M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Khiari, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser mon collègue Éric Besson, retenu au conseil des ministres qui se tient exceptionnellement cet après-midi, où il doit d’ailleurs – vous l’avez vous-même souligné – présenter un projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.
Madame Khiari, j’apporterai tout d’abord quelques éléments de réponse à votre intervention. Puis, à défaut de pouvoir reprendre la totalité de ce qu’ont dit les différents orateurs, dont les interventions étaient d’ailleurs fort intéressantes, je centrerai mon propos sur un certain nombre de points, en m’efforçant de répondre au mieux.
À titre personnel, je me sens particulièrement concerné par le débat d’aujourd'hui. Comme cela a été rappelé tout à l’heure, je suis maire de Mulhouse. Depuis plus de vingt ans, j’y mène, soutenu par l’équipe municipale, un travail approfondi en matière de lutte contre les discriminations, avec pour partenaires les gouvernements successifs, quelle que soit leur sensibilité politique, les acteurs associatifs et le monde économique.
C’est donc un sujet sur lequel je ne puis m’exprimer qu’avec humilité, car je sais à quel point la question est difficile.
Pour autant, et je partage ce point de vue avec vous tous, la lutte contre les discriminations, notamment celles que nous évoquons aujourd'hui – ce ne sont pas les seules, loin s’en faut –, est un domaine sur lequel il nous faut continuer à progresser, à un rythme encore plus soutenu. C’est une exigence !
Mais je sais également que les discriminations contribuent à l’esprit de victimisation et ne favorisent pas l’intégration : les personnes concernées finissent par baisser les bras ou par ne percevoir que les aspects les plus négatifs de la société. Nous tous, ici, qui sommes en contact avec elles, savons combien il est important, pour les aider, d’agir sur tous les leviers et de ne pas laisser se développer un tel sentiment de victimisation.
Cela étant, il faut bien le reconnaître, nous sommes tous amenés à rencontrer des personnes qui, malgré leurs efforts, doivent affronter de multiples obstacles. Nous avons donc du pain sur la planche !
Madame Khiari, de votre intervention, je retiendrai vos propositions concrètes plutôt que vos critiques, par trop systématiques, voire parfois un peu caricaturales. Je dis cela avec un esprit de nuance, car je n’ai aucunement l’intention de fustiger vos propos, préférant, ainsi que nous le souhaitons tous, analyser la question de manière approfondie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord vous assurer du profond engagement du Gouvernement en faveur de la lutte contre les discriminations.
Je suis convaincu comme vous que la République se doit de garantir la plus grande justice pour tous, notamment pour les personnes en butte à de grandes difficultés. L’acceptation des différences qui traversent notre société est une belle occasion pour elle de devenir plus forte, parce que plus humaine, plus efficace, plus juste.
Nous sommes tous égaux, mais nous sommes aussi tous porteurs ou héritiers de différences. La volonté de notre peuple, c’est de faire preuve de la plus grande intransigeance à l’égard des discriminations. Et, je l’ai bien compris en vous écoutant, c’est également celle de ses représentants.
D’ailleurs, la lutte pour l’égalité des chances est l’un des engagements forts du Président de la République. Dans son discours de Palaiseau, il a repris cette citation de Clemenceau : « La République n’est rien qu’un instrument d’émancipation, un instrument d’évolution par l’éducation de tous. »
Certains d’entre vous l’ont souligné, les discriminations ne concernent pas seulement les jeunes issus de l’immigration. Le genre, l’âge, le handicap, l’apparence physique et l’orientation sexuelle, politique ou confessionnelle sont aussi prétextes à discriminations. J’y reviendrai dans quelques instants.
La HALDE, dont nous avons tous souhaité la création, a été installée voilà cinq ans, conformément à la loi adoptée en 2004. Cette institution offre un véritable recours. Je peux moi aussi témoigner du travail effectué par les délégués locaux, qui prennent leur rôle très à cœur et font connaître la Haute Autorité.
À cet égard, je souhaite saluer très chaleureusement l’arrivée de Jeannette Bougrab à la présidence de l’institution. Beaucoup connaissent son expérience, son talent et son engagement. Ayant eu l’occasion de travailler avec elle pendant toute la période où je siégeais au Haut Conseil à l’intégration, aux côtés notamment de Blandine Kriegel, j’ai pu apprécier ses qualités, sa motivation et sa compétence. Je suis persuadé qu’elle fera un excellent travail.
Madame la sénatrice, les discriminations que vous avez mentionnées concernent essentiellement l’origine des personnes. Je concentrerai donc ma réponse sur ce point.
En la matière, le Gouvernement agit. Ainsi, le Comité interministériel à l’égalité des chances, qui s’est tenu le 23 novembre 2009, a réuni l’ensemble des ministères concernés, sous l’autorité du Premier ministre, autour de différentes thématiques, notamment celles, comme l’emploi, sur lesquelles vous et tous vos collègues avez fortement insisté.
L’emploi est en effet un sujet essentiel, particulièrement dans le contexte difficile que nous traversons aujourd'hui. C’est dans ce cadre que l’outil le plus important, en tout cas le plus emblématique, a été mis en place. Je veux parler du label « diversité », initié par le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, avec l’appui des ministères chargés du travail et de l’emploi.
Le dispositif est opérationnel depuis presque un an maintenant. Il concerne tous les employeurs, publics et privés, qui doivent justifier de critères objectifs de recrutement et de gestion des carrières. Les entreprises se fixent ainsi un objectif.
Il repose, certes, sur le volontariat. Mais vous n’ignorez pas la force que peuvent avoir les labels lorsqu’ils sont connus. Les gens prennent alors conscience de ce qu’ils représentent et font la différence entre les structures labellisées et celles qui ne le sont pas.
Je sais bien que l’idée d’un label peut faire sourire au début. Toutefois, je commence à avoir un peu d’expérience de la vie publique, et j’ai vu des labels, peu connus au départ, voire empreints d’un certain mystère, monter en puissance et s’imposer dans l’opinion publique. Et celle-ci finit souvent par s’interroger sur les entreprises qui ne remplissent pas les conditions pour s’y référer…
D’ailleurs, la mise en œuvre du dispositif a très bien démarré. En quelques mois, près d’une centaine d’entreprises sont déjà labellisées, et plus de 500 000 salariés concernés. Et ce n’est qu’un début !
Vous avez également abordé l’importante question du CV anonyme, qui avait d’ailleurs fait débat en son temps.
De notre point de vue, un tel outil peut se révéler efficace dans la lutte contre les discriminations à l’embauche. C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité accompagner et soutenir les entreprises qui l’expérimentent en interne. Nous nous sommes engagés, avec les différents ministères concernés, le commissaire à la diversité et à l’égalité des chances, Pôle Emploi et un certain nombre de cabinets de recrutement dans une expérimentation à grande échelle, afin d’évaluer les effets de cette méthode.
Je le répète, un tel instrument fait débat dans notre société et peut constituer – c’est, en tout cas, mon avis – un levier utile. Il est donc important d’examiner comment cela fonctionne concrètement.
Rien ne remplace une expérimentation à la bonne échelle. En l’occurrence, sept départements sont concernés, avec un nombre important d’entreprises. Les résultats de cette expérimentation, qui s’achèvera au mois d’avril, seront connus d’ici au mois de juin. Cela nous permettra de nous prononcer clairement, de manière étayée, sur les suites à donner au projet de décret, et ce, bien sûr, après concertation avec les partenaires sociaux.
L’action en faveur de la diversité s’appuie également sur un partenariat renforcé avec nombre de structures associatives et de chambres consulaires, qui œuvrent, avec notre soutien, pour lutter contre les discriminations dans l’entreprise. Elles proposent ainsi aux entreprises des diagnostics sur la gestion de la diversité, une aide à la formalisation des plans d’action et à la mise en place d’indicateurs de progrès, en insistant notamment sur la question de l’accès à l’apprentissage.
Pour ma part, j’ai connu des périodes où la situation de l’emploi n’était pas aussi difficile qu’aujourd'hui et où les entreprises cherchaient désespérément du personnel ; d’ailleurs, c’est toujours le cas dans certains secteurs particuliers. Pourtant, même dans ce contexte, la discrimination fonctionnait à plein, encouragée par des sentiments qui, d’ailleurs, à l’instar de la peur ou de l’ignorance, ne sont pas tous « insurmontables ».
Force est de constater que toutes ces initiatives créent la rencontre et permettent aux professionnels de surmonter leur peur d’innover et de prendre des risques. Je pourrais citer de multiples témoignages de chefs d’entreprise et d’artisans reconnaissant que les jeunes des quartiers dits difficiles sont formidables, voire plus motivés que les autres.
À partir du moment où le déclic se fait, des résultats positifs sont enregistrés. Quelqu’un l’a rappelé tout à l’heure, c’est l’une des forces de notre pays depuis plusieurs générations, mais encore faut-il une démarche volontariste. Tel est le sens de ces partenariats au sujet desquels il y aurait beaucoup à dire.
Plusieurs conventions ont été passées avec les secteurs professionnels pour amplifier le mouvement. Malgré la crise, diverses branches professionnelles, comme l’hôtellerie, la restauration, l’informatique, les mutuelles, les assurances, cherchent encore à recruter du personnel. Certaines entreprises donnent l’exemple : elles sont déjà mobilisées pour se porter candidates au label « diversité », et le font savoir ; elles s’en servent pour promouvoir leur image de marque auprès du public.
Après tout, la clientèle est à l’image de la population française d’aujourd'hui : diverse ! Parfois, un intérêt bien compris vient donc appuyer une démarche volontariste et éthique. À cet égard, les branches professionnelles ou les entreprises leaders dans leur secteur peuvent jouer un rôle utile de catalyseurs.
Par ailleurs, des accords ont été conclus avec de nombreuses structures, notamment associatives, qui, grâce à un travail remarquable, facilitent l’accès à l’emploi des jeunes diplômés. Nous connaissons tous sur le terrain, dans nos villes, des exemples de démarches engagées par ce biais.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous explorons également d’autres pistes pour favoriser la promotion des diversités, dans le respect du principe qui régit notre contrat social, car, vous le savez, la France ne reconnaît pas de communauté autre que la communauté nationale. La diversité, dans ces conditions, c’est d’abord une question de femmes et d’hommes, de parcours individuels ou d’expériences. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas agir.
Je veux dire un mot du Prix de l’intégration, alloué par un jury national. Il distingue des personnes exemplaires et a le mérite de montrer qu’il se trouve également, en dehors des grands sportifs ou des artistes, dans la diversité des métiers, des individus qui méritent d’être érigés en modèle en raison de leur remarquable parcours. Ces lauréats peuvent susciter un engouement et des vocations.
Par ailleurs, la création d’une allocation financière « Parcours de réussite professionnelle », attribuée aux étudiants issus de l’immigration les plus méritants, permet d’encourager et d’accompagner ces derniers dans leurs cursus scolaire et universitaire.
D’aucuns ne manqueront pas de me demander : quid de tous les autres ? Certes, mais l’octroi de ce type d’allocation a pour objet de valoriser un parcours scolaire remarquable afin d’en faire un exemple et de lutter contre le découragement toujours susceptible de se développer ici ou là.
Le défaut de maîtrise du français, question extrêmement concrète, mais trop peu évoquée, est un autre facteur de discrimination. Évidemment, ce volet ne concerne pas le jeune public, qui sort du système scolaire en maîtrisant notre langue comme tout un chacun. Il n’en demeure pas moins que cela complique l’accès à l’emploi et, plus largement, au quotidien, l’accès aux soins, la participation à la vie sociale et à la démocratie, bref tout ce qui constitue les fondements du vivre-ensemble.
Pour lutter contre ce problème réel, un certain nombre de mesures existent, amplifiées pour les primo-arrivants. Des efforts importants sont consentis, notamment grâce à la loi du 20 novembre 2007, qui prévoit un dispositif d’évaluation et de formation des conjoints de Français et des bénéficiaires d’un regroupement familial dans leur pays d’origine relatif à la connaissance de la langue française et aux valeurs de la République.
Par ailleurs, l’Office français de l’immigration et de l’intégration a repris, en juillet 2009, l’ensemble des formations linguistiques précédemment financées par l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances en faveur, notamment, des personnes étrangères déjà installées sur le territoire français et désireuses d’acquérir une meilleure connaissance de notre langue, y compris pour accéder à l’emploi.
De surcroît, le soutien aux enfants non-francophones accueillis à l’école a été renforcé. Dans ma ville, j’avais créé une école spécialisée pour les élèves primo-arrivants, où se côtoyaient aussi bien des enfants de cadres supérieurs venus d’Écosse que des enfants originaires d’Anatolie. Cette démarche s’est révélée très positive pendant des années. Tout cela a donc un sens.
Aujourd'hui, le dispositif a évolué, sous le nom de « classes d’initiation dans les écoles », dans lesquelles est dispensé un enseignement intensif du français en petits groupes, en fonction du niveau scolaire.
Nous faisons également des efforts en matière d’exercice de la parentalité, sujet ô combien sensible et important, au travers de l’opération « Ouvrir l’école aux parents ». La difficulté qu’éprouvent certains parents à bien comprendre le système scolaire, pour des raisons linguistiques, est souvent un handicap et un facteur de discrimination. Nous connaissons tous ce phénomène dans nos villes et dans nos villages.
Une telle opération a pour ambition de les aider à surmonter cette appréhension, qui constitue un frein à l’intégration. Reposant sur le volontariat des parents, du reste souvent demandeurs, elle permet à la fois de faciliter l’acquisition de la langue française par un enseignement complémentaire, d’offrir une meilleure compréhension des principes et des valeurs de la République, de mieux faire connaître l’institution scolaire ainsi que les modalités d’exercice de la parentalité.
Il existe aussi nombre d’actions pour favoriser l’accès au droit, notamment l’interprétariat ou la traduction de documents administratifs.
Madame Khiari, vous avez en outre évoqué, comme plusieurs de vos collègues, la question de l’accompagnement des immigrés âgés.
Il s’agit d’une population spécifique, bien connue et fréquemment implantée dans nos villes. À Mulhouse, je suis moi-même en contact avec elle, qu’elle vive ou non en foyers.
Vous l’avez souligné, plusieurs dizaines de milliers de travailleurs âgés, essentiellement maghrébins, habitent dans ces foyers, souvent dans des conditions de grande solitude, sans toujours savoir faire valoir leurs droits.
Nous sommes en train d’apporter plusieurs réponses à ce problème. Ainsi, le plan de traitement des foyers de travailleurs migrants vise à transformer progressivement ces habitations en résidences sociales. Je me trouve personnellement confronté à un projet de ce type, et ce n’est pas simple. Toute transformation, même pour aller vers un mieux, est d’abord vécue comme une déstabilisation par ces personnes qui vivent dans des conditions relativement précaires. Il est néanmoins nécessaire d’en passer par là, puisqu’il s’agit souvent de bâtiments qui, n’étant plus aux normes, deviennent extrêmement dangereux.
Le dispositif a déjà permis la réfection de 212 foyers, pour un coût total légèrement supérieur à un milliard d’euros, ce qui n’est pas une petite somme.
Le Gouvernement souhaite que ces travaux soient complétés par des mesures sociales, afin de permettre aux personnes concernées d’accéder à l’ensemble des droits et prestations, y compris en termes de soins.
Au-delà des résidents des foyers, de nombreux étrangers âgés issus des premières vagues de l’immigration et vivant eux aussi dans un habitat de mauvaise qualité – hôtels meublés, logements dans des quartiers anciens dégradés – demeurent isolés, sans perspective et souvent sans intention de retour vers leur pays d’origine. Des veuves se retrouvent sans attaches et dans des conditions matérielles difficiles. Aussi, la mise en place d’un certain nombre d’outils de socialisation et de lieux de vie permet d’entretenir entre ces personnes âgées un lien nécessaire.
En dehors des mesures que je viens d’évoquer pour lutter contre l’habitat dégradé, se pose la question de la mise en œuvre de la loi DALO. C’est un point sur lequel nous travaillons.
Madame Khiari, je l’ai dit, si certains de vos propos étaient justes, d’autres étaient quelque peu caricaturaux. Je prendrai un exemple : nombre de ces personnes, qui suivent des soins en France, ne souhaitent pas retourner dans leur pays d’origine. Un décret récent permet aux bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées de séjourner jusqu’à six mois par an hors de France sans en perdre le bénéfice. On peut toujours faire mieux, mais reconnaissez tout de même qu’il s’agit d’un progrès !
Quand à l’article 58 de la loi DALO, qui visait à apporter une aide financière annuelle, il se heurte, c’est vrai, à un certain nombre de difficultés d’application que nous nous attachons à résoudre. Je pense, en particulier, aux éventuels effets d’extension de la mesure, dans le cadre de la législation européenne, à d’autres types d’allocations. Nous nous efforçons encore, à l’heure actuelle, d’avancer sur ce point.
Mesdames, messieurs les sénateurs, après avoir répondu plus spécifiquement à Mme Khiari, j’en viens maintenant aux autres interventions.
Madame Dini, le Gouvernement s’engage pleinement, comme je l’ai indiqué, à promouvoir le label « diversité ». Vous l’avez rappelé à juste titre, l’emploi est le lieu d’une plus juste reconnaissance des compétences. L’entreprise comme la fonction publique doivent être le creuset du brassage et de la rencontre de toutes les différences.
Cette réponse vaut également pour M. Hyest, qui a évoqué la fonction publique territoriale. Je pourrais donner de multiples témoignages allant dans son sens. Pour peu que les collectivités fassent preuve de volontarisme, elles pourraient être un outil puissant d’intégration professionnelle et de prise de responsabilités.
M. Jean-Jacques Hyest. Je suis d’accord !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Cela fait longtemps maintenant que l’on voit des jeunes issus de l’immigration occuper, dans la fonction publique, des emplois de catégorie C et quelques-uns de catégorie B. Mais, aujourd'hui, ils sont de plus en plus nombreux à arriver aux responsabilités, une fois leur concours réussi, soit d’emblée, soit à la suite d’une période contractuelle, après avoir été encouragés à se présenter une fois, deux fois, trois fois, si nécessaire : si ce sont majoritairement des femmes, les hommes s’y mettent également ; là aussi, les choses sont en train de changer !
Je le dis au nom du Gouvernement : tous les employeurs, y compris dans le secteur public, doivent se sentir concernés par cette démarche. Vous avez bien fait, monsieur Hyest, de le souligner.
Mme Laborde s’est exprimée sur la HALDE, en émettant un certain nombre de critiques. Si, par principe, il faut toujours être exigeant, n’oublions tout de même pas le travail accompli par cette institution au cours des cinq dernières années. L’Association des grandes villes de France a été, à l’époque où je la présidais, la première association d’élus à signer une convention avec elle, pour démultiplier les actions sur le terrain, y compris pour balayer devant nos portes ! Personne ne doit avoir peur du travail de la HALDE, bien au contraire : à nous de jouer le jeu !
Madame Assassi, vous avez évoqué le véritable labyrinthe bureaucratique que doivent parcourir ceux qui souhaitent accéder à la nationalité française. Je souhaite vous faire part de quelques chiffres que vous connaissez déjà, mais je nuancerai mon propos, car je ne peux pas vous donner entièrement tort. En 2009, plus de 108 000 individus sont devenus Français par naturalisation, auxquels s’ajoutent 30 000 jeunes au titre du droit du sol. Nous sommes le premier pays d’Europe en matière d’accès à la citoyenneté. C’est une tradition française, et elle fonctionne.
Je reconnais toutefois qu’un certain nombre de difficultés administratives se posent ici ou là.
M. Jean-Jacques Hyest. C’est vrai !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. J’ai eu l’occasion d’évoquer cette question la semaine dernière lors d’un débat à l’Assemblée nationale. En tant qu’élu local, je suis également souvent interpellé pour faciliter un certain nombre de formalités.
Dans ce domaine, je défends l’idée selon laquelle nous devons nous fixer un certain nombre de critères, afin que les procédures se déroulent de manière sérieuse, car nous ne pouvons pas nous orienter vers des acquisitions automatiques de la nationalité française : cela n’aurait pas de sens.
Il suffit d’ailleurs d’observer la fierté des personnes qui ont rempli les conditions lors de la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française, célébrée en présence du sous-préfet en uniforme et du maire ceint de son écharpe. Cette pratique n’existait pas autrefois, elle résulte d’ailleurs d’une suggestion du Haut Conseil à l’intégration, qui a été reprise dans la loi. Ces cérémonies ont une vertu formidable, car les nouveaux citoyens ont le sentiment de voir récompensés un certain nombre d’efforts. (M. Yvon Collin approuve.) En revanche, je partage votre point de vue, madame Assassi, certains obstacles administratifs doivent toujours être surmontés.
Pour faire suite aux remarques de M. Charles Gautier, si nous ne pouvons pas nier que des progrès restent à réaliser dans le domaine des professions fermées aux étrangers, il faut tout de même relativiser ces critiques, dès lors que l’accès à la nationalité française est assez aisé. Certes, il est des cas particuliers où se posent des difficultés – nous en avons tous connu –, mais, en général, les personnes motivées peuvent les surmonter. À mon sens, la condition de nationalité reste donc justifiée pour l’accès à certaines professions et elle ne doit pas être jetée aux orties.
Monsieur Hyest, j’ai déjà répondu en partie à votre excellente intervention : vous avez rappelé un certain nombre d’exemples positifs, qui constituent de bons moteurs. Vous avez également souligné, à juste titre – cela ne nous étonne pas de la part du fin juriste que vous êtes ! –, le rôle essentiel que doit jouer la justice lorsque des discriminations sont avérées. Il faut parfois que le couperet tombe pour faire savoir que tout excès est susceptible d’être sanctionné.
M. Claude Jeannerot a évoqué avec raison la question, très importante aux yeux du Gouvernement, de la mixité sociale dans le logement. Pour autant, nul ne peut ignorer les difficultés techniques qui en freinent la mise en œuvre, surtout en situation de forte tension dans le logement social, comme c’est le cas en Île-de-France, qu’il a citée, mais également dans d’autres régions.
Monsieur Fouché, je crois, comme vous, en la mobilisation de tous. Vous interrogez le Gouvernement sur les mesures récentes en faveur des victimes de discriminations à raison du handicap dans le domaine de l’emploi. Je tiens à vous préciser que les dispositions réprimant les discriminations s’appliquent également en faveur des personnes handicapées, ainsi que des seniors.
S’agissant spécifiquement des personnes handicapées, l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle a été installé, vous le savez, le 11 février dernier. Il a pour mission d’assurer le suivi des progrès en matière d’accessibilité, de mettre en évidence les difficultés, de centraliser les bonnes pratiques, d’informer sur les normes d’accessibilité, et permettra une meilleure mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Votre collègue Sylvie Desmarescaux siège d’ailleurs au sein de cette instance, aux côtés de représentants d’associations de personnes handicapées ou à mobilité réduite.
Notre pays a fait de réels progrès dans un certain nombre de domaines, mais il reste bien du chemin à parcourir. Je pense notamment au secteur des transports ferroviaires et des transports publics urbains, ou à la scolarisation des enfants. Depuis l’adoption de la loi de 2005, le nombre d’enfants handicapés scolarisés a augmenté de 20 %, pour atteindre 180 000 aujourd’hui. Beaucoup a été fait également en matière d’information audiovisuelle en faveur des déficients auditifs.
L’essentiel de notre échange portait sur les discriminations liées à l’origine, mais il m’a paru bon d’aborder également la question du handicap dans notre débat.
Monsieur Antoinette, vous avez évoqué les discriminations dont sont victimes nos compatriotes ultramarins et vous avez en même temps reconnu, avec objectivité, qu’un certain nombre de mesures positives avaient été mises en œuvre. Toutefois, celles-ci ne sont pas suffisantes et de réelles difficultés subsistent, notamment des discriminations directes parfois difficiles à prouver ; tout ce que vous avez dit à ce sujet est vrai.
J’interviens dans ce débat au nom du Gouvernement, mais je n’oublie pas ma casquette de secrétaire d’État à la justice. À ce titre, je peux vous dire avec force que, chaque fois qu’un parquet est saisi, il diligente une enquête minutieuse et que nous portons évidemment une attention particulière à ces questions. Cependant, il n’est pas mauvais qu’une intervention comme la vôtre, sur ce sujet important, nous donne une piqûre de rappel. Je vous remercie donc de votre propos.
Monsieur Bourquin, je ne reviendrai pas sur l’ensemble de votre plaidoyer, que j’ai trouvé fort sincère et intéressant. Vous avez évoqué in fine la question des zones franches et de leurs effets pervers. À titre personnel, je ne peux pas vous donner tort, car je connais bien la question.
Le jugement global que je porte sur les zones franches est positif, parce qu’elles ont permis, depuis une quinzaine d’années, une réelle transformation, une amélioration économique, surtout quand on évalue le nombre d’emplois qui n’auraient pas été créés en leur absence. En la matière, chacun connaît son propre exemple ! Malgré tout, je ne peux pas nier l’existence de réels effets pervers, qui persistent encore aujourd’hui, alors que le but premier était de favoriser, notamment, l’embauche de jeunes issus des quartiers à proximité desquels sont situées ces nouvelles zones économiques. Vous avez eu raison de le rappeler.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je reconnais avoir été un peu long dans mon propos, mais vos interventions étaient très riches, et j’ai souhaité, en apportant les réponses les plus complètes possible, montrer toute l’importance que le Gouvernement accorde à ce débat.
Sur toutes ces questions, le Gouvernement, avec le soutien de la majorité, a fait preuve d’une grande sensibilité. Nous ne sommes pas dans une situation où les uns pourraient faire la leçon aux autres, car nous partageons les mêmes valeurs républicaines et la même conviction : il faut combattre les discriminations, car la diversité française est une force, à condition de poursuivre le travail déjà entamé !
Le Gouvernement de la République, grâce à un certain nombre de mesures qu’il a engagées et amplifiées, a accompli d’ores et déjà un chemin important : il entend bien le poursuivre, dans l’esprit que je viens de rappeler. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. En application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 1er avril 2010 :
À neuf heures trente :
1. Débat sur les conséquences de la sécheresse de 2003.
À quatorze heures trente :
2. Question orale avec débat n° 55 de M. Jean-Claude Danglot à M. le ministre chargé de l’industrie sur l’avenir de l’industrie du raffinage en France.
« M. Jean-Claude Danglot attire l’attention de M. le ministre chargé de l’industrie sur l’avenir du raffinage en France et sur la nécessité de maintenir cette activité industrielle dans notre pays.
« Alors que le Gouvernement prône la revitalisation de l’industrie française, qui a perdu 100 000 emplois depuis janvier 2009, et l’indépendance énergétique, le groupe Total a annoncé qu’il ne procéderait pas à la révision des installations, procédure préalable à l’autorisation d’exploitation. Cette décision qui touche la raffinerie des Flandres de Dunkerque-Mardyck relance les inquiétudes qui pèsent sur l’avenir de la raffinerie des produits pétroliers en France. Cette fermeture reportée de manière éhontée par le groupe pétrolier pour cause d’élections régionales, dans le plus grand mépris de ses salariés, est sans aucun doute le premier acte d’un désengagement plus large du marché du raffinage.
« La suppression des sites de raffinage entraînerait non seulement des effets désastreux dans le domaine de l’emploi, mais priverait également notre pays d’un outil industriel de première importance pour la politique énergétique.
« En effet, la construction de nouvelles unités de raffinage ou la délocalisation des sites nationaux dans les pays producteurs pose des difficultés stratégiques en termes d’indépendance énergétique. Le coût du transport des produits raffinés est beaucoup plus élevé que celui du pétrole brut. De plus, on peut légitimement s’inquiéter des risques de délocalisation pour la pétrochimie, très dépendante de l’industrie du raffinage et des prix des matières premières issues du pétrole. L’entreprise GPN, filiale de Total usine chimique située à Mazingarbe dans le Pas de Calais, est un exemple des répercussions de la politique du groupe sur une large palette d’activités industrielles. La cession de l’usine chimique à l’espagnol Maxam risque d’entraîner la suppression de soixante-quatorze emplois directs.
« Enfin, au moment où le Gouvernement met l’accent sur le développement durable, il devrait peser le coût environnemental, en termes de transports, de la délocalisation des activités de raffinage.
« Il souhaiterait donc connaître les intentions concrètes du ministre chargé de l’industrie afin de relancer l’activité industrielle de raffinage en France. Il souhaiterait également connaître les actions qu’il entend mener pour que le groupe pétrolier Total adopte des choix conformes aux intérêts sociaux, économiques et environnementaux de la France. »
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART