pas modifier le critère retenu actuellement pour définir les petites et moyennes entreprises en tant que consommatrices d’électricité. Le droit existant raisonne en puissance électrique installée, avec un seuil de 36 kilovoltampères.
Je n’avais d’abord envisagé d’introduire les critères du droit communautaire, qui définissent les PME par un nombre de salariés inférieur à cinquante personnes et un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions d’euros, que dans le seul but de faciliter l’obtention de l’accord de la Commission européenne. Or il résulte des échanges approfondis entre le gouvernement français et la Commission que celle-ci ne voit plus aujourd'hui aucune objection à ce que la France conserve son critère de puissance installée, même s’il distingue notre pays des autres États membres.
Deuxièmement, la commission vous propose de confirmer la pérennisation du principe de réversibilité pour l’électricité, en faisant disparaître la date butoir du 1er juillet 2010…
M. Roland Courteau. C’est ce que nous demandions !
M. Daniel Raoul. Depuis longtemps !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. … partout où elle apparaît dans le droit existant, c’est-à-dire dans l’article 66 de la loi du 13 juillet 2005, ce qui était demandé par l’ensemble des groupes de notre assemblée ; ce n’était pas une demande exclusive d’une formation politique. Tous ceux qui suivent de près ce sujet, parfois depuis de nombreuses années, sont favorables à la pérennisation de ce principe.
Troisièmement, la commission vous propose d’élargir le champ du texte au tarif réglementé du gaz naturel, en modifiant également l’article 66-1 de la loi du 13 juillet 2005, pour y faire aussi disparaître la date butoir du 1er juillet 2010. Nous examinerons tout à l’heure un amendement présenté par M. Roland Courteau et les membres du groupe socialiste, qui tend à faire bénéficier les consommateurs domestiques de gaz d’une réversibilité totale, comme en matière d’électricité.
Quatrièmement, enfin, la commission vous propose de confirmer le droit aux tarifs réglementés pour les nouveaux sites de consommation, en visant l’article 66-2 de la loi précitée, pour l’électricité, et son article 66-3, pour le gaz. Nous discuterons tout à l’heure d’un amendement présenté par M. Xavier Pintat, qui tend à faire bénéficier de l’accès au tarif réglementé d’électricité les sites d’une puissance installée supérieure à 36 kilovoltampères, amendement auquel je suis également favorable.
Du fait de toutes les améliorations qui ont été apportées à ma proposition de loi, la commission en a modifié l’intitulé afin de mettre celui-ci en adéquation avec l’élargissement du champ de ce texte.
Pour conclure, mes chers collègues, je voudrais évoquer un élément que j’ai volontairement omis dans ma proposition de loi : il s’agit du tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, le fameux TaRTAM, créé par la loi du 7 décembre 2006.
Vous vous souvenez que le TaRTAM a été mis en place pour répondre aux préoccupations des entreprises qui, ayant fait le choix de la concurrence pour leur approvisionnement électrique, se sont trouvées confrontées à une explosion des prix de marché de cette énergie. Le niveau du TaRTAM a été fixé à mi-chemin entre les tarifs réglementés, auxquels les grands consommateurs ne peuvent plus revenir, et les prix de marché. Mais surtout, le TaRTAM a été conçu comme un dispositif transitoire, arrivant lui aussi à échéance au 1er juillet 2010.
La future loi NOME devrait permettre aux grands consommateurs industriels, par le mécanisme de l’accès régulé à la base, de se fournir en électricité à un prix raisonnable. Mais en attendant qu’elle soit votée, il paraît pertinent de proroger le TaRTAM pour une période complémentaire.
La seule raison pour laquelle je ne vous propose pas de le faire est que j’ai estimé préférable de laisser la navette parlementaire enrichir sur ce point ma proposition de loi. Le président Jean-Paul Emorine et moi-même nous sommes mis d’accord avec le président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, Patrick Ollier, et avec mon homologue rapporteur à l’Assemblée nationale, Jean-Claude Lenoir, pour que ce soient eux qui introduisent la prorogation du TaRTAM dans le texte. Je vous rappelle qu’au moment du vote de la loi de 2006 Jean-Claude Lenoir était le parrain de la création de ce mécanisme du TaRTAM. Il me semble à la fois plus efficace de nous concentrer sur la seule question des tarifs réglementés et plus équitable de laisser aux députés le soin de compléter le texte qui sera issu du Sénat en première lecture.
C’est aussi – et cela n’aura pas échappé à un grand nombre d’entre vous – la garantie de voir – pour une fois, suis-je tenté de dire – une proposition de loi examinée rapidement par la seconde assemblée, au lieu qu’elle vienne grossir la file des textes en attente. Je vous signale d'ailleurs qu’un créneau a déjà été trouvé par l’Assemblée nationale qui a prévu d’examiner ce texte vers le 10 mai prochain.
Monsieur le ministre d’État, dans la mesure où ce texte sera modifié, une deuxième lecture sera nécessaire devant le Sénat ; j’espère que vous serez attentif à ce qu’elle puisse intervenir le plus rapidement possible et que nous trouverons une demi-journée afin que soit repoussé le terme du principe de réversibilité avant le 1er juillet 2010.
Mes chers collègues, cette proposition de loi a fait l’objet d’une discussion très consensuelle jusqu’à présent puisqu’elle a été adoptée à l’unanimité des membres de la commission. Je forme bien sûr le vœu que ce consensus se prolonge en séance publique et que soit voté dans les mêmes conditions ce texte pragmatique, qui répond à une inquiétude et à un besoin urgent des consommateurs français de gaz et d’électricité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l’Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord remercier la commission de l’économie, son président, M. Jean-Paul Emorine, son rapporteur, M. Ladislas Poniatowski, ainsi que tous ceux qui, préoccupés par l’état actuel de notre réflexion sur l’énergie, ont rédigé cette proposition de loi désormais indispensable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez le but visé par ce texte, auquel le Gouvernement souscrit : il s’agit de garantir à des centaines de milliers de consommateurs d’électricité et de gaz une liberté essentielle, celle de pouvoir choisir leurs fournisseurs en fonction de leur situation et de leurs besoins.
La réglementation en vigueur permet à ceux que l’on appelle les « petits consommateurs », autrement dit les particuliers et certains professionnels, d’opter soit pour le fournisseur historique, soit pour un autre fournisseur. Le consommateur, s’il choisit le fournisseur historique, pourra bénéficier des tarifs dits réglementés, dont l’évolution est fixée par le Gouvernement. En revanche, s’il opte pour un autre fournisseur, les prix qui lui seront proposés seront fixés librement.
J’ajoute que la loi du 21 janvier 2008 relative aux tarifs réglementés d’électricité et de gaz naturel a prévu que les consommateurs domestiques ayant souscrit une offre de marché puissent, dans certains cas, revenir sur leur décision et bénéficier à nouveau des tarifs réglementés.
Ces dispositions ont essentiellement pour but de protéger les consommateurs de gaz et d’électricité. Toutefois, elles ne s’appliquent que jusqu’au 1er juillet 2010, car, comme le rappelait M. Ladislas Poniatowski, le législateur ne disposait pas d’une très grande visibilité sur l’avenir des marchés au moment du vote de cette loi.
Nous aurons sans doute l’occasion de revenir sur cette question de manière beaucoup plus approfondie dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la nouvelle organisation du marché de l’électricité, dit NOME. Ce texte a effectivement fait l’objet de nombreuses concertations en amont avec les opérateurs, les consommateurs, les parlementaires, et ce de la manière la plus large, la plus ouverte et la plus transparente. Je ne doute pas qu’il puisse être examiné au printemps, puisque, je le rappelle, il a été transmis au Conseil d’État il y a quarante-huit heures.
L’objet principal de ce projet de loi est essentiel, l’énergie étant à la fois un fondement majeur de la compétitivité et un produit de première nécessité pour nos compatriotes. Le sujet est majeur, vital : le xxie siècle sera le siècle de l’énergie, des énergies en évolution d’ailleurs, puisque le mix énergétique se modifie.
Nous soutenons résolument ce texte, monsieur Poniatowski, pour lequel l’examen des amendements ne devrait pas poser de difficulté particulière. Vos conseils, ainsi que ceux de M. Jean-Claude Merceron, ont été précieux. Je salue également les travaux de la commission Champsaur, dont deux membres de la Haute Assemblée sont, au fond, à l’origine.
Dans l’attente de la future loi NOME, il serait regrettable que les consommateurs ne puissent plus bénéficier de la même liberté de choix qu’aujourd’hui. Cette proposition de loi tend donc à maintenir le dispositif actuel en supprimant simplement la référence au 1er juillet 2010 dans la loi du 21 janvier 2008.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement soutient sans aucune réserve cette proposition de loi. Je ne doute pas que la Haute Assemblée l’approuvera.
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la possibilité que des modifications soient introduites par l’Assemblée nationale. J’ai bien pris note de votre souci de trouver une fenêtre parlementaire – un après-midi ou une matinée – pour une éventuelle deuxième lecture dans un délai très bref ou, en tout cas, compatible avec les dates auxquelles ces dispositions devront entrer en vigueur. Le Gouvernement sera évidemment extrêmement vigilant sur ce point et compte sur la collaboration du Sénat pour que le moment le plus adapté soit retenu. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l’Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi du sénateur Ladislas Poniatowski visant à permettre la réversibilité des tarifs réglementés au-delà du 1er juillet 2010.
Je tiens à rappeler que les sénateurs de mon groupe avaient déposé des amendements allant en ce sens dès l’examen du projet de loi relatif au secteur de l’énergie, qui tendait à autoriser la privatisation de Gaz de France.
La majorité parlementaire avait soutenu unanimement la libéralisation totale du secteur de l’énergie, sans se soucier un instant des conséquences sur le pouvoir d’achat des ménages et sur l’activité économique de nos entreprises. Cette majorité, à laquelle vous appartenez, monsieur le rapporteur, avait refusé sans appel nos propositions !
Aujourd’hui, vous motivez le dépôt de votre proposition de loi par le « risque évident de vide juridique pour l’application du principe de réversibilité entre le 1er juillet 2010 et la date future d’entrée en vigueur de la loi NOME ».
C’est sans doute la raison pour laquelle la proposition de loi a été entièrement réécrite, laissant perdurer un système complexe et injuste s’agissant des règles encadrant la réversibilité. Nos collègues sénateurs socialistes ont d’ailleurs déposé un amendement visant à corriger les lacunes de la réglementation pour le secteur du gaz. (M. Roland Courteau acquiesce.)
Le débat peut donc se dérouler tranquillement en attendant le projet de loi du Gouvernement qui, comme le note le rapport de M. Poniatowski, doit notamment modifier les principes de construction des tarifs réglementés.
Au Sénat pour les petits consommateurs, à l’Assemblée nationale pour les entreprises, on se concentre sur la réversibilité des tarifs sans évoquer l’envolée des factures de gaz, d’électricité ou de fioul, sans aborder la question du pouvoir d’achat, sans oser faire le bilan des effets pervers de la concurrence sur l’activité économique de nos entreprises, sans s’interroger sur l’avenir des tarifs réglementés. Quels tarifs le Gouvernement pourra-t-il garantir dans les mois et les années à venir ?
Lors des débats en 2006, nous avions dénoncé les hausses – jusqu’à 70 % pour le gaz – des factures énergétiques des entreprises. Conséquences directes de la politique énergétique gouvernementale, des sites ont fermé, en particulier dans le secteur papetier qui est grand consommateur d’énergie, et des emplois ont été supprimés. Aujourd’hui, la Commission de régulation de l’énergie doit se prononcer sur une augmentation de 9,5 % du prix du gaz au 1er avril !
Cet hiver, la période de très grand froid a été particulièrement longue. Nos concitoyens ont dû y faire face. Les ménages les plus modestes, ceux qui vivent dans des logements vétustes ou mal isolés faute de moyens, ont parfois renoncé à se chauffer correctement tant la note était lourde !
Face à ces circonstances climatiques difficiles, nous avons déposé un amendement tendant à rétablir la prime à la cuve pour les ménages se chauffant au fioul. Cet amendement a été déclaré irrecevable par la commission des finances. Mais cela ne vous empêche en rien, monsieur le ministre d’État, de reconduire cette prime dès aujourd’hui. Vous en avez le pouvoir et les Français en ont besoin !
Cette absence de débats sur le prix de l’énergie s’accompagne naturellement de celle de la maîtrise publique nécessaire du secteur énergétique. La réversibilité des tarifs réglementés suppose leur maintien. Or, me semble-t-il, la pérennité des tarifs réglementés n’est pas une affaire de date. Elle repose sur la maîtrise publique du secteur énergétique.
La déréglementation de ce secteur, orchestrée par le Gouvernement, entraîne inévitablement l’augmentation des tarifs du gaz et de l’électricité. Elle sert l’objectif premier de rentabilité à court terme et de rémunération des actionnaires. Tout cela se fait au détriment des investissements et des consommateurs.
Ces logiques marchandes délétères pour le service public de l’énergie, portées par le Gouvernement, contaminent même l’opérateur historique, EDF.
En outre, on ne peut ignorer le contenu de l’avant-projet de loi relatif à la nouvelle organisation du marché de l’électricité. En effet, devançant les demandes de Bruxelles, le Premier ministre a confirmé qu’il allait offrir une part substantielle de la production électronucléaire française aux opérateurs privés qui en feront la demande.
Cette mesure, qui constitue une véritable aide publique en faveur du secteur privé, violant les règles de la concurrence libre et non faussée, est inacceptable ! Elle permettra au marché privé d’accroître ses marges, d’augmenter les tarifs, sans devoir supporter le coût des investissements nécessaires à l’entretien des outils de production, à leur démantèlement ou au traitement des déchets produits.
Les usagers vont être doublement pénalisés. Ils ont financé le parc de production électrique français et vont être totalement dépossédés du retour sur investissement. De plus, ils subiront de plein fouet les hausses des tarifs.
Enfin, sans revenir sur l’absence totale de transparence de la formule qui permet de fixer les tarifs réglementés, nous sommes très inquiets du contenu de l’avant-projet de loi sur cette question.
En effet, le texte tendrait à prévoir que « la structure et le niveau des tarifs réglementés de vente d’électricité hors taxes [soient] fixés afin d’inciter les clients à limiter leur consommation aux périodes où la consommation de l’ensemble des consommateurs est la plus élevée ». Autrement dit, du chauffage pour ceux qui ont les moyens de le payer, les autres se passeront de ce luxe !
Je voudrais dire un dernier mot à ceux qui penseraient que la solution se trouve dans la privatisation du nucléaire civil. Une telle direction, qui n’est pas exclue par le Président de la République, présenterait de graves dangers en termes de sécurité des installations, d’entretien des réseaux, d’indépendance énergétique.
Cette question ne peut faire l’objet d’aucun compromis. Une forte maîtrise publique est seule capable de permettre la transparence nécessaire sur les objectifs industriels et de recherche, ainsi que sur le niveau de sécurité des installations nucléaires.
Dans ce contexte, la proposition de loi que nous examinons perd terriblement de son intérêt. Il est important de protéger le consommateur qui a quitté les tarifs réglementés dans l’espoir de voir baisser sa facture et qui se retrouve pris en otage, sur les bons conseils de la majorité, par le jeu de la concurrence.
Mais jusqu’à quel point le protégeons-nous en adoptant simplement ce texte ? Il est surtout urgent de se mobiliser en faveur d’une maîtrise publique forte du secteur énergétique et d’arrêter ce gâchis. L’énergie est un bien essentiel qui doit être exclu des règles du marché !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Merceron.
M. Jean-Claude Merceron. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’excellent travail de l’auteur et du rapporteur de cette proposition de loi, notre collègue Ladislas Poniatowski. Le travail est d’autant plus remarquable que le projet comportait plusieurs difficultés, dont, en premier lieu, l’urgence de combler le vide juridique avant le 1er juillet 2010.
En effet, la loi du 13 juillet 2005 prévoyait au 1er juillet 2010 la fin de la réversibilité, c’est-à-dire la possibilité pour le consommateur résidentiel qui a choisi un fournisseur concurrent d’EDF de revenir aux tarifs réglementés d’EDF.
Or, le projet de loi relatif à la nouvelle organisation du marché de l’électricité ne devrait pas être promulgué à cette date. En supprimant la date butoir de l’article 66 de la loi de 2005, la proposition de loi comble à bon escient un vide juridique et vient pérenniser le principe de réversibilité.
En outre, la réversibilité agit comme un filet de sécurité efficace pour les consommateurs et permet un premier pas vers une concurrence effective entre les fournisseurs d’énergie électrique. En effet, il n’y a de concurrence effective que si les consommateurs ayant choisi un fournisseur d’électricité autre qu’EDF sont assurés de pouvoir revenir, s’ils le souhaitent, au tarif réglementé.
La réversibilité permet en ce sens de lever un obstacle majeur au libre choix du fournisseur et donc de « dégeler » la situation des fournisseurs concurrents, qui voient leur prospection aujourd’hui figée par la date butoir du 1er juillet.
L’apport des membres de la commission doit bien entendu être également salué.
J’approuve notamment l’élargissement de la portée du principe de réversibilité au gaz naturel. Les consommations résidentielles tout comme l’état de la concurrence dans ce secteur sont en effet assez proches, et il me semble opportun de les traiter au détour de cette proposition de loi.
Autre point important : l’application de la réversibilité aux consommateurs de moins de 36 kilovoltampères n’exclut pas les collectivités territoriales.
Il faut dire que, dans mon département, afin de suivre les recommandations gouvernementales d’ouverture à la concurrence, la grande majorité des 282 communes vendéennes, par l’intermédiaire du syndicat d’énergie, a lancé un appel d’offres groupé pour l’éclairage public.
Le texte donne aujourd’hui satisfaction, puisque la plupart des points de livraison comptent moins de 36 kilovoltampères. Toutefois, il ne faudrait pas que la définition de site englobe l’ensemble des points de livraison d’une même commune, sinon le seuil risque d’être dépassé et les communes seront pénalisées, alors qu’elles ont été exemplaires dans l’application des préconisations gouvernementales.
Hormis cette précision de grande importance, à savoir « un comptage égale un site », je salue sans réserve les apports méritants de la proposition de loi de notre collègue Poniatowski, qui constitue une étape préliminaire importante. Elle permet de nous projeter sur le projet de loi à venir relatif à la nouvelle organisation du marché de l’électricité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi tend à autoriser les consommateurs domestiques et les petites entreprises à retourner au tarif réglementé d’électricité et de gaz naturel. Même si nous soutenons une telle mesure, que nous avions réclamée à plusieurs reprises afin de préserver les tarifs réglementés et d’assurer la protection des ménages dans la jungle de la concurrence, je suis tenté de dire : encore un texte de plus, une nouvelle modification législative !
En effet, depuis l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie aux ménages voulue par le gouvernement Raffarin et les dispositions législatives qui en ont découlé, nous allons de propositions de loi en amendements, de rebondissements en ajustements, de modifications en corrections. Si nous corrigeons, modifions, rapiéçons, réparons, c’est pour limiter les conséquences néfastes de l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité et du gaz aux ménages. C’est bien là l’aveu d’une erreur !
Certes, dans le cas présent, la proposition de loi est destinée à combler un vide juridique, en attendant le texte relatif à la nouvelle organisation du marché de l’électricité. Elle vise en quelque sorte à faire sauter la date butoir du 1er juillet 2010 prévue à l’article 66 de la loi POPE, la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique.
M. Roland Courteau. En fait, la majorité sénatoriale applique exactement les préconisations de nos propositions de loi ou de nos amendements qu’elle avait pourtant rejetés. En 2007, Daniel Raoul avait prévenu que le maintien de cette date butoir poserait problème à l’approche du 1er juillet 2010. Nous y sommes !
En acceptant l’ouverture à la concurrence en 2002, la France s’est mise dans une mauvaise passe. Comme le soulignait également Daniel Raoul, nous sommes punis par où la majorité a péché !
M. Jackie Pierre. Oh !
M. Roland Courteau. L’Europe a jusque-là montré son incapacité à mener une véritable politique énergétique, sauf à laisser croire que le marché pourra tout réguler.
On connaît la suite avec les désordres qui s’ensuivirent, en particulier des hausses des prix de l’énergie très pénalisantes au cours des dernières années : 80 % au Royaume-Uni, 90 % au Danemark, et j’en passe.
Pourtant, depuis 2002, les gouvernements français successifs et leurs majorités parlementaires ont toujours voulu favoriser la primauté des mécanismes concurrentiels sur tout autre mécanisme régulateur. Je me souviens d’ailleurs très clairement des propos que vous teniez au moment de la transposition en 2000 de la directive signée en 1996 par M. Juppé, alors Premier ministre.
Par exemple, le rapporteur de ce texte, M. Revol, n’a eu de cesse de dénoncer le choix du gouvernement de l’époque, celui de M. Jospin, d’effectuer « une transposition tardive et insuffisamment libérale ». Oui, j’ai bien dit « insuffisamment libérale » ! Il regrettait que la France choisisse de limiter le degré d’ouverture au minimum et que cette transposition ne permette pas l’activité de négoce de l’électricité – achat pour revente –, sans laquelle, disait-il, la réalisation d’un véritable marché intégré de l’électricité était compromise
Avec le futur projet de loi NOME, nous allons franchir une étape supplémentaire pour tenter de soutenir artificiellement une concurrence dans un secteur qui, de par sa nature même, ne peut fonctionner si on l’abandonne aux mécanismes purement concurrentiels.
À qui cela va-t-il bénéficier ? Aux consommateurs, au premier rang desquels les ménages ? J’en doute ! L’instabilité des prix de l’énergie, leur volatilité à la hausse font planer de sérieux doutes et laissent à penser que ce seront plutôt eux qui en feront les frais avec une baisse de leur pouvoir d’achat du fait des dépenses incompressibles – le chauffage, par exemple – qui ne cessent de croître.
Pour la majorité sénatoriale, la conception de la construction européenne reposait sur une foi inconditionnelle dans les vertus de la concurrence et du marché. La preuve en est que, quelques années plus tard, le gouvernement de M. Raffarin a permis l’émergence de fournisseurs alternatifs à l’opérateur historique. La suite, nous la connaissons…
Dans un souci de clarté, je souhaiterais établir une bonne fois pour toutes les responsabilités par rapport à l’ouverture à la concurrence aux ménages.
Lors du Conseil européen de Barcelone, en mars 2002, le gouvernement Jospin avait obtenu que l’ouverture du marché de l’électricité et du gaz soit uniquement limitée aux professionnels et aux entreprises. En contrepartie de cette ouverture aux professionnels pour 2004, il avait obtenu le principe de l’adoption d’une directive-cadre sur les services d’intérêt général, la construction européenne devant ainsi reposer sur d’autres fondements que ceux du marché et des lois de la concurrence.
J’ajoute que le Président de la République de l’époque, M. Jacques Chirac, avait précisé, lors de la conférence de presse qui avait suivi le Conseil, que c’était bien la solution souhaitée qui avait été retenue et qu’il n’était pas admissible ni même acceptable d’aller plus loin. Bref, les ménages n’étaient en aucune façon concernés par l’ouverture du marché de l’électricité.
En revanche, c’est bien le 25 novembre 2002, lors d’un Conseil des ministres européens de l’énergie, que Mme Fontaine, ministre déléguée à l’industrie dans le gouvernement Raffarin, a accepté qu’une date finale soit fixée pour l’achèvement du marché intérieur de l’électricité et du gaz. C’est ainsi que les nouvelles directives de juin 2003 pour l’électricité et le gaz prévoiront plusieurs étapes pour aboutir à l’ouverture totale à la concurrence au 1er juillet 2007.
M. Roland Courteau. La transposition en droit français a été effectuée par la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l’énergie, à laquelle, je le rappelle, nous nous étions opposés.
C’est ainsi que, après avoir accepté l’ouverture totale à la concurrence et face à l’instabilité des marchés de l’énergie, se sont multipliées les initiatives visant à préserver les tarifs réglementés, fortement fragilisés par le processus de libéralisation.
Après avoir fait des choix idéologiques, gouvernements et majorités commencent à en mesurer les conséquences. Dès lors, les exceptions à la règle se multiplient : autant de palliatifs et de pansements à la défaillance d’un marché censé réguler, voire faire diminuer et stabiliser les prix ; autant de revirements, de volte-face d’une majorité et de gouvernements successifs.
Après les discours sur les prétendus bienfaits de la concurrence en matière de prix, donc de compétitivité et de pouvoir d’achat, vous n’en finissez pas d’introduire des colmatages pour en arriver à la réversibilité et à la mise en œuvre prochaine d’un droit de tirage sur le nucléaire pour permettre aux concurrents de l’opérateur historique de proposer des prix inférieurs à ceux qui sont actuellement pratiqués.
Tel est l’objet du projet de loi NOME, et ce sur fond de désorganisation totale du secteur de l’énergie, avec la privatisation de Gaz de France et l’ouverture du capital d’EDF ! À ce régime-là, on peut se demander : à quand la privatisation du nucléaire, qui pourrait passer par l’octroi d’un nouvel EPR à GDF-Suez ?
Que de désordres, y compris dans les discours !
Dans le même temps, on apprend que les tarifs réglementés du gaz pour les ménages pourraient être condamnés à disparaître et que le président d’EDF, M. Proglio, à l’instar de son prédécesseur, réclame une hausse des tarifs de l’électricité de 24 % pour 2010 et 2011.
Voilà un peu plus de deux ans, Luc Chatel affirmait encore ici son attachement aux grands principes de l’irréversibilité de l’éligibilité et de la transition progressive vers le marché. En clair, comme cela a déjà été dit, les tarifs réglementés n’étaient considérés que comme une digue « destinée à céder sous les coups de boutoir de la libéralisation européenne ».
Cependant, vous avez vous-même admis, monsieur le rapporteur, lors de l’examen de trois propositions de loi en 2007, que la libéralisation des marchés énergétiques avait produit « des effets pervers » qui devaient « nous inciter à la prudence ». C’était bien de le dire, mais c’était un peu tard.
Que n’avons-nous été écoutés lorsque nous le disions ! Nous avons toujours dit et répété que nous considérions comme fondamental qu’une régulation tarifaire publique soit maintenue, notamment au profit des ménages.
Cette proposition de loi est donc un palliatif, comme le furent les textes adoptés depuis l’ouverture totale du marché. Elle est destinée à combler un vide juridique dans l’attente d’un autre palliatif : le projet de loi relatif à la nouvelle organisation du marché de l’électricité. Ainsi allons-nous de palliatif en palliatif depuis l’ouverture totale du marché de l’énergie. C’est bien un aveu d’échec. Mais passons…
Rappelez-vous notre proposition de loi n° 462 tendant à préserver le pouvoir d’achat des ménages en maintenant les tarifs réglementés de vente d’électricité et de gaz naturel, dont le premier signataire n’était autre que Daniel Raoul, qui fut examinée par le Sénat en 2007 en même temps que les propositions de loi de Ladislas Poniatowski et de Xavier Pintat.
Elle visait à préserver les tarifs réglementés pour les ménages, sans limiter ce droit dans le temps. En fait, nous proposions de permettre aux ménages de bénéficier du tarif réglementé d’électricité en cas de déménagement, y compris lorsque l’occupant précédent avait déjà fait le choix de la concurrence. Nous proposions également d’étendre ce dispositif aux tarifs réglementés de gaz naturel. Destinée à environ 11 millions de foyers, cette proposition de loi avait été acceptée, mais avec la date butoir de 2010.
Nous avions dénoncé le danger bien réel du basculement de certains particuliers dans le secteur tarifaire non réglementé sans qu’ils en aient mesuré les conséquences à terme, à l’instar des entreprises qui sont tombées dans le piège de contrats alléchants.
Enfin, nous avions proposé que les nouveaux sites de consommation de gaz raccordés aux réseaux puissent bénéficier des tarifs réglementés, sans limiter ce droit dans le temps. Là encore, cet amendement ne fut adopté que sous-amendé par le rapporteur lui-même avec la date butoir de juillet 2010.
Faut-il le rappeler, notre objectif, contrairement aux deux autres propositions de loi, n’était pas de favoriser ou de stimuler par cette réversibilité le développement d’une concurrence parée de toutes les vertus. Comme j’ai essayé de l’expliquer, nous n’avons jamais cru aux vertus de la concurrence en matière de baisse des prix. Il s’agissait en fait, pour nous, de préserver autant que faire se peut les tarifs réglementés et donc le pouvoir d’achat des ménages et la liberté de choix.
Notre souci était du même ordre lorsque nous avons défendu un amendement dans le cadre de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie.
Globalement, nous sommes favorables à la proposition de loi de Ladislas Poniatowski, même si les préoccupations qui sous-tendent notre démarche ne sont pas identiques aux siennes.
Nous émettons cependant une réserve. Concernant le gaz, nous souhaitons introduire la réversibilité afin de protéger les consommateurs de l’instabilité des prix. Nous défendrons donc un amendement dont l’objet est d’instaurer pour les ménages un droit à la réversibilité totale des tarifs réglementés de gaz naturel.
Cette demande a été formulée par les associations, mais également, en 2008 et en 2010, par le médiateur national de l’énergie. Nous considérons que le principe de réversibilité pour le gaz permet d’assurer une meilleure protection des consommateurs, qui peuvent être confrontés à des offres mixtes d’électricité et de gaz naturel.
Le problème n’est pas nouveau. Parmi les trois propositions de loi défendues en octobre 2007 au Sénat, seule celle du groupe socialiste proposait la préservation des tarifs réglementés de gaz naturel et ne se limitait pas au secteur de l’électricité.
On nous avait alors rétorqué que seuls 11 millions de consommateurs seraient concernés par le gaz naturel, contre plus de 26 millions pour l’électricité. Tout de même, 11 millions de foyers, ce n’est pas rien ! Il faudrait que l’on nous explique pourquoi les ménages qui se chauffent au gaz ne pourraient pas bénéficier d’un tarif régulé, non soumis aux fréquentes hausses du marché, comme ceux qui se chauffent à l’électricité.
Le second argument généralement invoqué pour s’opposer à la nécessité de préserver les tarifs réglementés et d’instaurer la réversibilité, c’est le fait qu’il n’y aurait plus aujourd'hui de différence entre les tarifs réglementés et les prix libres du marché !
Or les tarifs réglementés constituent un verrou qui évite un alignement sur les prix de marché, volatils et non régulés. Jusqu’à présent, c’est le Gouvernement qui décide, in fine, s’il est opportun d’augmenter le tarif réglementé. En effet, les augmentations demandées par les opérateurs ne sont valables et applicables que si les ministres en charge de l’économie et de l’énergie, après avoir recueilli l’avis de la CRE, ne s’y opposent pas. Bref, c’est le ministre qui a le dernier mot !
Si les tarifs réglementés se sont progressivement alignés sur les prix de marché ces dernières années, c’est précisément parce que le Gouvernement a progressivement cédé aux demandes du groupe GDF, puis du groupe privatisé GDF-Suez.
Aujourd’hui, il semble que le Gouvernement souhaite franchir une étape supplémentaire en abandonnant totalement son pouvoir de décision en matière de fixation des tarifs réglementés de gaz naturel.
La presse s’est fait l’écho, voilà quelques semaines, de certaines dispositions du projet de loi NOME – et ce au moment même où le nouveau contrat de service public entre GDF-SUEZ et l’État venait d’être signé pour la période 2010-2013 – aux termes desquelles les tarifs réglementés seraient déterminés non plus par les ministres mais par GDF-Suez, après approbation de la Commission de régulation de l’énergie.
Ce retrait du politique en matière de fixation des tarifs n’est pas bon pour le pouvoir d’achat. La part consacrée aux dépenses d’énergie dans le budget des ménages n’a pas cessé de croître ces dernières années. Plusieurs études ont par ailleurs montré que la facture énergétique pesait beaucoup plus lourd pour les familles modestes, qui y consacrent 15 % de leur budget, que pour les familles les plus aisées, qui n’y consacrent que 6 % de celui-ci.
Je souhaiterais à présent vous poser quelques questions, monsieur le ministre d’État. Le Gouvernement a-t-il bien l’intention de modifier l’actuelle procédure en matière de fixation des tarifs réglementés de gaz naturel en abandonnant le pouvoir de décision du ministre de l’énergie au profit de la CRE ? Les prix du gaz vont-ils augmenter de 9%, comme le souhaite GDF-Suez ?
Le Gouvernement a-t-il l’intention d’agir de la même manière pour l’électricité et de consacrer le retrait du politique en matière de fixation des tarifs réglementés au profit de la CRE ?
Pour conclure, cette proposition de loi doit permettre, selon son rapporteur, de réaliser la jonction avec le projet de loi NOME. Toute la question sera alors de savoir si la loi NOME apporte les garanties attendues pour assurer le maintien des tarifs réglementés.
En apparence, les discours changent… On nous vante maintenant, ici même, les mérites du tarif réglementé ! Comme le disait Jean-Marc Pastor en 2007, cessons enfin de faire des choix idéologiques pour ensuite revenir en arrière, quelques mois ou quelques années après. Inscrivons-nous dans la durée et le long terme. Y parviendrons-nous ? Je reconnais que j’en doute, tant le spectre du libéralisme se maintient encore et toujours. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi a été qualifiée de palliatif, mais il est des palliatifs utiles, et nous considérons que cette proposition en fait partie. C’est pourquoi notre groupe la votera unanimement.
Conformément à la réglementation européenne, notre pays, depuis dix ans, a procédé par étapes à l’ouverture à la concurrence des marchés de l’électricité et du gaz naturel. Limitée dans les premiers temps aux plus gros consommateurs, cette libéralisation a conduit à adapter notre cadre législatif, afin de clarifier les conditions dans lesquelles les clients éligibles, c’est-à-dire autorisés à faire le choix de la concurrence, pouvaient conserver le bénéfice des tarifs réglementés.
Pour l’électricité, la totalité du marché français est ouvert à la concurrence depuis le 1er juillet 2007. Or une réforme de l’organisation de ce marché est en cours de réflexion, à la suite de la remise du rapport de la commission présidée par M. Champsaur, en avril 2009. Elle a pour objectif de préserver, pour les consommateurs français, le bénéfice du parc électronucléaire et d’inciter à de nouveaux investissements. Nous sommes de ceux qui croient au nucléaire et à la nécessité d’avoir, avec EDF, un instrument de service public, et non pas une filiale de Veolia – mais ceci est un autre débat…
Dans ce cadre, près de trois ans après la libéralisation complète du marché, on constate que la plupart des consommateurs domestiques ont choisi de rester aux tarifs réglementés ; de même, la répartition des ventes entre les tarifs réglementés et le marché évolue très lentement.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes, puisque 94 % des utilisateurs domestiques sont encore aux tarifs réglementés, 1 % sont en offre de marché chez un fournisseur historique et 5 % seulement chez un fournisseur alternatif. Ce sont surtout les grands sites industriels qui ont su faire jouer la concurrence pour passer en majorité en offre de marché.
Cette prédominance des tarifs réglementés a trois causes principales : la notoriété d’EDF, le caractère modéré des tarifications et la crainte de subir des hausses de tarif non maîtrisées.
Il convient par ce texte d’autoriser les petits consommateurs d’électricité et de gaz naturel à accéder ou à retourner au tarif réglementé, sans condition de date butoir. En effet, au regard de l’expérience – pas toujours positive, il faut bien le dire – vécue par les consommateurs professionnels, il semblait essentiel de maintenir de larges possibilités d’accès aux tarifs réglementés pour nos concitoyens, dans un souci de préservation de leur pouvoir d’achat.
De plus en plus d’acteurs du système électrique et gazier considèrent que la voie du bon sens devrait conduire à autoriser une vraie réversibilité de l’exercice des droits relatifs à l’éligibilité, c’est-à-dire la possibilité pour un consommateur final d’obtenir, sans condition de date, le retour au tarif réglementé de vente d’électricité et de gaz pour un site, alors même qu’il se serait antérieurement approvisionné sur le marché pendant un certain temps.
Du point de vue strictement économique, la réversibilité sans date butoir rassurera les consommateurs. De ce fait, elle élargira les possibilités de choix qui leur sont ouvertes et favorisera l’émergence de nouvelles offres plus inventives en termes d’efficacité énergétique et de valorisation des sources renouvelables.
Selon les principaux opérateurs énergétiques européens, notre pays est le seul, parmi ceux où coexistent des tarifs réglementés et des prix de marché, à ne pas autoriser la réversibilité aux ménages et aux petits professionnels de façon plus souple et moins contraignante. Au Danemark, en Italie, en Allemagne, par exemple, la réversibilité totale est admise sans aucun problème et sans limite de temps.
Pour notre part, nous considérons que l’électricité et le gaz sont non pas des produits comme les autres mais des produits de première nécessité. À ce titre, ils devraient bénéficier d’une réglementation comparable à celle qui peut être applicable à l’eau et relever davantage du service public. Dès lors, tant que nous n’établirons pas la réversibilité totale pour les petits consommateurs en mettant en cohérence notre tradition énergétique et nos obligations européennes, le marché de l’électricité et du gaz demeurera assez factice, avec le risque d’avoir un marché énergétique à deux vitesses.
Cette proposition de loi est un signe clair envoyé au Gouvernement pour l’alerter sur les conséquences néfastes de la libéralisation du marché de l’énergie lorsqu’il s’agit de la fourniture d’un bien de consommation essentiel.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jacques Mézard. Concernant le gaz, en fait de concurrence, on assiste depuis 2007 à la concentration d’entreprises privées et au remplacement des monopoles publics par des monopoles privés. On cède donc la satisfaction des besoins de tous essentiellement aux intérêts des actionnaires.
Il y a plusieurs années déjà, une mission commune d’information sur la sécurité d’approvisionnement électrique en France et en Europe soulignait que les enjeux énergétiques du xxie siècle imposaient une forte maîtrise publique de l’énergie. Le retour à la tarification réglementée est l’une des composantes de cette maîtrise.
Concernant l’électricité, rappelons que les consommateurs français bénéficient d’un prix modéré d’électricité en raison, d’une part, du parc nucléaire important et, d’autre part, de l’existence d’une réglementation tarifaire permettant de répartir la rente nucléaire au bénéfice du consommateur.
Cette politique s’effectue non pas contre le marché mais dans le marché, pour le réguler. Cette régulation n’est ni anticoncurrentielle, ni hors des directives européennes. Selon nous, le marché ne peut en aucun cas servir de modèle unique de fixation des prix de l’électricité. Un tel fonctionnement reviendrait aujourd’hui pour la France à mettre un terme à l’avantage compétitif lié au nucléaire dont bénéficient les consommateurs, et ce au nom d’une harmonisation communautaire des prix qui ne repose sur aucune logique industrielle solidement établie.
C’est pourquoi, conscient que cette proposition de loi constitue un progrès dans la tarification domestique de notre marché énergétique, le groupe du RDSE votera à l’unanimité en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, grâce à notre collègue M. Ladislas Poniatowski, auteur de cette proposition de loi, ainsi qu’au soutien de la commission de l’économie, représentée par Pierre Hérisson, nous sommes de nouveau engagés dans un débat déterminant sur le devenir de nos tarifs réglementés. Je m’en réjouis, car ces tarifs demeurent plus que jamais des éléments essentiels de l’équilibre économique, social et politique de nos systèmes énergétiques.
Le Parlement a eu la grande sagesse de valider, dans le cadre de la loi du 21 janvier 2008, la réversibilité de l’exercice de l’éligibilité, c'est-à-dire la possibilité de revenir aux tarifs réglementés lorsque l’on a choisi de venir acheter son énergie sur le marché ou que l’on y a été entraîné sans le vouloir.
La réversibilité réconcilie en effet la sécurité personnelle du consommateur avec la logique d’ouverture à la concurrence de la fourniture d’électricité et de gaz. C’est parce qu’il a l’assurance de bénéficier de cette sécurité que constitue le retour aux tarifs réglementés que le consommateur, notamment le consommateur domestique, peut tenter sans appréhension l’aventure du marché.
En raison de leur effet positif sur l’ouverture à la concurrence, les tarifs réglementés constituent des outils vertueux de régulation de nos systèmes énergétiques. Même les instances de l’Union européenne semblent désormais le reconnaître. Pour ce qui concerne les petits consommateurs, monsieur le ministre d’État, nous ne pouvons que nous en réjouir.
Dans le domaine de l’électricité, les tarifs réglementés sont attractifs et indispensables, parce qu’ils mettent le consommateur à l’abri de la volatilité des prix du marché, comme l’ont rappelé MM. Courteau, Mézard et Merceron – l’électricité est un bien vital, même si elle est aussi un bien comme les autres, qui irrigue tout le territoire national – et parce qu’ils sont basés sur les coûts de l’électricité nucléaire dont notre pays a su se doter ; ils permettent d’assurer la redistribution au consommateur des avantages de cette énergie non émissive de gaz à effet de serre, qui restera durablement plus compétitive que les énergies fossiles importées.
Certes, nous ne pouvons ignorer la nécessité de pratiquer la transparence tarifaire et de garantir le financement, par le prix de l’électricité, du renouvellement et du développement de notre parc électronucléaire. Cela va impliquer que nous nous engagions dans une logique de relèvement des tarifs réglementés. Toutefois, malgré ce relèvement, les tarifs réglementés continueront d’assurer, du fait de leur stabilité à court terme, une sécurité très précieuse dans un monde de l’énergie incertain.
De surcroît, le fait que la fourniture d’électricité ou de gaz à des tarifs réglementés de vente constitue, je le rappelle, un service public local relevant de la compétence des collectivités territoriales ou, le plus souvent, de leurs groupements, renforce encore l’intérêt de ce dispositif pour le consommateur. Celui-ci bénéficie en effet du contrôle, par cette autorité organisatrice, de la bonne exécution de la mission de service public dont est investi le fournisseur d’électricité ou de gaz.
Compte tenu des avantages qu’offrent les tarifs réglementés de vente, il était nécessaire d’organiser leur pérennité au-delà du 1er juillet 2010. Je remercie donc Ladislas Poniatowski d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de loi, qui tend à organiser une solution tout à la fois protectrice pour les consommateurs d’énergie et respectueuse du cadre européen dans lequel elle s’inscrit.
Tel qu’il est actuellement rédigé, ce texte permettra, me semble-t-il, d’atteindre ces objectifs. Il importera toutefois de bien clarifier notre position sur le sort que nous entendons réserver aux nouveaux sites des consommateurs professionnels raccordés pour une puissance souscrite supérieure à 36 kilovoltampères. Cela concerne non seulement les entreprises privées, mais également, je le rappelle, les collectivités publiques, c’est-à-dire l’État, les collectivités locales et leurs groupements, les hôpitaux et les établissements publics.
Il me semble avoir compris du texte qui nous est soumis qu’un consommateur professionnel souscrivant pour un site une puissance électrique supérieure à 36 kilovoltampères ne pourra plus bénéficier des tarifs réglementés de vente d’électricité après le 1er juillet 2010, alors que cette possibilité est ouverte jusqu’à cette date.
Mes chers collègues, il me semble particulièrement opportun de ne pas agir précipitamment. Il faut choisir une autre voie et aligner les règles applicables aux nouveaux sites de consommation d’électricité de plus de 36 kilovoltampères de puissance souscrite sur celles qui sont prévues dans l’avant-projet gouvernemental, la loi relative à la nouvelle organisation du marché de l’électricité, la loi NOME. En effet, ce texte prévoit le maintien des tarifs réglementés d’électricité pour tous les consommateurs professionnels jusqu’au 31 décembre 2015, tant qu’ils ne décident pas de faire usage de leur éligibilité.
D’ailleurs, ne parle-t-on pas de proroger le TaRTAM, le tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, au-delà du 1er juillet 2010 ? Ce signal clair serait accueilli avec soulagement par les acteurs économiques de notre pays, affaiblis par la crise. Ce serait également une bonne chose pour nos finances publiques, dont l’état difficile n’est plus à démontrer. J’ai déposé un amendement pour défendre cette mesure, que je crois juste et euro-compatible.
Dans le contexte de cette délicate transition, la mise en place des nouvelles mesures d’organisation du marché de l’électricité que vous êtes en train d’élaborer, monsieur le ministre, sur la base d’un large consensus, est plus qu’urgente.
En attendant, la proposition de loi déposée par notre collègue Ladislas Poniatowski, soutenue par la commission des affaires économiques, constitue, même si elle ne suffit pas à régler l’ensemble des difficultés qui sont devant nous, une étape bienvenue et nécessaire dans la poursuite du processus d’adaptation de nos systèmes électriques et gaziers. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, permettez-moi de rappeler quelques éléments du contexte général dans lequel intervient l’examen de l’excellente proposition de loi de notre collègue Ladislas Poniatowski.
La Commission européenne a rendu public le 11 mars 2010 un rapport sur les progrès réalisés dans le développement du marché intérieur de l’électricité et du gaz au cours de l’année 2009. Selon ce rapport, la législation européenne sur l’électricité et le gaz n’est toujours pas « correctement et complètement » transposée dans tous les États membres.
Pour assurer l’ouverture totale du marché intérieur du gaz et de l’électricité, la Commission avait proposé de compléter la législation par un troisième paquet de mesures de libéralisation du marché intérieur de l’énergie, adopté en avril 2009.
Comme cela est précisé dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, « selon un rapport du groupe des régulateurs européens pour l’électricité et le gaz, l’ERGEG, au 1er juillet 2008, la réversibilité totale était en vigueur dans presque tous les États membres de l’Union européenne où coexistent des tarifs réglementés et des prix de marché en électricité et en gaz pour les clients résidentiels. Jusqu’en janvier 2008, la France constituait une exception en Europe en n’appliquant pas le principe de réversibilité pour les clients résidentiels, ni en électricité ni en gaz. La loi du 21 janvier 2008 a permis de remédier en partie à cette situation. »
Selon le dernier sondage publié sur le site de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, les foyers français sont majoritairement favorables à l’ouverture à la concurrence. Entre 2008 et 2009, la part des foyers estimant que l’ouverture à la concurrence est une bonne chose a ainsi progressé de deux points, passant de 59 % à 61 %. Cependant, dans le même temps, la part des foyers estimant que l’ouverture à la concurrence est une mauvaise chose a progressé de cinq points, passant de 13 % à 18 %. En conséquence, même si les Français sont a priori favorables à l’ouverture des marchés de l’énergie, il est tout de même important de noter la progression des opinions négatives. (MM. Roland Courteau et Daniel Raoul font un signe d’approbation.)
Au 31 décembre 2008, bien que les tarifs réglementés de vente concernaient encore 96 % des consommateurs en électricité, contre 98 % un an auparavant, la part de marché des fournisseurs alternatifs avait progressé au cours de l’année : 1 046 000 sites étaient clients d’un fournisseur alternatif, contre 364 000 sites au 31 décembre 2007.
Sur le segment des sites résidentiels, au cours de l’année 2008, l’ouverture à la concurrence s’est poursuivie à un rythme soutenu : les fournisseurs alternatifs ont gagné en moyenne 58 000 clients par mois.
Sur le segment des sites non résidentiels, l’ouverture à la concurrence du marché s’est stabilisée en 2008. Les fournisseurs alternatifs ont gagné 1 250 professionnels par mois.
Il apparaît évident que le caractère irréversible de la décision de quitter les tarifs réglementés, accentué par la décision du Conseil constitutionnel, n’a pas incité le consommateur à se lancer dans une démarche qu’il peut légitimement juger risquée, et ce malgré la nature attractive des offres des fournisseurs alternatifs, qui proposent des prix inférieurs d’environ 10 % à ceux des formules tarifaires, assorties d’une garantie de stabilité des prix pendant les premières années. Cette irréversibilité du choix avait au demeurant été mise en avant par les pouvoirs publics français afin d’inviter les consommateurs à bien mesurer les conséquences de leur passage à la concurrence avant de prendre toute décision de sortie définitive des tarifs réglementés de vente.
En outre, les ménages peuvent se montrer sceptiques sur les avantages qu’ils peuvent tirer de cette concurrence à la lumière de l’expérience vécue par les consommateurs professionnels. En effet si, dans un premier temps, après la libéralisation, leur facture d’électricité a baissé, dans un second temps, à partir des années 2003 et 2004, les prix ont véritablement explosé.
Tous ces éléments avaient conduit au vote de la loi du 21 janvier 2008.
Aujourd’hui, le texte qui nous est proposé par notre collègue Ladislas Poniatowski vise à étendre les dispositions applicables aux clients résidentiels aux entreprises employant moins de cinquante salariés et dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 10 millions d’euros, soit l’ensemble des petits consommateurs d’électricité. De fait, ces entreprises sont dans la même situation d’appréhension du marché que les consommateurs résidentiels.
En tant que sénateur et président du syndicat intercommunal d’électricité du département de la Loire, il me semble que cette mesure est très réaliste. Elle permet de faire des expériences et des allers-retours entre les tarifs réglementés et ceux du marché. Ces possibilités sont indispensables tant que coexistent les deux tarifs. Enfin, cette mesure donne la possibilité aux différents fournisseurs d’ajuster leur offre de service aux besoins de ces consommateurs.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, je voterai cette proposition de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Proposition de loi tendant à autoriser les petits consommateurs domestiques et non domestiques d’électricité et de gaz naturel à accéder ou à retourner au tarif réglementé
Article unique
La loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique est ainsi modifiée :
1° Aux IV, V et VI de l’article 66, au IV de l’article 66-1 et à l’article 66-3, les mots : « avant le 1er juillet 2010 » sont supprimés ;
2° À l’article 66-2, après les mots : « applicable aux », sont insérés les mots : « consommateurs finals souscrivant une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kilovoltampères et aux consommateurs finals souscrivant une puissance supérieure à 36 kilovoltampères pour les ».
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Courteau, Raoul, Muller et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le IV de l'article 66-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'un consommateur final domestique de gaz naturel a fait usage pour la consommation d'un site de cette faculté depuis plus de six mois, il peut, sous réserve d'en faire la demande, à nouveau bénéficier des tarifs réglementés de vente de gaz naturel pour ce site. »
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Cet amendement, dont Roland Courteau est le premier signataire, vise à étendre aux consommateurs finals domestiques de gaz la réversibilité totale. Cette précision avait échappé à la vigilance de M. le rapporteur alors qu’il est pourtant favorable, comme nous, à cette mesure. Je lui donne acte en tout cas d’avoir émis un avis favorable sur cet amendement, qui fait l’objet d’un consensus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement, s’il est mineur économiquement, est majeur psychologiquement. (M. Roland Courteau rit.) Il est mineur économiquement parce que la différence entre le tarif régulé du gaz et le tarif du marché libre est infime. En revanche, il est majeur psychologiquement parce que les consommateurs ne comprennent plus très bien pourquoi ils peuvent aujourd'hui, en matière d’électricité, quitter EDF, opter pour la concurrence, puis revenir à EDF, et pourquoi cela ne serait pas possible pour le gaz.
Cet amendement est d’autant plus utile que les offres mixtes se multiplient. Autrement dit, ceux qui aujourd'hui vendent de l’électricité et du gaz aux particuliers ou aux entreprises leur proposent les deux à la fois. Si on veut réellement créer un marché libre qui fonctionne, des allers-retours doivent être possibles dans les deux domaines.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Pintat, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
inférieure à 36 kilovoltampères
insérer le signe de ponctuation :
,
La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Avec l’ajout de la virgule, nous souhaitons lever toute incertitude d’interprétation quant au régime applicable aux nouveaux sites de consommation raccordés aux réseaux électriques à compter du 1er juillet 2010.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Xavier Pintat. Il convient de mentionner clairement que, pour ce qui concerne tous les nouveaux sites d’une puissance égale ou inférieure à 36 kilovoltampères, le consommateur final pourra continuer à bénéficier des tarifs réglementés d’électricité ou souscrire une offre au prix de marché.
M. René Garrec. C’est une bonne précision !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement, qui tend à réparer une erreur matérielle de rédaction. Je remercie notre collègue de sa vigilance.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Nous nous sommes décidés à l’unanimité sur une virgule ! C’est une prise de position tout à fait remarquable ! (Sourires.)
La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je souhaiterais faire une remarque d’ordre sémantique à M. le rapporteur. Il s’agit ici non pas d’une erreur, mais d’une omission.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mon cher collègue, le texte que nous avons adopté en commission tenait compte de la virgule. Les services de la commission ont récrit plus correctement le troisième alinéa de l’article unique, mais en oubliant d’insérer cette virgule.
M. Daniel Raoul. Vous le voyez bien, il s’agit d’une omission !
M. Roland Courteau. C’est une virgule qui a un sens !
M. le président. Nous pouvons peut-être, mes chers collègues, mettre un terme à cette discussion, à laquelle seuls les agrégés de grammaire trouveraient tout son sens !
M. Daniel Raoul. Mais les scientifiques peuvent aussi en discuter… (Sourires.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 3, présenté par M. Pintat, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
, et la date : « 1er juillet 2010 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2015 »
La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Si nous maintenions la rédaction proposée en l’état, nous instaurerions, paradoxalement, un dispositif plus dur que celui qui est retenu par le Gouvernement dans son avant-projet de loi de réforme du marché de l’électricité.
Monsieur le ministre, vous prévoyez, je crois, de maintenir pour les nouveaux sites professionnels d’une puissance supérieure à 36 kilovoltampères la possibilité de bénéficier des tarifs réglementés jusqu’au 31 décembre 2015. C’est une très bonne date, qui correspondra d’ailleurs à la montée en puissance des réseaux et compteurs intelligents.
Je rappelle, mes chers collègues, que sont notamment concernés les équipements importants des collectivités ou de l’État, tels que les salles de sport et de spectacle et les bâtiments scolaires ou administratifs des grandes villes.
Mon amendement vise tout simplement à entériner, de manière anticipée, le compromis auquel nous sommes parvenus sur la date du 31 décembre 2015.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
, et la date : « 1er juillet 2010 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2010 »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 3.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Tout va si vite que je n’ai pas eu le temps de suggérer à notre collègue Xavier Pintat de rectifier son amendement en modifiant la date.
La demande de notre collègue est parfaitement justifiée et ne concerne, je le précise, que les nouveaux sites d’une puissance supérieure à 36 kilovoltampères, c'est-à-dire, par exemple, les hôpitaux ou des PME. Il est vrai que ceux-ci vont se retrouver face à un vide dès le 1er juillet 2010.
Toutefois, il est prévu dans la loi NOME de tout remettre à plat pour l’ensemble des consommateurs, tant pour les particuliers que pour les industriels, les petits et les plus importants, et de proroger jusqu’au 31 décembre 2015 le maintien du bénéfice des tarifs réglementés d’électricité.
Mon cher collègue, il suffit donc simplement d’inscrire la date du 31 décembre 2010 pour combler le vide dont je parlais. Si vous acceptez de rectifier votre amendement en ce sens, je retirerai l’amendement de la commission.
M. le président. Monsieur Pintat, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?
M. Xavier Pintat. J’aimerais, monsieur le président, que M. le ministre nous confirme que la loi NOME sera votée avant la fin de cette année.
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Elle le sera, monsieur le sénateur, car c’est une nécessité absolue. Je soutiens la proposition de M. le rapporteur.
M. le président. Monsieur le rapporteur, vous retirez donc l’amendement n° 5 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Oui, monsieur le président. Cela me permet de faire un geste de courtoisie à l’égard de mon collègue Xavier Pintat, à qui je laisse le soin de rectifier son amendement.
M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.
Monsieur Pintat, acceptez-vous de modifier votre amendement dans le sens souhaité par M. le rapporteur ?
M. Xavier Pintat. Ayant obtenu l’assurance de M. le ministre, c’est avec grand plaisir que j’accepte de rectifier mon amendement, et je remercie M. le rapporteur de m’avoir proposé cette solution.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Pintat, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
, et la date : « 1er juillet 2010 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2010 »
La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je suis prêt, à la limite, à accepter la date du 31 décembre 2010, et je prends acte de la courtoisie de l’échange qui a eu lieu entre M. le rapporteur et notre collègue Xavier Pintat.
Toutefois, j’espère que la loi NOME sera adoptée avant cette échéance. À en croire certaines déclarations que l’on a pu entendre depuis le début de la semaine, l’agenda de M. le ministre a été allégé… (Sourires.) Des créneaux devraient donc se libérer pour nous permettre d’examiner très certainement ce projet de loi avant la fin de cette année.
Mme Odette Terrade. C’est bien dit !
M. Daniel Raoul. Mais qu’adviendra-t-il si jamais la navette parlementaire n’est pas terminée ?
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Nous reconnaissons que la compétitivité de nos entreprises industrielles dépend de la stabilité des prix de l’énergie et d’une énergie à un faible coût.
Nous partageons le souci de M. Pintat et de M. le rapporteur, mais, vous le savez, nous sommes opposés à la fixation d’une date butoir, pour des raisons que nous avons déjà exposées.
L’amendement de M. Pintat constitue, une fois encore, une mesure transitoire. Décidément, nous n’en sortons pas…
Dans ces conditions, le groupe socialiste s’abstiendra.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'article unique de la proposition de loi, je donne la parole à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, ce texte a connu un parcours quelque peu délicat.
Je rappelle à nos collègues qui ne sont pas membres de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, que M. Poniatowski avait déposé une proposition de loi, sur laquelle nous avons déposé des amendements.
En vertu de la réforme constitutionnelle, nous voilà conduits à examiner, en séance publique, un texte qui a été profondément remanié, enrichi, dirai-je même, par nos amendements, mais qui devient le texte de la commission.
En termes de clarté, cela pose un sérieux problème, qu’il nous faut considérer. Même si vous en êtes le rapporteur, mon cher collègue, vous avez perdu la paternité de ce texte. Et qu’en aurait-il été si l’auteur de la proposition de loi initiale n’avait pas été le rapporteur du texte proposé ? Je pose là une question de forme.
Monsieur le président, je m’adresse à vous en tant que membre du groupe de travail sur l’organisation de nos travaux. Il faudrait réfléchir au processus d’examen des propositions de loi de façon à éviter que les auteurs n’en perdent la paternité.
M. Daniel Raoul. Voilà pour la forme ; j’en viens au fond.
Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, je crains fort que vous ne soyez affectés d’un TOC, un trouble obsessionnel de la concurrence. (Sourires.)
Comme l’a rappelé tout à l'heure Roland Courteau, tous les pays qui ont ouvert le marché à la concurrence ont connu une augmentation du prix de l’énergie. En effet, il faut bien que le prix de l’énergie soit considérablement augmenté pour que les opérateurs alternatifs et les actionnaires y trouvent leur compte et fassent des bénéfices, mais cela au détriment des consommateurs.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Daniel Raoul. C’est un véritable problème, car, comme je l’ai déjà indiqué à Mme Lagarde, l’électricité n’est pas un produit comme les autres. Il ne s’agit pas d’un produit stockable pouvant être traité comme n’importe quel autre. Ainsi que l’a souligné tout à l'heure notre collègue Xavier Pintat, il y a, en France, un service public de l’énergie.
Aussi, à la suite de Roland Courteau, je me demande quand nous allons en finir avec tous ces palliatifs. J’espère que, dans le cadre de la loi NOME, nous aurons enfin une discussion de fond sur les tarifs, y compris sur le TaRTAM, le tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, qui n’a été évoqué tout à l'heure que par Xavier Pintat. Il va bien falloir clarifier la situation pour nos industries.
Que va-t-il se passer ? Nous avons un parc électronucléaire que les consommateurs ont financé depuis les années Messmer.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Daniel Raoul. Or il faudrait tout de même que les habitants de notre pays aient un retour sur investissement et ne voient pas cette industrie bradée au profit de n’importe quel groupe privé. Ils doivent pouvoir bénéficier à un moment ou à un autre des investissements réalisés par ceux qui les ont précédés. Et je ne parle pas des problèmes de sécurité qui pourraient se poser…
Certes, nous avons le parc énergétique le plus sécurisé au monde, mais nous ne pouvons pas ignorer les incidents qui se sont produits dans d’autres pays.
Pour l’instant, nous sommes arrivés à un consensus dans l’intérêt des consommateurs, et non, comme certains de mes collègues l’ont affirmé tout à l'heure, dans le but de développer la concurrence.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Daniel Raoul. Dans tous les pays européens où elle a eu lieu, l’ouverture de ce marché à la concurrence s’est faite, je le répète, au détriment des consommateurs.
Nous sommes donc d’accord pour accepter cette date butoir du 31 décembre 2010, mais nous reviendrons sur cette échéance lors de l’examen de la loi NOME, y compris pour ce qui concerne le TaRTAM.
En conséquence, nous voterons ce texte, même s’il n’est qu’un palliatif juridique,…
M. Roland Courteau. Un de plus !
M. Daniel Raoul. … eu égard au calendrier, dans l’intérêt de nos concitoyens.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. La proposition de loi de M. Ladislas Poniatowski est le constat clair de l’incapacité de la libre concurrence à répondre à l’intérêt général. Il est fort regrettable que les membres de la majorité restent frileux et ne tirent pas les conséquences de cet échec en soutenant la maîtrise publique du secteur énergétique !
Contrairement à la droite, les sénateurs du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche ont une position claire et nette sur la question énergétique : l’énergie n’est pas une marchandise ; elle constitue un bien vital. À ce titre, elle ne peut être laissée à la spéculation de quelques grands groupes.
Il est essentiel d’assurer la péréquation tarifaire, d’aider les ménages les plus démunis à faire face à leurs dépenses énergétiques. Il est primordial de garantir l’indépendance énergétique de la France en renforçant les investissements dans la production et le transport de l’énergie sur l’ensemble du territoire, et de consolider les connexions des réseaux européens.
La politique énergétique menée aux niveaux européen et national ne répond pas à ces objectifs. Les Français ressentent aujourd’hui fortement les effets de la privatisation du secteur énergétique. Ils ont exprimé leur défiance au Gouvernement par les scrutins des dernières semaines. Face à cela, le Gouvernement annonce un projet de nouvelle organisation du marché électrique qui répond aux attentes des opérateurs privés !
Voilà quelques jours, on pouvait lire dans la presse que, « sans l’intervention de cette réforme, Poweo devrait rendre ses clients à EDF » ! Telles sont les préoccupations de la droite : assurer les intérêts privés et ignorer l’intérêt général.
Alors que Mme Lagarde présente une réforme du crédit à la consommation censée protéger les consommateurs, dans le même temps elle choisit de laisser entre les mains du privé le soin de déterminer le montant de la facture des Français.
En effet, la Commission de régulation de l’énergie a désormais un avis contraignant et non plus consultatif. Nous pensons, au contraire, que les tarifs réglementés du gaz pour les particuliers devraient baisser au 1er avril 2010 en raison de la forte baisse des prix du pétrole en 2009, conjuguée à celle du gaz sur les marchés. Faut-il rappeler que le baril de pétrole brut se situait autour de 60 dollars en 2009 contre 97 dollars en 2008 ?
Ces hausses de la facture énergétique justifient largement de revenir à une maîtrise de l’État sur la fixation de tarifs et d’assurer une plus grande transparence de la formule tarifaire. Nous proposerons des mesures allant dans ce sens lors de l’examen du projet de loi relatif à la nouvelle organisation du marché de l’électricité.
Dans ce contexte, que penser de votre proposition, mon cher collègue, sinon qu’elle risque de ne pas peser bien lourd face au rouleur compresseur de la concurrence libre et quelque peu faussée en faveur des opérateurs privés ?
Pour toutes ces raisons, vous le comprendrez, nous nous abstiendrons sur cette proposition de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Monsieur le président, je souhaite simplement remercier M. le rapporteur ainsi que l’ensemble des sénatrices et des sénateurs qui ont travaillé sur cette proposition de loi.
Nous nous reverrons pour l’examen d’un texte fondamental, le projet de loi relatif à la nouvelle organisation du marché de l’électricité, lequel nous permettra de pérenniser, dans le cadre du système que nous connaissons, les éléments auxquels le Sénat est extrêmement attaché, à savoir la liberté, la compétitivité, la performance, la capacité d’investir et le libre choix.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d’avoir adopté cette proposition de loi, et ce sans aucun vote contre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
6
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je rappelle que l’auteur de la question, de même que la ou le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente. Je veux croire que chacun s’appliquera à respecter scrupuleusement ce temps de parole.
calendrier des réformes
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour le groupe Union pour un mouvement populaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. De moins en moins populaire !
M. Didier Boulaud. Il va nous parler de la HALDE ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
M. Jean-Louis Carrère. Est-ce qu’il est autorisé à vous répondre ?
M. Gérard Longuet. Même si…
M. Jean-Pierre Sueur. Même si…
M. Gérard Longuet. … les élections régionales sont, comme leur nom l’indique, des élections régionales (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), même si…
M. Jean-Pierre Sueur. Même si…
M. Gérard Longuet. … tous les gouvernements depuis 1986 – et j’en parle d’expérience ! – ont perdu les élections régionales, même si…
M. Jean-Pierre Sueur. Même si…
M. Gérard Longuet. … les élections régionales de 2004, qui avaient déjà fait souffrir la majorité,…
M. Simon Sutour. Mais pas au point atteint cette fois-ci !
M. Jean-Louis Carrère. Et vous êtes bien placé pour le savoir !
M. Gérard Longuet. … ont préparé l’éclatante victoire de 2007, même si la crise économique et financière, doublée de la plus spectaculaire crise agricole, peut expliquer que la moitié de nos compatriotes ne se soient pas déplacés pour aller voter aux élections régionales et que ceux qui ont voté pour la majorité d’entre eux ont exprimé un vote d’inquiétude, d’une façon d’ailleurs parfaitement contradictoire, …
M. Didier Boulaud. Tout cela est bien emberlificoté !
M. Daniel Raoul. Il rame ! (Nouveaux rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Gérard Longuet. … force est de reconnaître, monsieur le Premier ministre,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que vous avez perdu !
M. Gérard Longuet. … que notre majorité a été défaite, alors que nous avons pris en charge avec cœur, sous l’autorité du Président de la République, avec votre engagement personnel reconnu, toutes les actions et tous les efforts…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, pas tous !
M. Gérard Longuet. … pour soutenir notre pays dans cet environnement de crise.
M. Yannick Bodin. La crise de l’UMP !
M. Gérard Longuet. Ma question est simple.
Je voudrais tout d’abord exprimer, au nom du groupe UMP, notre confiance dans la détermination à mener les réformes qui est celle du Président de la République, Nicolas Sarkozy.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas une question !
M. Gérard Longuet. Je voudrais par ailleurs exprimer, là encore au nom du groupe UMP tout entier, la profonde confiance que nous inspire, monsieur le Premier ministre, votre comportement, le sens du dialogue de l’écoute dont vous témoignez depuis trois ans à la tête du Gouvernement et qui atteste votre respect du Parlement (La question ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG) et votre volonté de faire aboutir les réformes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Eh bien, mes chers collègues, ma question, la voici, et elle est double. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. David Assouline. Monsieur le président, le temps de parole est dépassé ! Vous vous étiez montré beaucoup moins libéral avec moi ! C’est incroyable !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Scandaleux !
M. Gérard Longuet. Après la crise économique et financière de 2008, quelles sont, parmi les réformes antérieures à cette crise, celles qui méritent selon vous d’être réexaminées, approfondies, ou abandonnées ? (Hourvari sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Longuet.
M. Gérard Longuet. Quelles sont, après cette crise et au lendemain de ce vote, les réformes prioritaires dont vous jugez la mise en œuvre nécessaire pour donner toutes ses chances à notre pays ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.)
M. David Assouline. C’est incroyable ! Ils ont tous les droits !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur Longuet, avant de répondre à votre question, je voudrais faire une mise au point solennelle devant le Sénat. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, tout ce que vous avez pu lire depuis dimanche soir sur mes relations avec le Président de la République est faux et relève de la manipulation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.)
Toutes ces rumeurs n’ont d’ailleurs qu’un seul objectif : déstabiliser l’exécutif. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Un sénateur socialiste. Il n’a pas besoin de ça !
M. Didier Boulaud. C’est un château branlant ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
M. François Fillon, Premier ministre. Croyez-le bien, je ne laisserai pas cette manipulation produire ses effets ! (Très bien et applaudissements sur les travées de l’UMP.) Il n’y a pas de divergence, et encore moins de rivalité, entre le Président de la République et moi-même. Il ne peut pas y en avoir parce que ce qui est en cause, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est la cohérence du Gouvernement de la France, et donc l’intérêt national. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Didier Boulaud. Quel déballage !
M. Yannick Bodin. C’est un discours à usage interne !
M. François Fillon, Premier ministre. Depuis trois ans, j’ai été loyal envers le Président de la République, je le suis et je le resterai. (Applaudissements sur les mêmes travées. – Railleries sur les travées du groupe socialiste.)
Cette cohérence de l’exécutif est d’autant plus nécessaire que gouverner la France n’est pas facile.
M. Jean-Louis Carrère. Voilà une découverte !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous ne sommes pas les premiers à en avoir fait l’expérience.
Dimanche dernier, lors des élections régionales, nous avons subi une défaite. Celle-ci doit nous amener à faire, avec beaucoup d’humilité, l’analyse de la situation et à prendre les décisions nécessaires.
C’est ce à quoi nous allons nous employer avec la majorité, mais je souhaite dès maintenant souligner, comme l’a fait le Président de la République hier, que nous ne transigerons pas sur la nécessité de moderniser notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Nous sommes 65 millions de Français dans un monde de 6 milliards d’êtres humains, et notre devoir est de protéger le modèle de vie qui est le nôtre, de maintenir la prospérité de nos concitoyens. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le modèle de vie de qui ? Des chômeurs ?
M. Didier Boulaud. Qu’avez-vous fait pendant huit ans ?
M. Claude Domeizel. Cela fait huit ans que vous êtes au pouvoir !
M. François Fillon, Premier ministre. Et nous ne pouvons pas le faire sans réformer notre pays.
Monsieur Longuet, voici les trois priorités du Gouvernement pour les prochains mois.
La première, c’est évidemment l’emploi et la croissance. Nous allons poursuivre notre effort et ajuster les dispositifs de lutte contre le chômage, dont l’évolution devrait d’ailleurs s’inverser dans la deuxième partie de l’année 2010 compte tenu de la reprise de l’activité économique. (On se gausse sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On nous dit tous les jours que ça doit s’inverser !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous allons mettre en œuvre, après que vous en aurez débattu et que vous l’aurez votée, la loi de modernisation agricole, qui constitue une réponse à l’une des crises les plus graves que l’agriculture française et européenne ait rencontrée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
MM. Gérard Longuet et Alain Gournac. Très bien !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous allons mettre en œuvre le plus rapidement possible les investissements d’avenir, et je serai intransigeant sur l’affectation des 35 milliards d’euros que vous avez votés aux priorités et aux objectifs qui ont été décidés par le Gouvernement et par la majorité.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous voilà rassurés !
M. Jean-Louis Carrère. Et le bouclier fiscal ?
M. François Fillon, Premier ministre. Nous continuerons d’améliorer les dispositifs permettant de renforcer la compétitivité de notre économie.
S’agissant de l’ensemble des mesures que nous devons prendre en matière de développement durable, nous les mettrons en œuvre en cherchant une meilleure coordination avec les autres pays européens parce que nous ne devons pas accroître le différentiel de croissance, notamment avec notre voisin allemand. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ça suffit !
M. François Fillon, Premier ministre. La deuxième priorité du Gouvernement sera la réduction des déficits, nécessaire dans un contexte financier européen dont chacun voit bien qu’il est préoccupant.
M. Jean-Pierre Bel. Ce n’est pas une déclaration de politique générale !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On n’est pas dans une émission de télévision !
M. François Fillon, Premier ministre. Cela signifie que les dépenses de l’État seront strictement maintenues,…
M. Jean-Louis Carrère. Et alors, monsieur le président ? Les deux minutes trente sont passées !
M. François Fillon, Premier ministre. … que nous continuerons à mettre en œuvre la révision générale des politiques publiques (Protestations et marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)…
Monsieur le président, j’interromps ma réponse une seconde parce que ce n’est pas la première fois que ce problème se pose au Sénat. Le Premier ministre, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, qu’il soit de gauche ou qu’il soit de droite, s’exprime autant qu’il le veut. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. David Assouline. Tout est permis, il n’y a plus de règles !
M. François Fillon, Premier ministre. C’est inscrit dans la Constitution de la République française ! Alors, si vous voulez que je vienne vous répondre, je le ferai, mais comme je l’entends.
M. le président. Je vous demande néanmoins de bien vouloir achever votre réponse, monsieur le Premier ministre, car le temps nous est compté.
M. François Fillon, Premier ministre. La troisième priorité du Gouvernement concernera le renforcement des deux grands piliers de notre pacte républicain que sont la sécurité et la laïcité.
Sur la sécurité, il est incontestable que nous devons inventer de nouvelles réponses parce que la violence s’adapte en permanence aux initiatives que nous prenons.
M. David Assouline. Si vous voulez, on peut partir !
M. François Fillon, Premier ministre. Sur la laïcité, nous allons trancher une question qui, même si elle ne concerne pas un grand nombre de nos concitoyens, est devenue un symbole important : il s’agit de la question du voile intégral. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Hourvari sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. David Assouline. C’est du jamais vu ! (Plusieurs sénateurs socialistes se lèvent et se préparent à quitter l’hémicycle.)
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur Longuet, avec le Président de la République, nous avons un engagement vis-à-vis des Français. Cet engagement, nous le tiendrons parce que l’honneur d’un homme politique réside dans le courage et le respect de la vérité. (Les sénateurs de l’UMP se lèvent et applaudissent vivement. – Applaudissements sur plusieurs travées de l’Union centriste.)
agriculture et ruralité
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour le groupe du RDSE.
Je demanderai aux ministres de répondre de manière ramassée pour que puissent être posées les dix questions qui ont été inscrites.
M. Didier Boulaud. Il faut supprimer les autres questions de l’UMP pour rattraper le temps perdu !
M. Jean-Louis Carrère. Encore plus simple : qu’on supprime toutes les questions de l’UMP !
M. Aymeri de Montesquiou. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le ministre, vous avez conscience des grandes difficultés des agriculteurs, mais avez-vous pris en compte les disparités agricoles ?
La crise frappe plus fort les plus faibles. Lorsqu’une exploitation voit sa production moyenne de 100 quintaux de blé baisser de 30 %, elle souffre. Lorsqu’elle voit sa production moyenne de 50 quintaux de blé baisser de 30 %, elle meurt, monsieur le ministre !
Des gouvernements de toutes tendances ont créé des zones franches pour pallier les faiblesses industrielles des zones déshéritées. Le Gouvernement a sauvé les banques parce que leur chute aurait été désastreuse pour toute l’économie. Il a pris des mesures contre les gains très choquants des traders. Il se doit tout autant de prendre des mesures urgentes pour la survie des zones agricoles les plus fragiles et contre la misère qui frappe certaines exploitations.
Les agriculteurs ont l’impression que tout s’acharne contre eux : la nature, les marchés qui s’effondrent et une réglementation européenne qui, souvent, confine à l’absurde. Les administrations française et européenne doivent avoir à l’esprit que les agriculteurs sont les premiers à se préoccuper de la nature, car ils y vivent, et que le coût des intrants est tel qu’ils ne peuvent les gaspiller.
Ces dernières années, l’Europe a laissé se déliter les barrières réglementaires qui maintenaient une solidarité en faveur du monde agricole. Il faut inverser la tendance.
L’effondrement des revenus agricoles aura des conséquences dramatiques sur les régions fragiles et le monde rural. Le Gouvernement en a pris toute la mesure en créant un ministère de l’espace rural et de l’aménagement du territoire et en lançant des Assises des territoires ruraux. Vous savez qu’il ne peut y avoir de ruralité sans une agriculture forte. Ce sont les agriculteurs qui structurent l’environnement et animent la vie locale.
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, il y a urgence. Quelles mesures immédiates comptez-vous prendre, quelles dispositions allez-vous mettre en œuvre dans la loi de modernisation de l’agriculture sur le long terme ? Le dégrèvement foncier ne serait-il pas une façon de préserver les bas revenus et de sauver la ruralité là où sa survie est en jeu ? (M. Yvon Collin applaudit, de même que plusieurs sénateurs sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, le Président de la République, le Premier ministre et les membres du Gouvernement ont tous une conscience aiguë de la gravité de la crise que traverse le monde agricole,...
M. Simon Sutour. Mais vous ne faites rien !
M. Bruno Le Maire, ministre. ... et nous nous battons depuis des mois pour y donner des réponses concrètes.
Une réponse immédiate consiste à apporter de la trésorerie dans les campagnes françaises, à travers le plan d’urgence annoncé par le Président de la République à Poligny : 80 000 dossiers de demandes de prêt ont été déposés et instruits ;...
M. Jean-Louis Carrère. Et rien pour les sylviculteurs !
M. Bruno Le Maire, ministre. ... de même, 80 000 dossiers de demandes adressées au fonds d’allégement des charges ont été déposés et instruits ; 50 millions d’euros d’allégement de taxes sur le foncier non bâti ont été débloqués, à la demande du Premier ministre, afin de répondre à la préoccupation que vous venez d’exprimer.
La deuxième réponse que nous apporterons tous ensemble, c’est le projet de loi de modernisation de l’agriculture, qui sera un rendez-vous important pour tous les agriculteurs français. Ce texte sera examiné en première lecture à partir du 17 mai au Sénat. Il permettra de stabiliser le revenu des agriculteurs – c’est son objectif principal – grâce à la conclusion de contrats écrits, grâce au renforcement de l’Observatoire des prix et des marges et grâce à l’amélioration des dispositifs assurantiels.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je compte sur votre participation à tous lors de ce rendez-vous essentiel.
M. Roland du Luart. On vous soutiendra !
M. Bruno Le Maire, ministre. La troisième bataille que nous livrons est européenne. Le Président de la République a insisté, hier, sur cette dimension. Il n’y a pas d’avenir pour l’agriculture française, en effet, sans un soutien fort de la politique agricole commune.
L’agriculture doit redevenir une priorité absolue des responsables politiques européens, au plus haut niveau. Pour la première fois depuis des années, le Conseil européen se penchera demain sur cette question, à la demande de la France. Nous continuerons à défendre une politique agricole commune forte dans les années à venir ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.)
surcoût financier lié à la gestion de l'après-tempête
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Merceron, pour le groupe de l’Union centriste.
M. Jean-Claude Merceron. Ma question s’adresse à M. le ministre du budget, dont je salue l’arrivée au Gouvernement.
Touchée de plein fouet par le passage de la tempête Xynthia, la Vendée, comme d’autres départements du littoral atlantique, doit aujourd’hui faire face au défi de la reconstruction.
Permettez-moi, tout d’abord, de saluer le courage avec lequel les Vendéens, les bénévoles, les professionnels et les collectivités, se sont mobilisés pour secourir et aider les sinistrés lors d’une nuit d’angoisse et de mort, et de remercier l’ensemble des Français de la solidarité dont ils ont fait preuve.
Je salue aussi tout particulièrement notre assemblée qui, sur votre initiative, monsieur le président, a décidé d’apporter une aide exceptionnelle aux communes touchées en Charente-Maritime comme en Vendée.
Les difficultés rencontrées par les responsables locaux sont à la hauteur de ce drame. Rien n’est simple et tout est au-delà de la mesure commune, qu’il s’agisse de la désolation causée par les dégâts ou des réponses à apporter.
L’enjeu financier de ma question peut sembler assez dérisoire au regard des sommes aujourd’hui nécessaires à la reconstruction d’un littoral, d’un territoire et d’une économie à la fois agricole, ostréicole et touristique. Toutefois, pour nos collectivités, ce fardeau s’ajoute au poids de la douleur et à l’ampleur du défi.
Aux difficultés en cascade que les acteurs locaux découvrent encore chaque jour doivent correspondre des aides financières, qu’il faudra renouveler pendant plusieurs années, mais qu’il est prématuré d’évaluer définitivement. On n’en a pas fini avec cette tempête !
L’une de ces difficultés concerne la gestion des déchets qui se sont accumulés en raison de la tempête. En Vendée, au moins 6 000 tonnes supplémentaires de déchets ultimes, soit 20 % de la masse traitée normalement chaque année, vont devoir être enfouis.
En application de la loi de finances, et à la suite du Grenelle de l’environnement, la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, frappe ces déchets ultimes pour un montant de 20 euros la tonne. Les communes vendéennes vont ainsi devoir assumer, cette année, un surcoût d’au moins 120 000 euros. Il ne s’agit là que du surcoût fiscal, celui de l’ensemble des opérations de traitement des déchets n’ayant pas encore été évalué à ce jour.
À situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Monsieur le ministre, au nom de l’ensemble des départements touchés par la tempête Xynthia, je fais appel à la solidarité nationale afin que nous soit épargné le paiement du surcoût de la TGAP engendré par le volume de déchets issus de cette catastrophe naturelle, soit par le biais d’une exonération en 2010, soit par la mise en place d’un dispositif imputable sur les paiements à effectuer jusqu’en 2015. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, auquel nous adressons tous nos vœux de réussite dans ses nouvelles fonctions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous remercier de cet accueil chaleureux.
Monsieur le sénateur Merceron, je tiens à vous assurer que nous nous associons pleinement à la politique publique d’accompagnement des Vendéens sinistrés.
En tant que maire de Troyes, je n’oublie pas la tempête de 1999. Je n’oublie pas le degré d’implication de tous les agents territoriaux et des agents de l’État, qui se sont mobilisés très rapidement au service des populations. Je n’oublie pas non plus qu’une fois l’émotion passée, l’accompagnement, qui est un devoir et une exigence, fait partie des missions permettant d’atténuer la souffrance humaine et psychologique.
M. Jean-Louis Carrère. Nous, dans les Landes, nous attendons toujours ! M. Woerth n’a pas fait ce qu’il fallait !
M. François Baroin, ministre. Dans cet esprit, le ministère du budget a pris des engagements, sous l’impulsion du Premier ministre. Cette exigence de coordination s’applique à l’ensemble des secteurs.
Premièrement, un dispositif dérogatoire s’appliquera en cas de défaut de paiement de personnes physiques, d’entreprises, de commerçants, d’artisans et de professions libérales. Je m’engage personnellement à ce que cette ligne soit maintenue. Des directives ont ainsi été données à la direction générale des finances publiques. Si des incidents se produisaient, n’hésitez pas à solliciter directement mon intervention.
Deuxièmement, il a été demandé aux URSSAF des départements sinistrés d’examiner avec la plus grande souplesse les demandes de délai de paiement et de remise de majoration de retard émanant d’entreprises touchées par la tempête.
Sur la question des déchets que vous soulevez plus précisément, monsieur Merceron, je vais examiner la possibilité d’une dérogation au droit commun pour l’application de la TGAP. Mais vous comprendrez que seules pourront en bénéficier les communes membres du syndicat mixte départemental d’étude et de traitement des déchets ménagers et assimilés en Vendée, le fameux Trivalis.
Le cas échéant, nous pourrons envisager, pour des raisons d’équilibre et d’équité fiscale, un éventuel allongement des délais de paiement, selon un calendrier et des modalités plus souples que nous définirons ensemble. Tout sera mis en place pour que la Vendée ne soit pas pénalisée, sur le plan humain comme sur celui des finances des syndicats de communes et du département. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jean-Louis Carrère. Tant mieux pour la Vendée, mais j’en doute !
politique du gouvernement après les régionales
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour le groupe socialiste.
M. Jean-Pierre Bel. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Permettez-moi de faire un simple rappel : les élections régionales ont donné une très large victoire à la gauche – on peut considérer que celle-ci a remporté près de vingt-trois régions sur vingt-six ! –…
Un sénateur de l’UMP. Vous comptez le Languedoc-Roussillon ?
M. Jean-Pierre Bel. … tandis que les candidats de la majorité se sont vu infliger une sévère défaite.
Mais je recommanderai à chacun, compte tenu de l’état du pays, de garder le sens de la mesure : pas de triomphalisme hors de propos pour les uns, pas de politique de l’autruche, d’arrogance ou de mépris pour les autres.
Au-delà du vote sanction, qui apparaît comme une évidence, chacun doit essayer de comprendre ce que les Français ont voulu signifier. En tout cas, nous nous y sommes efforcés, et nous avons été nombreux, par-delà les clivages politiques, à les entendre dire qu’ils étaient victimes d’une injustice permanente dans leur vie quotidienne : injustice sociale, injustice territoriale, injustice générationnelle, injustice devant la contribution que chacun doit apporter à la nation...
« C’est pas juste ! », disent ceux qui ne parviennent plus à boucler leurs fins de mois et qui n’ont plus d’espoir de voir leur situation s’améliorer.
« C’est pas juste ! », disent les élus et les citoyens des territoires qui voient les entreprises disparaître de leur paysage et les services publics se réduire peu à peu comme peau de chagrin.
« C’est pas juste ! », disent les jeunes, comprenant qu’ils devront payer l’addition de la situation actuelle et assumer la charge de déficits historiques pour l’avenir.
« C’est pas juste ! », disent les contribuables, qui voient les cadeaux massifs faits aux plus riches et le fardeau toujours plus lourd qui pèse sur les classes moyennes et populaires.
M. Gérard Longuet. Les impôts socialistes !
M. Jean-Pierre Bel. Nous sommes donc en droit de vous demander, monsieur le Premier ministre, si vous avez entendu, après ces résultats, le message qui vous était adressé, notamment celui qui concerne la responsabilité de l’État républicain en matière d’équité, après que vous avez instauré le fameux bouclier fiscal exonérant fortement les plus nantis.
Cette mesure, je vous assure que les Français la ressentent comme le symbole même de l’injustice qui leur est faite, et non pas, ainsi que vous l’expliquez, comme un soutien à l’investissement... Ils y verraient plutôt un soutien aux privilégiés, sur le dos de ceux qui font les frais de la crise.
Monsieur le Premier Ministre, si vous avez vraiment entendu ce message, pouvez-vous répondre à cette seule et simple question : au moment où les Français sont confrontés à la crise, allez-vous revoir votre politique, allez-vous revoir le bouclier fiscal ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Vous me demandez, monsieur le sénateur, si nous allons tenir compte du résultat des élections régionales. Ma réponse est oui !
Les listes de la coalition de gauche ont remporté un grand succès lors des élections régionales.
M. Gérard Longuet. Sauf en Alsace !
M. François Fillon, Premier ministre. Vous allez présider vingt-deux ou vingt-trois régions sur les vingt-six que compte notre pays. C’est une très grande responsabilité, et je voudrais saluer, dans un esprit républicain, ceux et celles qui vont l’exercer.
Cette responsabilité est d’autant plus grande qu’elle s’exercera dans un contexte de sortie de crise qui exige une meilleure coordination entre les politiques locales et les politiques nationales. J’espère donc que nous pourrons conduire cette coordination dans un esprit républicain. Je l’espère d’autant plus que les régions ne sont pas des contre-pouvoirs, mais des éléments constitutifs de la nation et de l’État. (Mme Catherine Procaccia et M. Nicolas About applaudissent.)
Mme Nicole Bricq. Et le Grand Paris ?
M. François Fillon, Premier ministre. Je prendrai dans les prochains jours des initiatives afin d’examiner, avec les présidents de conseil régional, le moyen de mieux assurer cette coopération entre l’État et les régions.
Cela étant dit, monsieur Bel, le vote de dimanche dernier n’a rien changé aux défis que notre pays doit relever, notamment celui de la compétitivité de l’économie française, qui n’est pas, nous devons le reconnaître, au niveau de celle de notre voisin allemand, pour ne prendre que cet exemple.
Il n’a rien changé au grave défi que, comme beaucoup d’autres pays européens, nous devons relever en matière d’endettement, et nous constatons chaque jour combien cette question est majeure pour l’avenir de notre pays et pour les générations futures.
Il n’a rien changé à la nécessité de protéger notre modèle social face à l’allongement de la durée de la vie.
Oui, monsieur Bel, nous allons amplifier nos efforts pour relever ces défis et protéger les Français.
M. Jean-Louis Carrère. Et le bouclier fiscal ?
M. François Fillon, Premier ministre. Mais vous, que proposez-vous, en dehors de votre rengaine sur le bouclier fiscal ? (Rires sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. David Assouline. C’est la rengaine des Français !
M. François Fillon, Premier ministre. Vous proposez soit de tout arrêter, ce qui aboutirait naturellement à la remise en cause de notre mode de vie, soit de mettre en œuvre un projet socialiste que je ne connais pas parce qu’il n’existe pas, en tout cas pas encore ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
J’ai bien entendu les critiques que vous formulez, ainsi que celles des Français. Mais au cours de cette campagne, monsieur Bel, je n’ai pas entendu les Français réclamer la fin de l’autonomie des universités, réclamer la fin du revenu de solidarité active ou encore la suppression de l’exonération des droits sur les petites et les moyennes successions !
M. Didier Boulaud. Continuez ! Surtout, ne changez rien !
M. Jean-Louis Carrère. Est-ce que vous allez revoir le bouclier fiscal ?
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président Bel, si votre question est : « Le Gouvernement va-t-il faire demi-tour ? », eh bien, ma réponse est non ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l’Union centriste.)
M. Jean-Louis Carrère. Vous l’avez déjà dit hier !
politique économique et sociale après les régionales
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour le groupe CRC-SPG.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Selon le Président de la République, avec lequel vous êtes d’accord, monsieur le Premier ministre – cela, je vous le concède ! –, « rien ne serait pire que de changer de cap ».
Il veut continuer à alléger les charges sur le travail et à refuser toute augmentation d’impôt pour les riches, accélérer des réformes contestées et stigmatiser encore plus les familles modestes et les étrangers. Curieuse analyse de la sanction par les électeurs de sa politique, de votre politique !
Ce que les électeurs ont sanctionné, c’est une politique pour les plus favorisés, au détriment de l’immense majorité : réduction de l’impôt de solidarité sur la fortune, bouclier fiscal, exonération de l’impôt sur les sociétés, exonérations patronales sur les heures supplémentaires.
L’infime minorité qui en profite – les financiers et les pouvoirs qui les soutiennent, notamment le vôtre ! – a plongé la France et le monde dans une crise économique et sociale gravissime. Or ils en sortent indemnisés et même récompensés !
M. Roland du Luart. C’est une honte d’entendre cela !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’État a renfloué les banques sans contrepartie, et tout continue comme avant : retraites dorées, bonus des traders, dividendes du CAC 40, etc. Pendant ce temps, les populations payent le prix de la crise : baisse du pouvoir d’achat des salaires et des retraites, précarité, chômage en augmentation de 10 %, déstructuration des services publics... Ces populations vont aussi subir l’augmentation de 9,7 % du prix du gaz, alors que le long hiver a permis à l’entreprise privée GDF-Suez d’engranger d’énormes bénéfices. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Monsieur le Premier ministre, le message des Français est clair : ils en ont assez de l’injustice sociale, assez de payer une politique en faveur des plus riches. Ils veulent la justice sociale et fiscale. Ils veulent une réponse solidaire du pays à la crise. Ils veulent un changement de politique, changement que, à l’évidence, la droite n’est pas susceptible d’opérer.
Personne ne saurait toutefois comprendre que vous continuiez à provoquer le monde du travail, comme Mme Christine Lagarde sait le faire quand elle justifie le bouclier fiscal en disant que si c’est la partie la plus riche de la population qui en profite, c’est parce que c’est elle qui fait tourner l’économie ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Dominique Braye. Vous ne représentez plus rien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est une provocation pour le monde du travail ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Vous pouvez protester, c’est la réalité !
M. Dominique Braye. Un peu de respect !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous devez au moins entendre que la solidarité ne s’adresse qu’aux plus faibles et abroger le bouclier fiscal, cette mesure inique qui rapporte 150 millions d’euros à ses 150 plus gros bénéficiaires. C’est ce que nous vous demandons ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Il y a une chose sur laquelle nous serons d’accord : l’importance de la valeur travail.
M. Jean-Pierre Godefroy. Tu parles !
Mme Christine Lagarde, ministre. Vous respectez le travail, je le respecte aussi, notre Gouvernement le respecte et il le démontre depuis 2007.
M. Jacques Mahéas. Baratin !
Mme Christine Lagarde, ministre. Nous nous accorderons également sur ce point : nous avons besoin des deux facteurs, le capital et le travail, pour faire tourner une économie.
M. Didier Boulaud. Et des hommes !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le monde du travail paie votre crise !
Mme Christine Lagarde, ministre. À vous entendre, notre gouvernement, sous l’autorité de François Fillon, aurait à rougir de sa politique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Didier Boulaud. C’est la France qui rougit !
Mme Christine Lagarde, ministre. Eh bien, j’affirme que nous n’avons pas à rougir de la politique que nous avons mise en œuvre !
Premièrement, s’agissant de la croissance, observons la façon dont les autres nous regardent. Selon la Commission européenne, la France sortira plus vite de la crise actuelle que les autres pays de la zone euro.
M. Jean-Louis Carrère. Et l’Allemagne ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Les prévisions de la Commission pour l’année 2010 font apparaître une augmentation de 1,2 % du PIB de notre pays, soit exactement le même chiffre que pour l’Allemagne et bien plus que la moyenne au sein de la zone euro.
Deuxièmement, aurions-nous à rougir de notre politique fiscale ? Actuellement, alors que la croissance redémarre doucement et qu’elle est encore fragile, la pire des solutions serait de charger le pays avec des impôts supplémentaires.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Provocation !
Mme Christine Lagarde, ministre. Nous ne nous y résignerons pas. Nous n’augmenterons pas les prélèvements obligatoires : ce n’est certainement pas le moment de le faire ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
MM. Didier Boulaud et Jacques Mahéas. Mais le prix du gaz, oui !
Mme Christine Lagarde, ministre. Troisièmement, aurions-nous à rougir de la politique de l’emploi que nous mettons en œuvre ? Ma réponse est non ! Avons-nous des résultats parfaits ? Bien sûr que non ! Le chômage persiste, même si son augmentation est freinée et la situation stabilisée. Au mois de février, le nombre de demandeurs augmentait de 3 300, ce qui est infiniment moins qu’au mois de janvier.
M. Robert Hue. Une augmentation de 13 % en un an !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela fait 5000 000 au total !
Mme Christine Lagarde, ministre. Comparons les chiffres : la moyenne mensuelle au premier trimestre 2009 s’élève à 64 000 ; au quatrième trimestre 2009, elle est quatre fois inférieure.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez rayé des chômeurs des statistiques !
M. Jean-Louis Carrère. C’est du Giscard dans le texte !
Mme Christine Lagarde, ministre. Nous enregistrons donc des résultats.
Sur tous les plans évoqués par M. le Premier ministre, qu’il s’agisse de la compétitivité, de la recherche et de l’innovation, de la politique de l’emploi ou de la réduction des déficits publics, je vous appelle, madame Borvo Cohen-Seat, à un effort collectif, parfaitement justifié en période de crise. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Bizet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Le Président de la République a mis l’agriculture et même la politique agricole commune, la PAC, au cœur de ses priorités. Ce n’est que justice, compte tenu des tragédies quotidiennes que vit le monde agricole.
La PAC donne un cadre et des moyens. Ce cadre comme ces moyens sont indispensables et ils sont à l’honneur de la construction européenne. Cependant, alors que le secteur connaît sa crise la plus grave depuis trente ans, il faut aussi explorer des voies nouvelles, en oubliant le temps et le mythe de la PAC administrée.
M. Jean-Pierre Godefroy. J’entends cela depuis deux ans !
M. Jean Bizet. C’est tout le sens de la régulation et de la contractualisation, évoquées depuis quelques mois. Mais comment réguler un secteur lorsque les parties – l’acheteur et le vendeur – sont dans des positions si différentes et, en vérité, si inégales ?
Pour le dire simplement, les agriculteurs ne sont pas en mesure de négocier les prix, ni leurs prix de production, face aux banques et aux fournisseurs d’engrais et de matériels, ni a fortiori leurs prix de vente, face à des industriels organisés ou à des centrales d’achat hyper concentrées.
Même sans la PAC, j’ose le dire, le marché convient aux agriculteurs, mais à condition que leurs partenaires n’abusent pas de leur position dominante !
Si l’on permet et même si l’on favorise le pouvoir de négociation des producteurs pour corriger l’asymétrie des filières, ce sont la Commission et les autorités de concurrence qui protestent !
Il y a toujours eu, concernant la PAC, des problèmes de cohérence. La PAC administrée générait des surplus. La PAC réformée crée des rentes agricoles sous forme d’aide aux revenus. Maintenant, la PAC régulée ne peut fonctionner parce qu’on lui oppose le droit de la concurrence !
Il est temps de faire cesser ces aberrations. Quelques pistes peuvent être envisagées : la massification de l’offre et le mandat de négociation collective doivent pouvoir être autorisés. L’égalité de traitement doit pouvoir être garantie.
Il appartient au politique de prendre ses responsabilités pour donner plus de souplesse au droit de la concurrence. Car la société ne peut demander au monde agricole d’évoluer sans lui donner les moyens, y compris juridiques, de le faire. Le monde agricole ne peut vivre dans ces contraintes et dans ces contradictions permanentes.
Le problème se pose évidemment avec acuité dans le secteur laitier et pour le niveau du prix du lait. Les producteurs demandent rééquilibrage et dignité. Que comptez-vous faire pour leur répondre ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Monsieur Bizet, vous êtes un spécialiste du secteur laitier et du marché du lait en France. Vous savez quelles sont les réponses appropriées pour redonner du revenu et de la visibilité à tous les producteurs de lait.
La première solution consiste à fixer un prix permettant de couvrir les vrais coûts de revient de chaque producteur. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation de blocage liée à la définition du prix au deuxième trimestre. Je réunirai l’interprofession laitière mardi prochain pour que nous sortions de cette impasse.
Tous les producteurs de lait en France ont droit à un prix susceptible de leur fournir un revenu digne de leur travail ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. La deuxième solution consisterait à donner de la visibilité grâce aux contrats écrits entre producteurs et industriels.
Il faut mettre un terme à cette situation qui voit les producteurs de lait s’engager à rénover leurs installations pour 200 000, 250 000 ou 300 000 euros sans savoir ce qu’ils toucheront le mois suivant !
Je souhaite que, tous ensemble, nous mettions en place, à partir de la loi de modernisation, des contrats écrits entre producteurs et industriels…
M. Jean-Pierre Raffarin. Oui, une coopération !
M. Bruno Le Maire, ministre. … qui fixeront un volume, une durée – de quatre, cinq ou six ans – et un prix.
M. Jean-Louis Carrère. Agissez !
M. Bruno Le Maire, ministre. Aujourd’hui, cette définition du prix par l’interprofession n’est pas possible au titre du droit de la concurrence européenne.
M. Jean-François Voguet. Et les hypermarchés ?
M. Didier Boulaud. Quand la droite libérale retrouve les vertus de la planification…
M. Bruno Le Maire, ministre. Je souhaite obtenir, dans les meilleurs délais possibles, une modification du droit de la concurrence européenne avec le soutien du Premier ministre et du Président de la République. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je présenterai lundi au Conseil des ministres européens la proposition française de modification du droit de la concurrence européen qui permettra aux producteurs de définir un indicateur de tendance de marché dans l’interprofession.
M. Jean-Louis Carrère. Vive les quotas !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je présenterai cette proposition à Joaquin Almunia, commissaire européen à la concurrence, de façon que, enfin, les producteurs puissent avoir de la visibilité sur leurs revenus.
Enfin, la troisième solution, vous la connaissez : il s’agit du maintien d’outils d’intervention à l’échelle européenne. Lorsque le prix du lait s’est effondré en 2009, nous avons livré une bataille diplomatique déterminée, en réunissant vingt-deux États membres, afin d’obtenir que la Commission européenne, après trois mois de crise qui ont asphyxié les producteurs, dépense 300 millions d’euros sur le marché agricole du lait pour faire remonter les prix. Les prix ont ainsi remonté en janvier 2010 de 10 % par rapport à janvier 2009, grâce à l’intervention de la Commission et à la mobilisation française.
Il faut des instruments d’intervention et de régulation des marchés agricoles : c’est la condition de la survie et de la défense des agriculteurs français ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l’Union centriste.)
réforme des collectivités territoriales
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger, pour le groupe socialiste.
M. Yves Krattinger. Monsieur le Premier ministre, pendant toute la campagne électorale, les ministres ont dressé contre les collectivités un violent réquisitoire. Ils appelaient à sanctionner les régions à majorité socialiste.
M. Didier Boulaud. Raté !
M. Yves Krattinger. Les électeurs ont apporté une tout autre réponse : ils ont préféré sanctionner le Gouvernement.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Yves Krattinger. Très majoritairement, ils ont approuvé les politiques conduites par les régions (On le conteste sur les travées de l’UMP.) : leur rôle dans l’aménagement du territoire, les politiques de transport, leur capacité à former les hommes, à encourager l’innovation et la recherche, à soutenir l’économie.
M. Christian Cambon. Leurs impôts ?
M. Yves Krattinger. Leurs initiatives en faveur du développement durable sont appréciées.
Les Français savent aussi le rôle prépondérant des collectivités dans l’investissement public et la mise en œuvre concrète des solidarités sociales et territoriales.
Votre projet de réforme des collectivités territoriales est très contesté, et vous le savez. Il est fondé sur des attendus erronés. Il est incompréhensible dans ses préconisations et tortueux dans son cheminement législatif. Il complexifie au lieu de simplifier et il amplifie les inégalités.
C’est un retour en arrière sur le chemin de la décentralisation.
Il marque aussi une dangereuse défiance à l’égard des élus locaux. Le projet de Grand Paris en est un exemple particulièrement criant !
Monsieur le Premier ministre, ne restez pas sourd à ce message des électeurs : entendons-le ensemble ! Ils souhaitent une réforme qui approfondisse la décentralisation au lieu de la réduire, qui reconstruise une relation de confiance entre l’État et les collectivités, qui permette, dans le contexte de crise majeure que traverse la France, de rassembler toutes les énergies dans le respect mutuel et la coresponsabilité indispensables à l’exercice apaisé de la démocratie locale.
Cette réforme, nous en avons jeté les bases ici même, dans un large consensus, au sein de la mission temporaire du Sénat sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales.
M. David Assouline. C’est vrai !
M. Yves Krattinger. Le groupe des sénateurs socialistes et apparentés a toujours fait et fera encore des propositions. Nous sommes prêts au dialogue.
Êtes-vous enfin décidé à retirer un projet si mal engagé et surtout à renoncer à son étendard provocateur, le conseiller territorial, pour associer les forces politiques à l’élaboration d’une réforme ambitieuse au service de notre pays et de tous nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Les Français se sont exprimés. Nous devons, bien entendu, tous être attentifs aux messages qu’ils nous ont adressés.
M. Jean-Louis Carrère. Voilà !
M. Brice Hortefeux, ministre. Le premier message apparaît, à mon sens, dans le taux d’abstention. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. Et pas dans les scores de l’UMP ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Près de 54 % au premier tour, près 49 % au deuxième tour, soit les taux les plus élevés enregistrés depuis 1986 !
Mme Nicole Bricq. Vous n’avez pas dit cela pour les élections européennes !
M. Brice Hortefeux, ministre. Sans doute les causes de cette abstention sont-elles multiples.
Comme cela a été remarqué, pour la première fois depuis 1986, ce scrutin n’était pas jumelé avec un autre. Mais ce serait commettre une grave erreur que de croire que les Français nous ont demandé de maintenir le statu quo, de ne rien bouger et de ne rien entreprendre.
Mme Raymonde Le Texier. Personne ne prétend cela !
M. Jean-Louis Carrère. Nous ne sommes pas pour le statu quo !
M. Brice Hortefeux, ministre. Comment nier sérieusement que le taux d’abstention enregistré est certainement dû, pour sa plus grande partie, à la complexité de notre paysage institutionnel local ? (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Robert Hue. Vous êtes allergiques à la démocratie !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Supprimez donc la démocratie !
M. Brice Hortefeux, ministre. Dire cela, ce n’est pas polémiquer ! C’est au contraire constater avec sérénité que nos concitoyens ne sont pas convaincus par la pertinence, la lisibilité et l’efficacité de l’action régionale.
La vérité, c’est que la nécessité d’une réforme de notre organisation territoriale n’a jamais été aussi forte. Nous avons le devoir de simplifier, de clarifier et d’alléger notre organisation locale.
La Haute Assemblée s’est d’ailleurs engagée dans ce débat et a adopté le principe du conseiller territorial. Ce débat va se poursuivre à l’Assemblée nationale et il reviendra au Sénat.
Croyez-le bien, monsieur Krattinger, dans ce débat, notre volonté d’écoute restera totale et nous serons attentifs aux propositions que vous pourrez avancer. Mais ne doutez pas une seule seconde de notre détermination à faire aboutir cette réforme majeure. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Raymonde Le Texier. Même pas peur !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, pour le groupe UMP.
Mme Catherine Troendle. En l’absence de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, à qui était destinée ma question, je l’adresserai à M. le ministre de l'intérieur.
Selon un récent sondage IPSOS, réalisé pour le quotidien France Soir, 81 % des parents pensent que leurs enfants sont en sécurité dans leur établissement scolaire ou d’enseignement supérieur.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’était pas un sondage de l’Élysée !
Mme Catherine Troendle. Ce chiffre atteint 91 % pour l’école maternelle, mais il descend à 72 % pour le lycée.
Ce sondage pourrait paraître rassurant, mais l’actualité de ces derniers mois a mis en évidence un profond malaise au sein de nos établissements scolaires : la violence s’y est invitée à tous les échelons.
Arrêtons-nous quelques instants sur ces enfants scolarisés dans les écoles primaires, qui n’hésitent pas, à l'occasion d’une contrariété, à agresser verbalement, voire physiquement, leur enseignant. Rappelons qu’ils ont moins de onze ans !
Il est nécessaire de s’interroger, me semble-t-il, sur ce comportement de violence, en faisant référence au parcours scolaire et personnel de ces enfants. Je ne puis croire que ceux-ci deviennent violents du jour au lendemain. Bien souvent, ils présentent un comportement agressif dès l’école maternelle.
Mme Raymonde Le Texier. Mais non !
M. David Assouline. Pourquoi pas dès la crèche ? Ou même à la maternité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors, qu’est-ce que vous proposez ? La prison à trois ans ?
Mme Catherine Troendle. Aussi, je pense qu’il est nécessaire de multiplier les messages en direction des enseignants des écoles maternelles,…
Mme Raymonde Le Texier. Dramatique !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais vous supprimez les classes de maternelle !
Mme Catherine Troendle. … afin que ceux-ci signalent le plus tôt possible des comportements agressifs, hors normes bien sûr, aux psychologues scolaires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Ceux-ci pourront ainsi, très en amont, apporter des solutions à des enfants qui, finalement, faute d’une éducation dispensée par les parents, sont en souffrance.
Du reste, on peut se demander s’il existe assez de psychologues pour faire face sereinement à tous ces signalements !
Cependant, à aucun moment, il ne nous faut perdre de vue que c’est aux parents qu’incombe la responsabilité première de l’éducation morale des enfants ; il ne peut être demandé à l’État de pallier les manquements des parents.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La question vient directement de l’Élysée !
Mme Catherine Troendle. L’enseignant doit pouvoir enseigner ; il ne doit pas être troublé dans l’exercice de la mission qui est la sienne.
Je préconise que, lorsque la démission des parents est avérée, une disposition permettant de suspendre les allocations familiales soit mise en œuvre. (Exclamations affligées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Catherine Troendle. Tous les dispositifs qui existent en la matière sont inopérants et trop lourds à appliquer.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Jacques Mahéas. Propos honteux !
Mme Catherine Troendle. Monsieur le ministre, il convient donc de revoir l’ensemble de ce mécanisme.
Il est également une autre préconisation que je me permettrai de vous soumettre.
Un enfant a été roué de coups par ses camarades, en Seine-Saint-Denis, le 18 janvier dernier,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Occupez-vous donc du département dont vous êtes l’élue !
Mme Catherine Troendle. … et l’on a pu lire peu après dans la presse que les agresseurs, exclus pour quelques jours de leur établissement, y étaient revenus !
M. le président. Veuillez poser votre question, ma chère collègue.
Mme Catherine Troendle. Et c’est la victime qui s’est entendu proposer par le recteur un changement d’établissement !
Monsieur le ministre, à mes yeux, cette réaction s’apparente à une nouvelle agression, car la victime devra justifier de sa présence dans ce nouvel établissement.
M. le président. Posez votre question, s’il vous plaît !
Mme Catherine Troendle. Où est la justice ? Ne pensez-vous pas que ce sont les agresseurs qui doivent être séparés et mutés dans d’autres établissements ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le fouet et la prison !
Mme Catherine Troendle. M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, a annoncé la tenue d’états généraux sur la sécurité en milieu scolaire.
M. le président. Il faut vraiment poser votre question, maintenant !
Mme Catherine Troendle. Pouvez-vous me confirmer qu’il est bien question d’y associer très largement les principaux concernés : les élèves ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Bruno Retailleau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Madame Troendle, je répondrai au nom de Luc Chatel, qui se trouve en déplacement dans l’académie de Nice…
M. David Assouline. Même à Nice vous avez été minoritaires aux régionales !
M. Brice Hortefeux, ministre. … et avec lequel je partage naturellement le souci de combattre cette violence scolaire, qui devient inacceptable.
Hier encore, nous avons eu connaissance d’un cas particulièrement préoccupant. Une jeune fille de quinze ans, qui avait été expulsée temporairement de son collège, à Créteil, a agressé l’un de ses professeurs dans l’enceinte de l’établissement.
Comme le Président de la République l’a rappelé hier avec beaucoup de solennité et de force, la lutte contre les violences scolaires constitue évidemment, pour le Gouvernement, une priorité de tous les instants.
M. Jean-Louis Carrère. Cela fait dix ans que vous racontez la même chose !
M. Brice Hortefeux, ministre. Nous savons que près de la moitié des incidents graves qui se produisent dans des établissements scolaires concernent seulement 10 % d’entre eux ; mais cela ne signifie aucunement que nous devions relâcher notre vigilance dans les autres.
L’établissement scolaire est le lieu de la transmission du savoir et de l’apprentissage des valeurs républicaines, non celui de combats de rue.
Aussi le ministre de l’éducation nationale et moi-même avons-nous pris un certain nombre d’initiatives.
Premièrement, nous avons institué des partenariats entre les acteurs de la sécurité et ceux de l’éducation, notamment en créant 5 247 correspondants « sécurité-école », ainsi que des référents, c’est-à-dire des policiers et des gendarmes qui sont les interlocuteurs des établissements.
M. Jean-Louis Carrère. Alors arrêtez de supprimer des postes de gendarmes !
M. Brice Hortefeux, ministre. Deuxièmement, nous avons décidé de réaliser des diagnostics de sécurité dans les établissements qui présentent effectivement des risques. Ces documents seront tous établis avant la fin de la présente année scolaire, ce qui nous permettra d’adopter des mesures nouvelles, et notamment d’installer des équipements de vidéoprotection, qui permettent eux aussi de lutter contre les violences scolaires.
Toutefois, madame Troendle, vous avez raison, nous devons aller encore plus loin. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
M. Jean-Louis Carrère. Renforcez les effectifs de gendarmes !
M. Brice Hortefeux, ministre. J’ai donc décidé de mieux articuler la lutte contre les violences scolaires avec celle qui est menée contre les « deals » de proximité et les bandes, que celles-ci soient organisées ou non.
La récente loi sur les bandes violentes nous offre de nouveaux outils opérationnels. En particulier, elle aggrave les sanctions contre ceux qui porteraient atteinte aux élèves et aux enseignants. C’est un signal fort qui a été ainsi adressé.
M. David Assouline. Rétablissez les postes de surveillants que vous avez supprimés !
M. Brice Hortefeux, ministre. De même, à travers la prochaine LOPSI, c'est-à-dire la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, que le Sénat examinera bientôt, j’ai prévu que soient mieux accompagnés les parents qui n’arrivent pas à exercer leur autorité, en particulier lorsque leurs enfants ont troublé le bon fonctionnement des établissements scolaires.
Nous proposerons donc de renforcer le contrat de responsabilité parentale. Si les parents ne respectent pas leurs engagements, la suspension des allocations familiales doit pouvoir être ordonnée.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Brice Hortefeux, ministre. Vous avez raison de le souligner, madame la sénatrice, les sanctions familiales doivent être effectives, et s’il faut modifier la loi, nous le ferons. En tout cas, soyez certaine que nous ne relâcherons jamais notre combat au service des enfants et des enseignants. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.)
politique sociale au lendemain des régionales et réforme des retraites
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Il est parti !
M. Claude Domeizel. Au lendemain de la désapprobation massive que les Français ont marqué au Gouvernement, celui-ci vient d’être légèrement remanié. Faible et timide réaction !
L’ancien ministre du budget, qui compte à son triste palmarès le bouclier fiscal, le cadeau de 2 milliards d’euros au titre de la baisse de la TVA sur la restauration, la RGPP, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, est donc désormais en charge du dossier des retraites.
M. Jean-Pierre Bel. Tout va bien ! Bercy s’occupe de la réforme ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Claude Domeizel. Le Président de la République a promis hier qu’il ne « passerait pas en force ». Je voudrais bien le croire, mais, quelques secondes plus tard, il a annoncé que le projet de loi serait déposé en septembre prochain…
M. Dominique Braye. Dans six mois !
M. Claude Domeizel. … et que le vote définitif interviendrait avant la fin de l’année !
Tout paraît bel et bien ficelé.
M. David Assouline. Eh oui !
M. Claude Domeizel. Il s'agit d’un simple remaniement technique, nous dit-on. Monsieur le ministre, reconnaissez en tout cas que passer du budget à un ministère aux compétences aussi étendues – travail, solidarité et fonction publique –…
M. Jean-Pierre Raffarin. Il est très compétent !
Mme Christiane Hummel. Absolument !
M. Claude Domeizel. … est emblématique de ce qui va se passer, car il y a fort à parier que le dossier des retraites sera abordé sous un angle avant tout comptable.
M. Dominique Braye. Donnez-nous des solutions !
M. Claude Domeizel. Dès lors, monsieur le ministre, avez-vous tout de même l’intention de passer en force ? Ou bien prendrez-vous le temps nécessaire ? Entendrez-vous la semonce de nos concitoyens ?
Les milliers de manifestants qui, avant-hier, ont arpenté nos rues dans toute la France vous ont dit qu’ils attendaient une politique volontariste de l’emploi et, par là même, une amélioration de l’équilibre des régimes de retraite, une réforme des retraites fondée sur la justice et l’égalité.
Ils ont en mémoire la loi de 2003, portée par M. Fillon, devenu depuis Premier ministre,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Toujours les mêmes !
M. Claude Domeizel. … loi qui a notamment amplifié les inégalités entre les femmes et les hommes. Et ils ne veulent pas qu’on les dresse les uns contre les autres.
M. Dominique Braye. Nous attendons vos propositions !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cessez de brailler, monsieur Braye !
M. Didier Boulaud. Il n'y a que Braye qui braille !
M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, la prise en compte des critères humains devra l’emporter sur l’utilisation abusive de la calculette. Il s’agit avant tout d’un choix de société, et non de simples ajustements financiers. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, pour lequel nous formons tout particulièrement des vœux. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste. – M. Bruno Retailleau applaudit également.)
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur Domeizel, vous me faites un procès d’intention !
M. Dominique Braye. C’est une habitude !
M. Claude Domeizel. Nous verrons !
M. Éric Woerth, ministre. Vous affirmez qu’en tant que ministre du budget j’avais une vision financière. Eh bien oui, et je suis persuadé que ce sera aussi le cas de François Baroin. (M. le ministre du budget, des comptes et de la fonction publique acquiesce.) Qu’un ministre du budget développe une vision financière, c’est tout de même bien le moins que l’on attend de lui !
M. Dominique Braye. Pas chez les socialistes !
M. Éric Woerth, ministre. Après tout, je n’étais pas ministre de l’éducation nationale ou de la culture... De grâce, soyons sérieux ! (Sourires et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jean-Louis Carrère. Vous avez beaucoup d’humour, monsieur le ministre !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais vous êtes membre du Gouvernement, pas comptable !
M. Éric Woerth, ministre. Je voudrais à présent évoquer les retraites, dont je souhaiterais que nous discutions sérieusement, et non pas de manière caricaturale comme vous le faites.
Les retraites posent un problème financier. Ce n’est pas être inhumain que de l’affirmer !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elles posent aussi un problème social !
M. Éric Woerth, ministre. Du reste, si les retraites ne posaient pas un problème financier, monsieur Domeizel, nous n’aurions pas à nous poser des questions à leur sujet !
Nous devons savoir si nous répondons à ce problème de façon uniquement financière ou en le prenant en compte dans sa globalité. Bien entendu, en tentant de résoudre un problème financier, on peut aboutir à des solutions qui ne se limitent pas à cet aspect. Prendre en compte la pénibilité du travail, la durée de cotisation, l’augmentation de la durée de la vie dans notre société constitue une façon humaine, me semble-t-il, de poser la question des retraites.
En effet, si les retraites ne sont pas financées, qui payera la facture ?
M. David Assouline. Pas vous !
M. Didier Boulaud. Les régions !
M. Éric Woerth, ministre. Vous pourriez tout de même vous poser la question ! Qui règlera la facture si les retraites ne sont pas financées ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les plus modestes !
M. Jean-Louis Carrère. Le bouclier fiscal !
M. Éric Woerth, ministre. Il faut bien que quelqu’un s’en charge, et surtout pas ceux qui, aujourd’hui, doivent trouver leur place dans la vie active.
Si les jeunes n’ont plus les moyens de payer les pensions de ceux qui sont à la retraite dans le cadre du régime par répartition, ce dernier devient un régime par emprunt. Telle est la réalité !
Le régime actuel ne suffit plus. Pour maintenir notre système de retraite par répartition, nous devons le protéger et l’adapter à une durée de vie qui sera très longue pour ceux qui naissent aujourd'hui, sachant que nous gagnons un trimestre de vie chaque année. Voilà comment le problème se pose !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il ne suffit pas de le répéter. Il faut agir !
M. Éric Woerth, ministre. Il ne faut pas poser ce problème de façon caricaturale. Sinon, nous ne parviendrons pas à nous parler. Or c’est une nécessité ! La droite et la gauche doivent s’entendre sur ce dossier : la question des retraites n’est pas idéologique, mais purement pratique. Elle nous concerne tous, ainsi que nos enfants.
M. Jean-Louis Carrère. Tout est idéologique !
M. Éric Woerth, ministre. À certains moments de la vie politique française, nous devrions pouvoir nous rassembler. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous appelle donc au dialogue et au rassemblement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.)
indemnisation des exploitations sinistrées par la tempête et indemnisation des ostréiculteurs
M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous ne m’en voudrez pas de m’exprimer à mon tour, en tant qu’élu vendéen, sur le sujet tragique de la tempête Xynthia.
Pour la Vendée, le bilan est de 29 morts, plus de 1 000 maisons sinistrées, 192 exploitations agricoles inondées, des centaines d’entreprises ostréicoles, du commerce et de l’artisanat détruites, des kilomètres de digues submergées ou broyées, des dizaines d’infrastructures routières, portuaires et ferroviaires fragilisées ou emportées.
Cette catastrophe a vu toute la population vendéenne faire preuve d’entraide et d’humanité. Des actes d’un courage proprement héroïque ont été accomplis par les sauveteurs. Mais toute la Nation a aussi exprimé sa compassion et sa solidarité, illustrées par la venue à deux reprises du Président de la République et par la présence du Premier ministre lors de la très émouvante cérémonie d’hommage organisée à la mémoire des défunts.
Voici maintenant venu le temps de la reconstruction.
Tout d’abord, je tiens à mon tour à remercier, au nom de la Vendée, la réponse rapide et réactive du chef de l’État et du Gouvernement.
Ont été débloqués 3 millions d’euros pour les sinistrés, 20 millions d’euros pour les ostréiculteurs, 5 millions pour les agriculteurs. En outre, des aides pour la restauration des locaux et des outils des entreprises détruites seront accompagnées d’apports en trésorerie immédiats.
Le 16 mars dernier, Nicolas Sarkozy a annoncé au conseil général de la Vendée, répondant ainsi au souhait de Philippe de Villiers, la fin des digues dites « spéculatives », qui permettent l’urbanisation de zones à risque mortel. Il soutiendra en revanche la réparation des digues économiques, qui protègent les ostréiculteurs, les conchyliculteurs et les agriculteurs et a promis qu’il reviendrait en Vendée présenter avant l’été un plan « digues ».
Enfin, sur votre proposition, monsieur le président du Sénat, notre assemblée a décidé la création d’une mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia, qui se penchera sur les questions d’urbanisme et d’environnement, mais aussi sur les systèmes d’alerte et les régimes d’indemnisation.
L’ensemble de ce dispositif est en train de se mettre en place. Toutefois, monsieur le ministre, il me reste deux requêtes à vous soumettre.
D’une part, l’aide du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, est distribuée aux entreprises dans la limite d’un plafond de chiffre d’affaires d’un million d'euros. Cependant, certaines entreprises artisanales ont des unités d’œuvre très coûteuses mais une rentabilité faible. Ces très petites entreprises sont donc exclues du dispositif, à moins que l’on puisse déroger exceptionnellement à ce plafond.
D’autre part, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, a détecté en Charente-Maritime et en Vendée un taux anormal de toxine amnésiante produite par des algues microscopiques, ce qui a entraîné l’arrêt et le rappel de la commercialisation des coquillages depuis le 17 mars dernier.
Monsieur le ministre de l’agriculture, pouvez-vous assurer les ostréiculteurs frappés par ce nouveau coup dur qu’une mesure d’urgence sera prise pour compenser la perte de leur production ? (M. Bruno Retailleau applaudit, ainsi que de nombreux sénateurs de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, je me suis rendu à deux reprises en Vendée et en Charente-Maritime. Je dois reconnaître que j’ai été particulièrement frappé et ému par la gravité des dégâts causés par la tempête Xynthia, mais aussi par la solidarité manifestée par les agriculteurs et les ostréiculteurs, solidarité que je tiens à saluer.
Vous m’interrogez sur un certain nombre de dispositifs techniques et d’aides que nous avons décidé de débloquer avec le Président de la République, le Premier ministre et l’ensemble du Gouvernement.
M. Hervé Novelli a tout mis en œuvre pour que plus d’une centaine d’entreprises, dont le chiffre d’affaires est inférieur à un million d'euros, puissent bénéficier immédiatement des aides du FISAC. Cela me semble répondre le mieux aux attentes des petites entreprises de Vendée comme de Charente-Maritime, qu’elles soient commerciales, artisanales ou de services, pour leur permettre de redémarrer rapidement.
Par ailleurs, le Gouvernement a débloqué 5 millions d'euros d’aides en faveur de l’agriculture, notamment sous la forme d’allégements des charges, et 20 millions d'euros en faveur de la conchyliculture et de l’ostréiculture, pour permettre aux professionnels de ces filières de reprendre le plus rapidement possible leur activité en rachetant les matériels nécessaires.
Ces fonds sont aujourd'hui soumis à l’examen de la Commission européenne. J’évoquerai de nouveau le sujet lundi à Bruxelles. Ils seront débloqués dès que nous aurons reçu le « feu vert » de l’Union européenne, car il n’est pas question pour moi – vous connaissez mes principes sur ce sujet – d’accorder des aides d’État que les ostréiculteurs ou les agriculteurs auraient à rembourser dans quelques années. Nous avons pu constater dans d’autres secteurs les désordres qu’une telle pratique pouvait occasionner. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
M. Charles Revet. Il a raison !
M. Bruno Le Maire, ministre. Enfin, j’en viens à l’interdiction de commercialiser un certain nombre de coquillages de Charente-Maritime. Vous le savez, je suis également responsable de la sécurité sanitaire des aliments et il va de soi que nous ne pouvons transiger sur cette question. Il y va de l’intérêt des consommateurs comme de celui des conchyliculteurs.
Nous allons examiner attentivement le soutien qui peut être apporté à ces derniers. Je peux d’ores et déjà vous annoncer, monsieur le sénateur, que l’État prendra à sa charge les intérêts d’emprunt des nouveaux prêts que les ostréiculteurs seraient contraints de souscrire pour faire face à cette nouvelle calamité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l’Union centriste. – M. Bruno Retailleau applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
7
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire d’Ouzbékistan
M. le président. J’ai le plaisir de saluer, dans la tribune d’honneur du Sénat, une délégation de six membres des deux chambres du Parlement d’Ouzbékistan, conduite par la vice-présidente du Sénat ouzbek, Mme Mavjuda Rajabova, ainsi que M. l’ambassadeur d’Ouzbékistan, qui les accompagne. (Mmes et M. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
Cette délégation est en France à l’invitation de notre groupe d’amitié France-Asie centrale. Sous son égide, le Sénat français entretient des relations cordiales et constructives avec le Sénat d’Ouzbékistan depuis la mise en place de cette assemblée, en 2004.
Mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter à nos collègues ouzbeks en votre nom à tous une cordiale bienvenue et un fructueux séjour dans notre pays. (Applaudissements.)
Nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, déposé sur le bureau de notre assemblée.
9
Dépôt de documents en application de lois
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur le crédit d’impôt recherche pour l’année 2009, établi en application de l’article 102 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008.
Il a été transmis à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, ainsi qu’à la commission des finances.
M. le président du Sénat a également reçu de M. Louis Schweitzer, président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, le bilan de la politique de gestion des ressources humaines menée par les sociétés nationales de programme afin de lutter contre les discriminations et de mieux refléter la diversité de la société française, en application de l’article 2 de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Ce bilan a été transmis à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Acte est donné du dépôt de ces documents qui seront disponibles au bureau de la distribution.
10
Services sociaux
Rejet d'une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la protection des missions d’intérêt général imparties aux services sociaux et à la transposition de la directive services, présentée par M. Roland Ries et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (proposition n° 193, rapport n° 319).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Roland Ries, auteur de la proposition de loi.
M. Roland Ries, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chères collègues – en l’occurrence, j’ai l’impression que le féminin s’impose ! (Sourires.) –,…
Mme Catherine Procaccia. Eh oui, pour l’instant tout au moins, il n’y a que des femmes dans l’hémicycle !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Heureusement que nous sommes là ! (Nouveaux sourires.)
Mme Annie David. Madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur,…
M. Roland Ries. … la proposition de loi que j’ai l’honneur de présenter au nom du groupe socialiste a pour objet de reprendre le débat soulevé à l’époque de la discussion relative à la directive services et de mettre en place, dans le cadre de la transposition de cette directive en droit français, les outils législatifs propres à défendre et à protéger notre modèle social.
On ne peut saisir la portée de cette proposition de loi sans avoir à l’esprit les remous provoqués en 2004 par la proposition de directive Services, plus connue sous le nom de directive Bolkestein dans l’opinion publique européenne en général et française en particulier.
Il est vrai qu’en posant initialement le principe du pays d’origine, c’est-à-dire, en fait, en cherchant à généraliser le moins-disant social, cette directive était de nature à faire voler en éclats tous nos systèmes de protection sociale et à accroître dangereusement les tensions sur les différents marchés du travail.
Il aura fallu un travail intense du Parlement européen et de la rapporteur socialiste Evelyne Gebhardt, ainsi, sans doute, que les « non » français et hollandais opposés au traité instituant la Communauté européenne, pour voir le texte profondément remanié.
Non seulement la directive finalement adoptée en 2006 ne contient plus le principe du pays d’origine, mais elle exclut de son champ d’application certains services d’intérêt général, tels que les soins de santé, ou encore les services relevant des missions régaliennes de l’État. Les services sociaux peuvent, eux aussi, échapper au champ de la directive sous certaines conditions, que chaque État pourra choisir ou non de faire valoir.
On peut donc dire que le droit communautaire prévoit un certain nombre de dérogations afin de laisser une marge de manœuvre aux États souhaitant protéger leurs services publics dans tel ou tel domaine.
Vous le savez, madame la secrétaire d’État, les socialistes se sont toujours vigoureusement opposés à ce principe de régimes dérogatoires auxquels le droit communautaire soumet les services d’intérêt général. Nous avons maintes fois demandé, que ce soit au sein du Parlement européen ou au sein du Parlement national, de pouvoir bâtir un droit positif en faveur des services d’intérêt général.
Je rappelle pour mémoire que, l’an dernier, ici même notre collègue Catherine Tasca a encore présenté – hélas, sans succès – une proposition de résolution européenne demandant à la Commission l’élaboration d’une directive-cadre sur les services publics, afin de les protéger, dans leur globalité, de la libre concurrence.
Je ne voudrais pas que, sous prétexte que la Commission européenne a refusé jusqu’à ce jour de discuter d’une initiative législative, le Gouvernement ne déploie pas tous ses efforts pour défendre à l’échelon national nos services publics. Je me refuse, pour ma part, à tenir l’Union européenne pour unique responsable du sort qui est aujourd’hui réservé à nos services sociaux.
Force est de reconnaître que, dans le cadre de la transposition de la directive, qui devait s’achever le 29 décembre dernier, la France est loin d’avoir pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection de nos services sociaux. Le Gouvernement français s’est en particulier refusé à proposer une loi-cadre en la matière, se distinguant en cela d’un grand nombre d’États de l’Union.
La France est en effet le seul pays, hormis l’Allemagne, à avoir préféré la transposition sectorielle. Si le choix de l’Allemagne peut se justifier en raison de sa structure fédérale, la France, en revanche, ne semble guère avoir de raisons de refuser une législation nationale et globale sur la transposition de cette directive.
Je dois avouer que c’est l’une de mes plus grandes interrogations sur ce dossier et je souhaiterais, madame la secrétaire d'État, que vous puissiez nous éclairer sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à privilégier cette voie que je considère comme génératrice d’insécurité juridique.
Certes, il n’est pas dans la tradition française d’élaborer une loi-cadre se substituant au droit existant. Il y a pourtant matière à faire une exception, me semble-t-il, compte tenu de la nécessité de définir une orientation politique précise, claire et surtout lisible pour le Parlement, les citoyens et les acteurs concernés, sur l’interprétation de la directive.
Le sens à donner au texte a suscité et suscite encore tellement de controverses qu’il me paraît primordial que chaque État, et donc la France, adopte des principes clairs sur le sujet. C’est, comme je l’ai dit, ce qu’ont fait la plupart des autres États, quelle que soit la sensibilité politique de leur gouvernement. Pourquoi pas nous, madame la secrétaire d'État ?
D’aucuns me rétorqueront sans doute que le Parlement a d’ores et déjà transposé des dispositions de la directive Services dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie ou encore de la loi Hôpital, patients, santé et territoires. Et il est vrai que nous avons transposé la directive, dans certains secteurs, par la voie législative.
Cependant, pour les services sociaux d’intérêt général, le Gouvernement a procédé par voie réglementaire, privant ainsi le Parlement d’un débat et d’un arbitrage politique clair sur le sort qu’il souhaitait voir réserver à ces services. Et c’est ce choix-là, vous le comprendrez, qui a suscité, chez nous comme au sein de l’ensemble du secteur concerné, la plus vive inquiétude.
Madame la secrétaire d'État, pourquoi laisser sur ce point le pouvoir législatif « hors jeu » en quelque sorte, alors qu’il revient légitimement au législateur de traduire en droit national les directives communautaires ? Je ne peux m’empêcher de voir dans cette méthode que vous mettez en œuvre une forme de mépris, voire de méfiance à l’égard de la représentation nationale.
C’est précisément parce qu’il importe d’ouvrir un débat au Parlement et d’établir une discussion transparente sur la place des services sociaux d’intérêt général au regard de la directive services que le groupe socialiste a décidé de soumettre cette proposition de loi tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Sans cette initiative, le débat n’aurait très certainement jamais vu le jour.
Ainsi, ce texte présenté notamment par François Brottes et Christophe Caresche, a été discuté en séance publique à l’Assemblée nationale en janvier dernier. Comme on pouvait s’y attendre, il a été repoussé par la majorité ! Le débat que nous appelions de nos vœux a été littéralement escamoté, le Gouvernement ayant demandé aux députés de se prononcer par un « vote bloqué » sur l’ensemble de la proposition de loi, sans aucun amendement, en vertu de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution.
Souhaitant prolonger le débat et, surtout, l’ouvrir à la Haute Assemblée, j’ai décidé, en accord avec le groupe socialiste du Sénat, de présenter le texte en mon nom.
La commission des affaires sociales a examiné le texte le 23 février dernier, sans l’amender, conformément à l’accord politique en vigueur au Sénat. En conséquence, le débat porte aujourd’hui sur le texte d’origine. Mme le rapporteur y reviendra tout à l'heure.
Ce rappel factuel me conduit à présent au cœur du sujet qui nous a motivés s’agissant de cette proposition de loi : la protection des missions d’intérêt général des services sociaux.
Apparemment, le Gouvernement semble considérer que certains services sociaux, comme l’accueil collectif de la petite enfance, l’aide à domicile ou encore le soutien scolaire, ne pouvant pas, au regard du texte de la directive, être protégés, ils sont soumis aux règles du libre marché.
Les obligations en termes de tarif ou de prise en charge de populations vulnérables, comme les personnes en situation d’insuffisance de revenus ou les personnes handicapées, ne mériteraient pas, dans ces services, d’être spécifiquement protégées.
Permettez-moi de dire que je ne partage pas cette analyse. Je rappelle une nouvelle fois que, si le texte de la directive Services ne protège pas positivement l’ensemble des services d’intérêt général du libre marché, il offre la possibilité aux États membres de les protéger par dérogation.
Certes, il existe plusieurs interprétations possibles de la directive et des dérogations qu’elle propose. Il y a lieu de distinguer l’interprétation du Parlement européen et celle de la Commission européenne. La première semble assez ouverte, la seconde, beaucoup plus restrictive. Or nous avons nettement le sentiment, madame la secrétaire d'État, que vous privilégiez l’interprétation libérale de la Commission.
Il y avait pourtant matière, sur un sujet aussi sensible, à privilégier au contraire une interprétation protégeant le modèle social que nous avons bâti et qui fait la particularité de la France. D’autant que le nouveau traité de Lisbonne, entré en vigueur en décembre dernier, légitime le choix de la protection, de la défense et même de la valorisation des services publics. La primauté de l’accomplissement de l’intérêt général sur toute autre disposition y est en effet clairement affirmée. La Commission européenne aurait donc difficilement pu s’opposer à l’argument.
Mais, là encore, l’adoption d’une loi nationale claire et précise nous aurait été utile pour éviter de s’en remettre à la décision de la Commission. En somme, nous en revenons toujours à la même idée : il faut légiférer au niveau national pour interpréter la directive dans le sens le plus favorable à la protection de nos services d’intérêt général, tout en étant, bien entendu, en conformité avec le droit communautaire.
En fait, madame la secrétaire d’État, tout est question de volonté et de choix car, même en admettant que la France veuille éviter tout risque de conflit avec la Commission, une solution simple aurait consisté à modifier la réglementation de nos services sociaux pour qu’ils puissent être conformes aux exigences communautaires qui permettent sa protection.
J’ai le sentiment que tout se passe comme si le Gouvernement, au-delà de l’interprétation des textes européens sur les services, avait fait un choix politique sur l’avenir de notre modèle social. Vous faites le tri entre les services sociaux et jugez, en fonction des intérêts politiques du moment, s’il est propice de les soumettre aux règles du marché intérieur ou non.
Prenons l’exemple du secteur de la petite enfance. En ouvrant ce secteur au libre marché, le Gouvernement ne cherche-t-il pas un moyen de remplir l’objectif des 200 000 places supplémentaires promises par le Président de la République lors de la campagne électorale ? Un calcul politique d’autant plus regrettable qu’à long terme ce choix risque fort de fragiliser et de remettre en cause notre modèle social, a fortiori dans une période de crise économique et sociale comme celle que nous traversons actuellement. Une fois de plus, serais-je tenté de dire, la tyrannie du court terme fragilise la vision du moyen et du long terme.
Les acteurs sociaux l’avaient d’ailleurs pressenti. Déjà, dans le cadre du « paquet Monti-Kroes », ils avaient dû se battre pour obtenir du Gouvernement une protection juridique quant à leur financement public. Ce dernier, si je ne me trompe, a longuement hésité avant de concéder aux associations fournissant un service social un outil juridique – la convention pluriannuelle d’objectif, qui reste de faible portée – pour protéger, au regard du droit communautaire, la subvention publique qu’ils reçoivent au titre de leur mission d’intérêt général.
La longue hésitation du Gouvernement et sa soudaine concession, au début de cette année, en disaient déjà long sur l’absence d’une ligne claire et forte permettant la protection de l’ensemble de nos services sociaux. Sa présente interprétation de la directive « Services » est tout à fait emblématique de ce flottement.
Je n’ignore pas que certains services sociaux d’intérêt général sont déjà soumis à une concurrence. Mais c’est une chose d’accepter la possibilité d’une offre privée en matière de service social et c’en est une autre de la promouvoir en allégeant la réglementation. Or telle semble être la finalité de votre action : prôner implicitement la dérégulation et le démantèlement de ces services.
Hélas, les conséquences se feront sentir à long terme. En effet, c’est valider implicitement l’idée d’un système social à deux vitesses : un segment non rentable accueillant les populations vulnérables et un segment performant à destination des personnes plus aisées.
Telle n’est pas la philosophie de notre modèle social. Nos services sociaux n’ont pas un simple rôle de réparation pour les plus démunis. Notre modèle social est au contraire fondé sur l’objectif de mixité sociale, de promotion de la diversité et d’innovation sociale. Le rôle de nos services sociaux ne saurait être réduit à celui d’une simple aide caritative : ce serait mettre à mal toute la qualité de notre modèle social, fondé sur les principes républicains de cohésion et de solidarité.
S’il faut encore souligner l’importance de cet enjeu, je rappelle, madame la secrétaire d’État, que l’Association des maires de France s’est unanimement opposée à la politique menée par le Gouvernement sur ce dossier. Les maires, qui sont, eux, amenés concrètement à faire appel à l’action des services sociaux sur le terrain, sont extrêmement attachés à la qualité de nos services publics, dont les dispositifs sont conçus de manière que toutes les catégories de la population puissent en bénéficier. Incidemment, ils regrettent que le Gouvernement ne prenne pas en compte, dans son interprétation, le rôle et le pouvoir des collectivités locales.
Pour toutes ces raisons, et en résumé, mes chers collègues, la proposition de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui vise essentiellement trois objectifs.
Premièrement, ce texte se veut un outil pédagogique. Nous souhaitons rendre public et compréhensible un débat techniquement complexe, mais aussi, pour nous, socialistes, politiquement fondamental : je veux parler de la défense de nos services publics.
Deuxièmement, nous souhaitons utiliser au maximum les possibilités qu’offre la directive « Services » pour protéger nos services publics. Nous proposons donc d’interpréter le plus largement possible le texte de la directive et de définir clairement et précisément sa signification en droit français.
L’objectif est bien ici de préserver du libre marché le plus grand nombre de services sociaux qui ont une mission d’intérêt général en maintenant des règles strictes quant à la qualité de ces services et en clarifiant la notion de mandatement., aspect sur lequel nous reviendrons, je pense, dans la discussion des articles. De surcroît, nous tenons notamment compte, dans notre interprétation, du rôle fondamental joué par les collectivités territoriales dans le secteur social.
Troisièmement, nous profitons de cette proposition de loi pour clarifier aussi les exigences du « paquet Monti-Kroes » et sécuriser ainsi le financement de nos services publics. Nous proposons pour cela de créer un réel outil juridique, la convention de partenariat d’intérêt général, pour sécuriser, par voie législative, les relations entre les autorités publiques, en particulier les collectivités territoriales, et l’ensemble des acteurs du tiers secteur et de l’économie sociale et solidaire, qui sont aujourd’hui très inquiets.
Madame la secrétaire d’État, monsieur le président, mes chers collègues, ne coupons pas un peu plus encore les citoyens du projet européen. Nous le savons bien, ce n’est qu’en faisant adhérer nos concitoyens à cette immense ambition que nous pourrons la faire avancer. La défense des services publics, parce qu’ils facilitent la vie quotidienne de chacun des Européens, est donc, de notre point de vue, un impératif catégorique auquel nous, socialistes européens, croyons très profondément.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Heureusement que des femmes sont élues, car je vois qu’elles sont aujourd’hui largement majoritaires dans l’hémicycle. Bravo ! (Sourires.)
Mme Raymonde Le Texier. Il ne s’y trouve même pratiquement que des femmes ! Heureusement que nous sommes là pour sauver l’honneur ! (Nouveaux sourires.)
Mme Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteur. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif du sujet, je souhaite rappeler brièvement un élément de contexte.
Une proposition de loi analogue à celle que nous examinons aujourd’hui a déjà été discutée et rejetée par l’Assemblée nationale voilà quelques semaines. Évitons donc l’écueil qui consisterait à reproduire un débat qui a déjà eu lieu et à nous opposer, de manière stérile, les mêmes arguments qu’à l’Assemblée nationale. Tout le monde perdrait son temps et cela n’aurait aucun intérêt, surtout pour nos concitoyens.
L’attitude que je veux adopter en tant que rapporteur consistera plutôt à tirer les leçons de la discussion au Palais-Bourbon, en reconnaissant par exemple que certains arguments avancés par le Gouvernement, mais aussi par les députés, ne sont pas sans fondement, et à faire porter le débat sur des points qui n’ont pas été abordés, ou qui l’ont été insuffisamment.
En effet, depuis l’examen du texte par nos collègues députés, des étapes importantes du processus de transposition de la directive ont été franchies ; nous disposons donc de davantage de recul et de visibilité.
Comme l’a dit notre collègue Roland Ries, le texte vise trois objectifs essentiels : exclure l’ensemble des services sociaux du champ d’application de la directive ; inscrire la notion de service social dans la loi ; tenter de sécuriser la relation entre les pouvoirs publics et les prestataires de services sociaux.
Je concentrerai mon intervention sur deux points principaux. Au risque de vous surprendre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis convaincue que nous pouvons trouver un large accord sur ces points, tant ils suscitent le consensus au sein de notre assemblée : je veux parler, d’une part, du respect des prérogatives du Parlement en matière de transposition des directives européennes et, d’autre part, de la défense et de la promotion des services sociaux en Europe.
S’agissant de la transposition de la directive, ce n’est pas tant l’absence de loi-cadre qui est démocratiquement problématique que la mise à l’écart du pouvoir législatif et la poursuite de négociations entre le Gouvernement et la Commission européenne dans le dos du Parlement.
L’article 9 de la directive « Services » prévoit en effet que les États membres doivent faire parvenir à la Commission une liste des services pour lesquels ils estiment nécessaire de maintenir un régime d’autorisation, que le prestataire soit national ou non. Cette liste a été, conformément à la directive, remise à la Commission le mois dernier et comporte plus de quatre cents autorisations. La Commission va donc examiner le document et engager une discussion avec la France sur les régimes d’autorisation qui lui semblent injustifiés.
Or, ce qui n’est pas acceptable, c’est que le Gouvernement ait, jusqu’à hier, refusé de communiquer cette liste au Parlement. Nous n’avons donc pu exercer aucun contrôle sur les choix du Gouvernement, alors même que ces choix: auront des implications législatives !
Madame la secrétaire d’État, avouez qu’il n’est pas excessif de dire, face à une telle situation, que le Gouvernement a été fortement tenté d’ignorer le Parlement et a cherché, jusqu’au dernier moment, à le réduire à une chambre d’enregistrement. Cette méthode est certainement la plus efficace pour rendre l’Europe impopulaire !
Puisque le Gouvernement a fini par nous communiquer la fameuse liste, reconnaissez donc au moins que cette proposition de loi aura eu le mérite d’apporter un peu de transparence démocratique au processus de transposition de la directive. Tous les parlementaires, quel que soit leur bord politique, devraient s’en féliciter…
J’en viens maintenant au deuxième point : la défense et la promotion des services publics, et plus particulièrement des services sociaux, en Europe.
Permettez-moi d’abord, dans un souci pédagogique, de faire une précision juridique importante.
Si paradoxal que cela puisse paraître, la directive Services, dans sa version définitive, permet au Gouvernement de prévoir certains aménagements ; cependant, inclure ou exclure certains services du champ d’application de la directive ne modifie pas leur statut au regard du droit de la concurrence. Autrement dit, en vertu du droit communautaire, tous les services publics, y compris les services sociaux, sont soumis au droit de la concurrence.
La question est donc autant celle du périmètre de la directive que celle de l’aménagement du droit de la concurrence. Or, sur cette question, disons-le clairement, le Gouvernement ne fait pas preuve de volontarisme malgré toutes ses déclarations d’intention.
Après avoir entendu non seulement les responsables des principales fédérations associatives, mais également le secrétariat général des affaires européennes et la représentation permanente de la France à Bruxelles, j’estime pouvoir dire – et croyez bien que je me réjouirais d’avoir tort – que le Gouvernement n’a entrepris aucune démarche active pour aménager ce droit de la concurrence, ni au niveau européen ni niveau national.
Au niveau européen d’abord, nous sommes confrontés à une réglementation des aides d’État inadaptée. Toute subvention d’un montant supérieur à 200 000 euros sur trois ans doit répondre à un certain nombre de conditions telles que la définition d’obligations de service public, l’évaluation a priori du coût de ces obligations, selon des critères transparents et objectifs, ou la vérification a posteriori de l’absence de surcompensation.
L’ensemble des élus locaux le disent, ces obligations sont totalement disproportionnées au regard des moyens humains dont disposent les collectivités territoriales et entraînent des surcoûts de gestion élevés et absurdes. Soumettre une commune qui subventionne un foyer pour femmes battues ou une association de lutte contre l’illettrisme à ces exigences, n’est-ce pas céder à la frénésie bureaucratique au détriment des initiatives et de la vie locales ? Considérer que de telles subventions portent atteinte à la concurrence sur le marché communautaire, n’est-ce pas s’enfermer dans une approche dogmatique totalement coupée de la réalité ?
Alors même que de possibles alliances objectives avec d’autres pays puissants de l’Union européenne, comme l’Allemagne, permettraient de relever les seuils et d’infléchir la définition des aides d’État, le Gouvernement n’a rien entrepris en ce sens. Quel dommage, par exemple, de ne pas avoir profité de la présidence française pour mettre ce sujet sur la table !
Au niveau national également, c’est la passivité qui caractérise le Gouvernement face aux problèmes des aides d’État. Pourtant, là aussi, un examen approfondi des dispositions communautaires oblige à reconnaître que la quasi-totalité des aides versées par les caisses d’allocations familiales aux centres de loisirs, aux centres de vacances et aux centres sociaux ne sont pas conformes au droit communautaire – les acteurs concernés en sont conscients et sont inquiets – et pourront être remises en cause à l’occasion d’un contentieux déclenché, par exemple, par une entreprise privée désireuse de se positionner sur le marché.
Il s’agit non pas d’être dogmatique et de refuser a priori toute évolution du secteur social, mais de sécuriser juridiquement des centres, qui, dans une grande majorité des cas, fonctionnent bien et auxquels les maires, comme les familles, sont très attachés. Madame la secrétaire d'État, pourquoi alors un tel silence, une telle apathie de l’exécutif sur ce sujet ?
Permettez-moi une dernière remarque : la jurisprudence communautaire laisse déjà aux États membres une certaine marge de manœuvre pour définir les services d’intérêt économique général. Pourquoi le Gouvernement ne se saisit-il donc pas du sujet, notamment pour sécuriser le soutien scolaire gratuit, essentiel pour un certain nombre d’élèves en difficulté et pourtant contestable au regard du droit de la concurrence européenne ?
Tels sont, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les points que je tenais à souligner. Vous l’aurez compris, loin de moi l’intention de polémiquer inutilement sur des sujets si importants et auxquels nos compatriotes sont légitimement attachés : je demande simplement au Gouvernement d’être plus volontariste et de se comporter davantage comme un stratège pour ce qui concerne la préservation de nos services sociaux, indispensables à la cohésion sociale de notre pays.
Tel est l’objet de la présente proposition de loi, à laquelle je suis personnellement favorable. Cela étant, conformément à l’accord passé entre les présidents des différents groupes politiques, la commission des affaires sociales n’a pas modifié ce texte lors de son examen, afin qu’il soit discuté cet après-midi sous sa forme initiale.
Je souhaite que nos débats constituent un électrochoc salvateur et enclenchent une rupture avec la passivité et la résignation dangereuses du Gouvernement dans la promotion des services sociaux en Europe ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui témoigne d’une crainte suscitée par la transposition de la directive Services dans notre droit national : celle d’un démantèlement des services publics, notamment des services sociaux, dans notre pays.
En tant que secrétaire d’État chargée des aînés, travaillant en étroite collaboration avec le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, Éric Woerth, je mesure combien ces services sont essentiels à la cohésion sociale, grâce au soutien qu’ils apportent à nos concitoyens, en particulier aux plus fragiles d’entre eux. Je puis vous assurer de notre volonté de préserver et de promouvoir la spécificité de ces services, qui sont l’un des fondements de notre modèle social.
Voilà deux mois, lors de l’examen par vos collègues de l’Assemblée nationale d’une proposition de loi similaire, j’ai rappelé l’attachement du Gouvernement aux services publics et aux services sociaux d’intérêt général, tout en précisant que la directive en question ne menaçait en rien nos services sociaux. Permettez-moi de reprendre aujourd'hui très brièvement les raisons que j’ai alors avancées.
Afin d’éviter que ne se renouvellent dans cette enceinte les échanges qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale, je limiterai mon propos à quatre points, en me référant aux remarques de Mme Jarraud-Vergnolle, dont je salue le travail rigoureux et la qualité des analyses.
Tout d’abord, il me semble essentiel de rappeler que la majorité des services sociaux et médico-sociaux sont exclus du champ d’application de la directive. En effet, ils satisfont aux deux critères cumulatifs d’exclusion prévus par cette dernière : l’exigence d’un mandatement, d’une part, et le fait que les services bénéficient à un public en « situation de besoin », d’autre part.
Ensuite, il est vrai que certains services entrent dans le champ de la directive, car ils ne répondent pas à l’un ou à l’autre de ces deux critères. Tel est le cas des services d’aide à domicile, ou encore des crèches et des haltes-garderies, comme l’a établi Michel Thierry dans son rapport. Si ses conclusions ont pu faire l’objet de discussions et de divergences de vues, elles n’ont pas été fondamentalement remises en cause. Comme vous le soulignez vous-même, madame le rapporteur, cette approche est « la mieux à même d’éviter à la France de futurs contentieux avec la Commission ».
Il me paraît essentiel de rappeler que l’enjeu de la transposition de la directive n’est pas d’inclure ou d’exclure tel ou tel service du champ d’application du droit de la concurrence. Sur ce point, trop de malentendus, que nous devons dissiper, demeurent.
Madame le rapporteur, je reprendrai vos propres termes : « Inclure ou exclure un secteur du champ d’application de la directive » revient « à décider si son régime d’autorisation doit ou non répondre aux critères posés par la directive. »
Enfin, parce que sur ce point subsistent des confusions, je souhaite répéter dans cet hémicycle de la manière la plus claire que cette directive ne traite pas des questions de financement. En la matière, la nouvelle convention d’objectifs diffusée par le Premier ministre, datée du 18 janvier dernier, fournit un modèle qui permet à tous les acteurs de répondre aux exigences communautaires, notamment à l’exigence d’ajustement de la compensation aux obligations de service public.
Cela étant, lorsque les sénateurs socialistes, apparentés et rattachés ont jugé bon de soumettre au Sénat la présente proposition de loi, ils espéraient également obtenir une réponse du Gouvernement à deux questions majeures : quid du respect des prérogatives du Parlement en matière de transposition des directives européennes, d’une part, et de l’action du Gouvernement pour promouvoir les services sociaux en Europe, d’autre part ? Je me réjouis que la discussion de ce jour nous permette de lever les malentendus qui subsisteraient sur chacun de ces enjeux.
Selon vos propos, madame le rapporteur, des négociations pour transposer la directive se sont poursuivies entre le Gouvernement et la Commission européenne, sans que le Parlement ait été associé. Ce jugement me semble quelque peu hâtif, pour ne pas dire discutable.
Rappelons, tout d’abord, que ce travail de transposition nécessitait de balayer, si je puis dire, l’ensemble de la législation, pour identifier les secteurs d’activité soumis à des régimes d’autorisation, puis d’étudier si ces derniers étaient justifiés.
Cela supposait la mobilisation de moyens importants dans des délais contraints. Il était donc souhaitable que la mission interministérielle constituée à cet effet s’emploie à un tel examen.
Une répartition des tâches était d’autant plus légitime que la nature même de la directive Services nous y invitait. Comme vous le savez, cette dernière nous conduisait à examiner les textes législatifs existants, non à en adopter de nouveaux. Étant donné l’encombrement du calendrier parlementaire, cette souplesse était la bienvenue.
Pour autant – vous le savez également –, le Parlement a été largement associé à la transposition de la directive, afin de réaliser les ajustements nécessaires, et ce à la suite du travail d’analyse de la mission interministérielle. Il a examiné cinq textes très importants, parmi lesquels la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la loi de modernisation de l’économie, ou encore la loi relative à l’évolution des professions judicaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, aucune mesure de transposition n’a été adoptée par ordonnance : à chaque fois, vous avez été en première ligne pour étudier les conséquences concrètes de cette directive dans notre législation.
En outre, d’autres pays membres de l’Union européenne ayant adopté une loi-cadre pour assurer la transposition de la directive Services, certains prétendent que la France a été privée d’un nécessaire débat.
Mme Annie David. Oui !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je tiens à préciser que ces pays se sont simplement contentés de copier la directive. Madame le rapporteur, vous le reconnaissez vous-même, le vote d’une loi-cadre ne constitue pas, en soi, un gage de sécurité juridique accrue.
Mesdames, messieurs les sénateurs, plutôt que de rechercher de fausses solutions, le Gouvernement a veillé à porter à votre connaissance toutes les informations nécessaires. Tel fut l’objet de la mission relative à la prise en compte des spécificités des services d’intérêt général, présidée par Michel Thierry.
De plus, au cours des travaux de la mission interministérielle, le Gouvernement s’est assuré que toutes les professions concernées soient associées à l’examen des textes.
Par ailleurs, trois semaines après l’expiration du délai de transposition, le rapport de synthèse a été publié. Le Gouvernement a tenu à cette transparence, essentielle pour éclairer nos concitoyens et pour éviter ce déficit démocratique que l’on reproche encore trop souvent à l’Union européenne.
J’ajoute, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement vous a transmis hier les fameuses fiches IPM, qu’il avait adressées à la Commission européenne au début du mois de janvier. Vous avez regretté, je le sais, que ces fiches ne vous aient pas été communiquées dès le départ. Sans doute le Gouvernement aurait-il pu vous les faire parvenir plus tôt, mais, quoi qu’il en soit, il n’a rien à cacher : ces fiches sont purement descriptives et ne recèlent aucun secret, comme vous-mêmes avez eu l’occasion de le constater.
Madame le rapporteur, le deuxième enjeu sur lequel vous avez souhaité centrer notre discussion concerne la stratégie mise en place par le Gouvernement pour promouvoir les services sociaux d'intérêt général aux niveaux national et communautaire.
Selon vous, le Gouvernement ne ferait pas suffisamment d’efforts en ce domaine. Loin de partager cet avis, je veux souligner au contraire que l’action gouvernementale ne faiblit pas et que, avec ses partenaires européens, la France ne cesse de promouvoir ces services sur le plan communautaire. J’illustrerai mon propos par trois exemples.
Premièrement, le Gouvernement a interrogé la Commission sur le droit des aides d’État. L’ensemble du régime juridique applicable en la matière a été adopté en 2005, et forme ce qu’il est convenu d’appeler le paquet « Monti-Kroes ». Il était prévu que les États membres en dressent un bilan au bout de trois ans. C’est ce que le Gouvernement a fait ; en se fondant notamment sur les auditions conduites dans le cadre du rapport de Michel Thierry, il a interrogé la Commission sur deux points particulièrement problématiques.
D’une part, la qualification « aide d’État » se trouve parfois appliquée aux financements d’activités, qui, selon le Gouvernement français, devraient y échapper dans la mesure où ils n’ont aucun impact sur le commerce entre États membres. Le Gouvernement l’a signalé à la Commission dans le rapport qu’il lui a remis au mois de mars 2009.
D’autre part, nombre des parties prenantes avec lesquelles le Gouvernement a largement travaillé, notamment des élus locaux, se demandent si elles sont obligées de recourir aux procédures de passation de marché public. Une clarification du cadre juridique est nécessaire. Là encore, le Gouvernement l’a indiqué à la Commission.
Cette dernière devait réagir avant la fin de l’année 2009. Force est de constater qu’elle a pris beaucoup de retard. Dès l’ouverture de la consultation publique annoncée, la France lui rappellera que, sur ces deux points, une évolution est nécessaire.
Deuxièmement, notre pays continue d’agir avec ses partenaires européens pour promouvoir les services sociaux en Europe. Il est très engagé dans toutes les discussions dans ce domaine, ainsi que dans la défense de ces services.
La France participe de façon active aux travaux du Comité de la protection sociale, en particulier au sous-groupe de travail sur l’application des règles communautaires aux services sociaux d’intérêt général, présidé par M. Spiegel. Y sont actuellement examinées non seulement les questions relatives aux partenariats public-privé, mais aussi le rôle et la place des prestataires à but non-lucratif ou encore les alternatives possibles aux procédures de marchés publics.
D’autres initiatives existent, conduites notamment sous l’impulsion du Parlement européen. Je pense au rapport en cours de préparation sur l’avenir des services sociaux d’intérêt général, sous le pilotage de M. De Rossa, sans oublier les travaux de l’intergroupe politique présidé par Mme Castex, travaux qui portent justement sur les services d’intérêt général et les services sociaux.
Si la France suit ces initiatives avec un très vif intérêt, c’est tout simplement parce que le Gouvernement considère les services sociaux d’intérêt général comme l’un des fondements du modèle social européen.
Troisièmement – j’en viens ainsi au dernier exemple que je voulais citer –, le Gouvernement a tenu à aborder la question des services sociaux d’intérêt général dans sa contribution à la consultation sur la future stratégie UE 2020 organisée par la Commission européenne, contribution qu’il a adressée à la Commission le 13 janvier dernier. Précisons que la consultation précitée a vocation à embrasser tous les sujets intéressant l’avenir de l’Union européenne.
Je ne reprendrai pas le contenu exhaustif de cette contribution, mais permettez-moi d’en citer deux passages. À la page 3, le Gouvernement affirme que « s’agissant […] des services sociaux d’intérêt général, la nouvelle stratégie doit chercher une plus grande cohérence des interventions communautaires et une meilleure complémentarité avec les interventions au niveau national ».
Par la suite, il indique que « l’approfondissement du marché intérieur ne réussira pas s’il est perçu comme comportant un risque de remise en cause des acquis sociaux fondamentaux ». Cette mise en garde, nous avons fait le choix de l’adresser clairement à la Commission, car nous sommes convaincus que les services sociaux d’intérêt général ne s’opposent pas au développement du marché intérieur, mais qu’ils doivent y trouver une juste et légitime place. La France continuera ses efforts pour que ce cadre soit clairement et justement défini.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement ne ménage pas ses efforts pour que l’avenir des services sociaux en Europe soit assuré et clarifié, et pour qu’il soit synonyme de progrès pour la construction communautaire.
Certains de nos partenaires européens restent encore à convaincre ; d’autres s’interrogent sur les modalités de la coexistence de ces services avec un marché intérieur fondé sur la libre concurrence. Nous ne devons pas nier ces difficultés, ni prétendre imposer une forme de protectionnisme juridique au bénéfice de tel ou tel service en la créant de toutes pièces. Nous devons au contraire affirmer que l’Europe que nous voulons est aussi une Europe sociale, porteuse d’emploi et de croissance durable, qui réaffirme la place des services sociaux d’intérêt général en son sein et auprès de tous ses citoyens.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement demeure mobilisé et soutient – et il continuera de le faire – les initiatives qui permettent une plus juste promotion des services sociaux en Europe. Je suis satisfaite que ce débat ait pu avoir lieu aujourd’hui au Sénat, même si, au nom du Gouvernement, j’invite les membres de la Haute Assemblée à rejeter la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame la secrétaire d'État, madame le rapporteur, mes chers collègues, avant d’en venir à la proposition de loi qui nous est soumise, il me semble important de commencer par bien comprendre les objectifs poursuivis par la directive Services.
Cette directive vise la réalisation d’un véritable marché intérieur des services, secteur qui représente 70 % de l’économie européenne et dans lequel une très grande partie des emplois sont créés, mais qui n’est à l’origine que de 20 % des échanges transfrontaliers.
À cette fin, la directive instaure un cadre juridique commun avec quatre objectifs : faciliter la liberté d’établissement et de prestation de services au sein de l’Union européenne grâce à des mesures de simplification des formalités administratives, renforcer les droits des destinataires des services en tant qu’utilisateurs, promouvoir la qualité des services et, enfin, établir une coopération administrative effective entre les États membres.
La directive Services garantit que les États membres permettent un libre accès des prestataires de services européens aux activités de services, ainsi que leur libre exercice sur leur territoire.
Il ne s’agit cependant pas d’une ouverture dépourvue d’exigences puisque la directive prévoit les conditions dans lesquelles les États membres peuvent encadrer ces activités.
Je tiens à rappeler que la disposition qui a suscité les débats les plus nombreux, à savoir le principe dit « du pays d’origine », a été supprimée. Le Sénat demandait déjà, par l’intermédiaire de sa délégation pour l’Union européenne, l’exclusion de ce principe, qui ouvrait la porte au dumping social. Tout le monde se souvient de l’exemple caricatural du plombier polonais !
Finalement, ce principe a donc été abandonné, et l’État membre dans lequel le service est fourni continue de pouvoir imposer des exigences nationales aux prestataires établis dans un autre État membre, à condition que ces dernières soient nécessaires, c’est-à-dire « justifiées par des raisons de sécurité publique, de protection de l’environnement ou de santé publique » Ces conditions doivent également être non discriminatoires entre États membres et proportionnées à l’objectif poursuivi.
J’en viens, à présent, à la transposition de la directive au sein des États membres.
Cette directive invite chaque État membre à passer en revue, sur son territoire, les activités réglementées et les régimes d’autorisation en vue de garantir la liberté d’établissement et de prestation de services au sein de l’Union européenne.
C’est donc bien à un examen de la conformité du droit existant, plus qu’à une transposition de normes nouvelles, que cette directive conduit.
Or pour ce qui concerne les services sociaux qui nous intéressent tout particulièrement en cet instant, le Gouvernement a constaté que l’organisation sociale et médico-sociale de notre pays était déjà très largement compatible avec les dispositions de la directive Services.
Quelques modifications ont été opérées, et le Parlement français a, bien entendu, été associé à l’élaboration de celles qui relevaient du domaine législatif. Ainsi, notamment, grâce à la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la procédure d’autorisation dans le secteur médico-social a été rectifiée. D’autres modifications sont d’ordre réglementaire et, selon la Constitution, sont du ressort du Gouvernement.
Le 5 janvier dernier, le Gouvernement a transmis à la Commission européenne quelque 500 fiches d’autorisation précisant, d’une part, les services qui seront exclus du champ de la directive, et, d’autre part, ceux qui ont nécessité une révision de la réglementation française afin de les adapter à la directive.
J’en arrive à la question des conséquences de la directive Services sur les services sociaux et médico-sociaux.
Il faut tout d’abord savoir que la très grande majorité des établissements et services sociaux et médico-sociaux sont exclus du champ d’application de la directive. Ils satisfont, en effet, aux deux critères cumulatifs d’exclusion. D’une part, ils sont relatifs au logement social, à l’aide sociale à l’enfance, à l’aide aux familles et aux personnes se trouvant dans une situation de besoin, qu’elle soit temporaire ou permanente. D’autre part, ils sont assurés par des prestataires mandatés par l’État ou par une collectivité publique.
Madame la secrétaire d'État, certains de mes collègues ont reçu récemment des associations qui leur ont fait part de leurs inquiétudes ; je pense, notamment, à l’Union nationale des associations de soins et services à domicile, l’UNASSAD. Il serait important que vous puissiez les rassurer lors d’une rencontre ou d’une conférence organisée avec l’ensemble de ces associations.
Dans le secteur médico-social, seuls certains établissements d’accueil des jeunes enfants et de services à la personne relèvent du champ d’application de la directive, comme les crèches et les halte-garderies. Ces structures ont, avant tout, pour mission d’offrir un service aux familles : il s’agit pour elles non de mettre l’enfant à l’abri du danger, mais de permettre aux parents de concilier vie professionnelle et vie familiale. En cela, elles relèvent non pas directement de la politique sociale mais de la politique familiale et entrent dans le champ d’application de la directive.
Faut-il cependant s’en inquiéter ? Je ne le pense pas, car cette inclusion dans le périmètre de la directive ne remet en cause ni leur régime juridique ni leurs caractéristiques essentielles.
Que les services soient inclus ou exclus du champ d’application de la directive ne fait donc pas courir de risque de dérégulation ni d’abaissement des exigences de qualité.
Nous sommes tous dans cette enceinte attentifs aux valeurs d’égalité, de proximité et de soutien aux personnes les plus vulnérables. Les services sociaux et médico-sociaux participent de la réalisation de ces valeurs sur le territoire de la République. C’est pourquoi nous ne permettrons aucune remise en question de leur organisation ou de leur rôle. Soyez-en convaincus !
Selon moi, et vous l’avez certainement déjà compris, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par M. Ries n’apporte pas de garantie supplémentaire pour ce qui concerne le fonctionnement ou le financement des services sociaux et médico-sociaux. Son adoption risquerait même de mettre la France dans une situation difficile en créant des dispositions contraires au droit communautaire !
Tout d’abord, ainsi que je viens de l’expliquer, les régimes d’autorisation dans le secteur social et médico-social ne sont pas remis en cause par la directive Services. Nous devons être conscients de cette réalité.
Ensuite, l’article 1er de la proposition de loi est contraire au droit communautaire. Il est donc source d’insécurité juridique pour tout le secteur. En effet, il exclut l’ensemble des services sociaux et médico-sociaux du champ d’application de la directive, instituant ainsi un champ d’exclusion plus large que la directive elle-même. Le Parlement français se substituerait au Parlement européen qui a déjà légiféré alors que, en la matière, il doit se limiter à transposer ce qui a été voté par l’assemblée européenne.
En adoptant un article non conforme au droit communautaire, la France pourrait faire l’objet d’une condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne, ce qui fragiliserait ensuite tous les régimes d’autorisation et, par conséquent, tous les services médico-sociaux.
Enfin, les articles 2 à 5 de la proposition de loi ont pour objet de sécuriser les concours financiers versés par les pouvoirs publics aux associations.
Cependant, la directive Services ne traite en aucun cas des questions de financement et de marché public. En outre, les règles du droit communautaire en matière d’aides d’État ne remettent pas en cause le régime actuel des subventions qui sont autorisées sous quatre conditions : premièrement, l’entreprise ou l’association doit gérer un service d’intérêt économique général ; deuxièmement, elle doit être expressément mandatée à cette fin par les pouvoirs publics ; troisièmement, les paramètres qui ont permis de calculer la compensation financière liée à cette mission doivent avoir été préalablement établis de façon objective et transparente ; enfin, quatrièmement, les financements ne doivent pas excéder le montant nécessaire à la couverture des coûts afférents aux obligations de service public.
Par ailleurs, la convention élaborée avec les associations et les représentants des élus locaux dans le cadre des travaux préparatoires à la deuxième conférence de la vie associative du 17 décembre dernier prend bien en compte les exigences communautaires.
Là encore, les inquiétudes exprimées ne sont donc pas fondées.
Je souhaite réaffirmer devant vous, mes chers collègues, l’attachement des membres du groupe UMP à nos services sociaux : ils sont essentiels à la cohésion de notre pays et font partie des principes fondamentaux de la République. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
La directive Services ne remet en cause ni la qualité de ces services sociaux et médico-sociaux, qu’ils soient inclus ou non dans le champ d’application de la directive, ni l’octroi de subventions à ces services. La présente proposition de loi n’apporte aucune avancée et comporte même des dispositions contraires au droit communautaire qui pourraient aboutir à une condamnation de la France. Par conséquent, les membres du groupe UMP ne la voteront pas. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui aborde un sujet fondamental et très important : l’organisation et la pérennité même des services sociaux de notre pays. Chacun sait que la défense des services publics guide tous les votes émis au sein de cette assemblée. C’est précisément la volonté de les préserver de la dérégulation qui nous a amenés à voter contre le traité de Lisbonne.
Force est de le constater, nous avons été les seuls à dénoncer les dangers que ce traité libéral faisait, et fait toujours, courir à nos services publics. Nos craintes étaient malheureusement fondées.
Aux termes de ce traité, la quasi-totalité des activités humaines peuvent être qualifiées d’économiques et ainsi soumises à la sacro-sainte libre concurrence.
Or la directive Services porte en elle la même veine libérale que le traité dont elle est issue. Face au principe de libre concurrence qu’elle réaffirme, elle n’a posé que de fragiles exceptions pouvant, pour la plupart d’entre elles, être remises en question au nom du marché.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui tente donc d’élargir le domaine des exceptions, en soustrayant certaines activités du champ d’application de la directive Services.
Comme nous estimons également nécessaire de renforcer la protection offerte aux services sociaux contre le libre marché, une telle tentative de sauvetage des activités associatives dans le domaine social nous paraît louable. Or, selon nous, cette sécurisation aurait dû intervenir en amont et se traduire par un refus du traité de Lisbonne. Il est maintenant trop tard, et les tentatives de « colmatage » seront sans effet face à ce traité, qui impose ses dérégulations !
Nous sommes d’accord sur le constat, mais nous considérons que la présente proposition de loi n’apporte pas les bonnes réponses à de véritables questions. En effet, même si elle était adoptée, elle ne serait pas en mesure de sécuriser les services sociaux, et ce en raison de l’existence du traité constitutif de l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Cependant, avant d’évoquer la proposition de loi sur le fond, nous voulons dénoncer avec force le déni de démocratie manifeste résultant de la méthode de transposition choisie par le Gouvernement !
Comme vous le savez, mes chers collègues, la plupart des pays de l’Union européenne ont choisi de soumettre une loi-cadre à leur représentation nationale pour transposer la directive. Or, en France, le Gouvernement a opté pour une tout autre méthode : une transposition morcelée, rampante, à travers différents textes législatifs, doublée d’une voie réglementaire, et ce dans la plus grande opacité. À n’en pas douter, l’objectif est de ne pas réveiller certains débats, par exemple le « non » au traité de Lisbonne ou encore la directive Bolkestein !
On ne compte plus le nombre de lois récentes qui contiennent des dispositions de transposition ! Et cela continue ! Ainsi, le 6 avril prochain, l’Assemblée nationale examinera le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, qui comporte également des mesures de transposition.
Il y a donc beaucoup à dire sur la méthode.
Certes, l’inventaire que le Gouvernement a transmis à la Commission était prévu. En revanche, l’opacité qui règne dans ce processus ne l’était pas !
Une telle manière de transposer une directive est particulièrement choquante. C’est un déni de démocratie. Nous demandons donc, une fois encore, que le Gouvernement adopte plus de transparence dans la procédure de transposition et se décide enfin à engager un vrai débat sur le sujet devant les deux assemblées. Même si une loi-cadre n’aurait pas forcément plus de poids juridique – je vous ai bien entendue, madame la secrétaire d’État –, elle aurait au moins permis la tenue d’un tel débat tant dans cette enceinte qu’à l’Assemblée nationale !
J’en viens au fond de la proposition de loi. Nous ne pensons pas que les mesures proposées permettent à nos services publics d’être à l’abri des règles européennes de la libre concurrence.
En effet, aux côtés des services d’intérêt général non-économiques, qui sont les seuls à être expressément exclus de la directive Services, certains services dits « services d'intérêt économique général » pourraient également en être exclus, mais seulement s’ils répondent aux conditions cumulatives que vous avez rappelées tout à l’heure, madame la secrétaire d’État, en l’occurrence concerner un domaine bien défini et être assurés par l’État ou par des prestataires mandatés par l’État.
Ainsi, en l’état actuel du droit européen, il est impossible de sécuriser véritablement l’ensemble des services sociaux d’intérêt général. Et vouloir les mettre à l’abri de la directive Services, comme le proposent les auteurs de la présente proposition de loi, en précisant la liste définie à l’article 2.2. j) de la directive et la procédure de mandatement est un leurre, selon nous.
En effet, au nom de sa jurisprudence très libérale, la Cour de justice de l’Union européenne pourra toujours condamner les États qui auront voulu exclure certains services du jeu de la libre concurrence. Par conséquent, la liste des domaines écartés du champ d’application de la directive Services nous paraît, au final, sans effet.
Après réflexion, nous pensons que les précisions apportées à la définition du mandat contenue dans l’article 2.2. j) de la directive constituent une fausse bonne réponse, si je puis dire, à de véritables préoccupations, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, étendre ainsi la notion de mandatement risque de mettre à mal les spécificités du tiers secteur associatif. S’il n’existe pour ces structures que le mandatement, toute initiative associative sera tarie. On voit poindre le risque qu’une collectivité puisse choisir de mandater seulement tel ou tel type de structures pour des raisons politiques.
Ensuite, certains régimes en France – je pense notamment aux procédures d’agrément – ne sont pas assimilables à un mandatement. Pour cette raison encore, le nouveau régime de mandat proposé ne nous semble pas en mesure de répondre aux problèmes auxquels sont aujourd'hui confrontés les acteurs concernés.
Enfin, comment peut-on modifier, via un texte national, la définition du mandat qui figure, elle, dans la directive Services ? En effet, la sécurisation juridique des services sociaux d’intérêt général ne peut venir au préalable que du niveau européen, afin qu’il n’existe pas, au niveau national, de contradiction avec le droit européen, donc de sanctions.
C'est la raison pour laquelle nous suivons une autre démarche. Nous pensons que les services sociaux d’intérêt général doivent véritablement être mis à l’abri du jeu de la concurrence débridée. Nous estimons qu’ils devraient être inclus dans la catégorie des services d’intérêt général non-économiques, la seule catégorie expressément exclue des règles de la concurrence.
Soit dit en passant, de telles activités seront néanmoins toujours soumises aux règles contenues dans le traité constitutif de l’Union européenne. En réalité, c’est ce dernier qu’il faudrait modifier...
Comme nous ne pouvons nous contenter de la directive Services et des exclusions qu’elle prévoit, nous souhaitons qu’une nouvelle directive destinée spécifiquement à protéger les services d’intérêt général non-économiques et incluant les services sociaux soit adoptée.
Dans quelques semaines, nous déposerons donc une proposition de résolution en ce sens. Elle aura pour objet d’inciter le Gouvernement à demander à la Commission de mettre tout en œuvre pour élaborer une directive spécifique aux services sociaux d’intérêt général non-économiques.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame le rapporteur, mes chers collègues, la présente proposition de loi illustre la volonté des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés de préserver la spécificité du modèle social français.
Les services d’intérêt général et les services sociaux ne sont pas seulement au cœur de ce modèle social ; ils en sont la colonne vertébrale permettant de garantir la cohésion sociale et territoriale de notre pays ! Ils représentent plus de 10 % des emplois en France.
En cette période de difficultés économiques et sociales persistantes et alors que le schéma de sortie de crise reste particulièrement flou, les services d’intérêt général et les services publics constituent le rempart indispensable contre la précarité, le déclassement et l’exclusion. En définitive, ils sont le bouclier social auquel les Français ont témoigné leur attachement lors des élections du 21 mars dernier.
La présente proposition de loi part d’abord d’un constat de carence : la passivité du Gouvernement est patente en matière de services d’intérêt général. La présidence française du Conseil de l’Union européenne s’est achevée sans qu’aucune initiative ait été prise en faveur des services d’intérêt général. En ce domaine, elle s’est réduite à la tenue d’un forum auquel aucune suite n’a été donnée. Pourtant, nous avions déjà déposé à l’automne 2008 une proposition de résolution par laquelle nous demandions à la Commission européenne de prendre toutes les initiatives permettant de conforter le statut des services d’intérêt général, notamment d’inscrire l’élaboration d’une législation-cadre dans sa stratégie politique annuelle pour 2009. Parallèlement, nous demandions au chef de l’État français, alors président du Conseil de l’Union européenne, d’impulser un agenda européen pour l’élaboration d’un tel outil juridique.
Le Président de la République s’est souvent déclaré favorable à une application par anticipation du nouveau traité. L’élaboration d’une législation-cadre sur les services d’intérêt général pouvait permettre de concrétiser cet aspect du traité de Lisbonne et de donner un contenu au souhait de la France de faire de l’année 2008 l’année du « redémarrage social de l’Europe ». Notre proposition de résolution constituait un rappel de ces objectifs et une invitation à agir.
Faute d’initiative de la France en ce sens, nous avons renouvelé, au mois d’avril 2009, notre proposition de résolution, et rappelé la nécessité d’élaborer une directive-cadre pour les services d’intérêt général. Le Gouvernement et la majorité y sont restés sourds. La construction d’un cadre juridique de niveau européen constituerait pourtant la voie la plus efficace pour garantir la sécurisation et la consolidation des services d’intérêt général et des services sociaux.
À défaut de droit positif en la matière, nous voulons utiliser toutes les dérogations permises par le droit européen, notamment par la directive Services. Par cette proposition de loi, nous souhaitons reprendre l’initiative sur le plan national et parlementaire. Notre objectif est de remettre le Parlement au cœur du processus de transposition de la directive Services. Le Gouvernement a fait le choix d’opérer cette transposition de manière sectorielle. Ainsi, des dispositions de transposition ont-elles été insérées dans la loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires du 21 juillet 2009, dans la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 et dans le projet de loi dit « de simplification du droit ».
Pour ce qui concerne les services sociaux, le Gouvernement a procédé par dispositions réglementaires, tenant, de fait, le Parlement à distance : ce dernier n’a pas été associé à ces travaux et n’a pas pu en débattre publiquement. Autant d’exemples qui valident les craintes d’abandon de l’objectif d’une transposition de la directive par une loi-cadre, craintes qu’exprimait le dernier rapport d’information du Sénat, en date du 17 juin 2009.
Je regrette que le Gouvernement ait fait le choix d’un processus de transposition ne répondant pas aux objectifs de transparence et de cohérence.
Mme Raymonde Le Texier. Absolument !
Mme Catherine Tasca. Surtout, je me demande si ce choix ne traduit pas la volonté du Gouvernement de masquer une absence manifeste de politique globale et cohérente en matière de services d’intérêt général et de services sociaux.
Avec cette proposition de loi, nous plaidons aujourd’hui pour que le Parlement exerce pleinement ses fonctions législatives et de contrôle dans le domaine des services sociaux, sujet sur lequel le Gouvernement n’a pas encore légiféré. Nous appelons le Gouvernement à se saisir, dans le cadre de la transposition, des dispositions positives introduites par le traité de Lisbonne et à utiliser la large latitude que l’article 14 de ce traité et le protocole additionnel n° 26 confèrent aux États membres pour apprécier ce qui relève ou non de la catégorie des services sociaux.
Si, comme cela semble être le cas, le Gouvernement choisit de ne pas se prévaloir des dispositions d’un traité pour lequel il a beaucoup milité, de fait, il se désarmerait. J’espère que ce débat apportera un démenti.
Nous estimons urgente la transposition de la directive Services par une loi-cadre, seule à même de garantir une sécurité juridique véritable, notamment pour les collectivités territoriales, et une protection sociale réelle pour nos concitoyens.
Les auteurs de la proposition de loi soumise à la Haute Assemblée ont fait le choix clair et transparent d’une exclusion large des services sociaux d’intérêt général du champ d’application de la directive Services. La méthode législative est bien préférable au régime d’autorisation négocié au cas par cas, qui s’apparente à un marchandage brouillon entre le Gouvernement et la Commission ; les critères de choix restent obscurs et ne font pas l’objet d’une discussion avec le Parlement.
Nous proposons donc un texte de clarification et de sécurisation pour les services sociaux. Il définit de manière large le périmètre des services sociaux exclus expressément de son champ d’application. Il permet également d’exempter de notification à la Commission européenne des aides d’État au titre du financement public des services sociaux, tout en précisant les modalités concrètes de mandatement. Enfin, il crée une convention de partenariat d’intérêt général pour sécuriser en droit les pratiques de contractualisation des collectivités locales, ce qui permettra d’éviter le recours systématique et non justifié aux procédures de marchés publics.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer plus particulièrement votre attention sur l’urgence qu’il y a à apporter aux collectivités des réponses concrètes et rapidement opérationnelles.
La réglementation relative aux aides d’État, d’une grande technicité, est manifestement inadaptée à la vie des communes, notamment à celle des villes de petite et moyenne importance. Les associations d’élus alertent depuis plusieurs années l’État sur ces difficultés.
Le Gouvernement a bien signalé à la Commission européenne « le décalage extrêmement important qui existe entre les préoccupations des collectivités publiques lorsqu’elles organisent les ressorts de leur compétence et la façon dont le droit européen appréhende ces services ».
Les collectivités locales sont toujours en attente de pistes de clarification, d’autant que le traité de Lisbonne leur reconnaît un rôle accru en matière de protection et de définition des services d’intérêt général.
Je souhaite que vous puissiez saisir l’occasion de ce débat pour dessiner ces solutions que ces collectivités attendent tant. Nous ne pourrons nous satisfaire de réponses dilatoires en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi présenté aujourd’hui par Roland Ries et à propos de laquelle Mme le rapporteur a fait preuve d’un vrai souci de pédagogie, répond à une simple nécessité : inscrire dans le marbre de la loi la protection de nombre de nos services sociaux qui risquent, à terme, en tombant sous le coup de la directive Bolkestein, d’être démantelés.
Devant transposer en droit interne la très controversée directive Services, le Gouvernement, comme tous les gouvernements européens, avait le choix de la méthode.
Cependant, à l’opposé de presque tous les autres gouvernements qui ont opté pour une loi de transposition générale, procédé le plus clair, donnant à chaque État la meilleure marge d’interprétation par rapport à la directive, le gouvernement français a préféré une transposition sectorielle. Ce point a déjà été souligné, mais il ne me paraît pas inutile de le répéter : le Gouvernement a fait le choix d’une transposition compliquée, quasiment illisible, sans bruit et sans aucune concertation, bien cachée dans le labyrinthe des codes administratifs. Il a fait ainsi sciemment le choix d’exclure, une fois encore, le Parlement de la discussion.
Quand un gouvernement pourtant très enclin à l’inflation législative fait l’économie d’une loi, en particulier sur un sujet aussi délicat et essentiel que celui dont nous discutons, son attitude n’est plus suspecte, mais constitue déjà un aveu !
Sous couvert d’une complexité juridico-administrative, le Gouvernement a décidé de saisir l’opportunité rêvée que lui fournit la transposition de la directive Services pour mieux creuser le sillon de sa politique d’abandon des services sociaux. C’était la meilleure occasion de libéraliser à bon compte, c’est-à-dire sur le dos de l’Europe, en usant une nouvelle fois de l’éternel argument : « ce n’est pas nous, c’est l’Europe » !
Au contraire, les socialistes estiment que la construction européenne, même dans le contexte ultralibéral actuel, même en l’absence totale de programme social, est bien l’occasion d’asseoir notre attachement à des services sociaux de qualité et accessibles à tous.
Faire entrer dans le champ de la concurrence débridée des services sociaux allant de l’accueil de la petite enfance jusqu’à l’aide à domicile pour les personnes âgées, c’est non seulement mettre en péril la qualité des encadrements de ces secteurs intrinsèquement coûteux, mais aussi programmer la sélection des publics bénéficiaires et organiser l’exclusion des familles les plus fragilisées, car chacun sait que nous ne sommes pas tous égaux devant le marché !
Si nous nous dotons des outils adéquats, nous pouvons éviter d’en arriver là, car la directive ne nous impose en rien de sacrifier nos services sociaux ; c’est uniquement une question de volonté politique. Le Parlement européen l’a bien compris en ouvrant la porte à une interprétation la plus large possible des services exclus de la directive. Le Gouvernement persiste donc à suivre une position manifestement différente de celle de la Commission européenne.
Mes chers collègues, en tant qu’élus de terrain, vous savez comme nous que des pans entiers de nos services sociaux sont assurés par le tissu associatif. C’est le cas, par exemple, de 90 % des actions menées dans le secteur du handicap.
Vous savez que sans ce tissu et sans la sécurisation de ses relations avec les collectivités territoriales, des secteurs complets de l’action sociale disparaîtront.
Pourtant, ni les associations ni les collectivités territoriales n’ont été consultées. Selon les axes retenus par le Gouvernement, à l’inverse de plusieurs pays européens, les collectivités locales françaises ne sont même pas reconnues comme mandataires. Elles ne pourront donc pas remplir leur mission et seront assurément les premières victimes de cette transposition. D’ailleurs, l’Association des maires de France, l’AMF, a exprimé officiellement ses craintes à ce sujet.
En précisant l’objet des services sociaux qui seront exclus de la directive Bolkestein, en définissant explicitement la notion de service social d’intérêt général et le droit la concernant, en instaurant une exigence de mandatement pour la gestion des services sociaux sur la base d’une définition exacte de l’acte de mandatement ou en inscrivant dans la loi les principes fondamentaux applicables aux services sociaux d’intérêt général – l’accès universel, la continuité, la protection des utilisateurs –, la présente proposition de loi entend à la fois assurer efficacement la transposition de la directive Services, sécuriser le financement public de ces services et offrir aux Français un arsenal législatif mieux à même d’assurer la pérennité de nos services sociaux.
À l’instar de nos concitoyens, nous pensons que les services sociaux ne sont en aucune façon des services marchands, au service du profit. Ils sont au contraire au service de tous.
Mes chers collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, la plupart d’entre vous êtes ou avez été élu local. En tant que tel, vous avez eu la volonté de créer un grand nombre de services concernés par la directive, pour répondre aux attentes de nos concitoyens et pour améliorer leur qualité de vie. Ayant moi-même été maire, il me semble que c’est ce qui fait l’intérêt et la noblesse de ces mandats.
Ne vous laissez pas déposséder : soutenez et votez cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, mon propos a pour objet d’illustrer les précédentes interventions.
Nous nous interrogeons sur les éléments qui ont amené le Gouvernement à arbitrer en faveur de l’exclusion de la directive ou de l’inclusion en son sein de certains services.
Le pouvoir exécutif a ainsi choisi de protéger le logement social en renforçant le mandatement de ce secteur.
Toutefois, il utilise la directive Services pour déréguler d’autres marchés tels que l’accueil de la petite enfance, l’aide à domicile ou le soutien scolaire. Il le fait en catimini, en l’absence de toute transparence et de lisibilité, et sans associer le Parlement à cette démarche.
Comment expliquer que les établissements médico-sociaux, notamment ceux qui accueillent des personnes âgées dépendantes ou handicapées, soient exclus de la directive et non les services d’aide à domicile, qui interviennent pourtant auprès de la même population ?
Force est de constater que les choix du Gouvernement d’inclure ou d’exclure certains secteurs relèvent uniquement de ses propres objectifs politiques et n’obéissent pas à une grande cohérence juridique.
Une fois encore, le Gouvernement n’assume ni ses responsabilités ni ses choix. Il profite de la directive, et plus largement de l’Europe qui fait office de bouc émissaire, pour justifier cette dérégulation.
Je me refuse à ce que l’Europe porte une responsabilité qui n’est pas la sienne. Le nivellement et l’harmonisation vers le bas de notre système social ne sont ni inévitables ni souhaités par l’Union européenne.
Contrairement à la France, dont l’interprétation de la directive est restrictive, de nombreux pays européens – je citerai l’Allemagne – ont fait d’autres choix, notamment celui d’exclure du champ de la directive tout le secteur de la petite enfance.
L’accueil de la petite enfance doit-il être considéré comme un service d’intérêt général et d’utilité sociale ou bien s’agit-il d’un service comme un autre, soumis aux lois de la concurrence et du marché intérieur ?
Pour répondre à cette question, sachez que l’article 2.2.j) de la directive prévoit deux critères cumulatifs d’exclusion. Il exige que ces services reçoivent un mandat des pouvoirs publics et que les publics concernés par ces derniers se trouvent de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin.
Vous conviendrez, mes chers collègues, que les enfants de moins de six ans, a fortiori ceux de moins de trois ans, sont incontestablement vulnérables et doivent faire l’objet d’une attention particulière. Il ne fait aucun doute que leur accueil participe à l’éducation et relève donc des missions d’intérêt général. D’ailleurs, nous parlons bien d’accueil des enfants et non de garde !
L’autorisation d’ouverture délivrée par le président du conseil général ne constitue pas à elle seule un mandatement au sens de la directive Services. Cependant, l’ouverture d’une crèche nécessite, certes, une autorisation mais doit aussi respecter – ne l’oublions pas – les critères définis à l’article R. 2324-17 du code de la santé publique. Ce dernier et les circulaires afférentes précisent les missions des établissements d’accueil des jeunes enfants : obligation d’accueillir des enfants de bénéficiaires de minima sociaux ou porteurs de handicap, respect du barème de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, et réglementation de l’encadrement par les professionnels.
Le Gouvernement a donc choisi une interprétation restrictive. Ce choix, qui n’engage que lui, dont il a la seule responsabilité, ne nous étonne pas. Il s’inscrit dans un ensemble de décisions qui tend vers une dégradation des dispositifs existants.
De multiples expériences telles que les jardins d’éveil et les maisons d’assistants maternels ont été mises en place et encouragées dernièrement afin de respecter l’objectif des 200 000 places d’accueil supplémentaires annoncées à grand renfort médiatique ; mais cet objectif peine à être atteint.
Si, sur le fond, l’effort de développement et d’innovation relatif à l’offre d’accueil du jeune enfant est louable, il ne doit pas aller à l’encontre de la qualité de l’accueil. Je pense, notamment, au décret actuellement en cours de rédaction sur ce point précis. L’offre ne doit pas se développer au détriment des besoins fondamentaux des enfants, des attentes légitimes des familles ou des conditions de travail des professionnels.
Ce choix risque d’avoir des conséquences importantes tant sur le fonctionnement que sur le financement des établissements d’accueil des jeunes enfants. On peut se demander, en effet, comment la Commission évaluera les régimes d’autorisation. Remettra-t-elle en cause la réglementation actuelle ?
Enfin, la transposition effectuée par le Gouvernement ne règle pas la question du mandatement par les collectivités territoriales, collectivités qui n’ont pas été consultées, je tiens à le souligner, alors qu’elles mettent en place des dispositifs permettant aux enfants de bénéficier d’un accueil collectif. Leurs associations représentatives ont d’ailleurs exprimé leurs inquiétudes.
La proposition de loi présentée par notre collègue Roland Ries et par les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés va donc dans le sens d’une sécurisation des services publics.
Elle marque notre désaccord avec le choix opéré par le Gouvernement et témoigne de notre volonté de travailler avec les collectivités, les associations, les professionnels et les usagers contre le démantèlement de ces services. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Catherine Tasca. Très bien !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteur. Je souhaite en cet instant répondre aux arguments avancés par Mme la secrétaire d’État.
En premier lieu, s’agissant du problème de la transposition de la directive Services, madame la secrétaire d’État, vous faites semblant de ne pas comprendre nos propos. L’enjeu démocratique de la transposition ne portait pas sur l’accord du Parlement lors de telle ou telle modification adoptée à l’occasion de la loi de modernisation de l’économie ou de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ; l’enjeu démocratique de la transposition visait l’association du Parlement à l’établissement de la liste des services sociaux exclus du champ d’application de la directive Services. Tout le monde comprend bien pourquoi : seul l’établissement de la liste permet de construire une stratégie globale et une politique de transposition.
Cette liste, le Gouvernement a refusé de la communiquer à l’Assemblée nationale, et le Sénat ne l’a reçue qu’hier alors que nous la demandions depuis plus d’un mois ! Qui sera assez naïf pour croire que cette attitude hésitante ne révèle pas la tentation du Gouvernement d’ignorer les droits du Parlement ?
M. Richard Yung. Très bien !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteur. Comme je l’ai déjà indiqué, ce n’est pas en ignorant le Parlement ou en suscitant une suspicion légitime sur des négociations obscures que vous redonnerez confiance aux citoyens en l’Europe. Cette observation vaut d’ailleurs pour tous les États membres de l’Union européenne.
En second lieu, madame la secrétaire d’État, vous essayez de nous montrer que le Gouvernement s’efforce d’obtenir une évolution de la réglementation des aides d’État en Europe. Mais vous n’êtes pas convaincante et je ne suis pas sûre, d’ailleurs, que vous soyez convaincue. J’en veux pour preuve un fait incontestable : la réglementation des aides d’État date de 2005, c’est-à-dire de l’adoption du paquet « Monti-Kroes ». Très vite, les associations et les élus locaux ont vu et démontré que la réglementation était inadaptée, ce que le Gouvernement lui-même ne conteste pas.
Mme Claire-Lise Campion. Exactement !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteur. Or que s’est-il passé en 2008 ? Au deuxième semestre, la France a présidé l’Union européenne ; mais qu’a-t-elle fait pour modifier la réglementation des aides d’État ?
M. Richard Yung. Rien !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteur. Elle n’a proposé aucun texte, engagé aucune négociation, ni même, à ma connaissance, émis la moindre déclaration sur le sujet.
Que le Gouvernement proteste contre la réglementation des aides d’État dans les rapports qu’il envoie à la Commission européenne, je veux bien le croire. Chacun comprend bien qu’il cherche ainsi à nous faire admettre qu’il juge la question prioritaire. Or s’il s’agissait vraiment pour lui d’une priorité, il ne se contenterait pas de rapports. C’est précisément cette attitude que nous dénonçons : le manque de volonté, d’énergie, de détermination du Gouvernement dans la promotion des services sociaux.
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteur. Madame la secrétaire d’État, vous avez utilisé un second argument. Vous nous avez dit que le Gouvernement avait signalé le problème à la Commission européenne, mais que cette dernière n’avait pas répondu et faisait la sourde oreille. Soit ! Je vous propose de vous prendre au mot. Vous n’arrivez pas à vous faire entendre de la Commission européenne ? Nous allons vous y aider ! (Sourires.)
Dans les prochaines semaines, je soumettrai au Sénat, en accord avec la commission des affaires sociales, une proposition de résolution européenne tendant à la révision de la réglementation des aides d’État. Je ne doute pas, après avoir entendu l’ensemble des orateurs précédents, qui ont souligné leur attachement aux services sociaux, que cette résolution sera adoptée à l’unanimité, avec l’avis favorable du Gouvernement ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Je m’amuse de constater à quel point vous jetez la suspicion sur l’action gouvernementale et, surtout, sur l’engagement du Gouvernement à aller dans le bon sens.
Mme Raymonde Le Texier. Cela n’a rien d’amusant !
Mme Nora Berra, secrétaire d’État. La contestation peut être amusante, mais, lorsqu’elle est systématique, elle devient risible ! Jeter la suspicion sur l’activité gouvernementale me paraît totalement déplacé.
Mme Raymonde Le Texier. À ce stade, il ne s’agit même plus de suspicion : les faits sont là !
Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Vous dénoncez un manque de transparence du Gouvernement. Mais, je vous le rappelle, la mission interministérielle a auditionné sur ce sujet tous les acteurs, dont les parlementaires !
Quant au passage en revue de l’ensemble de la législation française, convenez qu’il s’agit d’un travail purement administratif et que, sur ce point, l’administration est la mieux placée pour le réaliser.
S’agissant toujours de la transparence, vous savez très bien que la France a rendu public son rapport trois semaines après la fin du délai de transposition, alors qu’aucun autre État membre n’a été aussi rapide. Je peux vous rassurer, madame le rapporteur, vos collègues de l’Assemblée nationale ont bien reçu les fiches IPM…
Mme Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteur. Non, pas les députés…
Mme Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteur. Hier seulement ! C’était bien trop tard pour nos collègues députés !
Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Quoi qu’il en soit, ne voyez aucune obsession du secret dans cette démarche, puisqu’il s’agit d’un travail purement administratif !
Mme Raymonde Le Texier. Heureusement qu’il n’y avait pas de secret !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
Article 1er et annexe I
Article 1er
Les services sociaux, tels que définis au 2. de l’article 2 ainsi que les services sociaux, assurés par l’État ou les collectivités territoriales, par des prestataires mandatés par l’État ou par les collectivités territoriales au sens des articles 3 et 4, et par des associations caritatives, reconnues comme telles par l’État conformément à la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, qui sont relatifs au logement social, à l’aide à l’enfance et à l’aide aux familles et tout autre service social destiné aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin, ne relèvent pas du champ d’application de la directive relative aux services dans le marché intérieur (2006/123/CE) conformément à ses articles 2.2. a) et 2.2. j). Ces services sont essentiels pour garantir le droit fondamental à la dignité et à l’intégrité humaines et sont une manifestation des principes de cohésion sociale et de la solidarité nationale.
La directive relative aux services dans le marché intérieur (2006/123/CE) n’affecte pas les critères ou conditions fixés par la République française pour assurer que ces services sociaux exercent effectivement une fonction au bénéfice de l’intérêt public de la France et de sa cohésion sociale.
Les services sociaux exclus du champ d’application de la directive relative aux services dans le marché intérieur (2006/123/CE) conformément à ses articles 2.2. a) et 2.2. j) sont définis à l’annexe I.
Les régimes d’autorisation liés aux services sociaux considérés comme étant « d’intérêt économique général », qui ne sont pas exclus au titre de l’article 2.2. j) de la directive, dérogent néanmoins aux règles relatives aux régimes d’autorisation dès lors qu’une mission d’intérêt général leur est impartie. En effet, les services sociaux relevant du 1 de l’article 2 et ne relevant pas du présent article bénéficient des dispositions prévues à l’article 14.4 de la directive relative aux services dans le marché intérieur (2006/123/CE), à savoir que les paragraphes 1, 2 et 3 de l’article 14 de la dite directive ne s’appliquent à la législation dans le domaine des services d’intérêt économique général que dans la mesure où l’application de ces paragraphes ne fait pas échec à « l’accomplissement, en droit ou en fait, de la mission particulière qui leur a été confiée », conformément aux dispositions d’application générale de l’article 14 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ainsi que des dispositions du 2. de l’article 106 dudit traité.
Les services sociaux considérés comme étant « d’intérêt économique général », qui ne sont pas exclus au titre de l’article 2.2. j) de la directive, ne sont pas soumis aux règles relatives à la libre prestation de services. En effet, les services sociaux relevant du 1 de l’article 2 et ne relevant pas du présent article sont exclus du champ d’application des dispositions de la directive en matière de libre prestation de services établies à son article 16 conformément aux dispositions établies à son article 17.1 qui précisent que l’article 16 ne s’applique pas « aux services d’intérêt économique général qui sont fournis dans un autre État membre ».
Annexe I
Services sociaux exclus du champ d’application de la directive relative aux services dans le marché intérieur (2006/123/CE) au titre de ses articles 2.2. a) et 2.2. j)
(Liste indicative)
a) au titre de l’article 2.2. a) de la directive relative aux services dans le marché intérieur (2006/123/CE) : les services sociaux relevant du 2. de l’article 2 de la présente loi, notamment ceux listés à titre indicatif à l’annexe III
b ) au titre de l’article 2.2.j) de la directive relative aux services dans le marché intérieur (2006/123/CE) : tout service social assuré par l’État ou les collectivités territoriales, par des prestataires mandatés par l’État ou par les collectivités territoriales au sens des articles 3 et 4 de la présente loi ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l’État, relatif au logement social, à l’aide à l’enfance et à l’aide aux familles et tout autre service social destiné aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin. Ces services sont essentiels pour garantir le droit fondamental à la dignité et à l’intégrité humaines et sont une manifestation des principes de cohésion sociale et de solidarité nationale. La directive n’affecte pas les critères ou conditions fixés par la République française pour assurer que les services sociaux exercent effectivement une fonction au bénéfice de l’intérêt public de la France et de sa cohésion sociale. Il s’agit des services sociaux relatifs :
▪ au logement social :
assurés par les organismes d’habitation à loyer modéré et les sociétés d’économie mixte immobilières mandatés par l’État (L. 411 et suivants du code de la construction et de l’habitation) conformément à l’article 3 de la présente loi ;
assurés par des associations mandatées par l’État en charge d’activités de maîtrise d’ouvrage, en charge d’ingénierie sociale financière et technique, en charge d’activités d’intermédiation locative et de gestion locative sociales (loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion : articles L. 365-2, L. 365-3 et L. 365-4) conformément à l’article 3 de la présente loi ;
▪ à l’aide à l’enfance, notamment :
- les services sociaux pour les enfants et adolescents assurés par des organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services assurant l’habilitation des organismes intermédiaires en vue d’adoption d’enfants assurés par des organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services assurés par les organismes auxquels l’autorité judiciaire confie des mineurs qui sont mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services de crèches et garderies d’enfants assurés par des organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services de foyers de jour pour enfants et adolescents handicapés assurés par des organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services d’éducation, de soutien scolaire et de formation pour la jeunesse assurés par des organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services d’animation pour enfants, y compris éducative, sportive et culturelle, assurés par des organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services de bibliothèque et de médiathèque pour enfants et adolescents assurés par des organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
▪ à l’aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin en raison de l’insuffisance de leurs revenus familiaux, ou d’un manque total ou partiel d’indépendance et qui risquent d’être marginalisées, notamment :
- les services assurés par des organismes de formation mandatés par conseils régionaux relevant des services publics régionaux de la formation professionnelle à destination des demandeurs d’emploi et des salariés précaires ou fragiles (loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social ; loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales ; loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale ; loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi ; loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie), notamment les services qui concourent à mettre en place les processus de formation pour des demandeurs d’emploi et des salariés précaires ou fragiles ; les actions préventives (actions de préformation ou de préparation à la vie professionnelle : actions qui permettent à toute personne sans qualification professionnelle et sans contrat de travail d’atteindre le niveau nécessaire pour suivre un stage de formation professionnelle ou pour entrer directement dans la vie professionnelle. les actions de prévention destinées aux travailleurs dont l’emploi est menacé du fait d’une qualification inadaptée à l’évolution des techniques et des structures des entreprises) ; les actions permettant d’identifier le besoin individuel de formation, l’orientation et les bilans de compétences, les actions de validation des acquis de l’expérience ; les services de formation continue, de qualification et d’éducation permanente pour des demandeurs d’emploi et des salariés précaires ou fragiles (les actions de conversion, les actions d’acquisition, d’entretien ou de perfectionnement des connaissances, les actions de lutte contre l’illettrisme et l’apprentissage de la langue française, les actions d’accompagnement, d’information et de conseils dispensées aux créateurs ou repreneurs d’entreprises agricoles, artisanales, commerciales ou libérales n’exerçant pas une activité ; les actions de formation professionnelle et d’insertion relevant de la compétence des départements dans le cadre des programmes départementaux d’insertion prévus par l’article L. 263-1 du code de l’action sociale et des familles qui sont exécutés par des organismes de formation mandatés par l’État ou les collectivités territoriales.
- les services assurés par les maisons de l’emploi, notamment dans le cadre des programmes locaux d’insertion par l’emploi, assurés par des organismes mandatés par l’État et les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services relevant de l’insertion par l’activité économique assurés par des organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales (article L. 322-4-16 du code du travail et loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions) conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services relevant du service public de l’hébergement et de l’accès au logement assurés par des associations et organismes mandatés par l’État (article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles ; loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale ; article 124 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires) conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services assurés en matière d’actions expérimentales de caractère médical et social, type SAMU social de Paris, ou « lits halte soins santé » par des organisations mandatées par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services de recueil des demandes d’instruction et de versement du RSA assurés par des organismes mandatés par l’État conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services de domiciliation des personnes sans domicile stable pour prétendre au service des prestations sociales assurés par des organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services assurés par des organismes d’accueil communautaires et d’activités solidaires, à l’image des communautés d’Emmaüs, mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services assurés par les assistants maternels et des assistants familiaux mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services de protection des majeurs et des familles assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services d’accompagnement social personnalisé assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services assurés par les personnes physiques ou morales en matière de « vacances adaptées organisées » mandatées par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services d’action sociale avec hébergement assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services sociaux pour les personnes âgées assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services sociaux pour les personnes handicapées assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services de foyers de jour assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services de livraison de provisions à domicile pour les personnes âgées isolées et à mobilité réduite assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services d’orientation et de conseil professionnel assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services de conseil professionnel assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services de planning familial assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services de réhabilitation sociale assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services de réhabilitation professionnelle assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services sociaux assurés par les programmes d’action communale assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services médico-sociaux assurés par les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), et notamment les ESSMS privés d’intérêt collectif, mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services de formation spécialisée en direction des personnes dans le besoin assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services de conseil en matière d’égalité des chances assurés par les organismes mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services bancaires de base relevant de l’accès universel (droit au compte) assurés par des établissements de crédit mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services d’aide et d’accompagnement à domicile qui sont assurés par des organismes ou des personnes physiques mandatés par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi ;
- les services d’accueil familial de personnes âgées et adultes handicapés assurés par des personnes physiques mandatées par l’État ou les collectivités territoriales conformément à l’article 3 de la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Roland Ries, sur l’article.
M. Roland Ries. « Il n’est point besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer », disait Guillaume d’Orange ! Nous allons enfin examiner les différents articles de cette proposition de loi – il n’y en a que cinq –, et peut-être parviendrons-nous à convaincre certains de nos collègues de la nécessité d’adopter le présent texte.
L’article 1er a pour objet de préciser dans la loi la liste des services sociaux qui sont exclus de la directive Services, conformément à son article 2.2.j), à savoir les services sociaux relatifs « au logement social, à l’aide à l’enfance et à l’aide aux familles et tout autre service social destiné aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin ». L’article utilise donc les dérogations contenues dans l’article 15.4 de la directive sur la préservation « de la mission particulière » des services d’intérêt économique général.
Dans le cadre de cette transposition, il appartient aux États membres de faire usage de ces dérogations, comme cela a été rappelé. Or tel n’est pas le cas en France, le Gouvernement ayant choisi une interprétation extrêmement restrictive de ces dérogations ; il a ainsi explicitement fait le choix de faire entrer dans le domaine marchand – par conséquent de livrer à la concurrence – des services aussi fondamentaux pour notre cohésion sociale que les services d’aide à domicile, le soutien scolaire ou encore l’accueil collectif de la petite enfance !
La logique inhérente à cette approche est claire : favoriser le développement d’une offre privée destinée aux plus aisés de nos concitoyens, le service public ne s’adressant alors qu’aux plus démunis. On passera, à terme, à un marché à deux vitesses, du service public au service à un public, celui des plus pauvres. C’est tout simplement un changement de paradigme qui s’amorce ici, un véritable changement de modèle : le passage des services publics à la française, au service public à l’anglo-saxonne. Nous ne pouvons accepter une telle vision du service public, en totale contradiction avec l’histoire de notre pays.
À cette politique idéologiquement orientée du Gouvernement, nous opposons une politique de protection et de préservation des missions d’intérêt général des services sociaux. Aussi, l’article 1er de la proposition de loi adopte-t-il l’interprétation la plus large possible des dérogations permises par la directive Services, tout en demeurant conforme au droit communautaire, je le répète. De plus, nous le faisons en toute transparence, dans le respect des prérogatives du Parlement, prérogatives que le Gouvernement semble avoir ignorées en la circonstance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteur. Permettez-moi de profiter de la discussion de l’article 1er pour me pencher avec attention sur la fameuse liste d’autorisations que le Gouvernement a bien voulu nous transmettre au dernier moment, c’est-à-dire hier, alors qu’il avait refusé de la communiquer aux députés.
Prenons un exemple qui illustre parfaitement ce que nous dénonçons par le biais de la présente proposition de loi, c’est-à-dire la passivité et le manque de volontarisme du Gouvernement pour promouvoir les services sociaux en France et en Europe.
L’article 15 de la directive Services prévoit que chaque État membre doit communiquer à la Commission européenne la liste des services pour lesquels il juge opportun de maintenir une autorisation préalable. Pour être légaux, les critères de l’autorisation doivent être conformes à un certain nombre d’exigences de la directive, comme la nécessité ou la proportionnalité.
Or le quatrième paragraphe de l’article 15 précise que les exigences de la directive ne s’appliquent que dans la mesure où elles ne font pas obstacle à la réalisation d’un service d’intérêt économique général. C’est bien pourquoi sur toutes les fiches que nous a communiquées le Gouvernement et qui concernent l’article 15 figure une case réservée à la question suivante : « l’exigence d’autorisation est-elle nécessaire à l’accomplissement d’une mission particulière confiée à un service d’intérêt économique général ? »
Et sur la fiche réservée à toutes les activités de service à la personne, que trouve-t-on comme réponse à cette question ? « Non », tout simplement « non » ! Selon le Gouvernement, le régime d’autorisation des services à la personne n’est pas lié à un service d’intérêt économique général. Tel est le cœur du problème.
Bien sûr, formellement parlant, le régime d’autorisation des services à la personne ne crée pas un service d’intérêt économique général. Mais en prenant une telle position à l’égard de la Commission européenne, le Gouvernement met la France en grande difficulté, pour ne pas dire qu’il renonce par avance à faire admettre à l’avenir à la Commission européenne que les services à la personne sont des services d’intérêt économique général. Vous hypothéquez l’avenir !
Maintenant que le Gouvernement a fait ce choix dans le dos du Parlement, comment pourrons-nous, demain, défendre sérieusement devant la Commission européenne l’idée que les services à la personne sont des services d’intérêt général ? Nous serons obligés de contredire une prise de position antérieure de la France ; nous ne serons plus crédibles ; nous donnerons le sentiment de faire volte-face ! Tel est, madame la secrétaire d’État, notre différend profond avec le Gouvernement.
En droit, votre position est irréprochable, elle évite le contentieux avec la Commission. Mais, politiquement, elle n’est pas acceptable : au moment même où nous essayons de mettre en place la couverture de la dépendance – le « cinquième risque » –, au moment même où nombre de personnes âgées sont de plus en plus fragiles et seules, vous envoyez à la Commission européenne un document, que je tiens à la disposition de tous nos collègues et qui indique explicitement que les services à la personne ne sont pas des services d’intérêt économique général.
Au lieu de saisir l’occasion de la transposition de cette directive pour affirmer des positions fortes de la France à l’égard du secteur social, le Gouvernement s’est contenté de procéder à une transposition sans ambition et sans vision, une transposition scolaire. C’est une faute politique que nous aurons beaucoup de mal à réparer au niveau européen ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Madame le rapporteur, je souhaite juste vous rappeler que la plupart des régimes d’autorisation sont conformes aux règles européennes. Il n’y a donc pas de raison de les justifier spécifiquement.
Par ailleurs, je me range à votre avis pour considérer que la valeur normative de l’article 1er n’est pas assurée, comme j’avais déjà eu l’occasion de le faire valoir devant l’Assemblée nationale.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er et l’annexe I.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 164 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 156 |
Pour l’adoption | 128 |
Contre | 182 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 2 et annexes II et III
Article 2
Est définie comme service social, toute activité à laquelle des missions d’intérêt général sont imparties à des fins de protection sociale, de cohésion sociale, de solidarité nationale et de mise en œuvre des droits fondamentaux. Les services sociaux peuvent être considérés compte tenu de leur mode d’organisation et de financement :
1) soit comme des services ou des activités de nature économique au sens du traité et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne car fournis contre rémunération, y compris quand le payeur du service n’est pas l’utilisateur direct (tiers payant). Ils relèvent des dispositions protectrices du bon accomplissement de leurs missions particulières telles que définies à l’article 14 et au 2. de l’article 106 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de l’article premier du protocole n° 26 sur les services d’intérêt général des traités de l’Union européenne et sur le fonctionnement de l’Union européenne et de l’article 36 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Ces services sociaux, relevant des dispositions de l’article 14 et du 2. de l’article 106 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de l’article premier du protocole n° 26 sur les services d’intérêt général et de l’article 36 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sont définis à l’annexe II de la présente loi.
2) soit comme assurant une « fonction à caractère exclusivement social» au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Ils ne relèvent pas des règles applicables aux activités de nature économique et aux services du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Ces services sociaux ne sont pas fournis contre rémunération mais à titre gratuit, sans aucune contrepartie économique conformément aux principes d’accès universel, de solidarité nationale et de péréquation tarifaire ou sur la base d’une contribution ne relevant pas d’une rémunération car définie par l’autorité publique indépendamment des coûts réels de sa fourniture. Ils sont assurés par des entités sans but lucratif à gestion désintéressée ne maîtrisant pas le niveau des recettes défini par l’autorité publique, entités créées spécifiquement pour accomplir ces missions particulières à finalité exclusivement sociale ou en l’absence d’offre concurrente à but lucratif structurée et pérenne qui soit à même d’en assurer durablement la fourniture aux conditions fixées par l’autorité publique conformément aux principes définis à l’article 5.
Ces services sociaux non-économiques relevant d’une fonction à caractère exclusivement social et des dispositions de l’article 2 du protocole n° 26 sur les services d’intérêt général, sont définis à l’annexe III.
Annexe II
Services sociaux définis à l’article 1er et relevant des dispositions des articles 14 et du 2. de l’article 106 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de l’article 1er du protocole n° 26 sur les services d’intérêt général et de l’article 36 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
Tout service social fourni en contrepartie d’une rémunération, y compris en tiers payant, par des entités mandatées par l’État ou par les collectivités territoriales conformément aux articles 3 et 4 de la présente loi, notamment :
- les services relatifs au logement social assurés par les organismes d’habitation à loyer modéré et les sociétés d’économie mixte immobilières mandatés par l’État (articles L. 411 et suivants du code de la construction et de l’habitation) ;
- les services sociaux assurés par les maisons de l’emploi, notamment dans le cadre des programmes locaux d’insertion par l’emploi, assurés par leur structure porteuse mandatée par l’État et les collectivités territoriales ;
- les services bancaires de base relevant de l’accès universel (droit au compte) assurés en direction des utilisateurs exclus bancaires par des établissements de crédit mandatés par l’État ;
- les services assurés par des organismes de formation mandatés par les conseils régionaux dans le cadre de la mise en œuvre du service public régional de la formation professionnelle des salariés, des demandeurs d’emploi et autres personnes éloignées du marché du travail (loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social ; loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale ; loi n° 2008-128 du 13 février 2008 relative à l’organisation du service public de l’emploi ; loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie) qui concernent aussi bien les salariés que les demandeurs d’emploi au nom de « l’obligation nationale » que constitue la formation professionnelle tout au long de la vie (article 2 de la loi n° 2004-391 précitée) ;
- les services d’action sociale et médico-sociale assurés par des établissements sociaux et médico-sociaux mandatés par l’État ou les collectivités territoriales à destination de publics fragiles (loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 codifiée dans le code de l’action sociale et des familles aux articles L. 313-1 à L. 313-9 et R. 313-1 à R. 313-10 fixant la procédure d’autorisation de création du service ou de l’établissement) ;
- les services assurés par des établissements et services de protection judiciaire de la jeunesse mandatés par l’État (autorisation loi n° 2002, décret n° 2003-180 du 5 mars 2003 modifiant le décret n° 88-949 du 6 octobre 1988 relatif à l’habilitation des personnes physiques, établissements, services ou organismes publics ou privés auxquels l’autorité judiciaire confie habituellement des mineurs) ;
- les services assurés par les foyers de jeunes travailleurs mandatés par l’État et les collectivités territoriales dans le cadre des activités de logement, de restauration et actions socio-éducative des foyers de jeunes travailleurs (circulaire DGAS 96-753 du 17 décembre 1996) ;
- les services de garderie scolaire et périscolaire assurés par les entités mandatées par l’État ou les collectivités territoriales ;
- les services assurés par les centres de loisirs et centres de vacances mandatés par l’État ou les collectivités territoriales ;
- les services de foyers de jour assurés par des entités mandatées par l’État ou les collectivités territoriales ;
- les services de crèches et garderies d’enfants assurés par des établissements des services d’accueil des enfants de moins de 6 ans mandatés par l’État ou les collectivités territoriales (décret n° 2007-203 du 20 février 2007; article L. 2324-1 du code de la santé publique ; articles R. 2324-18 et suivants) ;
- les services assurés par les centres sociaux mandatés par l’État ou les collectivités territoriales (circulaire n° 56 de la CNAF définissant une mission de relais de la politique de l’action sociale familiale et une fonction d’animation globale et de coordination) ;
- les services assurés dans le cadre de séjours de vacances pour adultes handicapés assurés par des entités mandatées par l’État ou les collectivités territoriales (article 48 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ; décret n° 2005-1759, du 29 décembre 2005 relatif à l’agrément « vacances adaptées organisées ») ;
- les services aux personnes à destination de publics fragiles assurés par des entités mandatées par l’État ou les collectivités territoriales (secteurs PA, PH, enfance, famille : loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 codifiée dans le code de l’action sociale et des familles aux articles L. 313-1 à L. 313-9 et R. 313-1 à R. 313-10 et agrément qualité (loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale) ;
- les services assurés par les entreprises adaptées et centres de distribution de travail à domicile mandatés par l’État ou les collectivités territoriales ;
- les services assurés par les associations intermédiaires, les entreprises d’insertion et les entreprises de travail temporaire d’insertion (articles L. 322-4-16 et suivants du code du travail ; loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions et ses décrets n° 99-109, n° 99-107 et n° 99-108 du 18 février 1999) ;
- les services de type maîtrise d’ouvrage, ingénierie sociale financière et technique et activités d’intermédiation locative et de gestion locative sociales assurés par des associations (loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion : articles L. 365-2 ; L. 365-3 et L. 365-4).
Annexe III
Services sociaux définis au 2. de l’article 2 relevant d’une fonction à caractère exclusivement social et des dispositions de l’article 2 du protocole n° 26 sur les services d’intérêt général
Tout service social relevant d’activités développées par des associations ou organismes sans but lucratif :
- fourni à titre gratuit sans contrepartie économique ou en contrepartie d’une contribution fixée indépendamment des coûts réels de leur fourniture, et/ou ;
- fourni en l’absence d’offre concurrente à but lucratif structurée et pérenne dans les territoires de vie où s’exprime la demande des utilisateurs, respectueuse des principes établis à l’article 5 de la présente loi,
notamment :
· les services sociaux relevant des régimes obligatoires de protection sociale ;
· les services sociaux relevant des régimes obligatoires d’éducation (loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de progamme pour l’avenir de l’école et circulaire 91-248 du 11 septembre 1991 relative aux missions et au fonctionnement du service social de l’Éducation nationale) ;
· les services sociaux relatifs aux activités sportives non lucratives pratiquées à titre amateur ;
· les services assurés par les ateliers et chantiers d’insertion (articles L. 322-4-16 et suivants du code du travail ; loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 ; circulaire DGEFP n° 2005/41 du 28 novembre 2005 relative aux ateliers et chantiers d’insertion (I, 1, b)) ;
· les services relevant du service public de l’hébergement (articles L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles ; loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale ; article 124 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires) ;
· les services sociaux de distribution de nourriture gratuite et de banque alimentaire (loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie) ;
· les activités tribuniciennes des associations ;
· les services socio-judiciaires (mesures alternatives aux poursuites (MAP), enquêtes sociales rapides, composition pénale, enquête de personnalité (EP), contrôle judiciaire socio-éducatif (CJSE), réparation pénale des mineurs (RPM), placement extérieur et aménagement de peine, aide aux victimes, accès aux droits ;
· les services relatifs aux activités de secourisme (agrément national du ministère de l’intérieur et local des préfets départementaux (arrêtés du 8 juillet 1992 et du 24 mai 2000, circulaire du 15 novembre 2002, relatifs aux formations aux premiers secours).
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur
Mme Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteur. Cet article définit précisément et conformément au droit communautaire les objectifs pouvant être confiés aux services sociaux, à savoir la protection sociale, la cohésion sociale, la solidarité nationale et les droits fondamentaux : rien de moins que le cœur de notre modèle social à la française.
En outre, non seulement il précise le droit applicable en matière de services sociaux dits « économiques » et de services sociaux non-économiques, mais il le fait en conformité avec les traités et la jurisprudence européenne, en utilisant toutes les protections offertes par le traité de Lisbonne, le protocole n° 26 sur les services d’intérêt général et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
En définissant clairement quels services sociaux peuvent être considérés d’intérêt général, cet article organise, en quelque sorte, leur sécurisation juridique au regard du droit communautaire.
Une fois encore, nous tenons à affirmer que la transposition des directives relève indiscutablement de la responsabilité du législateur national. L’Europe se construit non pas seulement dans les couloirs et les salles de réunion de Bruxelles, mais aussi dans les parlements nationaux, a fortiori lorsqu’il s’agit d’une directive touchant à l’essence même de notre modèle social. Oublier le Parlement serait un déni de démocratie.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 et les annexes II et III.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 165 :
Nombre de votants | 334 |
Nombre de suffrages exprimés | 309 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 155 |
Pour l’adoption | 127 |
Contre | 182 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 3
Les dispositions de l’article 2 s’appliquent à toute entité chargée par une autorité publique ou par une entité mandatée à cet effet par une autorité publique nationale, régionale ou locale, de la gestion de services sociaux ainsi définis, au moyen d’un acte officiel de mandatement chargé de fournir le service social concerné conformément aux obligations spécifiques découlant de la mission particulière qui lui est impartie.
M. le président. La parole est à M. Roland Ries, sur l'article.
M. Roland Ries. Cet article traite de la question essentielle du mandatement.
Je reconnais que cette notion juridique européenne, étrangère à notre droit national, n’est pas aisée à appréhender au premier abord. Elle constitue pourtant l’une des conditions d’exclusion de la directive Services. Dans ce cadre, le mandatement définit l’obligation de prester imposée à un délégataire d’un service d’intérêt général.
Cette notion est également présente dans le contrôle des compensations de service d’intérêt général, déterminé par le paquet « Monti-Kroes » et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle conditionne la possibilité de déroger aux règles de la concurrence, notamment à l’interdiction des aides d’État. Dans ce cadre, le mandatement correspond à un acte officiel, précisant le contenu, la nature, la durée, la rémunération du service, notamment.
Je laisse aux juristes le soin de tergiverser sur la portée, sur les différences de définition selon la langue employée, ou encore sur les objectifs de cette notion. Ce qui est en jeu, c’est l’existence même de certains de nos services sociaux. Grâce au mandatement, ces derniers pourront être exclus de la directive Services. Ainsi, l’aide publique, indispensable à leur fonctionnement et à leur pérennité, sera sécurisée, et tel est bien l’objectif recherché.
Il nous paraît donc impératif de définir en droit national l’exigence de mandatement en matière de gestion des services sociaux. C’est ce que nous proposons à l’article 3 de la présente proposition de loi.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 n’est pas adopté.)
Article 4
L’acte officiel de mandatement précise la nature de la mission particulière impartie au service social, la nature et la durée des obligations spécifiques qui en découlent, le territoire concerné, les droits spéciaux ou exclusifs éventuellement octroyés nécessaires à l’accomplissement de la mission impartie et à l’imposition effective des obligations spécifiques et au respect des principes définis à l’article 5, la nature et les paramètres de calcul de la juste compensation [Au sens de la décision d’application directe en droit interne relative à l’application de l’article 106 § 2 TFUE (ex. article 86 § 2 du Traité CE) aux aides d’État sous la forme de compensations de service public accordées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général, COM 2005 267 du 28 novembre 2005, JOUE L312 du 29 novembre 2005 et de la circulaire de la direction générale des collectivités locales du ministère de l’intérieur du 4 juillet 2008 sur la mise en œuvre en France de cette décision communautaire.] octroyée à l’entité chargée de la gestion du service social concerné ainsi que les moyens d’éviter d’éventuelles surcompensations.
Est considéré comme acte officiel de mandatement tout acte opposable de nature législative, règlementaire, contractuelle ou internationale, obligeant l’entité à fournir les services sociaux conformément aux obligations spécifiques découlant de la mission particulière impartie, qui est établi par l’État, par les collectivités territoriales (régions, départements, communes, établissements publics de coopération intercommunales) ou par toute entité mandatée à cet effet par une autorité publique y compris une institution, un organe ou un organisme de l’Union européenne.
Les actes relatifs aux contrats de marché public établis pour les services sociaux conformément à la procédure allégée de l’article 30 du code des marchés publics découlant des dispositions de l’article 21 et de l’annexe II B catégorie 25 de la directive 2004/18/CE, aux contrats de délégations de service public, à l’octroi de droits spéciaux ou exclusifs, aux conventions y compris aux conventions de subvention, sont constitutifs d’actes officiels de mandatement dès lors qu’ils sont conformes à l’alinéa 1 du présent article.
Conformément aux principes généraux du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de transparence, d’égalité de traitement et de non-discrimination en fonction de la nationalité, ces actes, quelle que soit leur nature, font l’objet d’un avis de publicité préalable adéquate.
Il est créé une convention de subvention spécifique à la gestion des services sociaux relevant du 1 de l’article 2 , dite « convention de partenariat d’intérêt général » afin de sécuriser le mode de contractualisation entre les autorités publiques et les associations relevant de la loi 1901 auxquelles il est reconnu un droit d’initiative fondé sur un projet associatif s’inscrivant dans le cadre de la mission particulière impartie à ces services. Un décret en établit le contenu conformément aux dispositions du présent article.
M. le président. La parole est à M. Roland Ries, sur l'article.
M. Roland Ries. La définition de la notion de mandatement a un impact direct et concret sur la sécurité juridique des services publics concernés, comme sur le rôle des autorités publiques chargées de les organiser.
Voilà pourquoi, loin d’être un simple ajustement technique, le contenu d’une telle définition est éminemment politique. Pour bien mesurer sa portée et mieux expliciter cette notion, nous avons souhaité le préciser dans cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 n’est pas adopté.)
Article 5
Les services sociaux auxquels des missions d’intérêt général sont imparties à des fins de protection sociale, de cohésion sociale, de solidarité nationale et de mise en œuvre des droits fondamentaux sont fournis conformément aux principes communs d’accès universel, d’accessibilité tarifaire, de continuité, de qualité et de protection des utilisateurs tels que définis à l’article premier du Protocole n° 26 sur les services d’intérêt général des traités de l’Union européenne et sur le fonctionnement de l’Union européenne.
M. le président. La parole est à M. Roland Ries, sur l'article.
M. Roland Ries. Cet article vise à inscrire dans la loi les principes définis dans le nouveau protocole sur les services d’intérêt général du traité de Lisbonne, à savoir l’accès universel, l’accessibilité tarifaire, la continuité, la qualité, et la protection des utilisateurs.
Contrairement à ce que le Gouvernement pourrait nous faire croire, rien n’empêche de reprendre ces principes en droit français afin de leur donner toute leur effectivité. Dans un espace européen de plus en plus intégré, la sécurisation de notre modèle social en général et de nos services sociaux en particulier passe nécessairement par leur mise en conformité avec le droit communautaire.
Le traité de Lisbonne nous procure de nouveaux outils en la matière et constitue une avancée. Alors, pourquoi ne pas l’utiliser ? Là encore, ne pas saisir les opportunités ainsi offertes pour protéger nos services sociaux relève d’un choix politique. C’est assurément le choix du Gouvernement, ce n’est pas celui du groupe socialiste !
M. le président. Chacun des articles de la proposition de loi ayant été rejeté, je constate qu’il n’y a pas lieu de voter sur l’ensemble.
La proposition de loi est rejetée.
Mes chers collègues, il me semble important pour le bon fonctionnement du Sénat et pour la qualité de nos débats que les présidents de groupe s’assurent d’une présence suffisante en séance publique des membres de leur groupe afin que les votes aient lieu dans des conditions décentes, sans nous obliger à recourir à certains expédients, et que les discussions puissent s’achever dans des délais raisonnables et dans le respect de la prévisibilité chère au président Gérard Larcher.
C’est un point que nous aurons d'ailleurs l’occasion d’évoquer avec lui, et je profite de la présence du président de la commission des lois pour le souligner.
Je tenais à formuler cette remarque (Mme Janine Rozier applaudit.) sans acrimonie aucune envers qui que ce soit. Nous avons tous des contraintes ; c’est notamment le cas de ceux qui sont présents en séance, et on ne peut pas leur en vouloir d’être là !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Bravo !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteur. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
11
Renvoi pour avis
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles (n° 344, 2009-2010), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
12
Adoption par les partenaires liés par un pacte civil de solidarité
Rejet d'une proposition de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi autorisant l’adoption par les partenaires liés par un pacte civil de solidarité, présentée par M. Jean-Pierre Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (proposition n° 168, rapport n° 334).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Michel, auteur de la proposition de loi.
M. Jean-Pierre Michel, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que j’ai l’honneur, avec le groupe socialiste, de soumettre aujourd’hui à la discussion et à votre vote, que j’espère positif, répond à une seule question, comme l’a très bien dit le président de commission des lois : les couples pacsés peuvent-t-ils adopter comme le font les couples mariés ?
Je ne vais pas revenir sur les conditions de l’adoption par les couples mariés, tout le monde les connaît. La proposition de loi assimile tout simplement l’adoption par les couples pacsés à l’adoption par les couples mariés.
Pourquoi poser cette question aujourd’hui ?
Tout d’abord, à cause de l’évolution considérable du pacte civil de solidarité, le PACS, depuis dix ans.
En effet, cette forme d’union ouverte à tous les couples, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels, qui ne se substitue pas au mariage et qui n’a d’ailleurs pas empêché les mariages de continuer à exister, s’est installé tranquillement dans le paysage matrimonial français. Entre 2001 et 2008, années où les chiffres peuvent être connus, le nombre de PACS s’est envolé puisque, de 20 000, il est passé à 150 000, et qu’au surplus, en 2008, 94 % des PACS ont été conclus par des couples hétérosexuels. Cela est d’ailleurs tout à fait logique, compte tenu de la proportion des couples homosexuels dans l’ensemble de la société.
En même temps, le mariage reste la forme d’union majoritaire chez les Français puisque, en 2008, pour 273 000 mariages, il y a eu 146 000 PACS. Mais on sait aujourd’hui que la majorité des couples vivent non pas mariés mais pacsés ou en union libre sans que l’on puisse évidemment quantifier leur nombre. D’ailleurs, la majorité des enfants qui naissent chaque année sont issus de couples non mariés, qui ne sont que rarement pacsés, qui sont des couples sans statut, ce qui peut poser des problèmes par la suite.
Dès lors, le fait de permettre aux couples pacsés d’adopter comme les couples mariés tient, certes, à cette évolution du PACS, mais aussi à la nécessité de mettre fin à une inégalité, qui peut être vécue comme une discrimination faisant peser sur les couples pacsés une espèce de faute, comme s’ils n’avaient pas toutes les capacités pour accueillir en leur sein un enfant adopté. Or il faut remarquer qu’on ne dénie pas aux couples pacsés, notamment hétérosexuels, le droit d’avoir des enfants biologiques,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Aux autres non plus, mais ils ne peuvent pas en avoir !
M. Jean-Pierre Michel. … et c’est fort heureux. Cette adoption, bien entendu, comme c’est le cas pour toutes les adoptions, ne peut se faire que dans l’intérêt de l’enfant.
Monsieur le secrétaire d’État, à cet égard, vous me permettrez une digression dont vous ferez part à votre collègue chargé des affaires étrangères : un certain nombre d’entre nous ont reçu de très nombreux courriers électroniques concernant des enfants haïtiens et il semblerait que, en l’occurrence, l’intérêt de l’enfant, malgré l’action de notre ambassadeur en poste, n’ait pas été toujours été respecté.
La procédure applicable à l’adoption par les couples pacsés sera celle qui vaut pour l’adoption par les couples mariés. Il faut insister sur ce point, méconnu de l’opinion publique : l’adoption est un acte judiciaire prononcé par le tribunal, en général la première chambre du tribunal de grande instance ; le juge peut décider, en se référant au seul intérêt de l’enfant, de permettre à un couple d’adopter, selon les documents dont il dispose, notamment les enquêtes sociales qui sont diligentées par le conseil général mais qui n’autorisent pas l’adoption, même s’il faut auparavant une autorisation délivrée par le président du conseil général ou par la Mission d’adoption internationale pour les adoptions à l’étranger.
Je note d’ailleurs que l’intérêt de l’enfant est une notion qui est prise en compte pour les couples concubins puisque ceux-ci peuvent avoir des enfants par le biais de la PMA, la procréation médicalement assistée.
J’entends bien les critiques et les observations, selon lesquelles le PACS offrirait moins de garanties en termes de stabilité du couple que le mariage et, tout le monde est d’accord sur ce point, l’intérêt de l’enfant, indépendamment de la nature du couple ou de sa propre provenance – naturelle, par adoption, par procréation médicalement assistée –, est qu’il soit accueilli au sein d’un couple uni et stable, au sein d’une famille dans laquelle celui-ci pourra autant que possible vivre jusqu’à l’âge adulte.
Bien entendu, on ne peut jurer de rien… Mais les chiffres obtenus dans la durée, au cours des dix années d’existence du PACS, démontrent que ce dernier n’est pas incompatible avec la stabilité exigée par la venue d’un enfant et que sa souplesse ne l’a pas rendu plus fragile que le mariage. Ainsi, le taux de rupture des PACS conclus entre des hétérosexuels au bout de dix ans est très proche du taux de divorce après sept ans de mariage. Il atteint 18,9 % pour les pacsés et 18,2 % pour les personnes mariées.
En outre, s’agissant de l’adoption par des célibataires, qui sont d’ailleurs souvent de faux célibataires – je ne ferai pas de digression sur ce point, mais j’y reviendrai dans un instant, à l’occasion d’un rapide examen de la jurisprudence –, l’intérêt de l’enfant est apprécié par les tribunaux. Il peut être de l’intérêt de l’enfant d’être confié à une seule personne, et non à un couple, quel que soit, d’ailleurs, le statut de ce couple.
Donc, à la première question que j’ai posée tout à l’heure – faut-il permettre aujourd’hui aux couples pacsés d’adopter, comme peuvent le faire les couples mariés ? –, je réponds positivement. Oui, parce que le nombre de PACS est élevé ; oui, parce que les couples pacsés ont un engagement formalisé ; oui, parce que le taux de rupture du PACS n’est pas supérieur au taux de rupture du mariage, et que les couples pacsés offriraient aux enfants la même sécurité que les couples mariés. Ne pas le permettre constituerait une vraie discrimination, alors même que, comme je le disais à l’instant, les célibataires peuvent adopter.
La deuxième question qui se pose et que vous vous posez certainement, mes chers collègues, notamment vous, mesdames et messieurs les membres de la majorité, et singulièrement vous, mesdames, puisque ce sont surtout des femmes qui siègent actuellement sur les travées de l’UMP, est celle de savoir si les couples pacsés homosexuels peuvent adopter.
Voilà la grande interrogation ! On sait effectivement que le PACS ne fait aucune différence selon que les partenaires sont homosexuels ou hétérosexuels, et que, d’après la loi qui l’a créé, le même statut, les mêmes conditions, les mêmes droits, les mêmes devoirs s’appliquent aux uns et aux autres. Donc, il est vrai que, si l’on autorise l’adoption pour les couples pacsés hétérosexuels, on l’autorisera par là même pour les couples pacsés homosexuels.
Est-ce contraire à l’intérêt de l’enfant ? Bien entendu, cela se discute et les avis peuvent diverger sur ce point.
Toutefois, je vous renverrai, mes chers collègues, à la procédure elle-même. Comme je l’ai déjà dit, il reviendra au tribunal d’apprécier l’intérêt de l’enfant. C’est donc lui qui jugera si un couple homosexuel souhaitant adopter présente des garanties suffisantes afin de pouvoir le faire. Je rappelle à cet égard que le tribunal se prononce au cas par cas, in concreto et toujours dans l’intérêt de l’enfant. Il n’y a pas de droit à l’enfant ! En revanche, il y a un droit des enfants, qui est reconnu par la Convention internationale des droits de l’enfant, que la France a ratifiée.
D’ailleurs, je constate qu’en matière de parentalité par les couples pacsés la jurisprudence a évolué ces derniers temps. Je pense en particulier à deux décisions.
En 2008, la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg a fait un pas important en faveur de l’homoparentalité et a condamné la France pour discrimination, à la suite d’un refus d’agrément en vue d’adoption opposé par un conseil général à une femme célibataire qui se déclarait homosexuelle et vivant en couple. Dans la suite logique de cet arrêt, le 10 novembre 2009, le tribunal administratif de Besançon a ordonné, sous astreinte, au conseil général du Jura de délivrer dans un délai de quinze jours l’agrément d’adoption – ce qui a été fait – à cette femme qui déclarait vivre avec une autre femme, estimant que les conditions d’accueil offertes par la requérante sur le plan familial, éducatif et psychologique correspondaient aux besoins et à l’intérêt de l’enfant.
Par ailleurs, dans un domaine légèrement différent, au cours du dernier trimestre de 2009, la cour d’appel de Rennes – une juridiction de l’ordre judiciaire – a accordé à un couple homosexuel l’autorité parentale conjointe avec exercice partagé sur une petite fille en bas âge qui avait été conçue par l’une des deux femmes du couple alors que, à l’époque, elles vivaient séparément, chacune de son côté. La cour d’appel a considéré que le partenaire du couple qui n’avait aucun lien avec cet enfant pouvait avoir l’autorité parentale avec exercice partagé.
Tout cela doit nous inciter à dire, comme le font de plus en plus fréquemment les tribunaux judiciaires, administratifs et européens lorsqu’ils sont saisis de telles affaires, que l’intérêt de l’enfant ne s’oppose pas à ce qu’un couple pacsé, quel qu’il soit, puisse adopter.
Certes, le texte que je vous propose ne résout pas tous les problèmes de la parentalité pour les couples homosexuels. Il s’agit là d’une autre question, qui, d’ailleurs, a été envisagée par le Gouvernement lui-même. Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, votre collègue Nadine Morano avait déposé un projet de loi intéressant sur ce sujet, mais je crois savoir que, malheureusement, la majorité de l’Assemblée nationale n’a pas jugé bon, pour l’instant, de l’examiner en séance publique.
Pour autant, cette proposition de loi n’empêche rien : les couples pacsés comme les couples mariés peuvent recourir à l’adoption simple ou plénière par l’un des deux partenaires, ou par l’un des deux conjoints lorsque l’autre est d’accord – je réponds ici à une observation formulée en commission par M. Gélard –, et cela permet de faire droit aux demandes d’associations réclamant la possibilité d’affirmer le lien de parentalité d’un enfant à l’égard des deux personnes qui l’accueillent dans leur foyer.
Mes chers collègues, voilà exposés, brièvement, mais tranquillement, tout l’intérêt de cette proposition de loi, les motivations qui m’ont poussé, avec mes collègues du groupe socialiste, à la déposer et les raisons pour lesquelles nous avons voulu qu’elle soit discutée en séance publique, et ce malgré les travaux en commission, mais, là encore, il ne faut jurer de rien, surtout pas du pire !
J’espère simplement et je veux encore espérer, parce que, selon moi, cette proposition de loi va de soi et ne pose aucun problème, que vous lui réserverez un accueil positif. J’espère aussi que nous n’assisterons pas aux mêmes scènes que celles qui ont eu lieu, en 1998 et 1999, aux cours des débats ayant précédé le vote du texte instituant le PACS. Un certain nombre d’entre nous y ont assisté, notamment vous-même, madame la présidente. Nous avons vu, à cette occasion, une opposition qui s’exprimait avec fureur, une fureur souvent teintée d’homophobie.
Je crois – tout au moins je l’espère – que cette époque est révolue, notamment au Sénat où, paraît-il, on fait preuve de moins d’élan, de plus de sagesse qu’à l’Assemblée nationale.
M. Richard Yung. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Michel. Voilà pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter la proposition de loi que le groupe socialiste et moi-même avons l’honneur de vous soumettre aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le code civil réserve actuellement la possibilité d’adopter conjointement un enfant aux couples mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans.
La proposition de loi dont notre assemblée est saisie vise à étendre cette possibilité aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité conclu depuis plus de deux ans. Les auteurs de la proposition de loi défendent l’idée qu’une telle extension est justifiée à la fois par le fait que le pacte civil de solidarité est une forme de conjugalité maintenant bien établie dans la société et par le fait qu’elle permettrait à deux partenaires du même sexe d’adopter ensemble un enfant.
La commission des lois a considéré que la question ne devait pas être abordée sous cet angle. En effet, il ne s’agit pas de partir du succès rencontré par le PACS en nombre pour conclure à l’extension des droits auxquels il donne accès. De ce point de vue, l’institution de l’adoption n’est pas comparable aux avantages patrimoniaux dont bénéficient les conjoints ou les partenaires pacsés : l’adoption engage la vie d’un enfant auquel elle donne une nouvelle famille. C’est donc l’intérêt supérieur de l’enfant, et lui seul, qui doit être placé au centre des préoccupations.
Du reste, il s’agit là d’une exigence consacrée tant par le code civil que par la Convention internationale des droits de l’enfant des Nations unies. Cette prévalence de l’intérêt de l’enfant interdit formellement de considérer qu’il puisse exister un droit à adopter.
Comme Jean-Marie Colombani l’a rappelé dans son rapport au Président de la République sur l’adoption, « celles et ceux qui désirent adopter doivent savoir qu’il n’y a pas, il ne peut y avoir, un droit à l’adoption d’un enfant : l’adoption ne doit exister que dans l’intérêt de l’enfant ; elle s’inscrit dans une politique de protection de l’enfance ; ce sont les droits et les intérêts de l’enfant qu’il faut promouvoir et respecter ».
Par conséquent, mes chers collègues, il n’y a pas un droit à adopter ; il y a des droits de l’enfant !
Je voudrais à cet égard insister sur la situation de particulière vulnérabilité dans laquelle se trouvent les enfants à adopter : ils sont marqués par la détresse d’une première rupture. Qu’ils soient orphelins ou non reconnus, qu’ils aient été abandonnés à leur naissance ou délaissés par leurs parents, leur histoire filiative est interrompue. L’adoption constitue alors pour eux, comme pour leurs futurs parents adoptifs, une chance autant qu’un défi, puisqu’il leur appartiendra de surmonter cette première souffrance et de retrouver une stabilité affective et personnelle au sein de leur nouvelle famille.
Les auditions que j’ai conduites ont toutes confirmé cette vulnérabilité particulière des filiations adoptives qui implique, pour reprendre les propos de Mme Michèle Tabarot, présidente du Conseil supérieur de l’adoption, dans la contribution écrite qu’elle m’a adressée, que « l’enfant adopté a peut-être encore plus besoin de stabilité pour s’épanouir ».
Aussi, la demande des couples, pour légitime qu’elle soit, ne saurait primer l’intérêt de l’enfant et, lorsqu’on s’interroge sur l’opportunité d’étendre ou non la possibilité d’adopter en couple, une question doit prévaloir : les différences qui existent dans les régimes juridiques respectifs du mariage et du PACS, au regard de la stabilité et de la sécurité qu’ils garantissent aux enfants du couple, justifient-elles ou non de réserver aux seuls époux la possibilité d’adopter en couple ?
À ce sujet et avant d’en venir à un examen plus concret des différences importantes existant, de ce point de vue, entre le mariage et le PACS, je tiens à souligner que, selon moi, le statut conjugal du couple, comme la nature – homosexuelle ou hétérosexuelle – de la relation entre les deux partenaires, ne préjuge en rien de leur capacité affective et éducative ni de la qualité du lien que les deux parents pourront nouer avec l’enfant. C’est ce que traduit d’ailleurs, sur le plan juridique, l’assimilation complète du couple marié au couple non marié s’agissant des règles relatives à l’attribution et à l’exercice de l’autorité parentale.
Néanmoins, si le statut conjugal des candidats à l’adoption ne préjuge en rien de leur qualité affective et de leur compétence éducative, il n’est pas pour autant sans incidence sur le degré de protection juridique dont bénéficiera chacun des membres de la famille ainsi constituée.
Or, il faut le souligner, le PACS est un contrat à vocation essentiellement patrimoniale (MM. Richard Yung et Roger Madec font un signe de dénégation.), qui reste étranger à la destination familiale spécifique qui est celle du mariage et dont rend compte, à titre symbolique peut-être, la lecture au cours de la célébration du mariage en mairie des articles du code civil définissant les obligations familiales des époux. Tenant le milieu entre l’union libre et le mariage, le PACS emprunte à la première la liberté de conclusion et de dissolution et au second ses seuls effets patrimoniaux.
En particulier, le PACS se dissout par simple déclaration, celle-ci pouvant même être unilatérale. Au contraire, le divorce doit être prononcé par un juge, ce qui offre aux conjoints comme à leurs enfants la garantie d’une protection juridique supérieure.
Je souhaite insister sur ce point. Le PACS est une forme de conjugalité qui, en cas de séparation des parents, apporte moins de sécurité à l’enfant que le mariage. En effet, que le juge soit saisi obligatoirement, comme dans le cas du mariage, ou que sa saisine dépende de la volonté des parties fait une grande différence dans la protection apportée aux enfants comme aux partenaires.
Ainsi, dans son rapport intitulé Enfants au cœur des séparations parentales conflictuelles, Mme Dominique Versini, défenseure des enfants, note que « de nombreux parents non mariés règlent eux-mêmes les modalités de leur séparation y compris leur mode d’exercice de l’autorité parentale, sans que la question de l’intérêt de l’enfant ne soit soumise à un juge aux affaires familiales ». Elle ajoute : « D’une manière générale, les parents non mariés – séparés ou non – sont insuffisamment renseignés sur leurs droits et leurs obligations. »
On peut estimer que si une difficulté se présente aux yeux de l’un des parents, il saisira le juge aux affaires familiales pour faire respecter son droit ou l’intérêt de l’enfant. Mais il serait abusif de considérer l’absence d’une telle saisine comme la marque d’un accord pacifié entre les parents, conforme en tout point à l’intérêt de leur enfant. Elle peut être la conséquence d’une erreur de bonne foi sur ce qui est préférable pour l’enfant, ou d’une ignorance des droits et des devoirs de chacun, ou encore d’une réticence à saisir la justice, symétrique du souhait des parents de choisir une forme d’union peu contraignante et peu formaliste.
Certes, en cas de difficulté, les parents peuvent toujours saisir ultérieurement le juge aux affaires familiales, mais cette intervention tardive s’effectue sur une situation de conflit cristallisée qu’il eût mieux valu régler en amont.
L’intervention obligatoire du juge aux affaires familiales en cas de divorce des parents ne prémunit bien entendu pas contre les désaccords futurs. Elle garantit au moins qu’un tiers extérieur au conflit s’assurera du respect de l’intérêt de l’enfant, pour donner la base la plus solide possible à son éducation par ses deux parents. En outre, elle peut donner lieu, si le juge en décide ainsi, à une tentative de médiation entre les époux.
Par l’amendement n° 1 rectifié, M. Michel entend certes répondre à cette difficulté, et j’ai d’ailleurs apprécié qu’il le dépose après la présentation du rapport en commission. Mais, j’y reviendrai au moment de la discussion sur cet amendement, la réponse qu’il apporte n’est que partielle et lacunaire. Lacunaire, car rien ne garantit le caractère obligatoire de la saisine du juge aux affaires familiales en cas de séparation des partenaires liés par un PACS. Partielle, car elle ne répond pas aux autres difficultés que pose le PACS à l’égard de l’adoption.
Toutefois, ce n’est pas le seul problème soulevé dans le rapport de la commission des lois. Le mariage protège l’enfant. Il le protège aussi à travers la protection qu’il offre au parent le plus démuni : en effet, la difficulté sociale ou financière dans laquelle l’un des parents pourrait être placé en raison de la séparation du couple n’est pas sans conséquence sur l’enfant lui-même. La prestation compensatoire, versée uniquement dans le cadre du divorce, apporte une réponse à cette difficulté.
Les études statistiques confirment par ailleurs le risque de plus grande instabilité à laquelle sont exposés les enfants des couples non mariés : une étude de 2007 du ministère de la justice sur l’exercice de l’autorité parentale après le divorce ou la séparation des parents non mariés, mentionnée dans le rapport de la commission, marque la stabilité plus grande, et indiscutable, du couple marital par rapport aux autres types d’union.
En moyenne, la séparation intervient moins fréquemment ou plus tard, quand l’enfant est plus grand. Un chiffre est particulièrement significatif : le pourcentage des couples restant en désaccord sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants à l’issue de la procédure est de 10 % pour les couples mariés et de 41 % pour les couples non mariés. Si ne sont pris en compte, pour les couples séparés, que ceux qui ont choisi d’aller devant le juge en raison notamment de leur désaccord, ce qui doit conduire à relativiser la portée de l’écart constaté, celui-ci témoigne malgré tout de la différence d’appréciation susceptible d’apparaître entre le juge et les parents au regard de l’intérêt de l’enfant.
Au total, l’ensemble de ces constatations pratiques et juridiques et la volonté de privilégier la sécurité juridique et affective de l’enfant adopté conduisent à privilégier le mariage au PACS.
Par ailleurs, les enseignements que je tire des auditions auxquelles j’ai procédé m’amènent à souligner un point essentiel : le souhait d’étendre la faculté d’adopter aux partenaires de PACS répond souvent au souci d’apporter une plus grande sécurité juridique à l’enfant dont la filiation n’est établie qu’à l’égard d’un seul des partenaires. L’association des parents et futurs parents gays et lesbiens, l’APGL, et l’association GayLib se sont prononcées en ce sens. Cependant la demande concerne non seulement les couples de même sexe, mais également les couples hétérosexuels qui souhaitent consacrer juridiquement le rôle du beau-parent dans l’éducation de l’enfant de son partenaire, sans pour autant devoir se marier.
Or, la proposition de loi n’apporte pas une réponse satisfaisante à la demande formulée, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, elle ne concerne que l’adoption conjointe, alors que, dans les faits, en de pareils cas, c’est la procédure d’adoption de l’enfant du conjoint ou du partenaire qui devrait être utilisée.
Ensuite et surtout, la proposition de loi crée une situation potentielle d’empilement ou de substitution des filiations là où le problème concret est avant tout celui de l’exercice de l’autorité parentale et de la juste place accordée au tiers qui élève l’enfant au côté de son père ou de sa mère.
D’ores et déjà, le droit positif prévoit un éventail de possibilités qui permettent de faire face à un certain nombre des difficultés parfois évoquées : la délégation volontaire d’autorité parentale ou le partage de l’exercice de l’autorité parentale pour les besoins d’éducation de l’enfant. De la même manière, le mécanisme de la tutelle testamentaire ou celui de la désignation judiciaire de la personne qui pourra exercer l’autorité parentale permettent d’organiser les conditions dans lesquelles l’enfant sera élevé après le décès de son parent légal.
Une réflexion a été engagée par Mme Dominique Versini sur l’opportunité d’étendre les droits qui peuvent ainsi être reconnus aux tiers beaux-parents dans l’exercice de l’autorité parentale. Un avant-projet de loi sur l’autorité parentale et les droits des tiers a été élaboré au printemps 2009, qui a suscité un vif débat. Le rapport rendu par notre collègue député Jean Leonetti, chargé par le Premier ministre d’évaluer de manière approfondie la législation sur l’autorité parentale et le droit des tiers, a contribué à dessiner les contours d’un consensus possible sur cette question. Un nouveau projet de loi sur l’autorité parentale et le droit des tiers doit être prochainement déposé devant le Parlement.
La commission des lois a ainsi considéré que l’ensemble des dispositifs existants, qui sont appelés à être améliorés, peuvent, à la condition que l’intérêt de l’enfant soit placé au centre des préoccupations, constituer une réponse satisfaisante au souhait largement exprimé par les parents de voir reconnu juridiquement le rôle essentiel du partenaire ou du beau-parent qui s’investit pleinement dans l’éducation de leurs enfants, sans qu’il soit besoin pour cela d’envisager d’ouvrir aux partenaires de PACS la procédure d’adoption conjointe.
Enfin, j’appelle votre attention sur le fait qu’il est nécessaire de tenir compte des engagements internationaux de la France en matière d’adoption. La convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale ne prévoit, dans son article 2, que l’adoption par deux époux ou l’adoption par une personne seule. De plus, sur le plan pratique, il s’avère que très peu de pays d’origine des enfants adoptés dans le cadre d’une adoption internationale acceptent de confier un enfant à un couple non marié. Le risque serait donc grand que l’ouverture proposée ne trouve pas de traduction concrète, faute d’être compatible avec les pratiques et les règles en vigueur en matière d’adoption internationale.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a décidé de ne pas établir de texte sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je me dois également de replacer cette question dans le débat plus général des rapports que l’on souhaite instaurer entre le PACS et le mariage, et je dirai ensuite quelques mots sur le contexte général qu’entraîne l’adoption.
Je souhaite bien sûr rappeler que le Gouvernement s’est attaché, par son action législative, à améliorer substantiellement au fil des années les droits découlant du PACS. Je le dis avec d’autant plus de tranquillité que j’ai voté sans état d’âme le texte instaurant le PACS, et je n’ai d’ailleurs jamais regretté de l’avoir fait. Aujourd'hui, le PACS est vraiment inscrit dans la réalité de notre pays.
Les améliorations successives ont notamment concerné les droits du partenaire survivant, qui ont été renforcés sur le plan fiscal et successoral ; les mesures de publicité à l’état civil, la conclusion d’un PACS étant dorénavant apposée en marge de l’acte de naissance des partenaires ; le droit commercial, les mesures existantes au profit du conjoint entrepreneur ayant été étendues au partenaire lié au chef d’entreprise ; et enfin, depuis mai 2009, la reconnaissance en France des partenariats enregistrés à l’étranger.
Sur de nombreux aspects, les réformes successives ont permis aux personnes ayant conclu un PACS de bénéficier de certains des droits découlant du mariage.
Par ailleurs, le Gouvernement a toujours été sensible à la volonté de faciliter le sort de celles et ceux qui choisissent le PACS comme fondement à leur union. Ainsi, le Gouvernement a déposé la semaine dernière, sur le bureau de l’Assemblée nationale, un projet de loi permettant aux partenaires, afin de simplifier leurs démarches, de faire enregistrer leur PACS par le notaire qui a rédigé la convention.
Cela traduit, pas après pas, la reconnaissance avérée du PACS en tant que forme d’union maintenant bien établie dans notre société, conviction que le Gouvernement partage aves les auteurs de la présente proposition de loi.
Mme le rapporteur y a fait allusion, la différence essentielle entre les deux formes d’unions que sont le PACS et le mariage réside principalement dans leurs conséquences en matière familiale.
Le mariage répond souvent au projet de créer une famille, les époux contractant d’ailleurs, par le seul fait du mariage, l’obligation d’assurer ensemble la direction morale et matérielle de la famille et de pourvoir à l’éducation des enfants. Mesdames, messieurs les sénateurs, ceux qui parmi vous sont, comme moi, officiers d’état civil connaissent par cœur cette formule pour l’avoir tant de fois répétée ! Dans la solennité de la salle des mariages de nos mairies, ces paroles marquent, elles sont loin d’être anodines.
Le PACS a, quant à lui, une vocation différente, comme vous l’avez très bien dit, madame le rapporteur : celle d’organiser la vie commune du couple.
Nos concitoyens tiennent à la diversité des formes de vie en couple, et le Gouvernement n’est pas favorable à l’idée selon laquelle les effets du PACS et du mariage doivent être en tous points identiques. Madame le rapporteur, vous avez également placé vos propos sous l’angle de l’intérêt de l’enfant, une exigence que nous ne devons jamais perdre de vue.
Un autre aspect, qui est extrêmement concret, doit être souligné – je ne fais pas de hiérarchie entre les arguments, je les reprends les uns après les autres – : indépendamment des débats qu’elle suscite – lesquels sont bien réels, même s’ils sont apaisés et respectueux –, cette proposition de loi paraît largement inadaptée aux réalités actuelles de l’adoption.
Comme vous le savez, – vous y avez d’ailleurs fait allusion, les uns et les autres – en l’état actuel de la législation, l’adoption est autorisée en France au profit des couples mariés ou des personnes seules.
Je rappelle que l’adoption par des personnes seules, qui existe depuis le code Napoléon, permet de résoudre un certain nombre de situations très diverses. C’était vrai hier. C’est encore vrai dans le monde actuel. Elle a toute sa place dans le dispositif en vigueur et répond à l’intérêt de l’enfant, même si je comprends qu’il puisse y avoir des demandes qui aillent au-delà des possibilités offertes par ce type d’adoption.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en ce qui concerne l’adoption par les couples, je souhaite attirer votre attention, comme l’a fait Mme le rapporteur, sur quelques éléments, tous ceux qui siègent dans cet hémicycle connaissant les règles.
Avant d’engager les démarches concrètes, les candidats à l’adoption doivent être agréés par le président du conseil général. Aujourd’hui, près de 30 000 candidats à l’adoption sont titulaires de cet agrément – malgré les difficultés qui peuvent parfois exister, il est donc largement délivré –, alors que le nombre de pupilles de l’État adoptés en France chaque année est de 800 enfants environ.
Reste donc à ces personnes la voie de l’adoption internationale.
À cet égard, je rappelle que l’adoption internationale répond à un principe de double subsidiarité : elle ne peut être envisagée que si aucune solution ne permet le maintien de l’enfant dans son pays d’origine, soit dans sa famille, soit dans une famille adoptive. Il s’agit, là aussi, de l’intérêt de l’enfant.
Concrètement, les adoptions se font dans deux cadres juridiques, selon que l’État d’origine de l’enfant est adhérent ou non à la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.
Ainsi, les demandeurs peuvent s’adresser à un pays ayant ratifié la convention. Dans ce cas, l’adoption se déroule conformément aux règles et mécanismes prévus par ce texte. Or celui-ci ne vise que les adoptions par des époux ou une personne seule. Si la présente proposition de loi était adoptée, force est de constater que les couples pacsés ne pourraient pas adopter un enfant originaire de l’un de ces pays.
Les candidats à l’adoption peuvent aussi se tourner vers les pays qui n’ont pas adhéré à cette convention. Dès lors, les règles applicables sont celles qui ont été fixées par le pays d’origine de l’enfant. Or ces pays, dans leur quasi-totalité, ne permettent pas aux couples non mariés de recourir à l’adoption. C’est le cas pour Haïti, la Chine, la Russie, l’Éthiopie ou le Cambodge, pour ne citer que les principaux pays d’origine des enfants adoptés en France.
Cette proposition de loi pourrait constituer une grande source de désillusion pour ces couples, qui se verraient reconnaître une possibilité souvent théorique d’adopter ensemble un enfant, avec des chances limitées de voir leur projet aboutir à l’accueil d’un enfant adopté.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement ne souhaite pas que ce texte soit adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi avant toute chose de saluer l’initiative de notre excellent collègue Jean-Pierre Michel, qui cherche à faire progresser en priorité les droits des enfants adoptés et ceux des personnes liées par un PACS. Il s’agit pour lui d’un engagement fort depuis longtemps. Vous connaissez d’ailleurs le rôle important qu’il a pu jouer lors de l’examen du texte qui est devenu la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité.
Cette loi de 1999 s’inscrit dans la lignée des grandes réformes ayant fait progresser les libertés individuelles comme celle portant abolition de la peine de mort ou celle qui est relative à l’interruption volontaire de la grossesse. Dix ans après son adoption, les mentalités des Français ont beaucoup évolué. À droite comme à gauche, les craintes se sont estompées et le PACS est devenu naturel dans notre paysage juridique. Espérons que l’on observera une évolution comparable au sein de notre Haute Assemblée, qui est réputée – c’est certainement légitime – pour sa sagesse.
En tout cas, je suis optimiste. En effet, au cours des dix dernières années, nous avons beaucoup progressé en matière de droits des partenaires liés par un PACS. Citons, par exemple, l’exonération des droits de mutation par décès, l’abattement en matière de droits de mutation à titre gratuit entre vifs, l’imposition commune ou l’extension du bénéfice du capital décès au partenaire lié à un fonctionnaire par un PACS. Je rappelle également que les partenariats civils étrangers sont désormais reconnus en France.
En même temps que le PACS se généralisait – 150 000 sont signés chaque année –, il changeait de nature. En effet, contrairement à l’une des idées d’origine, 85 % des PACS concernent des couples hétérosexuels. Il n’est donc plus seulement patrimonial, madame le rapporteur. Après dix années de pratique, on s’aperçoit qu’il est devenu une nouvelle forme de structure familiale.
Vous rejetez le texte, car vous considérez qu’il ferait du PACS un concurrent du mariage.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas ce qu’elle a dit !
M. Richard Yung. Je le répète, 85 % des PACS concernent des couples hétérosexuels.
Disons les choses clairement : vous craignez surtout qu’il n’officialise de manière indirecte l’homoparentalité.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur, et M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Richard Yung. C’est du moins mon ressenti.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est plutôt une affirmation !
M. Richard Yung. Non, monsieur le président Hyest !
Or ce texte vise essentiellement à reconnaître un état de fait que vous refusez d’admettre. Jean-Pierre Michel, pour sa part, prend acte de cette réalité en proposant une simple adaptation de notre droit à l’évolution de la société. L’homoparentalité est un fait indéniable : beaucoup d’enfants dans le monde ont été, sont et seront élevés par deux parents de même sexe. Ils ne sont, semble-t-il, ni plus malheureux ni moins heureux que les enfants de couples hétérosexuels. De nombreuses études, que je ne vais pas citer maintenant, le démontrent.
On parle beaucoup des droits légitimes des enfants. Naturellement, nous avons tous cela présent à l’esprit, mais qui les définit ? Ne s’agirait-il pas plutôt d’un paravent facile pour refuser tout progrès de la législation ?
L’objectif de la présente proposition de loi est de répondre au retard de notre code civil sur la question de l’adoption. Ce dernier dispose en effet que l’adoption est ouverte aux « époux non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans » ainsi qu’à « toute personne âgée de plus de vingt-huit ans ».
Ainsi, une personne célibataire peut adopter. Comme l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’homme, puis le tribunal administratif de Besançon le 10 octobre 2009, aucune discrimination ne peut être faite sur le fondement de l’orientation sexuelle, puisque cet élément est une composante de la vie privée. L’agrément, véritable sésame afin de pouvoir par la suite adopter, peut donc être accordé à une personne célibataire qu’elle soit ou non homosexuelle.
À l’inverse, deux personnes ayant contracté un PACS, hétérosexuelles ou homosexuelles, ne peuvent adopter conjointement. Leur seule possibilité est que l’un des partenaires adopte en France ou à l’étranger. L’autre partenaire ne peut alors établir de lien avec l’enfant que par un ensemble de dispositifs juridiques, qui sont d’ailleurs énumérés dans le rapport : la délégation volontaire, le partage de l’exercice de l’autorité parentale et la tutelle testamentaire.
Ces outils juridiques, aussi nécessaires soient-ils, n’en restent pas moins insuffisants. Ils ne sauraient satisfaire les couples pacsés qui désirent fonder une famille dans le cadre de laquelle les deux parents ont les mêmes liens avec l’enfant. De plus, ils n’interviennent qu’après décision du juge, c’est-à-dire a posteriori, après l’arrivée de l’enfant et à l’issue de délais, qui peuvent être très longs.
Sachez que l’on nous oppose souvent ce type d’argumentation. Lorsque nous plaidons pour l’action de groupe, par exemple, on nous rétorque que les outils juridiques existants permettent déjà de lutter contre les délits en matière de droit de la consommation. En réalité, cela ne marche pas.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Comparer le droit de la consommation et le droit civil, c’est osé !
M. Richard Yung. Je parle du principe, monsieur le président Hyest. C’est agiter le drapeau rouge pour mieux cacher le drapeau rouge, comme on disait quand j’étais jeune. (Sourires.)
La sécurité juridique est donc faible, notamment pour l’enfant. Or c’est justement sur ce point – la sécurité affective et juridique de l’enfant – que vous centrez votre raisonnement, madame le rapporteur, pour rejeter cette proposition de loi. Pourtant, je le rappelle, l’homoparentalité est un fait. De nombreux enfants sont précisément dans cette situation d’insécurité du fait d’une lacune de notre droit. Votre raisonnement pourrait donc s’inverser.
La situation d’un enfant vivant dans une famille homoparentale n’est pas prévue par le code civil. Il convient donc de combler ce vide.
À lire votre rapport, seul le mariage permettrait un environnement sécurisé. Cette institution serait le gage d’une incommensurable stabilité pour le couple et, par conséquent, d’une sécurité affective pour l’enfant. Cette image du mariage est un peu désuète et en décalage avec la réalité. Entre l’époque où nous avions vingt ans et aujourd’hui, les temps ont changé. Désormais, beaucoup de couples ont des enfants et fondent une famille hors mariage.
En outre, la stabilité offerte par le mariage n’est pas immuable. Ainsi, en région parisienne, près de la moitié des couples finissent par divorcer. Dans le même temps, plus d’un quart des dissolutions de PACS débouchent sur un mariage.
Le PACS est plus souple que le mariage et plus protecteur que le concubinage. On parle ainsi d’un troisième mode de conjugalité. Il ne s’agit donc pas seulement d’un simple contrat patrimonial.
Dans ces conditions, il me semble que le PACS peut, à juste titre, ouvrir droit à l’adoption. Mais, de toute façon, dans la mesure où l’adoption est permise aux célibataires, l’argument selon lequel une famille doit être issue d’un mariage ne peut plus être invoqué.
Le mariage offre, je vous l’accorde, une garantie par rapport au PACS : le divorce. En effet, celui-ci implique l’intervention du juge aux affaires familiales, qui statue sur la situation de l’enfant au nom de son intérêt supérieur. Cette garantie devrait donc être accordée dans le cadre d’une adoption par des partenaires liés par un PACS. C’est le sens de l’amendement que Jean-Pierre Michel présentera tout à l’heure.
La Haute Assemblée a déjà permis aux personnes pacsées d’obtenir de nouveaux droits. Il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin. Suivons l’évolution de la société. C’est pour cette raison que je vous propose, mes chers collègues, d’adopter la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de commencer mon intervention en évoquant deux principes fondamentaux. S’ils sont évidents pour notre groupe, ils méritent d’être rappelés afin d’éviter certains doutes et des critiques illégitimes.
En matière d’adoption, il n’y a pas et il ne devrait pas y avoir « de droit à l’enfant ». Pour autant, nous devons prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre à chaque enfant de trouver un foyer capable de l’accueillir, de lui offrir l’amour nécessaire, de l’aider à grandir et à se construire comme une personne à part entière.
Comme vous toutes et vous tous, c’est bien le bonheur auquel ont droit ces enfants qui nous guide dans notre réflexion, d’autant qu’ils ont déjà connu dans leur vie un très grand traumatisme au départ, à savoir l’absence, pour une raison ou pour une autre, des parents biologiques.
La proposition de loi présentée par les sénatrices et les sénateurs du groupe socialiste tendant à autoriser les couples liés par un pacte civil de solidarité depuis plus de deux ans à adopter répond tout à la fois aux attentes légitimes de celles et ceux qui optent pour cette forme de vie commune et à la stabilisation juridique nécessaire de certains foyers. En effet, personne ne peut feindre de l’ignorer, de très nombreux couples liés par un pacte civil de solidarité, quelle que soit leur orientation sexuelle, ont déjà accès, par le biais de l’adoption, à la parentalité ou plutôt, devrais-je dire, pour être plus exacte, l’un des deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité a déjà accès à l’adoption.
En effet, la situation est actuellement aberrante : les couples pacsés ne peuvent pas adopter, contrairement aux couples mariés, mais l’un des deux partenaires peut se présenter comme célibataire pour formuler une demande d’adoption. Une telle situation n’est pas satisfaisante, l’existence de l’autre partenaire étant alors totalement niée. Cette négation est d’autant plus difficile à vivre pour les couples concernés qu’elle n’est pas sans conséquence juridique sur l’avenir.
En effet, le partenaire qui n’a pas entamé la démarche d’adoption, et qui est réputé ne pas exister pour les services des DDASS, les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, n’est pas officiellement reconnu. Il en résulte que l’enfant, qui, dans les faits, a été élevé par deux personnes, n’a officiellement qu’un seul parent. Si par malheur le parent légal disparaît, le partenaire survivant n’a aujourd’hui aucun droit.
En cas de séparation des deux partenaires, celui qui n’a pas d’existence légale perd tous ses droits. Il n’a plus non plus aucune obligation envers l’enfant, notamment celle d’assurer son éducation et de subvenir à ses besoins. Aucun mécanisme légal de solidarité n’est prévu, tel le droit à pension alimentaire.
C’est pourquoi nous considérons qu’il est aujourd'hui nécessaire de faire évoluer la législation afin d’apporter – et je sais que le rapporteur Mme Des Esgaulx y est sensible – plus de stabilité et de sécurité juridique aux enfants concernés. Ceux-ci ne peuvent pas être les victimes d’un système juridique insatisfaisant ou incomplet. Notre responsabilité est donc de les protéger. Je pense sincèrement que, sur ce point du moins, cette proposition de loi le permet.
Je regrette d’ailleurs que, pour écarter cette proposition de loi, Mme la rapporteur ait eu recours, comme nombre de membres de la commission, aux mêmes arguments que ceux qui avaient été utilisés lors de l’examen de la proposition de loi tendant à renforcer les droits des personnes liées par un pacte civil de solidarité déposée par le groupe CRC-SPG, je pense en particulier à la fragilité supposée des PACS.
À cet égard, je rappelle, comme Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente de notre groupe, l’avait fait en octobre dernier, que, selon les statistiques du ministère de la justice lui-même, le taux de dissolution des PACS est de 15 % environ, alors que celui des mariages est de 30 %. Selon la même étude, près d’un quart des 15 % de ruptures de PACS sont justifiées par la volonté des partenaires de se marier. Il ne s’agit alors pas de véritables ruptures.
Par ailleurs, depuis l’adoption de la réforme du divorce en 2004, le nombre de divorces a connu un pic très important, précisément en raison de la simplification des démarches et des procédures, je pense en particulier à l’augmentation du nombre de divorces par consentement mutuel.
Aucune forme d’union, que ce soit le PACS ou le mariage, ne protège donc contre les ruptures et les souffrances qui les accompagnent. Dans tous les cas, les adultes devraient toujours avoir pour première préoccupation l’épanouissement et le bien-être de l’enfant.
De la même manière, il ne nous semble pas opportun, comme l’a fait Mme le rapporteur, d’invoquer l’état actuel du droit pour refuser toute évolution.
Depuis sa création, le PACS a beaucoup évolué. En 2005, la loi de finances a instauré le principe de l’imposition commune pour les couples pacsés dès la première année. La loi de 2006 portant réforme des successions et des libéralités a profondément modifié la nature du PACS en reconnaissant un véritable statut du couple : sur le plan patrimonial, le PACS, et c’est tant mieux, se rapproche de plus en plus du mariage.
Or la majorité du Sénat et le Gouvernement, c’est-à-dire ceux-là mêmes qui rejettent cette proposition de loi au motif que le PACS est une union quasi exclusivement patrimoniale, sont précisément ceux qui refusent de dépasser cette situation pour permettre aux couples pacsés de bénéficier des mêmes droits sociaux et familiaux que les couples mariés. Ainsi, mes chers collègues, vous avez rejeté la proposition de loi du groupe CRC-SPG qui prévoyait notamment le droit pour les partenaires liés par un PACS de bénéficier de la pension de réversion ou encore celui de bénéficier, comme les couples mariés, des « congés pour événements familiaux ».
Avouez, mes chers collègues, qu’il est tout de même paradoxal – et je pèse mes mots – de priver les couples pacsés de tels droits sociaux et familiaux et de rejeter le texte que nous examinons aujourd’hui au motif que la seule nature patrimoniale du PACS ne serait pas protectrice pour l’enfant ! En réalité, vous donnez l’impression de refuser toute nouvelle évolution du PACS afin d’éviter, pour des raisons que l’on devine, que cette forme d’union ne s’apparente de plus en plus au mariage.
Nous, les membres du groupe CRC-SPG sommes convaincus que la législation doit évoluer vers plus d’égalité entre les formes d’union afin d’éviter que les couples qui optent pour le PACS ou qui, en raison de leur orientation sexuelle, n’ont pas accès au mariage ne soient traités différemment des couples mariés. À nos yeux, ce qui doit primer, ce n’est pas le statut, mais le couple lui-même.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre droit positif doit évoluer, car la société elle-même change. La jurisprudence est elle aussi en mouvement. Ainsi le tribunal administratif de Besançon a-t-il ordonné, en novembre dernier, au conseil général du Jura de délivrer un agrément d’adoption à un couple homosexuel.
Telles sont les raisons pour lesquelles, dans son immense majorité, le groupe CRC-SPG votera en faveur de cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Janine Rozier.
Mme Janine Rozier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi autorisant l’adoption par les partenaires liés par un pacte civil de solidarité a retenu toute mon attention.
Comme vous le savez, le président de notre assemblée, M. Gérard Larcher, m’a nommée représentante du Sénat au Conseil supérieur de l’adoption, le CSA, placé sous l’autorité du ministre chargé de la famille. Le CSA a compétence pour rendre des avis et des conseils sur les textes législatifs et réglementaires relatifs à l’adoption, mais aussi sur tout sujet s’y rapportant. En attendant l’avis de ce Conseil, permettez-moi de vous donner le mien.
Pour moi, le mot « adoption » appelle aussitôt le mot « famille ». Or ce mot ne figure pas une seule fois dans le texte qui nous est proposé. (Mme Odette Terrade s’exclame.)
Avant de faire quoi que ce soit, il me semble qu’il faudrait se pencher avec sérieux sur cette question et mettre en œuvre une politique volontariste de la famille. Depuis des millénaires, la famille constitue la base de notre société. C’est son délitement qui est responsable de la perte de nos valeurs et du désarroi de quantité de jeunes, à qui il manque le soutien, l’exemple et la solidité d’un appui de leurs aînés. Déboussolés par le manque, voire l’absence de cohésion et d’exemplarité d’une famille solide, de conversations et d’échanges avec elle, les jeunes sont conduits à suivre les belles âmes qui proclament que la canaille est une victime.
M. Richard Yung. Les pacsés ne parlent pas ?
Mme Janine Rozier. La proposition de loi qui nous est soumise ne dit pas un mot de la famille. Pourtant, adopter, c’est construire une famille. C’est donc, comme le prévoit le code civil, construire une communauté de vie en éduquant des enfants et en participant financièrement à cette éducation dans une alliance matrimoniale qui s’appelle le mariage, même si la dignité de cette institution ne transparaît pas partout avec la même clarté !
Le législateur, lui, a été sensible à la famille. L’article 343 du code civil prévoit en effet l’adoption par « deux époux mariés depuis plus de deux ans ».
Le mariage, qui est officialisé par un consentement public devant un officier d’état civil et au moins deux témoins, établit les conjoints dans un état public de vie commune : c’est une institution. Et c’est là toute la différence avec le PACS, qui est un contrat. Surtout, le PACS n’a pas de portée en matière de filiation. En outre, du fait de sa souplesse, il peut être rompu facilement. Considérer ce contrat comme une institution créerait de nombreuses difficultés pratiques, juridiques et même successorales en présence d’enfant, comme l’a expliqué ma collègue Marie-Hélène Des Esgaulx dans son rapport excellent et documenté.
Si l’on s’appuie sur le rapport effectué après le sondage réalisé en 2006 par le Collectif des maires pour l’enfance, dont le maire de Sotteville-sous-le-Val est le porte-parole, « l’intérêt de l’enfant exige le maintien d’un modèle parental avec un père et une mère ».
M. Richard Yung. Et les parents seuls ?
Mme Janine Rozier. C’est indispensable à son équilibre, même si, il est vrai, notre droit reconnaît à un parent seul la faculté d’adopter. (M. Richard Yung s’exclame.) Ce n’est pas pour cela que c’est bien, cher collègue !
Cette question mérite réflexion et prudence, dans l’intérêt de l’enfant et de son développement.
Adopter un enfant, c’est une mesure de protection. Il s’agit d’organiser les conditions les plus favorables à son accueil en fonction de ses besoins, qui sont amour et protection, en tenant compte de son vécu, de ses capacités et de ses difficultés. La commission d’attribution chargée de choisir une famille pour accueillir un enfant fait des choix éclairés et lucides, après enquête, car il s’agit de rendre heureux un enfant qui ne l’était pas.
Le profil des enfants adoptables est complexe, notamment en cas d’adoption internationale. Même les bébés ont une histoire et déjà un passé. Il faut un réel attachement entre les adoptants et l’adopté, un attachement durable qui ne se rompe pas sur un coup de tête, qui permette de sécuriser l’enfant et d’améliorer les effets négatifs du délaissement parental qu’il a déjà vécu.
De plus, l’adoption entraîne des conséquences sur le nom de l’adopté et sur l’autorité parentale. Si les adoptants sont un couple marié, l’adopté portera le nom de la famille, qui est en général, sauf avis contraire du juge, celui du mari. L’autorité parentale sera alors exercée par le couple. Si les adoptants sont un couple uni par un PACS, quel nom portera l’enfant ? Les pacsés portent deux noms différents. Le législateur devra donc envisager quel nom sera conservé, le tribunal devra statuer. Lequel des deux partenaires exercera l’autorité parentale ?
Toutes ces complexités d’ordre légal et administratif viendront un jour ou l’autre troubler la quiétude de l’adopté. Or notre devoir est de lui offrir une sécurité juridique et affective pour compenser ses détresses.
Dans un couple marié, dont les attaches solides seront mesurées par la commission d’attribution composée de professionnels formés et avisés et d’associations expertes, il trouvera mieux sécurité, confiance et quiétude.
Nous devons tous aux enfants adoptés la vérité et la transparence sur leur adoption. Nous savons les enfants adoptés fragilisés. Nous savons que nombre d’entre eux souffrent à un moment ou à un autre de troubles psychologiques, de troubles de l’attachement, parfois de troubles autistiques. Aussi, ne prenons pas le risque d’ajouter un traumatisme à leur traumatisme. Ne laissons pas cette proposition de loi aggraver les méfaits de notre société malade.
Au-delà de ma position personnelle, je souhaite, au nom du groupe UMP, soutenir la position de Mme le rapporteur sur la vacuité juridique de cette proposition de loi.
Ce texte a pour objet de modifier l’article 343 du code civil afin de permettre l’adoption par deux partenaires liés par un PACS depuis plus de deux ans. Or, malgré cette condition de durée, qui permet à un couple de justifier de sa stabilité, et en dépit de l’amendement qui nous est présenté tendant à rendre obligatoire la saisine du juge aux affaires familiales en cas de dissolution du PACS, les conditions juridiques permettant de garantir la protection de l’enfant ne sont pas remplies.
En effet, le PACS ne doit pas être appréhendé comme un mariage bis. Si cette convention présente certains points communs avec le mariage, elle reste profondément différente, Marie-Hélène Des Esgaulx nous l’a démontré, ses effets étant essentiellement limités à la sphère patrimoniale. Adopter la proposition de loi qui nous est présentée n’y changerait rien.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe UMP ne votera pas ce texte.
M. Richard Yung. Cela ne nous surprend pas !
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Mme le rapporteur a dit qu’il fallait protéger les droits des enfants. Je suis d’accord avec elle : il est temps en effet de consolider le statut des enfants adoptés par des couples non mariés, nombreux en France, en légalisant l’adoption par les couples pacsés. Nous ne tirons pas les mêmes conclusions des mêmes prémisses !
En effet, le pacte civil de solidarité est désormais une forme d’union bien ancrée dans la société. Contrairement à ce qui a été dit, il ne s’agit pas seulement d’une évolution numérique. Je n’y reviens pas, mes collègues ont déjà évoqué cette question.
On compte actuellement un peu plus d’un pacte civil de solidarité conclu pour deux mariages célébrés.
Le succès du PACS ne se limite pas à la possibilité de contractualisation pour les seuls couples homosexuels : ce type d’union est devenu la forme de famille dans laquelle naît et est éduquée une forte proportion des enfants aujourd’hui en France.
En effet, c’est maintenant l’enfant qui fait famille, comme l’écrit Irène Théry : on se pacse ou on se marie après avoir eu des enfants. Mariage et PACS ne sont plus l’acte de création de la famille mais sont devenus une formalisation de celle-ci.
Les partenaires qui choisissent de conclure un PACS plutôt que de se marier manifestent ainsi leur préférence pour une forme d’union qui concilie un certain degré de protection avec un moindre formalisme juridique.
De mon point de vue – mais je ne suis pas de leur génération –, ils se font des illusions. Leurs enfants et eux n’échapperont pas plus au déchirement de la rupture que les couples mariés et leur progéniture, couples dont les règlements de compte sordides submergent les tribunaux tous les jours. Ils se le figurent néanmoins ; laissons-leur cette illusion.
Il apparaît également que le choix du mariage ou du pacte civil de solidarité n’a pas d’incidence sur la stabilité de l’engagement, contrairement à ce qui est écrit dans le rapport de la commission des lois, et qui contredit le rapport de notre collègue Mme Catherine Troendle. Celle-ci précise dans ce dernier document que le taux de séparation est plus élevé pour le PACS les deux premières années d’union, puis devient très proche du taux de divorce dès la troisième année, avant d’y être inférieur de la quatrième à la sixième année de vie commune. Il faut également prendre en compte le fait qu’un quart des ruptures de PACS débouche sur un mariage.
L’argument qui fait du couple marié un couple plus stable, garantissant à l’enfant adopté un meilleur accueil que le couple pacsé, ne correspond donc pas à la réalité d’aujourd’hui. En effet, les couples qui souhaitent adopter sont unis de longue date, à une période de la vie où les pacsés se séparent moins que les mariés, c’est-à-dire après six ans d’union. En général, on ne demande pas une adoption après deux ans de mariage mais bien plus tard dans la vie du couple.
Si les couples pacsés ne sont pas assez stables pour assurer le bonheur des enfants, il faudrait alors également leur interdire d’avoir des enfants biologiques ! Toutes ces objections – le problème du nom de l’enfant, l’autorité parentale – concernent les enfants biologiques des couples non mariés ou pacsés tout autant que les enfants adoptés.
Madame le rapporteur, l’argument de la stabilité cache un aspect qui n’est pas développé dans le rapport, à savoir la crainte de voir des enfants adoptés par des familles homoparentales et la persistance de la discrimination à leur encontre, laquelle est condamnée par la Cour de justice européenne.
L’adoption de la proposition de loi en discussion mettrait fin à une telle discrimination. Il est grand temps que nous regardions la réalité en face et que nous cessions de rester prisonniers de conceptions dépassées. Si nous pouvions défendre celles-ci quand nous avions vingt ou trente ans, ce n’est plus cas aujourd’hui lorsque nous considérons le mode de vie de nos enfants et de nos petits-enfants.
M. Richard Yung. Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. On assiste depuis quelques années à une évolution de la reconnaissance juridique de l’homoparentalité parce que les réalités finissent par prendre le pas sur les préjugés. Selon l’Institut national des études démographiques, l’INED, 30 000 enfants font partie aujourd’hui d’une famille homoparentale en France.
Leurs parents et eux ne doivent plus subir les discriminations juridiques et administratives qui pèsent sur leur vie quotidienne. Inacceptables en soi, celles-ci contribuent aussi à renforcer les attitudes archaïques de rejet dont les enfants ont parfois à souffrir, à l’image des enfants de divorcés il y a moins d’un siècle, notamment lorsque j’étais moi-même un enfant.
En adoptant cette proposition de loi, le Sénat n’apparaîtrait pas comme un précurseur mais serait tout simplement à l’unisson de nos partenaires européens, puisque neuf pays européens admettent aujourd’hui, sous une forme ou sous une autre, l’adoption pour les couples homosexuels. Il s’agit de l’Allemagne, de la Belgique, du Danemark, de l’Espagne, de l’Islande, de la Norvège, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et de la Suède. Ces pays sont pourtant signataires de la convention de La Haye !
En effet, la famille homoparentale ne correspond pas à la vision traditionnelle de la famille. Est-ce une raison pour la rejeter dans le non-droit et lui interdire d’adopter ?
Comme l’écrit l’anthropologue Anne Cadoret : « aujourd’hui, ces familles homoparentales nous disent que la sexualité d’un homme ou d’une femme n’est pas la raison première de la paternité ou de la maternité, que sexualité et parenté n’appartiennent pas au même domaine. Alors, respectons la sexualité de chacun, qui est une affaire privée ; et aidons nos concitoyens qui le souhaitent à devenir parents, ce qui est, là, une affaire publique. » Et cela ne concerne pas seulement l’adoption.
La conception unique et idéale de la famille tend à disparaître. L’important est que les enfants s’épanouissent, avec des parents affectueux et soucieux de leur éducation. Les Français d’aujourd’hui en ont conscience : un sondage effectué en novembre 2009 indiquait que 57 % des Français étaient favorables à l’adoption par des familles homoparentales, et 41 % se prononçaient contre cette possibilité.
Voilà pour vous rassurer, mes chers collègues !
En adoptant cette proposition de loi, non seulement vous mettriez notre législation en conformité avec la jurisprudence européenne, mais vous auriez de plus l’assentiment de ceux qui parmi nos concitoyens admettent de moins en moins le retard de la législation sur les mœurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Richard Yung. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Dupont.
Mme Bernadette Dupont. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je serai brève parce que tout a été dit – très bien dit, même, par certains – et que je veux vous éviter trop de répétitions. Je voudrais néanmoins vous livrer une réflexion.
Cette proposition de loi, pour simple et logique qu’elle paraisse dans la continuité du vote de 1999 instituant le pacte civil de solidarité, tend à offrir aux couples non mariés liés par ce contrat la possibilité d’accéder au droit à l’adoption. Elle comporte un sous-entendu à peine dissimulé : le droit des couples de même sexe ayant contracté ce type d’union.
Je n’entrerai pas dans une discussion sur la véracité des chiffres qui pourraient justifier cette proposition de loi. Je ne reprendrai pas non plus la législation actuelle sur l’adoption, tout a été dit sur ce point.
Je veux toutefois différencier l’institution du mariage, fondatrice de la famille et qui constitue un engagement, et le PACS, simple contrat à but essentiellement patrimonial – comme l’a rappelé Mme le rapporteur – dont les liens sont plus faciles à défaire et qui ne comporte aucun droit spécifique en matière familiale.
Si des partenaires de sexe différent liés par un PACS veulent entreprendre une démarche d’adoption, ils ont alors facilement la possibilité de recourir à l’institution du mariage, ce qui prouverait leur désir de fonder une véritable famille dans l’intérêt de l’enfant. Mais cette possibilité ne peut être offerte aux partenaires de même sexe, non autorisés au mariage institutionnel.
Pourquoi ce droit à l’adoption ne peut leur être accordé sur le fond ?
Si le désir d’enfant est naturel, le droit à l’enfant n’existe pour personne. L’enfant n’est pas un droit, ou le sujet d’un désir d’adulte : il est lui-même un sujet de droit. Vouloir aimer un enfant ne signifie pas simplement éprouver et vouloir donner de l’affection et de la tendresse, c’est d’abord vouloir pour lui les conditions objectives de sa croissance.
Or, garçon ou fille, l’enfant naît de la rencontre d’un homme et d’une femme, quelles que soient les méthodes utilisées, même artificielles, et cette rencontre d’un gamète mâle et d’un gamète femelle est constitutive de son humanité. Nier cette réalité, c’est nier la différence sexuelle, et nous entrons là dans un débat ontologique sur l’essence de l’être.
Dès son origine, l’enfant a besoin pour grandir, s’épanouir et découvrir sa propre personnalité des deux repères structurants, homme et femme, dans leur altérité, qui constituent un socle identitaire, un centre de gravité.
La tendresse et l’aptitude à l’éducation, même réelles, ne suffiront pas. Et la sacro-sainte liberté, l’individualisme, l’affirmation de l’égalité par tous revendiqués n’impliquent pour autant ni la négation des limites à ne pas franchir ni le nivellement des différences. « Ce qui est en jeu, ce sont les repères identificatoires de l’enfant », affirme le philosophe Xavier Lacroix.
Dès lors que les choix individuels qui relèvent du domaine privé ne respectent pas l’intérêt général, et, plus particulièrement dans le cas de la proposition de loi qui nous est soumise, l’intérêt supérieur de l’enfant, le législateur ne peut et ne doit ériger ces choix en norme.
Le mot « parenté » a une signification précise qui englobe l’engendrement, la filiation, les racines.
Le mot « parentalité » qui est proposé aujourd’hui obscurcit la notion précédente. Il signifie seulement aptitude à aimer et à éduquer, et il ouvre ainsi la porte à tous les excès que la technique est à même de satisfaire, faisant oublier que l’être humain est avant tout un don.
Le PACS n’institue pas la famille. L’enfant adopté doit être confié à une famille, fondée sur le mariage, union d’un homme et d’une femme.
Je terminerai cette brève réflexion en citant Freud : « Il est assez étrange […] que les interdictions les plus puissantes […] soient les plus difficiles à justifier. Cela est dû au fait que les justifications sont préhistoriques et ont leurs racines dans le passé de l’homme ». Que cette réflexion alimente la vôtre ! Pour ma part, je ne pourrai pas voter ce texte. (Applaudissements au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’apporterai simplement quelques éléments après ces interventions, toutes de haute tenue et de très grande qualité, et extrêmement respectueuses des points de débat qui traversent à la fois votre assemblée et notre société.
Permettez-moi de saluer le travail effectué par le rapporteur et la commission des lois dans son ensemble, qui ont examiné la question posée de manière très ouverte et approfondie, une question qui doit en effet être d’abord envisagée sous le prisme de l’intérêt de l’enfant ; beaucoup d’entre vous l’ont dit.
Il a été rappelé à juste titre, et j’y faisais allusion moi-même dans mon propos liminaire, le rôle qu’a joué Jean-Pierre Michel lors du débat sur le PACS. Je ne reprendrai pas son propos. Je souhaite simplement réagir au sujet d’un point d’actualité sur lequel il s’est arrêté, car je ne l’ai pas fait tout à l’heure. Il s’agit de l’adoption d’enfants venus d’Haïti. Ce sujet est peut-être un peu éloigné du débat, mais c’est l’occasion d’en dire un mot.
Le souhait du Gouvernement était de trouver un équilibre entre, d’un côté, le désir des adoptants français d’obtenir rapidement l’arrivée en France de leurs enfants – cette situation avait même presque déclenché une polémique dans le débat public tant le sentiment d’urgence était prégnant – et, de l’autre, la volonté de ne pas augmenter le risque de fraude qui aurait pu conduire à l’arrivée dans notre pays d’enfants non abandonnés ou non adoptés.
Un autre aspect était d’éviter l’arrachement brutal des enfants à leur environnement, pour ceux d’entre eux qui à un moment ou un autre pouvait avoir vocation à partir, à plus forte raison dans un contexte de désastre. Ce dernier élément devait être pris en compte pour que l’éventuelle adoption soit réussie et ne représente pas un traumatisme supplémentaire pour les enfants concernés.
L’opération a abouti concrètement à 400 arrivées en France d’enfants concernés par un jugement haïtien d’adoption. Ce type de jugement a d’ailleurs repris en Haïti depuis quelques jours.
Madame le rapporteur, j’ai dit tout à l’heure tout l’intérêt que nous portons à votre travail. Je suis d’accord avec vous : le PACS est avant tout un contrat patrimonial – même s’il n’est pas que cela – qui organise la vie matérielle des partenaires et qui n’offre pas toutes les protections qu’accorde le mariage en cas de rupture. Je ne porte ici aucun jugement moral, ce n’est pas l’objet de la discussion.
Le droit positif permet déjà d’aménager l’autorité parentale et le droit des tiers, et nous continuerons à travailler sur cette question en nous appuyant sur le rapport de Jean Leonetti sur le sujet en vue d’élaborer un nouveau projet de loi.
Monsieur Yung, je ne vais pas reprendre toute votre intervention, fort intéressante. Nous pensons néanmoins, et c’est un point qui revient souvent dans ce débat, que l’enfant adopté par un couple marié sera protégé par un cadre institutionnel plus sécurisant, notamment en cas de séparation de ses parents adoptifs.
Vous avez d’ailleurs reconnu, comme d’autres orateurs, qu’un quart des PACS aboutissaient à un mariage, ce qui ouvre droit à l’adoption. Cela démontre que de nombreuses personnes pacsées souhaitent aller plus loin dans leur vie de couple et dépasser sa seule dimension d’organisation.
M. Richard Yung. C’est leur affaire !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Mme Terrade a parlé de l’évolution des droits des pacsés. Mme le garde des sceaux présentera bientôt un projet de loi qui évitera aux partenaires de se déplacer au tribunal d’instance pour faire enregistrer leur convention de PACS, si celle-ci est rédigée par un notaire.
Mme Terrade nous a également fait part de sa crainte que ne s’installe un certain immobilisme sur ces questions. J’ai pourtant évoqué toutes les avancées, y compris récentes, qui tendent à consolider le PACS. Nous allons continuer dans cette voie.
Je remercie Mme Rozier pour les précisions qu’elle a apportées. Elle a eu raison de rappeler que l’adoption, événement majeur de la vie de l’enfant adopté, doit intervenir dans le cadre le plus stable possible et être assortie du contrôle de la commission chargée de l’agrément des adoptants.
Il est vrai, madame Cerisier-ben Guiga, que le mariage ne garantit pas contre les aléas de la vie, et notamment contre les séparations. Le droit français encadre toutefois ces ruptures de façon à protéger les époux et les enfants.
Il n’est pas forcément souhaitable d’ajouter les difficultés liées à une rupture non encadrée à celles résultant de l’adoption. Que les enfants soient biologiques ou adoptés, ils souffrent de la séparation de leurs parents, mais le droit du divorce permet de protéger les ex-époux et de préserver l’intérêt de l’enfant.
Vous avez évoqué d’autres points, mais je n’ai pas vocation à me prononcer sur chacun d’entre eux. Au cours d’un tel débat, chacun exprime avant tout ce qui lui tient à cœur.
Mme Dupont a parlé de la dimension d’altérité, qui n’avait pas été évoquée aussi explicitement par les orateurs précédents. Il s’agit d’un élément de fond, qui fait vraiment débat. Disant cela, je ne me pose pas en juge : chacun se prononce sur ces questions à titre personnel. Ainsi, sur ce point précis, je ne m’exprimerai pas au nom du Gouvernement. Pour ma part, je suis très sensible à cette dimension d’altérité. Je me sens d’ailleurs en phase avec les analyses développées de manière convaincante par Sylviane Agacinski, dont j’ai lu les articles et les livres sur la question : je partage sa vision du devenir de notre société. Je tenais à le dire, dans un esprit ouvert et respectueux des différents points de vue.
Quel que soit le sort de cette proposition de loi, sur laquelle je vous ai donné le point de vue du Gouvernement, je pense que le débat était utile. Il nous a permis d’échanger librement, dans un esprit d’ouverture, sur des questions de société qui intéressent nos concitoyens.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de l’article unique de la proposition de loi initiale et de l’amendement tendant à insérer un article additionnel après cet article.
Article unique
L’article 343 du code civil est complété par les mots : « ou par deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité depuis plus de deux ans. »
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Madec, sur l’article.
M. Roger Madec. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais répéter des arguments qui ont déjà été développés, mais la meilleure pédagogie consiste à répéter. Je ne désespère pas de convaincre quelques collègues de la majorité de voter cette proposition de loi.
Cela a été dit, le PACS représente une belle avancée de notre société et fait partie des grandes réformes qui font honneur à la France.
Nous nous retrouvons aujourd’hui, comme à l’automne dernier, pour essayer d’étendre les droits des partenaires liés par un pacte civil de solidarité. Force est de constater, sans esprit de polémique, que l’immobilisme et le conservatisme sont hélas encore très présents sur les travées de la majorité, déconnectée de la réalité.
La réalité, c’est que la société est prête depuis déjà de nombreuses années à l’aménagement de l’article 343 du code civil relatif à l’adoption.
En octobre 1999, grâce à quelques élus faisant figure de pionniers, notamment Jean-Pierre Michel, le gouvernement de Lionel Jospin a instauré le PACS afin de se conformer à l’évolution des mœurs. Cette même évolution justifie aujourd’hui la présentation de cette proposition de loi.
En plus de dix ans, plus de 700 000 PACS ont été enregistrés. Ce n’est donc pas un phénomène marginal ! Pendant que le mariage accuse une baisse régulière des enregistrements, le PACS continue de croître. L’Institut national d’études démographiques indique ainsi une hausse annuelle de près de 43 % du nombre de PACS signés.
Sans vouloir faire de provocation, il me semble bien, après avoir entendu les propos de Mme Dupont, que l’idée sous-jacente de votre refus est d’empêcher les couples homosexuels d’adopter. Or je vous rappelle que de nombreux couples homosexuels élèvent des enfants, parfois conçus de manière critiquable ; je connais ainsi des cas d’enfants achetés à des mères porteuses.
La décision de la cour d’appel de Rennes du 30 octobre 2009 a donné à un couple séparé de femmes homosexuelles la délégation d’autorité parentale, avec exercice partagé au profit de celle qui n’avait pas porté l’enfant.
Une deuxième décision est venue implicitement reconnaître le couple homosexuel. Le 10 novembre 2009, le tribunal administratif de Besançon a ordonné au conseil général du Jura de délivrer un agrément d’adoption à une femme homosexuelle vivant en couple avec une autre femme, à la suite du refus obstiné du président du conseil général d’accorder cet agrément.
Au demeurant, je rappelle que 95 % des PACS sont souscrits par des hétérosexuels. J’espère que ce chiffre vous fera réfléchir...
De plus, Mme le rapporteur indique dans ses conclusions que la nature du couple, homosexuelle ou hétérosexuelle, comme son statut conjugal, qu’il s’agisse d’époux, de partenaires ou de concubins, ne préjuge en rien de leur capacité affective ni de la qualité du lien que les deux parents pourront nouer avec l’enfant.
Le rapport de la commission des lois précise que l’adoption doit être conçue dans l’intérêt de l’enfant. Nous sommes d’accord ! Mais nous pensons que le PACS protège cet intérêt par le projet naissant d’une union civile de solidarité.
Croyez-vous que l’intérêt de l’enfant soit respecté lors de divorces violents ou sordides ? Pour ma part, je ne le pense pas.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’y a pas les gentils pacsés d’un côté, et les méchants mariés de l’autre...
M. Roger Madec. Le PACS est aujourd’hui synonyme de stabilité dans le couple, puisque l’on relève moins de dissolutions de PACS que de divorces.
Vous considérez que les couples pacsés ne devraient pas adopter car vous ne reconnaissez pas la stabilité du PACS. Selon vous, il n’offrirait pas à l’enfant la stabilité affective et familiale qui lui est nécessaire. Or une majorité d’enfants naissent désormais en dehors du mariage et, comme l’a rappelé Mme Dupont, hors d’un schéma bien établi.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas la même chose ! Ce ne sont pas des enfants adoptés !
M. Roger Madec. Permettez-moi d’être légèrement provocateur : si l’on suivait le raisonnement de Mme le rapporteur, il faudrait interdire aux partenaires pacsés de procréer puisque seul le mariage confère stabilité et filiation à l’enfant.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce raisonnement est absurde !
M. Roger Madec. Le PACS assure aujourd’hui une sécurité affective et sociale suffisante pour l’adoption.
Il n’en demeure pas moins un point de désaccord : la sécurité juridique de l’enfant. Le droit reconnaît l’autorité parentale. Depuis la loi du 4 mars 2002, les droits et devoirs des parents sont les mêmes, quel que soit leur statut conjugal. La décision de la cour d’appel de Rennes du 30 octobre 2009 confirme la délégation d’autorité parentale avec exercice partagé.
J’ajoute que la sécurité juridique de l’enfant en cas de séparation est prévue dans l’amendement proposé par Jean-Pierre Michel, qui tend à insérer article additionnel visant à rendre obligatoire la saisine du juge des affaires familiales pour faire respecter le droit des parents et l’intérêt de l’enfant.
Mes chers collègues de la majorité, je vous renvoie à vos contradictions. Le gouvernement que vous soutenez n’a-t-il pas proposé que le divorce soit prononcé devant notaire, et non plus devant le juge ? Quelles garanties y aurait-il alors pour les enfants de divorcés devant notaire ?
Notre droit permet à un couple marié depuis au moins deux ans d’adopter un enfant. Cette possibilité n’est pas offerte aux personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité, qui ne peuvent entreprendre ensemble une démarche d’adoption. Il s’agit d’une ségrégation contestable, qui ne correspond pas à la tradition française.
Notre droit permet, en revanche, de demander à adopter individuellement, quel que soit son statut conjugal. N’y a-t-il pas là un paradoxe absurde ?
Le texte proposé aujourd’hui apporte, conformément aux recommandations du rapporteur, la sécurité affective, sociale et juridique de l’enfant. Je le redis haut et fort : le PACS ne doit plus être un frein à l’adoption !
M. Richard Yung. Très bien !
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article unique de la proposition de loi.
Je suis saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que, si cet article était rejeté de même que l'amendement visant à insérer un article additionnel après cet article, la proposition de loi serait rejetée et personne ne pourrait plus prendre la parole.
Je rappelle également que la commission et le Gouvernement se sont prononcés contre cet article unique.
Personne ne demande la parole ?...
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 166 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l’adoption | 147 |
Contre | 183 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article additionnel après l'article unique
Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 515-7 du code civil, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Sauf dans les cas de dissolution par le mariage des partenaires entre eux, lorsqu'un ou plusieurs enfants sont nés du couple pacsé, lors de la dissolution du pacte civil de solidarité, le juge aux affaires familiales est obligatoirement saisi afin de statuer selon ce qu'exige l'intérêt de l'enfant sur sa résidence, le montant de la contribution à son entretien et à son éducation et sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale. »
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Comme je suis un bon élève en commission des lois, j’écoute notamment ce que disent Mme le rapporteur – même si je ne suis pas toujours d’accord avec elle – et les membres de la commission des lois, M. Gélard en particulier. C’est la raison pour laquelle je présente cet amendement rectifié.
Pour tous les enfants nés hors mariage – je vise le PACS, mais aussi le concubinage et l’union libre, cas dans lesquels il est très difficile de connaître le moment de la rupture –, il n’y a presque jamais de saisine du juge aux affaires familiales.
Les parents trouvent un accord – dans leur intérêt plus que dans celui de l’enfant, d’ailleurs – notamment sur la garde de l’enfant et le choix de l’école où il sera scolarisé.
Lorsqu’un conflit surgit, souvent à l’occasion d’un déménagement ou d’un changement d’établissement scolaire, les parents sont désemparés, notamment la mère, qui, le plus souvent, exerce la garde effective de l’enfant.
J’ai rencontré beaucoup de personnes dans cette situation à ma permanence, avant, en tant que député, et aujourd’hui, en tant que sénateur. Je leur conseille toujours de saisir le juge aux affaires familiales qui réglera, dans l’intérêt de l’enfant, toutes les questions relatives à l’exercice du droit de garde et du droit de visite, ainsi qu’à la pension compensatoire.
Cet amendement a donc pour objet de répondre à ce qui constitue une lacune de notre droit et ne concerne que les couples pacsés, pour lesquels on peut connaître exactement le moment de la rupture. Il tend à préciser que, sauf lorsque le PACS prend fin pour cause de mariage des pacsés – il y a alors dissolution automatique du PACS attestée par l’inscription en marge de l’acte par l’officier de l’état civil –, le juge aux affaires familiales sera obligatoirement saisi aux fins de statuer sur toutes ces questions relatives aux enfants, adoptés ou non, du couple pacsé.
Tel est l’objet de cet amendement, qui devrait être adopté par la totalité des membres du Sénat, dans l’intérêt de l’enfant, à moins que nous ne soyons dans une assemblée d’hypocrites !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Cet amendement constitue en fait à lui seul un autre texte. Il ne se situe plus sur le terrain de l’adoption proprement dite et semble sans lien avec l’article unique, puisqu’il concerne des enfants nés de couples pacsés. À ce titre, il aurait pu être considéré comme irrecevable, mon cher collègue.
Mais ce débat est utile et le présent amendement contribue à faire avancer notre réflexion.
Il s’agit donc d’obliger les partenaires pacsés qui se séparent alors qu’ils ont des enfants à saisir le juge aux affaires familiales afin qu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et la contribution à l’entretien des enfants.
Ce faisant, on tente de remédier à l’insécurité juridique plus grande dans laquelle peuvent être placés les enfants de concubins ou de pacsés par rapport aux enfants d’un couple marié, dans la mesure où rien ne garantit les premiers qu’un tiers impartial se prononcera au mieux de leur intérêt comme cela se passe pour les seconds.
Ce point constituait l’une des réserves importantes formulées dans le rapport de la commission sur cette proposition de loi.
Je salue cette avancée.
Cependant, je le répète, la réponse apportée est trop lacunaire. La modification proposée ne garantira pas aux enfants adoptés par un couple pacsé une protection équivalente à celle qui est accordée aux enfants adoptés par un couple marié.
En effet, comme je le montre dans mon rapport écrit, les enfants issus de couples non mariés restent exposés à un risque de plus grande instabilité, les ruptures intervenant plus souvent et plus tôt entre partenaires ou concubins. Or il convient de garantir aux enfants adoptés la situation la plus stable possible.
Chers collègues, dans vos interventions, vous parlez d’enfants nés de couples pacsés ou mariés, pas d’enfants adoptés ! J’en suis désolée, mais je crains que vous ne sachiez pas bien ce qu’est l’adoption.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais si, on le sait très bien !
M. Richard Yung. On le sait, madame Des Esgaulx !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Au risque d’insister, je me dois de préciser que les enfants adoptés ont vécu un drame. Pour reprendre l’exemple des enfants d’Haïti dont vous parliez, monsieur le secrétaire d’État, ces enfants-là ont, quant à eux, connu deux drames. Voilà pourquoi nous devons les « surprotéger », en quelque sorte, et leur éviter de vivre un drame supplémentaire.
Le dispositif ici proposé est très incomplet. Il ne définit pas la façon dont le caractère obligatoire de la saisine du juge sera assuré.
Actuellement, dans le cas du mariage, le juge aux affaires familiales est saisi pour prononcer le divorce et statuer en même temps sur l’autorité parentale.
Dans le cas du PACS, aucun juge n’ayant à prononcer la séparation, qui intervient sur simple déclaration – parfois même, comme je l’ai rappelé, de manière unilatérale –, rien ne garantit la saisine automatique du juge aux affaires familiales.
Par ailleurs, avec le dispositif envisagé, nous devons tout de même nous interroger sur le risque de dénaturation du PACS.
Le pacte civil de solidarité répond, dans son esprit, à une logique propre, empruntant à l’union libre la liberté d’engagement et de rupture et, au mariage, la protection patrimoniale, mais sans avoir aucune vocation familiale spécifique.
L’introduction d’un passage obligé devant le juge aux affaires familiales modifierait sensiblement l’équilibre sur lequel repose actuellement le PACS. Or je ne suis pas sûre que toutes les personnes pacsées aujourd’hui souhaitent une telle évolution.
Parlant de l’adoption, vous partez certes du constat, que nous partageons, d’une protection moindre des enfants issus de couples non mariés, mais pour proposer une disposition unique et globale qui, s’appliquant à l’ensemble des pacsés, risque de dénaturer totalement le contrat sans correspondre à ce que recherchent vraiment les intéressés.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Le Gouvernement fait sienne l’argumentation développée par Mme le rapporteur, qui a été très complète, et émet également un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Je serai bref, car je vois bien que nos logiques sont parallèles.
Je remercie d’ailleurs Mme Des Esgaulx de la propagande qu’elle vient de faire en faveur du PACS, elle qui est si soucieuse d’éviter qu’il ne soit dénaturé… Mais, après tout, ceux qui ont enfanté le PACS sont peut-être libres de le dénaturer, bien sûr dans le bon sens, ma chère collègue ! (Sourires.)
Pour le reste, cet amendement n’est motivé que par l’intérêt des enfants. Certes, les couples pacsés ne souhaitent peut-être pas être obligés, en cas de séparation, de recourir à un juge pour statuer sur le sort des enfants qu’ils ont eus ou qu’ils ont adoptés, mais ce n’est pas notre problème ici !
Notre seul souci est l’intérêt des enfants de ces couples, des enfants qui doivent – au moment de la rupture, et pas après, pour éviter d’autres drames pires encore – savoir quel sera leur statut, qui les gardera, comment s’exercera le droit de visite et quel sera le montant de la pension. La volonté des couples pacsés, en l’occurrence, ne m’intéresse pas !
Nous n’avons jamais eu d’autre préoccupation, mes collègues du groupe socialiste et moi-même, à l’occasion du dépôt de cette proposition de loi, que l’intérêt des enfants, mais il est vrai que nous n’en avons pas la même conception que les membres du groupe UMP !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mon cher collègue, il est vrai que cette question, en tant que telle, mériterait un débat ; certaines réflexions ont d'ailleurs déjà été menées sur ce thème, et je vous renvoie sur ce point au rapport Leonetti, notamment.
Toutefois, en cas de rupture, quelle est la différence entre un couple de pacsés et un couple de concubins ?
En effet, même si, comme on l’a souligné, les personnes qui vivent en union libre se marient parfois après la naissance du premier enfant, il existe aussi – nous en connaissons tous ! – des concubins qui n’ont pas conclu de PACS mais qui ont un ou plusieurs enfants. S’ils se séparent, la question se pose de la même manière pour eux. Ils peuvent avoir recours au juge, bien entendu, mais il s'agit dans ce cas d’une décision qu’ils prennent de leur propre initiative.
Or, comme l’a rappelé Mme le rapporteur, le PACS est un contrat que l’on peut rompre unilatéralement ; obliger ses signataires à régler devant le juge le problème des enfants semble donc difficile, car cela introduirait une distorsion. Telle est la seule réflexion complémentaire que je souhaitais apporter à ce débat.
Cet amendement traite non de l’adoption mais d’un autre sujet. Toutefois, monsieur Michel, puisque vous l’avez déposé en réaction à un élément du rapport, ce que je comprends fort bien, d'ailleurs, car le dialogue est nécessaire, il nous fallait l’examiner en même temps que la proposition de loi.
Je demeure convaincu que nous devons continuer à réfléchir sur cette question, mais pour la traiter de façon globale, et non pas parcellaire. Il s'agirait de prendre en compte la situation de tous les enfants nés du couple, car d’autres problèmes se posent par ailleurs que, en tout état de cause, nous n’aborderons pas ce soir, car il n'y a pas d’autre amendement en discussion.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié de M. Michel, tendant à insérer un article additionnel après l’article unique de la proposition de loi.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 167 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 182 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L’article unique de la proposition de loi ayant été rejeté, ainsi que l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article unique, je constate qu’il n'y a pas lieu de voter sur l’ensemble.
La proposition de loi est rejetée.
13
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 30 mars 2010 :
À quatorze heures trente :
1. Scrutin pour l’élection d’un juge titulaire et d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République en remplacement de M. Hubert Haenel et de M. Bernard Saugey.
2. Débat sur la protection des jeunes sur les nouveaux médias.
De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :
3. Questions cribles thématiques sur l’éducation et l’ascension sociale.
À dix-huit heures :
4. Désignation des vingt-cinq membres de la mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia.
5. Débat sur l’encadrement juridique de la vidéosurveillance.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures vingt.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART