Mme Odette Terrade. … vous refusez l’application de ce principe au réseau consulaire. Il existe là une incohérence majeure ne correspondant pas à l’attente des acteurs économiques dans les territoires qui souhaitent, au contraire, plus de proximité.
Cette volonté de régionalisation s’inscrit également pleinement dans la logique de la RGPP. À ce titre, je vous rappelle les propos de M. le rapporteur, qui nous a réaffirmé en commission que l’un des objectifs de la réforme était bien de faire des économies. Nous ne sommes pas opposés à la réalisation d’économies, mais celles que vous proposez se font systématiquement « sur le dos » du service public et de l’aménagement du territoire.
Ce faisant, vous construisez la France de demain sur la base d’un désert administratif où ne subsisteront que des pôles de compétitivité, bénéficiant de l’ensemble des infrastructures et des financements, rompant avec tout principe de cohésion sociale et territoriale.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez également affirmé en commission qu’il s’agissait de la seule réforme menée dans le cadre de la RGPP permettant de diminuer les charges des entreprises. À ce titre, vous y voyez un phénomène doublement vertueux.
Je considère, pour ma part, que tenir de tels propos est inconvenant au moment même où les salaires sont si bas, où les salariés seront tenus de travailler plus pour gagner moins. Ce souci d’alléger toujours plus les charges des entreprises est indécent, surtout s’il ne s’accompagne d’aucune exigence en faveur du développement de l’emploi.
De plus, alors que l’Assemblée nationale avait permis une véritable avancée en garantissant, conformément à la jurisprudence, notamment du Conseil d’État et du Tribunal des conflits, le statut « d’établissement public administratif » aux CCI, les membres de la commission de l’économie, hormis ceux du groupe CRC-SPG, ont choisi de supprimer cette référence, considérant qu’une telle qualification était trop contraignante et qu’il s’agissait d’un mauvais signe envoyé aux chefs d’entreprise.
Pour notre part, nous continuons de penser que l’adjectif « administratif » non seulement est justifié, mais également garantit l’accomplissement de missions publiques exercées, je vous le rappelle, avec le concours de subsides publics !
À ce titre, nous trouvons déplorable la rédaction de l’article 7 ter, qui traite des ressources fiscales des CCI.
Nous estimons que de telles dispositions d’une part, doivent relever de la loi de finances et, d’autre part, portent en germe un principe absolument contestable selon lequel ceux qui bénéficient le plus du service public doivent y contribuer le plus. En l’occurrence, sont concernées les PME, dont ce gouvernement se dit par ailleurs le plus farouche défenseur : c’est une contradiction supplémentaire que l’on peut relever !
Je ne peux également passer sous silence la question de l’avenir des 30 000 salariés des chambres de commerce et d’industrie. La centralisation à l’échelon régional soulève des interrogations importantes quant à la mobilité de ces agents.
De surcroît, nous pouvons légitimement nous interroger sur la force dont disposeront dorénavant les règlements intérieurs des chambres territoriales, puisque le niveau de référence sera l’échelon régional. Nous voyons là une volonté d’uniformisation des règlements intérieurs, afin de les lisser avec les dispositions les moins favorables aux salariés.
Par ailleurs, le projet de loi indique que les conditions de transfert des agents de droit public sous statut seront examinées par une commission paritaire régionale. Or cette commission n’existe pas aujourd’hui et ses modalités d’élection ne sont pas encore connues. Nous avons donc déposé un amendement tendant à créer une telle instance et à définir sa composition ; les règles de représentativité devront être fixées au regard de la concertation en cours.
Nous considérons, pour notre part, que si le réseau consulaire a effectivement besoin d’être modernisé, la réforme que nous examinons ne permettra pas de réel progrès en la matière.
Afin d’assurer une modernisation plus soucieuse du service public, nous avons des propositions ambitieuses. Dans ce cadre, nous estimons que la gouvernance doit être réexaminée, afin d’instituer un conseil d’administration où seraient représentés non seulement les chefs d’entreprise, mais également les élus de la République et des représentants des salariés.
Une réelle modernisation du réseau consulaire passe également, selon nous, par une réforme de la représentativité au sein des instances paritaires, notamment de la commission paritaire nationale, dont les modalités de représentativité des salariés n’ont pas été revues depuis un décret de 1953 ! C’est vous dire s’il est temps…
Monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes engagé à engager une négociation avec les syndicats.
Mme Odette Terrade. Nous serons particulièrement attentifs aux résultats,…
Mme Odette Terrade. … mais les éléments dont nous disposons aujourd’hui ne sont pas satisfaisants.
Mme Odette Terrade. Nous estimons également que des élections sur sigle devraient être organisées très prochainement, afin de définir la représentativité au sein de la commission nationale paritaire.
Enfin, une réelle modernisation du réseau consulaire passerait par un renforcement des missions de service public, notamment en termes de formation professionnelle. En effet, les chambres de commerce et d’industrie pourraient constituer des partenaires privilégiés pour la mise en œuvre de la sécurité en matière d’emploi et de formation que nous proposons de longue date.
Nous constatons également la tendance actuelle à une augmentation des prestations payantes des CCI parallèlement à une diminution des prestations de service public.
Je ne peux terminer cette intervention sans revenir sur la question des MIN,…
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, et M. Gérard Cornu, rapporteur. Ah !
Mme Odette Terrade. … question qui a suscité un grand émoi chez les professionnels et chez les élus des départements à la suite de l’adoption d’un amendement déposé par Mme le rapporteur Catherine Vautrin à l’Assemblée nationale.
Sur ce point encore, votre réforme est dogmatique, alors même que la constitution d’un périmètre de référence, ancien périmètre de protection, se justifie non par la volonté d’instituer un monopole, qui n’existe que dans vos fantasmes, mais bien par des considérations d’intérêt général liées à l’aménagement du territoire, à des considérations sanitaires et environnementales.
Depuis leur création, les MIN ont permis à l’État d’intervenir fortement dans le domaine de la distribution de gros. Par ailleurs, je vous rappelle que la Commission européenne n’a jamais considéré que l’existence de ces périmètres était une atteinte à la concurrence, puisque ce sont des lieux de concurrence.
Vous ne nous ferez pas croire que les producteurs seront avantagés par la suppression des barrières du périmètre. Une telle mesure permettra simplement à la société Metro, aux cash and carry et autres grossistes de venir s’installer à côté du MIN sans être soumis aux mêmes règles sanitaires et d’exercer ainsi une concurrence déloyale. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
Il est temps selon nous non pas de libéraliser un peu plus les conditions d’organisation du marché agricole, mais bien de le réguler en permettant de rééquilibrer les relations commerciales entre les producteurs et les distributeurs et d’instaurer un prix rémunérateur pour les producteurs, ce qui fut tout l’enjeu de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
De plus, il est impossible d’écarter du débat la question de l’avenir des 13 000 emplois liés, par exemple, au MIN de Rungis, des 26 000 emplois qui découlent, en France, des marchés d’intérêt national.
Vous l’aurez compris, les membres du groupe CRC-SPG ne peuvent adopter en l’état un texte animé par une application spécifique de la RGPP et de la réforme des collectivités territoriales, alors même que les politiques d’austérité et de concurrence font la démonstration partout en Europe de leurs échecs.
De plus, nous ne pouvons accepter la démarche systématique de ce gouvernement et du Président de la République, démarche qui réside dans une reprise en main autoritaire et centralisatrice des institutions et des administrations territoriales, ignorant les territoires et leurs spécificités.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes appelés à examiner le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, dont l’objet est double : réformer les réseaux consulaires et achever la transposition de la directive Services, pour laquelle notre pays, une fois de plus, se distingue par son retard.
Pour ce qui concerne la réforme des réseaux consulaires à proprement parler, je souhaiterais apporter le soutien de mon groupe à son esprit. Dès le mois de septembre 2008, l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie et l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture ont engagé des négociations au sein de leurs réseaux en vue de renforcer l’échelon régional. Le fruit étant mûr, il nous appartient de le cueillir.
Rappelons que les chambres consulaires exercent une compétence forte en matière économique : près de 30 000 personnes participent, au sein de leurs réseaux, au développement économique de notre pays, et ce à travers quatre volets principaux.
L’appui à la création d’entreprises est une activité très importante en volume pour les chambres de commerce et d’industrie et les chambres de métiers et de l’artisanat, malgré l’appréciation parfois mitigée que portent les conseils régionaux et les créateurs d’entreprise sur la qualité de l’accompagnement offert. Les réseaux consulaires soutiennent aussi le développement des entreprises, notamment à l’international : 600 conseillers en développement international accompagnent 8 000 entreprises à l’étranger. La mise en œuvre auprès des entrepreneurs de dispositifs régionaux d’appui à l’exportation et de participation aux salons est très appréciée.
Les chambres de commerce et d’industrie constituent en outre un guichet incontournable pour l’accomplissement des formalités administratives par les entrepreneurs, tant lors de la création de leur entreprise que pour leur développement à l’international, ou encore dans le cadre de l’enregistrement des contrats d’apprentissage.
De plus, les chambres consulaires gèrent des centres de formation, notamment dans le secteur artisanal : elles constituent le deuxième formateur en France, après le ministère de l’éducation nationale. Elles disposent de 500 établissements de formation et forment chaque année 620 000 personnes, dont 100 000 apprentis. Il s’agit là d’une mission fondamentale. Aussi, nous avons déposé un amendement visant à leur permettre d’exercer pleinement cette compétence et à les autoriser, à titre expérimental et sur délégation du ministre de l’éducation nationale, à assurer une mission d’inspection de l’apprentissage, comme c’est déjà le cas en Moselle.
Enfin, les CCI gèrent de nombreux équipements publics : plus de 80 aéroports, 60 ports maritimes, de commerce, de pêche ou de plaisance, et plus de 30 ports intérieurs.
Les missions des CCI, tout comme leur budget – il s’élève à 4 milliards d’euros –, sont donc importantes, à la mesure des défis de la croissance économique.
Il faut le rappeler, les chambres consulaires constituent les deux bras armés de la politique économique des régions. C’est précisément pour cette raison qu’il semble opportun de remodeler leurs réseaux de façon à les doter d’une organisation à ce même échelon régional.
La régionalisation des réseaux a un sens, parce que la taille des régions est suffisamment importante pour qu’elles soient visibles non seulement en Europe, mais aussi à l’étranger. Sur un salon à Dubaï, le label « Bretagne » ou « Paris–Île-de-France » est plus visible que le nom d’un département – je n’en citerai aucun, car je ne veux fâcher personne. (Rires.)
La régionalisation des réseaux consulaires va également dans le bon sens parce que les chambres consulaires mettent en œuvre, par le biais de contrats, des dispositifs d’appui à la création et au développement des entreprises décidés et financés par les conseils régionaux. Le fait que les chambres régionales ne soient aujourd’hui qu’une instance de coordination d’une multitude de chambres départementales ne permet pas aux conseils régionaux de piloter efficacement la mise en œuvre de leur politique économique puisque leur interlocuteur et cocontractant n’a qu’une compétence restreinte, et donc une responsabilité restreinte.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Absolument !
M. Nicolas About. Le déséquilibre actuel entre les parties au contrat nourrit donc, comme je le rappelais tout à l’heure, l’insatisfaction de plusieurs conseils régionaux quant à la mise en œuvre des dispositifs économiques relayés par les chambres.
En ce sens, régionaliser la prise de décisions stratégiques et la répartition du budget entre les différentes chambres de l’échelon départemental revêt à mes yeux – ceux dont je ne partage pas l’opinion sur ce point me pardonneront ! – une importance capitale. Cela permettra de rétablir un équilibre entre les parties au contrat : l’accroissement des compétences, des moyens et de la responsabilité de la chambre régionale renforcera sa qualité de pilote en matière de déploiement des dispositifs économiques régionaux ; quant à la région, qui finance ces dispositifs, elle aura un interlocuteur régional pleinement responsable.
M. Nicolas About. Pour cette raison, les membres du groupe de l’Union centriste s’opposeront aux amendements qui tendraient à éroder les compétences de l’échelon régional.
M. Nicolas About. Cependant, ils resteront attentifs à ce que les chambres territoriales puissent exercer leur compétence dans le souci des attentes « du terrain ». (M. Daniel Raoul s’exclame.) Il ne s’agit pas de les reléguer au rang de simples « antennes », ni d’étouffer leur pouvoir d’initiative !
Par exemple, il semble indispensable de donner aux CCI dont le ressort est à cheval sur deux départements le pouvoir de choisir leur région de rattachement – à défaut, il faudra les diviser ! Il faut être attentif aux particularismes et aux attentes locales tout en étant inflexible sur l’essence de la réforme : la régionalisation des réseaux consulaires ne doit pas a priori souffrir d’exception.
La régionalisation ne sera efficace que si l’équilibre de la représentation des chambres territoriales au sein des chambres régionales est préservé. Aussi, je salue l’amendement du rapporteur tendant à ce qu’une chambre territoriale ne puisse disposer de plus de 40 % des sièges, au lieu de 45 % précédemment.
En revanche, je déplore que, à la différence des « décisions stratégiques », le budget ne soit plus voté à la majorité qualifiée, comme cela était initialement prévu. Vous savez comme moi, monsieur le rapporteur, que la répartition du budget est la décision stratégique par excellence ! Nous avons donc déposé un amendement visant à rétablir ce parallélisme des formes, l’adoption à la même majorité qualifiée des deux types de décision. Il y va de l’équilibre et de l’acceptabilité des décisions de la chambre régionale par les chambres territoriales.
Pour clore mon propos sur le titre Ier du projet de loi, je souhaite, en tant que sénateur des Yvelines, évoquer dès à présent mon hostilité à ce que certaines chambres, dans les départements franciliens, jouissent d’un statut particulier. J’exprime là ma position personnelle, mais c’est aussi celle des membres du groupe de l’Union centriste. La régionalisation des réseaux consulaires doit être uniforme, d’autant que les exceptions constituent, pour moi, un contrat perdant-perdant, à la fois pour les chambres concernées et pour la région.
L’uniformité de l’organisation sur l’ensemble du territoire français, y compris l’Île-de-France, est un gage de lisibilité et d’efficacité de la réforme. Certains sénateurs de mon groupe regrettent d’ailleurs que cette dernière n’ait pas poussé plus loin la logique d’uniformité et auraient aimé, bien que chambres de commerce et d’industrie et chambres de métiers et de l’artisanat interviennent dans des secteurs d’activité totalement différents, que soit envisagée la mutualisation régionale et départementale de certains de leurs services de supports, de leur représentation, de leurs centres d’enregistrement, etc.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Ce sera pour la prochaine fois !
M. Nicolas About. Oui, chaque chose en son temps !
Il faut espérer que la réorganisation des réseaux sera l’occasion de favoriser, en tous les cas à l’échelon régional et grâce à l’entremise d’un acteur régional, non seulement le dialogue entre les paroisses, mais aussi la coordination de leurs actions de formation, d’appui à la création d’entreprise et de développement des entreprises, sans oublier la facilitation de la transmission-reprise d’entreprise, chacun agissant dans son domaine d’activité. À terme, tout cela serait effectivement souhaitable.
J’en viens maintenant au second objet du présent projet de loi, la transposition partielle de la directive européenne, dite « Services », qui vise à favoriser la libre circulation des prestataires de services dans l’espace communautaire en levant un certain nombre de barrières administratives et réglementaires qui, en imposant d’obtenir des autorisations diverses, pénalisent aujourd’hui l’installation non seulement de prestataires européens, mais avant tout d’entrepreneurs français.
Sur cette question, je ne souhaite pas aborder chaque profession visée par le second titre du projet de loi. Je soulignerai simplement que les membres du groupe de l’Union centriste considèrent que l’Europe est une chance…
M. Nicolas About. … et que la fluidité des échanges économiques entre les pays facilitera le développement économique, dont les entrepreneurs français profitent par ailleurs largement.
À ce titre, mon groupe est attentif au fait que, aujourd’hui, aucune considération sociale ou d’ordre public ne justifie une situation monopolistique d’une activité sur un territoire, pas même celle les marchés d’intérêt national, qui malheureusement cristallisent le débat. Plus généralement, la situation des grossistes n’entre pas, juridiquement, dans la liste des exceptions à la directive Services. Il faut respecter ce point, car la directive communautaire prime sur la loi. C’est pourquoi le groupe de l’Union centriste soutient à une large majorité la version adoptée par l’Assemblée nationale, et confirmée par la commission de l’économie.
Enfin, nous aurons l’occasion de revenir au cours du débat sur les aspects juridiques et émotionnels de ce sujet qui, manifestement, divise, ainsi que la solution de compromis évoquée par le secrétaire d’État tout à l’heure.
Pour l’heure, je salue l’opportunité de la réforme des chambres consulaires comme celle de la transposition de la directive Services, ainsi que le travail de la commission de l’économie, notamment de son excellent rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’évoquer le contenu de ce projet de loi, je tenais tout d’abord, à la fois à titre personnel et au nom du groupe socialiste, à rendre hommage au travail des chambres de commerce et d’industrie.
Dans mes fonctions antérieures de déléguée régionale au tourisme d’Île-de-France, j’ai souvent été amenée à travailler avec les CCI de Paris et de Versailles. J’ai pu, à ces occasions, apprécier l’excellence de leurs compétences en matière d’ingénierie, d’études et de prospective. Ayant également été responsable de la gestion d’une entreprise familiale, j’ai eu recours aux services que la chambre de commerce et d’industrie de Paris a déployés en direction des TPE-PME. On peut certes souligner que les CCI sont des institutions méconnues du grand public, ou le déplorer ; on peut se désoler de la faible participation électorale : je préfère pour ma part, au regard de mon expérience, insister sur le rôle indispensable qu’elles tiennent auprès des territoires, des PME, des commerçants et des artisans. Elles leur apportent une expertise juridique solide, les conseillent en matière de droit social, de baux commerciaux, de règles urbanistiques ; elles les informent sur la fiscalité, les accompagnent dans leurs projets de développement, mais aussi de transmission. Elles mettent toutes leurs compétences, qui en général n’existent pas dans les petites structures, au service des acteurs économiques. C’est au nom des services indispensables que les CCI apportent aux entreprises de nos territoires que le groupe socialiste s’est engagé dans ce projet de loi.
Ces derniers mois, le débat sur la réforme des réseaux consulaires a pris une tournure étonnante et inattendue.
Autant la réforme des chambres de métiers et de l’artisanat a été négociée dans un climat apaisé et constructif, autant celle des chambres de commerce et d’industrie est jalonnée de péripéties et de crispations. Le projet de loi a pourtant été présenté en conseil des ministres au mois de juillet dernier et a été préparé en amont par les réseaux. En dépit du temps consacré à la préparation de cette réforme et du travail important des commissions parlementaires, les débats à l’Assemblée nationale ont mis au jour des oppositions majeures entre vous-même, monsieur le secrétaire d’État, et le rapporteur du texte. Par ailleurs, certaines sections locales du MEDEF n’ont pas hésité à afficher leur hostilité à l’égard d’une réforme pourtant tout droit issue de la révision générale des politiques publiques. Les CCI sont de plus en plus nombreuses à dénoncer l’incohérence de l’architecture du projet de loi. Et, dernier rebondissement en date, la commission des finances du Sénat annonce que, si elle avait été saisie au fond, elle aurait rejeté ce texte !
M. Didier Guillaume. Eh oui !
Mme Bariza Khiari. Parce que les CCI sont des interlocuteurs majeurs de nos collectivités territoriales et fournissent à leurs ressortissants un service de proximité, les membres du groupe socialiste ne peuvent pas se contenter de compter les points.
La tournure prise par les événements est d’autant plus surprenante que la réforme a été approuvée, dans son principe, par le réseau consulaire. Vous avez rappelé tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, que cette dernière tire sa légitimité des assemblées générales, et j’y reviendrai.
Le réseau est, dans son ensemble, convaincu de la nécessité d’une réforme. Aujourd’hui, pour les chambres consulaires, l’enjeu est une meilleure prise en compte de la décentralisation territoriale et de la mondialisation de l’économie. Elles veulent aussi la clarification de leur statut juridique et de leurs missions. Dans la mesure où elles perçoivent des ressources fiscales, les responsables politiques veulent une plus grande transparence de leur mode de financement et de leur budget de fonctionnement.
En effet, l’ambiguïté juridique des réseaux consulaires, qui sont des établissements publics dirigés par des assemblées élues de chefs d’entreprise, a des conséquences sur leur mode de gouvernance. Ce déficit de contrôle a été souligné en 2009 dans un rapport de la Cour des comptes : « Le réseau CCI est donc encore régi par des dispositions largement obsolètes. Il n’y avait jusqu’à fin 2008 pas d’outil budgétaire informatisé, commun à la tutelle et au réseau, permettant un suivi financier unique. Il n’y a pas de comptabilité analytique commune aux CCI. Par ailleurs, il reste à définir la règle financière applicable dans un certain nombre de domaines : en matière de délimitation entre services gratuits aux entreprises et services payants, de notion d’équilibre budgétaire d’une CCI, de consolidation des comptes, de dispositions relatives aux commissaires aux comptes, de frais de déplacement des agents. »
Dans le langage tout en litotes de cette institution, cela signifie qu’il était urgent de clarifier et d’harmoniser leur comptabilité. Ce projet de loi s’y emploie.
Les chambres sont d’autant plus conscientes de la nécessité d’une réforme que cette dernière fait l’objet de discussions depuis en réalité près de dix ans. La loi Dutreil du 2 août 2005 est à l’origine d’un mouvement important de rationalisation du monde consulaire et de sa réorganisation en réseau. À cet égard, je ne partage pas votre analyse, monsieur le rapporteur, selon laquelle cette première réforme – vous l’avez d’ailleurs défendue à l’époque puisque vous étiez également rapporteur de ce texte – serait décevante. Certes, la loi Dutreil était basée sur le volontariat des chambres. Mais peut-on pour autant reprocher à ces dernières de ne pas avoir joué le jeu ?
En cinq ans, le nombre de chambres du réseau est passé de 175 à 148 aujourd’hui. Des fusions étant en cours, il ne devrait s’élever qu’à 126 à la fin de cette année. Conformément aux indications ministérielles, les efforts nécessaires ont donc été fournis au sein du réseau afin de réduire le nombre de chambres de façon substantielle. Pour ma part, je ne connais aucune structure capable, de sa propre volonté, de réduire sa voilure de près de 30 % en cinq ans. C’est faire un bien mauvais procès aux chambres consulaires que de les accuser d’avoir traîné les pieds dans le domaine de la rationalisation de leur maillage. En revanche, les avancées attendues ne sont pas au rendez-vous, c’est vrai, en matière de mutualisation. Mais le présent texte est-il de nature à progresser dans la voie de la mutualisation et de la rationalisation ?
Pour répondre à cette question, nous avons procédé à de nombreuses auditions, et nos réserves initiales se sont transformées en incompréhensions et doutes, quant à la finalité de cette réforme et à son mode d’élaboration.
D’abord, permettez-moi de souligner notre désaccord concernant le dispositif dérogatoire prévu pour l’Île-de-France. Le président de l’ACFCI nous l’a assuré, ce texte a été approuvé par une forte majorité des acteurs du réseau. Or il apparaît clairement que le projet voté par les élus consulaires voilà quelques mois est fort différent de celui qui est soumis à notre examen. Ainsi, le relatif consensus initial a littéralement explosé au gré des péripéties. Le projet actuel repose sur un accord entre l’ACFCI et la chambre de commerce de Paris, qui transforme toutes les CCI d’Île-de-France en chambres départementales, fortement intégrées à la chambre régionale. Le sort réservé aux CCI des départements de l’Essonne et de la Seine-et-Marne, qui perdent le statut de personnalité morale pour devenir des délégations, inquiète l’ensemble des acteurs du réseau, une telle perte préfigurant, selon eux, les évolutions futures de la réforme.