M. Claude Bérit-Débat. Terroristes !
M. Marc Daunis. … terroristes ? Non ! Cette lettre émane du conseil des présidents de CCI, celui-ci ayant eu connaissance des avancées apportées par l’Assemblée nationale, mais également du travail que nous avons effectué en commission et qu’il convient de ne pas nier.
Mes chers collègues, j’en suis toujours convaincu, l’organisation régionale du réseau demeure possible, à condition d’avoir une réelle volonté de conserver l’outil de terrain. Comme la commission des finances nous invite à le faire – son avis est très éclairant à ce sujet –, évitons de créer une usine à gaz, des montages financiers incohérents et un déséquilibre entre l’échelon régional et l’échelon local.
Même si nous avons le sentiment d’examiner un projet de loi fondamentalement immature, nous essaierons d’apporter notre contribution à ce texte. Il a été bouleversé, détricoté, retricoté, mais il ne doit pas être une occasion manquée de moderniser véritablement et efficacement le réseau consulaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Bernard Vera applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Saugey. (Ah ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Saugey. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, que souhaitons-nous aujourd’hui ?
Nous souhaitons une réforme juste, une réforme équilibrée entre le niveau régional et le niveau local, une réforme efficace !
Selon moi, ces conditions ne sont pas réunies dans le projet de loi initial.
Pour le comprendre, notre analyse doit porter sur quatre points essentiels : la répartition des missions locales et régionales, la gestion du personnel, les ressources fiscales et les élections.
Le premier point concerne la répartition des missions locales et régionales.
Il y a là un risque très important pour toutes les CCI départementales, les CCI régionales pouvant exercer les mêmes missions qu’elles, directement dans leurs circonscriptions. Nous souhaitons donc appliquer aux CCI territoriales le principe de subsidiarité tel qu’il a été adopté pour les CCI de métropole.
Le deuxième point a trait à la gestion du personnel.
Des améliorations sensibles ont été apportées par l’Assemblée nationale, mais des modifications sont encore indispensables, bien entendu pour le personnel statutaire – les agents de droit public –, mais également pour les agents de droit privé.
S’agissant du personnel statutaire, chaque CCI départementale doit disposer d’une délégation permanente, et non occasionnelle, de la CCI régionale pour recruter et gérer le personnel statutaire nécessaire à ses activités. M. le secrétaire d’État a, je le reconnais, donné son accord verbal sur ce point, mais il faut supprimer le verbe « pouvoir ». La délégation est permanente, un point c’est tout !
Par ailleurs, la mise à disposition des personnels nouveaux est « de droit », comme pour la mise à disposition des personnels actuels transférés.
S’agissant du personnel de droit privé, le recrutement et la gestion de ce personnel par les CCI territoriales ne doivent pas être limités aux activités confiées, c’est-à-dire aux délégations de service public pour les seuls ports, aéroports et ponts. Ces missions doivent être étendues à tous les personnels de droit privé, indépendamment de l’activité consulaire concernée, qu’elle soit propre à la chambre ou qu’elle lui soit confiée par délégation de service public.
Le troisième point est relatif aux ressources fiscales. Dans ce domaine, le problème initial reste entier. (M. Marc Daunis opine.)
M. Claude Bérit-Débat. Eh oui !
M. Bernard Saugey. Tout est concentré sur l’échelon régional. La solution retenue est plus que complexe. À cet égard, je rappelle simplement l’avis de la commission des finances, qui a même fait un communiqué dans la presse : elle émet « les plus extrêmes réserves »…
M. François Marc. Exact !
Mme Nicole Bricq. Elle n’a pas voulu voter le texte !
M. Bernard Saugey. … sur le plan financier. C’est une prise de position bien différente de celle de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.
M. François Marc. Il y a même une opposition entre les deux commissions !
M. Bernard Saugey. Pour notre part, nous souhaitons, au lieu d’instaurer deux taxes distinctes, qu’une seule taxe additionnelle soit prévue, basée sur deux assiettes – la cotisation foncière des entreprises, ou CFE, à hauteur de 40 % et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ou CVAE, à hauteur de 60 %. Cela permettrait de simplifier le dispositif.
Nous souhaitons également – je tiens personnellement beaucoup à cette mesure – la détermination d’un produit, et non d’un taux, comme c’est le cas dans le dispositif actuel avec un taux régional voté sur la CFE et un taux national appliqué sur la CVAE.
Cette solution est plus démocratique, car elle laisse la détermination du prélèvement aux élus. Elle est plus économique, car le produit voté correspond aux besoins réels. Enfin, elle est plus simple, car cela ne nécessite pas de péréquation nationale.
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Bernard Vera. Très bien !
M. Bernard Saugey. Nous souhaitons aussi le vote d’un produit partagé en deux parts, régionale et territoriale, afin de garantir la cohérence du projet de loi au regard du partage des missions et du personnel, et de ne pas passer du tout local au tout régional, alors que le niveau local emploie 98 % du produit. C’est tout le problème de l’article 7 ter. Vous l’avez bien compris, monsieur le secrétaire d’État.
Enfin, nous souhaitons une détermination programmée d’une baisse de la fiscalité : 2 % par an pendant trois ans, en plus de la baisse de 2010,…
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Bernard Saugey. … soit une diminution en valeur de 8 % à 11 % au total. L’intérêt de cette évolution serait une lisibilité parfaite et la suppression de l’aléa lié à l’évolution des bases, ce qui fait disparaître toute nécessité de péréquation.
Le quatrième point porte sur les élections.
Le texte émanant de l’Assemblée nationale laisse un problème de fond non traité. Ce texte est en effet contradictoire, puisqu’il prévoit deux élections simultanées – régionale et territoriale –, impose aux CCI territoriales d’élire leur président parmi ceux de leurs membres qui siègent en CCI régionales, mais le scrutin majoritaire plurinominal est maintenu. De ce fait, il existe un risque d’incohérence entre la majorité de la CCI territoriale et sa représentation à la CCI régionale.
Cette contradiction, si elle est maintenue, ne pourra être supprimée au niveau réglementaire.
J’ai entendu tout à l’heure quelques arguments portant sur les entreprises. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai dirigé plusieurs entreprises dans ma vie – l’une d’entre elles employait tout de même plus de 2 000 salariés – et je peux vous dire que nous versions une contribution dérisoire pour les chambres consulaires. Par conséquent, je ne pense pas que l’économie pour les entreprises soit aussi importante que vous le dites.
En outre, ce texte a mis le feu entre des personnes qui étaient des amies.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Bernard Saugey. Jusqu’à présent, les CCI régionales et les CCI départementales avançaient à peu près du même pas. Par exemple, dans ma région, en Rhône-Alpes, tout se passait plutôt bien entre le président de la CCI de Lyon – Guy Mathiolon – et le président de la CCI régionale – Jean-Paul Mauduy. Les choses deviennent désormais plus difficiles et c’est un problème qui nous préoccupe. (M. Dominique Braye s’exclame.)
Enfin, revenons au fameux 25 novembre 2008 et à l’assemblée générale des présidents de CCI, au cours de laquelle la réforme a été approuvée par 108 voix. Monsieur le secrétaire d’État, si le vote avait lieu aujourd’hui, j’en prends le pari, les résultats seraient totalement inversés.
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Bernard Vera. Au moins !
M. Bernard Saugey. Quoi qu’il en soit, la mutualisation est déjà en marche, sans même une loi. Je n’irai pas jusqu’à dire que celle-ci est inutile, bien au contraire, mais nous pouvons arriver à un résultat intéressant avec un peu de bonne volonté.
Nous sommes aujourd’hui 32 sénateurs du groupe de l’UMP à être quelque peu interpellés par ce projet de loi (M. Dominique Braye s’exclame.) et, s’agissant d’un projet d’organisation territoriale du réseau consulaire, nous estimons que le rôle du Sénat est fondamental.
Le texte comporte des défauts majeurs dont la correction est impérative pour déboucher sur une loi de progrès, et non de régression.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez fait, grâce à nos collègues Gérard Cornu et Éric Doligé, quelques petites avancées, je le reconnais. Mais celles-ci restent insuffisantes.
Le discours que vous venez de faire a été apaisant. Montrez maintenant, dans les faits, votre bonne volonté. Modifiez largement les critères retenus en termes de gestion du personnel et de finances – le fameux article 7 ter – et nous pourrons discuter.
En fait, le texte aurait dû nous être présenté après la réforme des collectivités territoriales. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
On nous a dit qu’il fallait traiter le problème des élections qui auront lieu en novembre. C’est un argument fallacieux ! Nous pourrions très bien organiser les futures élections avec l’ancien système, qui a fait ses preuves,…
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Bernard Saugey. … et l’affaire serait réglée.
J’espère que de la discussion naîtra la lumière. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que vous assouplissiez le texte dans le sens que je viens d’évoquer, afin de faire la paix des braves. Dans le cas contraire, je ne vois guère comment nous pourrions l’adopter en l’état. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP, du RDSE et du groupe CRC-SPG. – M. Daniel Raoul applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai par vous dire que ce texte n’est pas mature, ce qui vous donnera la tonalité de mon intervention.
Je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce qu’a dit mon collègue M. Saugey...
Mme Nicole Bricq. Mais si, mais si !
M. Daniel Raoul. … et à ce que le rapporteur pour avis de la commission des finances a évoqué, avec beaucoup de contorsions. Je craignais presque pour son physique : à force de faire des convulsions dans tous les sens pour arriver à avaler la couleuvre, il pourrait se faire un tour de reins ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Il est solide, Doligé !
M. Daniel Raoul. Ce projet de réforme, dont les grandes lignes ont été adoptées par les CCI l’année dernière…
M. Daniel Raoul. Il y a deux ans, en effet, monsieur le secrétaire d’État. Ce projet de réforme, disais-je, était passé dans les esprits. Il n’était donc pas nécessaire d’adopter la tactique que vous employez pour la réforme territoriale, qui est en fait une recentralisation sous couvert de RGPP.
En réalité, comme cela a été évoqué tout à l’heure, et brillamment démontré par le rapporteur pour avis de la commission des finances, vous avez construit une véritable usine à gaz : il faut être sorti de Polytechnique pour faire les calculs ! De surcroît, le dispositif conduit à une perte d’autonomie financière des chambres départementales.
Celles-ci subissent d’ailleurs une autre perte : celle de leur fonction d’employeur direct. Ce que vous nous dites sur les délégations du personnel de la chambre régionale aux chambres départementales ne tiendra pas une minute devant une chambre sociale ou devant les prud’hommes. Le véritable employeur, c’est le payeur : vous ne pourrez pas nous contredire sur ce point !
Pourquoi n’avez-vous pas adopté la même méthode que pour les chambres de métiers et de l’artisanat ? En la matière, c’est à partir d’un consensus qu’elles sont parvenues à construire un modèle conduisant à une mutualisation. Or, à l’heure actuelle, comme vous le savez bien, nous sommes contraints d’opérer ces mutualisations dans nos collectivités, que nous le voulions ou non. Quoi qu’il en soit, cela fonctionne au niveau de l’intercommunalité.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, j’ai du mal à vous suivre, en particulier lorsqu’il est question de majorités différentes pour le projet politique de la chambre régionale et pour son budget. Quand on arrête un projet, on doit mettre les moyens en face !
Je ne vois pas pourquoi il y aurait deux majorités différentes en ce qui concerne le projet et le budget. Laissons donc les chiffres : trente-cinq ou quarante, là n’est pas l’essentiel. Il faut qu’une majorité adopte les deux. Définir un projet n’a pas de sens si on n’a pas les moyens de le mettre en place !
Je souhaiterais soulever un autre problème, lié à la réforme territoriale : quelle sera la place de la chambre départementale – j’emploie encore cet adjectif, à dessein – après que vous aurez créé les chambres métropolitaines ? Autrement dit, que restera-t-il dans les départements une fois que les chambres métropolitaines seront en place ?
Je prendrai l’exemple d’un département situé près de chez moi, de la ville centre qui a vocation à être une métropole, je veux parler de Nantes, et de la chambre de commerce et d’industrie de Nantes–Saint-Nazaire. Imaginez ce qui peut rester en Loire-Atlantique une fois que vous aurez constitué cette chambre métropolitaine.
En vérité, il ne restera plus rien. Vous êtes en train de créer un désert, de tuer la créativité locale.
