M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c’est la troisième fois en peu de temps que nous sommes amenés à débattre de la garde à vue. Et comme il l’a fait pour la précédente proposition de loi sur ce sujet dont il était déjà le rapporteur, M. Zocchetto, avec une certaine constance, nous demande de renvoyer l’examen de celle-ci à plus tard.
Encore une fois, nous ne pouvons nous satisfaire de cette réponse.
Voilà un mois, j’avais demandé que la commission des lois travaille à un texte commun à partir des différentes propositions de loi existantes et, bien évidemment aussi, des dispositions figurant dans l’avant-projet de loi du Gouvernement.
Non seulement ce n’est pas le cas, mais la commission refuse également de se saisir du texte qui nous est présenté aujourd'hui, préférant laisser au Gouvernement l’entière initiative dans ce domaine.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La commission a mis en place un groupe de travail spécifique confié à nos collègues Jean-René Lecerf et Jean-Pierre Michel !
M. François Zocchetto, rapporteur. Il poursuivra d’ailleurs ses auditions cet après-midi !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La révision constitutionnelle, suivie par la réforme du règlement du Sénat, était destinée – c’est du moins ce qui nous a été affirmé – à conférer aux législateurs que nous sommes des pouvoirs accrus.
En nous cantonnant, de fait, à des interventions générales, les deux demandes successives de renvoi à la commission émanant de la majorité nous privent de tout débat réel. Quelle belle illustration des limites posées à l’initiative des groupes et du sort réservé à leurs propositions quand elles ne correspondent pas aux souhaits du Gouvernement ou du Président de la République !
Il est significatif que nous soyons saisis par le Gouvernement de la vingt-troisième loi sécuritaire depuis 2002, mais que le Parlement ne puisse être à l’origine d’un seul texte relatif aux libertés individuelles.
Aussi, je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, d’accepter que s’engage la discussion sur le présent texte. C’est avec cet objectif que j’ai déposé un certain nombre d’amendements. Les dispositions qui y figurent sont d’ailleurs issues de la proposition de loi que j’ai moi-même déposée avec mes collègues du groupe CRC-SPG, texte que je suis prête – je ne m’en priverai d’ailleurs pas – à présenter dans le cadre d’une semaine d’initiative parlementaire. Cela amènerait le Sénat à discuter une quatrième fois de la garde à vue et constituerait une preuve manifeste supplémentaire du rôle mineur conféré au législateur. (M. Jean-Pierre Michel applaudit.)
Examiner cette proposition de loi serait en outre d’autant plus opportun tant il est vrai que l’avant-projet du Gouvernement sur la réforme de la procédure pénale nourrit des inquiétudes croissantes et fait naître une contestation grandissante parmi de nombreux professionnels.
Des représentants des magistrats et des avocats ont préféré quitter la concertation, totalement faussée, que mène Mme le garde des sceaux, notamment parce qu’elle refuse toute discussion sur la suppression du juge d’instruction ou l’indépendance du parquet. Les hauts magistrats de la Cour de cassation ont émis sur le texte gouvernemental un avis défavorable, considérant qu’il « ne garantit pas suffisamment les équilibres institutionnels et l’exercice des droits de la défense et des victimes ». Concernant le sujet qui nous intéresse aujourd’hui, ils estiment que le « contrôle de la garde à vue ne peut dépendre de l’autorité de poursuite ».
A été évoquée l’idée d’un texte spécifique sur la garde à vue. Depuis, Mme le garde des sceaux a indiqué qu’elle envisageait de scinder son avant-projet en deux parties qui seraient examinées en parallèle par l’Assemblée nationale et le Sénat, mais aucune date n’a été annoncée. Tout cela n’est vraiment pas clair ! Ce qui l’est, en revanche, c’est la nécessité, au vu de l’actualité, de ne pas attendre davantage pour légiférer sur la garde à vue.
Pour ce qui est des faits, il est urgent d’en finir avec des situations telles que celle que nous avons vécue à la fin du mois de mars dernier, quand trois lycéens marseillais ont été placés en garde à vue pendant plusieurs heures, fouillés au corps et menottés pour avoir insulté la fille d’une commandante de police.
Quant au nouvel arrêt Medvedyev c/France prononcé par la grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme, s’il fait certes l’objet d’interprétations diverses, voire divergentes, il ne paraît cependant pas infirmer le jugement rendu en première instance, puisqu’il rappelle qu’un « magistrat doit présenter les garanties requises d’indépendance à l’égard de l’exécutif », ce qui n’est évidemment pas le cas du procureur de la République.
C’est précisément pour cette raison de fond que nombre de professionnels sont fondamentalement opposés au projet de suppression du juge d’instruction.
Pour revenir à la proposition de loi présentée aujourd'hui par notre collègue et les membres du groupe socialiste, si je soutiens globalement les dispositions qui y sont inscrites, j’ai déposé trois amendements à mes yeux très importants, lesquels, je le répète, reprennent des propositions issues du texte que j’ai moi-même déposé.
Deux de ces amendements ont pour objet de restreindre le champ de la garde à vue.
Le premier vise à exclure les régimes dérogatoires pour terrorisme, association de malfaiteurs ou trafic de stupéfiants. J’ai entendu les différents points de vue qui se sont exprimés, mais il n’en demeure pas moins que l’extension continue des dérogations pose problème.
Le deuxième amendement, auquel je suis particulièrement attachée, tend à supprimer la garde à vue stricto sensu des mineurs.
Le fait de redonner du sens à la garde à vue et d’empêcher une constante augmentation par des lois toujours plus répressives comme par les pratiques en cours suppose inévitablement de restreindre son champ d’application.
Au travers du troisième amendement, je souhaite poser le principe du droit de la personne gardée à vue au respect de sa dignité et de la responsabilité de l’État en cas d’atteinte à cette dignité. Je note, sur ce point, que le directeur général de la police nationale, M. Frédéric Péchenard, a récemment souligné dans un entretien accordé à un journal qu’il n’était « pas hostile à ce que la loi interdise la fouille à corps », insistant sur le fait qu’il fallait que « ce soit la loi » qui fixe une telle interdiction. Effectivement, mes chers collègues, c’est à nous, législateurs, qu’il appartient de le décider. À mon sens, au-delà des citoyens eux-mêmes, les deux institutions policière et judiciaire ne pourraient que tirer bénéfice d’une telle disposition.
Une fois encore, je souhaite dire ici combien il me paraît indispensable de tenir bon sur les principes de la justice et du droit, de la justice et des droits, et de cesser de banaliser à tout propos leur non-respect, voire leur négation.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de renoncer à voter la motion tendant au renvoi à la commission de la proposition de loi et de débattre des conditions de la garde à vue, en prenant nos responsabilités de législateurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le sujet abordé par cette proposition de loi portant réforme de la garde à vue me tient particulièrement à cœur parce qu’il touche aux droits les plus fondamentaux de la personne humaine.
À ce titre, ni les nécessités d’une enquête judiciaire ni les soupçons pesant sur une personne ne devraient permettre qu’on atteigne à sa dignité.
Puisque je m’exprime aussi en qualité de présidente de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, je tiens à rappeler que, selon les chiffres annoncés, les femmes représentent 10 % des personnes gardées à vue ; elles sont 60 000 dans ce cas.
C'est la raison pour laquelle les membres de la délégation ont décidé l’an dernier, sur mon initiative, de consacrer une partie de leurs activités à la situation des femmes dans les lieux de privation de liberté. Pour forger notre conviction, nous avons auditionné de nombreux professionnels.
C’est ainsi que le directeur de l’administration pénitentiaire, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, de nombreux responsables d’associations et de commissions, dont la CIMADE, mais aussi des médecins, psychiatres et magistrats sont venus échanger leurs expériences et fournir des données chiffrées sur la réalité de la garde à vue en France.
Afin de nous rendre compte concrètement de la procédure et des conditions de placement, nous nous sommes déplacés dans différents centres de rétention, en particulier au dépôt et à la souricière du palais de justice de Paris.
Il ressort de ces entretiens et de ces déplacements un constat unanime.
Malgré une hygiène relativement mieux préservée dans les espaces qui leur sont réservés, « l’excès de zèle » dans les fouilles corporelles pratiquées sur les femmes, l’attente souvent longue, ainsi que les conditions d’hygiène et d’intimité rendent la garde à vue difficile à supporter pour elles. La situation des hommes n’est d’ailleurs pas plus enviable.
De manière plus générale, comme le reconnaissait lui-même le contrôleur général des lieux de privation de liberté, malgré des efforts de rénovation incontestables, « la plupart des lieux de garde à vue restent dans un état indigne pour les personnes qui y séjournent, qu’elles soient interpellées ou qu’elles y exercent leurs fonctions ».
Cette situation ne peut nous laisser indifférents et il semble nécessaire aujourd’hui de la faire évoluer.
Dans le rapport qu’elle a remis à l’issue de ses travaux, la délégation a par conséquent formulé des demandes urgentes et préconisé des recommandations, qui restent toujours d’actualité aujourd'hui.
Comme nous le demandons dans le rapport, les pouvoirs publics se doivent d’appliquer les recommandations formulées par le contrôleur général des lieux de privation de liberté et, en particulier – monsieur le secrétaire d'État, j’attire votre attention sur ce point –, de mettre un terme aux pratiques de retrait systématique du soutien-gorge et de la paire de lunettes de vue, qui portent atteinte à la dignité de la personne sans pouvoir être toujours justifiées par un impératif de sécurité.
Parmi les trente recommandations formulées, la délégation invite notamment les autorités responsables des lieux de privation de liberté à rechercher un juste équilibre entre les exigences légitimes de sécurité et le respect indispensable de la dignité des personnes détenues.
Nous avions été notamment frappés, voilà quelques mois, par l’exemple de cette femme placée en garde à vue, à Tarbes, le lendemain d’une fausse couche à l’hôpital.
À ce titre, la délégation a souhaité que le recours aux fouilles à corps soit limité autant que possible, notamment grâce à des équipements permettant aujourd’hui des pratiques plus respectueuses de la liberté des personnes.
Je me félicite aujourd’hui de ce que Mme Borvo Cohen-Seat et ses collègues du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche reprennent cette proposition au travers d’un amendement déposé sur le présent texte et tendant à insérer un article additionnel dans le code de procédure pénale. Ils entendent ainsi garantir que « toute personne placée en garde à vue a le droit au respect de la dignité humaine, notamment dans le domaine du respect de l’intimité, de la pudeur, de l’hygiène » et prévoir que « toute atteinte à la dignité humaine de la personne placée en garde à vue engage la responsabilité de l’État ».
La commission des lois a estimé plus sage de demander le renvoi à la commission de la proposition de loi. Ses membres ont considéré que la réflexion n’était pas encore mûre sur des sujets délicats comme l’organisation effective de la défense quand la présence de l’avocat serait admise pendant les interrogatoires de garde à vue, l’accès de la défense au dossier ou encore la possible évolution des régimes dérogatoires de garde à vue.
Je veux croire que le Gouvernement respectera ses engagements et que le débat se poursuivra selon les orientations ainsi tracées.
Je souhaite qu’il se nourrisse des propositions de notre délégation et que les droits des femmes placées en garde à vue, particulièrement menacés, fassent l’objet d’une attention particulière. Je forme le vœu que le groupe de travail de nos collègues Jean-René Lecerf et Jean-Pierre Michel prenne en compte ces situations et ces propositions spécifiques, toujours soucieuses du respect des libertés fondamentales de la personne humaine, en l’occurrence tout spécialement des femmes, notamment. J’y veillerai de très près. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à exprimer l’intérêt du Gouvernement pour les interventions qui viennent d’être prononcées.
Madame Boumediene-Thiery, vous souhaitez que nous sortions de la culture de l’aveu. Sachez-le, c’est dans cet état d’esprit que nous souhaitons mener la réforme de la procédure pénale.
M. le rapporteur a fait plusieurs remarques très justes, soulignant qu’il importait d’adopter une vue d’ensemble sur le sujet.
Vous avez eu raison de souligner qu’il est peu pertinent, en cas de flagrance, de donner accès au dossier dès le début de la garde à vue, avant que les policiers n’aient terminé la rédaction des procès verbaux.
Je tiens à vous rassurer sur le calendrier : un premier projet de loi sera déposé au Parlement cet été, ce qui permettra un débat à l’automne, comme vous en avez tout à l’heure émis le vœu.
Monsieur Michel, vous avez évoqué le risque de légiférer sous le coup de l’émotion. C’est précisément parce que Mme le garde des sceaux et moi-même voulons des solutions équilibrées et durables que nous présentons un projet global.
Qu’en est-il de la réalité européenne ? Eh bien, nos partenaires européens n’ont pas fait systématiquement de la présence de l’avocat dès le début de la garde à vue un préalable obligatoire, loin de là ! Je pense à un certain nombre de systèmes judiciaires que j’ai pu étudier lors de mes déplacements en Autriche, aux Pays-Bas ou en Belgique, par exemple.
Monsieur Mézard, vous avez dénoncé l’inflation des lois sécuritaires et l’absence de lois en faveur des libertés. Faut-il vous rappeler que le Gouvernement a présenté, ces derniers mois, plusieurs textes visant à élargir les libertés publiques ? Je pense notamment à la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 et à la loi du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes, pour ne citer que ces deux exemples.
Vous avez dénoncé tous les effets pervers que pourrait avoir l’audition libre.
En lançant cette idée, nous avons voulu apporter une réponse adaptée à des situations très concrètes. Lorsqu’une personne est arrêtée pour une infraction mineure – un cas de figure que vous avez d’ailleurs évoqué –, en matière routière ou pour un vol simple dans un supermarché, lorsqu’elle reconnaît les faits et accepte d’être entendue, est-il toujours nécessaire de la placer en garde à vue ? Cette procédure demande souvent de retenir la personne pendant huit ou douze heures, le temps de faire venir l’avocat et le médecin, de prévenir la famille. L’audition libre, elle, durerait moins d’une heure.
Bien sûr, cette proposition doit être débattue et examinée dans le détail, ne serait-ce que pour mettre au point les mécanismes susceptibles d’éviter les effets pervers que vous avez évoqués. Mais n’écartons pas d’un revers de main cette piste qui offre une solution pragmatique dans le cas de délits mineurs et reconnus !
Madame Giudicelli, nous partageons votre conviction selon laquelle la refonte globale de la procédure pénale ne peut faire l’économie d’une réflexion concomitante sur les conditions de la garde à vue. Vous avez, en outre, eu raison de rappeler qu’il n’était pas très pertinent de dissocier de cette réforme globale la discussion d’une proposition de loi sur ce thème.
Madame Borvo Cohen-Seat, vous jugez insuffisante la concertation menée dans le cadre de la réforme de la procédure pénale. Pourtant, près de quarante organisations, syndicats, associations y participent ! Et même les organisations de magistrats qui disent s’être retirées de la concertation ont fait des propositions ! Ces propositions, ces remarques, nous les prenons en compte, à quelque moment qu’elles nous aient été transmises.
La concertation existe, quel que soit le discours de certaines organisations, dont la posture critique s’explique par des raisons que chacun peut imaginer. Récemment encore, la Cour de cassation a fait des propositions intéressantes, que Mme le garde des sceaux entend prendre en considération. À la lecture des résultats de cette concertation, qui seront communiqués d’ici à la fin du mois, vous pourrez constater que celle-ci aura été réelle et sérieuse.
Madame André, nous prendrons en compte, comme vous l’avez demandé, les remarques formulées par le secteur associatif intervenant sur les lieux privatifs de liberté.
Vous avez insisté sur les conditions de la garde à vue, notamment lors des fouilles. J’en conviens, nous avons des progrès à faire dans ce domaine. L’intérêt de la refonte d’ensemble à laquelle j’ai fait allusion à plusieurs reprises tient justement aussi à la possibilité d’aborder plus précisément de telles questions et de mettre en œuvre des dispositifs qui apportent des réponses satisfaisantes.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques éléments de réponse que je tenais à vous apporter, mais je suis conscient de leur caractère incomplet.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il me paraît bon de faire quelques rappels sur les conditions dans lesquelles nous examinons les propositions de loi.
Lors de son intervention, Mme Borvo Cohen-Seat s’est en effet montrée assez injuste envers la commission ! Elle ne tient absolument pas compte du groupe de travail qui a été constitué, avec son accord, autour de MM. Jean-René Lecerf et Jean-Pierre Michel, et qui procédera cet après-midi encore à des auditions. Ce dispositif illustre pourtant la complexité des sujets dont nous discutons !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Personne n’a dit que c’était simple !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tous les orateurs sont convenus qu’il fallait faire quelque chose, mais qu’un certain nombre de questions se posaient. Décréter que l’on met fin à la situation actuelle et que l’on réforme, c’est très facile ! Encore faut-il bien prendre en compte toutes les conséquences que de tels changements peuvent entraîner !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je n’ai pas dit cela !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si, ma chère collègue !
De plus, vous reprochez presque au rapporteur d’avoir répondu à tous les arguments de Mme Alima Boumediene-Thiery ! Il me semble pourtant que réfléchir sur tous les aspects d’un texte et poser un certain nombre de questions, c’est respecter l’auteur d’une proposition.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je n’ai pas dit cela !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est ce que vous avez dit, je suis désolé !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. De toute façon, je tiens à mettre les choses au point par rapport à votre interprétation !
En outre, nos collègues socialistes savent très bien que l’on ne peut pas traiter la question de la garde à vue en deux heures. Ils le savent d’autant mieux qu’ils ont déposé une proposition de loi sur un autre thème important dont nous débattrons tout à l’heure.
Dans le cadre de l’initiative parlementaire, nous avons deux possibilités : ou bien voter des propositions de loi, ce qui n’est possible que sur un sujet précis et relativement simple, susceptible d’être traité dans un délai de quatre heures, ou bien décider du renvoi en commission. Cette dernière solution me semble plus respectueuse du travail parlementaire, surtout dans le cas du débat d’ensemble relatif à la garde à vue et à la réforme de la procédure pénale.
En effet, le renvoi en commission signifie non pas qu’il n’y a rien à voir, mais qu’il y a un vrai sujet ! D’ailleurs, il serait facile pour la majorité, quand une proposition de loi ne lui convient pas, de la rejeter purement et simplement à l’issue de la discussion en séance publique.
Nous sommes, au contraire, particulièrement respectueux des propositions de nos collègues et du travail de la commission sur ce sujet. On ne peut pas venir nous le reprocher après !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par M. Zocchetto, au nom de la commission, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, la proposition de loi portant réforme de la garde à vue (n°201 rectifié, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. le rapporteur, auteur de la motion.
M. François Zocchetto, rapporteur. monsieur le président, je considère que j’ai défendu cette motion lors de mon intervention dans la discussion générale.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, contre la motion.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous ne comprenons pas cette demande de renvoi à la commission.
Tout le monde s’accorde ici sur le fait qu’une réforme est nécessaire pour remédier à la carence du dispositif actuel, qui entraîne d’énormes difficultés sur le plan du droit et des libertés.
Tout le monde s’accorde aussi pour déplorer la récente multiplication des gardes à vue, y compris pour des faits mineurs, dans des conditions inhumaines et indignes. Il y a vraiment urgence tant ces dérives, cette hémorragie sont devenues inacceptables.
Nous ne comprenons pas pourquoi nous devrions encore attendre une réforme globale de la procédure pénale. La majorité ne vient-elle pas d’adopter une proposition de loi relative au régime de publicité applicable devant les juridictions pour mineurs ? Le Gouvernement n’a-t-il pas déposé, sous la responsabilité de Mme le garde des sceaux, un projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, lequel comporte une modification et une réforme du code de procédure pénale, notamment en ce qui concerne l’ordonnance pénale ?
Pourquoi faudrait-il attendre pour certains textes et pas pour les autres ? Pourquoi la justice serait-elle à vitesse variable ? Je ne le comprends toujours pas, et je regrette que vous n’ayez pas répondu clairement à ces questions, monsieur le secrétaire d’État !
On ne doit pas craindre pour ses droits ! Lorsqu’il y a privation de liberté, enfermement, il y a urgence parce que c’est la dignité humaine qui est touchée ! Dès lors, nous n’avons pas le droit d’attendre plus longtemps pour remédier à cette situation.
J’ai lu dans le rapport que cette proposition de loi devrait être examinée au dernier trimestre 2010. Mais, compte tenu de la navette, de la quantité de textes inscrits à l’ordre du jour et des séances qui seront consacrées à la discussion budgétaire, le vote de cette proposition de loi sera reporté d’au moins un an. Or, pendant ce délai, ce sont 600 000 personnes qui seront placées en garde à vue, 600 000 personnes qui verront encore leur dignité bafouée dans des conditions inacceptables et en violation du droit européen !
Décidément, il n’est plus possible d’attendre ! D’ailleurs, l’incertitude qui pèse sur la réforme de la procédure pénale risque de renvoyer la discussion de la proposition de loi sur la garde à vue à une échéance encore plus lointaine, alors que l’adoption de ce texte est plus que nécessaire !
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous devons faire preuve d’un peu de courage politique, car c’est aussi ce que les Français attendent de nous ! Nous ne devons plus accepter que 600 000 personnes se retrouvent aujourd’hui victimes, victimes en violation de leurs droits, en violation de leur dignité, tout simplement parce que nous attendons une prétendue réforme qui ne vient pas et qui ne répondra pas à nos demandes !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Victimes, victimes… Il n’y a pas que des innocents en garde à vue !
Mme Alima Boumediene-Thiery. C’est la raison pour laquelle je vous demande de voter contre cette motion de renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.
(La motion est adoptée.)
M. le président. En conséquence, le renvoi à la commission est ordonné.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et hop ! Circulez, il n’y a rien à voir !