PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
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Dialogue social dans la fonction publique
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique (projet n° 414, texte de la commission n° 486, rapports nos 485 et 453).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 30.
TITRE II
DISPOSITIONS DIVERSES RELATIVES À LA FONCTION PUBLIQUE
Article 30
(Non modifié)
I. – La limite d’âge des fonctionnaires régis par les statuts particuliers des corps et cadres d’emplois d’infirmiers et de personnels paramédicaux appartenant à la catégorie A, ainsi que du corps des cadres de santé, créés à compter de la date de publication de la présente loi, est fixée à soixante-cinq ans. Les emplois de ces corps et cadres d’emplois ne sont pas classés dans la catégorie active prévue au 1° du I de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
II. – Les fonctionnaires qui relèvent, à la date de création des corps et cadres d’emplois mentionnés au I du présent article, des corps et cadres d’emplois d’infirmiers et de personnels paramédicaux dont les emplois sont classés dans la catégorie active prévue au 1° du I de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ainsi que les fonctionnaires qui relèvent, à la même date, du corps des cadres de santé et des autres corps ou cadres d’emplois de personnels paramédicaux, et qui ont occupé des emplois ainsi classés, peuvent, dans des conditions définies par les statuts particuliers des corps et cadres d’emplois, opter individuellement soit en faveur du maintien dans leurs corps ou cadres d’emplois associé à la conservation des droits liés au classement dans la catégorie active, soit en faveur d’une intégration dans les corps et cadres d’emplois mentionnés au I du présent article.
III. – Les fonctionnaires intégrés dans un des corps ou cadres d’emplois mentionnés au I à la suite de l’exercice de leur droit d’option prévu au II perdent définitivement la possibilité de se prévaloir des périodes de services, quelle que soit leur durée, qu’ils ont accomplies dans un ou des emplois classés en catégorie active, pour le bénéfice des dispositions prévues par :
1° Le 1° du I de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, relatives à l’âge de liquidation anticipée de la pension ;
2° L’article 78 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, relatives à la majoration de durée d’assurance ;
3° L’article 1-2 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite compléter les propos que j’ai tenus lors de la discussion générale.
J’avais souligné alors, notamment, que les arguments développés à l’appui de l’article 30 étaient peu convaincants. J’avais également signalé – je n’étais pas le seul ! – que cette disposition arrivait devant le Parlement, étrangement, à la veille de la réforme des retraites.
M. Roland Courteau. Comme c’est bizarre !
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
M. Claude Domeizel. J’en viens à me demander s’il ne s’agit pas d’un ballon d’essai !
Avant d’aller plus loin, je souhaite évoquer la réforme des retraites et rappeler, puisqu’il est question de pénibilité dans l’article 30, l’engagement n° 9 du Gouvernement sur les retraites, à savoir « tenir compte de ceux qui ont eu une vie professionnelle plus difficile ». Il y est proposé de « reconnaître la pénibilité des actifs qui, à la suite de l’exercice durable d’une activité exposant à une pénibilité physique reconnue, sont confrontés à des situations d’usure physique professionnelle ».
Dans le texte de cet engagement n° 9, c’est tout ce que je lis sur la pénibilité ! Permettez-moi de vous dire, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que ces considérations sont quelque peu restrictives !
M. Jacky Le Menn. En effet !
M. Claude Domeizel. Ne reconnaître que la pénibilité et l’usure physiques, c’est oublier totalement celles qui sont psychologiques. Or les infirmiers sont précisément confrontés, dans leur vie professionnelle, à des situations qui sont pénibles non pas physiquement, mais psychologiquement.
M. Roland Courteau. Et qui parfois cumulent les deux !
M. Claude Domeizel. Même s’il arrive que l’usure soit à la fois physique et morale, elle est surtout psychologique.
J’en viens à la pénibilité elle-même. Pour justifier cet article 30, madame la ministre, vous évoquez l’espérance de vie des infirmières, qui, selon vous, serait identique à celle de nos autres concitoyens. Vous soulignez aussi que le nombre des pensions d’invalidité accordées aux infirmières a chuté ces dernières années ; toutefois, comme je vous l’ai indiqué quand nous nous sommes entretenus de cette question en aparté, nous tirons ici, me semble-t-il, les fruits de la politique menée par la CNRACL, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, en matière de prévention des risques professionnels et des maladies professionnelles.
M. Claude Domeizel. Permettez-moi de vous indiquer que les situations d’invalidité ne sont pas obligatoirement et uniquement liées à la pénibilité. Celle-ci peut jouer un rôle, bien sûr, mais il arrive que l’invalidité soit due à la dangerosité d’un métier, ce qui est totalement différent.
Il ne faut pas confondre pénibilité et dangerosité ! Certains métiers sont dangereux et pénibles ; d’autres ne présentent qu’un seul de ces inconvénients.
Quand on évoque la pénibilité, il faut aussi songer à ses autres aspects, en particulier les conditions de travail et l’avenir dans la profession.
Il est vraisemblable que la pénibilité d’un métier est également liée aux perspectives de carrière et à la mobilité. Ne pas avoir d’objectif de carrière, ne pas pouvoir changer de métier ou progresser dans sa vie professionnelle n’est pas motivant et peut être perçu comme un élément de pénibilité.
Voilà ce que je souhaitais indiquer, avant même que nous n’engagions la discussion des amendements sur l’article 30, tant les arguments qui sont avancés sur cet article ne me semblent pas convaincants.
Je le répète, l’espérance de vie ou le nombre des pensions d’invalidité qui sont accordées peuvent constituer des critères de la pénibilité, certes, mais ils ne doivent pas être les seuls. Nous devons avoir une vue bien plus large de ces questions.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Domeizel !
M. Claude Domeizel. Je regrette de nouveau que cette question ne soit pas incluse dans le débat général sur la réforme des retraites. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Madame la ministre, pourquoi proposer ce funeste article 30 ? Le Gouvernement a décidé d’utiliser le projet de loi portant rénovation du dialogue social afin d’introduire cette modification législative, qui fait passer de cinquante-cinq ans à soixante ans l’âge de départ à la retraite des infirmiers et personnels paramédicaux, en échange du versement de ces derniers dans la catégorie A de la fonction publique.
Cette disposition est injuste et hors sujet. Elle constitue le cavalier législatif idéal pour amorcer la réforme des retraites. De surcroît, elle remet en cause la pénibilité du travail des infirmiers et des infirmières. D’une certaine manière, elle est un cheval de Troie législatif. Comme exemple de dialogue social, on aurait pu trouver mieux, j’ose le dire !
Mes chers collègues, nous nageons en plein paradoxe. En effet, introduire un article qui, à lui seul, modifie très profondément le statut des infirmiers sans qu’un véritable débat ait été mené avec les organisations syndicales, c’est une bien étrange conception du dialogue social !
Pourquoi vouloir faire passer en force ces dispositions ? Certainement parce que les discussions avec les partenaires sociaux ont échoué ! Cet article 30 est présenté comme la traduction législative du protocole d’accord sur les négociations statutaires dans la fonction publique hospitalière du 2 février 2010.
Or ce document n’a pas été validé par les syndicats ! À l’exception d’une seule, extrêmement minoritaire, toutes les organisations représentatives se sont prononcées contre le volet salarial. Nous sommes loin du principe majoritaire selon lequel, pour être valable, un accord doit être soutenu par 50 % des organisations syndicales !
Le Président de la République avait pourtant dit ou écrit, à plusieurs reprises, qu’il mesurait la pénibilité croissante des conditions de travail des infirmières, qui sont « les oubliées de nos politiques de santé ». Il a même indiqué ne pas vouloir passer en force sur la question des retraites ! Les actes ne suivent pas les discours.
M. Guy Fischer. Ce sont des mensonges !
M. Roland Courteau. Toutefois, le plus choquant, c’est l’absence de prise en compte de la pénibilité du travail des infirmiers. Pour ces derniers, le Gouvernement propose la création d’un nouveau corps, classé en catégorie A, avec une grille indiciaire spécifique. Jusque-là, c’est légitime, même si les revalorisations seront moins flamboyantes que celles qui ont été annoncées.
Cependant, madame la ministre, vous ouvrez un droit d’option. Ceux qui choisiront de rester dans leur ancien corps devront renoncer à la revalorisation de leur salaire. Merci pour eux ! Quant à ceux qui préféreront le nouveau corps, ils devront abandonner les droits acquis durant des années de dur travail et perdront le droit à la retraite à cinquante-cinq ans. Ils renonceront donc également à la majoration de durée d’assurance qui leur était accordée, depuis la loi Fillon de 2003, en reconnaissance de la pénibilité de leur emploi. Drôle de manière de récompenser celles et ceux qui, aux yeux des Français, exercent l’une des professions les plus utiles et les plus aimées !
En ce qui concerne cette majoration de la durée d’assurance qui prend en compte la pénibilité, elle s’applique seulement depuis le 1er janvier 2008, conformément à la loi d’août 2003.
Or, à peine deux ans plus tard, vous revenez sur la prise en compte de la pénibilité. (Mme la ministre proteste.)
De fait, madame la ministre, vous semblez considérer que le seul passage en catégorie A effacera la pénibilité de très longues années de travail, à un rythme effréné, de jour et de nuit.
Faut-il rappeler que 35 % des infirmiers du secteur public travaillent régulièrement de nuit, ce qui n’est pas neutre pour la santé, comme l’a montré l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, et que 60 % d’entre eux affirment éprouver des difficultés à accomplir leurs tâches dans les délais impartis ? Nombreux sont ceux qui ne parviennent pas à prendre leurs congés tant la quantité de travail est importante !
Bref, tout cela n’est pas de bon augure pour les salariés, lesquels espèrent que la prochaine réforme des retraites prendra en compte la pénibilité de certains métiers. Honnêtement, je suis perplexe. Ainsi, le métier d’infirmier se trouve banalisé, entièrement dépouillé de toute spécificité.
Pourquoi tant de précipitation à quelques mois d’une réforme globale des retraites ? Madame la ministre, permettez-moi de vous le dire, cette mesure est considérée par les intéressés comme un geste de défi à l’encontre de la profession.
M. Guy Fischer. C’est une provocation !
M. Roland Courteau. Nous nous opposons donc à l’article 30, parce qu’un tel dispositif est un acte de mépris pour les partenaires sociaux et parce que toute prise en compte de la pénibilité de cette profession se trouve supprimée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cet article, qui n’aurait jamais dû figurer dans le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, nous propulse de manière tout à fait anticipée dans le débat que nous mènerons à l’automne prochain sur la réforme des retraites.
À la lecture de cet article, et connaissant la volonté du Gouvernement de reporter coûte que coûte l’âge de départ à la retraite de nos concitoyens, je me suis interrogé sur les raisons qui vous ont conduits à intégrer une telle disposition dans le projet de loi. Il était en effet tout à fait possible, si vous le souhaitiez, d’imposer cette mesure dans le cadre plus général de la réforme voulue par le Président de la République.
Dès lors, pourquoi cet article 30 ? Je vois pour ma part deux explications.
Tout d'abord, la CNRACL ne se trouve pas dans la même situation que le régime général.
M. Guy Fischer. Elle n’est pas déficitaire ; elle participe même à la surcompensation et alimente ainsi d’autres régimes. Surtout, le ratio entre cotisants et retraités ne lui est pas encore défavorable.
Aussi, il vous était impossible de jouer ici du « mirage démographique », et ce n’est pas Claude Domeizel, le président de la CNRACL, qui me démentira. (M. Claude Domeizel acquiesce.)
Toutefois, je vois une autre explication à cet article, plus tactique cette fois : éviter que ne se reproduisent en 2010 les formidables mobilisations qui ont suivi les annonces relatives au plan « Juppé ». Dans cette perspective, vous entendez fractionner vos attaques contre les retraites : les infirmiers aujourd’hui, les fonctionnaires et les salariés du secteur privé demain, puis, un peu plus tard encore, les salariés relevant des régimes dits « spéciaux ». Tout est fait pour éviter que les luttes ne convergent, voilà la réalité !
En effet, les attaques seront vives. Cet article 30 en constitue la parfaite illustration, en offre les premières prémices.
Je ne reviendrai pas sur les arguments que nous avons déjà développés lors de la discussion générale ou en défendant la motion tendant à opposer la question préalable.
Toutefois, je veux apporter une double précision sur cet article. En effet, deux de nos amendements ont été frappés d’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution, alors même qu’ils étaient d’une grande importance.
Le premier visait à supprimer les alinéas 3 à 6 de cet article, qui remettent en cause le bénéfice des droits acquis.
En effet, à l’heure actuelle, pour pouvoir bénéficier d’un départ à la retraite à cinquante-cinq ans, un infirmier doit avoir validé quinze ans d’exercice en service actif, c’est-à-dire auprès des patients. Passé ce délai, un infirmier salarié du public peut être appelé à devenir cadre de santé. Il ne relève alors plus de la catégorie B : il passe en catégorie A, mais non en catégorie active.
Toutefois, en l’état actuel du droit, cela ne prive pas ces personnels de la possibilité qui leur est offerte de partir à la retraite de manière anticipée à cinquante-cinq ans.
Or les alinéas visés, que nous entendions supprimer, auront pour effet de faire disparaître le bénéfice acquis grâce au déroulement de carrière. Ce dispositif est particulièrement injuste, puisque la loi a ainsi un effet rétroactif.
Notre second amendement déclaré irrecevable visait à donner la possibilité aux personnels concernés par l’article 30 d’intégrer la catégorie A, sans que puisse leur être opposée une quelconque contrepartie.
En clair, ce que nous proposions, c’était la reconnaissance de la qualité et de l’engagement des professionnels par une double revalorisation, au travers, d’une part, de la qualification et, d’autre part, de la gratification, et ce sans le chantage scandaleux que vous leur faites.
Le rôle et le nombre des infirmiers sont essentiels dans la vie des services des hôpitaux publics. Or, aujourd'hui, vous entendez y porter atteinte.
L’article 30, s’il était adopté, reviendrait, au final, à faire travailler plus les infirmières et infirmiers de notre pays, dans des conditions de pénibilité accrue et avec une perspective de retraite raccourcie dans un corps affaibli.
En effet, il s’agit non pas de la pénibilité au sens physique du terme, mais de celle qui est liée au stress, …
M. Roland Courteau. Ils ont un travail difficile !
M. Guy Fischer. … résultant de .la réduction des effectifs, des appels en urgence, du manque de moyens. Telle est la réalité !
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 30. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, sur l'article.
Mme Anne-Marie Payet. Je veux simplement poser quelques questions à Mme la ministre.
L’article 30, tel qu’il est rédigé, ne prévoit pas d’accorder aux infirmières scolaires le choix du passage en catégorie A. Celles-ci pourront-elles, dans un futur proche, bénéficier de cette option, en vue d’harmoniser la situation des infirmières qui ont toutes le même diplôme, de niveau bac+3 ? Ma question vaut aussi pour les infirmières des services de la protection maternelle et infantile, ou PMI, de crèches municipales ou encore de services sociaux départementaux, qui sont dans la même situation.
Par ailleurs, de nombreuses infirmières ont attiré notre attention sur les difficultés qu’elles rencontrent dans le cadre de l’indemnisation pour leur participation volontaire à la campagne de vaccination contre la grippe H1N1. Plus de 10 000 dossiers seraient en attente de paiement.
Je souhaiterais avoir des réponses précises à ces questions.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me suis déjà largement exprimée hier, lors de la discussion générale et de l’examen des amendements, sur la question de la pénibilité, mais j’y reviendrai pour répondre à MM. Domeizel, Courteau et Fischer.
J’ai alors bien précisé que la pénibilité ne saurait se mesurer uniquement à l’aune de l’espérance de vie ou du taux de départ à la retraite pour invalidité.
À l’évidence, la pénibilité au travail met en jeu bien d’autres critères d’évaluation. Les organisations syndicales en ont d’ailleurs retenu trois : le port de charges lourdes, le travail posté ou le travail de nuit, une question sur laquelle je vais revenir, et l’exposition à des agents dangereux et toxiques.
M. Roland Courteau. Et le stress !
M. Guy Fischer. Oui, aussi !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Certes, mais le stress au travail est une problématique beaucoup plus vaste.
Face à ces questions, il est très difficile de ne pas avoir plusieurs types de réponses, dont une réponse individualisée.
D’abord, vous en conviendrez, les quelque 400 000 infirmiers de la fonction publique hospitalière connaissent les uns les autres des conditions de travail extrêmement différentes. On sait, par exemple, qu’ils ne sont plus actuellement, et de loin, les premiers sollicités pour porter les charges lourdes – il s’agit, je le rappelle au passage, de malades –, cette tâche étant accomplie par les aides-soignants. À cet égard, la pénibilité évolue à l’hôpital.
De la même façon, hormis ceux qui travaillent dans certains services de maladies infectieuses – encore est-il tout à fait possible de s’en protéger ! –, les infirmiers sont aujourd'hui moins exposés aux agents toxiques.
Quant au travail de nuit, ce dernier est très souvent lié à notion de pénibilité, ainsi d’ailleurs que vous l’avez fait dans vos déclarations.
Or, je tiens à le dire, c’est un temps de travail choisi dans la quasi-totalité des cas.
M. Roland Courteau. Pas si souvent que cela !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Certains y trouvent en effet un très bon moyen de concilier vie privée et vie professionnelle.
M. Roland Courteau. Ce n’est pas vrai !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ils travaillent en général trois nuits par semaine, avec une durée hebdomadaire moindre, de 32,5 heures au lieu de 35 heures.
Dans leur immense majorité, les infirmiers de nuit, lorsqu’ils sont interrogés, disent apprécier ce travail de nuit,...
M. Roland Courteau. Nous n’avons pas rencontré les mêmes !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … car il laisse plus d’autonomie et permet une meilleure organisation, dans la mesure où il est moins parasité par de multiples interférences telles que le téléphone, la logistique ou encore les visites des uns et des autres à tout moment de la journée dans le service. De plus, il permet de travailler dans une ambiance très particulière et d’avoir un contact plus proche avec les patients.
M. Roland Courteau. Que dit l’OMS ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. De l’avis même des intéressés, le travail de nuit est, dans la plupart des cas, source d’épanouissement.
M. Roland Courteau. Ce n’est pas ce que dit l’OMS !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il est d’ailleurs de notre responsabilité de mieux comprendre tous les facteurs qui contribuent à rendre le travail épanouissant : l’organisation du travail, l’autonomie, le sentiment de disposer de marges de manœuvre personnelles, d’être respecté, de pouvoir évoluer professionnellement.
M. Guy Fischer. C’est la théorie !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les travaux de recherche le montrent, notamment la psychodynamique du travail, il existe de puissants leviers pour lutter contre la pénibilité. Une personne qui a le sentiment que son travail a un sens, qu’elle est utile, qu’elle peut influer sur son environnement, vit mieux.
Toutefois, le travail de nuit présente aussi des inconvénients, …
M. Roland Courteau. Ah !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … en particulier celui de la « désadaptation » professionnelle.
M. Guy Fischer. Et sur le plan de la vie familiale !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il importe de rechercher les parcours et les moyens d’y remédier.
L’infirmier de nuit peut avoir des difficultés à maintenir à niveau ses connaissances, étant confronté à des cas moins variés et se trouvant moins en contact avec l’évolution des techniques. De plus, l’accès à la formation continue implique, en général, un travail de jour.
L’infirmier de nuit peut également éprouver des difficultés à se réadapter au travail de jour, qui implique de passer davantage de temps dans les transports et d’être fréquemment interrompu dans ses tâches.
L’enjeu est de déployer les bonnes pratiques concernant le travail de nuit.
À cet égard, les hôpitaux cherchent des solutions pour maintenir un lien plus fort entre les personnels de nuit et ceux qui exercent de jour. Certains choisissent l’alternance. Cependant, même si l’alternance est nécessaire à l’infirmier pour préserver son capital de compétence, il faut reconnaître que le changement de rythme biologique qu’elle entraîne chez le travailleur, …
M. Roland Courteau. Oui !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … peut- être un moment de pénibilité qu’il convient d’accompagner.
M. Roland Courteau. Cela a des effets sur la santé !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les recherches sont constantes sur ces sujets. À cet égard, je souligne le travail engagé par le réseau des médecins du travail des CHU de France, qui mène une étude longitudinale de très grande ampleur sur la santé des soignants.
Les bonnes pratiques concernent plus globalement l’ensemble de la politique de gestion des ressources humaines de ces personnels : les établissements doivent renforcer leur vigilance et déployer des politiques de ressources humaines spécialement adaptées aux personnels de nuit.
Les évolutions de la prise en charge hospitalière vont évidemment beaucoup nous aider. C’est ainsi que la chirurgie ambulatoire, l’hospitalisation à domicile, ou encore l’hôpital de jour, contribueront à faire régresser le travail de nuit.
Le travail de nuit n’est pas une fatalité intangible. Il est lié au mode d’organisation de nos structures hospitalières, et la modernisation de l’offre de soins va nous permettre de régler cette problématique.
Je tiens à saluer l’action de M. Domeizel à la tête de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Si le nombre des infirmiers qui partent à la retraite pour invalidité a baissé, il y est pour beaucoup !
M. Guy Fischer. Tout de même !
M. Claude Domeizel. Merci, madame la ministre !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je suis fair-play. Certes, je suis certes ministre de la santé, mais je suis aussi ministre des sports ! (Sourires.)
M. Bruno Sido. Bravo !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je réfute totalement le terme « funeste » employé pour qualifier l’article 30.
Bien au contraire, avec cet article, nous offrons aux infirmiers et aux infirmières la possibilité d’accéder à la catégorie A, en leur laissant totalement le libre choix et en ne revenant pas sur les avantages acquis.
Comme je l’ai précisé au cours de la nuit dernière, sachant que « l’universitarisation » de la formation s’applique aux jeunes étudiants qui ont intégré les instituts de formation en soins infirmiers, ou IFSI, à la rentrée de 2009, j’aurais pu, après tout, prévoir que le passage en catégorie A ne concernerait que les générations d’étudiants qui termineront leur cursus en 2012.
M. Guy Fischer. C’est la carotte !
M. Jacques Mahéas. Et la promesse du Président de la République ? Sarkozy n’aurait pas été content !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais j’ai voulu que toutes les infirmières et tous les infirmiers qui n’avaient pas de diplôme universitaire aient la possibilité, s’ils le souhaitaient, de passer dans la catégorie A, avec les avantages substantiels y afférents en termes de salaire et de pension de retraite.
M. Domeizel l’a fort justement souligné, la perspective d’avoir une évolution de carrière, avec, peut-être, la possibilité d’envisager une deuxième carrière, est le meilleur moyen de lutter contre la pénibilité au travail.
M. Claude Domeizel. C’est vrai !
M. Guy Fischer. Quelle est la durée de travail d’un infirmier ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La réforme licence-master-doctorat, dite réforme LMD, va précisément dans ce sens.
C'est la raison pour laquelle je vous demanderai tout à l'heure, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas voter la suppression de l’article 30 du projet de loi.
Mme Payet a soulevé le problème très intéressant et très important de l’application des dispositions régissant la fonction publique hospitalière aux autres fonctions publiques.
L’article 30 du projet de loi ne vise que les personnels paramédicaux de la fonction publique hospitalière, car ce sont les seuls à bénéficier d’un classement en catégorie active. Les infirmières scolaires qui n’en bénéficient pas ne sont donc pas concernées.
Il est tout à fait normal que la disposition législative visant à permettre le renoncement à cette dérogation ne concerne pas les infirmiers qui n’en bénéficiaient pas.
Pour autant, il est légitime que les autres fonctions publiques, dont les infirmiers scolaires que vous avez évoqués à juste titre, sollicitent une revalorisation à la suite de la réingénierie du programme des études et pour conserver la mobilité entre les fonctions publiques.
Il s’agit, dans ce cas, de modifications d’ordre non pas législatif, mais réglementaire, concernant notamment les grilles indiciaires. Mon collègue Georges Tron, chargé de ces questions, mènera bien entendu les concertations nécessaires pour adapter les statuts particuliers de ces personnels à la réforme LMD. Certes, cette question reste encore à traiter, mais elle ne relève pas du tout de l’article 30.