Mme Nicole Bricq. Qu’il s’agisse de la création de filiales ou, maintenant, de l’intervention hors périmètre de l’établissement public, deux sujets sur lesquels nous avons déposé des amendements, M. le secrétaire d’État comme M. le rapporteur ne nous ont pas donné suffisamment d’explications. Le débat n’a pas été plus approfondi en commission spéciale.
J’aurais aimé entendre nos collègues de la majorité : ils font de la présence, mais on ne peut pas dire qu’elle soit très active… (Vives protestations sur les travées de l’UMP.)
Vous savez bien que nous ne réexaminerons pas le texte ! Vous avez accepté l’application de la procédure accélérée, alors que nous l’avons contestée, nous, dès le début de la discussion. Ce n’est pas faire de l’obstruction que de demander des explications ! Mais vous n’en donnez pas ; permettez au moins que nous le fassions remarquer ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
La commission mixte paritaire risque d’être longue. Le Sénat a profondément modifié le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale. Le rôle de la CMP consiste non pas à se substituer au débat en séance publique, mais, en principe, à accorder les positions des deux majorités qui soutiennent le Gouvernement. Ne vous étonnez donc pas que nous y soyons aussi actifs qu’en séance publique et que nous fassions tout pour qu’elle échoue, ce qui nous permettrait de débattre de nouveau du texte dans cet hémicycle. Sur des sujets aussi importants, il n’est pas normal de ne pas avoir d’explications.
Nous voterons donc contre cet article, et ce sans aucun état d’âme.
M. le président. Je mets aux voix l'article 21, modifié.
(L'article 21 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 21
M. le président. L'amendement n° 165, présenté par M. Caffet, Mme Bricq, M. Angels, Mmes Campion et Khiari, MM. Lagauche, Madec, Mahéas et Repentin, Mme Tasca, M. Teston, Mme Voynet, MM. Bodin et Assouline, Mme Le Texier, M. Badinter et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement, dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, présente au Parlement un rapport analysant les conséquences de la création de l'établissement public de Paris-Saclay vis-à-vis des autres territoires nationaux et leurs établissements publics ayant un objet similaire, notamment en termes de coordination au niveau régional des actions visant à promouvoir le développement scientifique et technologique de la France.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Avec votre permission, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 168, dont la philosophie est voisine.
M. le président. J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 168, présenté par M. Caffet, Mme Bricq, M. Angels, Mmes Campion et Khiari, MM. Lagauche, Madec, Mahéas et Repentin, Mme Tasca, M. Teston, Mme Voynet, MM. Bodin et Assouline, Mme Le Texier, M. Badinter et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement un rapport annuel présentant, en les justifiant, les prises de participation de l'établissement public de Paris-Saclay dans des entreprises, filiales, groupements ou organismes prévus à l'article 21.
Veuillez poursuivre, madame Bricq.
Mme Nicole Bricq. Si la procédure accélérée n’avait pas été engagée sur ce texte, si nos amendements, pourtant sérieux et circonstanciés, n’avaient pas été rejetés et, surtout, si nous avions eu quelques explications, nous aurions peut-être pu retirer ces amendements, qui font suite à la discussion de l’article 21.
L’amendement n° 165 fait écho à des interrogations formulées par d’autres collectivités qui soutiennent des pôles de compétitivité.
Il existe, me semble-t-il, quinze pôles de compétitivité à vocation nationale et une soixantaine d’autres qui n’ont pas cette vocation. Je rappelle qu’ils ont été créés non pas par nous, mais par le gouvernement que vous souteniez à l’époque en tant que député des Yvelines, monsieur le secrétaire d’État.
Vous pouvez défendre votre notion de cluster, et l’on a bien compris que ces pôles de compétitivité ne constituaient pas votre tasse de thé, mais il n’en demeure pas moins qu’ils existent, qu’ils sont répartis sur tout le territoire. L’un d’eux, précisément situé à Saclay, le pôle System@tic, à Saint-Aubin, vise à promouvoir tous les systèmes complexes, notamment en matière de télécommunications ou d’optique. Il est reconnu comme pôle international.
Il en existe d’autres, notamment celui que j’ai évoqué, qui s’est constitué à l’est de Paris, à la cité Descartes, autour de la ville durable.
Si vous vouliez constituer un cluster fondé sur la proximité, les échanges et les synergies entre les universités, le monde de la recherche, les entreprises et les collectivités locales, vous en aviez un tout prêt, sauf que, pour l’instant, l’État n’a pas dit ce qu’il voulait en faire.
S’agissant de votre intention de créer un cluster sur le plateau de Saclay – cela prendra d’ailleurs du temps –, nous demandons, par notre amendement n° 165, que, dans les six mois suivant la promulgation de la loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport analysant les conséquences de la création de l’établissement public de Paris-Saclay par rapport aux autres territoires nationaux et leurs établissements publics ayant un objet similaire, notamment en termes de coordination à l’échelon régional des actions visant à promouvoir le développement scientifique et technologique de la France.
Vous pouvez faire comme si cela n’existait pas, mais, je vous le rappelle, le conseil régional d’Île-de-France apporte son concours financier aux pôles de compétitivité, notamment à celui de Saint-Aubin sur le plateau de Saclay, pôles qui ont été définis et labellisés unilatéralement par l’État. Ainsi, depuis 2005 – mais ce n’est peut-être pas suffisant à vos yeux –, le conseil régional leur a apporté sans barguigner plus de 100 millions d’euros ! C’est sans doute en raison de cette contribution que vous allez l’exclure du conseil d’administration tout à l’heure ; mais nous reviendrons sur ce point.
Pour notre part, nous voulons connaître l’incidence des mesures que vous envisagez dans le cadre de ce texte, aucune étude sérieuse n’ayant été réalisée. L’amendement que nous avons présenté, au début de la discussion, visant à réintroduire la disposition de la loi d’orientation des transports intérieurs, la LOTI, relative à la nécessité d’examiner les conséquences économiques et sociales du texte, n’a pas été adopté.
De même, avec l’amendement n° 168, nous souhaitons que le Gouvernement présente au Parlement un rapport concernant les prises de participation de l’établissement public de Paris-Saclay dans les entreprises et dans les filiales.
S’agissant des filiales, monsieur le rapporteur, je souhaiterais avoir une explication. Vous avez fait adopter en commission spéciale un amendement visant à ce que l’établissement public, qui est un EPIC, soit bien soumis au contrôle financier de l’État.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Absolument !
Mme Nicole Bricq. Nous sommes d’accord sur ce point.
Cela étant, je ne suis pas sûre que les filiales d’un établissement public industriel et commercial soient soumises au même impératif de contrôle financier que l’EPIC lui-même. C’est une question d’ordre administratif, qui nécessite un éclaircissement.
Peut-être voulez-vous créer des filiales pour vous défaire du contrôle de l’État ? Si tel était le cas, je ne le comprendrais absolument pas.
En tout état de cause, nous n’avons eu aucune explication sur les raisons pour lesquelles l’établissement public industriel et commercial sur le plateau de Saclay aurait la possibilité de créer des filiales ou de prendre des participations dans les entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Sur l’amendement n° 165, qui prévoit la présentation d’un rapport extrêmement complet dans les six mois suivant la promulgation de la loi, la commission a émis un avis défavorable, car un tel délai ne paraît pas raisonnable pour pouvoir réunir tous les éléments demandés.
S’agissant de l’amendement n° 168, il est important, me semble-t-il, que le Parlement soit informé des prises de participation de l’établissement public. Par conséquent, si ses auteurs acceptaient de le rectifier pour indiquer que le Gouvernement présente au Parlement, tous les trois ans, le rapport en question, je m’en remettrais à la sagesse du Sénat.
M. Jean-Pierre Caffet. Ce serait déjà ça !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Sur l’amendement n° 165, le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission.
Quant à l’amendement n° 168, chacun sait que toute filiale est consolidée au bilan. Par conséquent, le contrôle sur la filiale se fait au travers du contrôle du bilan de la société ou, en l’occurrence, de l’établissement public.
Mme Nicole Bricq. C’est un établissement public ! Attention, vous avez montré le bout de l’oreille !
M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Pas du tout, les règles du droit des sociétés en la matière s’appliquent aux établissements publics industriels et commerciaux.
S’agissant de la proposition visant à remettre un rapport tous les trois ans, je ne me bornerai pas à m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée : j’émettrai un avis favorable, car il est important de fixer un délai qui soit compatible avec l’exercice d’un contrôle.
Madame Bricq, vous vous êtes étonnée que le Gouvernement ne réponde pas sur la question des filiales. Il n’a pas répondu parce qu’il n’a pas, à l’heure actuelle, au travers de ce texte, l’intention de créer des filiales. Il ouvre simplement une possibilité.
Je prendrai un exemple pour illustrer, de façon tout à fait théorique, ce qui peut se produire.
Sur le territoire de Satory, une des composantes du plateau de Saclay, il existe des projets de recherche, avec des constructeurs, sur le véhicule décarboné du futur. L’établissement public doit avoir la possibilité, si l’éventualité se produisait, d’être un acteur dans ce domaine et de participer à une opération de cette nature, voire de l’initier.
J’ai évoqué précédemment Grenoble et les nanotechnologies. Il existe d’ores et déjà des liens entre le CEA du plateau de Saclay et celui de Grenoble. Ce dernier étant très productif en matière de création, de centres de recherche, d’innovation, il peut être utile que l’établissement public participe à ce type d’opérations un jour : peut être demain, après-demain… Ce sont donc des possibilités qui sont ouvertes aujourd’hui, mais rien de plus.
J’ajoute, pour ne pas donner le sentiment qu’il pourrait y avoir une arrière-pensée derrière cette disposition, que je serais d’autant plus favorable à cet amendement rectifié dans le sens proposé qu’il permettrait alors d’exercer un contrôle périodique, en particulier sur les filiales qui seraient créées, lesquelles, je le répète, sont de toute façon consolidées au bilan d’un établissement public.
M. le président. Madame Bricq, que pensez-vous de la rectification suggérée par M. le rapporteur ?
Mme Nicole Bricq. Un délai de trois ans serait déjà un pas. Nous considérons en effet que toute mesure doit être contrôlée et évaluée ; tel est le rôle du Parlement.
À l’évidence, nous aurions préféré que vous acceptiez notre proposition d’un an. Nous pourrions peut-être faire un pas de plus l’un vers l’autre et convenir d’un délai de deux ans ? (Sourires.)
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. J’en reste à trois ans ! La commission émettrait un avis favorable sur un amendement rectifié en ce sens.
M. Robert del Picchia. C’est une discussion de marchands de tapis !
Mme Nicole Bricq. Si vous voulez fixer un délai de trois ans, c’est mieux que rien. Comme nous tenons à cette évaluation, nous acceptons cette proposition, mais reconnaissez que nous faisons des efforts ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Moi aussi !
Mme Nicole Bricq. Vous, vous n’en faites aucun ! (M. Robert del Picchia s’exclame.)
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 168 rectifié, présenté par M. Caffet, Mme Bricq, M. Angels, Mmes Campion et Khiari, MM. Lagauche, Madec, Mahéas et Repentin, Mme Tasca, M. Teston, Mme Voynet, MM. Bodin et Assouline, Mme Le Texier, M. Badinter et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement tous les trois ans un rapport présentant, en les justifiant, les prises de participation de l'établissement public de Paris-Saclay dans des entreprises, filiales, groupements ou organismes prévus à l'article 21.
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. S’agissant tout d’abord de cet amendement n° 168 rectifié, je tiens à remercier M. le rapporteur d’avoir proposé une ouverture : trois ans, c’est mieux que rien, en dépit de ma préférence pour un délai de deux ans.
Ensuite, concernant l’amendement n° 165, je ne comprends pas l’attitude du Gouvernement sur ce sujet majeur.
Nous avons tous vu que le Gouvernement et l’État avaient une très forte ambition pour l’établissement public de Paris-Saclay, compte tenu des compétences qui sont conférées à ce dernier, allant jusqu’à la capacité de mener des opérations d’aménagement sur l’ensemble du territoire français.
Mais je m’en tiendrai à son objet, qui est l’impulsion et la coordination des politiques de développement scientifique et technologique.
Cet amendement ne vise aucunement à gêner le Gouvernement. Il prévoit non pas une suppression, mais un ajout : il s’agit de demander une information du Parlement sur un sujet que nous considérons, peut-être à tort, comme majeur – je le répète –, celui de la contradiction pouvant exister entre la concentration de moyens extrêmement puissants sur le plateau de Saclay et le reste du territoire national où des pôles de compétitivité et des territoires mènent des politiques de développement scientifique et technologique.
Nous demandons simplement que le Parlement soit informé des conséquences que pourrait avoir l’établissement public de Paris-Saclay sur les autres territoires de l’Hexagone menant ce type de politique, afin de déceler des phénomènes de concurrence. Il ne faudrait pas, en la matière, déshabiller Pierre pour habiller Paul.
D’ailleurs, dans l’avis qu’il a formulé sur notre amendement n° 165, M. le rapporteur n’était pas en désaccord sur le principe de cette disposition. Il nous a simplement dit que le Gouvernement serait probablement incapable de rédiger ce rapport, avec les analyses qu’il contient, dans un délai de six mois.
S’il s’agit uniquement d’une question de délai et si nous sommes d’accord sur le principe, je serais tout à fait favorable à ce que les six mois se transforment, par exemple, en douze mois ou en dix-huit mois.
Par conséquent, j’interroge la commission et, éventuellement, le Gouvernement, à présent éclairés, me semble-t-il, sur l’intention, loin d’être punitive, de cet amendement : seraient-ils favorables à une modification du délai proposé de façon à donner plus de temps au Gouvernement pour informer la représentation nationale sur le problème important de la cohérence de la politique de recherche et de développement scientifique et technologique dans l’ensemble du pays ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le secrétaire d’État, puisqu’il règne, me semble-t-il, une certaine confusion, j’expliquerai de nouveau la raison pour laquelle nous insistons sur l’information de la représentation nationale.
Mon collègue Jean-Pierre Caffet vient d’évoquer l’ensemble des territoires de l’Hexagone. Je reviendrai, pour ma part, à l’Île-de-France, car vous avez pris tout à l’heure, pour justifier le refus de cette discussion – vous en avez tout de même quelque peu étayé votre propos, et je vous en remercie – deux exemples.
Tout d’abord, pour justifier des prises de participation des filiales ou des interventions hors périmètre, vous avez pris l’exemple des biotechnologies.
Or il existe en Île-de-France deux pôles de compétitivité, dont l’un, à vocation mondiale, Medicen, traite des biotechnologies et dont le siège se situe à Paris, dans le XVe arrondissement, mais dont les activités de recherche et d’innovation sont essentiellement concentrées dans le Val-de-Marne.
Que veut dire l’émergence de ce pôle de compétitivité à vocation mondiale, qui n’aura pas forcément les moyens que vous voulez concentrer à Saclay ? Vous donnez même à l’EPIC la possibilité d’intervenir hors de son périmètre !
Ensuite, vous avez cité l’exemple de l’automobile. Or il se trouve que lui est dédié un pôle de compétitivité à vocation mondiale, Mov’eo, situé près des usines Renault de Flins, en Normandie, mais qui, outre cette partie du territoire normand proche des sites de production, couvre aussi la vallée de la Seine et les Yvelines.
Il règne donc une confusion totale ! Cela signifie-t-il que le cluster dont vous voulez favoriser l’émergence – cela étant, il n’est pas prêt de naître ! –, gouverné par l’EPIC, aura vocation à s’intéresser aux autres ?
Il faudrait mettre un peu d’ordre dans la politique du Gouvernement. En effet, celui-ci n’a pas renoncé – si j’ai bien compris, un comité interministériel pour l’aménagement et le développement du territoire, ou CIADT, consacré à ces questions est programmé – à ces pôles de compétitivité, qui, je l’ai dit, sont puissamment aidés par la région d’Île-de-France.
Sur le fond, maintenant, M. le rapporteur a fait adopter un amendement visant à donner à l’EPIC la compétence de favoriser le développement du haut débit. Cela me paraît normal, car on sait l’importance du haut débit.
Mais vous ne pouvez pas ignorer, monsieur le secrétaire d’État, que trois de vos collègues ont lancé auprès des collectivités locales de toute la France un appel à projets pour cette même couverture en haut débit. Les réponses sont trois fois plus nombreuses que ne pourront en financer les fonds disponibles – il s’agit de fonds européens –, si bien que la sélection sera sévère. Et je connais la question, car je soutiens la demande de mon conseil général, celui de Seine-et-Marne, qui a répondu à cet appel à projets du Gouvernement !
En d’autres termes, on a lancé cet appel à projets sans avoir les moyens de satisfaire les demandes qui émanent des collectivités locales, et l’on concentrerait maintenant les moyens sur le plateau de Saclay !
Ce sont là des exemples pratiques que je donne ! Je ne suis pas, comme vous pouvez le dire quelquefois, dans une position sectaire : j’essaie de comprendre comment tout cela marche. Il faut en effet qu’on le sache ! La représentation nationale pourrait tout de même s’y intéresser, notamment nos collègues de la majorité qui vont voter un texte les yeux fermés, sans en évaluer les conséquences.
Pour notre part, nous demandons que ces conséquences soient, à un moment ou à un autre, appréciées par la représentation nationale.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 168 rectifié.
(L’amendement est adopté à l’unanimité.)
M. le président. Un article additionnel ainsi rédigé est donc inséré dans le projet de loi, après l’article 21.
Article 22
I. – L’établissement est administré par un conseil d’administration composé de quatre collèges :
1° Le collège des représentants de l’État, qui comprend un représentant de l’établissement public « Société du Grand Paris » désigné par le directoire de celui-ci ;
2° Le collège des représentants de l’Essonne et des Yvelines, qu’ils soient élus des communes, de leurs groupements ou des départements eux-mêmes. La perte d’un mandat électoral entraîne la démission d’office du conseil d’administration ; il est alors pourvu au remplacement de l’élu démissionnaire dans les meilleurs délais ;
3° Le collège des personnalités choisies en raison de leurs compétences et la réalisation de projets remarquables dans les domaines universitaire et scientifique ;
4° Le collège des personnalités choisies en raison de leur expérience en qualité de chef d’entreprise ou de cadre dirigeant d’entreprise.
Les représentants des premier et deuxième collèges disposent de la majorité des sièges au sein du conseil d’administration.
Il est institué auprès du conseil d’administration un comité consultatif de personnalités représentatives d’associations reconnues d’utilité publique, des organisations professionnelles agricoles, des chambres consulaires, des organisations professionnelles et syndicales ainsi que des associations agréées dans le domaine de l’environnement. Ce comité comprend un député et un sénateur désignés par leur assemblée respective, ainsi qu’un représentant de la région d’Île-de-France. Ce comité est saisi, par le conseil d’administration, des projets concernant la stratégie et les grandes opérations d’équipement et d’aménagement de l’établissement public, les plans d’investissement de celui-ci et les orientations envisagées pour agir en faveur de la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers. Il peut être saisi de tout autre sujet par le conseil d’administration, émettre des propositions et demander que des questions soient inscrites à l’ordre du jour d’une réunion du conseil d’administration.
II. – (non modifié) La durée du mandat de membre du conseil d’administration est de cinq ans. Le mandat est renouvelable.
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, sur l’article.
Mme Claire-Lise Campion. Avec l’article 22, c’est la question de la gouvernance de l’établissement public qui est abordée. Malgré le travail de la commission spéciale, beaucoup d’imprécisions demeurent.
L’établissement sera donc administré par un conseil d’administration composé de quatre collèges, dont l’un, celui des collectivités locales, serait chargé de représenter deux départements, l’Essonne et les Yvelines, quatre intercommunalités – elles ont déjà été citées – et quarante-neuf communes. Outre que cela paraît difficilement réalisable, aucune précision n’est donnée quant au mode d’élection et au nombre des représentants siégeant dans ce collège.
C’est la raison pour laquelle nous vous proposerons de retenir pour ce collège les représentants des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale ayant compétence en matière d’aménagement, qui sont réellement touchés.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour regretter également que les membres des deux derniers collèges soient « choisis », alors qu’ils devraient, me semble-t-il, être élus par leurs pairs. Ainsi, les personnalités compétentes dans les domaines universitaire et scientifique pourraient être élues par les conseils d’administration des pôles de recherche et d’enseignement supérieur.
Enfin, si le rôle du comité consultatif de personnalités a été renforcé et doit permettre de refléter un peu mieux la diversité des acteurs du territoire au sein même de la gouvernance, la structure de gouvernance de l’établissement public de Paris-Saclay telle qu’elle nous est proposée ne respecte pas réellement le principe de la parité entre l’État, d’une part, et les collectivités territoriales du territoire concerné et leurs groupements, d’autre part. Or, je le répète, il est à craindre que la gouvernance, si elle ne reflète pas la diversité des acteurs du territoire, ne permette pas l’adhésion de ces derniers aux projets.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 196 est présenté par M. Vera, Mmes Assassi, Gonthier-Maurin et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 287 est présenté par Mme Voynet, M. Desessard, Mme Blandin, M. Boulaud, Mme Boumediene-Thiery et M. Muller.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l’amendement n° 196.
M. Bernard Vera. Nous défendons depuis le début de l’examen de ce projet de loi une coopération équilibrée entre l’État et les collectivités territoriales. Plus globalement, nous défendons l’idée de projets nécessairement partagés et, par conséquent, nous privilégions une démarche de co-élaboration unissant tous les acteurs concernés.
S’agissant du plateau de Saclay, une telle coopération est nécessaire, que ce soit en termes de grands aménagements ou en termes de recherche publique et d’enseignement supérieur.
Or, à lire le texte, à considérer le choix de la structure et de son mode de gouvernance, on comprend très vite que l’objectif du Gouvernement est d’imposer une vision d’aménagement et de développement au service d’une logique financière et sans doute spéculative.
Votre projet pour le plateau de Saclay, monsieur le secrétaire d’État, s’inscrit dans une logique de compétition entre les territoires : vous créez un établissement public et un conseil d’administration sur mesure sur un territoire porteur, laissant aux collectivités territoriales le soin de s’occuper des territoires délaissés.
Nous refusons tout développement inégal du territoire et n’acceptons pas le projet qui ferait du plateau de Saclay un pôle d’excellence qui côtoierait des zones de relégation sociale et de sous-emploi.
Hélas ! c’est bien ce schéma qui se dessine, et la composition du conseil d’administration de l’établissement public laisse présager des orientations économiques, universitaires, sociales et écologiques contraires à l’intérêt général.
Certes, contrairement à la Société du Grand Paris, il n’est pas prévu que les représentants de l’État soient majoritaires. Mais, avec les représentants des élus, ils détiendront néanmoins la majorité des quatre collèges qui composeront le conseil d’administration, et rien ne garantit qu’ils ne soient pas plus nombreux que les élus.
Les personnalités compétentes dans les domaines universitaire et scientifique, de même que les chefs d’entreprise, seront choisis – par qui et selon quels critères ? – en raison de « la réalisation de projets remarquables » ; mais remarquables à quel point de vue ? L’opacité du mode de désignation de ces personnalités est des plus inquiétantes.
Par ailleurs, les salariés sont totalement absents du conseil d’administration, alors qu’ils sont directement concernés par les missions et projets de l’établissement public. Non seulement des entreprises sont déjà présentes sur le plateau, mais il est question d’en faire venir bien d’autres dans les années à venir : autant de salariés auxquels on nie le droit de prendre part aux décisions qui les concernent.
C’est également le cas des citoyens, eux aussi dessaisis des décisions qui les concernent. Pourtant, ils seront directement touchés par l’urbanisation et ils subissent déjà le déficit en transports publics et la saturation du réseau routier. Or la venue d’entreprises ou de nouvelles entités d’enseignement sur le plateau s’accompagnera de l’augmentation du trafic, de la densification du réseau urbain et de l’accroissement du problème des transports en commun. Pourquoi les citoyens ne sont-ils même pas consultés par le conseil d’administration, par le biais du comité consultatif par exemple ?
Enfin, prévoir que les décisions concernant l’avenir d’un territoire seront prises par un établissement public dont le conseil d’administration verra ses membres choisis dans la plus totale opacité entraînera un problème de légitimité de ces décisions. Un établissement public n’a pas la légitimité des urnes. Comment les citoyens pourront-ils sanctionner des choix qui iraient à l’encontre de leur volonté ?
Toutes ces raisons nous conduisent, par conséquent, à demander la suppression de l’article 22.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 287.