Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mmes Michelle Demessine, Christiane Demontès.
2. Cinquantenaire des Indépendances africaines
3. Communication relative à une commission mixte paritaire
MM. Jean Louis Masson, le président.
6. Sociétés publiques locales. – Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture (Texte de la commission)
Discussion générale : M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
M. Jacques Mézard, rapporteur de la commission des lois.
MM. Jean Louis Masson, Antoine Lefèvre, Mme Josiane Mathon-Poinat, M. Daniel Raoul, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Charles Gautier, Marc Daunis.
Clôture de la discussion générale.
Amendements nos 5 et 6 de M. Philippe Dominati. – MM. Philippe Dominati, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Retrait des deux amendements.
Amendement n° 1 de M. Michel Houel. – M. Michel Houel. – Retrait.
Adoption de l'article.
Amendement n° 7 de M. Philippe Dominati. – MM. Philippe Dominati, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Retrait.
Amendement n° 2 de M. Michel Houel. – Retrait.
Adoption de l'article.
Articles 1er bis et 2. – Adoption
Articles additionnels après l'article 2
Amendements identiques nos 3 de M. Thierry Repentin et 4 rectifié de M. Dominique Braye. – MM. Thierry Repentin, Dominique Braye, le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; François Rebsamen. – Retrait des deux amendements.
Adoption définitive de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance
8. Situation de la gendarmerie nationale. – Discussion d'une question orale avec débat
MM. Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Bel, le président.
M. Jean-Louis Carrère, auteur de la question.
MM. Jean Faure, Robert Hue, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Pierre Bel, Raymond Vall, Jean-Claude Carle, Mme Virginie Klès, M. Jacques Gautier, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Alain Fouché, Daniel Reiner, Jacques Berthou.
MM. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales ; Jean-Louis Carrère, auteur de la question.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
MM. le président, Gérard Le Cam, Didier Guillaume.
10. Modernisation de l'agriculture et de la pêche – Suite de la discussion d’un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Amendement n° 229 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Gérard César, rapporteur de la commission de l’économie ; Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche ; Jean-Jacques Mirassou. – Adoption.
Amendement n° 89 rectifié de Mme Odette Herviaux. – Mme Odette Herviaux.
Amendement n° 517 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Françoise Laborde.
Amendement n° 225 de M. Gérard Le Cam. – Mme Odette Terrade.
M. Gérard César, rapporteur ; Mme Odette Herviaux, M. le ministre. – Retrait de l’amendement no 517 rectifié ; adoption de l’amendement no 89 rectifié ; rejet de l’amendement no 225.
Amendement n° 593 rectifié de M. Jacques Muller. – MM. Jacques Muller, Gérard César, rapporteur ; le ministre, Mme Nathalie Goulet, MM. Daniel Dubois, René Beaumont, Mme Odette Herviaux. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 91 de Mme Odette Herviaux. – MM. Claude Bérit-Débat, Gérard César, rapporteur ; le ministre, Jean-Jacques Mirassou. – Rejet.
Amendement n° 90 de Mme Odette Herviaux. – Mme Renée Nicoux, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.
Amendement n° 219 rectifié de M. Rémy Pointereau. – MM. Rémy Pointereau, Gérard César, rapporteur ; le ministre, Didier Guillaume, Jacques Muller, Daniel Dubois. – Adoption.
Amendement n° 230 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.
Amendement n° 323 de M. Gérard Dériot. – MM. Gérard Dériot, Gérard César, rapporteur ; le ministre, Mme Nathalie Goulet. – Adoption.
Amendement n° 231 de M. Gérard Le Cam. – Mme Odette Terrade, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.
Amendement n° 232 de M. Gérard Le Cam. – Mme Odette Terrade, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Retrait.
Amendement n° 325 rectifié de M. Alain Vasselle. – MM. Rémy Pointereau, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Retrait.
Amendement n° 591 de M. Jacques Muller. – MM. Jacques Muller, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Retrait.
Amendement n° 234 de M. Gérard Le Cam. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.
Amendement n° 92 de M. Yves Chastan. – MM. Yves Chastan, Gérard César, rapporteur ; le ministre, Didier Guillaume, Claude Bérit-Débat. – Rejet.
Amendement n° 520 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Françoise Laborde, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Retrait.
Amendement no 647 de la commission. – MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Adoption.
Amendement n° 233 de M. Gérard Le Cam. – Mme Marie-Agnès Labarre.
Amendement n° 592 de M. Jacques Muller. – M. Jacques Muller.
MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre, Mme Odette Herviaux, MM. Gérard Le Cam, Jacques Muller. – Rejet des amendements nos 233 et 592.
Amendement n° 120 rectifié bis de M. Alain Chatillon, repris par la commission. – MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre, Jean-Jacques Mirassou. – Adoption.
Amendement n° 235 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Retrait.
Amendement n° 236 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Gérard César, rapporteur ; le ministre, Jacques Muller, Daniel Dubois. – Rejet.
Amendement n° 518 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Françoise Laborde, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.
Amendement n° 519 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Françoise Laborde, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre, Alain Vasselle, Jean-Jacques Mirassou, Daniel Dubois. – Rejet.
Amendement n° 228 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine,
Mme Christiane Demontès.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Cinquantenaire des Indépendances africaines
M. le président. Mes chers collègues, j’ai l’honneur de saluer, dans la tribune officielle, Mmes et MM. les ambassadeurs représentant les pays africains, anciennes colonies françaises ayant accédé, en 1960, à l’indépendance, ainsi que le secrétaire général du cinquantenaire des indépendances africaines, M. Jacques Toubon.
Nous célébrons, cette année, le cinquantenaire de leur indépendance, et nous venons de nous retrouver dans les salons de Boffrand, pour un moment de convivialité.
Cette année, pour marquer les liens particuliers qui nous unissent, nous qui avons une histoire commune, des troupes de chacun de ces pays défileront sur les Champs-Élysées le jour de notre fête nationale, le 14 juillet prochain. Chacun ici se souvient que Brazzaville fut, un jour, la capitale de la France libre.
À quelques jours de l’ouverture, à Nice, du XXVe sommet des chefs d’État d’Afrique et de France, chacun mesure l’importance de nos relations avec l’Afrique.
Je veux aussi saluer la mémoire de nos collègues qui, sous la IVe République, représentaient, dans cette enceinte, les territoires situés sur le continent africain : ils étaient au nombre de 58, soit près d’un sénateur sur cinq. Je salue leur apport à notre vie politique et, souvent, après l’indépendance de ces pays, à la mise en place des institutions de leurs jeunes États.
Mesdames, messieurs les ambassadeurs, nous avons une histoire commune. Avec ses pages glorieuses, mais aussi ses pages douloureuses, celle-ci est un lien indissoluble entre nous. C’est aussi le socle sur lequel il nous appartient de consolider, jour après jour, l’amitié entre nos peuples. Nos relations seront alors d’autant plus fortes que, aujourd’hui, elles sont non plus imposées, mais librement choisies de part et d’autre.
Je vous remercie de votre présence. (M. le secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
3
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
4
Communication de documents
M. le président. M. le Premier ministre a communiqué au Sénat :
- le projet de contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et l’Institut national de l’audiovisuel pour la période 2010-2014, établi en application de l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;
- le rapport sur l’état semestriel des sommes restant dues par l’État aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale au 31 décembre 2009, établi en application de l’article L.O. 111-10-1 du code de la sécurité sociale.
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Le premier a été transmis à la commission des finances ainsi qu’à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ; le second, à la commission des affaires sociales. Ils seront disponibles au bureau de la distribution.
5
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, je tiens à attirer votre attention, ainsi que celle de mes collègues, sur les dérives actuelles des délais de réponses apportées par le Gouvernement aux questions écrites.
J’ai d’ailleurs moi-même fait constater par les services de notre assemblée la dérive totale qui existe en la matière depuis six mois, avec un allongement parfaitement anormal des délais. Mais ce ne serait rien si les réponses étaient faites correctement. Certains ministres prennent l’habitude de répondre d’abord aux questions similaires posées par nos collègues de l'Assemblée nationale !
Récemment encore, alors même que j’avais posé une question – la question n° 11 292 – au ministre de l’intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, reprise ultérieurement par l’un de mes collègues députés, celui-ci a obtenu une réponse deux mois avant moi ! C’est tout à fait anormal !
Ce qui est plus indécent encore, c’est le fait de m’avoir renvoyé à la réponse adressée à mon collègue de l'Assemblée nationale et de ne pas m’avoir répondu sur le fond ! Cette situation est parfaitement invraisemblable !
Aussi, j’aimerais que vous rappeliez, monsieur le président, aux membres du Gouvernement leurs obligations de nous répondre, en vertu de notre règlement, dans des délais réglementaires. Par ailleurs, je souhaiterais que vous demandiez au ministre en cause de faire des réponses un peu plus décentes.
M. Charles Gautier. Bravo ! Il faut que cela cesse !
M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Je vous informe qu’un certain nombre de vos collègues m’ont personnellement fait part de leurs observations sur ce sujet par écrit ou oralement. Je vais m’enquérir des raisons de cette situation auprès du ministre chargé des relations avec le Parlement et lui demander de faire le point avec les membres du Gouvernement pour que ceux-ci vous apportent des réponses non seulement dans des délais convenables, mais aussi, surtout, sur le fond.
Je ne manquerai pas de tenir le Sénat informé.
6
Sociétés publiques locales
Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, pour le développement des sociétés publiques locales (proposition de loi n° 359, texte de la commission n° 430, rapport n° 429).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le président, permettez-moi, tout d’abord, de m’associer, au nom du Gouvernement, à l’hommage que vous avez rendu à Mmes et MM. les ambassadeurs représentant les pays africains, ainsi qu’à M. Jacques Toubon, président du comité d’organisation des cérémonies marquant le cinquantième anniversaire de l’indépendance de ces États africains amis.
Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous examinons aujourd’hui, en deuxième lecture, la proposition de loi pour le développement des sociétés publiques locales.
J’aimerais, au préalable, revenir sur le contexte dans lequel s’est inscrite cette initiative parlementaire de votre collègue Daniel Raoul.
Une proposition de loi similaire avait été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale par M. Jean-Pierre Schosteck, député. Celui-ci a d’ailleurs fort logiquement été désigné rapporteur de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Pour être complet, je signale également l’initiative voisine du sénateur Jean-Léonce Dupont.
J’ai bien évidemment noté le consensus qui a présidé à l’examen de ce texte en première lecture, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, celui-ci ayant été adopté, modifié par quelques amendements, à l’unanimité par les deux chambres.
Cette initiative parlementaire fédère les différents groupes politiques ; je mesure donc la forte volonté du Parlement de proposer un nouvel outil aux collectivités territoriales.
Ce texte a pour objet d’apporter aux collectivités territoriales un nouvel outil juridique pour exercer les compétences qui leur sont confiées par la loi.
Je rappelle très brièvement que la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement a permis aux collectivités territoriales et à leurs groupements de créer, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, des sociétés publiques locales d’aménagement dont elles détiennent l’intégralité du capital.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui tend à développer cet outil, d’une part, en pérennisant les sociétés publiques locales d’aménagement et, d’autre part, en créant des sociétés publiques locales aux compétences élargies, avec un domaine d’intervention calqué sur celui des sociétés d’économie mixte.
Il s’agit, par ce texte, de tirer profit des récentes évolutions de la jurisprudence dite « in house », comme l’on dit dans le Cantal, monsieur le rapporteur (Sourires.), de la Cour de justice de l’Union européenne.
Dans votre rapport, vous avez parfaitement rappelé les critères de cette jurisprudence et leurs conséquences juridiques sur les statuts des futures sociétés publiques locales, ou SPL.
Deux conditions cumulatives doivent en effet être réunies : d’une part, l’autorité publique doit exercer sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services ; d’autre part, la société publique locale doit réaliser l’essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent.
Les conséquences juridiques sur le régime des sociétés publiques locales sont donc les suivantes.
Premièrement, celles-ci devront prendre la forme de sociétés anonymes régies par le code de commerce, sous réserve des dispositions spécifiques prévues pour les sociétés d’économie mixte locales.
Deuxièmement, leur capital sera composé d’au moins deux actionnaires et il sera entièrement détenu par des collectivités territoriales et leurs groupements.
Troisièmement, leur objet social sera déterminé par référence aux compétences attribuées par la loi aux collectivités : opérations d’aménagement ou de construction, exploitation de services publics industriels et commerciaux ou toutes autres activités d’intérêt général.
Quatrièmement, leur activité s’exercera pour le compte exclusif de leurs actionnaires et sera limitée au territoire des collectivités territoriales ou groupements actionnaires.
Il me paraissait nécessaire de rappeler ces règles, qui ont d’ailleurs été renforcées en première lecture, même si toutes les inquiétudes n’ont pas disparu, y compris dans des secteurs qui, me semble-t-il, n’entrent pas spontanément dans le champ d’activité des sociétés publiques locales envisagées par les auteurs de la proposition de loi. Je pense par exemple au secteur funéraire.
Nous devons collectivement veiller à la fiabilité de ce nouveau cadre juridique et répondre aux inquiétudes qui subsisteraient encore sur les contours et l’activité des futures sociétés publiques locales. Certains acteurs économiques ont pu, en effet, exprimer la crainte de voir les missions et les prestations de service public échapper aux règles de mise en concurrence prévues par le droit communautaire. Une saisine ultérieure de la Cour de justice de l’Union européenne n’est d’ailleurs pas totalement à exclure et, vous en conviendrez, rien ne serait plus désastreux pour les collectivités territoriales elles-mêmes qu’un outil juridiquement peu fiable.
C’est pourquoi le Gouvernement, en première lecture, a déposé ou soutenu des amendements visant à sécuriser le dispositif, et il se réjouit que ceux-ci aient été adoptés.
Nous allons examiner dans quelques instants sept amendements parlementaires qui visent soit à renforcer le contrôle des sociétés publiques locales, soit à en réduire le champ d’activité.
À ce stade du débat, je voudrais formuler brièvement trois séries de remarques.
Permettez-moi, tout d’abord, de rappeler quelques principes sur le cadre juridique.
Premier principe : à l’instar des sociétés publiques locales d’aménagement, les futures sociétés publiques locales ne pourront exercer leurs activités que pour leurs seuls actionnaires. Cette précision est importante.
Deuxième principe : le champ d’activité des sociétés publiques locales devra correspondre strictement aux compétences des collectivités territoriales actionnaires et s’exercer uniquement sur leur territoire.
Troisième principe : en dehors des groupements de collectivités territoriales, les établissements publics ne pourront figurer parmi les actionnaires de la société.
Quatrième principe : la jurisprudence communautaire exige que le contrôle exercé par l’autorité publique soit analogue – j’insiste sur ce mot – à celui qu’elle exerce sur ses propres services. À défaut, le juge communautaire estimerait que le lien de type « in house » entre la personne publique et la société est rompu.
Cinquième principe, enfin : ce lien, qui doit être examiné au cas par cas, est une dérogation aux règles de mise en concurrence définies par le droit communautaire.
J’en viens maintenant à une deuxième série de remarques : les SPL vont s’insérer dans un dispositif de contrôle existant, que je voudrais rappeler.
Premièrement, les dispositions du code de commerce qui s’appliquent en la matière vont introduire le contrôle d’un commissaire aux comptes et la nécessité de certifier les comptes.
Deuxièmement, différents outils de contrôle seront à la disposition des collectivités territoriales et de leurs groupements en leur qualité d’actionnaires : l’examen des rapports annuels réalisés par leurs mandataires, l’analyse des comptes rendus d’exécution des missions confiées aux sociétés publiques locales et, plus généralement, l’organisation par les statuts d’un mode de gouvernance spécifique garantissant effectivement le contrôle analogue – j’insiste de nouveau sur ce mot – nécessaire à la situation de quasi-régie.
Troisièmement, le contrôle de légalité du préfet s’appliquera de plein droit ; il sera même renforcé, car l’article L. 1524–1 du code général des collectivités territoriales introduit un contrôle spécifique en la matière.
Ce contrôle donne au préfet un droit d’information en organisant une procédure de transmission obligatoire de certains actes des sociétés d’économie mixte. Ce dispositif sera applicable aux sociétés publiques locales. Ainsi, les délibérations du conseil d’administration ou de surveillance, les rapports annexés, le budget, le compte de résultat, et leurs annexes, devront être transmis au préfet.
Quatrièmement, enfin, le préfet peut toujours saisir la chambre régionale des comptes lorsqu’il estime qu’une délibération est de nature à augmenter gravement la charge financière d’une ou de plusieurs collectivités ou groupements actionnaires.
Troisième série de remarques : si le droit applicable aux sociétés publiques locales devait soulever, à l’usage, des difficultés d’application, il conviendrait de réfléchir, tous ensemble, à une adaptation ultérieure des textes.
La proposition de loi ne prévoyant pas de décret d’application, la future loi sera donc d’application immédiate, dès sa publication. Il me semble toutefois de bonne gestion d’envisager une circulaire d’application destinée à rappeler le cadre juridique des sociétés publiques locales, notamment les précautions que devront prendre les collectivités territoriales.
De même, dans la mesure où nous n’avons que peu de recul par rapport à l’expérimentation relative aux sociétés publiques locales d’aménagement, je ne m’interdis pas de penser que des ajustements seront peut-être nécessaires à l’issue des premiers retours d’expérience.
Nous créons en effet aujourd’hui un instrument juridique nouveau en faveur des collectivités locales, nous appuyant en cela sur les dernières évolutions de la jurisprudence européenne.
Il importera donc d’être attentif à sa mise en œuvre, pour l’avenir, afin de bien sécuriser juridiquement nos collectivités locales. (Applaudissements sur les travées de l’UMP ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Marc Daunis applaudit également.)
(M. Roland du Luart remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Mézard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je voudrais tout d’abord vous féliciter, monsieur le secrétaire d'État, de la virtuosité avec laquelle vous maniez le « in house » ! (Sourires.)
Le texte que nous examinons a pour objet de créer une nouvelle catégorie d’entreprises publiques, un nouvel instrument au service des collectivités territoriales, à savoir les sociétés publiques locales. Cette proposition de loi de notre collègue Daniel Raoul est très similaire à celles qu’ont déposées respectivement notre collègue Jean-Léonce Dupont et le député Jean-Pierre Schosteck.
Les collectivités territoriales, qui génèrent les trois quarts de l’investissement public, doivent pouvoir recourir aux services de tiers dans des conditions compétitives et juridiquement simples, dans le respect du droit communautaire de la concurrence. Si l’instrument des sociétés d’économie mixte, ou SEM, n’était plus adapté à ces exigences, c’est parce que leur capital est en partie privé. Il fallait donc créer des sociétés publiques locales à capital entièrement public émanant de nos collectivités territoriales.
En première lecture, cette proposition de loi a été votée à l’unanimité, tant par le Sénat que par l’Assemblée nationale, avec quelques améliorations qui ne remettent pas en cause l’équilibre général.
Le statut de ces sociétés publiques locales résulte tout à la fois de la réglementation des sociétés anonymes, des dispositions particulières applicables aux sociétés d’économie mixte, en raison de la présence des collectivités locales dans l’actionnariat, et des règles spécifiques découlant de l’article 1er de cette proposition de loi.
L’Assemblée nationale a ajouté un article 1er bis A, aux termes duquel la délégation de service public par une collectivité territoriale à une société publique locale dont elle est membre s’effectuera sans mise en concurrence, comme c’est déjà le cas pour les établissements publics. Nos collègues députés ont ajouté l’obligation pour l’assemblée délibérante de se prononcer sur le principe de délégation de service public à la société publique locale.
L’exonération de la mise en concurrence ressortit à la nature de l’entreprise, qui est le prolongement de la collectivité.
Comme l’a rappelé M. le secrétaire d'État, il faut deux conditions cumulatives selon les critères du « in house » et de la jurisprudence européenne résultant de l’arrêt Teckal, de novembre 1999, et de l’arrêt Coditel Brabant, de novembre 2008 : l’autorité publique doit exercer sur la société publique locale un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services – c’est la définition du droit européen – et la société publique locale doit réaliser l’essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent.
Le dispositif qui en résultera sera sécurisé : société anonyme avec application des dispositions spécifiques prévues pour les sociétés d’économie mixte ; capital avec au moins deux actionnaires, ainsi que le Sénat en avait exprimé la volonté lors de la première lecture ; capital entièrement détenu par les collectivités territoriales et leurs groupements ; une activité pour le compte exclusif des actionnaires ; un cantonnement au territoire de ces collectivités.
Ainsi, nous avons tout fait pour que ce texte apporte un maximum de sécurité juridique.
Les sociétés publiques locales d’aménagement, depuis leur création, en 2006, n’avaient pas connu un très grand succès en raison de la contrainte qui leur était imposée de compter au moins sept actionnaires. Pour leur permettre de se développer, nous avons décidé de réduire ce chiffre à deux.
Ces outils d’aménagement conformes à la jurisprudence européenne sont très utiles pour nos collectivités. Il ne s’agit aucunement de restreindre l’activité du secteur privé, en particulier du secteur du bâtiment et des travaux publics, qui, au contraire, a tout intérêt à ce que nos collectivités territoriales disposent des meilleurs instruments pour développer l’investissement. Là est le message et il importe de le faire partager.
Ces évolutions facilitent la réintégration au sein d’une seule entité de diverses activités aujourd’hui dissociées et permettent, par exemple, de doter les intercommunalités d’un outil de mutualisation dans le champ du « in house ».
Cette mutualisation, monsieur le secrétaire d'État, me paraît participer à l’effort nécessaire pour réaliser un maximum d’économies.
Des auditions que nous avons menées, il ressort que la Fédération des entreprises publiques locales et l’ensemble des associations d’élus émettent un avis très favorable sur cette proposition de loi, le MEDEF et la Fédération française du bâtiment ayant, quant à eux, exprimé leur inquiétude.
Au-delà de toute caricature, soulignons encore une fois que ce texte n’a pas pour objet de permettre aux élus de faire n’importe quoi. Alors qu’il leur est souvent reproché de ne jamais être d’accord sur rien, saluons l’unanimité avec laquelle les élus accueillent ce texte, signe qu’une vraie volonté se manifeste en faveur de nos collectivités territoriales.
Je pense que les élus des collectivités locales, en ces temps d’errements financiers, montrent quotidiennement leur capacité à gérer ces collectivités. D’ailleurs, les sociétés d’économie mixte qui en dépendent servent souvent l’intérêt général de façon exemplaire.
J’en viens aux articles qui composent ce texte.
L’article 1er est consacré aux dispositions concernant le régime juridique de cette nouvelle catégorie d’entreprises. Je rappelle que nous avons tous fait le maximum en vue d’une sécurisation juridique : à travers le contrôle de légalité, comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État ; mais aussi à travers l’approbation par les assemblées délibérantes de toute modification des éléments constitutifs de la société ; la compétence, que vous avez également rappelée, de la chambre régionale des comptes ; et les règles spécifiques aux SPL sur l’objet social, la composition du capital et les règles encadrant leur activité prévues par le présent article.
Ainsi, ce statut fixe des règles strictes justifiant la dispense de l’obligation de mise en concurrence. L’Assemblée nationale a retenu ce dispositif, avec deux précisions rédactionnelles opportunes. Votre commission propose donc d’adopter l’article 1er sans modification.
Dans l’article 1er bis A, introduit par l’Assemblée nationale, il s’agit simplement, par coordination avec l’institution des SPL, de compléter le régime des délégations de service public pour délimiter le domaine d’application des règles concurrentielles. Ainsi, avec ce nouvel article, la délégation de service public par une collectivité territoriale à une SPL dont elle est membre s’effectuera sans mise en concurrence.
Je rappelle qu’une telle exemption existe déjà au profit d’établissements publics. Nous arrivons à une situation où il est nécessaire de requérir de la personne publique qu’elle « exerce un contrôle comparable à celui qu’elle exerce sur ses propres services » – cela, c’est la déclinaison du droit communautaire – et qu’elle bénéficie de l’essentiel des activités de l’établissement. En outre, dans le respect du principe de spécialité qui régit les établissements publics, les statuts doivent prévoir expressément l’activité déléguée.
L’Assemblée nationale a étendu ces dispositions aux SPL en tenant compte, pour mesurer leur activité au regard du second critère du « in house », de l’ensemble des actionnaires. Il s’agit donc, très clairement, de la transposition de la jurisprudence de la Cour européenne, qui apprécie globalement l’activité de la société en cause, c’est-à-dire au niveau de l’ensemble des personnes publiques détentrices de la société, et non pour chacune d’entre elles. Cela est bien conforme à l’arrêt Carbotermo de 2006.
Nos collègues députés ont renforcé dans ce cas le contrôle préalable des élus en prévoyant une délibération sur le principe de toute délégation de service public à une SPL.
Votre commission des lois a approuvé ces harmonisations utiles, ce verrou supplémentaire que constitue l’intervention de l’assemblée délibérante, qui conforte tout autant le contrôle exercé sur la société que la démocratie locale.
La commission vous propose par conséquent d’adopter l’article 1er bis A sans modification.
L’article 1er bis porte sur la pérennisation des sociétés publiques locales d’aménagement. Là aussi, notre collègue Daniel Raoul avait déposé un amendement qui a été retenu pour pérenniser ces SPLA en étendant leur champ d’action. L’Assemblée nationale a modifié la rédaction du premier alinéa de l’article L. 327-1 du code de l’urbanisme pour l’aligner parfaitement sur les dispositions introduites dans le code général des collectivités territoriales. Aussi, votre commission a adopté cet article sans modification.
Plus généralement, ces SPLA, dont le nombre a augmenté au cours de la dernière année, vont certainement connaître un développement relativement important. L’intérêt récent pour cet instrument est dû, je l’ai rappelé tout à l’heure, à l’abaissement à deux du nombre minimal d’actionnaires. Nous vous proposons d’adopter également l’article 2 sans modification.
Monsieur le secrétaire d’État, pour répondre aux objections et aux inquiétudes sur lesquelles vous avez attiré l’attention de notre assemblée, il me semble utile de rappeler, pour qu’il n’existe aucune ambiguïté, que les SPL représentent 80 % des 16 000 entreprises publiques locales en activité dans les autres pays européens, ce qui n’empêche pas les entreprises privées – et notamment les groupes français – d’y gagner des parts de marché significatives.
Comme les quelque 1 100 SEM en activité, les SPL se consacreront principalement à des missions de coordination et d’impulsion, et ne seront aucunement destinées à concurrencer les entreprises privées. Elles auront un rôle « pilote » d’entraînement sur les territoires, ce qui aura des retombées sur les entreprises en termes de commandes, directes ou indirectes.
Nous avons donc veillé, je le rappelle encore une fois, à ce que les futures SPL « collent » à la définition la plus rigoureuse du « in house » bâtie par la jurisprudence communautaire.
En ce qui concerne les logements sociaux, qui ont fait l’objet de quelques inquiétudes, il convient de préciser que les SPL n’auront pas, en l’état, la possibilité d’en réaliser.
En effet, sans modification de la réglementation, les SPL n’auront accès ni aux subventions de l’État, ni aux prêts de la CDC pour la construction de logements locatifs sociaux.
L’article R. 331-14 du code de la construction et de l’habitation liste de manière exhaustive les organismes qui peuvent avoir accès à ces subventions et à ces prêts. Les SPL n’en font pas partie : je crois qu’il convenait de rappeler cet élément, notamment pour rassurer l’Union sociale de l’habitat.
De plus, les SPL n’auront la possibilité d’exercer leurs activités que pour le compte de leurs actionnaires.
Monsieur le secrétaire d’État, si des collectivités locales souhaitent à l’avenir que des SPL soient autorisées à construire des logements sociaux, il conviendra éventuellement de le prévoir par des dispositions ultérieures, après discussion avec les pouvoirs publics, et de modifier les textes en conséquence.
Pour conclure, la commission a considéré à l’unanimité qu’il convenait d’adopter conforme ce texte, car il paraît tout à fait sécurisé quant à l’application du droit communautaire, tout en donnant à nos collectivités un instrument d’action supplémentaire pour développer encore l’investissement, ce qui est tout à fait primordial, en particulier en ces temps difficiles. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’UMP et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je dois dire tout d’abord que j’approuve tout à fait cette proposition de loi.
Si l’on remonte dans l’histoire, on se rend compte que les premières interventions juridiquement structurées des collectivités locales dans la vie économique ont été mises en place dans les trois départements d’Alsace-Moselle. C’est un héritage du droit local de ces trois départements.
Ainsi, depuis plus d’un siècle, cent quarante ans, nous disposons dans ces trois départements d’un certain nombre de possibilités qui, si elles ont eu tendance à être un peu moins utilisées quand le statut des SEM a été créé, restent cependant encore d’actualité. En effet, un certain nombre de sociétés relevant de la même philosophie que les sociétés publiques locales que nous sommes en train de créer existent dans ces trois départements.
Dans l’ensemble, je considère qu’il s’agit d’une avancée et, surtout, d’une clarification pour le droit français. Il me semble très positif que les collectivités locales puissent attribuer des délégations de service public sans passer par la concurrence, car il est tout à fait normal qu’une collectivité locale ait la possibilité de choisir les critères d’intervention d’une société qu’elle maîtrise.
C’est la raison pour laquelle je voterai en faveur du texte qui nous est soumis. (MM. Pierre Bordier et Pierre-Yves Collombat applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, contrairement aux idées reçues, les élus locaux recourent de plus en plus à la gestion directe de leurs services publics.
Qu’il s’agisse de l’eau, des déchets ou du transport, les collectivités locales, qui avaient abondamment délégué la gestion de leurs services publics, ont tendance à recourir de nouveau à un opérateur interne, sous la forme juridique d’une régie simple, d’un EPIC, ou bientôt – à l’issue du vote de ce texte, je l’espère ! – d’une société publique locale.
Je tiens également à rappeler que nos collectivités territoriales sont à l’origine de près des trois quarts des investissements publics en France.
En exerçant, avec plus ou moins de dynamisme suivant les régions, les compétences qui leur ont été attribuées par la loi dans le domaine de l’aménagement urbain, de l’équipement, du transport, du logement, du tourisme, de la culture, ou encore de l’environnement, les collectivités contribuent de manière très forte au développement économique de notre pays.
Nous traversons encore une période difficile, et nos collectivités restent les premiers acteurs de l’économie locale et comptent parmi les acteurs majeurs de l’économie nationale. La souplesse que nous offre cette proposition de loi nous permettra d’agir avec rapidité et efficacité, alors que le cadre juridique actuel est trop lourd, trop long et trop coûteux, et amoindrit notre réactivité.
La gestion directe offre des avantages. Les collectivités locales disposent d’une parfaite maîtrise et d’un contrôle total sur la société gestionnaire, et notamment sur ses comptes. Tous les administrateurs sont des élus. C’est la garantie que les orientations et les politiques publiques seront respectées.
La réactivité est meilleure : considérés comme des prolongements des collectivités locales, les opérateurs internes n’ont pas à être mis en concurrence par leurs actionnaires pour l’attribution de toute nouvelle mission. C’est autant de temps gagné pour la conduite des projets.
Enfin, entreprises à part entière, les opérateurs internes apporteront souplesse et performance au service public local, dans une vision de long terme conforme à l’intérêt général.
Je ne reviendrai pas sur la conformité du texte au droit communautaire, notre collègue et rapporteur ayant parfaitement exposé la jurisprudence. Néanmoins, je tiens à préciser que l’Europe, que l’on accuse souvent de tous les maux, reconnaît, au travers de sa jurisprudence, que les entreprises de droit privé doivent pouvoir échapper au régime actuel à deux conditions : que le capital de la SA soit totalement public, et que l’essentiel de son activité se fasse avec les collectivités qui la détiennent.
Au-delà du fonctionnement juridique et technique de la SPL, je souhaite rappeler que ces nouvelles sociétés présentent un intérêt majeur : celui de la coopération institutionnelle. Les autorités organisatrices locales pourront devenir actionnaires de ces sociétés afin de couvrir un bassin de vie qui dépasse les frontières géographiques d’une intercommunalité, d’un département, d’une région.
Cette notion de « bassin de vie » est fondamentale : il s’agit en effet d’un territoire doté d’une cohérence géographique, sociale, culturelle et économique, exprimant des besoins homogènes en matière d’activités et de services.
La SPL, j’en suis convaincu, permettra aux élus d’élaborer une nouvelle organisation des services publics au bénéfice d’une articulation renforcée de nos territoires et, donc, d’une plus grande cohérence. Elle constitue ainsi un outil pertinent.
Il est très important que les collectivités puissent avoir recours aux services de tiers dans des conditions économiquement compétitives et juridiquement simples, mais aussi dans le respect du droit communautaire de la concurrence.
Le texte qui nous est proposé précise que le capital de la SPL doit être détenu en totalité par des actionnaires, au moins deux, dont le caractère public ne soulève aucune ambiguïté ; que ces sociétés exercent leur activité exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur leur territoire ; et que le principe de toute délégation de service public à une SPL doit être débattu par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et groupements concernés.
En conciliant le respect du droit communautaire et le principe de libre administration, nous apporterons ainsi aux collectivités la possibilité d’exercer pleinement leurs compétences, au travers d’un statut sécurisé associant transparence et contrôle.
Enfin, je souhaiterais exprimer ma satisfaction personnelle de voir que ce texte fait l’objet d’un consensus au sein des deux assemblées. Cela montre que le Parlement a à cœur de répondre aux préoccupations des collectivités territoriales.
C’est pourquoi le groupe UMP votera, bien entendu, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – MM. Pierre-Yves Collombat, Marc Daunis et François Rebsamen applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en cette période où les collectivités locales sont particulièrement malmenées, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui fait figure d’exception.
En effet, a contrario de la réforme des collectivités territoriales, ce texte concrétise une attente forte des élus locaux et répond à l’une de leurs préoccupations essentielles : conforter le principe de leur libre administration.
Un autre aspect est remarquable. En voulant tirer les conséquences de l’évolution de la jurisprudence européenne et reconnaître aux collectivités locales la possibilité de bénéficier du régime in house, ce texte s’oppose au dogme des obligations concurrentielles et revient sur la remise en cause, par la Commission européenne, des contrats de mandat, passés entre les personnes publiques et les sociétés d’économie mixte.
Cette double singularité doit être notée, tant il est rare qu’un texte soit débattu et voté alors même qu’il déroge à l’idéologie libérale dominante.
Par le passé, nos collègues communistes et socialistes de l’Assemblée nationale ont bien tenté, mais sans succès, de rétablir le droit, pour les collectivités locales, de bénéficier du régime un peu spécial du in house, qui prévalait naguère dans les projets d’aménagement. Il a fallu attendre 2006 et la loi portant engagement national pour le logement pour que soit réintroduite la possibilité, pour les collectivités, de disposer à nouveau d’outils d’aménagement, via la création de sociétés publiques locales d’aménagement, ou SPLA.
Toutefois, comme nous l’avions dit en première lecture, du fait de la complexité de leurs règles de création et de leur champ d’action très limité, ces nouvelles structures n’ont pas su occuper la place laissée vacante par les sociétés d’économie mixte, les SEM.
C’est le succès plus que mitigé de ces fameuses SPLA qui a conduit les promoteurs de la présente proposition de loi à suggérer la création des SPL, dotées d’un champ de compétences élargi.
Ce texte tire les enseignements pratiques de l’expérimentation des sociétés publiques locales dans le domaine de l’aménagement. Ainsi, il a été proposé de permettre aux collectivités territoriales de déroger au code de commerce qui impose, s’agissant des sociétés anonymes, un minimum de sept actionnaires. Cette obligation faisait obstacle à la réalisation d’un projet ou à la gestion d’un équipement intéressant un nombre inférieur de partenaires publics.
En première lecture, nous avions approuvé cette dérogation. Nous approuvons également les modifications qui ont été apportées depuis, notamment la possibilité pour les SPL de bénéficier de la jurisprudence communautaire relative aux prestations intégrées dans les mêmes conditions et pour les mêmes motifs que les établissements publics. La possibilité ainsi offerte aux collectivités de confier la gestion des services publics à des sociétés anonymes qu’elles détiendront intégralement sera un gage d’efficacité, de réactivité et de sécurité juridique.
Dotées de compétences élargies et renforcées, les sociétés publiques locales vont compléter utilement la boîte à outils des élus locaux afin de permettre à ceux-ci de mieux répondre aux besoins des populations et des territoires.
Nous nous réjouissons qu’un tel texte, qui va à contre-courant des dogmes de l’économie libérale, fasse l’objet d’un tel consensus.
Permettez-moi d’ajouter que s’il est cohérent pour notre famille politique de voter ce texte, il n’en va pas nécessairement de même pour la majorité. Cela montre bien, à notre sens, les limites théoriques et pratiques des promoteurs de la privatisation à outrance et de la mise en concurrence systématique.
Nous voterons donc la présente proposition de loi, en sachant combien les entreprises publiques locales constituent un levier de développement indispensable au service des territoires et de leurs habitants. L’enjeu est de réaffirmer aussi, à travers cet outil, la valeur fondamentale de la notion de service public, dont on sait à quel point elle est aujourd’hui menacée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voilà plus d’un an, je déposais, avec plusieurs de mes collègues, une proposition de loi relative au développement des sociétés publiques locales. Je me réjouis que ce texte revienne aujourd’hui devant nous en deuxième lecture pour, je l’espère, une adoption définitive.
Je tiens néanmoins à rappeler qu’il aura fallu attendre plus de neuf mois – délai de gestation assez long – entre l’adoption du texte ici même et son examen en première lecture par l’Assemblée nationale. À ce stade, je voudrais remercier tous ceux – ils se reconnaîtront ! – qui ont agi pour que ce texte sorte du « tunnel » entre nos deux assemblées, alors que d’autres y restent en déshérence.
Je ne reviendrai pas sur le rapport, très exhaustif, de M. Jacques Mézard. Je me limiterai à rappeler que cette proposition de loi comporte deux volets.
Le premier est consacré à la création de sociétés publiques locales. L’idée principale était de compléter l’arsenal dont disposent les collectivités territoriales et leurs groupements pour agir de façon rapide, moins coûteuse et sûre juridiquement dans leurs champs d’intervention. Je tiens de ce point de vue à saluer le travail qui a été fait par nos collègues députés qui ont sécurisé et borné cette proposition de loi sur le plan juridique. Je les remercie d’avoir enrichi le texte qui résultait du travail que nous avions fait en commun, monsieur le rapporteur, ici même en première lecture.
La jurisprudence communautaire des « prestations intégrées » – pour ne pas parler anglais – permet par exemple à une collectivité locale de confier à un tiers la réalisation d’opérations non soumises aux procédures de passation des marchés publics. Cette jurisprudence va encore plus loin depuis l’arrêt Teckal du 18 novembre 1999, qui pose deux conditions.
Première condition : l’autorité publique doit exercer sur la personne en cause un contrôle « analogue » – vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État – à celui qu’elle exerce sur ses propres services. C’est un point important qu’il conviendra de bien définir dans la gouvernance des sociétés publiques locales.
Seconde condition : la société publique locale doit réaliser l’essentiel de son activité avec les collectivités qui la détiennent.
Si les sociétés intégralement publiques sont une pratique courante dans la plupart des États de l’Union européenne, ce n’est pas le cas en France. Le texte qui nous est soumis aujourd’hui vise donc à autoriser la création d’un tel outil. Les SPL seraient instaurées afin de réaliser, outre les activités prévues dans le cadre des SPLA – qui existent à titre expérimental depuis 2006 – et sur lesquelles je reviendrai dans un instant, des opérations de construction, des exploitations de service public à caractère commercial ou industriel ou toutes autres activités d’intérêt général.
Concernant le statut juridique, il s’agira de SA régies par le code de commerce, sous réserve des dispositions spécifiques aux sociétés d’économie mixte prévues dans le code général des collectivités territoriales.
Enfin, l’actionnariat sera assuré en totalité par des personnes publiques, éventuellement associées à des établissements publics. Le nombre minimum d’actionnaires sera fixé à deux – précision apportée ici même en première lecture –, contre un seul dans le texte initial. C’est aussi le nombre qui sera désormais applicable aux SPLA, l’expérience ayant démontré que le nombre de sept, qui était jusqu’à présent exigé, pouvait freiner la création de telles sociétés. Bien entendu, l’activité de la SPL devra se réaliser sur le territoire des collectivités actionnaires.
Le second volet de la proposition de loi porte sur les modifications apportées aux SPLA. Il s’agit simplement d’élargir le champ d’activité de ces sociétés, créées en 2006, en permettant notamment la réalisation d’études préalables, l’acquisition foncière ou immobilière en vue d’effectuer des actions ou opérations d’aménagement destinées à mettre en œuvre un projet urbain.
En outre, pour la réalisation de leurs activités, les SPLA devront pouvoir exercer, par délégation de leurs titulaires – cela devra faire l’objet d’une délibération dans chaque collectivité, comme il a été rappelé tout à l’heure –, les droits de préemption et de priorité, et obtenir la possibilité de recourir à la procédure d’expropriation.
J’évoquerai maintenant les intérêts et objectifs : ces deux outils doivent permettre aux collectivités locales, qui, je le rappelle, réalisent plus de 70 % des investissements publics, d’élargir leurs possibilités, de gagner en « efficience » – pour reprendre un mot « tendance » –, de permettre la mutualisation et de compléter leurs moyens d’action sur leur territoire à côté des sociétés d’économie mixte.
Le large consensus qui s’est fait autour de ce texte, dont l’ampleur s’est encore accrue grâce aux améliorations apportées par les deux chambres en matière de sécurisation juridique, est à la hauteur de l’enjeu territorial. Les SPL font l’unanimité, dans tous les partis politiques. J’ai pu le constater de nouveau en écoutant les intervenants qui se sont d’ores et déjà exprimés. Les élus locaux attendent depuis des années la mise en place d’un tel dispositif, que certains d’entre eux ont déjà eu l’occasion d’expérimenter avec les SPLA.
Les entreprises publiques locales, notamment leur fédération, approuvent ce texte. Seuls les opérateurs privés semblent craindre pour l’équité dans le domaine concurrentiel. Je tiens à préciser que de nombreux garde-fous – M. le rapporteur les a évoqués – entourent la création des SPL. Il s’agit non pas de mettre à mal la concurrence, si chère à certains grands groupes, mais bien de renforcer l’autonomie des collectivités locales, leur réactivité et leur efficacité afin de rendre un service public de qualité, qui soit en adéquation avec les politiques publiques menées par ailleurs. Il y va de la reconnaissance des collectivités locales en tant que plus gros investisseur public de France et de la cohérence des politiques qui sont menées sur les territoires.
Lors de la rédaction de cette proposition de loi, ma volonté était simple : proposer à nos collectivités locales un outil efficace, tant dans sa mise en œuvre que dans sa gestion, permettant d’améliorer la qualité du service public. Je remercie les orateurs qui m’ont précédé à cette tribune des intentions de vote qu’ils ont manifestées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – MM. Pierre Bordier et André Villiers applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma tâche est malaisée ou, à l’inverse, trop aisée, qui consiste à intervenir après l’excellent rapport de mon collègue Jacques Mézard et les interventions concordantes des différents orateurs, sans avoir rien à ajouter qui soit pertinent. (M. Daniel Raoul applaudit.)
Rappeler les conditions de dépôt et d’examen de cette proposition de loi dans les deux assemblées ne présente que peu d’intérêt, sauf à relever le délai raisonnable qui a séparé la première adoption du texte, à l’unanimité, par notre Haute Assemblée, le 4 juin 2009, de sa discussion aujourd’hui en deuxième lecture.
Il me semble plus important de souligner la bonne complémentarité entre nos deux assemblées qui, en parfait accord avec le Gouvernement, se sont attachées à répondre efficacement à l’attente des collectivités locales pour améliorer l’efficience de leur gestion.
Le texte qu’il nous est donc proposé d’adopter, enrichi par les apports des uns et des autres, est un texte d’équilibre qui sécurise pleinement, et c’est ce que je voudrais développer, le statut de la société publique locale.
Il garantit la compatibilité parfaite des sociétés publiques locales avec la définition du régime du in house, c’est-à-dire des prestations intégrées, bâti par la jurisprudence européenne. Il prévoit en effet, d’une part, que les SPL exercent leur activité exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur leur seul territoire, et, d’autre part, que la composition de leur capital est limitée aux seules collectivités locales et à leurs groupements.
Leur champ d’intervention, comme celui des sociétés d’économie mixte, est clairement défini par référence aux compétences des collectivités locales : les missions de service public à caractère industriel ou commercial et les activités d’intérêt général.
Créées sous forme de société anonyme, ce qui écarte pour elles la possibilité de se constituer en société par actions simplifiée, les SPL comptent au moins deux actionnaires pour éviter toutes les tentations de dérive que l’on aurait pu connaître avec un seul actionnaire.
Il s’agit là d’une solide garantie pour les collectivités elles-mêmes, et pour leurs groupements, une forme d’autoprotection comparable à celle dont elles bénéficient d’ailleurs avec la nouvelle obligation qui est faite pour l’assemblée délibérante de se prononcer sur le principe de toute délégation de service public à une SPL.
Il convient d’ajouter que, comme le Gouvernement s’y est engagé, les SPL constituent un outil juridique, mis à la disposition des collectivités territoriales, qui n’emporte aucune incidence financière en termes de recettes et de dépenses, ni pour les collectivités elles-mêmes ni pour l’État.
Par ailleurs, la proposition de loi conforte la place et le rôle des sociétés publiques locales d’aménagement, initialement créées à titre expérimental. Fortes de leur succès mais – cela a été rappelé – contraintes par le nombre minimal de sept actionnaires qui était souvent difficile à atteindre, elles auront désormais un statut calqué sur celui des SPL. Elles verront ainsi leurs prérogatives notablement élargies pour réaliser toutes opérations d’aménagement, au sens du code de l’urbanisme. Elles peuvent désormais, en particulier, par délégation de leurs titulaires, exercer le droit de préemption et de priorité, et recourir à l’expropriation.
Au total, ce texte, en l’état, répond pleinement aux besoins des collectivités locales qui, de façon unanime, soulignaient jusqu’à présent les lourdeurs et les contraintes des procédures des marchés publics dans des situations qui ne justifiaient pas pareil appel à concurrence.
Ce nouveau dispositif, considérablement renforcé dans sa sécurité juridique, ne peut que rassurer les institutions ou les organismes qui, au départ, voyaient dans son adoption une concurrence peut-être injuste et inéquitable.
Il a en outre un avantage dont on n’a peut-être pas suffisamment mesuré la portée : aux réformes successives des collectivités locales qui sont venues troubler le paysage administratif, à celles qui ne manqueront pas d’intervenir dans quelques mois, il est important d’apporter quelques éléments structurants. Chacun s’accorde à reconnaître l’absolue nécessité d’apporter cohérence et rationalisation dans la gestion locale. Les SPL sont l’outil juridique pleinement approprié pour faciliter la mutualisation indispensable à cette cohérence et à cette modernisation.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE suivra les conclusions de notre excellent rapporteur. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons en deuxième lecture cette proposition de loi de notre collègue Daniel Raoul, visant à développer les sociétés publiques locales.
Il s’agit de doter les collectivités locales françaises d’un outil dont toutes les autres collectivités européennes disposent déjà : des entreprises privées à capital 100 % public pouvant associer plusieurs personnalités morales publiques. Il va sans dire que la Fédération des entreprises publiques locales, anciennement Fédération des sociétés d’économie mixte, soutient très énergiquement ce projet.
En France, on compte quelque 1 100 sociétés d’économie mixte, ou SEM, qui représentent plus de 51 000 emplois directs dans huit grands secteurs d’activité, le développement économique, le tourisme, le développement urbain et les infrastructures publiques, la production et la distribution de l’eau et de l’énergie, l’environnement, les transports, les télécommunications et autres services.
Une partie de leur capital – 35 % en moyenne – est privée.
Or, pour certaines d’entre elles, la perte du marché signifie la mort de l’entreprise : en effet, elles sont nombreuses à ne fournir des prestations que pour un seul site ou un seul projet, sans prétendre gagner d’autres marchés hors de leur territoire. Pour certaines, la mise en concurrence conduirait donc à la disparition de l’entreprise.
C’est la raison pour laquelle il était opportun de réfléchir aux moyens de doter les élus locaux, dans tous les domaines de compétence actuellement ouverts aux SEM, de l’outil leur permettant de concilier pleinement droit communautaire et principe de libre administration des collectivités territoriales.
L’expérimentation de la société publique locale a été conduite dans le domaine de l’aménagement depuis 2006. Un peu moins d’une dizaine de sociétés publiques locales d’aménagement, ou SPLA, existent aujourd’hui. Cette structure séduit les collectivités locales, mais le cadre juridique n’était pas parfait. C’est pourquoi la proposition de loi de notre collègue Daniel Raoul repose sur deux axes : l’élargissement des SPL à tous les champs traditionnels des SEM et l’amélioration du statut des SPLA.
Il s’agit non pas de transformer toutes les SEM en SPL, mais de permettre aux collectivités de créer des entreprises privées à capitaux exclusivement publics. C’est aussi un outil plus souple et plus transparent en matière de gestion comptable et de gestion du personnel.
On sait combien nos villes doivent aujourd’hui se transformer, notamment par la réhabilitation de quartiers entiers qui ne font pas honneur à notre République. Mais c’est dans l’agglomération dans son ensemble que ces réhabilitations doivent se concevoir, pour la mise en place d’une réelle mixité sociale partout sur notre territoire.
Cette proposition de loi va donc dans le bon sens : celui de l’amélioration de l’efficacité de nos collectivités et d’une plus grande transparence.
Nous avons entendu les voix de nombreuses professions qui nous ont alertés sur les prétendus dangers de ce texte. Nous serions en passe d’entraver la libre concurrence dans toute une série de secteurs, de la gestion des cimetières à la construction des HLM… Comme si le texte que nous examinons aujourd’hui avait pour objectif de soustraire les collectivités locales au droit commun de la commande publique ! Ce n’est pas du tout la réalité : nous sommes au contraire sur le point de doter les collectivités d’un outil leur permettant de choisir un mode de gestion moderne et adapté pour les services publics dont elles ont la responsabilité. Il s’agit d’un outil qui manquait à leur palette et qui permettra de soutenir le développement de nouveaux services dans des domaines aussi divers que la résorption de l’habitat insalubre ou la gestion de l’assainissement individuel. Est-il raisonnable de craindre que les collectivités retrouvent enfin leur capacité d’action ?
Avant de terminer, je souhaite rappeler le contexte particulier de l’examen de ce texte.
Comme plusieurs intervenants l’ont dit, il s’agit d’une proposition de loi de notre collègue socialiste Daniel Raoul, adoptée à l’unanimité par notre assemblée en première lecture voilà presque un an. Ce texte a été voté également à l’unanimité à l’Assemblée nationale, il y a quelques mois, sur l’initiative du groupe UMP. Je souhaitais le souligner car ce cas de figure est cependant assez rare,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Charles Gautier. … nombre de textes votés à l’unanimité par notre assemblée ne sont jamais examinés au Palais-Bourbon ou se perdent dans les méandres de la navette parlementaire.
Nous espérons donc, comme cela se dessinait en commission des lois le 5 mai dernier, que notre assemblée réitérera l’unanimité de la première lecture, afin que les collectivités locales puissent se saisir rapidement d’un nouvel outil qui leur permettra d’améliorer leur efficacité et leur compétitivité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – MM. Antoine Lefèvre, Pierre Bordier et André Villiers applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis.
M. Marc Daunis. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette discussion générale touche à sa fin, l’essentiel a été évoqué, je dirai cependant quelques mots, d’abord pour féliciter notre éminent collègue et ami Daniel Raoul : nous l’attendions, il l’a fait ! (Sourires.)
Fort de son expérience parlementaire, nourri par la pratique des responsabilités d’élu local, il nous présente une proposition de loi qui pourrait apparaître modeste – à son image –, mais elle se compose de quelques articles extrêmement utiles et très attendus.
Il ne s’agit pas d’un texte révolutionnaire ; il ne bouleversera pas les codes ; il ne passionnera sans doute pas les médias, il est constructif.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Marc Daunis. Mais pour les élus locaux et pour l’action de nos collectivités, quelle satisfaction et quelle facilité !
Tout en rendant hommage à son auteur, je sais aussi, mes chers collègues, que cette proposition de loi est l’aboutissement d’une démarche consensuelle entre la majorité et l’opposition, cela a été rappelé. Encore bravo, cher Daniel Raoul ! (M. Daniel Raoul fait mine de jouer du violon.)
Au-delà du clin d’œil, si ce texte obtient le soutien unanime de nos deux assemblées, c’est d’abord, me semble-t-il, parce qu’il repose sur un principe simple : le pragmatisme au service d’une volonté politique structurée.
Reconnaissons que cet esprit peut nous faire parfois défaut, nous législateurs, inventeurs permanents du droit devant l’éternité.
Oui, le pragmatisme est bien la marque de fabrique de ce texte.
Au-delà de l’adaptation juridique liée à la jurisprudence communautaire, la création des SPL dans notre pays répond, en effet, à un besoin vital pour l’administration de nos territoires.
Il s’agit également d’une démarche pragmatique fondée sur l’observation et la comparaison internationale.
Cet instrument nous permettra d’appliquer pleinement le droit communautaire, tout en respectant le principe de libre administration des collectivités territoriales.
À ce propos, il est un peu lassant et irritant d’entendre des groupes privés ou des fédérations professionnelles faire part de leurs inquiétudes de non-concurrence, là où la concurrence joue toujours de façon parfaite et à l’encontre des élus locaux. Ces derniers sont un peu fatigués de recevoir des leçons d’intérêt général émanant de groupes privés, car les élus locaux sont les premiers porteurs de l’intérêt général.
Par ailleurs, ces sociétés publiques locales existent déjà dans la plupart des autres pays européens, et plus particulièrement en Allemagne, puisque l’on en dénombre 16 000 au total dans les États constituant l’Union européenne.
Dans tous ces pays, les collectivités territoriales disposent déjà d’un tel outil dans leur arsenal juridique. Ce n’était pas le cas de la France, c’est aujourd'hui, je l’espère, quasiment fait.
Il s’agit, enfin, d’une démarche pragmatique fondée sur l’expérimentation, dans notre pays, des SPLA.
Le statut des sociétés publiques locales d’aménagement, constituées à titre expérimental pour une durée de cinq ans, est consolidé grâce à ce texte.
Dans un passé récent, il y a environ cinq ans, en tant que conseiller régional et président de la SEM d’aménagement de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, j’ai pu ainsi modestement contribuer à la mise en place de cette expérimentation. Notre région avait d’ailleurs été l’une des toutes premières collectivités à transformer une SEM en SPLA. À l’époque, les partenaires habituels de la SEM, c'est-à-dire les sociétés qui construisaient les lycées ou celles qui effectuaient les opérations du contrat de plan, et non pas les partenaires institutionnels, avaient exprimé leur satisfaction car ils craignaient que des délais supplémentaires ne se rajoutent à la réactivité dont ils bénéficiaient avec cette société d’économie mixte régionale ou qu’une internalisation en régie, par exemple, ne modifie les délais de paiement de leurs prestations.
C’est pourquoi je suis un peu étonné de certaines remarques, qui visent éventuellement, au travers de tel ou tel amendement, à restreindre le champ d’intervention des SPL ou, au contraire, à essayer à tout prix de réintroduire une certaine rigidité malgré la sécurité tout à fait suffisante, me semble-t-il, apportée par cette proposition de loi. D’autant plus que nous avons, d’une part, le recul de l’expérimentation, qui a déjà quatre ans, et, d’autre part, la possibilité, si nous constatons ici ou là telle ou telle fragilité, de pouvoir adapter notre dispositif législatif, comme cela a été précisé par M. le secrétaire d'État et par M. le rapporteur.
Pour une fois que nous faisons quelque chose de simple, pourrions-nous en rester là et ne pas alourdir le dispositif de façon inutile ?
M. Jean-Jacques Mirassou. Bien sûr !
M. Marc Daunis. En conclusion, il s’agit d’une initiative heureuse, notre vote sera enthousiaste, et conforme, je l’espère, car ce texte est très attendu ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. André Villiers applaudissent également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de la nouvelle rédaction de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les articles adoptés conformes ou les articles additionnels qui sont sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.
Article 1er
(Non modifié)
Le livre V de la première partie du code général des collectivités territoriales est complété par un titre III ainsi rédigé :
« Titre III
« Sociétés publiques locales
« Art. L. 1531-1. – Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital.
« Ces sociétés sont compétentes pour réaliser des opérations d’aménagement au sens de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, des opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d’intérêt général.
« Ces sociétés exercent leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres.
« Ces sociétés revêtent la forme de société anonyme régie par le livre II du code de commerce et sont composées, par dérogation à l’article L. 225-1 du même code, d’au moins deux actionnaires.
« Sous réserve des dispositions du présent article, elles sont soumises au titre II du présent livre. »
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer les mots :
ou toutes autres activités d’intérêt général
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais à mon tour m’associer à l’hommage rendu à notre collègue Daniel Raoul, qui a su profiter de la conjoncture et du retour de l’État dans l’économie qu’elle suscite pour déposer cette proposition de loi. Ce texte, qui a fait l’unanimité, a pour objet d’inscrire ce phénomène dans la pratique : il constitue en réalité une solution proposée au Gouvernement pour déroger aux principes qui régissent la passation des marchés publics.
C’est une inquiétude forte qui s’exprime : nous n’avons pas affaire à de vagues déclarations corporatistes. Une initiative parlementaire intéressante a été prise visant à introduire la souplesse que requièrent des circonstances exceptionnelles – je me souviens de la discussion, dans sa première version, de la proposition de loi – et à permettre aux collectivités territoriales de réaliser des économies.
Finalement, pourtant, ce qui était à l’origine une bonne idée, une idée simple, débouche sur un mécanisme susceptible d’entraîner un contentieux important parce qu’il remet en cause des principes forts, tel celui de la liberté d’entreprendre, tels ceux auxquels doit obéir la passation des marchés publics.
Mes chers collègues, en cette année où, pour la première fois, la dépense publique de la France représente 56 % de son PIB, dans une conjoncture où le Gouvernement dénonce les dérapages des collectivités territoriales, on instaurerait un régime d’exception pour faciliter le passage dérogatoire des marchés publics, évidemment au détriment de la libre entreprise, évidemment au détriment d’une certaine contractualisation entre les entrepreneurs et les collectivités territoriales ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) C’est d’une certaine façon le retour de l’entreprise publique dans sa version municipale !
M. Jean-Jacques Mirassou. Les soviets !
M. Philippe Dominati. Les sociétés d’économie mixte avaient été créées à l’occasion d’une réforme menée par M. Mauroy : c’est un retour en arrière ! (Mêmes mouvements.)
On entend beaucoup de louanges sur cette initiative, qui part d’un très bon sentiment… Pour ma part, je fais partie des parlementaires qu’elle préoccupe. Que se passera-t-il pour les entrepreneurs, surtout les plus petits d’entre eux, qui ont passé des marchés avec des collectivités territoriales ? Qu’adviendra-t-il lors du renouvellement de leurs contrats ou de la redéfinition des prestations demandées ? En réalité, avant même que ne soit parvenue à son terme l’expérimentation engagée, nous ouvrons à chaque SEM, à chaque collectivité territoriale – et l’on en connaît le nombre ! –, la possibilité de s’affranchir de plusieurs règles en matière de marchés publics.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Elles ne vont pas se transformer en entreprises !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, j’ai certes dépassé le temps de parole qui m’était imparti pour présenter l’amendement n° 5, mais, si vous m’y autorisez, je poursuivrai cette intervention pour défendre également l’amendement n° 6, qui relève du même principe.
M. le président. Volontiers, mon cher collègue !
M. Philippe Dominati. Ainsi, je n’aurai pas besoin de reprendre la parole tout à l’heure. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe socialiste.)
M. Charles Gautier. Ça vaudra mieux, si c’est pour dire la même chose !
M. le président. J’appelle donc également en discussion l'amendement n° 6, présenté par M. P. Dominati, et qui est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Afin d'assurer le respect de ces exigences, la mise en œuvre ainsi que les modalités de réalisation des activités confiées à ces sociétés font systématiquement l'objet d'un contrat entre celles-ci et les collectivités actionnaires.
Veuillez poursuivre, monsieur Dominati.
M. Philippe Dominati. J’ai présenté jusqu’ici le contexte général dans lequel s’insèrent mes deux amendements.
Le premier, l’amendement no 5, vise à restreindre le champ d’application de la future loi en en modifiant l’article 1er, dont je propose de supprimer la notion vague que recouvrent les mots « toutes autres activités d’intérêt général ». La conserver, ce serait laisser planer le doute sur la pratique, mais surtout ouvrir la porte à des contentieux ultérieurs.
Le second amendement, qui porte le numéro 6, a pour objet que soit clairement définie par contrat la prestation que la SPL fournira à la collectivité.
À travers ces deux amendements, ce sont donc des garde-fous que j’invite à poser en faisant appel aux principes qui régissent actuellement les liens entre le secteur public et le secteur privé. Je sais parfaitement qu’en ce moment le Gouvernement est très sensible à l’apologie du « tout-privé »… (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Daniel Raoul. Beau lapsus !
M. Philippe Dominati. … je veux dire bien sûr du « tout-public » ; pour autant, je pense qu’il nous faut être très prudents quand il y va de principes essentiels pour une économie telle que la nôtre aujourd’hui.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
L’amendement n° 5, qui vise à supprimer la mention « ou toutes autres activités d’intérêt général », reviendrait en fait à restreindre, à cantonner les capacités d’action des SPL. J’ajoute que je ne vois pas en quoi la définition des compétences des SPL qui figure à l’article 1er de la proposition de loi serait de nature à inquiéter les petites entreprises.
Mme Christiane Demontès. Au contraire !
M. Jacques Mézard, rapporteur. Dans tous les départements, ces sociétés publiques locales leur permettront, au contraire, de développer leur activité. Que de très grandes entreprises, dans certains secteurs d’activité de service public, soient préoccupées, on peut le comprendre.
M. Marc Daunis. Et voilà !
M. Jacques Mézard, rapporteur. Pour ce qui est des SPL, non seulement elles ne viendront pas concurrencer les petites entreprises, mais, bien évidemment, elles continueront de faire appel à elles, voire les solliciteront encore davantage.
M. Jacques Gautier. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Évidemment !
M. Jacques Mézard, rapporteur. Je ne vois donc pas où est l’antagonisme contre lequel tend à lutter ce premier amendement.
L’amendement n° 6 vise la question de la contractualisation. Mais les SPL exerceront leur activité selon les procédures habituelles de contractualisation ! Le régime dérogatoire porte uniquement sur les obligations concurrentielles, et ce dans le cadre très strict du respect du droit communautaire.
Il me semble que tous les garde-fous et toutes les sécurités utiles sont en place. La commission a donc émis, je le répète, un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Monsieur Dominati, je souhaiterais que vous retiriez vos amendements,…
M. Marc Daunis. Très bien !
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. … faute de quoi j’en demanderai le rejet.
Pour ce qui est de l’amendement n° 5, plutôt que de tenter de restreindre le champ d’intervention des sociétés publiques locales à tel ou tel domaine – solution qui, je le rappelle, n’avait pas été retenue, il y a un an, par votre assemblée –, il me paraît préférable de sécuriser leur mode de contrôle. Je vous confirme qu’en la matière celui-ci sera effectué au cas par cas, par le biais, bien sûr, du contrôle de légalité. Le champ d’application des SPL sera donc encadré par ce contrôle, ce qui, me semble-t-il, répond à votre souhait.
Quant à l’amendement n° 6, monsieur le sénateur, j’attire votre attention sur le fait que, même en l’absence de contrat, le contrôle de légalité trouvera à s’exercer au travers des délibérations que les collectivités actionnaires seront tenues d’adopter pour confier à une SPL quelque mission que ce soit. Par ailleurs, les préfets seront en mesure de vérifier, encore une fois au cas par cas, le respect des critères de contrôle comparables.
M. le président. Monsieur Dominati, les amendements nos 5 et 6 sont-ils maintenus ?
M. Philippe Dominati. Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse ne me satisfait guère, car vous n’avez pas apporté les précisions qui m’auraient permis de retirer ces amendements.
Pour autant, le débat continue sur cette procédure extrêmement compliquée, et j’aurai l’occasion de m’exprimer de nouveau en défendant un autre amendement. Les choses peuvent donc évoluer d’ici au vote final.
Dans l’instant, monsieur le président, je retire ces deux amendements.
M. le président. Les amendements nos 5 et 6 sont retirés.
L’amendement n° 1, présenté par MM. Houel et Bécot, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Un contrat ne peut être conclu entre une collectivité territoriale et une société publique locale pour l’une des opérations visées au deuxième alinéa de l’article L. 1531-1 du présent code, que si l’initiative privée s’est avérée défaillante. Cette situation ne peut résulter que de l’absence de réponse des entreprises privées aux consultations lancées pour cet objet.
La parole est à M. Michel Houel.
M. Michel Houel. Monsieur le président, je serai très bref : je retire cet amendement, ainsi que l’amendement n° 2, déposé à l’article 1er bis A.
En effet, M. le rapporteur a indiqué tout à l’heure qu’il nous appelait à voter les articles sans modification : mes amendements ne pourront donc qu’essuyer des refus de la part de notre assemblée, où ce texte recueille une belle unanimité, et j’en suis ravi.
Permettez-moi néanmoins, mes chers collègues, de vous faire entendre une autre « petite musique ». Comme vous, je suis un élu local depuis de nombreuses années, et je n’ai pas été habitué à passer des marchés sans faire appel à la concurrence.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il ne s’agit pas de cela !
M. Michel Houel. Aussi, aujourd’hui, je ne comprends pas.
J’insisterai cependant sur un point, même s’il peut paraître marginal. Les communes ont longtemps eu la possibilité de passer sans mise en concurrence des commandes n’excédant pas 4 000 euros. Ce seuil a ensuite été porté à 20 000 euros : c’était merveilleux ! Même si, personnellement, j’avais demandé qu’il soit fixé à 28 000 euros, j’estimais que 20 000 euros permettaient déjà de travailler de façon correcte. Et voilà qu’aujourd’hui ce seuil est de nouveau ramené à 4 000 euros, et ce alors que les SPL pourront passer des marchés de un ou plusieurs millions d’euros sans aucune publicité ni appel à concurrence ! Je crains très sincèrement que les élus locaux qui appliqueront ce dispositif n’aillent au-devant de contentieux, et les propos tenus par les orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale ne m’ont convaincu.
Aussi, je retire mes amendements, mais je ne voterai pas cette proposition de loi, sur laquelle je m’abstiendrai.
M. le président. L’amendement n° 1 est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis A
(Non modifié)
I. – Après les mots : « établissement public », la fin du b de l’article L. 1411-12 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigée : « ou à une société publique locale sur lesquels la personne publique exerce un contrôle comparable à celui qu’elle exerce sur ses propres services et qui réalisent l’essentiel de leurs activités pour elle ou, le cas échéant, les autres personnes publiques qui contrôlent la société, à condition que l’activité déléguée figure expressément dans les statuts de l’établissement ou de la société ; ».
II. – Le chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la première partie du même code est complété par un article L. 1411-19 ainsi rédigé :
« Art. L. 1411-19. – Les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et de leurs groupements se prononcent sur le principe de toute délégation de service public à une société publique locale, le cas échéant après avoir recueilli l’avis de la commission consultative des services publics locaux prévue à l’article L. 1413-1. Elles statuent au vu d’un rapport qui présente le document contenant les caractéristiques des prestations que doit assurer la société publique locale délégataire. »
III. – Après les mots : « établissement public », la fin du b de l’article 41 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques est ainsi rédigée : « ou à une société publique locale sur lesquels la personne publique exerce un contrôle comparable à celui qu’elle exerce sur ses propres services et qui réalisent l’essentiel de leurs activités pour elle ou, le cas échéant, les autres personnes publiques qui contrôlent la société, à condition que l’activité déléguée figure expressément dans les statuts de l’établissement ou de la société ; ».
IV. – Après l’article 47 de la même loi, il est rétabli un chapitre V ainsi rédigé :
« Chapitre V
« Contrôle exercé par les assemblées locales sur les délégations de service public confiées à des sociétés publiques locales
« Art. 48. – Les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et de leurs groupements se prononcent sur le principe de toute délégation de service public à une société publique locale. Elles statuent au vu d’un rapport qui présente le document contenant les caractéristiques des prestations que doit assurer la société publique locale délégataire. »
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Cet amendement a pour objet de consolider l’esprit de la proposition de loi en supprimant un ajout apporté par l’Assemblée nationale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous obtiendriez l’inverse !
M. Philippe Dominati. Il est en effet un point que je ne comprends pas. Il me semble qu’en réalité, par le biais de cette proposition de loi, nous profitons du droit communautaire et des dérogations qu’il autorise pour officialiser celles-ci dans le droit national et les rendre permanentes. C’est la collectivité territoriale qui, par la composition du capital, conférera son caractère dérogatoire à la société, et non l’aspect « in house » – je ne sais pas si c’est de l’angevin ou du corrézien… (Sourires.) Je ne comprends donc pas la confusion qui s’est installée sur ce point – pour autant que je l’aie compris ; mais, si je me trompe, M. le président de la commission des lois aura certainement l’amabilité de me corriger.
Quoi qu’il en soit, cet article m’inquiète beaucoup, car je pense qu’il suffira à provoquer la remise en cause totale du texte – il est vrai que cela aurait l’avantage de corriger les imperfections que j’ai eu l’occasion de souligner précédemment ! –, et c’est pourquoi mon amendement vise à le supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. Je crois que l’amendement va à l’encontre du but que son auteur annonce.
L’Assemblée nationale a inséré cet article additionnel afin de sécuriser encore davantage les dispositions de la proposition de loi en renforçant le contrôle préalable des élus. C’est pour cette raison qu’elle a prévu une délibération sur le principe de toute délégation de service public à une SPL, sur la base d’un rapport détaillant les caractéristiques des prestations attendues de la société publique locale.
C’est article a donc pour objet, au contraire, de sécuriser le dispositif par rapport à la jurisprudence communautaire. Il apporte une garantie supplémentaire et, mon cher collègue, va dans le sens que vous semblez souhaiter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Même avis défavorable que M. le rapporteur.
En effet, monsieur le sénateur, la formulation retenue a été parfaitement validée par la Commission, puisque celle-ci, au vu de cette disposition, a décidé en novembre dernier de classer la procédure qu’elle avait elle-même engagée. L’article 1er bis A n’est donc pas contraire à l’esprit du droit communautaire et apporte toute sécurité à l’égard de Bruxelles.
M. le président. Monsieur Dominati, l’amendement n° 7 est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Monsieur le secrétaire d’État, vous vous avancez, me semble-t-il, car la Commission a reculé sur l’application et face à l’incertitude juridique, compte tenu du caractère dérogatoire du dispositif. La Commission attend de connaître l’évolution de la jurisprudence. Nous, nous sommes en train d’inscrire dans le droit français du « dérogatoire permanent » ! Cet article fragilise très probablement le droit français de façon durable.
Cela étant dit, je retire mon amendement, monsieur le président. Nous verrons ce qu’il adviendra.
M. le président. L’amendement n° 7 est retiré.
L'amendement n° 2, présenté par MM. Houel et Bécot, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Le contrat de délégation de service public ne peut être conclu entre la collectivité territoriale et la société publique locale que si l'initiative privée s'est avérée défaillante. Cette situation ne peut résulter que de l'absence de réponse des entreprises privées aux consultations lancées pour cet objet.
Cet amendement a été retiré.
Je mets aux voix l'article 1er bis A.
(L'article 1er bis A est adopté.)
Article 1er bis
(Non modifié)
Après le mot : « peuvent », la fin du premier alinéa de l’article L. 327-1 du code de l’urbanisme est ainsi rédigée : « créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales d’aménagement dont ils détiennent la totalité du capital. » – (Adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Les trois derniers alinéas de l’article L. 327-1 du code de l’urbanisme sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Ces sociétés sont compétentes pour réaliser toute opération d’aménagement au sens du présent code. Elles sont également compétentes pour réaliser des études préalables, procéder à toute acquisition et cession d’immeubles en application des articles L. 221-1 et L. 221-2, procéder à toute opération de construction ou de réhabilitation immobilière en vue de la réalisation des objectifs énoncés à l’article L. 300-1, ou procéder à toute acquisition et cession de baux commerciaux, de fonds de commerce ou de fonds artisanaux dans les conditions prévues au chapitre IV du titre Ier du livre II du présent code. Elles peuvent exercer, par délégation de leurs titulaires, les droits de préemption et de priorité définis par le présent code et agir par voie d’expropriation dans les conditions fixées par des conventions conclues avec l’un de leurs membres.
« Ces sociétés exercent leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres.
« Ces sociétés revêtent la forme de société anonyme régie par le livre II du code de commerce et sont composées, par dérogation à l’article L. 225-1 du même code, d’au moins deux actionnaires.
« Sous réserve des dispositions du présent article, elles sont soumises au titre II du livre V de la première partie du code général des collectivités territoriales. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 2
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Repentin.
L'amendement n° 4 rectifié est présenté par MM. Braye et Jarlier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsqu'elles interviennent pour réaliser des opérations de logement social, les sociétés publiques locales et les sociétés publiques locales d'aménagement sont soumises aux dispositions du titre VIII du livre IV du code de la construction et de l'habitation ainsi modifié :
1° L'intitulé du titre VIII du livre IV est complété par les mots : « et aux sociétés publiques locales » ;
2° Le chapitre premier du titre VIII du livre IV est ainsi modifié :
a) Son intitulé est ainsi rédigé : « Dispositions relatives aux sociétés d'économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux » ;
b) Avant l'article L. 481-1, il est inséré une division ainsi intitulée :
« Section 1
« Dispositions générales » ;
c) Après l'article L. 481-7, il est inséré une division ainsi intitulée :
« Section 2
« Dispositions relatives à la mobilité des locataires » ;
d) Les articles L. 482-1 à L. 482-4 deviennent respectivement les articles L. 481-8 à L. 481-11 ;
3° Le chapitre II du titre VIII du livre IV est ainsi rédigé :
« Chapitre II
« Dispositions relatives aux sociétés publiques locales
« Art. L. 482-1. - Les sociétés publiques locales sont agréées par le ministre chargé du logement en vue d'exercer une activité de construction ou de gestion de logements sociaux, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État.
« En cas d'irrégularités graves ou de fautes graves de gestion commises par une société agréée en application de l'alinéa précédent, ou en cas de carence de son conseil d'administration ou de son conseil de surveillance, le ministre chargé du logement peut retirer cet agrément. Le retrait est prononcé après avoir mis les dirigeants de la société en mesure de présenter leurs observations dans le délai d'un mois. Les décisions prises sont communiquées au conseil d'administration ou au conseil de surveillance et au directoire de l'organisme, dès sa plus proche réunion.
« Dans les six mois qui suivent le retrait de son agrément, la société doit céder son patrimoine conventionné à un organisme d'habitations à loyer modéré, ou à une société d'économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux, ou à une autre société publique locale agréée ou à un organisme agréé au titre de l'article L. 365-2.
« Art. L. 482-2. - Les dispositions du présent code applicables aux sociétés d'économie mixte le sont pour les sociétés publiques locales agréées. »
La parole est à M. Thierry Repentin, pour présenter l’amendement n° 3.
M. Thierry Repentin. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous me dire si, au vu de cet amendement, vos services ont analysé les répercussions de l’intervention des sociétés publiques locales, les SPL, dans le domaine du logement social ? Ces sociétés, qui pourraient être autorisées à réaliser des opérations de logement social, seront-elles bien soumises aux mêmes contraintes de gestion et de dévolution du patrimoine que tous les autres organismes produisant aujourd’hui du logement social dans notre pays ? Un doute subsiste à cet égard.
Ainsi, ces sociétés devront-elles respecter les règles d’attribution des logements construits ? En effet, il ne faudrait pas que des maires puissent créer, avec une SPL, leur propre outil en matière de logement social et allouer les logements à qui ils souhaitent sans passer par les commissions d’attribution. Dans ce domaine, les sociétés de logement, vous le savez, doivent aujourd’hui respecter des règles de transparence et d’équité vis-à-vis de nos concitoyens.
Par ailleurs, lorsqu’une SPL viendra à disparaître, le patrimoine construit restera-t-il dans le champ du logement social, comme c’est la règle pour tous les organismes de logements sociaux ? Au travers du texte qui nous est proposé, je ne sais pas si tel est le cas.
Enfin, et ce sera ma dernière question, monsieur le secrétaire d’État, vos services ont-ils vérifié que le dispositif que nous examinons est eurocompatible ? L’Union européenne n’a pas aujourd'hui une vision très positive et pragmatique du logement social. Elle tente de remettre en cause les aides nationales en faveur de la construction de logements sociaux. Elle ne les tolère aujourd’hui que parce que le dispositif est très encadré, qu’il s’agisse notamment des plafonds de ressources et des règles d’attribution.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour présenter l'amendement n° 4 rectifié.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la présente proposition de loi, qui vise à doter les collectivités locales d’un nouvel outil d’intervention pour réaliser des « prestations intégrées », prévoit la création de SPL et le renforcement des SPLA créées par la loi de 2006 portant engagement national pour le logement. Comme vient de le souligner Thierry Repentin, cette proposition de loi, telle qu’elle est actuellement rédigée, pose de réelles difficultés dans le domaine du logement social, la construction et la gestion de logements sociaux entrant de fait dans le champ d’activité potentielle de ces structures.
Tout d’abord, la proposition de loi introduit une inégalité de traitement entre acteurs ayant les mêmes missions. Si les SPL et les SPLA peuvent intervenir en tant qu’opérateurs en matière de logement social, le principe d’égalité de traitement impose qu’elles se voient appliquer les mêmes obligations que celles qui pèsent sur les organismes d’HLM, les SEM et les organismes à but non lucratif titulaires de l’agrément « maîtrise d’ouvrage » ou de l’agrément « intermédiation locative et gestion locative sociale ».
Ensuite, la proposition de loi est contradictoire avec les orientations de la politique gouvernementale tendant à concentrer les acteurs du logement social. Tous les efforts en direction du monde HLM – efforts ô combien importants ! même s’ils donnent peu de résultats, j’en conviens – visent aujourd’hui à encourager et à favoriser la coopération et le regroupement des organismes d’HLM, donc la réduction du nombre d’intervenants – on en compte plus de neuf cents à ce jour –, afin de promouvoir la mutualisation des moyens et de dégager des fonds propres. À cet égard, je compte sur le président de l’Union sociale pour l’habitat pour œuvrer dans ce sens et pour accroître la performance des bailleurs sociaux.
Ainsi convient-il de prévoir, dès la création des SPL – et le renforcement des SPLA –, que l’intervention de ce nouvel acteur dans le champ du logement social devra être également soumise à la délivrance d’un agrément, garantissant la capacité à l’encadrer, dans ce domaine particulièrement sensible, vous en conviendrez, et qui met en jeu d’importants crédits d’État.
Je tiens à rappeler à M. le président de la commission des lois, à M. le rapporteur ainsi qu’à M. le secrétaire d’État que le Conseil de modernisation des politiques publiques a demandé au ministre en charge du logement de procéder à la restructuration du réseau des organismes de logement social pour aller vers la constitution de groupes structurés et professionnels, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Or, force est de le reconnaître, d’un point de vue politique il est difficile de forcer le monde HLM à se restructurer alors que, en parallèle, on permet l’émergence, sans aucun contrôle, d’opérateurs potentiellement concurrents. Les messages adressés à la profession doivent être cohérents. L’argument du verrou réglementaire n’est inversement pas crédible, car les bailleurs sociaux, vous le savez, anticiperont immédiatement en étendant les financements des prêts locatifs à usage social, les PLUS, et des prêts locatifs aidés d’intégration, les PLAI, aux SPL.
D’un point de vue juridique, les SPL pourront avoir accès aux financements des prêts locatifs sociaux, les PLS, lesquels sont ouverts, je le rappelle, à tous les opérateurs. Leur actionnariat étant public, il est très probable que si demain une SPL intentait un recours pour obtenir le financement d’une opération en logement social – PLUS ou PLAI –, elle obtiendrait gain de cause en s’appuyant sur le double argumentaire suivant : d’abord, la directive « Services » impose aux États membres d’accorder les mêmes avantages à des opérateurs réalisant des missions de services publics identiques ; ensuite, son statut est à mi-chemin entre celui des offices et celui des sociétés d’économie mixte et impose logiquement qu’elle bénéficie des mêmes droits.
Selon nous, il y a là tout l’arsenal juridique pour faire condamner l’État, monsieur le secrétaire d’État, en vertu de normes supérieures au décret que vous ne manquerez pas de prendre, à ouvrir les financements PLUS et PLAI aux SPL.
Aussi, pour vous protéger, monsieur le secrétaire d’État, pour protéger l’État et ceux qui vont voter cette proposition de loi, il nous semble impérieux que les SPL et les SPLA qui seraient amenées à intervenir dans le domaine du logement social soient soumises à l’agrément du ministre du logement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Nous considérons que, en l’état, les sociétés publiques locales n’auront pas la possibilité de réaliser des logements sociaux. L’article R. 331-14 du code de la construction et de l’habitation – je l’ai évoqué dans la discussion générale – liste en effet de manière très exhaustive les organismes pouvant avoir accès à ces subventions et à ces prêts. Les SPL n’en font pas partie. Cela ne signifie pas que cette liste ne peut pas être modifiée pour permettre aux SPL d’entrer dans le jeu du logement social, mais, en l’état, elles n’y ont strictement aucun intérêt. En outre, elles ne peuvent obtenir ni les agréments nécessaires, ni les concours financiers de l’État, ni les prêts de la CDC, contrairement aux organismes agréés aujourd’hui.
Telle est la réponse claire que je souhaitais apporter à cette question importante et légitime.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je partage l’avis de M. le rapporteur.
Les amendements nos 3 et 4 rectifié visent à instituer une procédure d’agrément préalable délivré par le ministre en charge du logement pour les SPL chargées d’exercer une activité de construction ou de gestion de logements sociaux afin de réguler la création d’organismes nouveaux dans ce secteur d’activité.
S’il me paraît bon de soumettre ces sociétés aux règles applicables à ce secteur d’activité, j’observe toutefois que les sociétés d’économie mixte locales, dont le capital est par essence mixte, ne sont aujourd’hui pas soumises à cette contrainte. Dès lors, il peut sembler surprenant de conditionner l’activité des seules SPL à un tel agrément alors que leur capital est à 100 % public. Il y a là une incohérence qui pose problème.
Monsieur Repentin, je vous confirme, après expertise, que, concernant le secteur du logement, aucun problème ne se pose en termes de compatibilité avec les textes européens.
Aussi, je souhaiterais que ces deux amendements soient retirés.
M. le président. Monsieur Repentin, l'amendement n° 3 est-il maintenu ?
M. Thierry Repentin. Monsieur le secrétaire d’État, selon notre analyse, les sociétés d’économie mixte locales n’ont effectivement pas besoin d’un agrément préalable du ministre du logement. Cela étant, elles sont soumises aux dispositions du code de la construction et de l’habitation, soit à un certain nombre de règles très précises en termes de fonctionnement. Elles sont par exemple obligées de mettre en place des commissions d’attribution. L’agrément préalable du ministre du logement pour les SPL impliquerait qu’elles seraient soumises, elles aussi, à cette obligation.
Sur le fond, je ne suis pas convaincu par l’analyse de vos services, d’autant plus que M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme, que j’ai interrogé hier, m’a lui-même fait part de sa perplexité quant à l’application de cette loi.
Cela étant dit, la commission et le Gouvernement ayant émis un avis défavorable, je ne maintiendrai pas mon amendement, car il ne sera pas adopté. Mais je prends date pour l’avenir : nous aurons l’occasion de revenir sur cette question notamment lors de l’examen de textes portant sur les collectivités locales, puisque vous serez alors au banc du Gouvernement.
M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.
Monsieur Braye, l'amendement n° 4 rectifié est-il maintenu ?
M. Dominique Braye. Monsieur le rapporteur, j’ai été surpris par vos propos : vous m’avez répondu comme si je n’avais pas développé d’argumentation. Il me semble pourtant avoir avancé une argumentation fondée. Je vous ai démontré que, au nom du principe de la hiérarchie des normes, la directive « Services » s’appliquera, malgré la législation française existante. Si vous m’avez écouté, monsieur le rapporteur, vous ne m’avez pas entendu. Monsieur le secrétaire d’État le sait, mon analyse juridique est la bonne, j’en suis quasiment persuadé. Je tenais à ce qu’il en soit pris acte par le Sénat.
Aucun amendement n’ayant été adopté par notre assemblée, je ne prolongerai pas les débats au-delà de ce que tout le monde souhaite. Aussi, je retire mon amendement, monsieur le président, tout en priant vivement M. le secrétaire d’État de bien vouloir étudier la question qu’il soulève de façon un peu plus approfondie, afin de permettre l’adoption d’une telle disposition, qui serait de nature à garantir sérieusement le système.
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié est retiré.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le paradoxe serait d’en venir à inciter les sociétés publiques locales à concurrencer les organismes d’HLM. Or c’est exactement ce que vous êtes en train de faire !
Si des SPL souhaitent un jour conduire des opérations de logement social – des SEM se sont aussi lancées dans ce type de projets –, elles devront être agréées selon certaines conditions, ce qui n’est pas le cas aujourd'hui. Elles seront soumises aux mêmes règles que les autres organismes si elles veulent accéder aux financements accordés au logement social.
Renoncez à insérer une telle disposition, mes chers collègues. N’incitez pas ceux qui voudraient concurrencer les organismes constructeurs et gestionnaires de logements sociaux à se lancer dans ce type d’activité.
