M. le président. L'amendement n° 52, présenté par Mmes Assassi et Gonthier-Maurin, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au premier alinéa de l'article 1599 octies du code général des impôts, le chiffre : « 1 » est remplacé par le chiffre : « 2 ».
II. - Les pertes éventuelles de recettes découlant pour l'État de l'application du I. sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. L'article 1599 octies du code général des impôts instaure une taxe de 1 % complémentaire à la taxe locale d’équipement, versée à la région d’Île-de-France. Cette taxe est assise et recouvrée selon les mêmes modalités et sous les mêmes sanctions que la taxe locale d’équipement. Le produit de la taxe complémentaire est affecté au financement d’équipements collectifs liés aux programmes de construction de logements.
La liste des communes concernées par cette taxe comprend Paris, la totalité des communes de la petite couronne et les communes des départements de la grande couronne situées, de manière objective, dans le périmètre de l’agglomération parisienne. Notons aussi que toutes les communes du périmètre de l’opération de Saclay sont comprises dans la liste publiée par arrêté et codifiée dans l’annexe du code général des impôts.
Mes chers collègues, la région parisienne a été largement victime, du point de vue de ses ressources, de la réforme des finances locales introduite en loi de finances initiale pour 2010. C’est donc dans le souci de lui donner les moyens de jouer encore mieux son rôle dans l’aménagement urbain que nous vous proposons de procéder au doublement du taux de la taxe complémentaire. Seront ainsi mis sur la table quelques moyens supplémentaires pour développer les équipements publics et réussir l’aménagement des territoires d’Île de France.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. La commission émet également un avis défavorable sur cet amendement, qui vise à doubler la taxe complémentaire à la taxe locale d’équipement perçue au profit de la région d’Île-de-France.
Nous allons examiner tout à l’heure un amendement du Gouvernement prévoyant une affectation à la région d’une partie de la taxe sur les plus-values immobilières. Cela me paraît préférable au doublement d’une taxe à laquelle sont assujettis l'ensemble des habitants des communes concernées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 50, présenté par Mmes Assassi et Gonthier-Maurin, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À la première phrase du deuxième alinéa de l'article 1607 bis du code général des impôts, le chiffre : « 20 » est remplacé par le chiffre : « 30 ».
II. - Les pertes éventuelles de recettes découlant pour l'État de l'application du I. sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. L’objectif principal du projet de loi réside donc dans la création d’une nouvelle infrastructure de transport, financée par la puissance publique via la Société du Grand Paris, qui trouvera elle-même ses financements par le biais d’une valorisation des terrains situés à proximité du tracé.
De ce fait, nous estimons que les modes de financements esquissés par le texte ne permettront en rien d’inverser la spirale spéculative et ségrégative prévalant aujourd’hui, qui pousse toujours plus loin du centre les couches populaires.
Cela nous renvoie pourtant à un enjeu majeur, malheureusement à peine effleuré par ce texte : je veux parler de la question de la mixité sociale au sein de l’Île de France.
Permettre aujourd’hui, comme le préconise l’article 1er, la création de 70 000 logements doit nous amener à analyser plus finement les problématiques auxquelles sont confrontés aujourd’hui les constructeurs de logements publics.
Ainsi, nous dénonçons depuis de nombreuses années toutes les mesures législatives relatives à la politique de l’habitat qui se sont succédé, depuis la réforme Barre jusqu’aux lois les plus récentes. Toutes ont eu pour but, et pour effet, non seulement de dégager l’État de ses missions, mais également de réintégrer la sphère du logement, du foncier et de l’immobilier dans les logiques de « profitabilité ».
Cette marchandisation à outrance conduit désormais à considérer le logement comme un simple bien de consommation ou comme un objet de spéculation.
Le projet du Grand Paris entre totalement dans cette logique de spéculation foncière, qui ne permet pas de faire du logement adapté socialement et géographiquement, contrairement à ce que proclame l’article 1er. Pourtant, d’autres logiques pourraient être impulsées dans ce cadre, conduisant à prendre de véritables mesures.
Ainsi, dans la mesure où l’acquisition des terrains reste, nous le savons, un poste important dans le montage d’une opération de construction de logements, il convient de renforcer l’activité de l’établissement public foncier d’Île de France, notamment par une mission de « portage », capable tout à la fois d’indemniser à leur juste valeur les propriétaires vendeurs et de mettre les terrains acquis à la disposition des organismes constructeurs de logements dits « sociaux ».
Une telle démarche, qui permettrait, grâce à cet outil, de construire du logement public en centre-ville, donnerait le signe d’un engagement fort afin de lutter concrètement contre les déséquilibres sociaux et territoriaux sur le territoire francilien.
Pour rendre cette mission possible, nous proposons, par le présent amendement, d’augmenter le plafond de la taxe spéciale d’équipement perçue par l’Établissement public foncier d’Île de France, afin d’accroître ses ressources et, donc, sa capacité d’intervention.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Monsieur Vera, le produit de la taxe spéciale d’équipement perçue au profit de chacun des trois établissements publics fonciers que compte la région parisienne – celui de l’Île-de-France, que vous avez évoqué, celui des Hauts-de-Seine et celui des Yvelines – se situe à un niveau extrêmement faible, bien éloigné du plafond de vingt euros.
Je suis donc réticent devant votre proposition de porter ce plafond à trente euros. L'objectif que nous nous sommes efforcés de rechercher au travers des mesures fiscales prévues dans ce texte, notamment à l'article 9bis, est de taxer les seuls contribuables percevant directement une plus-value au moment des opérations d’aménagement, ce qui est tout à fait logique et conforme aux dispositions votées par le Sénat à l’occasion de l'examen du projet de loi portant engagement national pour l'environnement, dit Grenelle II.
La taxe spéciale d’équipement perçue au profit des établissements publics fonciers pèse sur la totalité des contribuables d’Île-de-France, quelle que soit leur localisation. En majorant son plafond, vous autorisez donc ces établissements à augmenter leur niveau de taxation sur l'ensemble de la région. C’est une mesure à mon sens trop générale.
Nous avons eu de nombreuses informations sur le fonctionnement actuel des trois établissements publics fonciers. À l’heure actuelle, ils s’efforcent de coordonner leurs opérations, trouvent des terrains, en achètent certains.
Il n’est vraiment pas souhaitable d’accompagner la création de la Société du Grand Paris d’une augmentation de la fiscalité pesant sur l'ensemble des contribuables de la région. Au contraire, mieux vaut faire contribuer les bénéficiaires directs des opérations d’aménagement des gares et de développement de ces nouveaux contrats de développement territorial.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 9 bis (nouveau)
Le E du paragraphe II de la section 7 du chapitre Ier du titre Ier de la deuxième partie du livre Ier du code général des impôts est complété par un article 1530 bis ainsi rédigé :
« Art. 1530 bis. – I. – Il est institué une taxe forfaitaire sur le produit de la valorisation des terrains nus et des immeubles bâtis résultant, sur le territoire de la région d’Île-de-France, des projets d’infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris défini à l’article 2 de la loi n° du relative au Grand Paris. Cette taxe est exigible pendant quinze ans à compter de la date de publication ou d’affichage de la déclaration d’utilité publique de ces projets.
« La taxe est affectée au budget de l’établissement public '' Société du Grand Paris '' créé par la loi n° du précitée.
« II. – La taxe s’applique aux cessions à titre onéreux des terrains nus et des immeubles bâtis et aux cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière définies au I de l’article 726 représentatives de ces immeubles qui figurent dans un périmètre arrêté par l’État. Ce périmètre ne peut s’éloigner de plus de 1 500 mètres d’une entrée de gare.
« Sont exclus du champ de la taxe :
« 1° Les premières ventes en l’état futur d’achèvement et les premières ventes après leur achèvement d’immeubles bâtis, visées au b du 1 du 7° de l’article 257 ;
« 2° Les ventes de terrains aménagés dans le cadre d’une zone d’aménagement concerté, d’un permis d’aménager ou d’une association foncière urbaine autorisée et les ventes de terrains assujettis à la taxe sur la cession des terrains devenus constructibles prévue par l’article 1529 ;
« 3° Les transferts de propriété opérés dans des conditions prévues par l’article L. 12-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;
« 4° Les terrains et bâtiments vendus par Réseau ferré de France.
« III. – La taxe est due par les personnes physiques et les sociétés ou groupements soumis à l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés et par les contribuables qui ne sont pas fiscalement domiciliés en France assujettis à l’impôt sur le revenu, soumis au prélèvement obligatoire dans les conditions prévues par l’article 244 bis A.
« IV. – La taxe est assise sur un montant égal à 80 % de la différence entre, d’une part, le prix de vente stipulé dans l’acte de cession et, d’autre part, le prix d’achat stipulé dans l’acte d’acquisition augmenté des coûts, supportés par le vendeur, des travaux de construction autorisés, ainsi que des travaux ayant pour objet l’amélioration de la performance thermique de l’immeuble. Le prix d’acquisition ainsi que le montant des travaux de construction autorisés ou ayant eu pour objet l’amélioration de la performance thermique de l’immeuble sont actualisés en fonction du dernier indice du coût de la construction publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques.
« La plus-value calculée dans les conditions fixées au premier alinéa du présent IV est diminuée du montant de la plus-value imposée en application des articles 150 U à 150 VH.
« Le taux de la taxe est de 15 %.
« Le montant exigible de la taxe ne peut excéder 5 % du prix de cession.
« La taxe est exigible uniquement lors de la première cession intervenue après la date d’entrée en vigueur prévue au I.
« V. – Une déclaration conforme à un modèle établi par l’administration est déposée lors de l’enregistrement de l’acte de cession dans les conditions prévues par l’article 1529. Lorsqu’aucune plus-value, calculée selon les modalités prévues au IV du présent article, n’est constatée, aucune déclaration ne doit être déposée. L’acte de cession soumis à la formalité fusionnée ou présentée à l’enregistrement précise, sous peine du refus de dépôt ou de la formalité d’enregistrement, les fondements de cette absence de taxation.
« VI. – La taxe est versée lors du dépôt de la déclaration prévue au V, dans les conditions prévues par l’article 1529.
« VII. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article et prévoit les conditions dans lesquelles, pour des motifs d’ordre social, certaines cessions d’immeubles ou certaines zones sont exonérées de la taxe. »
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l'article.
Mme Nicole Bricq. Soucieuse de crédibiliser, sur le plan financier, le projet de transport du Grand Paris, la commission spéciale, soutenue par le Gouvernement, a introduit cet article 9 bis et instauré une taxe forfaitaire sur le produit de la valorisation foncière issue de la réalisation du métro automatique de grande capacité.
Or cette solution de financement est précisément celle qu’avait écartée la mission Carrez, en invoquant deux raisons.
La première, et nous pouvons tous nous rejoindre sur ce point, est qu’aucune évaluation sérieuse du produit de cette taxe n’a jamais pu être établie. M. Carrez lui-même, lors de son audition par la commission spéciale, a jugé son montant très variable, entre un milliard et 2 milliards d’euros sur l'ensemble de la période, c'est-à-dire entre 100 millions et 200 millions d’euros les bonnes années. Par conséquent, le chiffrage de la mesure est très difficile.
La seconde raison mérite toute notre attention eu égard, notamment, à la liberté laissée aux collectivités territoriales. Voici ce que M. Carrez a déclaré devant la commission : « Il faut laisser aux collectivités la liberté d’affecter cette ressource aux projets de leur choix, équipements publics ou logements sociaux en particulier ; l’État ne devrait pas décider unilatéralement d’une forme de "préemption" de la valorisation foncière en faveur du réseau de transport. » C’est aussi une question de principe.
Je veux revenir sur la nécessaire fluctuation de cette taxe, à laquelle vous avez à l’instant fait référence, monsieur le rapporteur, lorsque vous avez indiqué qu’elle avait été instaurée pour le reste de la France dans le projet de loi Grenelle II. Notre collègue Roland Ries, s’exprimant au nom du groupe socialiste, avait déjà fait part de ses doutes quant au rendement financier à en attendre.
Le produit de la taxe sera effectivement très variable dans la mesure où il dépendra des fluctuations du marché de l’immobilier, par nature cyclique. Sur un cycle de quinze ans, durée pendant laquelle la taxe est censée être instituée, comment pouvons-nous faire le pari qu’il n’y aura pas de retournement du marché ? Ce dernier a tout de même subi une chute de 10 % en 2009.
Je rappelle du reste que la prolongation du métro des Docklands, à Londres, devait, au départ, être intégralement financée par ce type de recette. Mais la conjoncture en a décidé autrement : les travaux ayant été engagés alors que le marché de l’immobilier s’effondrait, aucune transaction ne s’est concrétisée et les pouvoirs publics ont dû prendre le relais en assurant un financement budgétaire classique.
En outre, il est prévu de rendre cette taxe exigible dans un rayon de 1 500 mètres autour d’une gare, ou de 800 mètres si l’on prend en compte l’amendement du Gouvernement que nous allons bientôt examiner. Or, dans sa note de mars 2009 sur ce sujet, le Centre d’analyse stratégique se montre pour le moins sceptique, car la construction d’une nouvelle gare peut aussi entraîner des nuisances et faire subir des moins-values au patrimoine foncier situé à proximité. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ne raisonnons pas uniquement en termes de plus-values !
Se pose également la question, plus technique, mais tout aussi importante, dont nous avons débattu en commission, du taux de cette taxe, fixé à 15 %. Si la plus-value est réellement liée à la réalisation de l’infrastructure de transport et aux aménagements effectués dans leur périmètre, c'est-à-dire à l’ampleur des investissements publics, alors un taux plus élevé sera parfaitement justifié,
M. Braye a lui-même plaidé en commission en faveur d’une refonte de la taxe, au motif que son produit est vraiment trop aléatoire. Il faut en effet bien comprendre que le taux réellement applicable ne sera pas forcément de 15 %, puisque le produit de l'impôt payé est plafonné à 5 % du prix de cession.
M. Jean Desessard. Absolument !
Mme Nicole Bricq. Au demeurant, monsieur le secrétaire d'État, en proposant généreusement de créer une taxe similaire au profit du STIF, vous allez en fait accentuer le plafonnement, car, dorénavant, c’est le cumul des deux taxes qui ne pourra pas dépasser 5 % du prix de cession : le manque à gagner sera alors réparti entre la SGP et le STIF. Or ce dernier devra, en plus du plan de mobilisation pour les transports qu’il réalisera quoi qu’il arrive, assurer le maillage et les liaisons avec les gares du métro automatique. Par conséquent, la recette que vous préconisez ne saurait satisfaire les besoins des Franciliens.
Enfin, l’instauration de la taxe sur la valorisation foncière risque, dans les faits, de se retourner contre les collectivités territoriales, puisqu’elles céderont leurs biens à des aménageurs. Ces derniers, conscients du coût de la taxe qu’ils devront assumer lors de la revente du bien, n’hésiteront pas, comme ils nous l’ont fait savoir lors de leur audition, à faire pression sur les collectivités pour diminuer le prix de vente, au moins en partie, en fonction de la charge fiscale qui leur sera imposée.
Voilà pourquoi la taxe sur les plus-values ne peut être considérée comme la recette miracle pour financer les projets de transports nécessaires en Île-de-France.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est sûr!
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.
M. Bernard Vera. L’objet fiscal que l’on a décidé de créer avec cet article 9 bis est assez nettement porteur d’un fort potentiel de rendement, eu égard à son assiette, relativement large, et aux différentes opérations qui vont y être soumises.
Il est de notoriété publique que la réalisation d’infrastructures de transports publics de qualité, souvent utiles pour ce qui est des déplacements mêmes de la population, est un facteur évident de valorisation immobilière, qu’il s’agisse des ventes comme des locations. Le produit de cette taxe, instaurée dans le projet de loi sur la suggestion de M. le rapporteur, viendrait alimenter la Société du Grand Paris, qui en aura évidemment bien besoin, et ce pour deux raisons : d'une part, son existence devient source évidente de gaspillage et de chevauchement de responsabilités, comme je l’ai déjà souligné ; d'autre part, et surtout, c’est le fondement même de l’activité de cette société qui pose problème.
S’il fallait seulement nous convaincre qu’une partie des infrastructures de transports, comme des équipements publics, seront réalisés sous la forme de partenariats public-privé, ou PPP, cette taxe en apporterait la preuve.
On crée en effet avec cet article 9 bis un outil essentiel de financement, appelé d’ailleurs à croître assez rapidement, au regard de l’appel de fonds exigé par le montage financier des opérations, notamment par le recours aux PPP.
Comme l'article prévoit expressément que seront visées les opérations menées sur les terrains à bâtir, les terrains nus, notamment ceux qui ont changé d’affectation, ce sont effectivement des sommes importantes qui alimenteront les comptes de la Société du Grand Paris.
Notons, enfin, que l’un des principaux défauts du dispositif prévu à cet article réside dans son caractère éminemment peu péréquateur. C’est la SGP qui percevra le produit de la taxe, et pas les communes, ni les départements, ni les structures de coopération parfois investies de la compétence « aménagement du territoire », et ce alors même que la péréquation est plus que jamais indispensable en Île-de-France pour résoudre les inégalités territoriales et les discriminations dont la spatialisation s’accentue et tend à devenir pérenne.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 54 est présenté par Mmes Assassi et Gonthier-Maurin, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 98 est présenté par MM. Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau et Vall.
L'amendement n° 110 est présenté par M. P. Dominati.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera, pour défendre l'amendement n° 54.
M. Bernard Vera. Dans l’intervention que je viens de faire, j’ai eu l’occasion de pointer quelques-uns des motifs qui nous amènent à rejeter les termes de cet article 9 bis.
En effet, si l’on peut comprendre qu’une taxe soit créée sur les plus values issues de la valorisation des biens immobiliers et fonciers situés à proximité des gares du Grand huit, on ne peut pas admettre que cette taxe soit dévolue en totalité à la société du Grand Paris, dont nous avons largement dénoncé les défauts originels.
Même si nous pouvons mettre au crédit de M. Fourcade d’être attentif à la taxation des plus values, nous ne pouvons le suivre sur ce point, alors même que la péréquation, dans la région d’Île-de-France, est une notion de plus en plus rare, dont l’existence est même menacée.
La suppression de la taxe professionnelle a en effet créé les conditions de la disparition de facto des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle et, dans le cas de la région d’Île-de-France, du fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France. Alors même que nous pourrions disposer, avec la taxation des plus values issues de la valorisation des opérations menées autour des gares du super métro, d’un outil de péréquation finalement adapté, voilà donc que nous nous en privons !
Puisque les plus values découlant de la mise en œuvre du projet de loi sont appelées à se manifester, autant en apporter le produit à la région d’Île-de-France ! Cela lui permettrait de mener son action en faveur de tous les territoires franciliens, qu’il s’agisse de ceux qui seront portés par la réalisation du Grand huit ou des autres, dont le développement doit disposer de moyens adéquats.
Dès lors, mes chers collègues, nous ne pouvons que vous proposer soit la suppression pure et simple de cet article 9 bis, soit l’affectation du produit de la taxe qu’il crée au budget régional.
M. le président. Les amendements nos 98 et 110 ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 54 ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Cette taxe spécifique a été adoptée par le Sénat, avec l’accord du Gouvernement, dans le projet de loi Grenelle II. Vu qu’il s’agissait d’une application directe du Grenelle de l’environnement, et que cette taxe a été créée dans une certaine urgence, j’ai demandé, dans le cadre de mes activités de rapporteur, à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, d’étudier avec son cabinet le phasage précis et l’organisation de cette taxe, d’où l’amendement du Gouvernement qui viendra préciser, réduire ou déplacer un certain nombre d’éléments, comme je l’expliquerai dans le cours du débat.
Aujourd’hui, cette taxe est donc opérationnelle. Elle ne frappe que ceux qui bénéficieront de plus values sur les prix de cession des immeubles et des terrains – sauf la première vente, puisque celle-ci constitue, dans le cadre d’une ZAC ou d’un projet d’aménagement, le point de départ de l’opération.
À ce stade, permettez-moi d’apporter trois précisions.
Premièrement, quand on annonce un équipement important dans une zone dense, le prix du terrain double, et quand on réalise l’opération, il double encore : on passe donc de 100 à 400. Dans une zone peu dense – une friche ou une zone agricole, par exemple –, le prix du terrain est multiplié par huit entre l’annonce et la fin de l’opération. C’est pourquoi la plupart des pays développés sur le plan fiscal, notamment les pays scandinaves, mettent en œuvre depuis très longtemps un tel mécanisme.
Deuxièmement, il ne faut pas que la taxe soit confiscatoire. En effet, toutes les sociétés de promoteurs immobiliers, qui nous inondent de courrier, m’écrivent que, si cette taxe est confiscatoire, « ça va les tuer », « il n’y aura pas d’investissements », et ainsi de suite. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Dallier. Comme d’habitude !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Par conséquent, si nous prenons comme base de taxation non pas la totalité de l’écart entre le prix d’achat et le prix de vente, majoré ou minoré de tous les éléments accessoires, mais seulement 80% de cette base, et que nous taxons ces 80% à 15%, il reste tout de même un élément de plus value. Cela permet d’éviter un effet de blocage, qui pourrait faire monter le coût du foncier et stopper un certain nombre d’opérations.
Troisièmement, le Gouvernement nous a présenté un amendement que la commission spéciale a accepté et qui sera bientôt examiné consistant à affecter la taxe à la Société du Grand Paris chaque fois que c’est la Société du Grand Paris qui réalise une opération de grand équipement en matière de transports, et à la région, qui peut la sous-affecter au STIF, chaque fois que c’est la région qui fait une telle opération d’équipement, un plafond étant fixé à 5 % du produit total de la cession.
Ainsi, ce n’est pas quinze plus quinze…
Mme Nicole Bricq. C’est trente !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Non, c’est quinze pour les opérations faites par la société du Grand Paris, et quinze pour les opérations faites par le conseil régional pour son propre compte.
L’égalité est donc assurée. Il n’y a pas de partage du produit de la taxe, mais il y a 15 % pour les opérations de chaque organisme : la Société du Grand Paris d’un côté, la région de l’autre. Tel est le sens de l’amendement du Gouvernement.
Bien entendu, il n’est pas question de penser que le produit de cette taxe financera la totalité des 21 milliards de l’emprunt. Cependant, tous les experts reconnaissent que cette taxe, surtout si elle est prolongée sur une assez longue période, vu qu’elle ne rapportera pas grand-chose au début, pourra fournir quelques milliards d’euros de recettes à la Société du Grand Paris et sans doute quelques centaines de millions, voire un milliard d’euros, à la région d’Île-de-France, lorsque celle-ci réalisera des opérations importantes telles que le prolongement d’un grand équipement.
Je crois donc qu’il serait tout à fait irresponsable de supprimer cette taxe qui correspond exactement à l’esprit du Grenelle et qui va dans le sens de ce que le Sénat a voté.
C’est pourquoi je suis défavorable à l’amendement de mon éminent collègue M. Bernard Vera.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. M. le rapporteur nous a convaincus de l’efficacité et de la lisibilité du mécanisme qu’il a introduit à l’article 9 bis.
Mme Nicole Bricq. Pas nous !