M. Daniel Raoul. Or je croyais que, dans ce domaine, on pouvait faire confiance à l’intelligence de proximité, et appliquer en particulier le principe de subsidiarité : quand on peut faire mieux au niveau local, pourquoi aller le faire au niveau central ?
Je dois à présent aborder un second point, même si l’exercice est difficile lorsqu’on dispose d’un temps de parole de cinq minutes. Monsieur le secrétaire d’État, je le sais, vous avez travaillé pendant près d’un an sur un texte concernant le périmètre des MIN, ainsi qu’à une mise en conformité avec la directive européenne.
Ce texte d’« équilibre » – mot auquel vous êtes très attaché, comme M. le rapporteur, mais pour d’autres raisons – a été sabordé par un amendement de la grande distribution. Je ne citerai pas ici le nom de son instigateur – ils sont peut-être deux, d’ailleurs –, afin de ne pas lui faire de publicité, mais tout le monde le connaît. Comme il a été mentionné par d’autres orateurs, je ne veux pas en rajouter.
Pourtant, nous aurions dû tirer les conclusions des retours d’expérience de la LME à l’égard de la grande distribution. Cela a déjà été fait dans notre commission, avec toutes les inquiétudes et les réticences que l’on a pu constater. Or vous persistez à vous aligner sur la grande distribution (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.) Ce n’est pas votre cas, monsieur le secrétaire d’État. Aussi, vous aurez notre soutien pour revenir, sur ce point, à votre rédaction initiale, qui, pour une fois, était équilibrée – ce qui ne vaut pas pour le reste du texte – et permettait une évolution progressive.
Vous n’en serez pas surpris, sur la première partie, nous aurions souhaité pouvoir contribuer à l’élaboration d’un texte d’équilibre et d’apaisement. Je crois que c’est possible avec des gens intelligents, qui exercent des responsabilités sur le terrain, qui savent de quoi ils parlent et n’ont pas une vision technocratique de recentralisation.
C’est pourquoi nous vous présenterons une motion de renvoi à la commission, dont l’adoption nous permettrait d’avoir le temps de reconstruire un texte tout à fait acceptable par nos concitoyens, c’est-à-dire par nos présidents de chambre et leurs employés. En tout cas, nous sommes prêts à y contribuer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Robert Tropeano et François Fortassin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à travers la réforme des chambres de commerce et d’industrie dont nous commençons la discussion aujourd’hui, le Gouvernement souhaite améliorer le service rendu aux entreprises.
S’agissant d’un projet d’organisation territoriale du réseau consulaire, le rôle du Sénat est bien sûr fondamental pour garantir une réforme efficace, juste et équilibrée entre le niveau régional et le niveau local.
Nous ne pouvons donc que soutenir l’ambition générale et les trois objectifs de fond de cette réforme : renforcer le niveau régional de ce réseau, maintenir des CCI locales de plein exercice et réaliser des économies par une mutualisation régionale des fonctions de support.
En tant qu’élu francilien, et tout particulièrement en tant qu’élu du Val-de-Marne, j’approuve bien évidemment ce dispositif et singulièrement celui qui est prévu pour l’Île-de-France, source d’efficacité et d’économies au service des entreprises, dans une région où nous avons tant besoin d’un appui à la formation et à l’accompagnement des chefs d’entreprise et des salariés. Depuis de nombreuses années, je vois l’efficacité d’une simple délégation départementale dans ce qui est tout de même le septième département de France. Je souhaite donc ici en donner acte.
Néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais apporter deux réserves à ce soutien.
La première concerne la solution honorable qui doit et peut être trouvée avec nos collègues de l’Essonne et de la Seine-et-Marne, dont je me sens bien sûr solidaire.
La seconde réserve a trait à la modification, introduite par l’Assemblée nationale, des périmètres de référence des MIN.
En effet, la mise en œuvre du texte adopté au Palais-Bourbon pose un certain nombre de problèmes à l’égard de ces MIN, plus particulièrement dans mon département pour le MIN de Rungis – le plus important et le plus emblématique d’entre eux – qui joue, je le rappelle, un rôle économique et commercial essentiel.
S’étendant sur 230 hectares, avec 140 entreprises et plus de 12 000 salariés, le centre du pôle économique Orly-Rungis est le deuxième employeur de notre département derrière l’aéroport d’Orly. Il représente un chiffre d’affaires d’un peu plus de sept milliards d’euros. Rungis commercialise à lui seul près de 20 %, suivant les filières, des produits frais consommés dans toute la France, ce qui en fait le plus grand marché de gros de produits frais du monde. Du reste, le nombre de délégations que nous recevons chaque jour dans ce marché atteste son rayonnement.
C’est pourquoi le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale nécessite, à mon sens, d’être amendé sur ce point. La rédaction initiale de l’article 11, tel qu’il a été présenté par le Gouvernement, était le fruit, comme cela vient d’être dit, d’une concertation de dix mois entre le ministre et l’ensemble des professions, en liaison avec Bruxelles.
La version du Gouvernement était une bonne transposition, notifiée et validée par Bruxelles, en ce qui concerne le périmètre des marchés d’intérêt national.
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Christian Cambon. L’idée est la suivante : le grossiste qui veut s’installer dans le périmètre des MIN peut obtenir une autorisation selon certains critères. Fruit de la concertation, cette version a été approuvée par tous les acteurs.
M. Daniel Raoul. On est à fronts renversés !
M. Christian Cambon. À l’Assemblée nationale, la commission des affaires économiques a introduit un amendement qui supprime totalement le périmètre des MIN. Les conséquences en sont, hélas ! simples et facilement mesurables : nous allons assister au développement des grossistes dans la grande distribution – a été évoqué voilà un instant un groupe allemand qui, manifestement, soutient vigoureusement cet amendement –, dans le secteur du frais, sur les zones commerciales créées par eux, avec des moyens importants, et ce, en vérité, pour écarter la concurrence. Je rappelle ici à ceux qui l’ignorent que huit établissements de cette très grande chaîne, de nationalité allemande, sont déjà installés en Île-de-France.
Par ailleurs, cela va mécaniquement renforcer la part du système des grandes centrales d’achat dans les produits frais, système qui se caractérise, comme nous l’avons amplement évoqué il y a une semaine, par des relations commerciales dont nous connaissons les conséquences et qui ont été à l’origine de multiples crises avec les producteurs.
Cela entraînera aussi, mes chers collègues, une relation différente avec la qualité des produits. Les fruits, par exemple, ne sont pas distribués à maturité dans ce genre d’enseignes. Or nous sommes nombreux, sur l’ensemble de ces travées, à nous battre pour la qualité des produits.
De plus, on constatera l’affaiblissement, puis l’éviction, des petits producteurs et des PME grossistes, incapables de fournir de grandes quantités sur le long terme.
Monsieur le secrétaire d’État, tout cela va-t-il véritablement répondre aux craintes et aux attentes que nombre d’entre nous, sur toutes les travées, ont exprimées pour venir en aide à cette multitude de petits producteurs, qui se battent avec passion, comme nous le savons, pour une production agricole et alimentaire de qualité ?
Le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche que nous avons récemment adopté prévoit justement de réaffirmer ce lien entre les productions agricoles et l’alimentation de qualité.
Enfin, cela remet en cause les principes qui présidaient à la création des périmètres des MIN, à savoir éviter, dans les centres-villes, les nuisances liées au commerce de gros de produits frais, telles que les nuisances environnementales, les nuisances sonores, les risques sanitaires. Or, ces problèmes urbains sont toujours d’actualité.
On nous parle d’ouverture à la concurrence ou de monopole des MIN, mais les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le modèle du MIN, dans le secteur des fruits et légumes, ce sont 700 grossistes, 1 300 PME, 4 400 producteurs et 4 000 références. C’est un modèle apprécié par tous les producteurs, restaurants, collectivités ou magasins. Qui ne connaît pas quelqu’un qui va tôt le matin chercher à Rungis les produits du jour ?
En revanche, le modèle des grandes centrales d’achat, ce ne sont que 200 producteurs et 350 références ; c’est moins de concurrence, moins de diversité, moins de chances pour nos producteurs.
Je souhaiterais simplement ajouter, dans le temps de parole qui m’est imparti et que j’ai déjà dépassé, que l’amendement qui a été signé par nombre de mes collègues et moi-même vise à proposer le retour à la version de l’article 11 que vous avez présentée, monsieur le secrétaire d’État.
Nous souhaitons que cet amendement soit adopté, car le texte initial était le fruit d’une collaboration concertée de toutes les parties. Les pouvoirs publics se posent depuis des dizaines d’années la question du rééquilibrage des relations entre producteurs et distributeurs. Dans le domaine si sensible des produits frais, il reste une filière avec des acteurs respectueux de la qualité, qui laissent toute leur place aux producteurs, y compris aux petits.
Pourquoi affaiblir ce système des MIN et des grossistes au profit du modèle des grandes centrales d’achat ?
Il appartient désormais à notre Haute Assemblée de protéger et de maintenir l’excellence de ces structures, qui sont un modèle que le monde entier nous envie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi a le grave inconvénient de priver les chambres de commerce et d’industrie de l’Essonne et de la Seine-et-Marne de leur statut d’établissement public, ce qui n’est pas acceptable.
Mme Nicole Bricq. Très bien, monsieur Dassault ! Continuez !
M. Serge Dassault. Les chambres de commerce et d’industrie de l’Essonne et de la Seine-et-Marne font un travail remarquable. Il faut préserver cette efficacité, qui ne doit pas être noyée dans une organisation centralisée.
En effet, si elles perdent leur personnalité juridique, les conséquences seront désastreuses. Ce serait la transformation immédiate du rôle de l’assemblée générale, qui ne serait plus une instance délibérante et décisionnelle. Ce serait une atteinte à la démocratie économique locale, une démotivation des élus, un éloignement de la prise de décision entre l’organe de pouvoir et l’organe exécutant.
De plus, l’action territoriale sera limitée et les avis émis au niveau local dépendront nécessairement d’un arbitrage régional trop éloigné des réalités du terrain. Cela sera d’autant plus marqué que les intérêts divergent fortement entre, d’un côté, une petite couronne très urbanisée avec un tissu économique et social dense et, de l’autre côté, une grande couronne aux préoccupations à la fois rurales, sociales et industrielles, ce qui n’a rien à voir.
Il faut aussi parler du pôle d’Orly,…
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme Nicole Bricq. Non, c’est M. Dassault qui soutient la gauche !
M. Serge Dassault. … du financement du STIF, qui demeurent des problèmes majeurs en termes d’aménagement du territoire.
Selon les nouvelles mesures prévues par le projet de loi, les chambres de commerce et d’industrie dépourvues de personnalité morale seront dans l’impossibilité de percevoir directement des ressources propres provenant de subventions ou de la vente de prestations.
Il faut ajouter qu’il y aura une disparition du lien partenarial et du rôle d’intermédiation avec les départements limitrophes : abandon de la ruralité, perte de la cohésion territoriale, difficultés d’accéder aux ressources franciliennes.
De surcroît, les chambres de commerce et d’industrie de l’Essonne et de la Seine-et-Marne ne seront plus capables de contractualiser librement, localement avec les partenaires et les collectivités de leur département.
Pour toutes ces raisons, je soutiendrai totalement l’amendement de notre collègue M. Houel, sénateur de la Seine-et-Marne. Cet amendement correspond exactement à nos attentes, car il donne la possibilité aux chambres de commerce et d’industrie de l’Essonne et de la Seine-et-Marne de conserver leur statut juridique d’établissement public et donc de disposer entièrement de leurs capacités d’action locale. Je souligne d'ailleurs, en ce qui concerne la CCI de l’Essonne, le travail remarquable accompli par son président, Gérard Huot.
M. Bernard Vera. C’est vrai !
M. Serge Dassault. Même la confédération générale des PME de l’Essonne, représentée par Olivier Boudon, le MEDEF de l’Essonne, représenté par Thomas Chaudron, et le Centre des jeunes dirigeants de l’Essonne sont fortement opposés à ce projet de réorganisation et de mise sous tutelle de notre chambre de commerce et d’industrie. Car, pour leur développement, les entreprises locales ont besoin de relais qui soient capables de faire entendre leurs préoccupations.
Depuis de nombreuses années, notre département est un exemple de collaboration entre l’ensemble des acteurs économiques locaux, qui travaillent en bonne intelligence dans l’intérêt des entreprises du département. Nous ne pouvons pas accepter le retour en arrière qui consisterait à nous supprimer la liberté totale du développement économique.