Il me semble naturel de soulever cette question et d’exprimer une telle préoccupation par le biais de vos amendements. Mais, honnêtement, les amendements aboutiraient à dire : « Si vous voulez faire du logement social, il faut que vous rentriez dans le système ! ». Je considère – et je pense que c’est aussi l’esprit qui a animé les auteurs des amendements initiaux – que les sociétés publiques locales n’ont pas vocation à intervenir dans ce domaine. Les sociétés publiques locales ont beaucoup d’autres missions à remplir que de concurrencer les organismes d’HLM qui, depuis longtemps, font bien ce travail. En fin de compte, il pourrait y avoir une tentation, et il ne faut en aucun cas pousser les gens à la tentation…
M. Jean-Louis Carrère. Il y en a tout de même qui renoncent !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … car on ne sait jamais comment cela se termine.
M. Jean-Louis Carrère. Parfois, on le sait !
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Je remercie le président de la commission des lois pour son explication à laquelle j’aimerais réagir brièvement.
Avec les SPL, c’est un partenariat public-public, impliquant des collectivités locales, qui va se constituer sur un périmètre déterminé. Ce serait effectivement une curieuse tentation pour les collectivités locales qui créent une société publique locale d’aménagement de concurrencer leurs propres sociétés d’HLM sur le territoire sur lequel elles opèrent.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Évidemment !
M. François Rebsamen. Pas plus que les SEM ne le font actuellement, et pourraient le faire demain. J’essaie de fournir quelques éléments d’explication.
J’ai moi-même créé une SPLA il y a deux ou trois ans. Elle mène des activités d’aménagement et, bien évidemment, elle confie à des organismes d’HLM la construction de logements sociaux sur le territoire concerné. Si vous le permettez, je voudrais souligner, monsieur Dominati, que les entreprises locales se félicitent de la création des SPLA.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. François Rebsamen. Il existe de nombreux dispositifs dont on ne parle pas, je pense notamment au « Small Business Act ». La rapidité d’action des SPL est la bienvenue dans la perspective d’une relance de l’activité économique sur un territoire. Je crois que nous allons les voir fleurir et c’est un très bon signe pour l’économie !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !
M. François Rebsamen. C’est pourquoi j’en remercie, vous me le permettez, d’un geste amical, notre éminent collègue Daniel Raoul.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Je voudrais intervenir brièvement car j’ai été un peu interpellé par la réaction du président de la commission des lois.
Vous savez, pour avoir des idées, il n’est pas nécessaire de les soumettre. Il y a déjà des gens qui ont des idées, mon cher collègue ! Il ne suffit pas qu’elles soient émises dans la Haute Assemblée pour que les gens aient des idées et préparent leur mise en œuvre. On ne vit manifestement pas dans le même monde ! La Seine-et-Marne doit être un département idyllique où les mauvaises idées n’existent pas… En tout cas, il y a déjà des gens qui se préparent à intervenir dans le domaine du logement social et c’est pourquoi j’attire l’attention de M. le secrétaire d’État.
Monsieur Rebsamen, si tout le monde est persuadé – et je m’en excuse auprès de mon collègue Thierry Repentin – que les bailleurs sociaux font tous le meilleur travail au meilleur prix, il n’y a pas de problème. Pourtant, je peux vous donner un certain nombre d’exemples qui montrent que ce n’est pas tout à fait le cas et que des élus pourraient être tentés, afin de remettre de l’ordre dans l’activité de leur propre bailleur social, d’inciter à un certain nombre d’actions.
On est dans un monde où la réalité prime et où l’on veut économiser l’argent public, monsieur le secrétaire d’État. Le devoir des élus locaux – on nous le dit du matin au soir et vous avez bien raison de le rappeler – est d’optimiser l’emploi de l’argent public, mais encore faut-il leur en donner les moyens. Même sans ces moyens, il y a déjà des gens qui, par ces SPL, se préparent à agir dans le domaine du logement social.
Aussi, il vaudrait mieux que vous garantissiez le dispositif, car la réponse à l’emporte-pièce faite par M. le rapporteur me paraît osée.
M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
M. le président. Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Commission mixte paritaire
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.
8
Situation de la gendarmerie nationale
Discussion d'une question orale avec débat
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 60 de M. Jean-Louis Carrère à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sur la situation de la gendarmerie nationale.
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le secrétaire d’État, sans minorer l’importance de votre présence et sans vouloir manifester une quelconque discourtoisie à votre égard, je considère que le sujet de la question aurait justifié la présence du ministre de l’intérieur et du ministre de la défense.
Jean-Louis Carrère, sénateur socialiste des Landes, n’est absolument pas mis en cause ou brimé par votre présence ; au contraire, il l’apprécie. Pour autant, la gendarmerie – un pilier de la république – aurait mérité la présence du ministre de la défense, qui se défausse chaque fois que l’on aborde les questions relatives à la gendarmerie,…
M. Didier Boulaud. Exactement !
M. Robert Hue. Tout à fait !
M. Jean-Louis Carrère. …et celle du ministre de l’intérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Robert Hue applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Je voudrais brièvement compléter le propos de Jean-Louis Carrère. Nous organisons nos débats, en ces périodes d’initiative parlementaire notamment, en essayant d’y donner du contenu et d’être de dignes représentants de cette assemblée. Lors de la conférence des présidents, il nous a été donné l’assurance que le ministre serait présent. C’est en partie en fonction des accords que nous passons avec des ministres que nous organisons nos débats.
Malgré tout l’intérêt et l’amitié que je porte moi aussi à M. Marleix, je trouve très regrettable que nous soyons privés de la présence du ministre de l’intérieur…
M. Jean-Louis Carrère. Moi qui croyais que le ministre aimait la châtaigne !
M. Jean-Pierre Bel. … ou du ministre de la défense.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. le président. Acte vous est donné de cette déclaration, mes chers collègues.
Discussion de la question
M. le président. Nous en venons donc à la discussion de la question orale avec débat n° 60 de M. Jean-Louis Carrère à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Cette question est ainsi libellée :
« M. Jean-Louis Carrère attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités locales sur les conséquences désastreuses de l'application de la loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale et notamment du rattachement à la police nationale.
« De nombreuses inquiétudes ont été exprimées ces derniers mois sur la situation de la gendarmerie sans que le Gouvernement y apporte de réponse concrète. Pourtant, la situation sur le terrain est extrêmement préoccupante, notamment en milieu rural et dans les zones périurbaines. Le rattachement de la gendarmerie à la police nationale et les conséquences budgétaires qui l'accompagnent posent aujourd'hui clairement la question de l'avenir même du service public de la sécurité : personnel, statut, formation et matériels de gendarmerie sont aujourd'hui mis à mal par ce “rattachement”.
« Cette situation est d'autant plus dramatique que la révision générale des politiques publiques entraîne des coupes supplémentaires dans les moyens dont dispose la gendarmerie nationale. En témoignent la suppression de 1 300 emplois prévus en 2010 et la fermeture de 175 brigades territoriales d'ici 2012.
« Il souhaite ainsi interroger le Gouvernement sur l'évaluation de cette politique, particulièrement dommageable pour l'équilibre des territoires. Il demande que, dans le cadre de ce débat, le Gouvernement permette l'accès à l'intégralité du rapport de l'Inspection générale de l'administration consacré aux conséquences financières du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur.
« Il souhaite également demander au Gouvernement des éclaircissements quant à la cohérence de cette politique de réduction des moyens de la gendarmerie avec les objectifs affichés par le Gouvernement en termes de sécurité et de prévention. »
La parole est à M. Jean-Louis Carrère, auteur de la question.
M. Jean-Louis Carrère, auteur de la question. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si je prends encore une fois la parole pour évoquer la situation de la gendarmerie, c’est parce que l’heure est grave !
Le Gouvernement s’ébat dans une certaine confusion, incapable qu’il est de contrôler ses propres impulsions législatives.
Bel exemple de cafouillage, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit « LOPPSI 2 », et sa programmation : annoncé dès 2007, inscrit à l’ordre du jour du Parlement en 2009 par Mme Michèle Alliot-Marie, puis ajourné ; puis de nouveau inscrit à l’ordre du jour et débattu à l’Assemblée nationale au mois de février 2010, ce projet de loi n’en finit pas de ne pas arriver au Sénat !
Aux dernières nouvelles, il était ajourné. Mais, ce matin, on nous l’a annoncé pour le 15 août. Ah non, pas pour le 15 août, pour le « début du mois de septembre », sachant que le « début du mois », cela va du 6 au 30 septembre, en l’étirant un peu…
Si le sujet n’était pas si grave, on pourrait en rire !
Selon les documents officiels, la « LOPPSI 2 » vise à adapter les moyens de la gendarmerie nationale aux évolutions de la délinquance sur la période 2009-2013... J’ai bien dit « 2009 » ! Or nous sommes en 2010, et nous serons bientôt au mois d’août. Mais, c’est vrai, ce ne sera pas pour le 15 août, puisque, maintenant, on nous parle de septembre…
Quelle considération pour le Parlement ! Quelle considération pour les élus de toutes tendances, qui, en matière de sécurité, sont confrontés sans cesse, sur le terrain, à des difficultés croissantes !
Ce projet de loi, qui, nous disaient les ministres successifs, était « très, très important », est encalminé ; il ne bouge plus. Est-il mort, monsieur le secrétaire d’État ? Ne faudrait-il pas envisager dès maintenant un autre projet couvrant, par exemple, la période 2010-2013 ou la période 2011-2014 ?
Voilà un parcours chaotique, mais représentatif de la manière dont le Gouvernement traite les questions de sécurité, quelquefois, d’ailleurs, à usage électoral !
La loi sur la gendarmerie avait connu, elle aussi, des péripéties similaires, et certaines dispositions avaient été mises en pratique avant même son adoption ! Là, c’est le bouquet ! (M. Didier Boulaud acquiesce.)
Voilà des preuves flagrantes d’impéritie, et je mesure mes mots !
Or cette fameuse « LOPPSI 2 » contient, ou contenait – on ne sait plus –, des dispositions relatives à la gendarmerie nationale et à la mise en œuvre de la politique de rattachement au ministère de l’intérieur. L’ajournement n’augure rien de bon ! Dites-moi, monsieur le secrétaire d’État, cet ajournement cache-t-il des problèmes de mise en place de certaines dispositions ? Est-il dû aux résistances rencontrées sur le terrain par certaines de vos mesures ?
De récents changements à la tête de la gendarmerie peuvent également être interprétés comme faisant partie de la confusion dans laquelle vous évoluez.
Ainsi, le départ précipité, et prématuré, du directeur général de la gendarmerie nationale et la nomination à sa place d’un ancien membre du cabinet du ministre de l’intérieur sont d’autres symptômes, me semble-t-il, d’un malaise profond.
De même, les réactions caporalistes qui s’abattent sur des gendarmes coupables d’expression poétique…
M. Josselin de Rohan. « Poétique » ?
M. Jean-Louis Carrère. … ou de critique raisonnée sont les indices d’une certaine nervosité.
M. Alain Fouché. C’est ce qu’a fait Jospin !
M. Jean-Louis Carrère. Je sais que Lionel Jospin vous pose des problèmes. Si vous le souhaitez, nous en reparlerons après !
M. Alain Fouché. Jospin avait sanctionné les gendarmes qui s’exprimaient !
M. Didier Boulaud. C’est faux ! C’est vous qui les avez sanctionnés ! On vous a vus !
M. Jean-Louis Carrère. Le moral n’est pas au beau fixe dans une institution dont bien des membres renâclent, face au processus d’intégration au sein du ministère de l’intérieur décidé par la loi d’août 2009.
En tout état de cause, la situation qui prévaut dans les forces de sécurité n’est pas satisfaisante. Et si je concentre aujourd'hui mon intervention sur la gendarmerie, il faudra revenir très rapidement – vous le savez bien, monsieur le secrétaire d’État – sur la situation de la police.
Monsieur le secrétaire d’État, j’entends des mots durs qui montent du pays profond. La gendarmerie souffre ; les gendarmes vivent mal une situation qui les dépasse et, quand ils s’expriment, avec modération, les sanctions tombent !
D’ailleurs, le 29 mars dernier, avec mes collègues du groupe socialiste – je parle sous votre contrôle, cher Didier Boulaud –, nous avions demandé à vous entendre, vous et le ministre de la défense, qui se défile, telle une anguille, sur le sujet, pour connaître les motivations et le sens des sanctions prises à l’encontre du gendarme Matelly. Vous avez aujourd’hui l’occasion de vous expliquer et de nous dire ce qu’il en est.
Toutefois, j’entends aussi les élus, qui nous interpellent. Ils s’inquiètent de certaines décisions. Ils ne comprennent pas pourquoi vous abandonnez actuellement des territoires qui ont besoin, eux aussi, d’une sécurité assurée, voire confortée.
Selon le discours officiel, le rattachement, une sorte de fusion progressive qui ne dit pas son nom, se justifierait par des raisons budgétaires : il faut mutualiser pour faire des économies.
Si, pour les questions de sécurité, comme dans les domaines de l’école ou de la santé, la recherche exacerbée d’une prétendue rationalité économique doit être l’alpha et l’oméga de l’action publique, alors, je vous le dis, monsieur le secrétaire d’État, je ne me reconnais plus dans cette République qui tourne le dos à ses valeurs fondatrices !
Peu de jours avant sa soudaine éjection, le général Roland Gilles, auditionné par notre commission, avait insisté sur l’absence de plan global de suppression des brigades territoriales. Qu’en est-il ? Ou alors, s’il ne s’agit pas d’un plan global, peut-être s’agit-il d’un plan local ?
Quels sont les projets d’ajustements ponctuels des zones de compétence en préparation ? En passant, notons comment le langage technocratique tente de cacher la férocité des conséquences de ce type de décisions.
Quelle relation y a-t-il entre ces ajustements ponctuels et la création de communautés d’agglomération confiées à la police nationale ? Est-ce que cela implique une éviction de la gendarmerie des zones périurbaines ?
Je profite de l’occasion pour vous dire qu’il y a un vrai défaut dans la méthode utilisée en cette matière par le Gouvernement. Sans donner de leçons, ce défaut, c’est le manque de concertation ! Les « ajustements », comme on les appelle, qui sont souvent lourds de conséquences pour l’économie et la vie sociale locales, ne sont ni préparés ni menés dans la concertation avec les élus locaux. Ceux-ci en souffrent ; ils nous le disent et vous le disent !
Manque de concertation aussi avec les gendarmes : ils expriment leur malaise, sans syndicats, avec des moyens bricolés : des associations, des forums sur Internet ou dans une publication connue par sa modération, L’Essor de la gendarmerie nationale, qui est l’organe des retraités de cette arme et qui devient, par la force des choses, le thermomètre de ce corps militaire enfiévré.
Monsieur le secrétaire d’État, dans un souci d’efficacité, et dans le cadre de la modernisation de l’action de sécurité, vous auriez dû vous appliquer à réduire, à calmer, la vieille et inutile rivalité entre police et gendarmerie. Au lieu de cela, le Gouvernement, qui préconisait justement de gommer ces aspérités, semble, par la politique qu’il mène, jeter de l’huile sur le feu et attiser les comparaisons nuisibles entre les deux forces.
Une sorte de jeu pervers et corporatiste s’installe sous le toit même du ministère de l’intérieur. Il consiste à comparer et à mesurer en permanence les avantages, les acquis, d’une force par rapport à l’autre, en considérant les indices, le déroulement de carrière, le logement...
Une telle évolution désorganise le système de sécurité intérieur de notre pays.
Mais que devient donc la gendarmerie ? Elle ne joue plus son rôle de proximité. Elle n’assure plus, par une présence visible, proche et durable, son rôle dissuasif et sécurisant.
Pourtant, la situation sur le terrain devient extrêmement préoccupante, notamment en milieu rural et dans les zones périurbaines. Et je sais que vous connaissez ces zones, monsieur le secrétaire d’État.
D’ailleurs, à ce qu’il semble, une nouvelle réorganisation géographique pourrait cantonner la gendarmerie aux zones rurales et aux voies de circulation, en la sortant complètement des zones périurbaines. Quels sont vos projets en matière de création de communautés d’agglomération ?
Le rattachement de la gendarmerie à la police nationale et les conséquences budgétaires qui l’accompagnent posent aujourd’hui clairement la question de l’avenir même du service public de la sécurité : personnels, statut, formation et matériels de gendarmerie sont aujourd’hui mis à mal par votre politique. Et ce n’est pas le projet de « LOPPSI 2 », avec ses financements - demain, on rase gratis ! -, qui nous permettra de reprendre confiance !
Comment pourra-t-on garantir demain la capacité opérationnelle de la gendarmerie et préserver sa présence sur le terrain ? Vous le voyez, je suis encore plus préoccupé par l’avenir de l’arme que par la préservation de son statut militaire.
Comment ne pas s’interroger ? Soyez-en juges, mes chers collègues.
On prévoit la suppression de 1 300 emplois en 2010 et la fermeture de 175 brigades territoriales d’ici à 2012 !
Les effectifs de la gendarmerie doivent baisser de 3 509 équivalents temps plein travaillé, dans le cadre triennal 2009-2011, ce qui mettra en danger le maillage territorial de la gendarmerie, notamment en milieu rural.
Quatre écoles de gendarmerie sur huit seront fermées.
Au détour d’une loi de finances rectificative, 23,5 millions d’euros de crédits affectés au budget de la gendarmerie seront transférés vers celui de la police. C’est une grande première…
M. Didier Boulaud. Ah oui ! C’est sûr !
M. Jean-Louis Carrère. Dans ma région, à la fin de l’année 2009, du fait des contraintes budgétaires, la gendarmerie avait réduit le nombre de patrouilles en véhicules, car les gendarmes ne pouvaient même plus les effectuer.
On recourt aux nouvelles technologies pour remplacer les personnels en diminution.
L’accroissement des charges opérationnelles et administratives, avec toujours plus de missions et toujours moins d’effectifs, soumet la gendarmerie, mais également la police, à une trop lourde tension.
Le statut militaire de la gendarmerie risque de subir rapidement une dégradation progressive qui pourrait lui être fatale.
Et, monsieur le secrétaire d’État, vous avez toujours la prétention de faire mieux avec beaucoup moins ! Les chiffres l’infirment.
Cette situation est d’autant plus saisissante que, à la révision générale des politiques publiques, déjà à l’origine de coupes dans les moyens humains dont dispose la gendarmerie nationale, viendront s’ajouter les coupes de la rigueur budgétaire annoncée par le Premier ministre, sous couvert de la crise.
Monsieur le secrétaire d’État, puisque vous êtes un partisan acharné de la « politique du chiffre » - et du découpage (Sourires) -, nous aimerions avoir des chiffres précis sur les redéploiements entre police et gendarmerie, sur les fermetures de brigades, sur la diminution des personnels…
L’évolution en cours est dangereuse pour le maillage du territoire et néfaste pour la présence de la gendarmerie auprès des populations rurales et périurbaines.
Les menaces de fermeture d’un certain nombre de brigades de gendarmerie représentent un sujet très sensible, pour les gendarmes comme pour les élus, qui sont particulièrement attachés à la présence de la gendarmerie en zone rurale.
Toutes les semaines, sur tout le territoire, les élus font état de telles menaces et de leur inquiétude.
Monsieur le secrétaire d’État, je n’exprime pas uniquement la pensée de la gauche, encore moins celle du seul parti socialiste. Permettez-moi de vous donner lecture de deux courts extraits de questions posées au Gouvernement par certains de nos collègues députés de la majorité.
Le 27 avril 2010 – c’est tout récent –, un député UMP de la Moselle, dont je pourrais vous donner le nom, « attire l’attention de M. le ministre de la défense sur le climat d’inquiétude qui semble régner au sein des effectifs de la gendarmerie nationale. Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur, en janvier 2009, a été présenté comme un avantage en matière de coût de formation, d’équipement de matériel et de coordination des moyens. Après plus d’un an de fonctionnement, les gendarmes sont inquiets et la rumeur commence à gronder. » Je tiens à votre disposition la suite de la question.
Pas de réponse !
Le 27 avril dernier, un député Nouveau centre du Rhône, dont je tiens également le nom à votre disposition, interroge M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, en déclarant notamment ceci : « Par ailleurs, la gendarmerie redoute très fortement la réunification des structures de police et de gendarmerie scientifique et le rapprochement envisagé, voire le remplacement, du GIGN par les RAID. Cette perspective de réorganisation se traduirait par une dévalorisation certaine de l’action de nos forces de gendarmerie. »
Là encore, pas de réponse !
Et, quand j’interroge mes collègues, que me répondent-ils ?
Dans l’Ain – c’est précis –, toutes les brigades ne sont désormais plus habilitées à recueillir des plaintes, ce qui oblige les victimes à se déplacer au-delà de leur secteur. Cette situation peut évidemment décourager certaines personnes de porter plainte.
Dans les Bouches-du-Rhône, après la fermeture de la gendarmerie de Saint-Chamas, les élus redoutent, dans un contexte d’augmentation de la délinquance, la prochaine fermeture des casernes de Berre-l’Étang et de Rognac. Ils ont condamné l’absence totale de concertation avec les élus locaux.
Dans le Rhône, les brigades de gendarmerie de Feyzin et de Chassieu seraient appelées à disparaître ; elles pourraient être suivies par la brigade d’Écully.
Dans le Doubs, la pérennité de l’escadron de gendarmes mobiles de Besançon est menacée. L’escadron représente 106 familles, qui participent à la vie socio-économique de la cité.
Monsieur le secrétaire d'État, quelle inquiétude ! Mes collègues ne manqueront pas de revenir sur ce point.
Je veux dire avec force, monsieur le secrétaire d'État, que, pour nous, pour moi, la première richesse de la police et de la gendarmerie nationales, ce sont les hommes et les femmes qui y travaillent. Attention à ne pas les démoraliser ! Attention à ne pas mettre à mal une organisation qui fonctionne très bien, au nom d’une quête effrénée d’économies, au nom d’une obsession du chiffre et de la communication ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Didier Boulaud. C’est un réquisitoire !
M. le président. La parole est à M. Jean Faure. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. Jean Faure. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur pour le Sénat, présente un caractère historique.
En effet, depuis la loi du 28 germinal an VI, donc depuis 1798, aucune loi n’avait été adoptée sur l’organisation de la gendarmerie.
Les règles régissant le statut et les missions de la gendarmerie nationale reposaient sur un simple décret datant de 1903.
Cette loi constitue également une réforme profonde puisqu’elle organise le rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l’intérieur, conformément à la volonté exprimée par le Président de la République, dans son discours du 29 novembre 2007. Ce n’est d’ailleurs pas nouveau, puisque, du fait d’un certain nombre de dispositions prises dès 2002, le ministère de l’intérieur avait déjà dans 90 % des cas la gouvernance de la gendarmerie.
Avant même le dépôt du projet de loi, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat avait constitué en son sein, sur l’initiative de son président, un groupe de travail chargé de réfléchir à l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie.
Ce groupe de travail, que je présidais, respectait la diversité politique de notre assemblée, puisqu’il était composé de Michèle Demessine, Hubert Haenel, Philippe Madrelle, Charles Pasqua, Yves Pozzo di Borgo et André Rouvière.
À l’issue de nos travaux, nous avons présenté dix-sept recommandations, qui ont été adoptées à l’unanimité par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et reprises dans un rapport d’information publié en avril 2008, soit en amont de la loi du 3 août 2009.
Lors de l’examen du projet de loi, je me suis largement fondé sur ces recommandations.
M’inspirant d’une phrase figurant dans le décret du 20 mai 1903, j’ai également « cherché à bien définir la part d’action que chaque département ministériel peut exercer sur la gendarmerie, afin de sauvegarder cette arme contre les exigences qui ne pouvaient trouver leur prétexte que dans l’élasticité ou l’obscurité de quelques articles ».
Je voudrais également souligner la très bonne collaboration que nous avons eue avec le rapporteur pour avis de la commission des lois, notre collègue Jean-Patrick Courtois.
Le texte initial du projet de loi présenté par le Gouvernement et déposé en premier lieu au Sénat ne comportait que dix articles.
Lors de l’examen du projet de loi, j’ai présenté une vingtaine d’amendements, qui ont tous été adoptés par la commission.
Tel que voté par le Sénat, en décembre 2008, le projet de loi comportait vingt-deux articles, soit plus du double que le texte initial.
Après son adoption par l’Assemblée nationale, en juillet dernier, le texte du projet de loi comportait vingt-six articles. Au final, le texte issu de la commission mixte paritaire en comprenait vingt-sept. Cela signifie qu’un certain nombre d’amendements ont été retenus.
Quelles ont été les principales modifications introduites par le Sénat ?
Tout d’abord, nous avons entièrement réécrit l’article définissant les missions de la gendarmerie nationale afin, ce qui n’était pas le cas auparavant, de consacrer son caractère de « force armée » et de mentionner expressément son rôle en matière de police judiciaire. En inscrivant dans le texte de loi que la mission de police judiciaire constitue l’une des « missions essentielles » de la gendarmerie, nous avons éteint certaines craintes. Si on veut ôter à la gendarmerie ses missions de police judiciaire, il faudra une autre loi !
Nous avons également affirmé l’ancrage territorial de la gendarmerie et rappelé ses missions militaires, notamment sa participation aux opérations extérieures.
Nous avons, par ailleurs, introduit un nouvel article afin de consacrer dans la loi le principe du libre choix du service enquêteur par l’autorité judiciaire.
Ces deux verrous – l’inscription dans la loi de cette mission essentielle et la consécration du principe du libre choix – permettent de bien affirmer le rôle de la gendarmerie en matière de police judiciaire.
Comme vous le savez, la question des relations avec les préfets avait pu susciter des interrogations, notamment auprès des élus.
Entendons-nous bien, il ne s’agissait pas pour nous de remettre en cause le rôle du préfet, qui occupe une place essentielle en matière de coordination des forces de sécurité publique ; mais il nous semblait nécessaire de concilier le rôle central du préfet avec le respect de la chaîne hiérarchique, consubstantielle au statut militaire de la gendarmerie. En aucun cas nous ne souhaitions que les services préfectoraux interviennent dans la chaîne de commandement.
En définitive, il me semble que nous sommes parvenus à un bon équilibre sur ce point. Je constate d’ailleurs que, quelques mois après l’adoption de la loi, cet équilibre a été traduit au niveau réglementaire.
Un autre sujet délicat a concerné la suppression de la procédure de réquisition. Là encore, il y a eu des résistances.
Estimant que cette procédure n’était pas compatible avec le rattachement au ministère de l’intérieur, nous avons accepté de supprimer la réquisition, en prévoyant toutefois deux tempéraments.
D’une part, nous avons souhaité maintenir une procédure d’autorisation pour le recours aux moyens militaires spécifiques, comme les véhicules blindés ou les hélicoptères.
D’autre part, nous avons souhaité, sur une suggestion de Mme Demessine, encadrer l’usage des armes à feu pour le maintien de l’ordre, tant par les gendarmes que par les policiers, en particulier afin de garantir la traçabilité des ordres.
Enfin, je rappelle que, grâce à ce projet de loi, les militaires de la gendarmerie bénéficieront d’une grille indiciaire spécifique, ce qui permettra d’aller vers une parité globale de traitement et de carrière entre les gendarmes et les policiers, conformément à l’engagement pris par le Président de la République.
En fin de compte, je crois pouvoir affirmer que, au-delà des clivages politiques, les travaux du Sénat ont été marqués par le souci d’apporter toutes les garanties pour le maintien du « dualisme » des forces de sécurité publique et du caractère militaire de la gendarmerie, auxquels nous sommes tous ici très attachés.
Le Gouvernement a, le 26 janvier dernier, remis au Parlement un rapport sur l’application de la loi relative à la gendarmerie.
À cette date, sur la quarantaine de décrets nécessaires à la mise en œuvre de cette loi, dix-sept décrets avaient été publiés et vingt-six textes réglementaires sont prévus à la fin du premier trimestre de 2010.
Les documents du ministère de l’intérieur relatifs aux coopérations opérationnelles entre la police et la gendarmerie, en matière de renseignement, de sécurité routière ou de coopération internationale respectent également l’équilibre entre les deux forces.
Je pense, en particulier, à la police judiciaire, domaine dans lequel la gendarmerie conservera la totalité de ses attributions.
Tout à l’heure, Jean-Louis Carrère a repris dans son exposé un certain nombre de déclarations faites à l’Assemblée nationale par nos collègues députés. Je ferai à mon tour quelques citations.
« Au final, ni la police ni la gendarmerie n’ont pour l’heure à pâtir des rapprochements et mutualisations opérées » : ces propos ne sont pas de moi ; je cite ici notre collègue député Jean-Jacques Urvoas, secrétaire national du Parti socialiste à la sécurité, et auteur d’une étude sur le rapprochement entre la police et la gendarmerie pour la Fondation Jean-Jaurès !
Par ailleurs, je voudrais rappeler que, sur l’initiative du Sénat, une disposition a été introduite dans la loi, qui prévoit que « Le Gouvernement remet au Parlement, tous les deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, un rapport évaluant, d’une part, les modalités concrètes du rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur et notamment son impact sur son organisation interne, ses effectifs, l’exercice de ses missions et sa présence sur le territoire, et, d’autre part, les effets de ce rattachement concernant l’efficacité de l’action de l’État en matière de sécurité et d’ordre publics et la mutualisation des moyens entre la police et la gendarmerie. »
M. Didier Boulaud. Espérons que ce rapport sera effectivement remis !
M. Jean Faure. Il est donc prématuré de manifester trop d’anxiété au sujet des conséquences de ce rapprochement !
Le rapport doit aussi comporter « les éléments relatifs à l’obtention d’une parité globale entre les personnels des deux forces ».
Ainsi, le Gouvernement devra remettre au Parlement, à l’été 2011, un rapport d’évaluation détaillé comprenant, notamment, un bilan du rattachement de la gendarmerie au ministre de l’intérieur.
En introduisant cette disposition, nous souhaitions disposer d’une évaluation précise des conséquences du rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l’intérieur afin d’avoir la possibilité d’en corriger les éventuels effets négatifs.
Plutôt que de porter un jugement définitif, et prématuré, sur une loi quelques mois après son adoption, pourquoi ne pas attendre la publication du rapport pour débattre en toute sérénité ?
Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur permettra de renforcer la coordination en matière de lutte contre la criminalité, et donc d’améliorer la sécurité des Français.
À cet égard, je veux saluer la décision prise par le ministre de l’intérieur d’installer le bureau du directeur général de la gendarmerie nationale à proximité immédiate de la place Beauvau, ainsi que la récente décision du Président de la République de nommer de nouveau un officier de gendarmerie à la tête de la Direction générale de la gendarmerie nationale, conformément à ce qu’avait souhaité le groupe de travail du Sénat.
M. Didier Boulaud. Ce n’est pas une nouveauté, c’était déjà le cas avant !
M. Jean-Louis Carrère. Tout à fait !
M. Jean Faure. Ce rapprochement permettra également d’accélérer la mutualisation des moyens, de développer les synergies et de renforcer la coopération opérationnelle entre la police et la gendarmerie.
Le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit « LOPSSI 2 », que nous avons examiné ce matin en commission, devrait d’ailleurs nous permettre d’aller plus loin en matière de coopération entre la police et la gendarmerie, dans le respect des spécificités des deux forces.
Monsieur le secrétaire d'État, quelles seront les conséquences sur la LOPPSI 2 du gel des dépenses publiques annoncé par le Premier ministre pour les trois prochaines années ?
Ce rattachement ne remet nullement en cause le caractère militaire de la gendarmerie, qui non seulement est préservé, mais de surcroît se trouve consacré au niveau législatif.
Les gendarmes resteront des militaires, soumis au statut général des militaires, et ne bénéficieront pas, à ce titre, du droit syndical.
M. Jean-Louis Carrère. Il ne manquerait plus qu’ils perdent leur statut militaire sans obtenir le droit syndical !
M. Jean Faure. Le statut militaire n’autorise pas le syndicalisme, ce qui n’exclut pas l’expression. De ce point de vue, monsieur Carrère, je vous rejoins : le groupe de travail avait envisagé des possibilités d’expression des militaires, dans le respect de leur statut, …
M. Jean-Louis Carrère. Exact !
M. Jean Faure. … mais avec d’autres formules de désignation des représentants, qui n’auraient plus été nommés par la hiérarchie, mais auraient été désignés par leurs collègues, afin qu’ils soient des porte-parole légitimes.
M. Didier Boulaud. Le groupe de travail est mort et enterré ! Lors de la discussion de la loi, vous vous êtes couché ! Maintenant, c’est la loi qui compte !
M. Jean Faure. Comme l’a déclaré le Président de la République, l’existence de deux forces de sécurité, l’une à statut militaire, la gendarmerie, l’autre à statut civil, la police, constitue un atout majeur pour notre pays.
Comme j’ai pu le constater lors d’un déplacement récent en Afghanistan, aux côtés de M. le ministre de l’intérieur, …
M. Didier Boulaud. Un voyage UMP en Afghanistan, précisons-le !
M. Jean-Louis Carrère. On revient au gouvernement d’un clan !
M. Jean Faure. … la présence de 150 gendarmes français en Afghanistan témoigne de l’atout que constitue le statut militaire de la gendarmerie pour ce type d’opérations. Peut-être pourriez-vous nous indiquer également, monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les perspectives de renforcement de ce dispositif ?
Lors d’un déplacement de la commission des affaires étrangères, avec notre collègue André Vantomme, auprès des gendarmes français déployés dans le cadre de la mission de surveillance de l’Union européenne en Géorgie, nous avons également pu mesurer le rôle important joué par nos gendarmes pour assurer la stabilité de cette région après le conflit russo-géorgien de l’été 2008.
Or il semblerait que le Gouvernement envisage, pour des raisons essentiellement budgétaires, de réduire d’un tiers la participation française dans cette mission, à partir de septembre prochain. Il est vrai que la mission de l’Union européenne en Géorgie n’est qu’une mission civile d’observation et que les gendarmes français peuvent sembler sous-employés, en comparaison de l’engagement en Afghanistan. Pourquoi ne pas remplacer éventuellement ces gendarmes par des réservistes, voire par des civils ?
Il nous semble que ce désengagement massif risque d’être mal interprété, tant par la partie géorgienne que par la partie russe, et qu’il risque de se traduire par un amoindrissement de la présence et de l’influence françaises dans cette région.
Ce désengagement risque d’abord d’être mal perçu par les autorités géorgiennes, notamment dans le contexte du projet de vente de bâtiments de type Mistral à la Russie, alors que la mission de l’Union européenne joue un rôle majeur pour la stabilité de ce pays. Pour la partie russe, il pourrait être interprété comme le signe d’un moindre intérêt de la France pour la Géorgie.
M. Robert Hue. Inutile de noyer le poisson !
M. Jean Faure. Ce désengagement, s’il n’est pas effectué dans de bonnes conditions, risque surtout de se traduire par un affaiblissement de l’influence française au sein de la mission.
Plutôt qu’un retrait massif, essayons plutôt de remplacer progressivement ces gendarmes par des réservistes ou des experts.
Le groupe UMP ne peut que réaffirmer ici son attachement au statut militaire de la gendarmerie et sa confiance dans la capacité du Gouvernement à renforcer la coopération entre les forces de sécurité et améliorer la sécurité des Français. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Didier Boulaud. Cela leur fait une belle jambe !
M. le président. La parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans la question qu’il a posée au ministre de l’intérieur, notre collègue Carrère a raison d’affirmer que, neuf mois après son adoption, la loi sur le rattachement total de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur suscite toujours autant de craintes, d’interrogations et de critiques.
À la différence du débat qui avait eu lieu sur cette même question au mois de janvier dernier, il n’est plus tout à fait prématuré de procéder aujourd’hui à une évaluation de cette loi.
En effet, cette réorganisation des forces de sécurité intérieure passe mal, sur le terrain, auprès des élus locaux et des populations. Mais elle passe mal, aussi, nous le savons, au sein de l’institution elle-même.
Monsieur le secrétaire d’État, les élus locaux n’étaient pas demandeurs d’une telle réforme. Certes, ils souhaitaient une adaptation des forces de gendarmerie aux nouvelles formes de délinquance et une modernisation de leurs moyens d’action pour une plus grande efficacité. Est-ce vraiment le cas aujourd’hui ?
Du fait de l’application quasi mécanique de la révision générale des politiques publiques, ils sont, ou seront, pratiquement tous amenés à constater des réductions d’effectifs, qui se traduisent parfois par des suppressions pures et simples de brigades territoriales, puisque 175 d’entre elles devraient disparaître d’ici à 2012. Je rappelle aussi qu’il est prévu de supprimer 1 300 emplois en 2010, alors que la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure avait chiffré à 7 000 les effectifs supplémentaires nécessaires.
M. Didier Boulaud. Bien sûr !
M. Robert Hue. Les élus et les populations rurales peuvent donc mieux percevoir aujourd’hui les conséquences très négatives de cette application mécanique de règles comptables sur le maillage territorial, garant de la proximité entre les services de gendarmerie et les citoyens, l’une des spécificités de ce corps.
M. Didier Boulaud. Exact !
M. Robert Hue. Alors que la population s’accroît dans les zones de compétence de la gendarmerie et que la délinquance augmente dans les zones rurales et périurbaines, cette logique purement comptable n’est pas cohérente avec les déclarations présidentielles et gouvernementales sur le renforcement de la lutte contre l’insécurité.
Au-delà de ses effets sur les populations et les territoires, votre réforme, monsieur le secrétaire d’État, produit des conséquences négatives au sein même de l’institution. Telle qu’elle a été adoptée, cette réforme n’était voulue ni par les gendarmes, ni par les policiers. Bien que comprenant la nécessité de synergies et de coopérations entre les deux forces, chacun souhaitait conserver son budget, ses effectifs, son périmètre de missions, toutes choses qui, avec la culture propre à chaque service, sont constitutives de leur identité.
Or la réforme a été effectuée assez brutalement, sans analyse préalable des spécificités et des complémentarités des deux forces, ni véritable concertation avec les élus locaux. Cette méthode prouve combien l’objectif premier était non la modernisation et la mutualisation des moyens, non plus que l’amélioration des conditions d’emploi et de coopération des deux forces, mais bien la volonté de constituer rapidement une seule force de sécurité sous la seule autorité civile de l’exécutif.
Certaines conséquences concrètes de la loi, comme la mutualisation des moyens entre la gendarmerie et la police, la formation au maintien de l’ordre, désormais commune – quand, dans le même temps, vous fermez quatre écoles sur huit ! – apparaissent plus clairement maintenant. Elles sont révélatrices de cette volonté de faire disparaître la spécificité de chacune des deux forces. En effet, la rationalisation et la mutualisation ne sont pas en elles-mêmes négatives, mais elles créeront à la longue des habitudes et une uniformisation qui contribueront à diluer les identités respectives.
La diminution des effectifs, la suppression d’unités, la répartition inéquitable des missions de renseignement, de police judiciaire et de circulation routière entre les deux forces, voire également la pression des syndicats de police, sont aussi des conséquences concrètes du rattachement qui vont nourrir des conflits.
La tendance à uniformiser les deux forces ne peut qu’inciter les gendarmes à comparer leur statut avec celui des policiers, en particulier sur l’un des principes fondamentaux du statut militaire, la disponibilité. En outre, la coexistence, au sein d’un même ministère, de deux systèmes, la représentation syndicale, pour les policiers, et la concertation propre aux militaires, pour les gendarmes, incitera tôt ou tard de facto les uns et les autres à vouloir aligner leurs statuts. Sans doute l’objectif visé est-il de faire en sorte que les gendarmes en viennent eux-mêmes à revendiquer une harmonisation statutaire !
M. Josselin de Rohan. C’est beaucoup s’avancer !
M. Robert Hue. Cette façon de procéder, d’ailleurs assez insidieuse, est à l’origine du malaise souterrain, profond et latent – faute de possibilité d’expression publique –, perceptible au sein même de l’institution.
Cette situation alimente toutes les craintes sur l’éventualité d’une fusion, à terme, de la police et de la gendarmerie. Et il ne s’agit pas d’une crainte infondée, ni d’un procès d’intention de notre part, monsieur le secrétaire d’État. Ces inquiétudes bien réelles ont été encore récemment exprimées lors du congrès de l’Union nationale du personnel en retraite de la gendarmerie et sa très influente revue, L’essor de la gendarmerie nationale, s’en est fait écho.
Le Président de la République a d’ailleurs une façon bien à lui de répondre au malaise des gendarmes et aux critiques sur les conséquences de la mise sous tutelle de la gendarmerie : l’autoritarisme et la reprise en main directe de la sécurité intérieure !
J’en veux pour preuve le limogeage du directeur général de la gendarmerie nationale : il a mis en œuvre la réforme, mais sans réussir à réduire la grogne de gendarmes, qui craignent d’être bientôt dissous dans la police.
Je vous rappellerai également le décret du Président de la République radiant des cadres pour motif disciplinaire un chef d’escadron, par ailleurs chercheur au CNRS, qui avait critiqué ès qualités, dans un article, le rattachement total de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.
J’espère que vous avez conscience, monsieur le secrétaire d’État, de l’effet désastreux – je pèse mes mots – de cette lourde sanction sur les gendarmes, une sanction disproportionnée au regard du manquement à l’obligation de réserve qui aurait été commis.
Enfin, en la comparant à un autre décret du Président de la République nommant sous-préfet hors cadre un ancien syndicaliste policier élu conseiller régional UMP, cette décision inéquitable et maladroite a d’ailleurs renforcé de nombreux gendarmes dans leur conviction que le rattachement se ferait à leur détriment.
Tout cela est révélateur d’une volonté toujours plus affirmée de remise en ordre et de renforcement de la centralisation s’agissant des questions de sécurité.
La presse n’a-t-elle pas évoqué, il y a quelque temps, la création d’un secrétariat d’État chargé d’assister le ministre de l’intérieur pour veiller au rapprochement de la police avec la gendarmerie, mais aussi avec les polices municipales, les entreprises privées de sécurité et, sans doute, un jour, les Douanes ?
Non, décidément, notre évaluation de la loi, neuf mois après son adoption, ne peut que nous conforter dans l’idée que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur comporte de réels dangers et qu’il soulèvera plus de problèmes qu’il n’en résoudra ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec deux débats sur ce thème organisés dans notre hémicycle en cinq mois à peine et la discussion d’un projet de loi important, personne ne peut plus douter de l’intérêt que portent les sénateurs à la gendarmerie !
Je n’étais pas convaincue de l’opportunité du transfert de la gendarmerie au ministère de l’intérieur et je n’ai donc pas voté la loi dont nous parlons aujourd’hui, pas plus que l’article 5 de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014.
Nous apprenions jadis que « la police est de pouvoir, la gendarmerie est d’État ». Comprendra qui voudra, la loi est votée, elle est devenue loi de la République et nous la respectons comme telle.
Je profite enfin de notre discussion pour redire mon attachement et celui de mon groupe à plusieurs principes très importants ; mais vous y êtes assurément tout aussi attaché que nous, monsieur le secrétaire d’État !
Je pense tout d’abord au maintien du statut militaire de la gendarmerie nationale. L’aboutissement du rapprochement issu de la loi du 3 août 2009 doit permettre d’accélérer la complémentarité et la coordination de nos deux forces de sécurité. Ce cheminement ne doit en aucun cas aboutir à une fusion. Toute remise en cause du statut militaire de la gendarmerie serait, à nos yeux, inacceptable, nous souhaitons le réaffirmer, mais les précédents orateurs l’ont tous rappelé avant moi.
Nous devons rapidement progresser vers une parité globale de traitement et de carrière entre gendarmes et policiers. Les progrès qui doivent être accomplis sur cette voie sont importants à double titre : d’abord, pour une question d’équité, ensuite, parce que c’est l’une des conditions de la pérennité du statut militaire.
Je saisis cette occasion pour saluer le travail de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat et de son rapporteur, Jean Faure, grand artisan de ces dispositions fondamentales.
La personne la mieux placée pour parler de la gendarmerie ne peut être qu’un gendarme… Je voudrais donc vous lire un extrait du discours prononcé par le capitaine Pascal Kleck, du groupement de gendarmerie mobile d’Argentan, lors d’une manifestation à La Ferté-Macé, le 15 mai dernier.
« La gendarmerie est une arme d’élite. Si notre institution obtient ce qualificatif, c’est qu’au fur et à mesure des siècles et des épreuves, des valeurs ont été transmises, comme un héritage, et inculquées à ses membres. En effet, le gendarme est un militaire particulier. C’est un soldat de la loi, qui œuvre au service de la justice. Il lui est demandé de développer son courage, sa force de travail, son dévouement au concitoyen, en faisant preuve d’une disponibilité de tous les instants. De plus, il est toujours resté fidèle au pouvoir légal. La gendarmerie est une force humaine, qui sert la France et sa population au quotidien, quelles que soient les circonstances. »
Le capitaine Kleck ajoute : « Ceci reste d’ailleurs valable aujourd’hui, au sein du ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, où la gendarmerie tient sa place en assurant la sécurité du citoyen sur l’ensemble du territoire, y compris dans les nouveaux espaces de communication. Elle partage même son savoir-faire dans plusieurs pays en proie à des crises majeures, comme, par exemple, Haïti ou l’Afghanistan. »
Il faut croire que les craintes que nous évoquons ici ne sont pas arrivées jusqu’au bon département de l’Orne !
Mais revenons donc au débat qui nous occupe aujourd’hui…
Comme l’avait déjà souligné notre collègue Joseph Kergueris lors du dernier débat sur l’application de la loi relative à la gendarmerie nationale, je constate que de nombreux décrets prévus par ce texte sont toujours en attente de publication. Pour cette raison, d’importantes dispositions ne sont pas encore entrées en vigueur et, malgré les publications du 11 février dernier, il reste des lacunes à combler.
Je regrette ce retard, monsieur le secrétaire d’État. Je souhaiterais donc savoir dans quel délai nous pouvons espérer la publication de ces mesures réglementaires, notamment celles qui concernent les grilles indiciaires de retraite ou d’avancement.
Enfin, je tenais à profiter de cette question orale avec débat pour évoquer une problématique importante, à laquelle je suis très attachée - cela vous changera d’ailleurs un peu du discours que vous entendez depuis tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État – à savoir l’intégration et la promotion de l’égalité des chances au sein de la gendarmerie nationale et de la police, enfin, disons au sein des forces regroupées dans votre ministère !
Je veux parler ici de l’intégration des jeunes, notamment de ceux qui sont issus de milieux défavorisés et de l’immigration.
Plusieurs initiatives ont été mises en œuvre récemment afin d’assurer l’égalité des chances dans la police nationale.
Ainsi, le dispositif des cadets de la République, mis en place en 2005, a pour objectif de promouvoir l’égalité des chances au sein de la police nationale, en permettant à des jeunes n’ayant pas le baccalauréat de se préparer aux concours de gardien de la paix.
Je pense aussi, à un autre niveau, aux classes préparatoires intégrées, qui visent à préparer aux concours d’officier et de commissaire de police.
Néanmoins, les nombreux rapports élaborés sur ce sujet font état d’une situation extrêmement inquiétante en termes de discriminations à l’intérieur des forces de police.
C’est d’ailleurs sans doute le rapport de Catherine Wihtol de Wenden et d’un chercheur de l’Institut français des relations internationales, l’IFRI, qui a suggéré à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, son discours du 23 février 2006 sur l’égalité des chances et « la discrimination positive à la française ».
Voici précisément un extrait des propos tenus par l’ancien occupant du ministère de l’intérieur : « Le temps est à l’action. Nous devons promouvoir un modèle de société plus ouverte et plus juste. Je veux ici affirmer ma détermination à faire de ce ministère un exemple. La police doit être à l’image de la société. Elle doit, à mérites équivalents, accueillir dans ses rangs tous ceux qui partagent la motivation, le désir et les capacités de travailler partout et pour tous à garantir la sécurité des Français. […]
« L’égalité républicaine ne saurait être qu’un concept, une idée purement virtuelle. Je veux en faire une réalité car ce dont il s’agit, c’est bel et bien de construire ensemble l’avenir de notre République. […]
« Il faut savoir intégrer toutes les populations en une seule communauté de valeurs et de destins : celle des citoyens de la République. C’est notre responsabilité, notre devoir et notre honneur. […]
« L’État doit être le premier acteur de cette politique, qui exige des actions et des résultats concrets. »
Voilà ce que disait le ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy.
Alors, monsieur le secrétaire d’État, qu’en est-il du programme des cadets de la République ? Qu’en est-il des conventions signées avec notamment le président du groupe Vedior France, afin de poursuivre les initiatives en cours en matière de formation ?
Il était aussi prévu que la gendarmerie nationale offre le statut d’aspirant de gendarmerie issu du volontariat à un certain nombre d’étudiants afin que ceux-ci puissent, par ce biais, préparer les concours d’admission.
Quels sont les résultats de toutes ces actions, certes ambitieuses, mais dont nous n’entendons pas beaucoup parler aujourd’hui ?
Je vous remercie des réponses que vous pourrez me donner à ce sujet et, si vous êtes libre à la fin du mois de juin (Sourires), je vous invite très officiellement à venir inaugurer la nouvelle gendarmerie de Passais-la-Conception, dans le bocage ornais, belle preuve de confiance dans votre institution et dans la survie des communes rurales de ce territoire !
Le maire, qui s’est beaucoup battu pour garder cette gendarmerie, ambitionne – car nous avons des ambitions dans l’Orne – de lui donner le nom d’un ancien parlementaire, grand député, ancien militaire, vaillant et authentique gaulliste, Daniel Goulet !
Monsieur le secrétaire d’État, nous vous accueillerons à Passais-la-Conception avec enthousiasme ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais d’abord remercier mon collègue Jean-Louis Carrère : sa question résume de manière absolument pertinente le fond du dossier et il dresse un tableau juste de ce que l’on pourrait appeler le « moral des troupes », tableau nourri par la connaissance du terrain.
Cela a été dit plusieurs fois depuis le début de ce débat, le désarroi est aujourd’hui total : les gendarmes doutent de leur présent et craignent pour leur avenir ; les élus locaux, viscéralement attachés à leurs brigades, ne savent pas, si vous me permettez l’expression, « à quelle sauce ils vont être mangés » ; nos concitoyens, eux, hésitent entre résignation et colère face à l’échec flagrant des politiques de sécurité dont ils constatent la mise en œuvre sur le terrain.
Je voudrais évoquer brièvement, comme point de départ de mon propos, la situation d’un département que je connais bien, celui de l’Ariège.
L’Ariège compte trois compagnies de gendarmerie – Foix, Pamiers et Saint-Girons –, neuf communautés de brigades et vingt-trois brigades territoriales, dont deux autonomes.
Que constatons-nous sur le terrain ?
Foix, chef-lieu de département, a vu les effectifs de sa brigade baisser insidieusement, jusqu’à la fermeture. De la même manière, nous craignons aujourd’hui pour la pérennité de deux autres brigades. La conséquence est mécanique, chacun le comprend : les zones d’intervention s’étendent sans cesse, sans aucune augmentation d’effectifs pour compenser cette évolution, et le maillage territorial s’affaiblit d’autant !
Il va sans dire que ces fermetures sont le plus souvent mises en œuvre sans la moindre concertation avec les élus locaux, qui connaissent pourtant le terrain et devraient être systématiquement associés, très en amont, à toute évolution importante. C’est un peu de notre République, un peu du lien social, un peu de la confiance dans le principe d’égalité qui disparaît tout au long de ce processus.
Malheureusement, le cas de l’Ariège n’est pas unique. Il sert simplement d’illustration, mais aussi de révélateur d’une situation de la gendarmerie nationale qui nous alarme au plus haut point.
Au moment de la discussion de ce qui allait devenir la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale, les parlementaires socialistes avaient manifesté, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, leur opposition à un texte qui tendait à rattacher la gendarmerie au ministère de l’intérieur. En effet, tout le monde sait bien que ce processus conduira, à terme, à un affaiblissement de l’identité propre de la gendarmerie, ce qui équivaudra à une disparition de toutes ses spécificités.
M. René-Pierre Signé. Évidemment !
M. Jean-Pierre Bel. Mon ami Jean Faure a souhaité faire référence, dans son intervention, à la position défendue par l’un de nos collègues députés. Puisque nous apprécions toujours que l’on cite un député, surtout quand il est socialiste (Sourires), permettez-moi, mes chers collègues, de vous lire la conclusion de M. Jean-Jacques Urvoas sur le sujet qui nous intéresse, la présence territoriale, en page 15 de ce même rapport pour la Fondation Jean-Jaurès.
« Le problème des redéploiements […] est susceptible de remettre en cause l’équilibre entre les différents acteurs […]. De fait, la création envisagée de 175 communautés d’agglomération confiées à la police nationale s’apparenterait à un véritable séisme organisationnel qui aurait pour conséquence d’évincer la gendarmerie des zones périurbaines relevant aujourd’hui explicitement de sa compétence […].
« Quelles seront les contreparties à ces transferts ? Les nombreuses circonscriptions de police qui sont aujourd’hui implantées dans des villes de moins de 20 000 habitants environ seront-elles, comme il semblerait cohérent, attribuées à la gendarmerie ? Au contraire, les autorités comptent-elles s’affranchir de tout respect des équilibres coutumiers en termes de territoires et de populations administrés ? Dans ce cas, le mécontentement perceptible dans les rangs de l’Arme ne fera que croître. »
Je crois qu’il était tout de même utile de compléter les propos de ce responsable socialiste, qui, du reste, ne s’exprimait dans ce rapport qu’en son nom propre.
Mes chers collègues, je veux vous redire aujourd’hui notre attachement au modèle, inhérent à notre République, de deux institutions distinctes dans leur organisation et spécifiques dans leur fonctionnement, l’une civile, l’autre militaire.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Jean-Pierre Bel. Aujourd’hui, le malaise de la gendarmerie est palpable et omniprésent. Il est aggravé par des pratiques de gestion qui ont déjà été dénoncées au cours de ce débat.
Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, votre gestion des ressources humaines est arbitraire et aveugle. La moindre critique, même nuancée, discrète et constructive, conduit à des déplacements d’office et à des mutations sanctions. J’ai pu en faire l’expérience dans mon département !
Votre gestion matérielle hypothèque l’avenir. Le parc immobilier de la gendarmerie nationale est composé à 60 % de casernes locatives, qui sont généralement en bon état grâce aux efforts substantiels consentis par les collectivités locales, et à 40 % de casernes domaniales, qui donc appartiennent à l’État et ont atteint un degré de vétusté préoccupant. L’État fera-t-il face à ses obligations, en octroyant les dotations nécessaires à la rénovation de ce parc ?
Cette situation se prolonge enfin par l’ignorance dans laquelle sont maintenus les élus locaux qui essaient, tant bien que mal, de faire face.
Comment obtenir, monsieur le secrétaire d’État, des informations précises et fiables sur les redéploiements des zones de compétence entre la police et la gendarmerie, ainsi que sur le maintien du maillage assuré par les brigades territoriales ? Nous attendons vos réponses !
Depuis plus de huit ans, le Président de la République et vous-même affirmez avoir fait de la sécurité votre priorité. Dont acte ! Mais vous avez eu tort d’en rester aux mots, sans jamais passer à l’action. Dans un instant, mes collègues de l’opposition, chiffres en mains, illustreront la réalité de l’échec qui est le vôtre dans ce domaine.
Pourquoi un tel échec, notamment en matière de violence aux personnes ? Parce que vous vous attaquez à ce qui marche au lieu de réformer ce qui ne marche pas !
M. Didier Boulaud. C’est plus facile !
M. Jean-Pierre Bel. La réforme pour la réforme désorganise le travail des hommes sur le terrain ; elle désorganise la sécurité publique ; elle désorganise et déstabilise les forces de sécurité.
En un mot, le changement, tel que vous le mettez en œuvre, apporte le désordre au lieu d’améliorer le maintien de l’ordre.
Vous l’aurez compris, nous jugeons sévèrement ce bilan en matière de sécurité et constatons votre échec dans la lutte contre l’insécurité, qui est pourtant une priorité affichée du Président de la République depuis de nombreuses années.
Nous proposons une autre approche des problèmes de sécurité, globale et cohérente, au lieu d’une gestion à la petite semaine et de dispositifs rapiécés.
Nous considérons comme une fausse idée votre conception même de la réforme, cette volonté de casser ce qui fonctionne au lieu de réparer ce qui ne fonctionne pas.
La sécurité est un droit pour nos concitoyens et une ardente obligation pour ceux qui prétendent nous gouverner. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, nous attendons aujourd’hui, dans votre intervention, des réponses aux questions légitimes qui vous ont été posées ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. René-Pierre Signé. On peut toujours attendre les réponses !
M. Didier Boulaud. Politique à la godille !
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le débat tenu dans cet hémicycle le 14 janvier dernier sur l’application de la loi du 3 août 2009 fut loin de rassurer ceux qui, comme moi, s’inquiètent des modalités du rapprochement de la gendarmerie et de la police nationale. À cette heure, rien n’est venu sensiblement démentir nos arguments, hélas !
Monsieur le secrétaire d'État, le rapprochement de la gendarmerie et de la police nationale est une fusion qui ne veut pas dire son nom. De surcroît, elle remet en cause l’identité militaire des gendarmes, ce qui ne va pas sans susciter une certaine émotion parmi nombre d’entre eux.
La sanction prononcée contre le chef d’escadron Jean-Hugues Matelly, radié des cadres pour s’être publiquement exprimé contre cette réforme, illustre le malaise qui affecte une partie des personnels. Si je ne conteste pas le devoir de réserve auquel sont astreints tout fonctionnaire et a fortiori tout militaire, je m’étonne néanmoins de la sévérité de la sanction prononcée, décision d’ailleurs suspendue en référé par le Conseil d’État, le 30 avril dernier. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Monsieur le secrétaire d'État, le rapprochement de la gendarmerie et de la police nationale s’inscrit dans le mouvement plus vaste de fragilisation des services publics que le Gouvernement a engagé au nom du principe de rationalisation budgétaire érigé en dogme. Trésoreries, directions départementales de l’équipement, casernes militaires, tribunaux, hôpitaux, présence postale et aujourd’hui gendarmerie : la liste est longue de ces services publics qui disparaissent petit à petit, et ce en totale contradiction avec le discours prononcé par le Président de la République, le 9 février 2010, à Morée.
Permettez-moi de le citer :
« Parce que l’on s’est habitué à une politique de l’aménagement du territoire qui, au fond, n’avait comme seule ambition d’accompagner vos territoires vers le déclin, faire en sorte que ce soit un peu moins douloureux, que cela se passe un peu moins vite, qu’on retarde d’un an la fermeture d’une école, de deux ans celle d’un bureau de poste, de trois ans celle d’un hôpital, de quatre ans celle d’un tribunal. C’était une vision défensive. Je souhaite une vision offensive à l’image de la croissance de votre démographie [...] Naturellement, la responsabilité de l’État face aux besoins des habitants de la ruralité c’est que, partout, vous ayez accès aux services essentiels, les services à la population. »
Le Président reconnaît lui-même que l’on ne peut pas s’appuyer sur la seule norme comptable pour engager une nouvelle politique d’aménagement des territoires ruraux, dont la démographie est en croissance et qui sont de plus en plus touchés par la délinquance.
Dans ces conditions, décider de supprimer en 2010 1 303 postes, après les 1 246 supprimés en 2009, soit au total près de 2 500 postes en deux ans, paraît incompréhensible et en totale contradiction avec la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, dans laquelle on a pourtant estimé à 7 000 emplois les renforts nécessaires pour remplir les missions de maintien de l’ordre public.
Le département du Gers, que j’ai l’honneur de représenter, est particulièrement touché par les conséquences du rapprochement entre la gendarmerie et la police nationale.
En effet, par courrier du 15 mai 2009, j’ai été informé par l’autorité régionale d’une « remontée d’effectifs », qui se traduit concrètement par la suppression de cent quarante-trois gendarmes dans la région Midi-Pyrénées, dont vingt-trois dans le seul département du Gers, où sont affectés trois cent soixante-neuf militaires et qui pourtant connaît une augmentation démographique de 5 %.
En 1999, nous avions pourtant accepté la réorganisation de la gendarmerie autour des brigades communautaires, organisation qui a fait la preuve de son efficacité et pour laquelle de nombreuses communes se sont engagées dans des opérations coûteuses de rénovation ou de construction de casernes et de logements. Dans le département du Gers, on en compte quinze.
Faut-il dès aujourd’hui que nous nous organisions à l’échelle des territoires que couvriront les conseillers territoriaux ? Alors que chaque chef-lieu de canton compte à ce jour une caserne de gendarmerie, faut-il imaginer qu’il n’y aura qu’une seule gendarmerie à l’échelle de quatre ou cinq cantons ?
De plus, la fermeture programmée de la moitié des casernes d’ici à 2011, comme le préconise la RGPP, va considérablement peser sur les finances des collectivités : les casernes venant d’être construites sont louées par bail de neuf ans, tandis que l’investissement consenti par les collectivités ne sera remboursé qu’en vingt ou trente ans.
Quelles compensations avez-vous prévues pour pallier cette situation ? Comptez-vous initier des programmes de reconversion immobilière pour ces locaux très spécifiques ? Avez-vous prévu des plans d’accompagnement financier, à l’image des communes touchées par la réorganisation de la carte militaire ? Comment les maires pourront-ils, demain, exercer leur pouvoir de police, qui est pourtant une compétence obligatoire ?
Peu de communes ont la capacité de financer une police municipale. Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'État, la grande inquiétude à la fois de la population et des élus locaux dès lors que le besoin d’une force de sécurité de proximité est patent.
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. Raymond Vall. Plus largement, je m’interroge toujours sur la pertinence de cette réforme, alors que nul ne remettait en cause l’action de la gendarmerie, même si son fonctionnement mérite une modernisation pour plus de performance.
En tant que telle, la mutualisation des moyens d’action des forces de sécurité est sans doute nécessaire pour permettre une meilleure appréhension, dans un souci de complémentarité, des faits de délinquance et de criminalité. Mais un accroissement de cette mutualisation aboutira à la disparition progressive du statut militaire et de la garantie que représentaient l’ensemble de la chaîne de commandement et la procédure de réquisition.
De plus, l’insuffisance des moyens matériels – moyens héliportés obsolètes, parc automobile vieillissant, casernes vétustes, absence de renouvellement des matériels lourds – conduit à s’interroger sur le rôle qu’entend assigner le Gouvernement, dans ces conditions, à la gendarmerie. Je vous rappelle que le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 a fait de la sécurité intérieure, à laquelle concourt la gendarmerie, un des piliers de la stratégie de sécurité de la France.
C’est dans ce contexte que j’ai initié une pétition, relayée nationalement par le Parti radical de gauche, contre ces suppressions de poste. Plus de la moitié des communes du Gers, toutes tendances politiques confondues, l’ont déjà signée, preuve que l’inquiétude des élus locaux est réelle et qu’elle dépasse les clivages partisans.
Compte tenu de ces éléments peu rassurants, j’aurais souhaité, monsieur le secrétaire d'État, que vous nous éclairiez sur la façon dont vous entendez pérenniser l’avenir de la gendarmerie et assurer à l’ensemble de nos concitoyens, où qu’ils résident, le droit à la sécurité, que doit garantir la République, et qui fait partie des « droits naturels et imprescriptibles » inscrits dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Robert Hue applaudit également.)
M. Didier Boulaud. Un réquisitoire de plus !
M. René-Pierre Signé. Excellente intervention !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la question orale avec débat de cet après-midi sur la situation de la gendarmerie nationale est la deuxième sur ce sujet depuis le mois de janvier 2010.
C’est une fois de plus l’occasion pour la Haute Assemblée d’exercer son rôle de contrôle de l’action du Gouvernement, conformément à la révision constitutionnelle, révision que certains n’ont pas cru bon d’adopter,…
M. Didier Boulaud. Ils ont bien fait !
M. Jean-Claude Carle. … bien qu’ils en soient bénéficiaires à cet instant.
Cependant, permettez-moi de vous rappeler que la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale prévoyait déjà son évaluation tous les deux ans par le biais d’un rapport du Gouvernement au Parlement, notre collègue Jean Faure l’a souligné.
Mes chers collègues, n’oublions pas qu’évaluation n’est pas synonyme de précipitation. Dans ce domaine, comme dans d’autres, restons sereins. Nous avons voté la loi il y a moins d’un an, et nous en sommes déjà, je viens de le dire, au deuxième débat !
Faut-il y voir la peur séculaire du gendarme ? Ou est-ce en raison – et j’en suis convaincu – de l’intérêt que chacun d’entre nous, sur toutes ces travées, porte à un corps qui, tout au long de l’histoire, n’a eu de cesse de défendre les valeurs de la République ?
M. René-Pierre Signé. Pourquoi, alors, le supprimer ?
M. Jean-Claude Carle. Mais, comme répétition est force de pédagogie, je profiterai des quelques minutes qui me sont imparties pour vous faire part d’un certain nombre d’observations qu’il me semble nécessaire de rappeler.
Comme l’a indiqué le rapporteur de la loi de 2009, Jean Faure – je tiens à saluer le travail accompli par notre collègue, sous l’autorité du président Josselin de Rohan -, en aucun cas la loi de 2009 ne remet en question le statut militaire des gendarmes.
M. Didier Boulaud. Ben voyons !
M. Jean-Claude Carle. Nous nous y sommes engagés, et nous y veillerons ! N’en déplaise à tous ceux qui n’ont de cesse de laisser croire le contraire. Le rôle des élus que nous sommes n’est pas d’alimenter ou d’attiser les angoisses de ceux pour lesquels nous légiférons.
M. Didier Boulaud. Les Français ont compris, il n’y a qu’à voir les sondages !
M. Jean-Claude Carle. La loi que nous avons votée en août dernier n’est pas une OPA de la police sur la gendarmerie. Il ne s’agit pas non plus d’une fusion-acquisition entre les deux corps. À croire que les détracteurs n’ont pas lu le texte !
M. René-Pierre Signé. Ils l’ont trop bien lu !
M. Didier Boulaud. C’est la pratique qui compte, pas le texte !
M. Jean-Claude Carle. Bien au contraire, les missions de la gendarmerie ont été précisées et rappelées dans un seul et même texte.
Hormis un décret datant de 1903, aucun texte n’avait été adopté depuis 1798 ! Et chacun sait combien notre société a évolué en matière d’insécurité, de délinquance et de violence, phénomènes qui touchent non plus seulement, comme l’a rappelé à juste titre notre collègue Robert Hue, les grandes agglomérations, mais bien l’ensemble du territoire.
Cette loi établit un équilibre entre la police et la gendarmerie afin de mieux répondre au défi de la sécurité nationale et avant tout au besoin de sécurité de nos compatriotes.
Ce texte réaffirme les compétences de la gendarmerie pour assurer la sécurité publique et l’ordre public. Plus que jamais, cette loi reconnaît le statut de force armée à la gendarmerie nationale. Ses missions sont constituées, chacun le sait, par l’exécution des lois, les missions judiciaires, le renseignement, l’information des autorités publiques.
C’est la mission de défense au sens large qui est sanctuarisée dans ce texte, et ce à un moment où notre pays doit faire face à de plus en plus de menaces, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de ses frontières.
L’actualité de ce week-end en témoigne avec l’organisation des « apéros géants ». Ces manifestations, dont les conséquences peuvent être dramatiques, se déroulent, pour la plupart, dans des zones de police. Très souvent, la gendarmerie et la police municipale viennent pallier le manque de policiers disponibles le week-end. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Si le statut des deux armes était identique, nous n’aurions plus, je le crains, mes chers collègues, qu’à recourir aux seuls policiers municipaux pour assurer la sécurité de nos concitoyens.
M. Didier Boulaud. On fera appel aux milices, à l’américaine !
M. Jean-Claude Carle. Si la loi consacre le statut militaire de la gendarmerie, elle a pour corollaire la reconnaissance morale et matérielle liée aux contraintes de la fonction.
Certes, les gendarmes sont désormais rattachés administrativement au ministère de l’intérieur, mais il n’en demeure pas moins qu’ils ont et auront toujours un statut particulier, et cela à différents niveaux dans notre société jusqu’au plus profond de nos territoires.
M. Didier Boulaud. C’est pour cela que le ministre de la défense s’y intéresse autant !
M. Jean-Louis Carrère. Il est plus préoccupé par la prochaine élection présidentielle !
M. Jean-Claude Carle. D’abord, le statut militaire répond à un code et à des valeurs. Cela est très important dans une société où la perte de repères se traduit chaque jour par l’allongement des rubriques de faits divers, presque proportionnellement à la diminution de l’âge des auteurs, dont les actes sont de plus en plus violents.
Le statut militaire, c’est aussi et avant tout l’engagement et le sacrifice, ce que l’on oublie trop souvent. À ce titre, je tiens à rendre un hommage appuyé au travail et à la mission qu’accomplissent les gendarmes, que ce soit sur le territoire national ou à des milliers de kilomètres.
M. Didier Boulaud. C’est une oraison funèbre !
M. Robert Hue. Ils apprécieront !
M. le président. Laissez s’exprimer l’orateur !
M. Didier Boulaud. C’est un prêté pour un rendu !
M. le président. Monsieur Boulaud…
M. Jean-Claude Carle. En Guyane, dans le cadre de la mission Harpie, où ils luttent contre l’orpaillage illégal, ou en Afghanistan, où ils forment les futures forces de police et de sécurité, les gendarmes, par leur professionnalisme et leur courage, sont des exemples pour la société civile.
De plus, je tiens à rappeler que l’ancrage territorial de la gendarmerie est l’une des clés de la cohésion nationale. Si les gendarmes exercent des missions régaliennes, notamment dans le domaine de la police judiciaire, ils assurent un rôle essentiel auprès des populations, bien au-delà des seules missions de sécurité et de prévention. La gendarmerie participe à la gestion humaine de nos territoires. Elle est un maillon indispensable du « vivre ensemble ».
De cette façon, les gendarmes sont des acteurs incontournables de l’aménagement du territoire, et je souhaite qu’ils soient davantage associés aux politiques du territoire engagées par l’État et par les collectivités locales.
Pour ces raisons, il est de notre devoir de veiller au maintien de leur proximité avec les populations et les territoires.
Par exemple, quand il s’agit d’implanter ou de déplacer une gendarmerie, il faut que ce soit en concertation avec les responsables locaux.
M. Jean-Louis Carrère. Parce qu’ils paient !
M. Jean-Claude Carle. Gendarmes et élus locaux ont en commun la connaissance du terrain. La décision ne peut provenir uniquement d’un organe central dont les exigences et les normes ne correspondent plus aux besoins et à la diversité des situations. Il s’agit ni plus ni moins d’un contrat entre les élus locaux et les gendarmes, chacun bien évidemment conservant ses compétences pour la préservation de l’ordre public, avec comme seul objectif l’optimisation des investissements et donc la garantie d’une meilleure efficacité.
À ce titre, il me semble nécessaire d’alléger leurs tâches administratives pour que les gendarmes puissent répondre aux besoins et aux attentes de proximité de nos compatriotes.
La loi de 2009 permet aux gendarmes de répondre à ces besoins, avec les forces de police, dans une démarche de complémentarité optimale et d’efficacité opérationnelle maximale, comme l’a rappelé le ministre de l’intérieur le 24 février dernier.
Aussi, monsieur le secrétaire d'État, nous savons pouvoir compter sur vous pour assurer la garantie du maintien du périmètre missionnel voulue et votée par le législateur. En conséquence, l’esprit et l’équilibre de la loi ne doivent pas être remis en cause par des décrets ou des circulaires comme cela arrive assez souvent. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai par vous dire que je partage entièrement non seulement les propos de mon collègue Jean-Louis Carrère, mais également ses convictions. Je le remercie d’avoir mis de nouveau la gendarmerie à l’ordre du jour de nos débats.
Beaucoup de choses ont déjà été dites et bien d’autres pourraient l’être encore, mais je ne dispose que de cinq minutes. Je vais donc tenter de me faire le porte-parole des gendarmes, de ces hommes et femmes de terrain qui vivent dans nos communes, sillonnent nos routes, font leurs courses dans les mêmes magasins que nous, mettent leurs enfants dans les mêmes écoles et sont engagés au service de notre sécurité et de celle de nos concitoyens.
M. Josselin de Rohan. Vous n’êtes pas leur porte-parole !
Mme Virginie Klès. Oui, ils sont inquiets. Oui, il y a un malaise au sein de nos deux forces de sécurité, aussi bien dans la police nationale que dans la gendarmerie nationale. Monsieur le secrétaire d'État, même si leurs chefs ont relayé auprès de vous ces craintes, nous savons bien qu’ils l’ont fait avec modération et dans le respect de leur devoir de réserve –un devoir de réserve que je ne m’applique pas. Manifestement, soit vous ne les avez pas entendus, soit ils ne se sont pas exprimés assez fort !
M. Didier Boulaud. Ils ont la pétoche !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Je les ai rencontrés ! Je suis allé sur place !
Mme Virginie Klès. Vous ne l’entendez pas, mais, oui, il y a un malaise, et il est de notre responsabilité comme de la responsabilité des gouvernants que d’entendre les gendarmes.
Ils sont inquiets ; ils se sentent bousculés ; ils se sentent contraints ; ils sont écrasés par des calendriers et par une logique du chiffre ; ils ne sont pas reconnus. Parce qu’ils sont militaires, ils le disent à voix basse et pas à visage découvert. C’est justement pour cette raison que nous avons le devoir de les écouter, eux peut-être encore plus que d’autres, et, surtout, celui de les entendre.
M. Josselin de Rohan. N’importe quoi !
Mme Virginie Klès. Comment ne seraient-ils pas inquiets quand ils se demandent si leurs chefs sont respectés, écoutés et reconnus ; quand ils voient que les directions créées dans les administrations centrales pourront être confiées aux préfets ; quand ils constatent que des transferts de crédits, à hauteur de 23,5 millions d’euros, sont opérés de la gendarmerie nationale vers la police nationale, sans aucune transparence, sans aucune communication ?
M. Didier Boulaud. Exactement !
Mme Virginie Klès. Comment ne seraient-ils pas inquiets, quand ils voient dans quels logements ils habitent, dans quels locaux - vétustes, voire glauques - ils travaillent et les crédits mis en face pour les dépenses immobilières ?
M. Jean-Marc Todeschini. C’est vrai !
Mme Virginie Klès. Monsieur le secrétaire d'État, savez-vous que, dans certains logements de gendarmes, la température oscille l’hiver entre 14 et 16 degrés, malgré un chauffage poussé à son maximum ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
Chers collègues de la majorité, vous n’avez pas dû visiter les mêmes gendarmeries que moi, car c’est bien la réalité !
M. Josselin de Rohan. Et vous, qu’avez-vous fait ?
Mme Virginie Klès. La LOPPSI maintient, en théorie, certains dispositifs, comme celui qui permet de rénover ou de reconstruire ces logements ou locaux. Mais quand sera-t-elle votée ? Et avec quels moyens en face, alors que ceux dont nous disposons sont déjà, nous le savons bien, insuffisants ?
Alors, oui, ces gendarmes ont le droit d’être inquiets quand on voit l’exigence de résultat qui leur est imposée, avec des missions sans cesse élargies – je pense à l’outre-mer, qui relève maintenant de leur responsabilité et qui mobilisera de nouveaux moyens humains.
La délinquance augmente, c’est le leitmotiv, et pourtant les moyens diminuent !
On nous dit que les technologies vont résoudre les problèmes,…
M. Didier Boulaud. Rien du tout !
Mme Virginie Klès. … mais elles ne parviendront pas à tous les régler. Ainsi, la vidéosurveillance, que vous préférez appeler « vidéoprotection », absorbera quasiment tous les crédits d’investissement en matière de technologie.
M. Didier Boulaud. Bien sûr !
Mme Virginie Klès. Et cela devrait tout résoudre ? Une fois que la caméra aura repéré la délinquance, il faudra bien intervenir, et qui, sinon des femmes et des hommes, devra se précipiter pour aller protéger nos concitoyens ?
M. Didier Boulaud. Très bien !
Mme Virginie Klès. Alors, oui, ils sont encore inquiets, et on les comprend, quand on voit que la réorganisation entre nos deux forces a complètement bouleversé l’équilibre préexistant, sans aucune concertation ni évaluation de ces changements.
Oui, ils ont le droit d’être inquiets, quand ils voient la disparition d’escadrons, la création de communautés d’agglomération mises sous la protection de la police nationale, et non plus de la gendarmerie nationale, et leur exclusion des zones périurbaines, pour être repoussés vers le monde rural.
Les élus aussi sont inquiets, ils vous l’ont dit aujourd'hui. Quel maillage territorial derrière ces évolutions ? Quelles conditions de travail pour les gendarmes ? Quel impact sur leurs familles ?
Car, ne l’oubliez pas, monsieur le secrétaire d'État, les gendarmes sont des militaires, soumis donc au régime des mutations, et ils ont des familles. Comment les conjoints vont-ils pouvoir continuer de travailler si les gendarmes sont mutés tous les trois ans au fin fond d’une zone rurale où il n’y a pas d’emplois ? Comment feront les enfants, qui devront régulièrement changer d’école ? De telles conditions de vie sont totalement inacceptables.
Les crédits de fonctionnement sont insuffisants. Aujourd'hui, dans certaines gendarmeries, les gendarmes font eux-mêmes le ménage dans les locaux, car ils ne disposent plus de crédits suffisants pour signer des conventions ou pour travailler avec l’UGAP.
Alors oui, ils sont inquiets, et c’est bien normal !
Une chose m’étonne, et m’étonnera sans doute longtemps : on a vraiment besoin de la RGPP pour diminuer les effectifs de la gendarmerie nationale ? On trouve encore des hommes et des femmes prêts à s’engager dans ces conditions-là pour travailler au service de la sécurité de nos concitoyens : il n’est que temps de leur tirer un grand coup de chapeau !
M. Josselin de Rohan. Démagogie !
Mme Virginie Klès. Absolument pas !
Je suis très inquiète aujourd'hui de voir un transfert de compétences se profiler…
M. Didier Boulaud. Très bien !
Mme Virginie Klès. … de ce service public de la sécurité, d’une part, vers la sécurité privée et, d’autre part, vers les polices municipales, sans aucune concertation avec les élus locaux ni même avec la police municipale.
Monsieur le secrétaire d'État, je ne quitterai pas cette tribune sans avoir réaffirmé mon attachement au service public de la sécurité et avoir rendu un hommage aux gendarmes, à ces hommes et à ces femmes de notre territoire, ne vous en déplaise ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Josselin de Rohan. Vous dites n’importe quoi !
M. le président. Mes chers collègues, sachons raison garder et nous respecter les uns et les autres !
La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Josselin de Rohan. Enfin, des propos sérieux !
M. Jacques Gautier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, rappelez-vous, nos ancêtres les Gaulois craignaient que le ciel ne leur tombe sur la tête. Nous avons connu la peur de l’An Mil et les prédictions de Nostradamus, qui annonçaient la mort du pape à Lyon et la fin du monde. Je remarque, d’ailleurs, que ces peurs sont souvent portées par ceux qui peuvent en tirer profit.
M. Jean-Louis Carrère. En la matière, vous êtes de grands spécialistes !
M. Jacques Gautier. Aujourd’hui, certains de nos collègues craignent que la gendarmerie nationale ne perde son statut militaire et ne se dilue au sein du ministère de l’intérieur.
M. Jean-Louis Carrère. C’est sûr !
M. Jacques Gautier. Jean Faure l’a évoqué tout à l’heure, nous étions il y a dix jours en Afghanistan avec le ministre de l’intérieur.
M. Didier Boulaud. Un voyage réservé à l’UMP ! Nous avions le droit d’y aller aussi !
M. Jean-Louis Carrère. Nous aussi, nous sommes élus, et au suffrage universel majoritaire à deux tours, pas à la proportionnelle !
M. René-Pierre Signé. Sectaires !
M. Jacques Gautier. Je peux vous assurer que nos cent cinquante gendarmes qui assurent le tutorat des forces de sécurité afghanes en Surobi et en Kapisa (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)…
M. le président. Mes chers collègues, n’interrompez pas l’orateur !
M. Jean-Louis Carrère. Nous avions le droit d’aller aussi en Afghanistan !
M. Jacques Gautier. … ou qui forment la gendarmerie ou les policiers afghans à Mazar-e-sharif, ne connaissent pas ce genre de crainte. Respectez-les, chers collègues de l’opposition ! Respectez-les, monsieur Carrère ! (Exclamations continues sur les mêmes travées.)
M. le président. Chers collègues, veuillez laisser parler l’orateur !
M. Jacques Gautier. Ces gendarmes travaillent aux côtés de leurs camarades de la task force La Fayette et opèrent dans des zones dangereuses ; ils sont soumis à des tirs de roquette et à des tirs tendus, mais ils ont été préparés et équipés pour faire face à ces dangers.
M. Jean-Louis Carrère. Nous étions tout à fait capables d’aller en juger sur place !
M. Didier Boulaud. Oui !
M. Jacques Gautier. Ce sont de vrais gendarmes et de vrais militaires ! Je tiens à témoigner devant vous de leur engagement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.- Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Les copains et les coquins, comme disait Poniatowski !
M. Jacques Gautier. La loi sur le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur a pu en inquiéter certains. La gendarmerie a toujours été une force de police à statut militaire et personne, monsieur Carrère, personne ne peut imaginer que cette situation change. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Chers collègues, laissez parler l’orateur !
M. Jacques Gautier. En revanche, je le rappelle, la gendarmerie était déjà, de fait, depuis 2002, rattachée, au niveau opérationnel, au ministère de l’intérieur.
Les zones d’intervention de la police et de la gendarmerie sont depuis longtemps définies et complémentaires ; elles s’adaptent selon le temps.
En tant que maire, j’ai connu la fermeture de la brigade de gendarmerie de ma commune, et le classement complet en zone de police d’État. Mais on me rétorquera que cela se passait à une autre époque, et que c’était un ministre de la défense socialiste, Alain Richard, qui les avait décidés…
Au moment où la RGPP s’impose à nous, nous sommes nombreux à prôner la rigueur budgétaire. Il n’est pas anormal de mutualiser une partie des moyens de ces deux forces, sans pour autant toucher à leur identité, à leurs spécificités ou à leurs statuts.
Mes chers collègues, certains parmi vous ont reproché la fermeture – éventuelle - de brigades territoriales ou d’escadrons mobiles et celle - elle, réelle - de quatre des huit écoles de gendarmerie. Pourtant, de telles décisions découleraient de la RGPP et non du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.
Ce format plus contraint de la gendarmerie nationale s’applique à l’ensemble de la fonction publique, y compris à nos forces armées.
Dans ces domaines, en particulier dans celui de la sécurité, le nombre n’a jamais fait l’efficacité et le résultat,…
M. Jean-Louis Carrère. Vous essayez de justifier l’injustifiable !
M. Jacques Gautier. … sinon les députés seraient plus performants que les sénateurs ! (Sourires.)
Les efforts déployés en équipements, y compris pour ce qui concerne la vidéoprotection, la revalorisation des soldes ou la mutualisation de certains équipements, montrent, s’il en était besoin, que l’on peut faire aussi bien, sinon mieux, avec un dispositif plus contraint, et ce grâce à une meilleure organisation.
M. Jean-Louis Carrère. C’est du charabia !
M. Jacques Gautier. Ne nous trompons pas de débat, mes chers collègues !
M. Jean-Louis Carrère. Charabia !
M. le président. Monsieur Carrère !
M. Jacques Gautier. Il s’agit ici de contrôler l’application de cette loi, et non de revenir sur la RGPP.
Mes chers collègues, sortons des a priori et des craintes supposées, et examinons avec M. le secrétaire d’État les premiers résultats d’une loi promulguée voilà moins d’un an.
M. René-Pierre Signé. Ne détruisez pas toute la France !
M. Jacques Gautier. Fervent défenseur des forces armées, je crois pouvoir dire que, dans les arbitrages passés du ministère de la défense, les gendarmes ont parfois été défavorisés par rapport à l’armée de terre, à la marine ou à l’armée de l’air.
M. Didier Boulaud. Vous allez voir les arbitrages qui seront faits à l’avenir !
M. Jacques Gautier. Je suis persuadé que cela ne sera plus le cas aujourd’hui, avec une gestion budgétaire dépendant du ministère de l’intérieur. (M. Didier Boulaud proteste.)
M. le président. Monsieur Boulaud, le débat est intéressant, laissez l’orateur s’exprimer !
M. Jacques Gautier. Cela a été déjà évoqué, la commission a été saisie ce matin pour avis de la « LOPPSI 2 ». Ce projet de loi permettra à la gendarmerie nationale de bénéficier de matériels de haute technologie destinés à faire face aux nouvelles formes de délinquance, à la complexité des enquêtes et à la nécessité d’améliorer la protection des personnels.
M. Jean-Louis Carrère. Mais il n’y a pas de moyens !
M. Didier Boulaud. Vous avez trouvé du pétrole ?
M. Jacques Gautier. Cette loi prendra aussi en compte la reprise, à compter de 2012, d’une partie des missions assurées actuellement par les armées outre-mer, et ce en conformité avec le Livre blanc.
Sur les treize points que compte la LOPPSI, je souhaite en rappeler certains, qui me paraissent essentiels : l’amélioration des capacités de soutien opérationnel ; le déploiement du dispositif de vidéoprotection et du système de lecture automatisée des plaques d’immatriculation, ou LAPI ; le développement des capacités de communication opérationnelles ; le développement des capacités de projection sur des situations de crise ; la lutte contre l’insécurité routière ; l’optimisation de l’emploi et des capacités de la force aérienne de sécurité intérieure.
M. Didier Boulaud. Vous n’avez plus d’argent !
M. Jacques Gautier. Mes chers collègues, le monde évolue, les menaces et vulnérabilités auxquelles nous sommes soumis aussi ; il est donc naturel que nos réponses s’adaptent en permanence.
M. Didier Boulaud. Il y a au moins une chose qui ne change pas…
M. Jacques Gautier. C’est ce qu’ont su faire nos armées ces dernières années ; c’est ce que font nos gendarmes, sans états d’âme. (Rires sardoniques sur les travées du groupe socialiste.)
Monsieur Carrère, je vous rappelle que, en 2001, les gendarmes sont venus, képis posés, avec leurs véhicules de fonction protester contre le ministre de la défense de l’époque, Alain Richard, et le Premier ministre, Lionel Jospin. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.- Exclamations indignées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Et vous défiliez avec eux !
M. Didier Boulaud. Et sans honte !
M. le président. Chers collègues, un peu de calme !
M. Jacques Gautier. Je voudrais dire, monsieur le secrétaire d'État, toute l’estime et l’admiration que je porte aux personnels de la gendarmerie nationale et le soutien dont je les assure.
Monsieur Carrère, j’espère que nous n’aurons pas à débattre, dans quelques semaines, d’une nouvelle source de crainte,… la crainte de voir la police demander le statut militaire ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Carle. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Ma chère collègue, j’espère que vous ramènerez la paix dans cette assemblée.
M. Daniel Reiner. Ce n’est pas gagné !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, je vais tenter de ne pas m’exprimer de façon trop passionnée ! (Sourires.)
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le cadre de ce débat consacré à la gendarmerie, je souhaite évoquer l’épineuse question de la liberté d’expression des chercheurs gendarmes.
Cette question a pris un relief particulier ces dernières semaines, puisqu’un militaire de carrière, que je ne nomme pas mais dont tout le monde ici a entendu parler, par ailleurs chercheur reconnu pour la qualité de ses travaux universitaires, a fait l’objet d’une mesure grave de radiation des cadres, en raison de propos qu’il a tenus dans les médias, notamment dans la presse écrite.
Je ne m’attarderai pas sur cette affaire, qui est en cours d’instruction devant le Conseil d’État, mais elle me donne l’occasion de soulever un point délicat de la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires, qui pose justement les fondements et les limites de la liberté d’expression des militaires chercheurs, question ô combien passionnante.
Cette loi pose un principe simple : « Les opinions et croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques sont libres. Elles ne peuvent cependant être exprimées qu’en dehors du service et avec les réserves exigées par l’état militaire. »
Par ailleurs, cette loi précise qu’un militaire chercheur est soumis aux règles pénales relatives à la violation du secret de la défense nationale et du secret professionnel.
Elle affirme, enfin, l’obligation de discrétion des militaires pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.
On le voit bien, cette loi est d’inspiration libérale : elle a été présentée comme apportant de nouveaux droits aux militaires, notamment une liberté d’expression accrue. En effet, et c’est une nouveauté de cette loi, les militaires peuvent désormais librement s’exprimer, sans autorisation préalable, pour évoquer, dans le cadre de conférences, exposés ou articles de presse, des sujets politiques ou des questions internationales militaires non couverts par le secret.
On comprend donc que le statut de chercheur n’est pas incompatible avec celui de militaire sur le terrain de la liberté d’expression. En conséquence, le statut de militaire ne constitue pas en soi une entrave à la liberté d’expression des militaires dès lors que le secret défense ou des informations confidentielles ne sont pas en jeu.
Ma question est simple : un militaire chercheur, sous réserve bien évidemment de respecter le secret défense, peut-il critiquer, en sa qualité de chercheur, l’institution à laquelle il appartient ?
La Cour européenne des droits de l’homme a récemment apporté un commencement de réponse à cette question. Aux termes de l’arrêt rendu, la liberté universitaire d’un chercheur comprend notamment la liberté d’exprimer son avis au sujet de l’institution au sein de laquelle il travaille, de diffuser des connaissances et de répandre la vérité sans restriction.
Le statut militaire n’est donc pas un obstacle à la liberté d’expression du militaire chercheur. Cette liberté d’expression doit même être sauvegardée, car elle est saine et peut permettre à l’institution de s’interroger sur son mode de fonctionnement et, ainsi, d’évoluer.
Il s’agit non pas de laisser un militaire jeter l’opprobre sur l’institution à laquelle il appartient, mais de lui permettre d’assumer un statut hybride, celui de militaire chercheur, en lui laissant une marge de manœuvre nécessairement plus large que celle qui est accordée à un militaire n’ayant aucune activité universitaire.
J’ajoute que, lorsque les propos d’un militaire sont issus de recherches scientifiques, ils doivent être libres. Dans une démocratie, la recherche ne peut être la cause de sanctions du seul fait qu’elle a été réalisée par un militaire et qu’elle exprime une « prétendue » désapprobation de la politique conduite par le Gouvernement.
Cinq années après l’entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2005, il est nécessaire de clarifier le statut de gendarme chercheur afin de répondre aux exigences inhérentes à ces deux fonctions.
Il convient aujourd’hui de trouver un nouvel équilibre entre, d’une part, la liberté d’expression et de recherche du militaire, d’autre part, la protection du secret défense. Cet équilibre est subtil, je le reconnais et nous en convenons tous. Cependant, nous sommes prêts à réfléchir ensemble aux moyens d’assurer aux militaires chercheurs un cadre clair et transparent qui leur permettra de connaître à l’avance les limites de leur liberté d’expression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Fouché. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite mettre l’accent sur les conséquences du statut militaire, une certaine inquiétude se manifestant au sein de l’institution, notamment en ce qui concerne le maintien du régime spécifique de retraite et des taux pratiqués. En effet, plane le risque d’un alignement sur le régime général, avec tout ce que cela implique.
Ce statut, conforté après le rapprochement de la police et de la gendarmerie sous l’autorité du ministère de l’intérieur, intègre la pénibilité et la dangerosité du métier de gendarme.
Toutefois, des questions restent en suspens.
Chacun sait que les gendarmes sont très fortement engagés dans leurs missions. Ils reconnaissent les avantages que leur procure leur statut, mais, en contrepartie, en raison de leur spécificité, et cela a été rappelé par tous ceux qui m’ont précédé à cette tribune, ils sont astreints à de nombreuses obligations de service continu.
Le point sur lequel je veux vous interroger est simple, monsieur le secrétaire d’État : pouvez-vous nous indiquer les intentions du Gouvernement au sujet des retraites ? Pouvez-vous nous préciser si une concertation avec le Conseil supérieur de la fonction militaire est à l’ordre du jour, comme cela est souhaité par les gendarmes, et si une concertation décentralisée à l’échelle des départements est prévue ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Très bien !
M. Didier Boulaud. Excellentes questions !
M. René-Pierre Signé. Tout à fait !
M. Daniel Reiner. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais à mon tour remercier notre collègue Jean-Louis Carrère d’avoir, par sa question orale avec débat, mis à l’ordre du jour la situation de la gendarmerie nationale. La passion qui nous anime cet après-midi prouve que c’était nécessaire.
Monsieur le secrétaire d’État, nous vivons une période un peu confuse où se mêlent, se heurtent même, plusieurs de vos décisions : tout d’abord, le rattachement officiel de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, et nous avons tous dit le mal que nous en pensions ; ensuite, la poursuite de la réorganisation sur le territoire des forces de sécurité publique – police et gendarmerie – dans le cadre d’une loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure toujours en vigueur à ce jour, qui avait programmé, elle, une évolution positive des effectifs ; enfin, la RGPP, qui a stoppé en plein vol cette augmentation et qui organise, à l’inverse, une vigoureuse déflation des effectifs.
Ce climat particulièrement incohérent n’incite à la sérénité ni les gendarmes ni les élus des collectivités territoriales, qui sont en relation avec eux quotidiennement.
Je veux bien croire qu’il n’y a pas de plan caché global de suppression de brigades. Reste que, pendant quelques instants, à partir d’un exemple précis pris dans mon département, la Meurthe-et-Moselle, qui est celui que je connais le mieux, je vais vous faire partager la manière dont les choses se passent.
Après la suppression de deux brigades à Pont-à-Mousson et à Saint-Nicolas-de-Port l’année dernière, annoncée d’ailleurs le 30 décembre pour une mise en œuvre le 1er janvier, c’est-à-dire deux jours après, c’est cette fois la commune de Neuves-Maisons qui a été touchée.
Située au cœur d’un bassin ouvrier à une dizaine de kilomètres de Nancy, cette commune disposait jusqu’en 2004 - retenez bien cette date - d’un commissariat de police dont l’action s’étendait aux communes entourant ce chef-lieu de canton.
Le ministre de l’intérieur de l’époque – chacun voit de qui je veux parler – a décidé de transférer ces communes en zone de gendarmerie.
Pour emporter l’adhésion des élus locaux, qui étaient naturellement attachés à leur commissariat de police, il leur a demandé de délibérer sur sa proposition écrite « d’affecter trente-huit gendarmes à cette nouvelle brigade ». Était jointe une note d’impact précisant dans le détail comment le transfert s’effectuerait et comment le service serait « naturellement » bien assuré.
Forts de cette assurance, les élus acceptèrent par délibération cette évolution. J’ajoute qu’il était également prévu de procéder à une évaluation de ce transfert un an après. Je tiens toutes ces pièces à disposition ! « Naturellement », allais-je dire, aucune évaluation n’a été faite.
M. Didier Boulaud. Bien sûr !
M. Daniel Reiner. Les choses sont allées ainsi jusqu’en 2009, date à laquelle un nouveau courrier est parvenu aux élus les informant que leur brigade allait perdre dix postes de gendarme et qu’un regroupement avec deux communautés de brigades rurales voisines, dotées, elles, de seize gendarmes, allait voir le jour.
La stupeur des élus du bassin de Neuves-Maisons et des communes des cantons de Haroué et de Vézelise, sièges des deux autres brigades couvrant cinquante-deux communes, qui ont vite compris que la nouvelle communauté passerait de cinquante-quatre à quarante-quatre gendarmes, soit 20 % de postes en moins – ce n’est pas rien ! –, s’est transformée en indignation. Pour eux, il s’agissait d’un reniement total de la parole officielle donnée il y a quelques années à peine.
Alerté par ces élus, j’ai interrogé le ministre de l’intérieur lors de l’une de nos séances du mardi matin. Par la voix de la ministre chargée de l’outre-mer, Mme Penchard,…
M. Didier Boulaud. Très concernée par la question !
M. Daniel Reiner. … il m’a été répondu qu’il s’agissait d’une réflexion en cours, et non d’une décision, et qu’elle donnerait lieu à concertation avec les élus.
En effet, peu de temps après, je me suis rendu avec mes collègues sénateurs et le député de la circonscription à deux réunions organisées à la préfecture, auxquelles participaient les maires des soixante-neuf communes concernées.
J’ai une certaine conception de ce que peut être la concertation. La convocation d’élus locaux à la préfecture pour leur faire part des décisions du Gouvernement ne correspond pas tout à fait à l’idée que je m’en fais.
M. Didier Boulaud. Eh oui !
M. Daniel Reiner. Un peu plus tard, une délégation d’élus a demandé à être reçue au ministère de l’intérieur. Elle y a entendu le même discours.
Depuis lors, plus de concertation officielle, mais on a appris qu’un marchandage serait en cours entre le ministère de l’intérieur et le secrétariat d’État chargée de la famille et de la solidarité. Il faut dire que Mme Morano est élue dans cette circonscription… Sur son initiative, des réunions ont été organisées sur cette question. L’idée serait que huit suppressions, au lieu de dix, constitueraient une avancée notable. (M. Didier Boulaud s’exclame.) Une lettre du ministère de l’intérieur en ce sens lui a été adressée et circule actuellement dans certaines mairies.
Tout cela n’est ni sérieux ni respectueux.
Un argument spécieux, voire douteux, aurait même été avancé : si, depuis 2004, la commune de Neuves-Maisons avait construit une nouvelle gendarmerie, on n’en serait pas là … C’est un peu fort de café !
M. Didier Boulaud. Oh oui !
M. Daniel Reiner. Depuis quand une gendarmerie neuve ou récemment construite empêche-t-elle l’État de supprimer des postes de gendarme ? Pour reprendre l’exemple que je citais plus haut, la gendarmerie de Saint-Nicolas-de-Port, qui a été supprimée, était neuve !
En réalité, ici, le terrain avait été acquis par la communauté de communes. La construction d’un immeuble de trente-huit logements était prévue. Évidemment, si les gendarmes ne sont plus désormais que vingt-huit ou trente, on a bien fait de ne pas commencer les travaux ….
Quant à la proposition d’un bail faite à l’État, nous n’avons pas obtenu de réponse. Il en va de même pour sa participation financière.
J’espère que ce cas n’est pas exemplaire, car il ne peut satisfaire personne, ni les élus ni les gendarmes, qui ne savent pas de quoi demain sera fait. Cette mauvaise méthode crée un climat de défiance, ce qui n’est jamais bon.
Quant à la population, qui est attachée à la sécurité publique et qui est la première concernée, elle constate, une fois de plus, que le service public s’éloigne d’elle et s’affaiblit. Si la sécurité publique est une priorité du Gouvernement, avouez qu’il a une drôle de manière de l’assumer dans ces trois cantons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou.
M. Jacques Berthou. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite faire prendre conscience au Gouvernement de l’état préoccupant de la délinquance en France, plus particulièrement celle qui concerne les atteintes aux personnes et aux biens, en constante augmentation.
Mon intervention est celle d’un maire qui ne fait que rapporter ce que ressentent la plupart de ses collègues élus. En effet, pratiquement chaque jour dans nos communes urbaines, périurbaines et rurales, les maires que nous sommes sont confrontés à une multitude de faits qui inquiètent, scandalisent et rendent la vie impossible à nos concitoyens.
M. Didier Boulaud. Eh oui !
M. Jacques Berthou. Les faits, vous les connaissez : trafics de drogues, squats d’escaliers ou d’espaces publics, beuveries, bruits, insultes, violences verbales et parfois même physiques contre ceux qui ont le courage de faire des remarques. À cela s’ajoutent les détériorations de mobiliers urbains, les voitures volées, cassées, vandalisées ou utilisées pour des rodéos, puis brûlées.
Cette liste n’est malheureusement pas exhaustive. Nos concitoyens, inquiets, apeurés, impuissants, ne sachant plus à qui s’adresser, se retournent vers leurs élus, les interpellent : « Que faites-vous, monsieur le maire ? Vous êtes responsable de la sécurité dans votre commune et vous ne faites rien, pas plus que la police ou la gendarmerie ! »
C’est bien là que le bât blesse, car nos administrés constatent que nos gendarmes, malgré toute leur bonne volonté, ne peuvent plus résorber cette délinquance, dépassés par son importance et sa diversité, à laquelle il convient d’ajouter les cambriolages, les vols, les braquages de commerces, les violences aux personnes, les divers constats d’accidents et les tâches administratives.
C’est dans ce contexte alarmant que vous réduisez les moyens qui permettraient de combattre cette insécurité, d’en limiter son évolution.
En instaurant la RGPP, en supprimant, dès 2010, 1 300 postes de gendarme et en réduisant leur effectif de 3 500 postes en trois ans, vous allez à contresens et contribuez ainsi à accentuer l’insécurité dans notre pays.
Avez-vous oublié ce temps, entre 2002 et 2005, où M. le Président de la République, alors ministre de l’intérieur, avait augmenté de façon très importante – pratiquement 12 000 emplois – les effectifs de la police et de la gendarmerie ? Et ce sont ces 12 000 emplois que vous allez supprimer d’ici à 2013, alors que l’insécurité dans notre pays s’aggrave !
Faut-il que M. le Président de la République redevienne ministre de l’intérieur pour donner aux forces de police et de gendarmerie les effectifs nécessaires à l’exercice de leur mission ?
Jamais la RGPP n’aurait dû concerner la sécurité !
Résoudre tous les problèmes que je viens d’évoquer exige obligatoirement une présence accrue des forces de police et de gendarmerie, et une présence de proximité.
Je tiens à souligner le rôle précieux que jouent nos gendarmes. À la fois proches des élus et des populations, ils peuvent avoir une connaissance précise des événements et obtenir des renseignements indispensables à la résolution d’une affaire.
En réduisant le nombre de gendarmes, vous perdrez inévitablement cette proximité ! Déjà, dans certaines brigades, on constate des regroupements d’activité. Comme l’a souligné mon ami Jean-Louis Carrère, certaines d’entre elles ne prennent plus les plaintes, contraignant les victimes, du moins celles qui ne baissent pas les bras, à se rendre dans des brigades très éloignées.
Beaucoup plus de travail, des missions de plus en plus diversifiées, mais aussi une approche des situations conflictuelles beaucoup plus professionnalisée, beaucoup plus technique, nécessitant des contacts humains et psychologiques permanents, tels sont les jalons qui ponctuent l’évolution de la fonction de gendarme.
La passion pour la fonction ne suffit plus ; la formation doit être beaucoup plus importante. Or ce n’est pas en supprimant quatre écoles de gendarmerie que vous allez, monsieur le secrétaire d'État, répondre à ces exigences de formation !
Aussi est-ce un véritable cri d’alarme que je vous lance ici !
Il ne suffit plus d’affirmer que la sécurité est l’une de vos préoccupations, encore faut-il le démontrer, en donnant à la gendarmerie nationale des moyens beaucoup plus importants que ceux dont elle dispose actuellement – et pas seulement des moyens technologiques : une caméra ne remplace pas un gendarme ! Surtout, il s’agit de ne pas faire marche arrière, en supprimant les postes que vous envisagez !
Mais je ne saurais conclure sans rendre un hommage appuyé à nos gendarmes.
Monsieur le secrétaire d'État, les Français, les élus jugeront vos actions sur des résultats et non pas sur des professions de foi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Daniel Reiner. La tâche va être difficile !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’intérieur, retenu cet après-midi à l'Assemblée nationale.
Monsieur Carrère, le 14 janvier dernier, Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, avait déjà été conduit à faire le point devant la Haute Assemblée sur le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur et à exposer les perspectives d’évolution de cette institution. À cette occasion, Brice Hortefeux avait souligné combien il lui semblait prématuré de dresser un premier bilan de ce rattachement, moins de six mois après l’entrée en vigueur de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale, d’autant que, comme l’a rappelé Jean Faure, cette loi prévoit expressément un tel bilan au terme de deux années d’application. Je ne peux que réitérer ce constat.
Le ministre de l’intérieur avait alors rappelé le sens du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur, qui parachève un mouvement engagé à partir de 2002, et souligné toute l’importance de la loi de 2009, qui constitue une réforme d’envergure historique pour la gendarmerie nationale, en quelque sorte la première depuis deux cents ans. Il avait, par ailleurs, indiqué que cette réforme ne touchait ni aux missions ni au statut militaire de la gendarmerie.
Face aux inquiétudes exprimées dans ce débat tant par Virginie Klès, Robert Hue que, bien sûr, Jean-Louis Carrère, qui tend à considérer que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur constitue une « fusion » de la gendarmerie et de la police, ce dont il n’a jamais été question, il me paraît important de rappeler, à ce stade du débat, un certain nombre de points.
Certes, je ne suis pas titulaire de la charge mais, en tant que secrétaire d’État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, après avoir d’ailleurs été secrétaire d’État à la défense, chargé des anciens combattants, j’ai très fréquemment l’occasion d’inaugurer des casernes et des logements de gendarmerie.
Depuis le début de l’année, je me suis ainsi rendu dans les Bouches-du-Rhône, la Haute-Loire, le Vaucluse, l’Hérault, la Lozère, les Côtes-d’Armor et le Maine-et-Loire. Lundi dernier encore, j’inaugurais une caserne, le matin, dans les Pyrénées-Orientales, à Osséja, près de Font-Romeu, et une autre, l’après-midi, dans la banlieue de Perpignan. J’irai bientôt dans le Haut-Rhin, dans le Gard, …
Mme Nathalie Goulet. Et dans l’Orne ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Bien sûr, si vous persistez à m’y inviter, madame la sénatrice ! (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Je persiste ! (Nouveaux sourires.)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Alors, je m’y rendrai avec grand plaisir.
Lorsque je me déplace pour une inauguration, je ne suis pas expéditif, je ne me contente pas de couper le ruban, je prends mon temps, visite les logements et les casernements et rencontre les gendarmes et leurs familles.
Or je n’ai pas ressenti le désarroi que vous avez évoqué, pas plus que la colère ou la résignation ni même le malaise que vous avez décrits. Certes, des problèmes se posent ici ou là, inévitablement, et les gendarmes s’interrogent légitimement sur le devenir de leur arme. Mais j’ai vu des gendarmes fiers de leur arme, fiers de leur engagement militaire, fiers aussi de la mission qu’ils assurent en France ou lors d’opérations extérieures. En un mot, ils sont bien dans leur tête, et leurs familles sont globalement satisfaites de leurs conditions de logement.
Mme Gisèle Printz. Globalement !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. D’ailleurs, on n’a jamais autant construit de logements pour les gendarmes !
C’est ainsi que plus de 2 000 logements ont été mis en chantier en 2010 et plus de 2 300 logements seront livrés cette même année !
M. Jacky Le Menn. On en ferme aussi, à Saint-Malo !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. On est donc loin de la situation misérabiliste décrite par Mme Klès !
Sur le fond, la délinquance évolue, les forces de sécurité aussi. Pour relever au mieux les défis du xxie siècle, il fallait rattacher la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur.
Notre objectif est clair : il s’agit d’adapter l’architecture de la sécurité intérieure aux nouveaux défis de la délinquance.
Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur a permis de placer sous une autorité politique unique, celle du ministre de l’intérieur, les deux grandes forces de sécurité de la République.
Comme l’ont fort justement souligné Jean Faure et Jacques Gautier, cette unité de commandement est l’une des conditions majeures de l’efficacité de la stratégie de lutte contre l’insécurité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Daniel Reiner. Comment cela ? Ce n’est pas efficace !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Elle permet de tirer le meilleur parti de l’ensemble de nos forces pour renforcer leur coopération sur le terrain et développer de nouveaux modes d’action, qui sont déjà très bien perçus par la population.
L’enjeu est clair : il s’agit de nous donner les moyens d’agir afin de faire face à une délinquance qui évolue en permanence et d’obtenir, par une meilleure organisation, une baisse durable et significative de celle-ci.
Pour y parvenir, la méthode que nous avons définie consiste à renforcer les coopérations opérationnelles et les mutualisations logistiques.
Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur nous a, en effet, permis d’engager avec les directeurs généraux de la police nationale et de la gendarmerie nationale un vaste examen de l’ensemble des fonctions opérationnelles et logistiques prises en charge par les forces de sécurité.
Ce travail, en quelque sorte inédit, s’est traduit par l’élaboration de nouveaux modes d’action.
Dès le mois de septembre dernier, des cellules anti-cambriolages, par exemple, ont été créées dans tous les départements. Cette mise en commun des compétences a immédiatement produit ses effets, puisque le phénomène de hausse constaté depuis le début de l’année 2009 a été cassé.
J’ai appris lundi dernier, lors de mon déplacement dans les Pyrénées-Orientales, que le nombre de cambriolages y avait diminué, depuis le début de l’année, de 30 % en zone de gendarmerie et de 23 % en zone de police
M. Jean-Pierre Bel. À Font-Romeu ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J’ai tellement été impressionné par ces chiffres que je m’en souviens très précisément !
M. Jean-Louis Carrère. Les chiffres, c’est votre obsession ! Souvenez-vous aussi de ceux des régionales !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. La prochaine fois, je vous emmènerai, monsieur Carrère !
Ce travail a également fait apparaître la nécessité de mettre sur pied des structures communes de nature à renforcer, de manière permanente, la coopération opérationnelle de la police et de la gendarmerie.
C’est ainsi que seront créées, dès l’été prochain, une unité de coordination de lutte contre l’insécurité routière, ou UCLIR, chargée d’améliorer l’efficacité de l’action menée par les forces de l’ordre sur le terrain et, à compter du 1er janvier 2011, la direction de la coopération internationale de la sécurité intérieure, la DCISI. Cette direction sera le point d’entrée de la gestion et de la conduite des questions policières internationales.
Mais je pense aussi à la réorganisation des services territoriaux et centraux de l’information générale, dans lesquels des militaires de la gendarmerie seront systématiquement affectés, et qui auront vocation à centraliser l’ensemble des informations émanant des services de police et des unités de gendarmerie.
Cette réorganisation devrait répondre à l’inquiétude que vous avez exprimée, madame Klès.
Outre ces structures communes, le renforcement de la coopération opérationnelle entre les deux forces s’accompagne enfin d’une véritable montée en puissance des mutualisations logistiques pour optimiser l’emploi des moyens disponibles et des « structures de soutien ».
Je prendrai quelques exemples.
Il s’agit ainsi de mettre en synergie les systèmes d’information et de communication des deux forces ; de procéder à la mutualisation progressive des fichiers judiciaires opérationnels, de manière à permettre à chaque enquêteur, qu’il appartienne à la police ou à la gendarmerie, de disposer de l’ensemble des renseignements judiciaires nécessaires au succès de ses investigations.
M. Jean-Louis Carrère. Vous n’avez pas besoin de fusionner les deux corps pour cela !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Convenez-en, on aurait pu y penser plus tôt !
Dans le même ordre d’idées, il s’agit de la mutualisation systématique des achats.
M. Jean-Louis Carrère. C’était déjà le cas !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Tout élu sait qu’il s’agit là d’une mesure importante de nature à nous faire réaliser des économies.
Il convient enfin de procéder à la mutualisation des structures de soutien, tels les ateliers automobiles, qui tiennent une place importante au sein tant de la police que de la gendarmerie.
Enfin, pour mener à bien ce rattachement, nous avons adopté une ligne de conduite claire : le respect de l’équilibre – et du strict équilibre ! – entre les deux forces de sécurité.
Tous les orateurs ont exprimé leur attachement à l’action de la gendarmerie et à son rôle irremplaçable pour assurer la sécurité des Français.
Je l’affirme clairement devant le Sénat : il n’est pas question de remettre en cause le dualisme qui caractérise notre dispositif de sécurité.
M. Alain Fouché. C’est clair !
M. René-Pierre Signé. Cela a déjà commencé !
M. Jean-Louis Carrère. Le ver est dans le fruit !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Les modes d’organisation de la police et de la gendarmerie sont adaptés aux spécificités et à la diversité des territoires dont l’une et l’autre ont la charge. Il ne s’agit en aucun cas d’aller vers une fusion des deux forces de sécurité, ce qui n’a aucun sens et ne présente aucun intérêt.
Il n’y a donc pas, et il n’y aura pas de fusion entre la police et la gendarmerie, mais il y a bien intégration de la gendarmerie au sein du ministère de l’intérieur,…
M. René-Pierre Signé. C’est la même chose !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … et ce dans le respect de l’identité militaire des gendarmes.
Cette intégration s’inscrit, comme l’a souligné M. Gautier, dans la logique même des missions assumées par la gendarmerie nationale, qui a toujours été une force de police à statut militaire.
L’intégration de la gendarmerie au ministère de l’intérieur constitue une réforme d’envergure historique. L’arrivée des 100 000 personnels de la gendarmerie conduit, en effet, à augmenter d’un tiers les effectifs du ministère, ce qui constitue, on l’imagine, un défi considérable.
L’enjeu de cette réforme est de gagner en efficacité dans la lutte contre la délinquance, en additionnant les capacités opérationnelles, les talents et les compétences.
Nous en sommes conscients, la réussite de cette réforme repose, avant tout, sur le respect de l’équilibre des deux forces de sécurité.
Trois principes fondamentaux guident notre action.
Il s’agit d’abord de garantir un équilibre dans le traitement des personnels, en veillant à assurer une parité globale de traitement et de carrière ; l’actualisation du rapport de 2008 sur la parité a confirmé la réduction des écarts entre les deux forces.
Il s’agit ensuite de garantir un équilibre dans les missions, en gardant à l’esprit qu’il n’est pas question de remettre en cause celles qui sont consacrées de par la loi à la gendarmerie, laquelle les assume avec beaucoup de talent.
Je rappelle, notamment, que l’article 1er de la loi du 3 août 2009 reconnaît la police judiciaire comme une mission essentielle de la gendarmerie nationale.
Ne nous trompons pas de combat : l’enjeu est de renforcer nos moyens pour lutter contre le crime, et non pas de les diviser.
M. Jean-Louis Carrère. Les bras m’en tombent !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Nous n’aurons jamais trop de policiers et de gendarmes pour lutter contre les délinquants et les bandes criminelles qui menacent la sécurité de notre territoire.
M. René-Pierre Signé. La délinquance augmente ! Il y a des personnes poignardées tous les jours !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il s’agit enfin d’assurer un équilibre des zones de compétence territoriale, ce qui n’interdit pas de poursuivre le travail d’adaptation de notre dispositif territorial engagé depuis 2002, afin d’implanter les forces de sécurité au plus près des besoins identifiés.
Je tiens à rassurer Nathalie Goulet et Virginie Klès, ainsi que Robert Hue et Jean-Louis Carrère, l’État ne se désengage pas et l’intégration de la gendarmerie au ministère de l’intérieur ne conduit pas, bien entendu, à abandonner les territoires.
Il faut donc cesser de professer des contrevérités, sous le couvert de prétendues sources bien informées : il n’a jamais été question de fusionner les services judiciaires de la police et de la gendarmerie, il n’a jamais été envisagé de mettre en œuvre un plan massif de fermeture de brigades de gendarmerie au nom de la révision générale des politiques publiques.
M. Jean-Pierre Bel. Et à Foix ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ces rumeurs sont dénuées de tout fondement, et M. Hortefeux les a démenties avec fermeté et vigueur. Elles ne peuvent qu’inquiéter inutilement les militaires de la gendarmerie, qui accomplissent un travail remarquable et auxquels je veux, au nom du Gouvernement, rendre un hommage solennel. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. C’est du bla-bla !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Certes, cette réforme, nous la menons dans un contexte marqué par la crise économique et la contrainte budgétaire. Mais que les choses soient claires : si nous traquons les doublons et les gaspillages, nous maintenons bien sûr tous les moyens nécessaires à l’exercice de notre mission.
La gendarmerie, comme l’ensemble des acteurs de l’État, participe au mouvement de maîtrise des dépenses publiques. Dans le climat de crise que nous connaissons, la réduction des dépenses publiques est plus que jamais un objectif prioritaire, et c’est pourquoi il faut poursuivre avec détermination la révision générale des politiques publiques, engagée depuis 2007. Mais la RGPP est synonyme non pas de désengagement, mais de rationalisation de l’action et des effectifs.
M. Jean-Louis Carrère. C’est comme l’adjectif « populaire » dans « Union pour un mouvement populaire » : cela ne veut rien dire !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur Fouché, je renvoie à l’examen du projet de loi de réforme des retraites la réponse à votre question sur le maintien du régime spécial de la gendarmerie. Pour l’heure, je puis seulement vous dire que si l’état de nos finances publiques exige que nous examinions tous les régimes de retraite, cet examen débutera bien évidemment par une période de concertation approfondie, qui sera menée, pour la gendarmerie, avec le Conseil de la fonction militaire.
Dans ce contexte budgétaire contraint, c’est l’immobilisme qui nous condamnerait à une sécurité au rabais. En adaptant notre organisation et nos modes d’action, nous nous donnons au contraire les moyens de gagner en efficacité.
Nos efforts se concentrent d’abord sur le recentrage des forces de l’ordre sur leur « cœur de métier ». Un important travail a ainsi été engagé avec le ministère de la justice afin de réduire les charges que le fonctionnement des juridictions judiciaires fait peser sur les forces de l’ordre. Nous pourrions en parler longuement, mais tel n’est pas l’objet de notre débat d’aujourd’hui.
Nous avons aussi élaboré de nouveaux modes d’action et aménagé les modalités d’emploi des unités de forces mobiles afin d’accroître la souplesse du dispositif. Nous avons ainsi mis l’accent sur la réversibilité, c’est-à-dire la possibilité d’employer une même unité de CRS ou un même escadron de gendarmerie mobile dans une mission de maintien de l’ordre, puis, en fonction de l’évolution de la situation, dans une mission de sécurité générale. Un autre principe est celui de la « sécabilité », à savoir la possibilité d’employer une partie seulement d’une unité de force mobile, au lieu d’une unité complète, pour proportionner au mieux les moyens aux besoins.
Toujours dans un souci d’efficacité, nous adaptons en permanence le dispositif territorial de la gendarmerie à l’évolution de la démographie, des flux et de la délinquance. Ainsi, loin de remettre en cause l’ancrage territorial de la gendarmerie, nous faisons en sorte que celui-ci corresponde toujours au mieux à la réalité du terrain. L’adaptation du dispositif territorial est d’abord le fruit d’une concertation avec les acteurs locaux de la sécurité.
M. Jean-Louis Carrère. C’est faux !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Étant moi-même conseiller général, j’ai pu vérifier la réalité de cette concertation avec les autorités compétentes. C’est le préfet, épaulé par le commandant de groupement de gendarmerie et le directeur départemental de la sécurité publique, qui détermine les aménagements de ce dispositif de sécurité, après concertation avec les élus. Il les soumet ensuite à la validation du ministre de l’intérieur.
Monsieur Reiner, permettez-moi à cet égard de vous signaler que, dans votre département de Meurthe-et-Moselle, cette concertation a permis de maintenir un effectif de 46 militaires à la gendarmerie de Neuves-Maisons, pour une population d’environ 40 000 habitants, soit un ratio supérieur à la moyenne nationale.
Cette adaptation à la réalité de la diversité des territoires de la République, en milieu rural comme en milieu périurbain, sur le sol métropolitain comme outre-mer, se traduit, monsieur Vall, par une meilleure adéquation entre ressources opérationnelles disponibles et besoins identifiés.
Je rappelle en outre que, dans votre département du Gers, la gendarmerie a vu ses effectifs s’accroître de cinq militaires au cours de la période 2002-2008. Les évolutions à venir se feront en concertation avec les élus et ne remettront pas en cause la qualité du service public de sécurité que nous devons à nos concitoyens.
Il n’existe donc aucun plan de dissolution des unités de gendarmerie. En revanche, nous avons le souci de déployer nos forces au plus près des nécessités de terrain.
M. René-Pierre Signé. Et les réductions d’effectifs ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Vous avez évoqué, monsieur Carrère, la dissolution de 175 brigades territoriales d’ici à 2012. Franchement, je ne sais pas de qui vous tenez ce chiffre ! Je vous respecte trop pour vous mettre en cause personnellement, mais il s’agit véritablement là d’une désinformation à l’égard de nos concitoyens !
M. Jean-Louis Carrère. Et les 3 500 suppressions de postes ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. La plupart des gendarmes issus des quelques escadrons qui seront dissous d’ici à 2011 seront, comme cela a toujours été le cas, réaffectés dans les brigades territoriales des vingt-cinq départements les plus touchés par la délinquance. Cela paraît tout à fait logique.
M. René-Pierre Signé. La délinquance augmente en milieu rural !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Par ailleurs, chaque année, la gendarmerie renforce les effectifs dans les départements connaissant un fort accroissement de population pendant la saison touristique. Cet été, plus de 3 700 gendarmes seront ainsi déployés dans l’ensemble des départements du littoral.
Les résultats obtenus sur le terrain prouvent la pertinence des choix effectués. Pour répondre aux inquiétudes que vous évoquez, monsieur Carrère, permettez-moi de m’en tenir aux faits : la délinquance recule. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Les chiffres parlent d’eux-mêmes et confirment, pour les quatre premiers mois de 2010, la baisse de la délinquance réamorcée depuis le dernier trimestre de l’année 2009 : stabilisation du nombre des atteintes volontaires à l’intégrité physique en zone de gendarmerie et de sécurité publique ; baisse de 3,33 % du nombre des atteintes aux biens par rapport à la même période de 2009 ; diminution de 10,67 % du nombre des escroqueries et des infractions économiques et financières par rapport aux quatre premiers mois de 2009.
MM. Jean-Pierre Bel et René-Pierre Signé. Et les violences aux personnes ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. La mutualisation des moyens et la coopération sur le terrain portent leurs fruits. Je voudrais en particulier souligner l’efficacité des cellules anti-cambriolage mises en place dans tous les départements, puisque le nombre des cambriolages a encore diminué de 3,47 % en avril. Ce mouvement est continu depuis le début de l’année.
Enfin, la coopération de terrain entre les policiers et les gendarmes est pleinement entrée dans les mœurs, quoi que vous en pensiez. Loin des débats partisans, nos deux forces de sécurité travaillent en confiance pour mieux combattre la délinquance, comme on le voit chaque jour concrètement sur le terrain.
L’intégration de la gendarmerie au ministère de l’intérieur permet aussi de renforcer notre capacité à faire face aux crises de grande ampleur, que ce soit sur le territoire national ou à l’étranger.
Je pense bien sûr au tremblement de terre qui a ravagé Haïti le 12 janvier dernier. Endeuillée par la perte de deux militaires qui servaient là sous mandat de l’ONU, la gendarmerie s’est déployée en un temps record pour porter secours au peuple haïtien. Je pense aussi à la mobilisation des 565 militaires de la gendarmerie qui ont porté assistance aux victimes de la tempête Xynthia, en Vendée et en Charente-Maritime. Dans les deux cas, la gendarmerie s’est distinguée par sa capacité de mobilisation et de projection rapide, tant sur le théâtre national qu’à l’étranger. Ainsi, 190 gendarmes sont en place en Afghanistan, 174 en Haïti, 156 au Kosovo, 103 en Côte-d’Ivoire. Au total, 686 gendarmes sont déployés dans le cadre des OPEX, outre ceux qui assurent la protection et la sécurisation de nos postes diplomatiques les plus exposés.
La gendarmerie a eu à déplorer la mort en service de cinq de ses membres depuis le début de l’année, le dernier d’entre eux étant l’adjudant-chef Joos, décédé dans un accident survenu à Rouen la semaine dernière. C’est encore une fois une contribution très lourde que paie l’arme de la gendarmerie dans l’accomplissement de sa mission au service de nos concitoyens.
Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur ne signifie nullement la démilitarisation de cette institution.
Très concrètement, cela se traduit par le maintien du recrutement des officiers dans les grandes écoles militaires et de la formation initiale spécifique des gendarmes, par le maintien à la charge du ministère de la défense des fonctions de soutien, par le maintien des devoirs inhérents au statut militaire, et en particulier des règles de concertation en vigueur au sein des forces armées, par le maintien de l’interdiction de création de groupements professionnels. À cet égard, permettez-moi de vous rappeler, madame Boumediene-Thiery, monsieur Hue, que, comme tous les militaires, les gendarmes demeurent soumis au devoir de réserve et n’ont donc pas à mettre en cause publiquement les choix du Gouvernement.
Enfin, je vous rappelle que c’est à leur statut militaire que les gendarmes doivent de pouvoir se déployer en Afghanistan. M. Hortefeux a d’ailleurs rendu hommage à l’excellence de leur travail à l’occasion de son déplacement à Kaboul, le 6 mai dernier.
Monsieur Faure, sachez que nous allons accroître notre effort dans ce pays d’ici à la fin du mois d’août, puisque 40 gendarmes supplémentaires seront envoyés à Kaboul pour prendre en charge l’encadrement pédagogique du nouveau centre de formation de police de Wardak.
M. Jean-Louis Carrère. Au détour d’une phrase, on nous annonce l’envoi de 40 gendarmes supplémentaires en Afghanistan ! C’est incroyable !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. S’agissant de notre engagement en Géorgie, il est clair qu’il est indispensable de prendre en compte les enjeux internationaux. La progressivité sera de mise pour toute évolution de notre contingent.
Monsieur Carrère, concernant la « LOPSI 2 », je vous précise que la commission des lois du Sénat examinera ce texte le 9 juillet prochain, avant sa discussion en séance publique en septembre.
La désignation d’un nouveau directeur général issu des rangs de la gendarmerie est un signe de confiance envers cette arme. Le général Mignaux est le troisième officier général nommé directeur général consécutivement, après une longue série de préfets et de magistrats.
M. Daniel Reiner. C’était la tradition !
M. Jean-Louis Carrère. Ni de plans locaux ?
M. René-Pierre Signé. L’art de l’euphémisme !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … opérées en concertation avec les élus locaux.
Par ailleurs, il n’est pas question d’exclure la gendarmerie des zones périurbaines : la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale prévoit sa compétence exclusive dans ces zones.
La diminution des effectifs concerne prioritairement les fonctions de soutien, et le maillage territorial sera préservé. D’ailleurs, des brigades sont rénovées ou même créées chaque mois.
Enfin, monsieur Carrère, il n’y a pas de remise en cause des capacités d’investigation en police technique et scientifique.
J’ajoute que toutes les brigades doivent recueillir les plaintes et sont en mesure de le faire.
Les brigades de Berre-l’Étang et de Rognac sont incluses dans le champ de la réflexion qui est menée sur la police d’agglomération. Aucune décision n’est encore arrêtée à ce stade. En tout état de cause, une brigade et de nombreux logements ont été inaugurés à Châteaurenard cette année, ce qui prouve bien que la présence de la gendarmerie dans cette partie ouest du département des Bouches-du-Rhône est non seulement maintenue, mais développée.
En ce qui concerne la procédure disciplinaire engagée contre le chef d’escadron Matelly, je rappelle que tout officier de gendarmerie est soumis au devoir de réserve, en vertu du statut militaire. Or cet officier, qui n’en est pas à son premier manquement en la matière, a remis publiquement en cause la décision du Président de la République de rattacher la gendarmerie au ministère de l’intérieur, et ce à plusieurs reprises. Il a déjà fait l’objet de sanctions disciplinaires, et la Cour européenne des droits de l’homme l’a d’ailleurs récemment débouté d’un recours dans une autre affaire de même nature. À la suite des propos qu’il a tenus dans la presse et conformément aux règles disciplinaires, il a été traduit devant un conseil d’enquête, afin que ses pairs évaluent la gravité des faits et proposent, en toute indépendance, les sanctions qu’ils estiment adaptées. L’avis rendu par cette instance le 13 octobre dernier est la radiation des cadres. M. Matelly a saisi le Conseil d’État d’une requête en annulation et en suspension de ce décret : dans son ordonnance du 29 avril 2010, le Conseil d’État a maintenu la mesure de radiation des cadres, même si M. Matelly conserve, provisoirement, son logement et sa rémunération.
M. Jean-Louis Carrère. Vous ne les suivez pas toujours, les avis du Conseil d’État…
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Beaucoup plus souvent que vous ne l’imaginez ! Ainsi, pour le découpage électoral, nous avons suivi son avis !
M. Jean-Louis Carrère. Vous avez charcuté !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le message doit être clair : la gendarmerie est une institution militaire, elle le restera et ses personnels doivent respecter les contraintes de leur statut. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire !
Monsieur Hue, la réforme n’a pas été mise en œuvre brutalement, mais de façon progressive, depuis le rattachement pour emploi de la gendarmerie au ministère de l’intérieur en 2002. Ce travail, qui vise à optimiser l’organisation de nos forces de sécurité, est équilibré : c’est d’ailleurs la conclusion du rapport de M. Urvoas, député socialiste du Finistère. En tout état de cause, je suis prêt à faire avec vous le tour des brigades du Val-d’Oise pour voir ce qu’il en est.
Madame Goulet, les cadets de la République sont un dispositif de la police nationale qui fonctionne bien. Pour la gendarmerie, il y a le dispositif « égalité des chances », qui consiste notamment à aider à la préparation des concours et des sélections aux aspirants de gendarmerie issus du volontariat – les AGIV –, à familiariser les jeunes au métier de gendarme à travers les préparations militaires gendarmerie et les préparations militaires supérieures gendarmerie, pour leur permettre de servir au sein de la réserve opérationnelle, enfin à ouvrir une classe préparatoire intégrée au concours universitaire d’officier de gendarmerie en 2010. L’accompagnement des élèves de cette classe, qui auront le statut de gendarme adjoint volontaire, s’inscrira dans la durée, afin de leur permettre de poursuivre l’élaboration de leur projet professionnel en cas d’échec au concours.
