compte rendu intégral
Présidence de M. Guy Fischer
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Pierre Godefroy,
M. Marc Massion.
1
Procès-verbal
M. le président. Le procès-verbal de la séance du vendredi 9 avril 2010 a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, je vous demande de bien vouloir transmettre au président du Sénat la requête solennelle suivante : qu’il fasse en sorte que soit levée la procédure accélérée sur le projet de loi relatif au Grand Paris, dont la Haute Assemblée va reprendre la discussion dans quelques instants.
Je pense en effet que, de par la Constitution, le président du Sénat a la possibilité de demander, en accord avec le président de l’Assemblée nationale, la levée de la procédure accélérée.
Le rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale a fait remarquer que la version du Sénat était profondément différente de celle que les députés avaient adoptée. Dans ces conditions et compte tenu de la complexité du sujet, l’examen de ce projet de loi ne saurait s’achever par la réunion d’une commission mixte paritaire, dont la date a, du reste, été d’ores et déjà repoussée. Les parlementaires, en particulier les députés, doivent pouvoir continuer à débattre.
Sur ce texte comme sur d’autres, rien n’impose le recours à la procédure accélérée. Les membres du groupe CRC-SPG souhaitent donc la levée de cette procédure, utilisée d’ailleurs un peu trop souvent et sans que cela soit justifié.
M. le président. Ma chère collègue, je ne manquerai pas de transmettre votre demande à M. le président.
Cependant, je vous précise que la procédure accélérée, une fois qu’elle a été engagée, ne peut pas être annulée ; le Gouvernement peut seulement décider d’y renoncer.
3
Décès d'un ancien sénateur
M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Gilbert Devèze, qui fut sénateur de l’Aisne de 1971 à 1980.
4
Remplacement d'un sénateur
M. le président. M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales a fait connaître au Sénat que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, Mme Christiane Longère remplace, en qualité de sénateur de la Loire, M. Michel Thiollière, nommé vice-président de la Commission de régulation de l’énergie.
Son mandat a débuté le samedi 17 avril 2010 à zéro heure.
En ce premier jour de reprise de nos travaux et au nom du Sénat, je lui souhaite une cordiale bienvenue.
5
Saisine du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil Constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 avril 2010 par plus de soixante députés d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
6
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé M. le président du Sénat que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel quatre décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité : trois décisions, le 14 avril, et une décision, le 23 avril.
Le texte de ces quatre décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
7
Organisme extraparlementaire
M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’administration de la société France Télévisions.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission de la culture, de l’éducation et de la communication à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
8
Dépôt de rapports du Gouvernement
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit :
- le rapport sur la mise en application de la loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale ;
- le rapport sur la mise en application de la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte et de la loi n° 2009-970 du 3 août 2009 relative à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et portant ratification d’ordonnances.
M. le Premier ministre a également transmis au Sénat le rapport sur les conditions d’application de la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, établi en application de l’article 16 de ladite loi.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Le premier a été transmis à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; les deux suivants à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Ils sont disponibles au bureau de la distribution.
9
Grand Paris
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris (projet de loi n° 123, texte de la commission n° 367, rapport n° 366).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au titre V.
Titre V
DISPOSITIONS RELATIVES À LA CRÉATION D’UN PÔLE SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE SUR LE PLATEAU DE SACLAY
Chapitre Ier
Dispositions relatives à l’établissement public de Paris-Saclay
Article additionnel avant l'article 20
M. le président. L'amendement n° 185 rectifié bis, présenté par M. Vera, Mmes Assassi, Gonthier-Maurin et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai de six mois après la promulgation de la loi n° ... du ... relative au Grand Paris, un rapport sur l'impact des projets envisagés concernant l'aménagement du plateau de Saclay sur son réseau hydrographique. Ce rapport doit avoir démontré l'absence d'effet dommageable sur le réseau hydrographique du plateau et dans les vallées concernées par l'écoulement des eaux du plateau avant de réaliser les aménagements envisagés.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement vise à soulever un problème spécifique au plateau Saclay et qui concerne son réseau hydrographique. J’ai déjà fait allusion à ce point lors de la discussion générale.
Alors que le texte issu de l’Assemblée nationale, ne faisant référence qu’à « la pérennité du patrimoine hydraulique », ignorait presque totalement cette question, la commission spéciale s’en est davantage emparée, précisant à l’article 21 que, « dès lors que des projets d’urbanisation affectent l’écoulement des eaux superficielles ou souterraines, l’établissement public de Paris-Saclay prend les mesures permettant le maintien de l’équilibre hydrographique du plateau de Saclay ».
Cette question est essentielle sur le plateau de Saclay. C’est pourquoi j’ai choisi de l’aborder en amont des dispositions de l’article 21.
Nous connaissons déjà les projets que le Gouvernement envisage de réaliser sur ce plateau. Nous pouvons donc anticiper, sans attendre la création d’un établissement public. De plus, nous savons que la seule implantation d’une gare, indépendamment de celle d’entreprises ou de grandes écoles, accroîtra l’urbanisation, ce qui ne manquera pas d’entraîner une imperméabilisation des terrains agricoles ou simplement naturels du plateau, laquelle provoquera une augmentation du volume des eaux de ruissellement, augmentation qu’il faudra bien gérer.
Actuellement, les eaux de pluie qui tombent sur le plateau sont acheminées vers la Bièvre ou l’Yvette, dans la vallée. Grâce à un système de drainage des terrains, l’arrivée des eaux dans la Bièvre est retardée, ce qui permet de lutter contre les inondations de la vallée, cette rivière ne pouvant plus recevoir une goutte d’eau supplémentaire.
Dans ces conditions, vous comprenez l’importance de la gestion des eaux de pluie sur le plateau et l’enjeu de tout projet d’urbanisation.
Notre inquiétude est d’autant plus légitime que, l’expérience l’a prouvé, les travaux routiers qui ont été exécutés sur le plateau au cours des dernières décennies sans réelle prise en compte de l’écoulement des eaux superficielles ou souterraines ont provoqué des ruptures irréparables de la continuité hydraulique.
Avec ce projet de loi, le Gouvernement lance une opération de grande envergure de réaménagement de l’Île-de-France autour d’une ligne automatique de métro, mais aucun bilan des coûts et des avantages n’a été réalisé. Que ce soit sur le plateau de Saclay ou sur l’ensemble de l’Île-de-France, le Gouvernement n’a pas pris en compte les coûts collectifs des mesures prévues par ce projet de loi : l’exemple du réseau hydraulique du plateau de Saclay l’illustre parfaitement.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe CRC-SPG ont jugé nécessaire de présenter cet amendement avant même que nous n’examinions les articles du titre V.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission spéciale. Mes chers collègues, à titre exceptionnel, j’exercerai momentanément les fonctions de rapporteur, notre collègue Jean-Pierre Fourcade étant retenu par un impératif majeur ; mais il nous rejoindra au cours de l’après-midi.
Je me permettrai d’abord de demander à nos collègues de la région parisienne de bien vouloir rappeler au président Huchon que, lors de son audition par la commission spéciale, cette dernière était présidée non par Jean-Pierre Fourcade, mais par un Bourguignon, à savoir moi-même. (Sourires.) Bien sûr, l’erreur a peut-être été commise par le journal Les Échos lorsqu’il a rapporté les propos M. Huchon ! Si tel n’est pas le cas, je peux comprendre que l’attention de celui-ci se soit plus portée sur Jean-Pierre Fourcade, qui a sans aucun doute une meilleure connaissance de la région parisienne qu’un Bourguignon. (Nouveaux sourires.) Cela étant, je crois pouvoir dire que, au fil des débats sur ce projet de loi, je vais devenir un véritable spécialiste du Grand Paris. Je pourrai même donner, dans ma région, des conférences sur le sujet, décrivant les différentes sensibilités qui se sont exprimées... (Nouveaux sourires.)
En tout cas, les Parisiennes et les Parisiens doivent savoir que la province aimerait bien bénéficier d’un tel projet. Elle pourrait même concevoir des projets permettant de relier, et pour moins de 21 milliards d'euros, l’Atlantique à la Suisse ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mes chers collègues, je ne crois pas avoir été jusqu’à présent trop bavard, que ce soit en commission ou en séance publique.
M. David Assouline. Peut-être, mais là, c’est du bavardage !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission spéciale. Je me suis surtout soucié du bon déroulement de nos travaux et j’ai tenu à ce que chacun puisse s’exprimer comme il l’entendait.
J’en viens à l’amendement n° 185 rectifié bis. La commission considère que le dispositif proposé est inopportun : il entre dans les compétences de l’établissement public de Paris-Saclay de préserver le patrimoine hydraulique du plateau de Saclay et une mission spécifique consistant à prendre les mesures permettant le maintien de l’équilibre hydrographique lui incombe dans l’hypothèse où des projets d’urbanisation affecteraient l’écoulement des eaux.
Je ne suis pas un spécialiste de l’hydraulique dans la région parisienne, mais je me suis beaucoup occupé de ce sujet dans mon département et je sais qu’il doit être pris en compte lors de toute opération d’urbanisation.
Quoi qu’il en soit, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale. Mesdames, messieurs les sénateurs, les projets d’aménagement sur le plateau de Saclay sont conçus pour s’étaler sur plusieurs années, ce qui a justifié une assistance à maîtrise d’œuvre. Le cabinet de M. Michel Desvigne, architecte paysagiste de renom international, a été retenu, au terme d’un appel d’offres de la mission de préfiguration de l’établissement public de Paris-Saclay, pour accompagner ses projections et ses travaux pendant six ans, soit jusqu’au terme de cette convention.
Comme l’indiquait le président Emorine, la proposition présentée par M. Vera paraît peu réaliste, d’autant que le Parlement peut demander à chaque instant toutes informations utiles sur les réalisations prévues sur le plateau de Saclay.
En conséquence, le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. L’étude d’impact des dispositions que nous examinons, notamment sur le plan environnemental, a été très insuffisante et l’inscription dans le projet de loi de l’obligation d’évaluation environnementale du réseau de transport d’intérêt national du Grand Paris, sous la forme retenue, n’est pas satisfaisante au regard des textes. Cette évaluation doit en effet être préalable.
Ainsi, l’article 4 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement précise : « L’évaluation environnementale visée à l’article 3 est effectuée pendant l’élaboration du plan ou du programme et avant qu’il ne soit adopté ou soumis à la procédure législative. »
C’est la raison pour laquelle notre amendement, qui demande une étude préalable à tout projet d’urbanisation du plateau de Saclay, me semble tout à fait justifié.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 185 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 20 et annexe A
Il est créé un établissement public de l’État à caractère industriel et commercial, dénommé : « Établissement public de Paris-Saclay ».
Il a pour objet l’impulsion et la coordination du développement du pôle scientifique et technologique du plateau de Saclay, ainsi que son rayonnement international.
Il exerce ses missions dans les communes dont la liste figure dans l’annexe A à la présente loi. Le périmètre d’intervention de l’établissement peut être modifié par décret en Conseil d’État, après consultation des organes délibérants des communes et établissements publics de coopération intercommunale territorialement concernés.
ANNEXE A
LISTE DES COMMUNES INCLUSES DANS LE PÉRIMÈTRE D’INTERVENTION DE L’ÉTABLISSEMENT PUBLIC DE PARIS-SACLAY
Communes du département de l’Essonne :
Ballainvilliers
Bièvres
Bures-sur-Yvette
Champlan
Chilly-Mazarin
Épinay-sur-Orge
Gif-sur-Yvette
Gometz-le-Châtel
Igny
Linas
Longjumeau
Longpont-sur-Orge
Marcoussis
Massy
Morangis
Montlhéry
Nozay
Orsay
Palaiseau
Saclay
Saint-Aubin
Saulx-les-Chartreux
Les Ulis
Vauhallan
Villebon-sur-Yvette
La-Ville-du-Bois
Villejust
Villiers-le-Bâcle
Wissous
Communes du département des Yvelines :
Bois-d’Arcy
Buc
Châteaufort
Le Chesnay
Élancourt
Fontenay-le-Fleury
Guyancourt
Jouy-en-Josas
Les-Loges-en-Josas
Magny-les-Hameaux
Montigny-le-Bretonneux
Rocquencourt
Saint-Cyr-l’École
Toussus-le-Noble
Trappes
Vélizy-Villacoublay
Versailles
La Verrière
Viroflay
Voisins-le-Bretonneux
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, sur l'article.
Mme Claire-Lise Campion. Nous abordons la partie du projet de loi relative à la création de l’établissement public à caractère industriel ou commercial de Paris-Saclay.
Cet article symbolise à lui seul la rupture voulue par le Gouvernement avec l’esprit des lois de décentralisation. En effet, la création unilatérale de deux structures, la Société du Grand Paris et l’établissement public de Paris-Saclay, marque la volonté de reprise en main par l’exécutif de compétences dévolues aux collectivités territoriales, notamment sur les modes de transport et l’aménagement du territoire.
Est ainsi manquée l’occasion de construire un projet sous l’impulsion de l’État dans son rôle de partenaire, en concertation avec les élus locaux et en cohérence avec les projets portés par les collectivités : région, départements, communes ou groupements de communes.
Le Grand Paris devrait s’inscrire dans les orientations du schéma directeur de la région Île-de-France, le SDRIF. Or il est perçu comme un élément supplémentaire de défiance de l’État vis-à-vis des collectivités territoriales.
L’absence de concertation en amont préfigure la gouvernance future. Ainsi la création de cet établissement public est-elle vécue comme un affront, fait tant aux élus qu’à leurs concitoyens, qui, par leur vote du 21 mars dernier, ont plébiscité dans les urnes l’équipe du conseil régional d’Île-de-France.
La réussite d’une plateforme scientifique et technologique d’envergure internationale repose d’abord sur une forte dynamique locale et sur l’implication de tous les acteurs du territoire.
L’incompréhension provient également de l’existence de différents périmètres. Cela soulève le problème des compétences et du rôle de chacun. Le projet d’aménagement du plateau de Saclay devrait se concentrer essentiellement sur le secteur géographique du pôle d’enseignement supérieur et de recherche. Or le périmètre de l’établissement public de Paris-Saclay s’étend sur le territoire de quarante-neuf communes des départements de l’Essonne et des Yvelines. Ce territoire a une superficie d’environ 37 500 hectares, soit trois fois celle de Paris et deux fois celle des Hauts-de-Seine.
Rien ne justifie que, sur un territoire aussi vaste, l’établissement public exerce, en lieu et place des collectivités territoriales, un certain nombre de compétences qui leur ont été transférées par les lois de la décentralisation.
Ce choix est d’autant plus incompréhensible qu’un décret en Conseil d’État du 3 mars 2009 a inscrit les opérations d’aménagement du plateau de Saclay parmi les opérations d’intérêt national, ou OIN, en définissant un périmètre très précis, représentant une superficie de 7 664 hectares et ne concernant que vingt-sept communes.
C’est pourquoi, dans un souci de simplification et de cohérence, nous vous demandons, monsieur le secrétaire d’État, de concentrer les missions de l’établissement public sur le périmètre prévu dans le décret. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, sur l'article.
Mme Catherine Tasca. Les dispositions de l’article 20 et de l’ensemble du titre V méritent que l’on s’y arrête, car elles sont emblématiques de votre projet, monsieur le secrétaire d’État ; elles en constituent en quelque sorte l’élément phare.
Certes, l’ambition de départ peut être partagée. L’Île-de-France s’honore de compter des institutions scientifiques de renom, des universités prestigieuses et des entreprises de haute technologie. Plusieurs ont déjà, et depuis longtemps, élu domicile sur le plateau de Saclay ou dans la vallée de la Bièvre. Relier ce site à d’autres pôles de développement de la région métropole est une intention légitime.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Catherine Tasca. Mais, j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, le schéma imaginé par vous pour la création du cluster de Saclay est très représentatif d’une philosophie que nous récusons.
Mme Bernadette Dupont et M. Alain Gournac. Ah !
Mme Catherine Tasca. Il cumule en effet plusieurs défauts, au moins sur trois points.
Premièrement, la superficie concernée, très vaste, trop vaste peut-être, incluant quarante-neuf communes de l’Essonne et des Yvelines, implique des liaisons bien plus nombreuses et plus fines que le métro automatique tel qu’il est prévu si l’on veut vraiment que les habitants et, en particulier, les chercheurs et enseignants appelés à y vivre et à mettre leurs savoirs en commun, en synergie, puissent y venir et y circuler aisément. Rien de tel dans le schéma d’aménagement.
Point n’est besoin de revenir sur les lacunes en matière de logement, déjà amplement débattues.
Deuxièmement, la préservation des terres agricoles est bien loin d’être durablement assurée par la seule définition d’une superficie de 2 300 hectares, conquise de haute lutte. Sa viabilité dépendra aussi de tout l’environnement, de la conception des accès, du maintien de l’équilibre hydraulique et d’un vrai travail de prospective sur les mutations possibles et souhaitables des cultures, aujourd’hui quasi exclusivement céréalières. Il y a là un sujet sérieux de concertation, mais il est à peine ébauché ; nous y reviendrons lors de l’examen de l’article 28.
Troisièmement, et c’est notre principal grief, le mode de gouvernance de l’EPIC est d’un autre âge, à rebours de la décentralisation et, qui plus est, à rebours de votre recherche d’efficacité, monsieur le secrétaire d'Etat.
D’abord, il est d’un autre âge parce qu’il établit une concentration du pouvoir décisionnel et un retour de l’État sans partage. Croyez-vous sincèrement que l’État, aujourd’hui, est seul capable d’imaginer l’avenir de nos territoires ?
Ensuite, il est à rebours de la décentralisation parce qu’il se défie des collectivités territoriales, qu’il marginalise les élus et qu’il restreint la consultation des citoyens.
Enfin, il est contreproductif en termes d’efficacité. En effet, au xxie siècle, on ne peut espérer une adhésion constructive à un projet d’une telle ampleur sans ou contre les citoyens et leurs élus.
Sur ce territoire en particulier, il y a une histoire que vous ne devriez pas ignorer. Les collectivités concernées ont vécu une mutation très profonde en quelque quarante ans : le passage d’un monde rural à une urbanisation planifiée par l’État d’abord, puis, progressivement, par de nouvelles intercommunalités devenues adultes, notamment les communautés d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, de Versailles-Grand Parc, d’Europ’Essonne et du Plateau de Saclay. Alors qu’elles sont très engagées dans l’innovation et la recherche, et donc concernées par l’idée de ce pôle scientifique et technique sur le plateau de Saclay, toutes quatre récusent votre projet !
M. Alain Gournac. Non, non !
Mme Catherine Tasca. Vous demandez-vous pourquoi ? C’est qu’elles ont mené à bien, depuis des années, des projets structurants d’aménagement, d’emploi, d’innovation et de recherche qu’elles ne veulent pas voir compromis par un schéma autoritaire, à trop long terme, sans vision globale cohérente et ignorant les enjeux à court terme.
M. Alain Gournac. Ce n’est pas vrai !
Mme Catherine Tasca. Concernant le titre V, nous vous demandons, monsieur le secrétaire d’État, de supprimer l’article 29, de prendre enfin en compte nos objections pour engager un véritable dialogue avec les collectivités territoriales et pour repenser radicalement votre projet dans l’intérêt des Franciliens, pour qui nous nourrissons, nous aussi, de grandes ambitions.
Monsieur le secrétaire d’État, il n’est pas interdit d’espérer que la pause de deux semaines dans notre débat vous aura porté conseil ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l'article.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, vous le voyez, la suspension de nos travaux pendant deux semaines n’a pas entamé notre combativité de ce côté de l’hémicycle !
Monsieur le secrétaire d’État, j’ai mis ces quinze jours à profit, notamment, pour relire le rapport extrêmement intéressant que, en tant que député des Yvelines, vous aviez remis en 2004 au Premier ministre.
En réponse au défi de l’innovation et de la compétitivité dans un système économique mondialisé, vous aviez retenu le principe du cluster. Vous le définissiez alors comme un « groupe d’entreprises et d’institutions partageant un même domaine de compétences, proches géographiquement, reliées entre elles et complémentaires. ». Il était pour vous crucial de développer l’organisation du territoire en réseau. C’est à partir de la dynamique du cluster que vous établissiez le concept de pôle de compétitivité, fait de synergies des réseaux et des acteurs dans un environnement de proximité.
Depuis, des pôles de compétitivité ont été choisis à l’initiative unilatérale de l’État et ont été labellisés. L’Île-de-France en compte sept : trois pôles à vocation mondiale, dont celui du plateau de Saclay, à Saint-Aubin, et deux pôles simples, dont le pôle Advancity de la cité Descartes à Marne-la-Vallée, dans mon département de Seine-et-Marne. Je signale au passage que toute la communauté scientifique universitaire des chercheurs et les entreprises de ce pôle, appuyées par le conseil général, attendent l’avis de l’État sur le cluster qu’ils ont décidé de mettre en place. Nous disposons là d’un réseau de proximité extraordinaire dont est, pour l’instant, dépourvu le plateau de Saclay, encore en devenir.
Je m’étonne de la pingrerie de la dotation unilatérale de l’État à l’Île-de-France. L’Île-de-France dispose d’un très fort potentiel d’innovation, pourtant inférieur à celui de certaines régions, je le précise à l’intention de M. le président bourguignon de la commission spéciale ! (Sourires.)
Mme Isabelle Debré. Quel beau titre !