Mme Raymonde Le Texier. Je veux mettre en garde mes collègues de la majorité. Le fait que cet argument soit caricatural n’est pas grave en soi ; on en a entendu d’autres ! Mais, si l’on se contente de cette grossière analyse, on risque de faire l’impasse sur les effets d’un management inadapté, qui veut oublier que l’homme doit rester au cœur de l’entreprise.

Mme Annie David. Bien sûr !

Mme Raymonde Le Texier. Dans une entreprise, on ne travaille pas avec des robots, mais avec des êtres humains !

M. Alain Gournac. Là-dessus, je suis d’accord !

Mme Raymonde Le Texier. Si nous refusons de nous interroger sur ce management « à la schlague », la situation ne pourra pas évoluer !

Mme Annie David. Bien sûr !

Mme Raymonde Le Texier. En utilisant cet argument, on risque également de faire l’impasse sur la boulimie des actionnaires, qui n’en ont jamais assez,...

Mme Raymonde Le Texier. ... et la réflexion sur les problèmes de l’emploi n’avancera pas.

M. Gournac a aussi parlé, lors de la discussion générale, de la durée du travail tout au long de la vie. En écoutant ces propos, je n’ai pu m’empêcher de penser à l’archaïsme de notre société, et singulièrement du patronat, s’agissant de l’embauche des jeunes dans les entreprises et du maintien des seniors dans l’emploi.

Le chômage des jeunes continue d’atteindre des sommets : il a augmenté de 23 % cette année et touche désormais près de 500 000 jeunes.

Quant au chômage des plus de cinquante ans, il augmente régulièrement de plus de 1 % chaque mois. On sait que ces personnes ne parviennent pas à retrouver un emploi et qu’elles représentent la majorité des chômeurs de longue durée. La majorité des entreprises persiste à les rejeter, soit en refusant de les embaucher, soit en les poussant à la démission ou à la rupture conventionnelle du contrat de travail.

Mme Annie David. C’est le plus grand plan de licenciement !

Mme Raymonde Le Texier. Et que dire du million de chômeurs qui arrivent en fin de droits : 360 000 d’entre eux vont se retrouver sans aucun revenu, tandis que l’État et les partenaires sociaux se renvoient la balle !

Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas un problème pour la droite !

Mme Raymonde Le Texier. Mais sans doute suis-je encore hors sujet, selon Mme la secrétaire d’État !

On peut toujours critiquer les 35 heures... Mais ne pourrions-nous d’abord élargir la durée du travail, non pas en nombre d’heures, mais au-delà de la tranche d’âge 25-49 ans –  en effet, même s’il n’est pas épargné par le chômage, ce segment est le seul dont le taux de chômage n’augmente pas de façon exponentielle. N’est-ce pas là qu’il faut porter l’effort, afin que tous ceux qui ont besoin de travailler puissent le faire ? Je rejoins, à cet égard, la position de Martial Bourquin, qui vous a interpellée sur la question du plein-emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. Je partage largement l’analyse de Mme Le Texier.

M. Alain Gournac. Moi aussi !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. Cette analyse devrait d’ailleurs faire l’objet d’un consensus dans cet hémicycle. Les comparaisons internationales montrent en effet que l’une des grandes caractéristiques objectives de la France est la faiblesse du taux d’emploi des jeunes et des seniors, qui entraîne la concentration de l’emploi dans la tranche d’âge que vous avez indiquée.

Nous devons donc consacrer tous nos efforts à ces deux priorités, en augmentant la masse de travail et d’emploi. Je tiens à citer, à cet égard, les initiatives prises par Laurent Wauquiez : les contrats « jeunes en entreprise » et initiative-emploi, d’une part ; le plan senior, sur lequel il s’est fortement engagé, d’autre part.

Mme Annie David. Encore des exonérations !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. Nous avons là une responsabilité collective, car c’est une spécificité regrettable de notre pays par rapport à ses voisins européens. Cette problématique de l’emploi pour tous, y compris les jeunes et les seniors, devra nous mobiliser dans le cadre de la stratégie européenne qui doit succéder à celle de Lisbonne.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. En vérité, je souhaitais plus écouter les différents orateurs qu’intervenir moi-même dans ce débat, qui a d’ailleurs donné lieu à des propos intéressants.

J’ai aussi entendu parler de patrons qui dirigeraient leur entreprise « à la schlague », etc. Je remarque que, dès que nous employons, nous, un mot un peu inapproprié, on est prompt à nous montrer du doigt. Alors, madame Le Texier, vous me permettrez de dire que vos propos n’étaient pas vraiment mesurés.

Aussi, pour ma part, je voudrais dire combien, lorsqu’on veut lancer une activité sur notre territoire, il est difficile d’y parvenir. À cet égard, je peux citer l’exemple d’une entreprise étrangère qui, souhaitant implanter dans mon département une usine de transformation du papier, a découvert toutes les complexités de la société française… Pensez donc, il ne s’agit jamais que d’un investissement de 130 millions d'euros et de la création de 150 emplois dans un premier temps, puis de 150 emplois supplémentaires dans un second temps !

Bien entendu, ce projet a commencé par subir les diverses contraintes administratives habituelles, la loi sur l’eau, les fouilles d’archéologie préventive, et j’en passe. Néanmoins, grâce à un travail mené de concert avec les services de l’État, tous ces problèmes ont pu être surmontés. Or, malgré les créations d’emplois annoncées, malgré la perspective de ressources nouvelles pour les collectivités, des associations ont intenté des recours au motif que l’implantation de l’usine en question aurait des conséquences sur l’environnement : circulation de camions, rejets d’eau dans le canal et la petite rivière proches.

Face à ces recours, l’entrepreneur, qui a déjà acheté deux machines d’un montant respectif de 12 millions d'euros et de 28 millions d'euros et qui a prévu de réaliser d’autres investissements, commence à se poser la question de savoir si nous souhaitons vraiment que sa société s’implante sur le territoire de la commune considérée… Même le maire, qui a créé un petit étang pour que ses concitoyens puissent aller à la pêche, et alors que la direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement a donné toutes les autorisations nécessaires, lui demande de rejeter sept kilomètres plus loin une eau qui ressortira propre de l’usine ! Le maire est ainsi arrivé à « remonter » les associations locales pour qu’elles empêchent l’entreprise de s’installer !

Mme Raymonde Le Texier et M. Charles Gautier. Soit, mais quel rapport avec les 35 heures ?

M. Éric Doligé. Mes chers collègues, lorsque vous connaîtrez la tendance politique de cet élu, vous bondirez encore davantage ! C’est un maire communiste qui ne veut pas que l’on implante sur la zone industrielle de sa commune une entreprise créant 300 emplois. Avouez qu’il y a de quoi être sidéré !

Mme Annie David. Nul n’est parfait ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Éric Doligé. Notre société devrait tout de même se poser un certain nombre de questions ! Tout le monde affirme qu’il faut favoriser l’activité afin qu’il y ait de l’emploi. Qu’on arrête donc de dire qu’il est nécessaire de partager le travail, car, quand une entreprise est prête à en offrir, on fait tout pour l’empêcher de s’installer sur notre territoire !

M. le président. Nous en avons terminé avec ce débat.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

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Nomination de membres de commissions mixtes paritaires

M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique et du projet de loi relatifs à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à ces commissions mixtes paritaires :

Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, Patrice Gélard, Hugues Portelli, Pierre Fauchon, Bernard Frimat, Jean-Claude Peyronnet et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Suppléants : M. Pierre-Yves Collombat, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Yves Détraigne, Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, François Pillet et Mme Catherine Troendle.

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Lutte contre les discriminations

Discussion d'une question orale avec débat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 58 de Mme Bariza Khiari à M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire sur les dispositifs de lutte contre les discriminations.

Cette question est ainsi libellée :

« Mme Bariza Khiari appelle l’attention de M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire sur le fait que les pratiques discriminatoires sont légions. Elles constituent de nouvelles inégalités. Les premières victimes sont notamment les jeunes issus de l’immigration. Ils subissent le cumul des handicaps : âge, patronyme, confession, domiciliation, couleur de peau. Toutes ces caractéristiques pourtant fort éloignées des compétences jouent en leur défaveur. Confrontés à une véritable relégation sociale et territoriale, ces jeunes considèrent le pacte républicain, socle de notre cohésion sociale, comme un “miroir aux alouettes”. Les territoires perdus de la République prospèrent sur fond de précarité, de chômage.

« Lors d’un discours prononcé le 17 décembre 2008 à l’École polytechnique, le Président de la République avait annoncé de grandes avancées dans la lutte contre les discriminations. Reprenant nombre de propositions du groupe socialiste du Sénat, il avait présenté un programme destiné à améliorer la situation des populations exclues.

« Seulement, plus d’un an après ce discours, elle s’interroge sur les réalisations concrètes censées donner corps au verbe présidentiel. Le débat sur l’identité nationale a visiblement davantage stigmatisé les populations discriminées qu’il n’est venu les aider. Aucun train de mesures concrètes visant à renforcer la lutte contre les discriminations n’a été observé.

« La disposition législative de 2006 sur le CV anonyme attend toujours son décret d’application. La situation est similaire concernant les Chibani, ces vieux travailleurs maghrébins venus en France dans les années 1960 et 1970. Une disposition a été votée afin qu’ils puissent percevoir intégralement le minimum vieillesse tout en ayant la possibilité de passer leur retraite au pays, le décret reste là aussi en attente. Par ailleurs, la proposition de loi adoptée à l’unanimité des groupes au Sénat sur les emplois fermés, reprise partiellement dans la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, n’a toujours pas été portée à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Il suffit donc de peu de chose pour que des pas significatifs soient accomplis.

« Aussi, elle souhaiterait connaître les raisons pour lesquelles ces dispositions, votées par le législateur, sont restées lettre morte, faute de décret. Par ailleurs, elle aimerait connaître les intentions du Gouvernement pour traduire dans les faits les engagements présidentiels. Les parlementaires de tous bords se sont montrés soucieux par leurs votes de rendre effectifs les principes de cohésion nationale et d’égalité ; ils ont voulu s’attaquer aux discriminations faites aux jeunes et aux anciens, ils attendent désormais de l’exécutif qu’il prenne ses responsabilités. »

La parole est à Mme Bariza Khiari, auteur de la question.

Mme Bariza Khiari, auteur de la question. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le cadre de la semaine de contrôle parlementaire, il s’agit, pour le groupe socialiste, à travers cette question orale que j’ai posée, de dresser un bilan d’étape sur la politique gouvernementale en matière de lutte contre les discriminations.

Toute inégalité de traitement fondée sur un critère illégitime est une offense aux valeurs de notre République et à notre volonté de vivre ensemble. Liberté, méritocratie, égalité des droits, solidarité nationale, laïcité, justice, respect de la dignité humaine : ces termes devraient être les balises de l’action publique dans le combat que nous avons à mener contre les discriminations. Ce combat est la condition d’un pacte républicain vivant.

Dans les relations sociales, quotidiennement, massivement, impunément, voire même inconsciemment, les pratiques discriminatoires fragilisent ce pacte. À cet égard, la responsabilité du Gouvernement est de les dénoncer et de les combattre.

Le grand débat sur l’identité nationale a-t-il permis de contribuer à ce « vivre-ensemble » ? À l’évidence, non. Pendant plusieurs semaines, lors de débats organisés par les préfectures, c’est-à-dire par l’État lui-même, nous avons assisté, médusés, à un concours de propos inqualifiables. Ce débat, loin de promouvoir les valeurs fondamentales de la communauté nationale, les a piétinées ; loin de lutter contre les tentations de repli identitaires, il les a encouragées. Et nous n’avons même pas, dans l’opposition, la satisfaction de nous réjouir qu’il vous ait électoralement desservi, tant il a donné une nouvelle vigueur médiatique aux préjugés et aux stéréotypes racistes.

Les personnes issues de l’immigration qui vivent sur le territoire de la République, qu’elles soient étrangères ou françaises, en sont les premières victimes. Ce résultat est d’autant plus condamnable qu’un apparent consensus politique avait émergé ces dernières années sur la nécessité de combattre les pratiques et les phénomènes discriminatoires.

Monsieur le secrétaire d’État, ce sont en premier lieu ces phénomènes, aussi répandus et banalisés que corrosifs, qui alimentent le repli identitaire. Tous les acteurs sociaux en sont désormais conscients, à l’exception regrettable du pouvoir exécutif. Beaucoup œuvrent quotidiennement pour faire avancer ce combat.

Les initiatives, au sein de certaines entreprises comme dans de très nombreuses collectivités locales, se sont multipliées : Toulouse a lancé un observatoire des discriminations ; Paris et la HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, ont signé un partenariat en vue de mener des actions d’information et de sensibilisation ; Lille a fait de même ; le conseil régional d’Île-de-France a signé une convention portant sur le recrutement et la gestion des personnels du conseil régional et a décidé la création d’un observatoire des bonnes pratiques.

Le parti socialiste a, dans ses engagements de campagne pour les élections régionales, adopté une charte prévoyant la création de missions régionales de lutte contre les discriminations, chargées de mettre en œuvre des engagements concrets.

Le Président de la République lui-même ne manque pas une occasion de rappeler l’importance de la lutte contre les discriminations, son attachement à la méritocratie et à l’égalité des chances. Mais, à l’abri des grands discours élyséens, les pratiques discriminatoires prospèrent, en l’absence manifeste de volontarisme politique ; le droit existant peine à être appliqué et les décisions du législateur ne sont pas suivies d’effet.

Dix-huit critères de discrimination sont prohibés par le code pénal. Ces critères sont de natures différentes, mais ils ont une racine commune : la méfiance à l’égard de ce qui est perçu comme différent. Cette méfiance, pétrie de préjugés et nourrie de beaucoup d’ignorance, aboutit à reléguer, sinon à exclure de la société des segments de plus en plus importants.

Il s’agit, comme on vient de le dire lors du débat sur les 35 heures, de nos seniors qui, grâce à un système de soins encore performant, vivent mieux et plus longtemps, mais sont évincés du marché de l’emploi.

Il s’agit des femmes qui, grâce à un barème fiscal familial adapté et aux structures d’accueil de la petite enfance, sont nombreuses sur le marché du travail, mais souffrent d’une évolution de carrière moins favorable que les hommes, sans même parler du niveau de leur salaire.

Surtout, il s’agit de tous ceux, Français ou non, qui, issus de la dernière grande vague d’immigration, ont du mal à trouver aussi bien un travail qu’un logement.

L’enquête « trajectoires et origines », ou TEO, publiée hier, menée par l’Institut national d’études démographiques, l’INED, et l’INSEE, mesure les discriminations en lien avec l’origine. Ce fait, déjà vérifié à l’occasion de différents « testings », est à présent établi par un cadre méthodologique rigoureux et riche d’enseignements. Il en ressort notamment qu’une personne issue de l’immigration titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur se sent plus discriminée qu’une personne non diplômée. On peut arguer, non sans raison, que l’instruction mène à une conscience plus aiguë des discriminations. On peut surtout en déduire que la République peine à honorer sa promesse méritocratique envers les filles et fils d’immigrés, français ou étrangers, en raison de leur origine et de la couleur de leur peau.

Cette injustice banalisée, quotidienne et impunie ne constitue pas seulement une blessure individuelle : elle est une offense à la méritocratie républicaine dont s’enorgueillit la France. Aucune pratique discriminatoire n’est anodine ; parce qu’elle est une remise en cause de la personne dans sa dignité, ses conséquences immédiates et de plus long terme sont mortifères aussi bien pour l’individu que pour la société dans son ensemble.

Je le rappelle souvent, les discriminations aboutissent à des morts sociales. On dit à nos jeunes : « Travaillez, faites des études, c’est votre sésame ! ». Or, à diplôme équivalent, les jeunes issus de l’immigration, tout comme les ultra-marins, rencontrent beaucoup plus de difficultés que les autres dans l’accès à l’emploi, sans parler des difficultés d’accès au logement.

Le pacte républicain est donc pour beaucoup un « miroir aux alouettes » ! Les processus discriminatoires aboutissent à priver de son sens la notion d’égalité et à réduire le pacte républicain à une coquille vide, laissant place à des demandes communautaires inacceptables.

C’est pourquoi je considère la lutte contre les discriminations comme un axe essentiel d’action au service de la justice sociale et de la cohésion nationale. Or, à ce jour, le bilan du Gouvernement est négatif.

Certes, monsieur le secrétaire d’État, plusieurs de vos collègues du Gouvernement sont issus de l’immigration. Loin de moi l’idée de contester la portée symbolique de leur nomination, mais je déplore que cette diversité gouvernementale fasse office de solde de tout compte et serve de paravent à des propos inadmissibles, à des calomnies de caniveau !

Quand les ministres, les élus et les candidats de la majorité persistent à faire l’équation entre Noirs, Arabes et délinquants multirécidivistes, on est en droit de s’interroger sur la considération que vous portez au modèle républicain.

M. Charles Gautier. Très bien !

Mme Bariza Khiari. La banalisation des contrôles de police au faciès, dénoncée prudemment par la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, et sévèrement par Amnesty International, participe de cette stigmatisation généralisée et, pis, lui confère un aspect quasi institutionnel.

La polémique actuelle autour des propos d’un « pilier de bar du PAF » s’inscrit dans ce climat délétère où le tir à vue sur les Noirs et les Arabes devient une activité tolérée. La population immigrée ou issue de l’immigration n’est ni plus ni moins délinquante que la population « issue du corps traditionnel français ». Au demeurant, les actes de délinquance ne s’expliquent pas par le patronyme ou le taux de mélanine mais par des variables sociales bien identifiées.

La seule avancée notable réalisée au cours de ces cinq dernières années réside dans la création et l’activité de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Mais j’ai le devoir de vous rappeler que cette innovation institutionnelle ne peut être portée au crédit de la majorité politique.

M. Alain Fouché. Elle l’a votée !

Mme Bariza Khiari. La création de la HALDE résulte en effet d’une directive européenne annoncée dans le traité d’Amsterdam de 1999 et c’est Martine Aubry, alors ministre de l’emploi et de la solidarité (M. Alain Fouché s’esclaffe.), qui a mis en place, dès 2000, le groupe d’études et de lutte contre les discriminations, le GELD, préfigurant la future HALDE.

M. Charles Gautier. C’est vrai !

Mme Bariza Khiari. Sous la présidence de M. Louis Schweitzer, à qui je tiens à rendre un hommage appuyé, la HALDE, pourvue pourtant de moyens budgétaires limités au regard de ses missions (M. Jean-Jacques Hyest le conteste.), est devenue une institution connue de près de 40 % de nos concitoyens. Elle est parvenue, sur certains dossiers, à faire évoluer les pratiques et la réglementation ; je pense notamment à la carte de famille nombreuse, désormais accessible aux familles étrangères. Ses avis, même non suivis d’effets, permettent aux acteurs sociaux de s’interroger sur leurs pratiques et d’y remédier.

La HALDE, en tant qu’autorité indépendante spécialisée, exerce son magistère et son action dans les domaines tant public que privé. Elle est partie prenante des procédures judiciaires. Elle exerce ses compétences selon le principe de la collégialité. Sa spécialisation est gage de compétence, d’efficacité et de reconnaissance.

On entend dire que le Sénat, à la fin du mois de mai, lors de l’examen du projet de loi organique relative au Défenseur des droits, serait fortement incité à placer la HALDE dans le giron de celui-ci. Pourquoi vouloir la faire disparaître du paysage institutionnel alors que le chantier de la lutte contre les discriminations est à peine entamé et que les données dont on dispose témoignent d’une situation préoccupante ?

Mise en place en 2005, la HALDE a vu le nombre de saisines passer de 1 500 lors de sa première année d’activité à plus de 10 000 en 2009.

Menant avec conscience son travail d’expertise sur les textes de lois et de compatibilité de notre législation avec les traités internationaux, la HALDE est au cœur des missions que nous, parlementaires, lui avons confiées. Il est à cet égard injustifié de lui reprocher de jouer son rôle. La HALDE ne s’est pas mise au-dessus du Parlement,…

M. Jean-Jacques Hyest. Si, au moins une fois !