Toutes ces mesures contribuent à diversifier les recrutements, en facilitant l’accès à l’emploi public de jeunes sans qualification, issus de milieux socioprofessionnels très variés, souvent déshérités.
Le décret relatif aux indices de solde a par ailleurs été publié au Journal officiel du 12 mai dernier. Je vous en ferai parvenir une photocopie, madame la sénatrice.
Mme Nathalie Goulet. Merci !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur Bel, la brigade de Foix est située en zone de compétence de la police nationale ; il est donc logique de recentrer l’action des gendarmes sur la zone de compétence de la gendarmerie.
Encore une fois, il n’y a aucun programme de création de 175 communautés d’agglomération. La gendarmerie nationale se verra d’ailleurs confier un certain nombre de communes comptant jusqu’à 20 000 habitants, et le maillage territorial sera maintenu, tout spécialement dans les départements de montagne, tels que l’Ariège.
Pour ma part, monsieur Bel, je ne souhaite pas faire entrer la politique dans ce débat (M. Jean-Louis Carrère s’esclaffe)…
M. Didier Boulaud. On ne fait pas de politique ici, c’est bien connu !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … et je me garderai donc bien de rappeler les errances d’une certaine époque (Protestations sur les travées du groupe socialiste), quand un officier supérieur de gendarmerie avait été promu préfet après s’être livré à des pratiques peu déontologiques…
Monsieur Vall, les casernes venant d’être construites ne seront pas abandonnées, et les adaptations territoriales se feront après concertation locale. Vous aurez l’occasion de vous entretenir avec le ministre de l’intérieur. Je répète que, dans votre département, il y a eu non pas une baisse, mais une légère augmentation de l’effectif des gendarmes ces dernières années.
Monsieur Carle, un travail important est fait pour alléger les tâches administratives de nos gendarmes. Dans cette perspective, une diminution des missions dites « de transfèrement » a déjà été constatée en 2009, à hauteur de 5 %.
Madame Klès, la police d’agglomération a été mise en place à Paris en septembre 2009 et le sera prochainement à Lille, à Lyon et à Marseille. C’est une condition de l’efficacité des forces de sécurité, car cela donne de la cohérence au dispositif territorial.
En ce qui concerne la lutte contre la délinquance, monsieur Berthou, les chiffres du mois d’avril confirment les bons résultats enregistrés au premier trimestre. En effet, si la comparaison des résultats obtenus sur les quatre premiers mois de 2010 par rapport à la même période de 2009 fait apparaître une très légère hausse, à hauteur de 1,54 %, du nombre des atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes, le recul des atteintes aux biens se poursuit, avec une baisse constatée de 3,33 %, ainsi que celui des escroqueries et des infractions économiques et financières, dont le nombre a diminué de 10 %. Les résultats du mois d’avril révèlent aussi que l’action des forces de police et de gendarmerie a porté ses fruits dans beaucoup de départements particulièrement sensibles. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)
M. René-Pierre Signé. Et les atteintes aux personnes ? On ne peut pas ouvrir le journal sans qu’il en soit question !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. En conclusion, la loi relative à la gendarmerie conforte et reconnaît cette institution. C’est une nécessité pour la sécurité de nos concitoyens, comme l’a rappelé le chef de l’État lors de sa rencontre, suivie d’un déjeuner, avec des représentants de la gendarmerie à l’Élysée le 21 avril dernier. C’était la première fois qu’un chef de l’État recevait de cette façon des représentants des gendarmes de notre pays.
M. René-Pierre Signé. Il ne les a pas convaincus !
M. Jean-Claude Carle. Vous n’en savez rien, vous n’y étiez pas !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Contrairement à ce que peuvent laisser entendre un certain nombre d’interprétations erronées, cette évolution était nécessaire pour adapter les moyens aux besoins de l’époque, et elle ne remet aucunement en cause les spécificités qui font l’efficacité d’ensemble des forces de sécurité intérieure.
Le rapprochement entre la police nationale et la gendarmerie nationale se fait donc dans un esprit d’équilibre, de complémentarité et d’efficacité. Le Gouvernement fait confiance à la gendarmerie, qui est l’un des acteurs majeurs de la sécurité en France. Il lui donnera les moyens de remplir ses missions au service de nos concitoyens et de la République. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, auteur de la question.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le secrétaire d’État, vous parlez d’ « ancrage territorial » et vous semblez satisfait de la situation. Vous prétendez que la capacité de projection n’est pas altérée. Vous insinuez même que les chiffres que nous avançons en matière de suppressions d’emplois ou de fermetures de brigades seraient des inventions de nature à saper le moral des troupes.
Alors, je vous pose la question suivante : les supprimez-vous, oui ou non, ces plus de 5 000 postes ? Dans l’affirmative, cela aura forcément des répercussions, y compris en matière de projection ! Mettez donc vos actes en cohérence avec vos paroles d’estime pour la gendarmerie, auxquelles je souscris, et recréez ces postes.
À vous entendre, l’immobilisme aurait condamné la gendarmerie. Mais monsieur le secrétaire d’État, au temps où M. Chirac était Président de la République, vous et vos amis étiez déjà au pouvoir ! Je me souviens avoir entendu Mme Alliot-Marie déclarer devant la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, la main sur le cœur, qu’il n’était pas question que la gendarmerie soit rattachée au ministère de l’intérieur, que cela ne correspondait absolument pas aux intentions du Président de la République et du Gouvernement. Les temps peuvent changer !...
Vous nous dites, monsieur le secrétaire d’État, que vous ne ressentez pas de désarroi lorsque vous assistez à l’inauguration d’une brigade. Eh bien moi non plus, car l’inauguration, en général, est un jour de fête, où les acteurs du territoire apprécient de se retrouver. Ce n’est pas à cette occasion que l’on entend le plus de doléances ! Cependant, votre sagacité et votre expérience du terrain devraient vous permettre de les percevoir. Je souligne au passage que les collectivités locales, que vous rackettez quelque peu, ont souvent largement contribué au financement de la construction des casernes que vous avez ensuite la satisfaction d’inaugurer… (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
Monsieur le secrétaire d’État, n’essayez pas de masquer les réelles difficultés de la gendarmerie par un jargon technocratique. Nous vous demandons de maintenir les effectifs, de garantir le statut militaire, de clarifier les situations, de rendre les gendarmes et leurs familles heureux, pour qu’ils puissent œuvrer sereinement à assurer la sécurité. Au lieu de cela, vous nous assénez une litanie de chiffres, en omettant celui des atteintes aux personnes, qui lui n’évolue pas dans le sens souhaitable !
En matière de lutte contre l’insécurité routière, vous condamnez les gendarmes à pratiquer une politique du chiffre, qui les amène à se désintéresser des zones où se produisent le plus d’accidents !
M. Jean-Marc Todeschini. Tout à fait !
M. René-Pierre Signé. Ils ne sont jamais là où il faut !
M. Jean-Louis Carrère. C’est pourtant là qu’il faut empêcher les conducteurs de dépasser les vitesses autorisées.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne doute pas que vous soyez comme nous attaché à la gendarmerie et qu’elle représente à vos yeux l’un des piliers de la République, mais, sans chercher à donner de leçons, je vous invite à faire attention à la réalité des chiffres : les crédits de paiements inscrits dans la « LOPSI 2 » – 53 millions d’euros pour 2009, 111 millions d’euros pour 2010, 132 millions d’euros pour 2011… – sont pathétiques ! Ces chiffres ne corroborent absolument pas vos propos ! Je le regrette pour la République et pour la gendarmerie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. En application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
9
Conférence des présidents
M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents, qui s’est réunie aujourd’hui à vingt et une heures trente, a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE (suite)
Jeudi 20 mai 2010
À 9 heures :
Ordre du jour réservé au groupe CRC-SPG :
1°) Proposition de loi tendant à abroger le bouclier fiscal, présentée par M. Thierry Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG (n° 381, 2009-2010) ;
(Les délais limites pour le dépôt des amendements et pour les inscriptions de parole sont expirés) ;
2°) Proposition de loi visant à assurer la sauvegarde du service public de la télévision, présentée par M. Jack Ralite et les membres du groupe CRC-SPG (n° 384, 2009-2010) ;
(Les délais limites pour le dépôt des amendements et pour les inscriptions de parole sont expirés) ;
À 15 heures, le soir et la nuit :
3°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures) ;
Ordre du jour fixé par le Sénat :
4°) Suite du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (texte de la commission n° 437, 2009-2010).
SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 25 mai 2010
À 14 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Suite du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ;
De 17 heures à 17 heures 45 :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
2°) Questions cribles thématiques : « Pouvoir et médias » ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant douze heures trente) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 18 heures, le soir et la nuit :
3°) Suite du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
Mercredi 26 mai 2010
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
Jeudi 27 mai 2010
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
1°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental ;
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 26 mai 2010) ;
2°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à encadrer la profession d’agent sportif (texte de la commission, n° 464, 2009 2010) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 26 mai 2010) ;
- au mardi 25 mai 2010, à quatorze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 26 mai 2010, le matin) ;
3°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la création des maisons d’assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels (texte de la commission, n° 467, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 26 mai 2010) ;
- au mardi 25 mai 2010, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 26 mai 2010, le matin) ;
4°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, tendant à autoriser les petits consommateurs domestiques et non domestiques d’électricité et de gaz naturel à accéder ou à retourner au tarif réglementé (texte de la commission, n° 469, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 26 mai 2010) ;
- au mardi 25 mai 2010, à quatorze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission de l’économie se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 26 mai 2010, le matin) ;
5°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au Grand Paris ;
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 26 mai 2010).
Vendredi 28 mai 2010
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
Éventuellement, samedi 29 mai 2010
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit :
- Suite du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
Lundi 31 mai 2010
À 15 heures et le soir :
1°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (texte de la commission, n° 479, 2009-2010) ;
2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de la convention d’extradition entre la République française et le Royaume du Maroc (texte de la commission, n° 475, 2009-2010) ;
3°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc (texte de la commission, n° 477, 2009-2010) ;
4°) Projet de loi autorisant l’approbation de la convention de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc (texte de la commission, n° 473, 2009-2010) ;
5°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise (texte de la commission, n° 460, 2009-2010) ;
6°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord entre la République française et le Royaume d’Espagne relatif à la sélection, à la mise en œuvre et au financement de deux projets d’autoroutes de la mer entre la France et l’Espagne sur la façade Atlantique-Manche-mer du Nord (texte de la commission, n° 456, 2009-2010) ;
7°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la mise en place d’un service de ferroutage entre la France et l’Italie (texte de la commission, n° 471, 2009-2010) ;
(Pour les sept projets de loi ci-dessus, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée ;
Selon cette procédure simplifiée, les projets de loi sont directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard le vendredi 28 mai, à dix-sept heures qu’un projet de loi soit débattu en séance selon la procédure habituelle) ;
8°) Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi organique relatif à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (A.N., n° 2377) et conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ;
(La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
La commission des lois se réunira pour le rapport sur le projet de loi organique le mercredi 26 mai 2010, à quinze heures (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : mardi 25 mai 2010 à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 28 mai 2010) ;
- au lundi 31 mai 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance au projet de loi organique.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance au projet de loi organique le lundi 31 mai 2010, à quatorze heures) ;
9°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique (texte de la commission, n° 486, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 28 mai 2010) ;
- au jeudi 27 mai 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance les lundi 31 mai 2010, à quatorze heures et mardi 1er juin 2010, à neuf heures trente).
Mardi 1er juin 2010
À 9 heures 30 :
1°) Dix-huit questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement ;
- n° 826 de M. Claude Biwer à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
(Annulation du décret relevant de 4 000 à 20 000 euros le seuil des marchés publics simplifiés) ;
- n° 837 de Mme Catherine Procaccia à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Droit de vote et d’éligibilité des citoyens de l’Union européenne résidant en France et élection des conseillers territoriaux) ;
- n° 844 de M. Antoine Lefèvre à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ;
(Réorganisation des achats publics en faveur des PME) ;
- n° 851 de M. Dominique Braye à M. le secrétaire d’État charge du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ;
(Implantation de commerces « Drive » par les enseignes de la grande distribution) ;
- n° 853 de M. René Vestri à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Attribution des crédits du fonds Barnier) ;
- n° 857 de M. Roland Courteau à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Désertification médicale) ;
- n° 873 de M. Jean-Paul Alduy à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Freins au développement de l’éolien dus à Météo France) ;
- n° 874 de M. Dominique Leclerc transmise à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État ;
(Problèmes de recouvrement et difficultés financières du RSI) ;
- n° 875 de Mme Odette Terrade à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Situation hospitalière dans le Val-de-Marne) ;
- n° 877 de M. Jean-Marc Pastor à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Tarifs d’achat de l’électricité produite à partir de la biomasse) ;
- n° 878 de M. Didier Guillaume à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ;
(Capacité minimale des structures d’accueil de jour pour les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer) ;
- n° 880 de M. Yannick Bodin à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;
(Projet de décret d’application de la loi du 28 octobre 2009 sur le financement des écoles privées sous contrat) ;
- n° 884 de Mme Odette Herviaux à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ;
(Avenir de la convention collective nationale du travail du 15 mars 1966) ;
- n° 889 de Mme Anne-Marie Escoffier à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ;
(Financement des hospitalisations et des soins à domicile) ;
- n° 895 de M. Laurent Béteille transmise à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Suivi médical des agents territoriaux) ;
- n° 900 de M. Yannick Botrel à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
(Mise en difficulté des laboratoires départementaux d’analyse) ;
- n° 905 de M. Jean Boyer à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État ;
(Les chemins de la simplification administrative) ;
- n° 925 de M. Alain Fouché à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Conséquences du maintien du statut de militaire des gendarmes) ;
À 14 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
2°) Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
Mercredi 2 juin 2010
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
Jeudi 3 juin 2010
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2010 ;
(La commission des finances se réunira pour le rapport le mardi 1er juin 2010, en fin d’après-midi ;
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 2 juin 2010) ;
- au mercredi 2 juin, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;
La commission des finances se réunira pour examiner les amendements de séance le jeudi 3 juin 2010, à neuf heures) ;
À 15 heures et le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite éventuelle de l’ordre du jour du matin ;
4°) Projet de loi organique relatif au défenseur des droits (texte de la commission, n° 483, 2009-2010) et projet de loi relatif au défenseur des droits (texte de la commission, n° 484, 2009-2010) ;
(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune ;
La conférence des présidents a fixé :
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 2 juin 2010) ;
- au jeudi 27 mai 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 2 juin 2010, le matin).
Vendredi 4 juin 2010
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30 et à 14 heures 30 :
- Suite de l’ordre du jour du jeudi 3 juin 2010.
Mardi 8 juin 2010
À 15 heures :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008 789 du 20 août 2008 (n° 446, 2009 2010) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 26 mai 2010, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : vendredi 21 mai 2010 à seize heures ;
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 7 juin 2010) ;
- au jeudi 3 juin 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 8 juin 2010, le matin, avant les réunions de groupes et à quatorze heures) ;
De 17 heures à 17 heures 45 :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
2°) Questions cribles thématiques : « La justice, le point sur les réformes » ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant douze heures trente) ;
À 18 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite du projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008 789 du 20 août 2008.
Mercredi 9 juin 2010
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services (n° 427, 2009-2010) ;
(La commission de l’économie se réunira pour le rapport le mercredi 26 mai 2010, le matin, et, éventuellement, le jeudi 27 mai 2010, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : vendredi 21 mai 2010, à quinze heures) ;
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 8 juin 2010) ;
- au vendredi 4 juin 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;
La commission de l’économie se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 9 juin 2010, à neuf heures trente).
Jeudi 10 juin 2010
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services.
SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE
DE L’ACTION DU GOUVERNEMENT
ET D’ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES
Mardi 15 juin 2010
À 9 heures 30 :
1°) Dix-huit questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement ;
- n° 828 de M. Jacques Berthou à M. le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants ;
(Déduction fiscale des cotisations à des associations d’anciens combattants) ;
- n° 871 de M. Thierry Repentin à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Refus des infirmiers salariés de l’assujettissement obligatoire au tableau de l’ordre infirmier) ;
- n° 872 de M. Simon Sutour à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Situation statutaire du personnel contractuel du Conservatoire du littoral) ;
- n° 881 de M. Jacques Blanc à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
(Retards de paiement des aides PAC) ;
- n° 882 de Mme Maryvonne Blondin à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Démantèlement des centrales nucléaires) ;
- n° 883 de M. Gérard Bailly à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
(Lutte contre le fléau des campagnols terrestres) ;
- n° 886 de Mme Marie-Thérèse Hermange à Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
(Nombre insuffisant des unités de visite familiales) ;
- n° 888 de Mme Anne-Marie Payet à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Mortalité maternelle en couches) ;
- n° 890 de M. Rachel Mazuir à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État ;
(Application du nouveau dispositif sur les droits de mutation) ;
- n° 891 de Mme Gélita Hoarau à Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie ;
(Non-application de certaines dispositions réglementaires du code de l’environnement à la Réunion) ;
- n° 892 de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
(Mise en place d’un fonds assurantiel pour la forêt et aide aux sylviculteurs sinistrés du Sud-Ouest) ;
- n° 894 de Mme Mireille Schurch à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Contournement de l’agglomération vichyssoise) ;
- n° 896 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;
(Place accordée aux sciences humaines, économiques et sociales et à leurs enseignants dans le projet de réforme du lycée) ;
- n° 897 de M. Robert Tropeano à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Désertification médicale) ;
- n° 899 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Pénurie de gynécologues médicaux) ;
- n° 902 de M. Jean-Paul Amoudry à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ;
(Réforme du classement des meublés de tourisme) ;
- n° 908 de M. Michel Doublet à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Conséquences de l’arrêt du Conseil d’État « commune de Châteauneuf-sur-Rhône » sur les plans locaux d’urbanisme en cours de révision) ;
- n° 914 de Mme Françoise Cartron à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;
(Fermeture de classe en Gironde) ;
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 :
2°) Débat sur « La loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires, un an après » (salle Médicis) (demande de la commission des affaires sociales) ;
(La conférence des présidents :
- a décidé d’attribuer un temps de parole de vingt minutes à la commission des affaires sociales ;
- a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 14 juin 2010) ;
3°) Question orale avec débat n° 59 de Mme Michèle André à Mme la ministre de la santé et des sports relative à la politique de contraception et d’interruption volontaire de grossesse (salle Médicis) (demande de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes) ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 14 juin 2010 ;
Conformément à l’article 82, alinéa 1, du règlement, l’auteur de la question et chaque orateur peuvent utiliser une partie du temps de parole pour répondre au Gouvernement) ;
À 21 heures 30 :
4°) Débat préalable au Conseil européen ;
(La conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps d’intervention de dix minutes à la commission des affaires européennes ainsi qu’à chaque groupe (cinq minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe) ; les inscriptions de parole devant être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 14 juin 2010) ;
À la suite de l’intervention du Gouvernement, pendant une heure, les sénateurs pourront prendre la parole (deux minutes maximum) dans le cadre d’un débat spontané et interactif comprenant la possibilité d’une réponse du Gouvernement).
Mercredi 16 juin 2010
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 :
1°) Débat sur les retraites (demande de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale) ;
(La conférence des présidents :
- a décidé d’attribuer un temps de parole de trente minutes à la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale ;
- a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 15 juin 2009) ;
Puis, à la suite de l’intervention du Gouvernement, pendant deux heures, les sénateurs pourront prendre la parole (deux minutes maximum) dans le cadre d’un débat spontané et interactif comprenant la possibilité d’une réponse de la MECSS ou du Gouvernement) ;
À 21 heures 30 :
2°) Débat sur les conséquences de la tempête Xynthia (demande de la mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia) ;
(La conférence des présidents :
- a décidé d’attribuer un temps de parole de vingt minutes à la mission commune d’information ;
- a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 15 juin 2010).
Jeudi 17 juin 2010
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 9 heures 30 :
1°) Débat sur l’optimisation des moyens des collectivités territoriales (demande de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation) ;
(La conférence des présidents :
- a décidé d’attribuer un temps de parole de trente minutes à la délégation ;
- a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 16 juin 2009) ;
Puis, à la suite de l’intervention du Gouvernement, pendant une heure, les sénateurs pourront prendre la parole (deux minutes maximum) dans le cadre d’un débat spontané et interactif comprenant la possibilité d’une réponse de la délégation ou du Gouvernement) ;
À 15 heures :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures) ;
3°) Débat sur les nanotechnologies (salle Médicis) (demandes de la commission de l’économie et de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques) ;
(La conférence des présidents :
- a décidé d’attribuer un temps de parole de trente minutes à la commission de l’économie et à l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ;
- a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 16 juin 2010).
SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE
Lundi 21 juin 2010
Ordre du jour fixé par le Gouvernement, en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution :
À 15 heures et le soir :
- Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, portant réforme du crédit à la consommation (n° 415, 2009 2010) ;
(La commission spéciale se réunira pour le rapport le mercredi 9 juin 2010, à quinze heures (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 7 juin 2010, à douze heures) ;
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 18 juin 2010) ;
- au jeudi 17 juin 2010, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;
La commission spéciale se réunira pour examiner les amendements de séance le lundi 21 juin 2010, à quatorze heures et, éventuellement, à la suspension du soir).
Mardi 22 juin 2010
À 14 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement, en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution :
1°) Éventuellement, suite de la deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, portant réforme du crédit à la consommation ;
2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 21 juin 2010) ;
De 17 heures à 17 heures 45 :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
3°) Questions cribles thématiques : « La crise financière européenne » ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant douze heures trente) ;
À 18 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
4°) Éventuellement, suite de l’ordre du jour du matin ;
5°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution (Conseil supérieur de la magistrature) ;
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 2 mai 2010) ;
6°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes (n° 340, 2009-2010) et proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, présentée par M. Roland Courteau et les membres du groupe socialiste (n° 118, 2009-2010) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le jeudi 17 juin 2010, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 14 juin 2010 à douze heures) ;
La conférence des présidents :
- a décidé d’attribuer un temps de parole de quinze minutes à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ;
- a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 21 juin 2010) ;
- au lundi 21 juin 2010, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 22 juin 2010, le matin, avant les réunions de groupe).
Mercredi 23 juin 2010
À 14 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe RDSE :
1°) Proposition de loi relative à la taxation de certaines transactions financières, présentée par M. Yvon Collin et les membres du groupe RDSE (n° 285, 2009-2010) ;
(La commission des finances se réunira pour le rapport le mercredi 9 juin 2010, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 7 juin 2010, à douze heures) ;
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 22 juin 2010) ;
- au jeudi 17 juin 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;
La commission des finances se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 23 juin 2010, le matin) ;
2°) Proposition de loi rétablissant une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen, présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues du groupe RDSE (n° 422, 2008-2009) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 9 juin 2010, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 7 juin 2010, à douze heures) ;
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 22 juin 2010) ;
- au jeudi 17 juin 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 23 juin 2010, le matin) ;
Éventuellement, le soir :
3°) Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes et de la proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.
Jeudi 24 juin 2010
À 9 heures :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
1°) Proposition de loi visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d’intérêts des élus locaux, présentée par M. Bernard Saugey (n° 268, 2008-2009) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 2 juin 2010, le matin, (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 31 mai 2010, à douze heures) ;
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 23 juin 2010) ;
- au jeudi 17 juin 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 23 juin 2010, le matin) ;
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
2°) Proposition de loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap, présentée par M. Paul Blanc et plusieurs de ses collègues (n° 191, 2009 2010) ;
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 9 juin 2010, à dix heures, (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : mardi 8 juin 2010, à douze heures) ;
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 23 juin 2010) ;
- au lundi 21 juin 2010, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 23 juin 2010, à dix heures) ;
De 15 heures à 19 heures :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
3°) Proposition de loi sur le recours collectif, présentée par Mme Nicole Bricq et plusieurs de ses collègues (n° 277, 2009-2010) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 9 juin 2010, le matin, (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 7 juin 2010, à douze heures) ;
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 23 juin 2010) ;
- au jeudi 17 juin 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 23 juin 2010, le matin) ;
4°) Question orale avec débat n° 62 de M. Serge Lagauche à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, sur l’égalité des chances dans l’enseignement primaire et secondaire ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 23 juin 2010 ;
Conformément à l’article 82, alinéa 1, du règlement, l’auteur de la question et chaque orateur peuvent utiliser une partie du temps de parole pour répondre au Gouvernement).
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Lundi 28 juin 2010
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 15 heures et le soir :
1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant engagement national pour l’environnement ;
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 25 juin 2010) ;
2°) Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture du projet de loi de réforme des collectivités territoriales (A.N., n° 2280) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 16 juin 2010, à neuf heures et, éventuellement, l’après-midi (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 14 juin 2010, à douze heures) ;
La conférence des présidents :
- a attribué un temps d’intervention de quinze minutes à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ;
- a fixé à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 25 juin 2010) ;
- a fixé au jeudi 24 juin 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance les lundi 28 juin à quatorze heures, mardi 29 juin, le matin avant les réunions des groupes et à quatorze heures et le mercredi 30 juin, le matin).
Mardi 29 juin 2010
À 9 heures 30 :
1°) Dix-huit questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement ;
- n° 781 de M. Claude Biwer à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Suppression de certaines liaisons TGV par la SNCF) ;
- n° 876 de M. Didier Guillaume à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme ;
(Conséquences pour les territoires ruraux de la réorientation des aides financières de l’État pour le logement social) ;
- n° 903 de Mme Colette Mélot à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Effectifs de police nationale sur la circonscription de Melun) ;
- n° 904 de M. Jean-Pierre Chauveau à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Prolongation de l’autorisation de tir aux corbeaux) ;
- n° 906 de M. Jacques Mézard à Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
(Sort réservé à la maison d’arrêt d’Aurillac) ;
- n° 910 de M. Bernard Piras à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
(Conséquences du rapport d’expertise judiciaire relatif à la sharka) ;
- n° 911 de M. Jean-Patrick Courtois à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Affectation budgétaire du versement transport) ;
- n° 912 de Mme Bernadette Bourzai à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
(Dysfonctionnements dans le suivi des dossiers du programme européen LEADER) ;
- n° 913 de M. Jean-Claude Carle transmise à Mme la secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique ;
(Lutte contre la fracture numérique) ;
- n° 916 de M. Francis Grignon à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
(Compensation des dépenses de gestion du RMI et du RSA pour les départements) ;
- n° 917 de M. Georges Patient à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
(Crise de la filière rizicole en Guyane) ;
- n° 918 de Mme Christiane Kammermann à M. le ministre des affaires étrangères et européennes ;
(Écoles conventionnées au Gabon) ;
- n° 921 de Mme Nathalie Goulet à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ;
(Inégalité de traitement des victimes de l’amiante) ;
- n° 922 de M. Jean Besson à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;
(Amélioration des procédures d’alerte en cas d’inondation) ;
- n° 923 de Mme Patricia Schillinger à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ;
(Situation des caisses d’allocations familiales) ;
- n° 924 de M. Michel Billout à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Sauvegarde et développement du service public de santé à Melun) ;
- n° 929 de M. Jean-Claude Frécon à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Réglementation sur les conditions de transport des enfants) ;
- n° 932 de M. Jean Boyer à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État ;
(Gel des dotations de l’État aux collectivités locales) ;
À 15 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
2°) Suite de la deuxième lecture du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
Mercredi 30 juin 2010
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 15 heures et le soir :
- Suite de la deuxième lecture du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Mes observations porteront sur l’organisation de nos travaux sur le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, dont la discussion est particulièrement saucissonnée. À cet égard, je crois que l’on atteint un sommet !
Ainsi, M. le Président de la République ayant décidé de se rendre dans le Lot-et-Garonne pour mettre en valeur l’importance de ce texte, nous ne siégerons pas vendredi prochain, alors que nous avions tous pris nos dispositions pour être présents en séance publique ce jour-là.
La semaine prochaine, l’examen du projet de loi sera de nouveau interrompu jeudi 27 mai, avant de reprendre le vendredi 28 pour s’achever éventuellement le samedi 29 mai, alors que nous sommes très nombreux à avoir des engagements en fin de semaine, en particulier dans nos mairies.
Je trouve regrettable que les travaux du Sénat soient ainsi organisés en dépit du bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que certaines travées du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Ce projet de loi a été annoncé au début de l’année par le Président de la République, dans son discours de Poligny. Le Gouvernement avait donc tout loisir d’inscrire son examen à l’ordre du jour du Parlement sans devoir recourir à la procédure accélérée, d’autant que nous avons auparavant débattu de textes qui ne présentaient pas le même caractère prioritaire.
Nous n’avons eu que peu de jours pour étudier les dispositions du projet de loi, dont la commission a d’ailleurs tellement remanié la rédaction initiale qu’une chatte n’y retrouverait pas ses petits ! Tout cela ne nous permet pas de travailler dans la sérénité, et le saucissonnage de l’ordre du jour souligné par M. Le Cam n’arrange rien… Le Président de la République, pour faire suite à une première opération de communication sur les marges de la grande distribution sur les fruits et légumes, se rendra ce vendredi dans le Lot-et-Garonne afin de marquer à nouveau son intérêt pour cette filière. C’est son droit le plus strict, mais, alors que nous nous étions organisés pour siéger ce même jour, on nous annonce maintenant que le Sénat poursuivra finalement la discussion du projet de loi vendredi 28 et samedi 29 mai.
Ce n’est pas la première fois que l’on modifie soudainement l’ordre du jour, alors que nous avons pris d’autres engagements. On nous affirme que ce projet de loi est d’une extrême importance : si tel est bien le cas, pourquoi nous impose-t-on une discussion selon la procédure accélérée et ainsi saucissonnée ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que de telles conditions de travail ne sont pas idéales ! Voilà une curieuse façon de légiférer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Acte est donné de ces observations.
Les propositions de la conférence des présidents sont adoptées.
10
Modernisation de l'agriculture et de la pêche
Suite de la discussion d’un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (procédure accélérée) (projet n° 200, texte de la commission n° 437, rapport n° 436).
Nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 1er.
Article 1er (suite)
I. – Le livre II du code rural est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Alimentation, santé publique vétérinaire et protection des végétaux » ;
2° L’intitulé du titre III est ainsi rédigé : « Qualité nutritionnelle et sécurité sanitaire des aliments » ;
3° Avant le chapitre 1er du titre III, il est ajouté un chapitre préliminaire ainsi rédigé :
« Chapitre préliminaire
« La politique de l’alimentation
« Art. L. 230-1. – La politique de l’alimentation vise à assurer à la population l’accès à une alimentation sûre, diversifiée, en quantité suffisante, de bonne qualité gustative et nutritionnelle, produite dans des conditions durables. Elle vise ainsi à offrir à chacun les conditions du choix de son alimentation en fonction de ses souhaits, de ses contraintes et de ses besoins nutritionnels, pour son bien-être et sa santé.
« La politique de l’alimentation est définie par le Gouvernement dans un programme national pour l’alimentation après avis du conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire. Le Conseil national de l’alimentation est associé à l’élaboration de ce programme et contribue au suivi de sa mise en œuvre. Il est rendu compte tous les trois ans au Parlement de l’action du Gouvernement dans ce domaine.
« Le programme national pour l’alimentation prévoit les actions à mettre en œuvre dans les domaines suivants :
« - la sécurité alimentaire, l’accès pour tous, en particulier les populations les plus démunies, à une alimentation en quantité et qualité adaptées ;
« - la sécurité sanitaire des produits agricoles et des aliments ;
« - la santé animale et la santé des végétaux susceptibles d’être consommés par l’homme ou l’animal ;
« - l’éducation et l’information notamment en matière d’équilibre et de diversité alimentaires, de règles d’hygiène, de connaissance des produits, de leur saisonnalité et de l’origine des matières premières agricoles ainsi que des modes de production, de l’impact des activités agricoles sur l’environnement ;
« - la loyauté des allégations commerciales et les règles d’information du consommateur ;
« - la qualité gustative et nutritionnelle des produits agricoles et de l’offre alimentaire ;
« - les modes de production et de distribution des produits agricoles et alimentaires respectueux de l’environnement et limitant le gaspillage ;
« - le respect des terroirs par le développement de filières courtes ;
« - le patrimoine alimentaire et culinaire français.
« Art. L. 230-2. – L’autorité administrative compétente de l’État peut, afin de disposer des éléments nécessaires à l’élaboration et à la mise en œuvre de sa politique de l’alimentation, imposer aux producteurs, transformateurs et distributeurs de produits alimentaires, quelle que soit leur forme juridique, la transmission de données de nature technique, économique ou socio-économique relatives à la production, à la transformation, à la commercialisation et à la consommation de ces produits.
« Un décret en Conseil d’État précise la nature de ces données et les conditions de leur transmission.
« Art. L. 230-3. – Les gestionnaires des services de restauration scolaire et universitaire publics et privés sont tenus de respecter des règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu’ils proposent déterminées par décret.
« Les agents mentionnés aux 1° à 7° et au 9° du I de l’article L. 231-2 et, dans les conditions prévues par l’article L. 1435-7 du code de la santé publique, les médecins inspecteurs de santé publique, les ingénieurs du génie sanitaire, les ingénieurs d’études sanitaires et les techniciens sanitaires, les inspecteurs et les contrôleurs des agences régionales de santé veillent au respect des obligations fixées en application du présent article. Ils disposent à cet effet des pouvoirs d’enquête prévus au premier alinéa de l’article L. 218-1 du code de la consommation.
« Lorsqu’un agent mentionné à l’alinéa précédent constate dans un service de restauration scolaire ou universitaire la méconnaissance des règles relatives à la nutrition mentionnées au premier alinéa, l’autorité administrative compétente de l’État met en demeure le gestionnaire du service de restauration scolaire ou universitaire concerné de respecter ces dispositions dans un délai déterminé. Si, à l’expiration de ce délai, l’intéressé n’a pas déféré à la mise en demeure, cette autorité peut :
« 1° Ordonner au gestionnaire la réalisation d’actions de formation du personnel du service concerné ;
« 2° Imposer l’affichage dans l’établissement scolaire ou universitaire des résultats des contrôles diligentés par l’État.
« Lorsque le service relève de la compétence d’une collectivité territoriale, d’un établissement public, d’une association gestionnaire ou d’une autre personne responsable d’un établissement d’enseignement privé, l’autorité compétente de l’État informe ces derniers des résultats des contrôles, de la mise en demeure et, le cas échéant, des mesures qu’il a ordonnées.
« Un décret en Conseil d’État précise la procédure selon laquelle sont prises les décisions prévues au présent article.
« Art. L. 230-4. – L’aide alimentaire a pour objet la fourniture de denrées alimentaires aux plus démunis. Cette aide est apportée tant par l’Union européenne que par des personnes publiques et privées.
« Seules des personnes morales de droit public ou des personnes morales de droit privé habilitées par l’autorité administrative peuvent recevoir des contributions publiques destinées à la mise en œuvre de l’aide alimentaire.
« Des décrets fixent les modalités d’application du présent article, notamment les conditions auxquelles doivent satisfaire les personnes morales de droit privé ; ces conditions doivent permettre de garantir la fourniture de l’aide alimentaire sur une partie suffisante du territoire et sa distribution auprès de tous les bénéficiaires potentiels, d’assurer la traçabilité physique et comptable des denrées et de respecter de bonnes pratiques d’hygiène relatives au transport, au stockage et à la mise à disposition des denrées. »
II. -Au chapitre Ier du titre IV du livre V du code de la consommation, il est inséré un article L. 541-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 541-1. – La politique de l’alimentation est définie à l’article L. 230-1 du code rural. »
III. – Au début du livre II bis de la troisième partie du code de la santé publique, il est ajouté un article L. 3231-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3231-1-1. – La politique de l’alimentation est définie à l’article L. 230-1 du code rural. »
M. le président. L'amendement n° 229, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 6
Après le mot :
politique
insérer le mot :
publique
II. - En conséquence, dans l'ensemble de cet article, après le mot :
politique
insérer le mot :
publique
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. L’article 1er du projet de loi vise à définir et à mettre en œuvre une politique de l’alimentation. « Enfin ! », a-t-on envie de dire…
Nous avons déposé plusieurs amendements afin d’améliorer le texte. Cependant, même s’ils devaient tous être adoptés, nous sommes bien conscients que cela n’infléchirait pas suffisamment les orientations de l’article 1er.
En effet, même si le Parlement se voit reconnaître un droit de suite, tout dépend de la volonté du Gouvernement de faire une priorité de l’alimentation et de la santé de tous les Français.
Je prendrai un seul exemple à cet égard, qui nous incite à beaucoup de prudence quant aux intentions réelles du Gouvernement : celui de l’aide alimentaire.
Le texte nous laisse assez dubitatifs. Nous craignons que son application n’entraîne une diminution des financements des associations délivrant l’aide alimentaire, au motif qu’elles ne rempliraient pas certains critères.
Cette crainte est renforcée par un contexte budgétaire délétère. Dans le projet de loi de finances pour 2010, les crédits du programme n° 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », au sein de la mission « Ville et Logement », regroupant les crédits dédiés au financement des structures d’hébergement d’urgence et d’insertion, sont en diminution par rapport à 2009. Ainsi, en ce qui concerne la prévention de l’exclusion, cette baisse atteint près de 23 %, alors même que les populations visées sont particulièrement exposées au contexte économique difficile que nous connaissons.
Alors que l’INSEE estime que plus de 8 millions de personnes – 13,2 % de la population – vivent sous le seuil de pauvreté en France, soit avec moins de 880 euros par mois, le taux de fréquentation des lieux de distribution d’aide alimentaire n’a cessé d’augmenter.
Au cours de l’année d’« avant-crise » 2008, les Restos du cœur, fondés par Coluche, ont accueilli 15 % de personnes supplémentaires, notamment des chefs de famille monoparentale et des personnes âgées, mais également beaucoup d’agriculteurs. Ainsi, dans l’Aveyron, les Restos du cœur ont enregistré une affluence record, en hausse de 30 %.
La situation est d’autant plus préoccupante que les associations connaissent de réelles difficultés économiques. Ainsi, Olivier Berthe, le président des Restos du cœur, tenait les propos suivants à l’automne 2009 : « On a bouclé avec un déficit de 5 millions d’euros, et le budget prévisionnel est encore en déficit. »
Il est donc nécessaire de renforcer le Programme européen d’aide aux plus démunis, le PEAD, mais les pouvoirs publics doivent aussi prendre la mesure de la situation et engager des crédits à la hauteur.
Or, face à cette situation dramatique et inacceptable, les pouvoirs publics ont plutôt consacré leur temps et l’argent du contribuable, durant l’automne et l’hiver 2009, à la chasse aux « sans-papiers » dans les locaux des organisations humanitaires.
En effet, ces associations ont dénoncé des interpellations et des descentes qui renforcent le sentiment de peur chez les plus précaires, ainsi que des pressions et des menaces de répression pesant sur les bénévoles, au titre du bien réel « délit de solidarité » !
Nous apprécions que le Gouvernement se préoccupe de la politique de l’alimentation, qui doit être une des missions principales de l’État. Cependant, elle ne doit pas s’inscrire dans la politique du « tout-sécuritaire » et de renforcement des inégalités portée par la majorité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. La commission de l’économie avait émis un avis défavorable sur cet amendement, mais, après expertise, elle souhaiterait entendre celui du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Il s’agit en effet d’un point important.
En premier lieu, fixer l’alimentation comme objectif dans le projet de loi portant modernisation de l’agriculture et de la pêche est, à nos yeux, un geste politique important. J’ose espérer que cet objectif politique sera repris lors de la négociation de la future politique agricole commune, car il donnera alors toute sa légitimité à la défense de l’agriculture et des agriculteurs, au-delà des intérêts catégoriels.
En deuxième lieu, comme je l’ai rappelé lors de la discussion générale, cet article recouvre un enjeu social majeur. Pour obtenir de vrais résultats, notamment en matière de prévention de l’obésité, nous devons enfin rassembler les compétences de tous les acteurs – organismes publics, ministères concernés, organisations professionnelles, consommateurs –, comme cela a été fait dans le domaine de la lutte contre l’insécurité routière : pendant des années, on s’est contenté de mesures éparses, qui n’ont donné que peu ou pas de résultats ; seule la mise en place d’une véritable politique publique de sécurité routière fédérant les initiatives et les moyens a permis de faire baisser le nombre des tués sur la route.
En troisième lieu, la politique que nous définissons dans ce projet de loi pose un cadre général assorti d’options très fortes, avec notamment la promotion des circuits courts et la modification des règles de passation des marchés publics, qu’avait d’ailleurs souhaitée le groupe CRC-SPG en commission. Je souhaite que nous puissions ensuite aller plus loin : je n’ai jamais prétendu que ce projet de loi réglerait définitivement la question de l’alimentation en France. Cela étant, pour la première fois, nous fixons une orientation forte à cet égard.
Dès lors qu’il s’agit d’une politique concernant l’intérêt général et engageant les ministères et les établissements publics, le Gouvernement est favorable à ce que son caractère public soit explicitement précisé.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. La commission émet également un avis favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. M. le ministre a indiqué que la définition d’une politique publique de l’alimentation constituait un geste important. Mais pour l’heure, il ne s’agit que d’affichage, car aucune disposition de portée concrète tendant à mettre en œuvre cette notion ne figure dans le texte. Par conséquent, allez-vous joindre le geste à la parole, monsieur le ministre, en inscrivant des engagements précis dans votre projet de loi ?
Hier, notre collègue Jean-Pierre Raffarin nous a expliqué que chacun devait être maître chez soi et que le ministère de la santé n’avait pas à s’ingérer dans la politique publique de l’alimentation, qui relève de vos prérogatives, monsieur le ministre. Une telle déclaration ne contredit-elle pas quelque peu vos propos sur la nécessité de fédérer les différents acteurs ?
En tout état de cause, nous voterons bien sûr l’amendement présenté par M. Le Cam, en attendant de voir quelle portée concrète vous donnerez à ce dispositif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 89, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Teston, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 7, première phrase
Après les mots :
l'accès
insérer les mots :
, dans des conditions économiquement acceptables par tous,
II. - Alinéa 7, seconde phrase
Supprimer les mots :
, de ses contraintes
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. L’objectif assigné par le Gouvernement à la politique de l’alimentation est tout à fait louable, mais la définition de cette politique n’est pas entièrement satisfaisante. Elle couvre en effet un champ assez large : la volonté affichée est d’assurer une alimentation à la fois sûre et saine, tout en intégrant les notions de qualité nutritionnelle et de modes de production respectueux de l’environnement.
Cette définition souligne aussi qu’une bonne alimentation aura des conséquences sur la santé des consommateurs, ainsi que sur leur bien-être. Par le biais d’un amendement adopté par la commission, nous avons introduit de façon implicite la notion de plaisir gustatif et de convivialité, chère à la tradition culinaire française, afin qu’il soit précisé que la qualité des aliments doit être non pas seulement nutritionnelle, mais aussi gustative.
En revanche, la mention du choix en fonction des contraintes financières qui pèsent ou qui risquent de peser sur les consommateurs n’est pas bienvenue, car cela revient à considérer que n’auront accès à la qualité que les consommateurs disposant de moyens suffisants.
Comme le souligne l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, « la fracture alimentaire est une réalité, et qui risque de se renforcer. Le prix est encore l’élément déterminant de l’achat et les restrictions que s’imposent certaines catégories de population hypothèquent leur santé future et celle de leurs enfants. »
Nous estimons donc que la politique de l’alimentation française doit être plus volontariste et s’attaquer aux disparités sociales qui persistent sur le plan alimentaire.
Monsieur le ministre, comme vous l’avez déclaré lors de la discussion générale, l’alimentation est bien une question sociale. Permettre l’accès des populations fragiles à une alimentation suffisante, mais aussi de qualité et diversifiée, doit donc être une priorité.
En conformité avec les objectifs de la politique agricole commune, qui restent inchangés depuis le Traité de Rome, notamment celui d’assurer des prix raisonnables aux consommateurs, il aurait été plus ambitieux de donner comme objectif à la politique de l’alimentation d’assurer à la population l’accès à des produits alimentaires sûrs, diversifiés, en quantité suffisante, de bonne qualité gustative et nutritionnelle, produits dans des conditions durables et économiquement acceptables par tous.
Tel est l’objet de notre amendement, qui reprend la formulation qui a été utilisée s’agissant de l’accès à l’eau pour tous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 517 rectifié, présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, MM. Fortassin, Tropeano, de Montesquiou, Mézard, Milhau, Chevènement et Vall, Mme Laborde et MM. Plancade, Alfonsi et Marsin, est ainsi libellé :
Alinéa 7, seconde phrase
Après les mots :
à chacun
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
, quelle que soit sa situation économique et financière, les conditions du choix de son alimentation en fonction de ses souhaits et de ses besoins nutritionnels, pour son bien-être et sa santé.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. La crise économique et ses incidences sur le pouvoir d'achat des Français ont remis l'alimentation au cœur des préoccupations de nos concitoyens, en les contraignant à des arbitrages délicats entre leurs différents postes de dépenses.
Pour beaucoup d’entre eux aujourd'hui, la dépense alimentaire devient la variable d'ajustement. Les restrictions qu'ils s'imposent ont des conséquences indéniables sur leur bien-être et leur santé, objectifs pourtant affichés dans ce texte.
La politique de l'alimentation doit donc viser à offrir à chacun, quelle que soit sa situation économique et financière, les conditions d'un véritable choix de son alimentation, en fonction avant tout de ses souhaits et de ses besoins nutritionnels, ce qui implique, à défaut d'une action sur le pouvoir d'achat, au moins une action forte sur les prix et les marges.
M. le président. L'amendement n° 225, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 7, seconde phrase
Supprimer les mots :
de ces contraintes
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. La santé doit-elle être conditionnée par les « contraintes » qui s’imposent à la personne ? Telle est la question que pose cet amendement. Car n’oublions pas qu’en parlant d’alimentation, nous parlons avant tout de santé. Les liens entre l’alimentation et la santé sont désormais clairement établis, qu’il s’agisse des maladies cardiovasculaires, de certains cancers, du diabète de type 2 ou de l’obésité, laquelle touche 14 % des adultes en France et se répand à un rythme qui nous rapproche de la situation observée aux États-Unis, où l’obésité peut atteindre 30 % de la population dans certains États.
Le choix alimentaire dont parle le Gouvernement est donc en fait un choix sanitaire, qui ne peut dépendre de contraintes économiques. Or, le constat est sans appel et admis par le Gouvernement lui-même, tant dans l’exposé des motifs que dans l’étude d’impact de ce projet de loi : l’accès à l’alimentation reste encore un enjeu pour les populations les plus défavorisées. « La fracture alimentaire est une réalité, et qui risque de se renforcer. Le prix est encore l’élément déterminant de l’achat et les restrictions que s’imposent certaines catégories de population hypothèquent leur santé future et celle de leurs enfants. »
Cet amendement vise donc à garantir sans restriction le respect pour tous des principes posés par l’article 1er.
Nous avons pris note des ambitions du Gouvernement : ainsi, M. le ministre a rappelé en plusieurs occasions qu’aujourd’hui faire de l’alimentation une priorité était une nécessité, un défi que la France se devait de relever ; il a aussi été dit qu’il était nécessaire de concevoir un soutien public à l’alimentation de tous les Français pour garantir que celle-ci soit décente et de qualité.
Mais que valent les ambitions du Gouvernement si elles se nourrissent des inégalités en affirmant vouloir les combattre ?
Subordonner les choix alimentaires aux contraintes économiques, c’est perpétuer la fracture sociale dans l’assiette des Français, au moment où la crise les touche de plein fouet et où l’on demande, encore et toujours, aux plus défavorisés de payer pour des erreurs qui ne sont pas les leurs.
À travers cet amendement, nous proposons simplement d’avoir une politique alimentaire ambitieuse et volontariste.
Reconnaître un droit à la sécurité alimentaire pour tous, c’est reconnaître l’importance de l’alimentation pour la santé des Français. C’est reconnaître que la prévention est la meilleure arme pour stopper l’expansion des maladies liées à la nutrition inadéquate des Français. C’est reconnaître qu’aujourd’hui les personnes en difficulté économique ne peuvent faire les choix alimentaires garantissant leur santé et celle de leurs enfants. Enfin, reconnaître un droit à la sécurité alimentaire pour tous, c’est rappeler le sens du collectif et de la solidarité entre les citoyens.
Au contraire, faire référence aux « contraintes » économiques, c’est consolider une inégalité de fait, c’est avouer son échec face à la fracture sociale. Un tel manque d’ambition serait inadmissible au regard des chiffres de la malnutrition en France. Le Gouvernement doit nous montrer qu’il ne se contente plus de gérer les inégalités sociales, quand il n’est pas en train de les créer, mais qu’il se donne les moyens de ses ambitions, les moyens de combattre ces inégalités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Madame Herviaux, les produits alimentaires et boissons non alcoolisées représentent 13,5 % du budget des ménages. Cette proportion est en régression constante, mais la question des prix alimentaires demeure sensible.
La notion de conditions « économiquement acceptables » existe déjà en matière d’accès à l’eau. Il paraît justifié que l’accès à l’eau et l’accès à l’alimentation soient mis sur le même plan, aussi suis-je favorable au I de l’amendement n° 89.
En revanche, je ne suis pas favorable à son II, qui vise à supprimer la notion de contraintes dans les choix alimentaires. Certaines contraintes peuvent en effet s’imposer, par exemple en cas de maladie.
Je vous demande donc, ma chère collègue, de bien vouloir rectifier votre amendement en en supprimant le II.
M. le président. Madame Herviaux, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?
Mme Odette Herviaux. J’y suis favorable, monsieur le président, et je rectifie mon amendement en ce sens.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement no 89 rectifié, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Teston, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Après les mots :
l'accès
insérer les mots :
, dans des conditions économiquement acceptables par tous,
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur. Si l’amendement n° 89 rectifié est adopté, l’amendement n° 517 rectifié sera satisfait.
Enfin, la commission est défavorable à l’amendement n° 225, qui vise à supprimer la notion de contraintes pesant sur les choix alimentaires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 89 rectifié et un avis défavorable sur les deux autres amendements.
Nous tenons, comme l’a très bien exposé M. le rapporteur, à la notion de contraintes pouvant peser sur les choix des consommateurs français en matière alimentaire.
M. le président. Madame Laborde, l'amendement n° 517 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Puisqu’il est satisfait, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 517 rectifié est retiré.
Madame Terrade, l'amendement n° 225 est-il maintenu ?
Mme Odette Terrade. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 593 rectifié, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 7, première phrase
Supprimer les mots :
produite dans des conditions durables
II. - Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans une perspective de souveraineté alimentaire, elle s'appuie sur une agriculture durable, pourvoyeuse d'emplois dans les territoires et elle est mobilisée pour répondre à la demande interne.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement vise à articuler la politique alimentaire avec la politique agricole, selon deux axes.
Le premier axe, c’est la souveraineté alimentaire. Ce concept est fréquemment utilisé, dans les instances internationales, par les représentants des organisations paysannes ou des États du Sud, qui font valoir que, faute de souveraineté alimentaire, les pays pauvres sont condamnés à la famine : c’est pour eux une question de survie.
Pour nous, la souveraineté alimentaire relève non pas de la survie, mais de la sécurité. Aujourd’hui, notre production alimentaire dépend beaucoup trop d’importations. Ainsi, 80 % de nos élevages consomment des protéines importées, sous forme de tourteaux de soja. Cela nous place en situation de fragilité : je rappellerai les effets dévastateurs qu’eut sur l’ensemble de l’agriculture française, en 1973, l’embargo sur le soja ! Nous sommes également dépendants des importations pour notre consommation de fruits et légumes, même si c’est dans une moindre mesure.
Le second axe, c’est le développement durable de notre agriculture, tout d’abord en matière d’emploi. Nous ne cessons, depuis des décennies, de perdre des emplois agricoles, et il convient d’en recréer, en donnant un nouveau souffle à la politique de l’emploi dans l’agriculture. Par ailleurs, un développement durable suppose bien entendu la prise en compte des effets négatifs de l’agriculture conventionnelle sur l’environnement. À cet égard, on peut se féliciter des nouvelles orientations affichées en la matière.
Notre amendement vise donc à articuler clairement une politique alimentaire définie avec précision dans le projet de loi avec une politique agricole qui, au contraire, ne l’est pas : il me semblerait tout indiqué d’introduire une telle articulation dans le préambule de la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. La politique de l’alimentation et la politique agricole se répondent, mais ne sauraient être confondues. L’autosuffisance alimentaire est un objectif de la politique agricole commune et ne peut pas s’apprécier à l’échelon d’un seul État membre de l’Union européenne.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Monsieur Muller, nous sommes en train d’examiner non pas le préambule du texte, mais son titre Ier, dont l’objet est de définir une politique publique de l’alimentation. Il ne faut pas tout mélanger, même si je suis, comme vous, soucieux de la souveraineté alimentaire de notre pays.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. La question me paraît beaucoup trop importante pour que je puisse me satisfaire des réponses qui m’ont été données.
On entend inciter nos concitoyens à consommer des fruits et légumes, or cette filière est actuellement largement déficitaire. Afin de remédier à cette situation, certains préconisent une harmonisation des règles européennes de façon à favoriser la consommation de produits français plutôt qu’allemands. Mais, à y regarder de plus près, on constate que la réponse consiste à développer la production de fruits et légumes dans les zones périurbaines de notre pays. Or cela passe par des mesures très précises ! Il faut donc articuler politique agricole et politique alimentaire.
Par ailleurs, il est question dans le texte d’une alimentation saine et de qualité. Fort bien ! Si nous voulons manger de la viande saine, de qualité et pas chère,…
M. Gérard César, rapporteur. Pourquoi « pas chère » ? Et les producteurs, alors ?
M. Jacques Muller. … il convient pour l’heure d’ouvrir grand nos frontières aux importations en provenance d’Argentine, où l’élevage du bétail est extensif ! Tel est l’exemple à suivre, mais si nous ne précisons pas les choses dans la loi, cela signifie que nous ne nous donnerons pas les moyens d’orienter le développement de notre agriculture dans cette voie. Voilà un second exemple qui montre qu’une articulation entre politique de l’alimentation et politique agricole est nécessaire.
La priorité doit bien entendu être de répondre à la demande interne. Or, actuellement, une bonne partie de notre agriculture, en particulier les structures ultraproductivistes du Bassin parisien, est tournée avant tout vers l’exportation, et ne tient qu’à coups de restitutions. J’estime que nous devons recentrer les productions sur la demande interne. Cela vaut également pour les politiques régionales : voilà quelque temps, en Alsace, on finançait la monoculture du maïs pour répondre à la demande des industries agroalimentaires allemandes, alors qu’existe une forte demande locale de fruits et légumes, de produits alimentaires de proximité.
Je voudrais aborder un troisième aspect. Mon amendement tend à préciser que la politique alimentaire « s’appuie sur une agriculture durable, pourvoyeuse d’emplois dans les territoires ». Monsieur le ministre, c’est bien au début du texte qu’une telle mention doit figurer, qu’il s’agisse du préambule ou du titre Ier !
Je conclurai par une observation qui, monsieur le ministre, ne devrait pas vous laisser insensible : la souveraineté alimentaire a aussi une dimension géostratégique. La France souhaite faire entendre sa voix dans le concert des nations et prendre position en toute indépendance, comme elle l’a fait avec brio au moment du déclenchement de la guerre d’Irak. Pour ma part, j’étais de ceux qui étaient fiers de voir la France tenir un discours d’opposition aux va-t-en-guerre. Seulement, monsieur le ministre, nous ne pourrons conserver durablement cette autonomie politique, l’histoire l’a montré, sans autonomie alimentaire. Au Moyen Âge, pour faire tomber les villes, on les assiégeait : quand ils étaient affamés, les bourgeois se rendaient. Demain, la France ne pourra tenir un discours crédible sur le plan international que si elle est capable de produire sa nourriture sans dépendre de l’extérieur. Je rappelle une nouvelle fois dans quelles difficultés l’embargo sur le soja de 1973 avait placé tous nos élevages !
L’agriculture est également très fortement consommatrice de pétrole, que ce soit sous forme de gazole, d’intrants ou d’engrais. La Russie, les États-Unis ont du pétrole : ils conserveront leur autonomie alimentaire. Nous, qui n’avons pas de pétrole, devons donc aujourd’hui écrire dans la loi que notre politique agricole doit tendre à réduire notre dépendance à l’égard de cette source d’énergie.
M. René Beaumont. Votre temps de parole est écoulé !
M. Jacques Muller. Je le répète, nous devons inscrire dans la loi que notre politique alimentaire se fonde sur une logique de souveraineté nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Nous sommes en train de créer une sorte de droit opposable à une nourriture saine, de qualité, produite dans des conditions durables… Comment le faire appliquer, avec quels moyens et dans quelles conditions ? Cela s’annonce assez compliqué, et notre ancien collègue Michel Charasse n’aurait pas manqué, dans une telle circonstance, de souligner cette difficulté.
Nous connaissons très bien les liens entre alimentation et santé, l’alimentation étant notre première médecine, tant il est vrai que l’on creuse sa tombe avec sa fourchette… L’année dernière, grâce à notre collègue Dériot, nous avons d’ailleurs eu un débat extrêmement important sur l’obésité et ses conséquences désastreuses, y compris en matière de coûts pour la sécurité sociale. Néanmoins, je suis quelque peu effarée devant la tournure que prend l’article 1er du projet de loi. Certains principes inspirés par de bons sentiments peuvent tout à fait figurer dans un préambule, comme le suggérait d’ailleurs M. Muller, mais n’ont nullement leur place, aussi pertinents soient-ils, dans le texte de la loi. Où s’arrêtera-t-on ? En viendra-t-on à imposer un degré de précision de l’étiquetage tel que le produit sera périmé avant que le consommateur en ait achevé la lecture ?... (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Je pensais que la France était le pays de la gastronomie. En outre, les avis techniques sur les produits issus de notre agriculture font apparaître que ceux-ci sont généralement de très bonne qualité, y compris sur le plan sanitaire. D’ailleurs, le fait que nous gagnions un trimestre d’espérance de vie tous les ans tendrait à prouver que nous ne sommes pas mal nourris.
Or ces débats sur l’article 1er m’inquiètent : hier, tout le monde s’accordait à défendre l’agriculture française, en la présentant comme la meilleure du monde, mais aujourd’hui certains de nos collègues semblent vouloir la placer au dernier rang en dénigrant ses productions ! (Signes de dénégation sur les travées du groupe socialiste.)
Il faut savoir raison garder ! Certes, l’obésité est un réel problème, mais elle ne découle pas, pour l’essentiel, de la consommation des produits fournis par nos agriculteurs, qui sont de qualité, contrairement à ce que pourraient laisser croire trop de sous-entendus ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Patricia Schillinger. Non ! Ce n’est pas ce que nous disons !
M. Daniel Dubois. Le véritable problème de l’agriculture française, c’est qu’elle perd des parts de marché, en raison notamment d’un certain déficit de productivité. Voilà ce qui doit nous préoccuper ! Bien entendu, nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. René Beaumont, pour explication de vote.
M. René Beaumont. À mon tour, je voudrais remercier M. le ministre de promouvoir une politique publique de l’alimentation. L’État se donne ainsi les moyens d’organiser l’alimentation de façon cohérente. Si d’autres États en avaient fait autant voilà une vingtaine d’années, ils n’en seraient pas au point où ils en sont aujourd’hui…
Par ailleurs, j’ai entendu l’un de nos collègues nous donner des leçons de morale. (M. Jacques Muller proteste.) Je lui répondrai que lorsque l’on a de telles idées sur l’alimentation et sur l’agriculture, il faut être cohérent, et permettre par exemple à l’agriculture française d’exporter ses produits en recourant à des modes de transport écologiques. Ainsi, monsieur Muller, la voie fluviale est utilisée pour convoyer le blé d’Alsace ou du centre-est de la France vers le bassin méditerranéen. J’aurais préféré que, au lieu de condamner par principe les exportations, vous défendiez de telles solutions : vous auriez alors été pleinement dans votre rôle d’écologiste ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. De telles interpellations me semblent superflues…
M. René Beaumont. Non !
Mme Odette Herviaux. M. Muller n’a nullement mis en cause la qualité des produits agricoles français. Nous avons toujours affirmé que la production française était de très haute qualité, tant sur le plan sanitaire que sur le plan nutritionnel, comme le montrent d’ailleurs éloquemment les statistiques. Sur ce sujet, nous n’avons donc pas de leçon à recevoir.
Je vous renvoie au texte de l’amendement : chacun admettra, je pense, que la souveraineté alimentaire est une priorité pour l’Europe et pour tous les pays du monde, dont bien évidemment le nôtre ; de même, personne ne s’opposera à ce que cette souveraineté alimentaire s’appuie sur une agriculture durable, et encore moins à ce que celle-ci soit pourvoyeuse d’emplois dans les territoires ; enfin, la mobilisation pour répondre à la demande interne n’est pas exclusive, l’objectif étant que l’ensemble des modèles de production agricole convergent vers un développement de l’activité et des territoires.
Nous soutenons l’amendement présenté par notre collègue Jacques Muller. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 593 rectifié de M. Muller, tendant à modifier l’article 1er.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 201 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 91, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Teston, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Remplacer le mot :
Gouvernement
par les mots :
ministre en charge de l'agriculture, le ministre en charge de la santé publique et le ministre en charge de l'économie
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. L’article 1er du projet de loi prévoit que la politique de l’alimentation soit définie par le Gouvernement dans un programme national pour l’alimentation. L’amendement n° 91 vise à préciser que la politique de l’alimentation et le programme national pour l’alimentation doivent faire l’objet d’une concertation interministérielle et être définis conjointement par le ministre chargé de l’agriculture, le ministre chargé de la santé publique et le ministre chargé de l’économie. En commission, vous avez déclaré, monsieur le rapporteur, qu’une telle précision était superfétatoire. Permettez-moi d’en douter.
En effet, dans l’étude d’impact, le Gouvernement critique ouvertement la dispersion des programmes et des responsabilités entre le ministère de la santé, le ministère de l’agriculture et le ministère chargé de la consommation. En outre, ce n’est pas un hasard si c’est dans le code rural que figure la définition de la politique de l’alimentation. Vous avez d’ailleurs souvent déclaré, monsieur le ministre, que le programme national pour l’alimentation serait piloté par votre ministère. C’est donc vous, je pense, qui viendrez rendre compte tous les trois ans devant le Parlement du travail réalisé, comme le prévoit le projet de loi.
Que le ministère de l’agriculture s’implique officiellement dans la politique de l’alimentation nous convient. C’est d’ailleurs une tendance à l’œuvre depuis quelques années. Le décret du 25 mai 2007 relatif aux attributions du ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche précise ainsi que ce ministère est désormais le concepteur et le pilote de la politique de l’alimentation.
Lors de votre nomination au Gouvernement, le 23 juin 2009, vous avez été officiellement désigné comme le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. Lier l’alimentation et l’agriculture permet de souligner que l’agriculture a bien pour vocation de subvenir aux besoins des citoyens en matière d’alimentation et qu’elle doit donc s’adapter aux attentes de ces derniers. Nous en convenons, mais nous aimerions savoir quelles places occuperont le ministère de la santé et le ministère chargé du commerce. Que deviendra, par exemple, le programme national nutrition santé ?
Selon nous, le ministère de l’agriculture ne peut couvrir seul tous les champs du programme national pour l’alimentation : sécurité alimentaire et accès pour tous à l’alimentation, sécurité sanitaire, santé animale et végétale, éducation, information, allégations commerciales, qualité gustative, etc. Il est à notre avis nécessaire que le ministère de la santé reste impliqué dans le processus de définition de la politique alimentaire, notamment sur les questions de nutrition, de prévention, d’éducation et d’information. La politique de santé publique doit continuer à couvrir l’alimentation : c’est aussi un gage d’indépendance. Si tout le monde s’accorde sur le fait qu’une concertation interministérielle est nécessaire, autant en inscrire explicitement le principe dans la loi. Tel est le sens de notre amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Le projet de loi confie au Gouvernement dans son ensemble la conduite de la politique de l’alimentation. Naturellement, il nous semble qu’il reviendra au ministre chargé de l’alimentation, qui est aujourd’hui celui de l’agriculture, de piloter l’action du Gouvernement en la matière.
Toutefois, cette politique revêt un caractère éminemment interministériel compte tenu des domaines qu’elle couvre : nutrition, santé, consommation. Il n’y a donc pas lieu de spécifier quelles autorités de l’État devront intervenir. L’exécutif doit conserver une certaine liberté d’auto-organisation pour pouvoir répartir les compétences entre ses membres.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 91.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je comprends l’intention qui a présidé au dépôt de cet amendement, mais il me semble à la fois plus précis et plus juste de conserver la mention du Gouvernement.
Un chef de fil anime la politique publique de l’alimentation : le ministre en charge de l’alimentation ; Mais, en plus de ceux qui sont cités dans l'amendement, d’autres ministres seront également concernés, comme celui de l’éducation nationale. Il est évident que ce dernier – j’en ai déjà parlé avec Luc Chatel – sera directement impliqué. Le ministre de la culture n’est pas mentionné non plus. Pourtant, comme nos débats le montrent clairement, le modèle alimentaire français est aussi un modèle culturel.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, la mutualisation des responsabilités entre les différents ministres que vous évoquez n’est pas du tout antinomique avec le fait de préciser dans la loi qu’un certain nombre de ministres seront concernés par cette politique, puisque, de fait, ils le seront au moins autant que vous : l’alimentation en milieu scolaire concerne bien évidemment le ministre de l’éducation.
Notre collègue Daniel Dubois semblait dire tout à l’heure que l’ensemble des Français se nourrissait correctement. Pourtant, lorsque l’on mène une étude sociologique plus fine, on s’aperçoit que, dans certains quartiers, sévissent des pathologies du genre diabète de type 2, un surpoids ou des polycaries, et ce tout simplement parce que, pour des raisons économiques, les glucides assurent « l’intérim » en cas de carences protéiniques.
Le rôle du ministère de l’éducation nationale est donc central, de même que celui du ministère de la santé. L’inscrire dans la loi aurait le mérite d’engager la responsabilité des uns et des autres. Dans le cas contraire et compte tenu de la politique actuellement en vigueur dans le cadre de la RGPP, je doute fort de l’empressement de certains ministères à mettre en œuvre une politique de santé publique qui soit à la hauteur des enjeux, en créant par exemple de nouveaux postes de médecins scolaires.
Nous maintenons donc notre position et regrettons que vous ne vouliez pas accepter que cette mention des différents ministères concernés soit inscrite clairement dans le projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 90, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Teston, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et après consultation des instances qualifiées en matière scientifique
La parole est à Mme Renée Nicoux.
Mme Renée Nicoux. La politique de l’alimentation est définie par le Gouvernement dans un programme national pour l’alimentation.
Le conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire est consulté. Le conseil national de l’alimentation sera associé à son élaboration et à sa mise en œuvre. Il peut en effet être consulté sur la politique alimentaire et en particulier sur les grandes orientations de la politique relative à l’adaptation de la consommation aux besoins nutritionnels, à la sécurité alimentaire des consommateurs, à la qualité des denrées alimentaires, à l’information des consommateurs de ces denrées, à la prévention des crises et à la communication sur les risques. Il peut être d’une grande utilité si ses avis sont suivis d’effets, ce qui n’a pas toujours été le cas depuis sa création en 1985.
Mais le CNA, comme cela est précisé dans le décret n°2009-1429 du 20 novembre 2009, n’a pas vocation à se substituer aux instances qualifiées en matière scientifique. Nous estimons, au vu de la nature complexe de certaines questions alimentaires et des enjeux de santé publique qui y sont liés, qu’il est important de préciser que les instances scientifiques qualifiées seront nécessairement consultées par le Gouvernement sur sa politique alimentaire et sur son programme national. Il s’agit aussi d’un gage important d’impartialité.
Nous n’avons pas souhaité définir précisément ces instances scientifiques, afin de ne pas restreindre le champ dès à présent, mais il est clair que l’agence française de sécurité sanitaire des aliments devrait être consultée, ainsi que l’institut national de la santé et de la recherche médicale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. La commission a prévu que le conseil national d’alimentation soit associé à l’élaboration et au suivi de la réalisation du programme national pour l’alimentation.
Ce conseil comprend des professionnels, des représentants de l’État, des professions agricoles, de l’industrie, des représentants des salariés, mais aussi des personnalités qualifiées dans les domaines de la nutrition, de l’hygiène, etc. Il me semble que le conseil national est tout à fait en mesure d’éclairer la décision sur le programme national pour l’alimentation.
L’alimentation ne doit pas être envisagée uniquement sous l’angle scientifique, par exemple à travers l’avis de l’AFSSA. Son aspect sociétal, qui est important, ne peut être appréhendé par les scientifiques.
En outre, la formulation proposée par Mme Nicoux est vague puisqu’elle ne mentionne que les « instances qualifiées en matière scientifique ». Et vous venez, ma chère collègue, de nous expliquer que cette rédaction était vague à dessein.
Pour ces raisons, je suis obligé d’émettre un avis défavorable, au nom de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
D’une part, la consultation du conseil national de l’alimentation est déjà prévue. D’autre part, si l’on se réfère au code rural, il y est bien précisé que tout ce qui a trait à l’évaluation des risques sanitaires et nutritionnels de santé publique doit faire l’objet d’une consultation de l’agence française de sécurité sanitaire des aliments. Cet amendement risque donc d’être redondant avec le code rural.
M. le président. L'amendement n° 219 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Bailly, Doligé, Cornu, Billard et Houel, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et du Conseil national de la consommation
La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Il est question, au titre Ier de ce projet de loi, de définir et de mettre en œuvre une politique publique de l’alimentation, ce qui me semble très bien et tout à fait honorable.
À l’article 1er sont évoquées la santé publique et vétérinaire, la protection des végétaux, la qualité nutritionnelle de sécurité alimentaire mais il n’est fait aucune mention des consommateurs. La politique de l’alimentation est pourtant destinée en premier lieu aux consommateurs.
Dans cet amendement, nous proposons donc de soumettre pour avis le programme national pour l’alimentation au conseil national de la consommation, comme cela est prévu pour le conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire.
Je crois qu’il est très important d’associer les consommateurs à ce projet d’alimentation saine et sécurisée. Je préfère recevoir l’avis de consommateurs avertis plutôt que celui de scientifiques de tous poils qui se contredisent les uns les autres ou l’avis des « écolos-bobos » qui ne connaissent absolument rien et qui ne savent pas différencier un grain blé d’un pois (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) pour savoir ce que nous devons manger, déguster, bien sûr avec modération…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Notre collègue Rémy Pointereau prévoit un avis du conseil supérieur de la consommation sur le programme national pour l’alimentation. Il n’est pas illégitime en effet de demander l’avis de l’organisme consultatif chargé des questions de consommation. La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Nous voterons en faveur de cet amendement. Nous en avons parlé en commission, et je pense qu’il est très intéressant. Mais, dans l’explication de vote de notre collègue Rémy Pointereau, nous nous désolidarisons simplement de la partie d’agression gratuite vis-à-vis des « écolos-bobos », dont il n’y a aucun représentant dans l’hémicycle. Jacques Muller n’a pas une tête d’écolo-bobo, me semble-t-il ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Je revendique l’étiquette d’écolo et j’invite mon cher collègue Rémy Pointereau à faire un petit tour en Alsace. Venez chez moi, mon cher collègue ! Nous partagerons un verre de l’amitié bio et vous me donnerez un petit coup de main dans mon potager. (Sourires.) Cela demande du travail, un potager, et vous serez le bienvenu…
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Depuis le début des débats en commission, j’insiste sur le fait que les consommateurs ont un rôle majeur à jouer dans le domaine de l’agriculture et, bien entendu, de l’alimentation. C’est donc à deux mains que nous voterons cet amendement. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 230, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 8, dernière phrase
Supprimer le mot :
trois
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Le présent alinéa dispose que la politique de l’alimentation est définie par le Gouvernement dans un programme national pour l’alimentation. Il est rendu compte tous les trois ans au Parlement de l’action du Gouvernement dans ce domaine.
Nous estimons, notamment au regard des enjeux importants de santé publique pointés par l’exposé des motifs, qu’il est urgent non seulement que nous débattions de ces dispositions, mais également que le Parlement ne soit pas simplement informé tous les trois ans dans ce domaine mais bien chaque année. Il s’agit d’une contrainte mineure pour le Gouvernement mais dont la portée serait de grande ampleur en termes d’information des parlementaires.
Vous le dites vous-même, l’action publique dans le domaine de l’alimentation est urgente. Alors, pourquoi attendre trois années pour en rendre compte aux parlementaires ? Vous concédez que l’exception française n’a peut-être plus beaucoup de temps devant elle et que l’obésité guetterait 20% des Français en 2020, autant dire demain. Nous ne pouvons donc pas attendre et c’est pour cette raison – et parce que nous sommes particulièrement favorables à la définition d’un programme national pour l’alimentation – que nous souhaitons que le Gouvernement rende compte chaque année au Parlement de son action dans ce domaine.
Pour ces raisons, je ne doute pas que vous allez tous, mes chers collègues, voter en faveur de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. J’en suis désolé pour notre collègue Gérard Le Cam, qui, sur un mode incantatoire, nous a demandé d’adopter son amendement, mais la commission émet un avis défavorable, car la politique d’alimentation s’inscrit dans une programmation qui sera globalement pluriannuelle – je pense que M. le ministre partage ce point de vue. La présentation d’un bilan annuel ne permettrait pas d’apprécier le programme national pour l’alimentation avec un recul suffisant.
Par ailleurs, rien n’empêche, mes chers collègues, que le Sénat, voire le Parlement dans son ensemble, examine, dans le cadre de sa mission de contrôle et d’évaluation des politiques publiques, la manière dont le Gouvernement conduit son action en matière d’alimentation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable même si, je le reconnais, l’intention de M. Le Cam est louable.
Nous partageons l’objectif de défense d’un modèle nutritionnel français ayant ses caractéristiques propres, et de limitation de l’obésité. Je rappelle que la France est le pays développé où le nombre d’obèses est le moins élevé. Il faut que cette tendance se poursuive.
Comme l’a rappelé le rapporteur, trois années donneront un recul suffisant pour évaluer la politique publique de l’alimentation. Entre-temps, rien n’empêche effectivement les parlementaires de se saisir de cette question et d’établir leurs propres rapports.
M. le président. L'amendement n° 323, présenté par M. Dériot, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après le mot :
prévoit
insérer les mots :
, en liaison avec le programme national nutrition santé,
La parole est à M. Gérard Dériot.
M. Gérard Dériot. De notre point de vue, la mise en place d'un programme national pour l'alimentation est l'occasion de renforcer l'articulation nécessaire entre politique de santé et politique de l'alimentation.
Cet amendement vise à éviter une juxtaposition des outils de l'action gouvernementale, dont les effets néfastes sur le traitement de l'obésité avaient été soulignés par le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé que j’avais eu l’honneur de remettre en 2005.
Par sa nature même, le futur programme national pour l'alimentation, le PNA, est appelé à croiser les objectifs du programme national nutrition santé, le PNNS, qui existe depuis 2000 et qui est piloté par la Direction générale de la santé et l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l'INPES.
Il convient donc, à mon sens, que les mesures prises dans les deux programmes, le PNA et le PNNS, soient au moins cohérentes, et même plutôt complémentaires.
Tel est l’objet de cet amendement, qu’il me semble parfaitement naturel de présenter, afin d’améliorer la situation et de la rendre cohérente.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement nous a interpellés.
En effet, lorsque j’ai auditionné le professeur Houssin, que vous connaissez tous, ce dernier a émis le souhait que le PNNS soit bien distinct des actions menées au titre du programme national pour l’alimentation.
Toutefois, j’aimerais que M. le ministre nous donne son point de vue sur cet amendement, car il vise un sujet important. Et il est vrai que nous avons besoin d’obtenir des précisions sur le contenu effectif du programme.
Aussi, j’attends de connaître la position du Gouvernement avant d’exprimer l’avis de la commission.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. En l’occurrence, nous sommes confrontés à deux problèmes.
L’un est lié aux circonstances, puisque Mme Roselyne Bachelot-Narquin n’a pas encore remis son évaluation sur le prochain PNNS. C’est ce qui complique la situation.
L’autre a trait au fond, et nous sommes ici pour traiter de problèmes de fond importants. À cet égard, je ne vous le cache pas, j’estime que l’articulation entre le PNNS et le PNA proposée par M. Dériot a du sens.
Telle est la raison pour laquelle, vous l’aurez compris, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement qui a du sens. (Sourires.)
M. le président. Quel est, en définitive, l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Ayant entendu les arguments de M. le ministre, je ne puis que me rallier à l’avis du Gouvernement et m’en remettre également à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Pour ma part, je suis extrêmement favorable à l’amendement de M. Dériot ; il s’agit avant tout d’un problème de lisibilité.
En effet, les personnes qui auront à prendre connaissance du PNA comprendraient mal que deux programmes parallèles soient émis par des autorités distinctes et s’adressent, certes en des termes différents, à un même public.
Au demeurant, les derniers chiffres dont nous disposons sur la question de l’obésité sont encore plus inquiétants. Notre pays compte 12,4 % d’adultes obèses, auxquels il faut ajouter 29,2 % de personnes en surpoids. En d’autres termes, plus de 41 % des Français adultes sont en surcharge pondérale.
Je crois que cette disposition fera plaisir à M. Muller (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste) pour des raisons « grenello-compatibles », notamment du point de vue du bilan carbone !
Il ne me paraît pas utile de faire élaborer plusieurs plans par plusieurs autorités. Mieux vaut que les autorités compétentes travaillent ensemble pour présenter un plan concerté.
Je soutiens donc totalement l’amendement de notre collègue Gérard Dériot.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° 231, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - l'offre d'un logement décent et sûr en faveur des personnes les plus démunies ;
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. La mise en œuvre d’un programme national pour l’alimentation est une avancée très intéressante du présent projet de loi ; comme c’est assez rare, autant le souligner !
Nous sommes bien conscients qu’il s’agit simplement d’objectifs, et non pas d’engagements fermes et imminents.
Cela étant, il nous paraît utile d’inscrire dans la loi des objectifs plus ambitieux au service de la politique de l’alimentation.
La question du logement est indissociable de celle de l’alimentation. Ainsi, la crise du logement que connaît notre pays, la précarité de certaines habitations, le caractère illusoire du droit au logement opposable ou encore l’inflation du nombre de personnes privées de logement et totalement abandonnées par l’État sont des réalités sociales.
Je mentionnerai un seul exemple, celui des personnes vivant dans des chambres d’hôtel.
Nous le savons, l’hôtel est devenu une modalité courante de l’hébergement d’urgence. Plus de 50 % des occupants au long cours de ces hôtels sont des familles avec enfants.
La faiblesse des ressources financières des familles concernées, ainsi que l’interdiction théorique et la difficulté matérielle de cuisiner, ont des conséquences néfastes sur l’équilibre alimentaire, qui suppose la consommation de produits laitiers, de fruits et de légumes onéreux et difficiles à conserver. D’ailleurs, le rebord de la fenêtre remplace fréquemment le réfrigérateur…
Les travailleurs sociaux sont démunis face à de telles situations. Quelle portée peut avoir à leurs yeux le discours nutritionnel des pouvoirs publics ? Il est tout simplement inaudible !
C’est pourquoi nous voulons insister sur le point suivant : pour que la politique de l’alimentation profite à tous, pour que les objectifs ambitieux traversent les murs des hôtels et entrent réellement dans les familles, il est nécessaire d’en donner les moyens à ces dernières.
Nous sommes convaincus qu’évoquer le logement dans un débat sur l’alimentation, ce n’est pas hors sujet !
En outre, l’article 1er définit un cadre souple qui laisse au Gouvernement la latitude et le temps nécessaires pour tenir ses promesses, ou les faire oublier. Les contraintes découleront de sa bonne volonté.
Par conséquent, mes chers collègues, je suis persuadée que vous soutiendrez sans peine notre amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Le logement est, au même titre que l’alimentation, une question fondamentale. Simplement, je constate que ce n’est pas tout à fait le sujet dans un projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche…
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable. Je ne crois pas que le logement soit l’objet du présent projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 232, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
consommés par l'homme ou l'animal
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Par cet amendement, notre groupe souhaite apporter une précision sur la catégorie des produits agricoles et des aliments concernés par les actions mises en œuvre dans le cadre du programme national de l’alimentation telle qu’elle est définie par le Gouvernement en termes de sécurité sanitaire.
En effet, nous souhaitons voir indiquer qu’il s’agit d’aliments « consommés par l’homme ou l’animal ».
Omettre de préciser le champ d’application des mesures liées à la sécurité sanitaire risquerait d’induire une définition limitative des aliments concernés aux seuls aliments consommés par les êtres humains, alors même que ceux qui sont destinés aux animaux peuvent avoir des conséquences sur la santé humaine lors de leur consommation par les hommes.
À titre d’exemple, j’évoquerai l’autorisation de culture de la pomme de terre génétiquement modifiée Amflora, délivrée par la Commission européenne, le 2 mars dernier. Pourtant, toutes les conséquences de l’absorption de cette substance OGM ne sont pas connues et nombre d’associations de défense de l’environnement estiment que cette ingestion par l’animal, puis par l’homme, peut avoir des conséquences néfastes sur la santé animale ou humaine.
Suite à cette autorisation européenne, chaque pays doit maintenant utiliser la clause de sauvegarde prévue dans la réglementation européenne pour protéger son environnement et la santé de nos concitoyens. Si la mise en culture n’est pas encore autorisée en France, rien n’empêche l’importation des aliments OGM mis sur le marché pour nourrir les animaux. Les éleveurs européens, dont les Français, achètent d’ores et déjà depuis des années du soja OGM pour alimenter le bétail, et ce essentiellement pour des raisons économiques.
Comme le soja et le maïs génétiquement modifiés, la pomme de terre transgénique sera également utilisée pour nourrir les animaux. Les OGM pénètrent donc à notre insu dans la chaîne alimentaire par le biais de l’alimentation des animaux d’élevage.
Par conséquent, nous estimons que le programme national de l’alimentation, dans son volet sanitaire, doit tenir compte de tels éléments et adopter une position respectueuse des engagements pris par le Gouvernement en termes de précaution et de sécurité sanitaire, comme le permet d’ailleurs la réglementation européenne.
Telles sont les raisons qui justifient l’adoption de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Madame Terrade, le programme national pour l’alimentation concerne effectivement l’alimentation humaine.
L’alinéa 12 de l’article 1er traite de la santé animale. C’est par rapport à cet objectif que doit être envisagée l’alimentation des animaux.
De notre point de vue, votre amendement est satisfait par le texte de la commission.
Nous avons donc émis un avis défavorable sur cet amendement, sur le principe.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable.
Certes, et je tiens à le souligner, il s’agit d’un sujet important. Toutefois, comme l’a indiqué M. le rapporteur, la demande de Mme Terrade me semble déjà satisfaite par la rédaction actuelle des alinéas 11 et 12 de l’article 1er.
D’un côté, se pose la question de la sécurité sanitaire des aliments qui peuvent être consommés par l’homme. Cet aspect est abordé à l’alinéa 11.
De l’autre, nous avons le problème, réel, qui a été soulevé par Mme Terrade, celui de la santé animale s’agissant de produits susceptibles d’être consommés par l’homme ou l’animal. Or le sujet est traité à l’alinéa 12, qui fait référence à « la santé animale et la santé des végétaux susceptibles d’être consommés par l’homme ou l’animal ».
En d’autres termes, madame la sénatrice, je partage votre préoccupation, mais je pense que les alinéas 11 et 12 de l’article 1er y répondent déjà.
M. le président. Madame Terrade, l'amendement n° 232 est-il maintenu ?
Mme Odette Terrade. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 232 est retiré.
L'amendement n° 325 rectifié, présenté par MM. Vasselle et Pointereau, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - la traçabilité des produits agricoles, transformés ou non, susceptibles d'être consommés par l'homme ou l'animal ;
La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. L’article 1er a pour objet de donner un cadre législatif à la politique de l’alimentation, en lui assignant des objectifs et en la formalisant dans un programme national pour l’alimentation.
Cet amendement vise à compléter la liste des actions à mettre en œuvre en y intégrant la question de la traçabilité des produits agricoles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement me paraît largement satisfait par le texte de la commission. Par conséquent, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement partage l’analyse de la commission et émet également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Pointereau, l'amendement n° 325 rectifié est-il maintenu ?
M. Rémy Pointereau. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 325 rectifié est retiré.
L'amendement n° 591, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - le bien-être animal ;
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Les consommateurs manifestent une préoccupation croissante concernant le développement de certaines formes d’élevage – je pense notamment aux élevages monogastriques –, qui se traduisent parfois par des problèmes de bien-être animal.
Je n’aborderai pas ici les conséquences environnementales, car tel n’est pas le sujet. En revanche, j’évoquerai les effets que peut avoir sur la santé humaine la manière dont nous traitons les animaux.
En effet, pour des raisons techniques parfaitement compréhensibles, par exemple la forte concentration d’animaux, on utilise beaucoup d’antibiotiques. (Mme Marie-Thérèse Hermange s’exclame.)
Or nous savons bien que notre société est aujourd'hui confrontée à un problème d’efficacité décroissante des antibiotiques, notamment avec les maladies nosocomiales, qui apparaissent dans les hôpitaux.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Et cela a de graves conséquences sur les embryons humains !
M. Jacques Muller. Il serait intéressant, me semble-t-il, de prendre le problème à la racine.
À cet égard, je ferai observer que la consommation d’antibiotiques dans les élevages concernés est supérieure à celle des antibiotiques destinés aux êtres humains. D’ailleurs, un certain nombre de médecins s’interrogent.
C’est pourquoi, par cet amendement, je propose d’inscrire dans le projet de loi que la politique alimentaire doit favoriser des actions allant dans le sens du bien-être animal. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. Pierre Bernard-Reymond. Il faut aussi protéger les moutons qui sont chassés par les loups !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Le respect du bien-être animal relève de la réglementation communautaire.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Exact !
M. Gérard César, rapporteur. Il me semble tout à fait excessif de consacrer une action spécifique du programme national de l’alimentation exclusivement à cette question.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Muller, le bien-être animal est effectivement un sujet important. Il est largement traité à l’échelle européenne. D’ailleurs, dans les années à venir, cela risque d’avoir des conséquences difficiles sur les exploitations françaises, notamment dans le secteur de l’élevage porcin.
Mais je ne crois pas que la question soit directement liée à la politique de l’alimentation.
Par conséquent, votre préoccupation, qui est louable, pourrait être prise en compte dans un autre cadre. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Je suis prêt à retirer cet amendement. Je souhaitais simplement attirer l’attention de mes collègues sur le fait que, aujourd'hui, on utilise plus d’antibiotiques dans les élevages que pour soigner les gens. Or nous savons maintenant que cela pose des problèmes. Il fallait le rappeler.
M. Gérard César, rapporteur. Tout à fait !
M. le président. L'amendement n° 591 est retiré.
L'amendement n° 234, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Après le mot :
information
insérer les mots :
tout au long de la scolarité, de la maternelle aux études supérieures,
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’éducation à la nutrition et au goût est une composante à part entière de l’éducation à la santé.
L’alimentation est aussi un facteur de plaisir et participe au bien-être des individus. Il est donc essentiel que l’éducation scolaire ne néglige pas la question de l’alimentation et que la formation dispensée s’inscrive dans la durée.
Le cadre familial ne suffit pas toujours, pour diverses raisons, à remplir ce rôle : manque de temps, d’argent, de goût.
L’éducation à la nutrition intervient déjà en classe, dès l’école maternelle et à l’école élémentaire.
Cet amendement vise à faire en sorte que l’éducation et l’information dans les domaines définis à l’alinéa 13 de l’article 1er se poursuivent jusqu’aux études supérieures : c’est, à nos yeux, nécessaire pour continuer à armer les jeunes adultes afin de les aider à faire des choix adéquats en matière d’alimentation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement est plus restrictif que le texte de la commission puisqu’il limite les actions d’éducation et d’information dans le cadre du programme national pour l’alimentation aux secteurs scolaire et universitaire. Or l’éducation et l’information doivent concerner tous les publics, pas seulement les élèves ou les étudiants.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Nous avons intérêt à conserver les mentions très génériques d’« éducation » et d’« information », quitte à préciser les choses dans les décrets d’application. Cette remarque vaut d’ailleurs pour d’autres amendements.
M. le président. L'amendement n° 92, présenté par M. Chastan, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Teston, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Après les mots :
modes de production
insérer les mots :
, en particulier des produits locaux,
La parole est à M. Yves Chastan.
M. Yves Chastan. Depuis le début de l’examen de ce projet de loi, y compris donc en commission, nombreux sont ceux d’entre nous qui ont insisté sur la préférence à accorder à la consommation de produits locaux en vue, notamment, de contribuer à la préservation des emplois ruraux et agricoles, ainsi qu’à la prise en compte d’objectifs de développement durable.
Sans revenir sur l’importance sur l’importance que revêt la notion de « produits locaux », je dirai simplement qu’il me paraît nécessaire de l’inscrire explicitement à l’alinéa 13 de l’article 1er.
En effet, les actions éducatives qui seront proposées au sein d’un futur programme national pour l’alimentation peuvent, en ciblant les citoyens dès leur plus jeune âge, délivrer un savoir connaissance et développer des habitudes de consommation critiques et responsables. Ces actions éducatives seront d’autant plus efficaces qu’elles mettront en évidence les caractéristiques et les techniques spécifiques de production.
C’est pourquoi, lorsqu’il s’agira d’expliquer aux élèves et aux jeunes en général les modes de production des produits, il sera plus simple et plus illustratif de leur parler des productions locales et de la saisonnalité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement est satisfait : la commission a déjà prévu, à l’alinéa 17 de l’article 1er, que le programme national pour l’alimentation contiendrait des actions en matière de « respect des terroirs par le développement de filières courtes ». Nous aurons l’occasion d’en reparler, en particulier à propos des contrats de vente et d’objectifs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, et ce pour les mêmes raisons que la commission.
M. le président. La parole est à M. Yves Chastan, pour explication de vote.
M. Yves Chastan. Je regrette cette position, même si je la comprends.
Cette disposition est destinée à compléter un amendement que nous avons déposé sur la saisonnalité et que la commission, en revanche, a bien voulu retenir.
Nous partageons les préoccupations que notre collègue Rémy Pointereau a exprimées lorsqu’il a présenté tout à l’heure un amendement sur les consommateurs. Les consommateurs de l’avenir, ce sont avant tout les jeunes !
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Nous avons déjà eu cette discussion en commission.
Monsieur le ministre, la loi doit énoncer les choses clairement. Or les amendements qui ont été présentés ce soir par M. Pointereau, par M. Le Cam et, à l’instant, par M. Chastan visent à inscrire clairement dans la loi que l’éducation à l’alimentation commence à l’école et se poursuit jusqu’à l’université. C’est un processus évident !
Nous l’avons souligné dans la discussion générale, les étudiants mangent régulièrement dans les fast-foods, sans doute pour des raisons d’ordre culturel, mais aussi par souci d’économie. Toutes les études montrent que, lorsqu’ils veulent prendre leur repas en dehors du lycée ou de l’université, ils vont en majorité dans un fast-food !
Par ailleurs, nous voulons clairement affirmer que les agriculteurs doivent pourvoir vivre de leurs produits et les vendre sur leur territoire.
L’amendement présenté par notre collègue Yves Chastan n’est pas redondant avec l’alinéa 17. Il vise simplement à mettre l’accent sur un certain nombre d’éléments : le terroir, la relocalisation des productions, les circuits courts. Nous aborderons effectivement ce dernier sujet ultérieurement, monsieur le rapporteur.
Cet amendement va dans le bon sens.
Certes, l’écriture du texte s’en trouve quelque peu alourdie. Il n’empêche que si, dès le premier article du projet de loi, vous ne fixez pas clairement les objectifs – nous verrons qu’il en sera de même tout au long du texte –, on est inévitablement conduit à se poser des questions, monsieur le ministre : n’allez-vous pas en rester à de simples déclarations de bonnes intentions ?
Monsieur le ministre, nous approuvons tous très souvent vos explications et nous partageons la volonté que vous affichez. Néanmoins, au-delà de votre bonne foi et de vos louables intentions, la loi doit être claire. Les parlementaires s’en trouveraient rassurés, mais aussi les agriculteurs et l’ensemble de nos concitoyens.
Nous l’avons encore dit ce matin en commission : le consommateur doit absolument être au cœur des discussions. À défaut, nous aurons du mal à promouvoir une politique de l’alimentation.
C'est la raison pour laquelle nous regrettons vos positions au sujet de ces deux amendements visant l’éducation des jeunes. Ils ne sont pas restrictifs, mais ils tendent à mettre l’accent sur certaines actions. L’amendement n° 234 de M. Le Cam a été repoussé, mais le celui de M. Chastan peut encore être adopté par le Sénat.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Mon explication de vote ira dans le même sens que celle de Didier Guillaume.
Je suis attaché à la notion de produits locaux et de produits du terroir. Le fait que l’alinéa qui traite des circuits courts y fasse référence n’a rien à voir avec ce qui est demandé ici !
Je tiens particulièrement, comme beaucoup de sénateurs, à ce que les produits locaux puissent être mis en valeur.
Dans mon département, où pousse la meilleure fraise de France, la fraise du Périgord (Sourires.),…
M. Gérard César, rapporteur. Celle du Lot-et-Garonne n’est pas mal non plus !
Mme Odette Herviaux. Il y a aussi celle de Plougastel ! (Nouveaux sourires.)
M. Claude Bérit-Débat. … il serait dommage de faire déguster des fraises d’Espagne, même si ces dernières arrivent sur le marché avant les nôtres !
Il en va de même des autres produits locaux, dont il est important d’assurer la promotion dans le cadre de l’initiation au goût.
Il faut informer les consommateurs et apprendre dès le plus jeune âge aux enfants à connaître les produits de leur terroir. De la sorte, ils deviendront demain des consommateurs avertis, soucieux de consommer avant tout des produits locaux.
M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur. L’alinéa 17 de l’article 1er prend en compte « le respect des terroirs par le développement de filières courtes ». Cela a fait l’objet d’un consensus en commission, monsieur Chastan.
M. Claude Bérit-Débat. Ce n’est pas pareil !
M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement est satisfait, cher collègue !
M. le président. L'amendement n° 520 rectifié, présenté par MM. Collin et Fortassin, Mme Escoffier, MM. Tropeano et de Montesquiou, Mme Laborde et MM. Chevènement, Mézard, Plancade, Milhau, Vall, Baylet, Barbier, Alfonsi, Marsin et Detcheverry, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Après les mots :
en matière
insérer les mots :
de goût,
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. L'initiation au goût est, selon le baromètre 2008 du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CREDOC, la troisième priorité, derrière l'équilibre alimentaire et l'hygiène, assignée par plus de 50 % de Français à l'éducation à l'alimentation.
Comme tous les apprentissages, celui du goût doit commencer très jeune. En effet, c'est au moment où l’alimentation de l’enfant se diversifie qu'il convient de lui faire prendre conscience que les produits ont des saveurs et des caractéristiques très différentes.
L'éducation au goût et au plaisir de bien manger pourrait tenir, dans les programmes scolaires, une place auprès des grands apprentissages, d’autant qu’il y va de la santé des générations futures.
Je ne vous ferai un inventaire à la Prévert des nombreuses maladies qui nous guettent, mais je rappelle les principales : obésité, diabète, cancer. Elles nous incitent à la plus grande vigilance quant à l’éducation des jeunes et des moins jeunes en la matière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. La qualité gustative des aliments est évoquée à l’alinéa 15 de l’article 1er : le texte de la commission prévoit que des actions seront mises en œuvre, notamment dans le domaine de « la qualité gustative et nutritionnelle des produits agricoles et de l’offre alimentaire ».
Votre amendement porte sur un sujet important, madame Laborde, mais il est satisfait par le texte de la commission. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable : le texte de la commission mentionne très clairement que la « qualité gustative » des produits agricoles doit être prise en compte. La « qualité gustative » et le « goût » recouvrent une même réalité.
De la même façon, monsieur Guillaume, l’éducation est mentionnée noir sur blanc à l’alinéa 13 de l’article 1er. Contrairement à ce que vous affirmez, nous n’en restons pas à une simple déclaration de bonnes intentions !
M. le président. Madame Laborde, serait-il de « bon goût » de maintenir l’amendement n° 520 rectifié ? (Sourires.)
Mme Françoise Laborde. C’est votre trait d’humour, monsieur le président, qui m’incite à le retirer, mais je dois dire que la formule « l’éducation et l’information notamment en matière de goût » aurait été plus à mon goût ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. L'amendement n° 520 rectifié est retiré.
L'amendement n° 647, présenté par M. César, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 13
I. - Remplacer les mots :
et de l'origine
par les mots :
, de l'origine
II. - Après le mot :
production,
insérer le mot :
et
La parole est à M. Gérard César, rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur. Il s’agit d’une clarification rédactionnelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 233, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
et le bien-être animal
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. L’objet de cet amendement est d’inclure le bien-être animal dans le volet éducatif et informatif du programme national pour l’alimentation.
Mme Jacqueline Panis. C’est insupportable !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Tout à fait !
M. Gérard Le Cam. Peut-on savoir ce que vous avez contre le bien-être animal ?
Mme Marie-Agnès Labarre. La promotion de pratiques agricoles plus durables, sur le plan de l’environnement comme sur celui du bien-être animal, passera également par l’information et par l’éducation du consommateur.
Certes, l’alinéa 16 prévoit déjà que le programme national pour l’alimentation portera sur les modes de production respectueux de l’environnement. Cependant, la question du bien-être animal est distincte de cette problématique.
Au-delà de leur impact potentiel sur l’environnement, les conséquences des conditions d’élevage sur le bien-être animal sont une préoccupation croissante chez les consommateurs. Il est donc important d’encourager financièrement les agriculteurs à développer une démarche volontaire en faveur du bien-être animal, allant au-delà des normes réglementaires, notamment au travers de la politique de l’alimentation.
En tant que destinataire final de la chaîne de production, un citoyen bien informé peut en effet exercer, par ses choix, une influence importante sur l’évolution de nos modes de production. Outre les éléments déjà indiqués dans l’alinéa, l’information du public doit également porter sur le bien-être des animaux d’élevage.
M. le président. L’amendement n° 592, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
et sur le bien-être animal
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement est quasiment identique au précédent. J’estime qu’il a déjà été très bien défendu par Mme Labarre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Gérard César, rapporteur. Ces deux amendements sont, en effet, quasiment identiques, mais l’amendement de Mme Laborde…
Plusieurs sénateurs du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. Il s’agit de Mme Labarre !
M. Gérard César, rapporteur. Excusez-moi, madame Labarre ! Je pensais à Mme Laborde… (Rires et exclamations.) … à cause du foie gras ! En effet, elle est élue d’un département où la production de foie gras est très importante ; or les conditions d’élaboration de ce produit sont parfois contestées au nom du bien-être animal.
Nous avons eu un échange important sur ce sujet en commission. Il ne faudrait pas que certaines productions soient remises en cause au nom du bien-être animal. Les règles dans ce domaine sont fixées au niveau communautaire. Il n’est donc pas nécessaire d’ajouter des dispositions en ce sens dans notre droit national.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable.
Je rappelle que le texte du projet de loi précise que sont prises en compte « les conditions de production » : cette expression inclut le bien-être animal.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. Je partage la préoccupation des auteurs de ces amendements sur le fond, car aucun d’entre nous n’imaginerait que l’on puisse sans raison faire souffrir des animaux, ou les traiter d’une façon qui ne serait pas conforme à ce qu’exigent les directives européennes. Cependant, je pense que nous devons être très prudents lorsqu’il s’agit de déterminer les notions relatives au bien-être animal qui doivent figurer dans les programmes éducatifs destinés aux enfants.
En effet, notre monde souffre d’un anthropomorphisme qui consiste à prêter aux animaux des sentiments qui n’appartiennent qu’aux êtres humains et conduit parfois, malheureusement, à en faire plus pour les animaux que pour les humains.
Mme Marie-Thérèse Hermange et M. René Beaumont. Très bien !
Mme Odette Herviaux. S’agissant de l’élevage, sans vouloir remettre en cause les décisions de Bruxelles, il me semble que nous pouvons parfois nous poser des questions.
M. Charles Revet. C’est vrai !
Mme Odette Herviaux. Quelqu’un qui connaît vraiment le monde de l’élevage – M. le ministre citait tout à l’heure l’élevage porcin – peut mesurer les conséquences que sont susceptibles d’avoir certaines décisions prises prétendument au nom du bien-être animal. Il suffit de constater les conséquences directes sur les animaux eux-mêmes de l’application de règles imposant des enclos plus spacieux ou la libre circulation pour être tout de suite « vacciné », si j’ose dire, contre cette vision angélique de la vie animale, uniquement destinée à nous donner bonne conscience.
En effet, les animaux ont des réactions d’animaux : ils se battent entre eux, ils s’entendent pour attaquer les plus faibles, etc. Lorsque vous installez dans un espace trop vaste des coches avec leurs porcelets, les plus faibles d’entre eux sont systématiquement empêchés par leurs congénères de s’alimenter, subissent des blessures, etc.
Je ne veux pas vous donner de leçons sur ces questions, mais si l’on veut inclure ces sujets dans les programmes éducatifs, il faut veiller à ce qui sera dit et à la manière d’aborder ces problèmes. C’est pourquoi je propose aux collègues de mon groupe de s’abstenir sur ces deux amendements. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste, de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Nous sommes ici un certain nombre à être familiers des questions relatives à l’élevage, notamment l’élevage intensif. Ainsi, comme notre collègue Odette Herviaux, je suis un élu de Bretagne et je connais bien les élevages de porcs.
La notion de bien-être animal est importante et ne doit pas être manipulée n’importe comment. Sa prise en compte peut, dans certains cas, représenter un handicap en termes de productivité. Pour autant, ce concept mérite d’être utilisé avec toute la science nécessaire.
Dans les élevages intensifs, les animaux sont rarement soignés par le propriétaire, ils le sont le plus souvent par des salariés agricoles. Or j’ai lu récemment une étude qui montre que ces salariés souffrent psychologiquement de devoir soigner des animaux qui, eux-mêmes, souffrent.
Mme Jacqueline Panis. Qu’est-ce que ça doit être dans les hôpitaux !
M. Gérard Le Cam. Il y a un lien de souffrance entre les animaux et leurs soigneurs, il faut bien en prendre conscience ! On peut mépriser le monde animal, ce n’est pas mon cas : j’estime qu’il faut le respecter, en trouvant un équilibre pour garantir une compétitivité suffisante des élevages.
Dans certains cas de figure, comme l’élevage de volailles, la prise en compte du bien-être animal a une incidence assez faible ; pour l’élevage porcin, elle est sûrement plus importante. Il faut voir, espèce par espèce, élevage par élevage, comment améliorer progressivement la situation, d’autant que les retombées ne concernent pas uniquement les animaux.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. L’amendement n° 591 visait à intégrer dans le programme national pour l’alimentation « les actions à mettre en œuvre dans le domaine du bien-être animal ». J’avais bien volontiers accepté de retirer cet amendement dans la mesure où l’on m’avait fait observer que cette préoccupation relevait de programmes déjà prévus par la réglementation européenne.
M. Gérard César, rapporteur. C’est vrai !
M. Jacques Muller. Mon amendement n° 592, je le maintiens parce qu’il touche à une autre problématique, qui relève de l’information et de l’éducation. Tout en admettant qu’il faut rester vigilant quant au contenu du message transmis, j’estime que l’information et l’éducation dans ce domaine jouent un rôle important.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit que notre préoccupation était satisfaite par les termes du projet de loi. Or celui-ci évoque non pas les « conditions de production », mais les « modes de production », ce qui n’est pas la même chose. L’expression « conditions de production » englobe l’aspect qualitatif, alors que la référence aux « modes de production » est beaucoup plus neutre.
M. le président. L’amendement n° 120 rectifié, présenté par M. Chatillon, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Après les mots :
d’équilibre et de diversité alimentaires,
Insérer les mots :
de besoins spécifiques à certaines populations,
Cet amendement n’est pas soutenu.
M. Gérard César, rapporteur. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 120 rectifié bis, présenté par M. Gérard César, au nom de la commission de l’économie, et dont le libellé est identique à celui de l’amendement n° 120 rectifié.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur. Je me dois d’abord de présenter les excuses de notre collègue Alain Chatillon, empêché d’’être présent à la suite du décès d’un très proche parent.
Cet amendement tend à préciser que le programme national pour l’alimentation doit s’adresser au grand public d’une manière indifférenciée par des campagnes généralistes, mais doit également viser des publics éprouvant des besoins particuliers en raison de leur situation : handicap, maladie, mode de vie spécifique, etc. Cette précision me paraît utile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis du Gouvernement est très favorable. En effet, on ne saurait trop insister sur les difficultés liées, pour certaines catégories de population, aux problèmes d’allergie, par exemple. Ainsi, les allergies au gluten, au lait ou à l’œuf se multiplient, notamment chez les enfants. Ce problème social est important et il me paraît essentiel que le programme national pour l’alimentation s’en préoccupe.
Par ailleurs, nous rencontrons une deuxième série de difficultés tout aussi importantes avec les personnes dénutries, notamment dans les hôpitaux ou dans les établissements de soins pour personnes âgées.
Cet amendement me paraît donc utile.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous demander une explication complémentaire. Cet amendement va effectivement dans le bons sens, mais tout le problème est de savoir s’il sera applicable : une telle information est-elle réalisable et, dans l’affirmative, sur quels types de support, en fonction des publics concernés ?
Mon observation n’appelle pas un vote négatif sur cet amendement ; elle vise simplement à rappeler que les modalités pratiques d’application de cette disposition poseront des difficultés. J’aurais donc aimé connaître la position de M. le ministre et de M. le rapporteur sur cet aspect de la question.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur, votre interrogation est tout à fait légitime. Cependant, la réponse qu’elle appelle relève non du domaine législatif, mais du domaine réglementaire. Nous y serons évidemment très attentifs. Pour tout vous dire, je suis très directement concerné par ce problème : il s’agit donc d’un sujet que je connais bien.
Lorsque les parlementaires ont adopté, il y a quelques années, l’obligation d’étiquetage sur les traces d’œuf ou de lait dans les produits alimentaires, ils ont accompli un très grand progrès. En effet, quand un enfant de cinq ou six ans souffre d’une allergie à l’œuf, par exemple, une simple trace d’œuf dans un produit agroalimentaire suffit à lui créer de sérieuses difficultés.
De la même façon, je pense qu’il est important que l’étiquetage d’un produit alimentaire indique si ce produit a été réalisé dans une usine ou une exploitation qui produit également des aliments à base de blé ou d’œuf, car il pourrait contenir, par contamination, des traces de gluten ou d’œuf, alors même que ces éléments ne sont pas censés entrer dans sa composition.
Je m’engage donc à ce que les règlements imposent ces précisions, qui seront apportées soit par voie d’étiquetage, soit par tout autre moyen nécessaire.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L’amendement n° 235, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par les mots :
notamment à travers la mention obligatoire des produits génétiquement modifiés ou nourris avec des produits génétiquement modifiés
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Aujourd’hui, la réglementation distingue deux catégories de denrées : celles qui sont élaborées volontairement avec des matières premières ou ingrédients génétiquement modifiés, pour lesquels l’étiquetage des denrées destinées au consommateur final est obligatoire, quelle que soit la quantité d’OGM présente dans le produit ; celles qui sont élaborées avec des matières premières ou ingrédients conventionnels, mais qui peuvent contenir accidentellement des traces d’OGM. Dans ce dernier cas, la présence d’OGM n’a pas à être mentionnée tant qu’elle se situe en dessous du seuil de 0,9 % dans la composition du produit.
Bien sûr, l’obligation d’étiquetage s’applique également dès lors que la matière première principalement utilisée au cours de la fabrication d’un produit est génétiquement modifiée, comme dans le cas de certaines huiles et de certains sirops.
En revanche, les produits alimentaires issus d’animaux conventionnels nourris avec des aliments à base d’OGM ne sont pas soumis à cet étiquetage. Le lait, les œufs, la viande, le poisson, la crème, le beurre, etc. sont des exemples d’aliments très courants pour lesquels le consommateur ne dispose d’aucun moyen de savoir s’ils sont issus d’une filière ayant recours à des OGM puisqu’ils ne présentent aucune caractéristique physique différente qui permette de les identifier.
Or nous ne sommes pas certains aujourd’hui que la consommation à haute dose, voire exclusive, d’OGM par du poisson, du bétail ou de la volaille d’élevage soit dénuée d’effets pour ceux qui se trouvent à l’extrémité de la chaîne alimentaire, c’est-à-dire les consommateurs. Depuis l’introduction, en 1996, de produits agricoles transgéniques dans l’environnement et dans la chaîne alimentaire, les risques liés restent encore très largement inconnus, car très peu observés, faute d’études indépendantes réalisées sur une période suffisamment longue.
L’application du principe de précaution, qui a pourtant valeur constitutionnelle depuis l’adoption de la Charte de l’environnement, en 2005, semble donc illusoire dans ce domaine, alors que les incertitudes scientifiques qui demeurent devraient justement le placer au cœur du processus d’évaluation et de décision politique.
Tant que cette incertitude demeure, le minimum nous paraît être de permettre une traçabilité de la consommation d’organismes transgéniques dans les produits, afin que le consommateur puisse exercer son choix en son âme et conscience. Ce choix porte sur ce qu’il est en droit de percevoir comme un risque potentiel pour sa santé, mais il dépasse également ce seul aspect, car le débat sur les OGM dépasse largement la question sanitaire : il soulève d’autres interrogations, d’autres appréhensions peut-être, concernant la protection de l’environnement, la biodiversité et, plus largement encore, notre modèle de société.
Pour ces raisons, nous vous invitons, chers collègues, à voter cet amendement, qui tend à rendre obligatoire la mention de produits issus d’organismes nourris avec des produits génétiquement modifiés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Gérard Le Cam pose le problème des OGM, qui n’entre pas tout à fait dans le champ de ce projet de loi de modernisation de l’agriculture.
Il a rappelé que la réglementation communautaire prévoyait une obligation d’étiquetage à partir d’un taux de présence de 0,9 %, comme le précise également l’article 8 de la loi du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés. Dès lors, il ne paraît pas utile de prévoir une disposition spécifique dans le cadre du programme national pour alimentation.
C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis, monsieur le président.
Ce débat sur les traces d’OGM, notamment dans l’alimentation animale, est extrêmement approfondi et animé au sein de l’Union européenne puisque c’est dans le cadre de la réglementation communautaire que sont définies ces règles de traçabilité.
M. le président. Monsieur Le Cam, l’amendement n° 235 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 235 est retiré.
L'amendement n° 236, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par les mots :
notamment à travers la mention obligatoire et systématique de l'origine des denrées alimentaires par voie d'étiquetage ou d'affichage
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement vise à rendre la mention de l’origine d’une denrée alimentaire systématique et obligatoire, contrairement à ce qu’il en est dans la réglementation actuelle.
En effet, il s’agit non pas d’interdire les importations de ces produits frais, mais de permettre au consommateur de faire son choix en connaissance de cause, et cela par rapport à plusieurs objectifs essentiels de cette nouvelle politique alimentaire.
Tout d’abord, cet amendement s’inscrit dans la promotion d’une alimentation durable, qui permet de ne pas oublier la notion de saison et les productions locales.
Ainsi, s’il est devenu normal pour le consommateur de trouver des poires et des pommes des quatre coins du monde en été et à Noël, ainsi que des fraises d’Israël, des cerises d’Argentine ou des myrtilles du Chili, un étiquetage adéquat permettrait de prendre la mesure de l’impact écologique des choix alimentaires de chacun, et aussi de les modifier.
En liaison avec un tel enjeu environnemental se pose ensuite la question de la responsabilité sociale des citoyens, des consommateurs. Les problématiques de commerce équitable prennent une place croissante dans les préoccupations des Français, qui ne veulent plus faire l’impasse sur les conséquences sociales de leur consommation. En témoignent les succès de documentaires, tel Le Cauchemar de Darwin, qui analyse, entre autres, l’effet sur l’économie locale de la pêche intensive de la perche dans le lac Victoria.
Enfin, un tel étiquetage permet de contribuer à certains enjeux de santé publique. Ces dernières années, nous avons assisté à la multiplication de risques alimentaires locaux pouvant prendre rapidement des dimensions globales. Je pense notamment à la vache folle, au bœuf aux hormones, ou aux OGM.
L’État se doit de garantir le droit à l’information sur les produits alimentaires pour permettre au citoyen de décider par lui-même des choix alimentaires qu’il va effectuer.
L’accès à l’information en matière alimentaire est lié à la réalité économique et sociale du consommateur. C’est pourquoi une politique volontariste doit favoriser l’information et le choix éclairé de tous. C’est la base de toute action en faveur de l’éducation au goût et à une consommation responsable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Monsieur Le Cam, votre amendement est satisfait. Il est en effet bien précisé, dans le texte proposé par l’article 1er bis du texte de la commission pour l’article L. 115-24-1 du code rural – c’est à la page 6 du texte de la commission – que « l’indication du pays d’origine peut être rendue obligatoire pour les produits agricoles, alimentaires et les produits de la mer, à l’état brut ou transformé ».
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. Je me reporterai également à la page 22 de l’excellent texte de la commission, qui prévoit ceci : « Elles peuvent […] imposer à leurs membres »…
M. Jean-Jacques Mirassou. « Elles peuvent »…
M. Bruno Le Maire, ministre. …« l’étiquetage de l’indication du pays d’origine des produits agricoles, alimentaires ou produits de la mer, bruts ou transformés ».
M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 236 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Il y a effectivement une grande différence entre « peut » et « doit », et c’est à mon avis un point extrêmement important.
En outre, il est tout aussi important de savoir que les évolutions qualitatives auxquelles nous aspirons tous reposent essentiellement sur l’évolution de la demande, donc des consommateurs. Pour cela, il faut que ces derniers soient bien informés.
Je suis convaincu que les personnes sont capables d’opérer des choix en connaissance de cause. Elles savent soutenir les productions en fonction des terroirs et de l’impact écologique. Plutôt qu’une réglementation et l’imposition de normes, mieux vaut donc une information du consommateur, source de liberté mais également de progrès. Il faut donc, à mon avis, maintenir l’amendement tel qu’il est rédigé.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Nous avons voté tout à l’heure un amendement visant à mettre le consommateur dans le jeu.
D’ailleurs, dans tout le débat sur la compétitivité que nous avons eu en commission, le consommateur a été cité à chaque fois comme étant un arbitre extrêmement important dans cette démarche. Je rejoins ce qui vient d’être dit : « doit » et « peut » ne sont pas synonymes ! Si c’est « peut », notre groupe votera l’amendement qui est proposé.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Pouvoir et devoir, c’est le sujet du soir ! (Sourires.) Ni le rapporteur, ni le président de la commission de l’économie, ni le ministre n’auraient été gênés par le remplacement du verbe « pouvoir » par le verbe « devoir ».
Pourquoi ne l’avons-nous pas fait ? Simplement parce que nous serions en contradiction directe avec les règlements communautaires : toutes les réglementations prises en application d’un article mentionnant le mot « doivent » seraient immédiatement annulées par la Cour de justice de l’Union européenne qui aurait nécessairement été saisie par les industries agroalimentaires !
Mais je ne me satisfais pas de cette explication. Que voulons-nous faire ? Nous souhaitons certes que figurent dans l’article 1er les mots : « elles peuvent » afin de respecter la réglementation communautaire. Mais les décrets d’application prévoiront ensuite des dispositions plus contraignantes. Ce que nous pouvons faire dans le décret, nous ne pouvons pas le faire dans la loi. Dans le même temps, nous demanderons une modification du droit communautaire afin que l’application de ces dispositions soit plus contraignante.
M. le président. L'amendement n° 518 rectifié, présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, MM. Fortassin et Tropeano, Mme Laborde et MM. de Montesquiou, Vall, Chevènement, Milhau, Mézard, Plancade, Barbier, Alfonsi, Marsin et Detcheverry, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 14,
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - la transparence dans la fixation des prix alimentaires ;
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. La baisse des prix des produits agricoles constatée depuis deux ans ne s'est pas traduite par des réductions de prix d'une ampleur analogue dans les rayons des magasins, où l'on constate même parfois des augmentations. C’est le cas, par exemple, du lait.
Face à ces phénomènes peu compréhensibles, les consommateurs s'interrogent légitimement et peuvent changer leurs comportements alimentaires. Une politique de l'alimentation se doit donc de les éclairer sur la formation des prix, les coûts induits par la sécurité et la qualité alimentaires, et d'identifier clairement les marges de chacun des acteurs.
Voilà pourquoi nous demandons d’insérer l’alinéa suivant : « la transparence dans la fixation des prix alimentaires ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement serait mieux situé à l’article 6, consacré à l’Observatoire de la formation des prix et des marges. Nous pourrons reparler de ce point lors de la discussion de cet article, mais, pour l’heure, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 519 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Fortassin, Tropeano, Mézard et Milhau, Mme Laborde et MM. de Montesquiou, Baylet, Vall, Chevènement, Plancade, Barbier, Alfonsi, Marsin et Detcheverry, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 14,
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - la juste répartition de la valeur ajoutée au sein de la filière alimentaire ;
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. N’oublions pas les agriculteurs ! Ils ont subi une baisse de leurs revenus de 34 % en 2009. Dans nombre de productions, les prix ne permettent plus de couvrir les charges et de dégager le moindre salaire. C'est l'existence même des agriculteurs et de leur famille qui est menacée alors que ce sont eux qui sont chargés de nourrir le pays et de faire tourner deux secteurs, paradoxalement en pleine expansion, l'agroalimentaire d'un côté, la grande distribution de l'autre.
Il faut aujourd'hui des mesures fortes pour un meilleur partage de la valeur au sein des filières. Voilà pourquoi nous voulons ajouter les mots : « la juste répartition de la valeur ajoutée au sein de la filière alimentaire ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur Vous posez là la question de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, dont vous venez en fait de décrire le rôle. Le texte de la commission prévoit justement les contrats, les accords interprofessionnels, l’interdiction des remises « 3 R », ou remises, rabais et ristournes – certains évoquent même les « 4 R » en ajoutant « racket » –, qui visent à renforcer le pouvoir de marché des agriculteurs. La commission émet un avis défavorable, car votre demande est en fait satisfaite par cet observatoire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Nous savons tous très bien que l’observatoire n’a aucune compétence en matière de répartition de la valeur ajoutée. Ce n’est qu’un simple observatoire. Je souhaiterais qu’il impose une répartition de sa valeur ajoutée. Or tel n’est pas le cas dans le texte.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Cet amendement est particulièrement intéressant. J’ai compris, en écoutant M. le rapporteur, que la demande était satisfaite par l’article 6 à travers l’observatoire. Je me pose une seule question, dont nous reparlerons lors de l’examen de l’article 6 : quel sera le caractère contraignant de l’observatoire pour obtenir effectivement un partage des marges ? S’il est bien de faire de l’affichage, encore faut-il avoir les moyens de contraindre la grande distribution à se mettre autour de la table pour répartir la marge !
Il me semble que M. le Président de la République a pris des initiatives en ce sens et qu’il a obtenu quelques résultats. J’espère que la profession pourra en tirer des avantages et des profits. Il ne faudrait cependant pas que le Président de la République soit obligé d’aller systématiquement négocier pour obtenir le partage de ces marges ! Monsieur le ministre, j’ai cru comprendre que vous n’aviez pas les coudées très franches à travers ce texte de loi. En effet, vous avez fait valoir tout à l’heure qu’on se heurtait à des dispositions européennes, même si vous allez pouvoir faire par voie règlementaire ce que vous ne pouvez pas faire par voie législative. J’espère qu’il en sera de même s’agissant de l’observatoire, et que les mesures d’application que vous prendrez par voie de décret donneront satisfaction à notre collègue et à l’ensemble de la profession.
Sous réserve que nous puissions obtenir satisfaction à travers l’article 6, je ne vois pas d’inconvénient à ce que nous rejetions pour le moment cet amendement, quitte à ce que, ma chère collègue vous reveniez à la charge lors de l’examen de l’article 6.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. J’apporterai une précision en réponse au propos de M. Alain Vasselle, car c’est un point important. Je reconnais très volontiers que ce texte a un temps d’avance sur nombre de modifications du droit communautaire européen que nous estimons nécessaires et pour lesquelles nous nous battons depuis maintenant plusieurs mois.
C’est vrai pour les questions d’étiquetage : j’estime que l’Union européenne est en retard à cet égard et que sa position est rétrograde.
C’est vrai pour les organisations de producteurs : j’estime que la position actuelle de l’Union européenne sur le renforcement du poids des producteurs est une position rétrograde. J’espère bien qu’elle en changera, et nous négocions en ce sens depuis plusieurs mois.
C’est vrai pour les interprofessions : j’estime que la position actuelle de l’Union européenne est rétrograde par rapport à ce qui est nécessaire dans le renforcement de l’interprofession, notamment sur la capacité des interprofessions à fixer des indicateurs de tendance de marché qui sont indispensables.
C’est bien la preuve que ce texte a, à mon sens, un temps d’avance sur les modifications nécessaires du droit européen sur toutes sortes de sujets relatifs à l’agriculture.
On touche là, à mon avis, à un sujet de fond de l’agriculture française et européenne : les règles de droit n’ont pas vocation à rester intangibles sur les 100 ou les 1 000 années à venir. Elles doivent s’adapter aussi aux réalités politiques. Or l’incapacité de l’Union européenne à adapter ses règles de droit à des réalités politiques nouvelles est aujourd’hui un problème essentiel.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est une explication qui se rapproche du problème de la relativité. (Sourires.)
Monsieur le ministre, vous nous expliquez que le texte est en avance par rapport à ce qui va se passer au niveau de la PAC. M. Vasselle, pour sa part, vient de considérer que c’était grâce aux interventions du Président de la République que le projet de loi qui nous est présenté avait pu faire de formidables bonds en avant au fur et à mesure du reste que nous l’examinons. On y perd un peu son latin ! Nous sommes bien obligés de constater, monsieur le ministre – j’ai eu l’occasion de le préciser dans une intervention récente –, que l’étude de ce projet de loi est un peu chaotique, voire parfois approximative.
Nous avons donc, d’un côté, les bien-pensants jugeant heureux que le Président de la République soit là pour fixer le cap à intervalles réguliers et, de l’autre, les plus sceptiques, qui se demandent vraiment s’il est dans les compétences du chef de l’État d’interférer sur un projet de loi dont la vocation, vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, est de mettre la politique agricole de notre pays en adéquation avec les enjeux du XXIe siècle.
Les deux amendements présentés par Mme Françoise Laborde résument la problématique effective de l’article 1er du projet de loi, ou plus exactement de son titre Ier, qui tend à mettre l’alimentation, donc le consommateur, au premier plan. D’une certaine manière, ils ont le mérite d’expliciter les travaux pratiques qui nous attendent.
Je veux bien que nous remettions la discussion sur certains sujets à un moment jugé plus opportun, lors de l’examen des articles suivants. Permettez-moi néanmoins de penser, mes chers collègues, que nous naviguons un peu à vue, une position qui, du reste, rejoint celle qu’a développée tout à l’heure mon collègue et ami Didier Guillaume. Il faudrait, me semble-t-il, revenir à un peu plus de sérénité et de transparence. (M. Claude Bérit-Débat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Effectivement, comme M. le ministre vient de le souligner, il s’agit d’un sujet de fond et le recours à l’Observatoire des prix et des marges est une des réponses qui nous sont apportées dans ce cadre.
Or, cet observatoire est aujourd’hui une véritable boîte noire ! Compte tenu des moyens dont il dispose, je ne vois pas comment il pourrait nous permettre d’y voir plus clair dans la constitution des prix et des marges ou de mieux répartir ces dernières.
À cet égard, je me suis un peu renseigné sur la question des amendes et de l’affichage dont nous avons débattu, tout à l’heure, en commission. Les centrales d’achat qui ne participent pas se voient imposer une amende de… 2 250 euros, une somme qui ne leur coûte rien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 519 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 228, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Après le mot :
modes
insérer le mot :
locaux
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Alors que le titre Ier du projet de loi s’intitule « Définir et mettre en œuvre une politique publique de l’alimentation » et que l’article 1er tend à définir la politique de l’alimentation, aucune référence n’est faite à l’agriculture biologique et aux productions locales. Or, elles sont la base d’une agriculture respectueuse de l’environnement, parce qu’elles sont intégrées dans le tissu social local.
Dans cet article 1er, qui vise, pour la première fois, à mettre en avant l’alimentation et fait désormais référence aux circuits courts au travers de son alinéa 17, il n’est fait aucun lien entre la production et les producteurs eux-mêmes. Les termes « paysans » et « agriculteurs » ne sont d’ailleurs pas mentionnés. Il n’y a pas plus de lien établi entre qualité et mode de production locale, ou encore entre éducation et identité gastronomique territoriale.
Cet amendement a donc pour objet de promouvoir la production locale, afin que la politique alimentaire ne se mène pas avec des produits importés ou, en tout cas, que le recours à ces produits soit le plus faible possible.
La sécurité sanitaire et alimentaire ne peut se faire sans paysans ! C’est pourquoi, afin de favoriser le rapprochement avec l’agriculture locale, il faut concrètement encourager la recherche de la qualité et l’utilisation des produits du terroir, biologiques, fermiers, labellisés.
Faire de l’alimentation une priorité, c’est freiner le développement des grandes surfaces et soutenir le commerce de proximité indépendant, le développement des marchés de plein air et celui des infrastructures de transformation et de stockage.
C’est développer et valoriser la biodiversité agricole et naturelle dans les fermes, favoriser les échanges de savoir-faire et de semences reproductibles entre paysans, promouvoir les races animales locales rustiques et protéger le patrimoine régional contre les organismes génétiquement modifiés, les OGM, mais aussi contre la bio-piraterie et la concurrence économique déloyale, c’est diversifier la production.
C’est reconnaître que le remplacement de produits locaux par des produits importés, les modifications des modes de vie, les pressions de l’industrie agroalimentaire ont fait perdre leurs repères aux populations et ont profondément déséquilibré leur alimentation, faisant naître une « malbouffe » nationale. À ce sujet, je viens d’apprendre par la presse que, s’agissant de la consommation de pizzas, nous étions presque les champions du monde : nous sommes actuellement classés juste derrière les Américains !
Enfin, faire de l’alimentation une priorité, c’est lutter contre la crise écologique, l’augmentation des gaz à effets de serre et la disparition de la biodiversité.
Une fois encore, le Gouvernement a mis des œillères et peine à avoir une vision globale des enjeux liés à cette question. Or seule une appréciation générale permet de comprendre l’importance de la problématique alimentaire dans ce qui doit être à la base de l’action politique, à savoir le maintien et le raffermissement du tissu social, du pacte du « vivre ensemble ».
Notre amendement vise à corriger cela, en favorisant une politique publique de l’alimentation qui promeut les modes de production locaux, dans une articulation cohérente avec des ambitions sociales – la relocalisation des productions et des emplois – et environnementales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement tend à rendre l’alinéa 16 largement redondant avec l’alinéa 17, qui est relatif aux circuits courts. L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Il est également défavorable.
L’argumentation que vous venez d’exposer, monsieur Le Cam, me semble quelque peu contradictoire : vous reprochez au Gouvernement de ne pas avoir une approche suffisamment globale de la politique publique – grâce à vous – de l’alimentation ; dans le même temps, vous nous demandez, à l’alinéa 16, de restreindre les modes de production aux modes de production locaux, ce qui réduit le champ d’application du projet de loi. Je préfère que nous nous en tenions au texte de la commission.
Permettez-moi également, puisque nous sommes à la fin de cette séance, de ne pas partager votre avis sur les pizzas. Ces produits, reconnus en Italie comme des produits locaux, disposant d’une indication géographique protégée, peuvent tout à fait être de qualité. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 20 mai 2010 :
À neuf heures :
1. Proposition de loi tendant à abroger le bouclier fiscal, présentée par M. Thierry Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG (n° 381, 2009-2010).
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n° 439, 2009-2010).
2. Proposition de loi visant à assurer la sauvegarde du service public de la télévision, présentée par M. Jack Ralite et les membres du groupe CRC-SPG (n° 384, 2009-2010).
Rapport de M. Jack Ralite, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 431, 2009-2010).
À quinze heures, le soir et la nuit :
3. Questions d’actualité au Gouvernement.
Délai limite d’inscription des auteurs de questions : jeudi 20 mai 2010, à 11 heures.
4. Suite du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (Procédure accélérée) (n° 200, 2009-2010).
Rapport de M. Gérard César et M. Charles Revet, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 436, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 437, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART